Aujourd'hui, je retourne dans le quartier de Kazimierz et plus particulièrement à la célèbre Usine Schindler.
Connue dans le monde entier pour son apparition dans le film "La Liste de Schindler", l'Usine Oskar Schindler (Muzeum Schindlera) fait partie de l'histoire du pays puisque son propriétaire a déployé toutes ses forces pour sauver le plus grand nombre de vies possible sous l'occupation nazie.
Aujourd'hui, l'usine de Schindler abrite une exposition permanente intitulée "Cracovie sous l'occupation nazie entre 1939 et 1945". L'exposition dévoile l'histoire de la ville depuis la fin de l'année 1939 jusqu'au vent de « liberté » de l'ère communiste.
La visite à travers l'usine présente des expositions, des reconstitutions, des images et des sons capables de faire remonter les visiteurs à l'époque difficile où les Juifs vivaient en Pologne sous l'occupation nazie.
Début de la visite :
On entend des bruits de bombardements, des parois semblables à celle d’un blockhaus révèlent, dans un trou, des accessoires d’époque (uniformes, masques à gaz, armes…)
On se trouve nez-à-nez avec une chenillette TKS, une sorte de minuscule char équipé d’une simple mitraillette et servant essentiellement à la reconnaissance au début de la guerre…
On entre maintenant dans un hall d’immeuble reconstitué. On entend à l’arrière-plan des conversations, celles d’habitants de Cracovie en train de discuter de la situation de la ville après l’invasion allemande. Une boîte aux lettres éclairée révèle des cartes et des lettres envoyées depuis les premiers camps…
Dans le couloir suivant, les drapeaux nazis ont été hissés dans la ville et les murs sont placardés d’affiches, d’annonces (« Obwieszczenie » en polonais, un mot que l’on voit sans cesse revenir) multipliant les interdictions.
Regardez à quel point l’usine d’Oskar Schindler est scénographiée dans les moindres détails : même le sol change d’une salle à l’autre. Ici, nous marchons sur des pavés qui représentent la rue. Il y a même une reconstitution du tramway tel qu’il était à l’époque !
Plus loin, c’est un sol beaucoup plus dérangeant qui a remplacé les pavés…
L’oppression se met en place à Cracovie
Très vite, la ségrégation commence à se mettre en place à Cracovie, on prive les gens de radio et on fait disparaître la presse d’opinion.
Les nazis interrompent les cours de l’université Jagellone de Cracovie. Dans le musée, on entre d’ailleurs dans une salle de cours reconstituée, la salle n°56 du Collegium Novum, où l’on entend des ordres en allemand demandant à tout le monde de sortir. Beaucoup de professeurs ont été arrêtés par la Gestapo le 6 novembre 1939 et déportés… et les Allemands ont commencé à régenter l’éducation à l’université.
Là encore, la scénographie est impressionnante : que ce soit le décor, les accessoires, la sonorisation, le fait de marcher au milieu de cette salle de cours reconstituée, on a l’impression de vivre les événements au lieu d’en être simplement spectateur.
Les repères habituels des habitants se transforment et l’on renomme les lieux familiers, notamment après l’installation du gouverneur général de Pologne Hans Frank (nazi convaincu) au château du Wawel, à Cracovie : d’abord, on renomme ces lieux en allemand, le Rynek Glowny (placé du marché principale de Cracovie) devenant l’Altermarkt ; ensuite… à la gloire d’Adolf Hitler, avec le nom « Adolf Hitler Platz » que l’on découvre sur une pancarte de rue.
Les Juifs sont expulsés du cœur de Cracovie en 1941 et on les autorise à emporter seulement 25kg de bagages. L’oppression s’organise.
On entre dans une allée bordée de cellules de prison.
Elle représente un lieu glaçant où de nombreux résistants ont été torturés jusqu’à la mort : la prison de Montelupich. C’est là que les prisonniers politiques étaient envoyés, entassés dans des cellules infestées par les rats et les poux, mal nourris et n’ayant que de l’eau froide pour maintenir un semblant d’hygiène. Ils finissaient souvent par être fusillés ou déportés dans les camps.
On découvre dans chaque vitrine des instruments de torture et l’horreur vécue par les prisonniers, on entend des cris de souffrance…
Une citation de Hans Frank s’étale ensuite sur un mur nu, crue et cruelle : « Si je devais mettre une affiche à chaque fois que j’assassine sept Polonais, il n’y aurait pas assez de forêts dans le pays pour fournir le papier ».
On se retrouve dans le tramway que l’on avait vu un peu plus tôt dans la première salle. À partir du 20 février 1940, les Juifs n’ont plus le droit d’emprunter les transports sans un permis spécial… et on les entasse dans le ghetto de Podgorze, au sud de Cracovie, à partir de mars 1941.
