De Tende à La Brigue
Le musée ouvre ses portes à 10h ce qui nous laisse l'opportunité d'une grasse mat' jusqu'à au moins... 8h30, wouuuh !
C'est la 1ère fois que nous sommes les premiers devant une porte de musée ! Sylvain nous ouvre les portes et la discussion s'entame directe avec ce piémontais passionné et passionnant, sur la rando, le Piémont, l'accueil italien, les vallées et l'histoire chaotique de la frontière pour les États et la façon des locaux de s'en accommoder pour passer outre ! On parle nourriture, langue, coutumes et survie dans ces territoires rugueux.
On parle aussi de cette différence de perception des choses par les peuples des deux côtés : les Piémontais perçoivent Le Parc (Mercantour et Alpi Maritime) comme une aubaine et une source d'attractivité, les Français, comme souvent, sont plus critiques et réfractaires, craignant que la mise en valeur de l'espace naturel ne contrecarre les élans spéculatifs et commerciaux ! C'est un rapport à la nature complètement différent, les uns composant avec, les autres voulant à tout prix la dompter. La discussion est passionnante puis nous prenons enfin le temps de suivre le parcours de ce musée que la Conseil Départemental offre aux visiteurs... eh oui, c'est gratuit ! Les expos sont extras et permettent réellement de mieux appréhender les gravures protohistoriques de la Vallée des Merveilles mais aussi des éléments de contexte comme l'évolution de l'homme ou une comparaison des gravures dans les autres pays du monde. On vous laisse visiter... certaines pièces sont des copies et certaines des originaux qui ont été découpés et déplacés par hélicoptère pour les protéger des graffitis des gens stupides !
La Vallée des Merveilles est au pied du Mont Bego, enneigé 6 mois par an, et on imagine la démarche symbolique de ces hommes qui viennent graver sur des grandes dalles ouvertes vers le ciel par pression-rotation à l'aide de pointes de quartz pour former des séries de points qui côte à côte forment des représentations. Plus de 40 000 sur le site que les spécialistes pensent être une forme de communication vers le Divin.
Essayez un jour de dessiner ne serait-ce qu'un simple trou sur un caillou avec la pointe tungstène de votre bâton de marche et vous envisagerez ces dessins sous un autre angle !
Et le symbole du Parc et du musée est tout trouvé dans le choix du "sorcier" qui a vraiment une tronche d'enfer !
Le musée explicite aussi les enjeux locaux complexes des frontaliers et c'est vraiment intéressant.
Et puis c'est l'occasion de faire la promotion de la Charente, en parlant de notre ami Xavier et de ses Aurochs car les représentations des "cornus" sont importantes dans le parc (à quand du pâté d'Aurochs dans la petite boutique ? 😉).
La seconde partie du musée est consacrée à la découverte dans le Parc du Mercantour, d'une immense construction gauloise destinée à des banquets et symbole d'une ingénierie et d'une forme d'aristocratie inédites dans le monde gaulois. Nous n'avons donc pas manqué de parler de Coriobona, le village d'Esse et de son travail de reconstitution d'un oppidum gaulois.
Nous quittons le musée totalement enchantés par notre visite et par l'accueil adorable de l'équipe. Merci à vous et nous ne pouvons que recommander la visite jumelée du musée et de la vallée. Nous pensions y passer une heure... nous sortons à 13h.
Et nous voilà à flâner dans le village de Tende, à découvrir ses méandres, ses escaliers, ses ruelles, ses portes et ses surprises... ici, une quasi centenaire a aménagé dans la maison de ses grands-parents un musée digne des arts et traditions populaires de la Vallée de la Roya. On y découvre des outils, une cuisine et une chambre reconstituées... là, un autre personnage truculent, ancien caissier au Casino de Monaco a accumulé des collections de tous types, outils, téléphones, machines à coudre, boîtes anciennes, sulfateuses... de tout ! Et il est très drôle !
D'ailleurs si quelqu'un sait à quoi sert cet outil... lui même ne sait pas !
En 1h30, nous avons parcouru... 600m !
Non non, pas en D+... wahou... notre record ! Nous passons le pont et découvrons une partie des dégâts de la tempête et c'est le moment de vous en parler un peu. Parce que nous, Charentais, qui avons subi la grande tempête de 1999, on le sait bien... les tempêtes, quand on les voit à la TV, on ne se rend pas bien compte, mais quand on est dedans...
LA tempête, c'est Alex, qui se forme en Bretagne le 30 septembre avec des rafales à plus de 180km/h et déferle sur le Sud-Est le 2 octobre 2020. Des pluies diluviennes (il tombe plus de 500mm d'eau en 24h sur St Martin Vésubie et 630mm dans Le Piémont à Sambughetto !) chargent la montagne d'eau. Les rivières Vésubie et Roya se gonflent et détruisent tout sur leur passage, routes, ponts, bâtiments, deux cimetières (150 corps emportés ! ) et même le Parc Alpha qui enferme des loups (ils courent toujours, mais sont castrés !). Pour ceux qui veulent voir les dégâts en quelques minutes, taper sur votre moteur de recherche favori et vous trouvez des reportages aux images impressionnantes !
Les stigmates sont partout, des pans entiers de routes, de montagnes, des ponts sont effondrés, des maisons sont arrachées et la petite rivière transparente s'est transformée en une immense autoroute de gravats. On dénombrera 18 morts et 12 disparus. Des groupes électrogènes d'EDF sont encore présents et des vallées encore fermées. Le village de Casterino est encore enclavé et la route qui mène à Tende n'a été réouverte que... lundi dernier ! Le tunnel n'a subi qu'une dégradation de son accès bien vite réparé mais les habituels conflits frontaliers ne manquent pas... "vous n'avez pas laissé passer nos camions... on ne réouvrira pas le tunnel... NA !", des gamineries politiques... du coup, il a fallu pendant des mois, des autorisations spéciales pour emprunter la piste des 46 lacets ou une piste de 4x4 qui rallonge sacrément les parcours. Bref, le traumatisme est important et a marqué les habitants qui, en plus de la crise sanitaire ont eu à subir la fermeture des vallées. Tout est à reconstruire dans cette vallée pourtant extraordinaire !
Après un parcours de 7.9km en 2h58 (ah ouais... on bat vraiment des records... on n'a pas mis la montre sur pause ! ), 243D+ et 282D-, nous décrétons qu'à 17h, il est inutile de continuer et nous nous posons au camping du joli village de La Brigue. En effet par rapport à notre programme initial, où il nous manquait 2 jours pour arriver à la mer, il s'avère que nous avons 4 jours d'avance, ce qui nous laisse des marges de manœuvre.
Donc... on prend le temps !