De Sienne, ville au patrimoine artistique reconnu à Rome, ville mythique pour le pèlerin de la Via Francigena, nous marchons sur les pas de Sigéric de Cantorbéry.
Du 14 au 28 septembre 2022
15 jours
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Tous les chemins mènent à Rome”, une expression qui selon les historiens daterait du XIIe siècle. Évidemment, je ne vous ferai pas l'affront de vous en indiquer la signification. Cependant, je peux simplement vous dire aussi que cette formule, maintes fois usitées, est inspirée des fameuses voies romaines qui étaient construites en étoile autour de Rome pour que toutes les marchandises et autres richesses puissent arriver dans la ville. Mais nous ne sommes pas encore arrivés à Rome et le chemin d'approche devient de plus en plus long depuis Pizay : la ville de Sienne. Aussi nous couperons "la marche d'approche" en deux étapes, la première en voiture de Pizay jusqu'à Nice et le lendemain en train, de Nice à Sienne après quatre changements : Vintimille, Gênes, Pise, Empoli et enfin Sienne.

D'après les prévisions météorologiques, il devrait faire chaud sur le parcours à partir de Sienne, nous serons le mercredi quatorze septembre jour de la Saint Lubin, moine et évêque de Chartres vers 567.

Comme en 2021, Guylaine, Tarchoun et moi-même marcherons sur les pas de Sigéric, archevêque de Canterbury de 989 à 994 après J.C. Il est à l'origine de la plus ancienne description d'un des itinéraires de la Via Francigena.

Il était temps pour moi de reprendre les chemins à pied, de marcher, du matin tôt à la fraiche jusqu'aux premières chaleurs de l'après-midi, ressentir à nouveau les muscles des jambes s'échauffer lentement, de visiter le parcours à chaque instant, de laisser les rêveries et les pensées sur les bords du chemin pour simplement mettre un pied devant l'autre et avancer. Lorsqu'on a gouté et dégusté les longs périples à pied, il me semble impossible de ne pas recommencer sans trop tarder. Très souvent sur une journée de marche, il ne se passe pas grand chose mais chaque instant est précieux et intense car chacun marche vers l'inconnu, vers le nouveau, à la recherche du beau ou du spectacle ordinaire d'une région, d'un village ou simplement d'un chemin fuyant. Mais chaque instant fut-il banal, peut être revisité, magnifié et vécu comme un instant de présence sans chercher à tout contrôler, juste le vivre.

Je peux affirmer sans trop me tromper ou m'avancer que nous devrions avoir sur ce parcours mythique quelques belles surprises. Sans vous en dire plus, des instants incroyables devraient se produire.

Je vous l'ai dit au début de cette petite introduction : Tous les chemins mènent à Rome.

Au Moyen Âge, on attribuait au pèlerin se rendant à Rome le sobriquet de "Romieu", "Roumieu" ou "Romée" et celui de jacquet pour le cheminot se rendant à Saint Jacques de Compostelle. Peu importe le pseudonyme nous marcherons vers Rome. En fait, j'avais écrit "nous marcherons sur Rome" mais cette phrase rappelle tristement le coup de bluff de Mussolini le 28 octobre 1922 lorsque lui et son équipe de chemises noires défilent dans toute l'Italie pour défier le roi Victor Emmanuel III. Donc nous marcherons vers Rome.

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Folle journée où nous enchaînons bus, d'abord un TER de Nice à Vintimille puis un premier train italien, un deuxième, un troisième et enfin un dernier. Au fil des transitions et des changements le confort se dégrade sensiblement. D'abord agglutinés dans le TER français avec les travailleurs niçois pour la plupart travaillant à Monaco puis gelés dans le premier train italien de Vintimille à Gênes à cause d'une climatisation poussée à l'extrême. Nos conditions de voyage se dégradent. Et enfin, pour finir, anesthésiés par la chaleur, rendus sourd et hébétés par le bruit assourdissant et lancinant du wagon vibrant dans le "Pise- Sienne".

Nous arrivons à Sienne, ville du Palio, un peu sonnés. La découverte de notre hébergement nous fait oublier cette journée longue harassante et il faut bien le dire un peu ennuyeuse. Est-ce le prix à payer pour protéger la planète ?

L'autre jour, j'organisais notre retour depuis Rome et je comparais les différents types de trajets pour revenir à Nice. Surprise, en avion coût moyen d'un vol Rome - Nice sans bagage en soute : vingt euros et une heure trente de trajet, en train : soixante-dix euros et neuf heures d'expédition. Sans commentaire.

