Carnet de voyage

Bretagne - Breizh

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Par FannyP
J'aime la Bretagne, j'y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j'entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture. PAUL GAUGUIN
Juillet 2017
6 jours
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Des clochers sont nichés dans cette forêt sombre. Ils font partie des légendes de ce bois mystérieux. Leurs vitraux nous content les histoires que les gens du pays se racontent de père en fils au coin du feu. Plongeons dans ce mystère comme des enfants à la quête d'un trésor qui porte ici le nom de graal.

Avant de nous aventurer dans les profondeurs de cette forêt qui nous promettait bien des mystères, nous sommes passés par une initiation. Écoutant les légendes de Morgane et de Merlin l’Enchanteur nous rêvions déjà d’une forêt imaginaire avant même de s’y perdre. A la quête du Graal, nous étions décidés à marcher dans les pas du Roi Arthur. Puis nous avons pris nos bâtons et nos sac-à-dos. Nous avons marché, marché, marché. Sur des sentiers ouverts entre des arbres qui dégageaient trop l’horizon pour laisser place à l’imaginaire. Pas de racines maléfiques sur notre passage. Pas d’arbres centenaires dont les traits ressembleraient au visage d'un vieillard. Pas de Morgane. Pas de Merlin. Tête baissée nous sommes revenus sur nos pas. Et je me suis rappelée les paroles de cet homme qui connaissait bien cette forêt. « Prenez le temps d’ouvrir les yeux. Prenez le temps de vous arrêter devant l’arbre le plus banal que vous voyez. Prenez le temps. Et chercher cet arbre qui vous ressemble. Ce ne sera pas le premier. Ni le deuxième. Prenez le temps de le trouver. » Alors à tous ceux qui s’abandonneront dans cet imaginaire j’aimerais vous dire à nouveau les paroles de ce vieux breton qui avait bien raison : Prenez le temps de trouver votre forêt pour y lire les rêves et les légendes qui sont les vôtres.

Sur notre route pour le sud, nous sommes tombés sur un village au charme incontournable. Emerveillés par la douceur de vivre qui y règne, nous y avons fait une halte dans ce hameau classé "plus beaux villages de France". Au son d'une harpe, nous avons déambulé entre murs anciens et hortensias en fleurs.

Rochefort-en-terre 
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De passage dans cette ancienne ville aux colombages colorés un quatorze juillet, nous avons remonté le temps pour revenir quelques décennies plus tôt. Chacun avait sorti pour l’occasion d’une fête les plus beaux costumes d’époques. Nous promenant entre une infirmière d’après-guerre et un menuisier nous avons profité d’un feu d’artifice grandiose sur un fond musical nous contant la ville. Le vieux port, la vieille ville, les remparts, tous les murs semblaient s’ouvrir pour nous raconter une histoire que les vannais portent fièrement dans leur mémoire.

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Ils se dressent fièrement, debout depuis combien de siècles ? Ces imposants mégalithes semblent avoir traversé le temps, traversé les vents sans avoir pris une ride. En marchant entre ces pierres, on se questionne. Quel sens ? Que font ces pierres debout ici et là, à travers champs ? Mais en prenant un peu de hauteur, on voit des lignes se dessiner. Non, rien n’a été fait par hasard. Un espace qui sépare le monde materiel du monde spirituel. Et déambulant entre ces pierres, en quittant les sentiers touristiques pour trouver des alignements de mégalithes plus sauvages au cœur des forêts, j’y ai vu l’inlassable quête de l’homme de maîtriser le temps. En dressant ces rochers imposants qu’aucun homme, aucun vent et aucune marée ne peut faire tomber, on a créé l’immortel pour affronter ou mieux vivre une vie qui aura fatalement une fin.

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Une langue de terre retient ce petit territoire à la mer. A peine l’espace d’une route et d’un chemin de fer pour permettre à l’homme d’habiter ce petit paradis de plages et de roche. L’endroit idéal pour se reposer hors de la vie trépidante qui nous emporte dans son tourbillon. On y entend le bruit des mouettes et des vagues qui viennent se jeter sur les côtes. Au loin, des bateaux colorés reposent aussi. Seuls sur cette plage, nous nous sommes tus pour écouter ce doux silence.

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Sur cette terre qui se jette dans l’océan, sur ces rochers aiguisés, sur ces falaises abruptes où les vents sont rois, j’ai perdu le nord. Plongé dans les embruns, l’horizon s’ouvre ici et se ferme là. La brume vient effacer la côte puis laisse apparaître un voilier au loin. Il m’a suffi de quelques minutes dans ce paysage endormi pour en voir mille se dessiner et s’effacer devant mes yeux hagards.

