Aujourd’hui, nous avons foulé les terres du mythique Cap Horn ! Cela restera indéniablement un moment fort de ce tour du monde, d’autant plus que nous ne l’avions pas coché sur notre parcours initial.
Déjà réveillés depuis quelques temps pour profiter des paysages, en cette première matinée sur le navire, nous nous extirpons enfin de nos lits lorsque nous entendons, à 6h30, et directement dans notre chambre, la voix d’un membre de l’équipage nous invitant, une demi-heure plus tard, à nous regrouper, au salon Charles Darwin, pour prendre, par petits groupes, des zodiacs en vue de d'accoster sur l’île du Cap Horn.
Inutile de dire que nous obtempérons immédiatement et que personne ne manque à l’appel à 7 heures du matin ! C’est, donc, par petits groupes de 16 que nous embarquons, sous un temps magnifique, dans un des 6 zodiacs, non sans avoir enfilé, au préalable, nos gilets de sauvetage et, déposé, chacun, un porte-clés au numéro de notre chambre afin que l’équipage puisse bien contrôler qui est encore sur le navire.
Nous n’avons que 300 mètres à parcourir à bord du zodiac pour, enfin, arriver et poser nos pieds sur cette île dont le seul nom fait rêver ! L’origine du nom est, d’ailleurs, néerlandaise (« Kaap Hoorn »), le cap ayant été baptisé ainsi en l’honneur de la ville de Hoorn, au Pays-Bas, par le marchand hollandais Jacob Le Maire, accompagné du navigateur Willem Shouten, qui doublent la pointe extrême de l'Amérique le 31 janvier 1616.
Le cap Horn lui-même est une falaise haute de 425 m, situé sur une île longue de 6 km et large de 2 km. Nous y débarquons et montons des escaliers assez raides pour nous hisser en haut de la falaise.
La météo commencera, à cet instant, à se gâcher mais cela ne durera vraiment pas. Et puis, finalement, cela n’a fait, pour quelques minutes, que nous faire revivre les heures sombres de ce lieu emprunt de mystères. En effet, pendant de nombreuses années, il a été un point de passage crucial des routes commerciales entre l’Europe et l’Asie. Elles étaient empruntées par les voiliers pour transporter les marchandises tout autour du globe, et ce bien que les eaux océaniques autour du cap présentent de nombreux dangers : tempêtes fortes et fréquentes avec une mer très grosse, courant circumpolaire antarctique et présence possible d’icebergs voire de vagues scélérates. Ces dangers et l’extrême difficulté de son franchissement ont donné au cap Horn son caractère légendaire, mais aussi la réputation d’être un cimetière marin. Il est parfois surnommé le « cap dur », le « cap redouté » ou le « cap des tempêtes ».
Mais, nous ne connaîtrons pas de tempête car, rapidement, le soleil refait son apparition et offre à notre vue une île verte, sans arbre certes, mais riche de plantes qui profitent des fortes précipitations annuelles.
Pour ne pas abîmer cette superbe nature, nous empruntons des passerelles et nous dirigeons, dans un premier temps, vers le monument-mémorial érigé en hommage aux cap-horniers, c’est à dire aux marins ayant franchi, un jour, le cap le plus au sud du monde. Il dessine la silhouette d’un albatros, oiseau ayant la plus grande envergure au monde lorsque ses ailes sont totalement déployées (3 à 4 mètres au max.)
Puis, nous rebroussons chemin avec, en perspective, notre deuxième « destination » : le phare. Le cap fait partie des eaux territoriales du Chili, et la marine chilienne y maintient une station, comprenant une résidence et un bâtiment technique, une chapelle, et, donc, un phare, encore habité aujourd’hui par le gardien, sa femme et ses 2 fils. Nous avons d’ailleurs l’occasion de les rencontrer. Ils se montrent très disponibles et ne sont pas avares de commentaires et d’anecdotes.
Si nous ne nous mêlons pas aux discussions - nous ne maîtrisons pas suffisamment l’espagnol -, Papa sympathise beaucoup plus avec le « chien le plus austral du monde ».
Nous avons largement le temps de visiter les lieux mais, aussi, de nous imprégner de cette atmosphère si particulière. On essaie véritablement de graver chaque seconde dans nos mémoires, de profiter pleinement de ce moment si exceptionnel et de bien mesurer la chance que nous avons d’être en ce point si reculé de notre globe. Malheureusement, tout a une fin et il nous faut regagner le navire, toujours avec l’aide des zodiacs.