Plongée dans le ghetto de Cracovie
On découvre ensuite la partie de l’usine d’Oskar Schindler consacré à l’histoire du ghetto de Cracovie.
Les murs du ghetto ressemblant à des pierres tombales juives ont été reconstitués, tandis que le plafond représente des
pierres pour symboliser l’impression d’enfermement qu’ont pu ressentir les personnes prisonnières du ghetto…On ne s’en rend pas compte en regardant les photos mais elles ont été prises dans une semi-pénombre.
Chacune des pierres tombales dévoile des photos du ghetto, de ses habitants, des citations extraites de témoignages… puis l’on se trouve face à de véritables reconstitutions de scènes de vie à l’intérieur du ghetto, où des draps tendus permettaient de se créer un simulacre d’intimité dans des logements surpeuplés. En fond sonore, on entend des prières juives…
Remarquez la dernière photo, la petite Roma Liebling n'a que 5 ans. Sur une des photos présente, Stella Müller, 8 ans, raconte qu’elle a vu des Allemands « s’amuser » à jeter des enfants sur des camions par les fenêtres.
L’usine d’Oskar Schindler retrouve son maître
C’est seulement à ce stade de l’exposition que l’on renoue avec le personnage d’Oskar Schindler.
On découvre la salle où il recevait ses invités, son bureau mais aussi des plats en émail jadis fabriqués par son usine, enfermés dans une sorte de cube de verre… et bien sûr, la liste des noms de ceux qu’il a sauvés.
Ensuite, quelques scène de vie et d'habitats sont reconstitués.
Ensuite, on découvre la reconstitution d’un salon de coiffure avec sa grille tarifaire, son bruit d’eau qui coule, ses conversations…
De la liquidation du ghetto de Cracovie à la fin de la guerre
Les 13 et 14 mars 1943, 2000 Juifs vivants dans le ghetto de Cracovie sont massacrés, ceux qui peuvent travailler sont déportés dans le camp de Plaszow à proximité de la ville.
Le musée Schindler met en scène cette étape dramatique de la guerre en Pologne. Les jeux d’enfant abandonnés, les cris gutturaux qui hurlent, en allemand, de sortir, plus vite. « Schneller ! Raus ! »
Puis c’est le camp de Plaszow… Une salle là encore impressionnante en termes de scénographie puisque cette fois-ci, on marche sur un sol caillouteux tandis que les murs reconstituent la carrière de pierre où travaillaient les prisonniers du camp.
On découvre des barbelés et un engin similaire à ceux qui servaient à transporter les pierres de la carrière.
On découvre les derniers mois de l’Occupation. La guerre touche à sa fin, les chars soviétiques arrivent à Cracovie et l’on se réfugie dans des abris anti-aériens. Toujours avec cette émotion poignante, servie par une scénographie admirable qui donne l’impression de vivre l’instant : on entend les bombes qui éclatent au-dessus de nos têtes, on sent les vibrations…
On marche dans un couloir très sombre au sol mou et quelque peu instable, une belle figuration des perturbations de la guerre… Il débouche sur une pièce très lumineuse, avec des rouleaux qui tournent lentement.
Les murs, comme ces rouleaux, portent des témoignages… dédiés à tous ceux qui ont aidé les persécutés, par de petits ou de grands gestes, qui leur ont témoigné de la gratitude, leur ont insufflé le courage de vivre. Cette pièce, baptisée la « Room of Choices » (la « Salle des Choix »), est une invitation à la réflexion sur le poids de nos décisions. On peut découvrir de nombreux témoignages du peuple de Cracovie… qui nous accompagnent mentalement vers la sortie de l’usine.
Quelques autres photos. ⚠ certaines peuvent choquer
SUr la dernière, Oskar Schindler au milieu de ses ouvriers dans son usine.
Proche de l'usine, se trouve l'un des dernier fragment du mur encore debout.
Ensuite direction Place des héros.
Aujourd'hui renommée en l'honneur des « héros du ghetto », la place Zgody était le cœur du ghetto juif. D'ici, des milliers de juifs partirent à destination de divers camps. Aujourd'hui, la place est décorée par un monument commémoratif réalisé par les architectes cracoviens Piotr Lewicki et Kazimierz Latak, composé de 68 chaises vides qui symbolisent les biens abandonnés par les déportés.
Le bâtiment gris était la porte d'entrée du ghetto
C'est ainsi que se termine mon périple en Pologne, en ce moment (1h10), je suis dans le train direction Bratislava pour 2 à 3 jours.
Rendez vous en Slovaquie.
Vendeur ambulant de bretzel géant et petit plaisir avant mon départ de la Pologne