Dans cette danse avec le soleil et les nuages, j’ai vu plus de nuances de gris qu’il n’y aurait de mots pour les décrire. Après avoir perdu mes repères, j’ai perdu mon langage. Ayant tout perdu, je n’avais plus rien à perdre. Et c’est à ce moment précis que, balancé par le vent, j’ai trouvé l’équilibre. Un équilibre fragile. Cet équilibre qui nous donne l’envie de prendre le large. Partir sans savoir où l’on va. Partir pour trouver dans la perte de repères cet équilibre fragile qu’à ce moment-là, je n’ai pu nommer.

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Le Finistère y porte si bien son nom: là où la terre se termine. Là où la terre se jette dans l’océan et où l’océan vient se jeter sur la terre. Là où les falaises nous font dominer l’horizon. On y verrait les Etats-Unis au loin. Là où les vents se croisent et se mélangent. Là où les cotes sont si abruptes que des ilots secrets naturels se sont créés. Des criques paradisiaques que nous trouvons après une petite marche ou un peu d’escalade. Des criques où l’eau claire laisse apparaître le brun des algues et des roches. Des plages de galets blancs qui adoucissent la dureté des roches des falaises. Des points de vue à chaque pas sur le sentier côtier.

Le Finistère. Là où finit la terre. Là où commence l’imaginaire.

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« Rappelle-toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là. Et tu marchais souriante, épanouie, ravie, ruisselante sous la pluie. Rappelle-toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest. Et je t’ai croisé rue de Siam, tu souriais et moi je souriais de même. Rappelle-toi Barbara, toi que je ne connaissais pas, toi qui ne me connaissait pas. Rappelle-toi. Rappelle-toi quand même ce jour-là. N’oublie pas. Un homme sous un porche s’abritait et il a crié ton nom : « Barbara ». Et tu as couru vers lui sous la pluie, ruisselante, ravie, épanouie. Et tu t’es jetée dans ces bras. Rappelle-toi cela Barbara. Et ne m’en veux pas si je te tutoie, je dis « tu » à tout ce que j’aime. Même si je ne les ai vu qu’une seule fois. Je dis « tu » à tous ceux qui s’aiment. Même si je ne les connais pas. Rappelle-toi Barbara. N’oublie pas. Cette pluie sage et heureuse sur ton visage heureux, sur cette ville heureuse. Cette pluie sur la mer, sur l’arsenal, sur le bateau d’Ouessan.

Oh Barbara, quelle connerie la guerre. Qu’es-tu devenue maintenant sous cette pluie de feu, d’acier, de sang. Et celui qui te serrait dans ses bras amoureusement est-il mort ? Disparu ? Ou bien encore vivant. Oh Barbara, il pleut sans cesse sur Brest comme il pleuvait avant mais ce n’est plus pareil et tout abîmé. C’est une pluie de deuil, terrible et désolée. Ce n’est même plus l’orage de fer, d’acier, de sang. Tout simplement des nuages qui crèvent comme des chiens, des chiens qui disparaissent au fil de l’eau et vont pourrir au loin, Au loin, très loin de Brest dont il ne reste rien. » Jacques Prévert, Paroles, 1946


Rien, il ne reste rien.

Rien des rues bruyantes où l’on célébrait le retour des marins. Rien des enfants qui couraient sur le port agité par un commerce florissant. Rien de ce que les hommes avaient soigneusement bâti. Rien de cette ville construite par les siècles. Une nouvelle histoire était à écrire à partir de ce rien. Alors dans la précipitation, dans le béton, dans des lignes droites, une ville fantôme a été construite. Des parcs, un port de plaisance, des allées lumineuses, il fallait bien que cette ville soit habitée.

Alors du vieux Brest, des murs qui portaient la mémoire il ne reste rien. Rien ? Rien que cette rue sans toits aux murs éventrés. Comme un îlot de mémoire debout malgré la violence d’une guerre qui voulait tirer un trait sur le passé. Une Histoire qui se reconstruit là. A partir de là. Du neuf mêlé à l’ancien. Du neuf qui imite l’inachevé, la construction permanente. Du neuf qui crée de nouveaux espaces pour réinventer la ville. Pour donner à ses enfants, sinon la mémoire, l’espoir.

R E C O N S T R U I R E


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Dans ces falaises taillées par le vent, il y a ces roches rosées aux contours adoucis. Immenses et d’un seul tenant, ces roches ont chacune leur propre forme. Et chacun y verra un nuage, un animal, une créature. Chacun y vivra son histoire, porté par l’air marin qui nous enveloppe.

Au pays des Hortensias, nous avons trouvé à Perros-Guirec sa capitale. Aucune nuance de bleu ou de rose n’est oubliée. Trônant fièrement à l’entrée des villas, se cachant dans le jardin secret d’une chaumière ou cherchant une place à l’orée d’une forêt dense, ils sont ici chez eux. Leur parfum se mélange au sel de l’océan pour emmener nos sens dans un tendre inconnu.

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