Nous sortons de ces embarcations pneumatiques grâce à la technique plusieurs fois expliquée par les membres de l’équipage : celle du « tcha-tcha-tcha » ! Il s’agit de poser un pied après l’autre sur des emplacements précis du zodiac afin de ne pas se déséquilibrer et tomber à l’eau.
Remontés sur le Ventus Australis, nous remettons nos porte-clés sur nos gilets de sauvetage, filons dans notre chambre les déposer dans un placard et descendons au restaurant pour prendre le petit-déjeuner présenté sous forme de copieux buffet. Seules les boissons nous sont servies directement à table.
Après le petit déjeuner, nous sommes invités, par petits groupes, à visiter « la passerelle » (autrement dit, le poste de pilotage du Commandant) en présence de celui-ci et d’une bonne partie de son équipe. Un membre de l’équipage nous donne de nombreuses explications sur le fonctionnement du navire, le rôle de certains appareils, l’importance et la signification de certains drapeaux, et nous montre la carte de navigation utilisée par le Commandant pour notre trajet. Celle-ci sera d’ailleurs soumise à une vente aux enchères à la fin de la croisière, le montant servant de pourboire à l’ensemble de l’équipage.
À l’issue, nous sommes conviés au salon Darwin afin que nous soit présenté le déroulé de l’excursion de l’après-midi qui doit nous amener sur l’île de Navarino dans la baie Wulaia, où nous devrions faire une petite randonnée. En fait, il y a 3 types de balades en fonction de ce qu’on souhaite faire et de notre état physique. Bien entendu, avec Papa, nous choisissons la plus dure car elle permet d’aboutir à un superbe point de vue. Maman prend, quant à elle, le niveau intermédiaire qui doit déboucher sur un mirador offrant déjà de belles perspectives sur l’île et ses alentours.
Mais, avant cette excursion prévue en milieu de journée, il est projeté un documentaire en anglais sur l’expédition d’Ernest Shackleton au début du XXe siècle. Cette histoire a littéralement impressionné et ému Papa qui compte bien, à son retour en France, s’intéresser de plus près à cette incroyable aventure humaine.
Après le déjeuner servi à 13 heures, il est temps, selon la même méthode que pour le Cap Horn, de monter dans les zodiacs et de se rendre sur l’île Navarino. L'île fut nommée ainsi par le capitaine Robert Fitzroy, qui dirigeait le second voyage d’exploration scientifique du HMS Beagle (1831-1836), à la mémoire de la victoire de la flotte franco-russo-britannique contre la flotte ottomane, le 20 octobre 1827, lors de la bataille de Navarin. À bord se trouvait Charles Darwin qui fut extrêmement surpris de découvrir dans quel dénuement vivaient les Yagans, totalement nus et se couvrant et se protégeant le corps grâce à la peau ou la graisse d’un animal - souvent des lions de mer - afin de lutter contre le froid. Les amérindiens Yagans furent, en effet, le premier peuple à vivre sur l'île.
Nomades et peu nombreux, ils ont pour la plupart disparu à la suite de la colonisation et de l'évangélisation de la Terre de Feu, à partir de 1860. Si l'île a la particularité d'abriter la localité habitée de façon continue, Puerto Toro, et la ville de plus de mille habitants les plus méridionales du monde, Puerto Williams, pour notre part, nous accostons à l’ouest de celle-ci, dans la baie de Wulaia.
Et hop ! Dans le tonneau ! 😀Toujours par petits groupes d’une 20aine, constitués en fonction de la difficulté de la randonnée choisie, nous montons, sous un soleil radieux et à travers la forêt, la montagne qui nous offre, par moments, de belles perspectives sur la baie.
Mais, la vue devient beaucoup plus impressionnante lorsque nous arrivons au 1er mirador - celui que Maman atteint avec son groupe -, puis, au point final de la balade effectuée par Papa et moi (mais qui ne constitue pas pour autant le sommet).
Baie de WulaiaAprès avoir admiré et profité plusieurs minutes de ce beau panorama, il est temps de redescendre de boire un whisky ou chocolat chaud, et de regagner, via les zodiacs, le navire.
Le temps de se mettre à l’aise dans nos cabines et on remonte au salon Darwin afin de nous donner des informations sur les 2 excursions du lendemain.
Puis, la soirée débute tranquillement avec l’apéritif, se poursuit avec le dîner et se termine, enfin, avec quelques digestifs pour Papa avant d’aller nous coucher.