De Ibon d'Eriste à la Cabane d'Anglios
Réveil à 4h30 donc. Et quand vous avez fait une quasi nuit blanche à cause du vent et de la fatigue, vous avez sûrement envie de dire, mais pourquoi ? Vous allez comprendre...
Nous savons que le soleil se lève à 6h52, et que la lune est à pleine moins 2 quartiers, sans nuages, donc la visibilité devrait être bonne. Ce qui tombe bien car nous avons un col pierreux à passer. Le temps de tout plier, nous partons à 5h20 sous une lune resplendissante qui fait ressortir les marques blanches et rouges du GR11 que nous suivons. C'est drôle de faire une photo d'ombre de lune !
En vrai, être à l'affût de la moindre trace, du moindre cairn n'est pas si simple et demande une concentration déjà épuisante en plein jour, mais en pleine nuit... pour des gens qui n'ont que si peu dormi, c'est usant. Surtout qu'Amanda est inquiète car elle ressent une vive douleur depuis hier dans la cuisse.
L'occasion de rappeler ici à tous que c'est très chouette de faire des monticules de pierres partout pour marquer son empreinte, mais le cairn, surtout en montagne, avant d'être une œuvre d'art est d'abord une balise, la marque d'un sentier, un point de repère en qui on peut avoir confiance.
Une fois passé ce Collado dela Plana, notre objectif est de descendre jusqu'à la route de Benasque, sur le parking de la Senarta, point de départ de nombreuses randos, en particulier pour faire le tour de l'Aneto. Et la descente n'arrange rien à la cuisse de la belle.
Mais La Senarta, c'est aussi le point de départ d'un bus qui remonte les 9km de piste imbuvable en 40 minutes vous évitant 3 heures d'ascension aussi inutile que désagréabe. Nous avions déjà utilisé ses services sur le GR11, par hasard, mais maintenant qu'on sait... pas fous ! Et nos heures de réveil et de délais de marche étaient calculés pour le bus de 11h15.
Figurez-vous qu'à 11h15 précise le dit-bus arrive, annonçant qu'il vient de coincer une énorme pierre entre les deux pneus de son essieu arrière et que le risque d'éclatement ne lui permet pas de remonter avec ce véhicule... dire qu'on s'est levés si tôt pour être à l'heure ! En attendant, c'est massage de cuisse, bandage et on nous prête même une bombe magique "articular et muscular" plutôt efficace selon la patiente !
Le bus est vite remplacé par un autre et le chauffeur fait la démonstration de tout son talent sur ce chemin qui, sous les cris d'angoisse de l'une des passagères, frise plusieurs fois le vide... ce qui ne manque pas de faire rire le chauffeur. Entendons nous, ce n'est pas un minibus, mais bien un 30 places, qu'il manie avec une dextérité de dingue, ralentissant pour les passages de ruisseaux, jonglant entre les commandes pour provoquer les changements manuels de vitesse ou changer les hauteurs de suspension dans les zones chaotiques. C'est... wahou, faut le vivre ! Et il est très utilisé ce bus puisqu'au bout du chemin, une vingtaine de personnes attendent. Avec l'aide de ces bus, une ronde est ainsi organisée pour permettre de faire le Tour de l'Aneto entre les vallées de Benasque et de Vallbierna.
Une fois déposés à la Cabane de Coronas, le terminus, il est temps d'attaquer la montée jusqu'au Refuge du Cap de Llauset. C'est pour pour le cuissot d'Amanda ça ! Et la franchement on a du bol parce que le soleil de plomb est vite caché par des nuages qui rendent l'ascension des 780D+ dans la caillasse moins lourde.
Ce refuge est une soucoupe volante de métal posée au milieu de la montagne, l'un de ces refuges dernier cri, toutes options, avec les douches dans les chambres. Nous on veut juste y boire et y manger et comme on est en Espagne... c'est pas l'heure, mais no problemo, fais péter le plateau combinado Botifarra... en gros, des patates, une saucisse et des œufs pour requinquer son bonhomme ! On repart plein d'énergie et on a même eu le droit au Wifi à 2429m pour publier les dernières étapes. Ils sont forts !
Les gens affluent dans le refuge, nous fuyons. Un dernier col, sous les gouttes (mais d'où sortent-elles donc ces coquines qui n'étaient pas prévues ?) et nous voilà ce soir les seuls occupants de la Cabane d'Anglios toute mimi près de son lac. Nous sommes rincés par la journée. Un dernier massage de cuissot et au dodo, la première fois aussi tôt !
Nous venons de traverser en express le magnifique parc de Posets-Maladeta et toute la journée, nous avons senti une énergie folle nous pousser malgré la fatigue, les angoisses et les coups de mou, et avons apprécié chaque instant en remerciant l´Univers d'être si clément avec nous, et de poser les bonnes choses et les bonnes personnes aux bons moments. Merci !
24,36km en 10h48, 1284D+, 2069D-