Bonheur intense. Des années que nous étions attendus, des mois que nous y pensions. Anaïs que nous avions rencontré lors de nos années Rennaises et avec qui nous avions fait les 400 cents coup du Naturaliste un peu partout en France, nous accueille ici chez elle. Avec Jérôme et les enfants nous allons partager un peu de leur vie en tribu mais aussi tous les petits secrets de cette prodigieuse nature (un autre bulletin ici).
Anouk et Titouan ont aussi des noms en Djehu la langue parlée à Lifu, Anouk s'appelle Ticana (prononcée Tichana) ou titi, et Titouan s'appelle Ewé.
Après les embrassades, nous réorganisons les sacs pour...partir en croisière. Jérôme en navigateur aguerri par des années de convoyages et de régates, sera notre capitaine pour quelques jours, secondé par Naïs. Wapica (prononcé Wapicha) la voisine de Lifu nous accompagne sur le bateau, nous la retrouverons dans quelques semaines, probablement pour de nombreux échanges encore.
La dépression tropicale qui s'amène par le Nord nous contraint dans nos choix. Nous partons donc pour 4 jours dans le lagon à l'Ouest de la Grande Terre, où plusieurs baies vont pouvoir nous abritées pour les nuits en mer. Malgré tout les "petites" vagues de travers avant rendent cette première journée quelque peu vaseuse pour certains...
Départ en fin d'après midi : La première soirée se passe plus tranquillement même si les lignes ne rapportent rien : la peau du poulet au bout des hameçons disparaît mystérieusement mais aucune touche sérieuse... Le ciel est extraordinaire : la croix du Sud et le centaure, des constellations inconnues pour nous dans l'hémisphère Nord. Dans la nuit le bateau dérive et oblige Anaïs et Jérôme à manœuvrer pour se replacer et dérouler davantage de chaîne.
Le deuxième jour de "nav" se déroule tranquillou avec pas mal de vagues au niveau de la passe de Uitoé , là où la houle du large pénètre dans le lagon. A l'entrée de la baie qui nous accueillera pour la nuit, un groupe de 4 dauphins vient s'amuser dans l'étrave du bateau : bonheur intense, les enfants sont aux anges et Bastien, le découvreur est très fier.
C'est lui qui entame le 3ème jour à la barre. Nous longeons la côte formée de collines recouvertes d'une végétation assez rase. C'est ce paysage qui inspira Cook, premier découvreur Occidental de l'île, dans le choix du nom Nouvelle Calédonie, la Calédonie étant le nom donné à l’Écosse et ses collines de tourbières et de landes.
Nous jetons l'ancre à proximité d'un îlot paradisiaque. Plongée merveilleuse dans le jardin de corail, une jeune tortue verte se laisse poursuivre, un tricot rayé curieux s'avance vers nous. Anouk dans sa sagesse de grande sœur, nous conseille de ne pas trop s'approcher puisque son poison est dangereux (mortel en fait), mais Anaïs nous racontera par la suite qu'il arrive parfois qu'ils viennent voir directement au niveau du masque ou bien nager entre les jambes sans dommage... Je le suis en chasse dans les coraux, ils sont très paisibles.
Ces sont nos premières plongées avec des gens qui connaissent alors nous observons leurs gestes dans cet environnement nouveau : poser les mains sur certains coraux, chatouiller une comatule pour qu'elle ouvre ses bras noirs et jaunes, mais aussi avertir des dangers en montrant le corail de feu dont le contact entraîne une brûlure durant quelques jours, ne pas toucher les épines de cette gigantesque étoile de mer qu'est l'acanthaster... tout un apprentissage baigné de milliers de poissons géniaux aux couleurs souvent somptueuses, aux comportements variés, aux noms fabuleux.
Nous débarquons sur l'îlot et en faisons le tour, le sable est fait de coraux et de coquilles plus ou moins désagrégés, le centre de l'île occupée par une végétation assez dense de bois de fer (filao). Wapica montre quelques plantes à utiliser contre les égratignures. Assez étrangement il faut faire chauffer les feuilles de au feu avant de les appliquées sur la plaie. Un tricot rayé bleu et mort fait le régale des fourmis... Les enfants font le plein de coquillages...
Pour rejoindre notre mouillage nocturne, nous naviguons quelques heures encore au moteur, les vents n'étant pas favorables. Un groupe de dauphins vient nous accompagner quelques instants mais ils ont clairement moins envie de jouer que ceux de la veille : ils sondent souvent et s'approchent du bateau seulement quelques instants, probablement l'heure de manger. Un petit nous gratifie de quelques pirouettes, instants magiques.
L'évolution de la dépression nous force à rentrer une journée plutôt que prévu, les pluies des jours suivants nous permettent d'apprécier la justesse du choix d'Anaïs et Jérôme. Ces 4 jours en mer auront été placées sous le signe d'une météo capricieuse où le capitaine aura passer beaucoup de temps à surveiller Fili ( lorsqu'une dépression tropicale atteint un certain stade elle est nommée). Avant de rentrer nous faisons stop à l'îlot M'Ba, dont certains font le tour (nid de balbuzard tranquilles), quand les enfants jouent dans le sable. La plongée est magnifique : tortue, raie, des étoiles de mer bleu violacée...
Nous voici de retour chez les parents d'Anaïs pour quelques jours. Nous devions nous promener dans le Sud à pied et en voiture, la météo en décide autrement. Fili ayant déversée des trombes d'eau dans le Nord, nous guettons un éventuel classement en niveau 2 qui nous obligerait à rester à la maison. En attendant nous en profitons pour visiter le musée maritime. Les enfants y font des défis de pirates : ils ont été nickels. Nous découvrons les différents types de pirogues avec les influences mélanésiennes et polynésiennes, austronésiennes. Les objets remontés des épaves des bateaux américains de la seconde guerre mondiale pleins de bouteilles de coca ("matériel de guerre indispensable"). Lors de la seconde guerre ils sont plusieurs centaines de milliers (si,si !) à avoir installer des bases arrières sur le Caillou quand la population locale n’excédait pas 50 000 habitants. Les traces de la guerre de 39-45 sont partout dans le pacifique, une guerre mondiale, non ? Nous passons un long moment à suivre les péripéties du voyage de La Pérouse à travers les objets échangés dans tout le Pacifique depuis l'Amérique du Nord et ses pilons pour tailler le bois, des médailles de russie, les porcelaines du comptoir de Macao, les graines de Banksia récoltées à proximité de Botany Bay (Sydney) par les naturalistes de l'expédition. Tout ça récolté dans les récifs coralliens de l'île de Vanikoro (Salomon) où l'Astrolabe et La Boussole ont sombrées.
Un peu d'intendance tout de même... et les devoirs aussi !