Une des premières étapes de mon voyage en Gaspésie est le Parc National de Gaspésie.
Ce parc est immense ! Rien qu'a partir du moment où j'y entre, j'ai encore 20 min de voiture pour arriver au point d'information.
Mon billet et mon plan en main, j’ai décidé de faire le tour du Mont Albert : 17,4km, 850m de dénivelé pour 6 à 8h de marche. Seulement, il me faudra être rapide. Il est déjà 11h et à l’accueil m'a informé que si je mettais plus de 3h pour monter au sommet, fallait même pas que je tente le tour en entier sinon je reviendrai dans le noir à mes risques et périls.
Pas de soucis, le défi est lancé. Ascension du Mont Albert en moins de 3h, top Chrono !
Le sentier est réputé difficile. Ok je leur accorde, il est difficile !
Après 1km de marche j’arrive à bout de souffle au premier belvédère… Mais c’est quoi ce sentier ?! Je vais mourir. La mort m’appelle. Elle est là, elle m’attend. Plus que 4km… Jamais, impossible… Je continue pourtant, doublant même quelques personnes. Je regarde ma montre, « en moins de 3h », je suis dans les temps.
La montée semble interminable. Monter. Toujours monter. Je m’arrête un moment pour reprendre des forces. Horreur ! Je ne trouve pas mon petit kit de survie : mes sachets de sucrettes. Je vide mon sac. MP3, lunettes de soleil, perche à selfie. Le matos parfait du touriste est bien là mais celui du randonneur demeure aux abonnés absents. J'ai vidé mon sac la veille et je n'ai pas tout remis. Quel idiot ! Je check mes rations : 2 pommes et 2 barres de céréales. Car forcément, je n’ai pas non plus prévu de sandwich. Elle s’annonce difficile cette randonnée. Je me rationne à une demi barre de céréale, et reprend ma route.
Au fil du trajet, mon corps se met en mode économie d’énergie. Mon cerveau ne semble plus irrigué, mon cœur donne tout ce qu’il peut à mes jambes et mes yeux. Peut-être même juste un sur deux pour ces derniers. Je soupçonne mon corps d’avoir compris qu’il n’aurait pas sa barrette de sucre... Je marche tel un robot et pourrais passer près d’un cerf, d’un ours ou d’un éléphant que je ne le remarquerais même pas. Je sens aussi toute la colère qui émane de mes jambes. Elles sont furieuses, suppliant qu’on s’arrête. Mais l’information ne parvient pas jusqu’à mon cerveau. Il est en veille. Je continuerai donc à marcher jusqu’à épuisement
Pas question de monter pour ensuite revenir sur mes pas, je veux faire le tour en entier !
Enfin le sommet est en vue. Défi relevé et avec brio : 2h05 ! Applaudissement, haie d’honneur et tout le tralala ! Joie immense d’être arrivé, et dans les temps en plus. Pas si pire finalement ;)
Malheureusement la vue n’est pas au rendez-vous. Mère Nature fait encore des siennes. Une mer de brume m’obstrue le paysage et fait chuter la températurer. Le vent souffle. Je trouve refuge dans un abri, histoire de reprendre quelques forces. Pour les couleurs d'automne, je repasserai... mais c'est aussi ça l'automne, il n'y a pas que du soleil et des belles couleurs.
La suite de la randonnée se fait par le plateau du mont Albert. Endroit présentement vraiment incroyable ! Le paysage est complètement mystifié par un épais brouillard. La brume humidifie l’air et vent souffle violemment. Je remets une veste et enfile mon coupe-pluie.
J’avance dans le néant, passage d'accès à une autre dimesion. Par temps dégagé on aurait peut-être pu appeler ce plateau « les plaines des joyeux caribous » mais aujourd’hui, je le nommerai « les plaines des âmes en peines vouées à l’errance éternelle. »
Ce voyage hors du commun dans les limbes se transforme en jeu de piste où il faut repérer les monticules de pierres, seuls indicateurs du chemin à prendre. Tout égarement me perdrait dans ce labyrinthe de brume.
Un sentier se dessine finalement devant moi, fait entièrement de rochers et de cailloux. L’escalade est désormais de la partie, éprouvant mon agilité, ma dextérité et mon équilibre. A mesure que je descends, le paysage se dévoile à mes yeux. Impressionnant. Surréaliste. La hauteur des falaises, la couleur des rochers, la timide cascade et la nature, j’ai l’impression d’être entré dans un monde perdu. Un dinosaure pourrait surgir que je n’en serais même pas étonné.
J’apprécie énormément cette partie de la randonnée. La nature est belle. Mais cela me coûte. Si je parcours les quelques premiers kilomètres de ce nouveau monde avec entrain et émerveillement, la fatigue commence bientôt à se faire ressentir. Marcher de roche en roche demande beaucoup de concentration et d'énergie. Pour ajouter à ça, le parcours devient humide, les roches glisses et les quelques parcelles de sentier en terre deviennent boue. Cela en devient presque dangereux. Il faut redoubler de prudence. Malgré tout, je manque pas moins d'une vingtaine de fois de chuter, je ne sortirai pas indemne de ces 17,4km... La mauvaise nuit dernière commence également à se faire ressentir, je suis en train de puiser dans mes dernières forces.
Sur le chemin, je fais un arrêt au Lac du Diable. Puis il y aura la chute du Diable, mais elle sera un peu hors de vue.
Entre les deux, je passe dans une partie de la forêt qui a revêtu ses couleurs automnales.
La chute du Diable, il faut avoir une bonne vue, ou un bon zoom...
La fin du sentier longe la rivière et me laisse apprécier de jolis points de vue.
Fin de la randonnée, ça tombe bien car la nuit tombe. Je suis épuisé mais tellement satisfait de l'avoir fait.