Je pense qu'il va faire très très chaud dans les années à venir. Il va falloir s'habituer aux aberrations de ce type ou bien agir.

Nous reviendrons en train.

Addicts ! 

Demain premier jour du reste du chemin à parcourir, je laisserai de côté les aberrations anti-écologiques pour me plonger totalement dans le parcours, le paysage, les ressentis et cette envie de marcher.

Coucher de soleil à Sienne
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Date : le 14 septembre 2022

Départ à 6h30 - Arrivée à 14h15

Distance : 28 km

Étape à Ponte d'Arbia (Toscane)

C'est le vrai départ pour la saison 3. Lever à 6h00 les yeux encore endormis mais une vraie envie de démarrer.

Nous laissons notre B&B Villa Fiorita derrière nous, entre chien et loup. Quelques pas sur la rue déjà bruyante, nous faisons notre première pause petit-déjeuner dans un bar tout proche de notre premier hôte. Capuccino, croissants et pains au chocolat viennent délicieusement nous donner la pêche pour ce premier jour. Ce matin, le ciel couvert ne paraît pas menaçant mais il règne une atmosphère humide et chaude. Peut-être de la pluie dans la journée.

Première étape, rejoindre la piazza Del Campo à 1.4 kilomètres de notre hôtel.

Les rues de Sienne, un peu désertes, contrastent avec l'ambiance surchauffée et animée d'hier soir.

Ce matin à sept heures

Nous sortons rapidement de cette ville historique où hier des jeunes hommes s'entraînaient à lancer le drapeau symbole de leur quartier pour la grande "teuf" estivale de l'année prochaine.

La trace suit une campagne grisonnante et sans relief. Les blés moissonnés laissent les champs nus d'une terre grise toujours fertile et sèche se confondant avec le ciel capricieux du jour.

Ciao Sienne ! 

A peine trente minutes de marche, nous voilà dans un décor certes menaçant, orageux mais toujours aussi beau, laissant apparaître des collines d'oliviers bien alignés, de cyprès toscans toujours aussi majestueux et des fermes massives faisant penser aux forteresses médiévales.

La Toscane majestueuse 

Nous nous lassons pas de ce décor bucolique ouvert à perte de vue devant et derrière nous. Sienne s'éloigne de notre vue à chacun de nos retournements, majestueuse sur sa colline comme dominatrice d'une Toscane à ses pieds.

Premier petit village, Isola d'Arbia à cinq kilomètres de Sienne et notre première surprise : sa gare ferroviaire. D'une incroyable sobriété, avec tout le confort, elle est là dans l'attente d'un voyageur aussi modernes que dans nos gares urbaines.

Gare de Isola d'Arbia

Un canapé, un fauteuil club, une vue idyllique, quoi de mieux ? Cela prouve que l'on peut être dans la sobriété et avoir tout le confort. (rires).

Pour le premier jour notre cadence sera prudente. Depuis Compostelle j'ai fait peu de sorties à pied. La seule que j'ai organisée en montagne pendant quelques jours avec mon filleul Yan, j'étais totalement essoufflé. Quelques réminiscences du Covid.

Nous empruntons alternativement des petites routes goudronnées, peu fréquentées, de belles pistes de gravillons blancs serpentant les collines toscanes bombées .


Les moissons sont faites.

Après presque trois heures de marche nous rencontrons les premiers pèlerins du chemin romain. Un couple d'américains assez âgés nous rejoint. La dame à l'allure plutôt sportive me bombarde de questions. Ils viennent de démarrer la Francigena comme nous ce matin depuis Sienne et ils feront la même étape que nous sauf que la dame impose un rythme de dingue à son compagnon ou mari, le laissant loin derrière elle. Je réponds aisément à ses questions car elle n'a pas d'accent, par contre sans attendre la fin de mes réponses elle file bon train devant, me laissant seul avec son compagnon qui visiblement peine malgré un sourire compatissant.

La piste après Sienne. 

Nous faisons deux pauses : fruits et figues chipés sans vergogne sur un arbre au bord du chemin sous le regard éberlué d'un papy toscan à vélo. Un peu après la première pause une petite pluie sans malice nous oblige à sortir les ponchos. Guylaine et Tarchoun ont opté pour ce vêtement, j'ai choisi le parapluie top-top. Deux écoles qui s'affrontent. Sur cette randonnée j'ai voulu tester le parapluie spécial rando. En fait c'est un parapluie classique mais renforcé avec un long manche télescopique et un système simple pour l'accrocher aux bretelles du sac laissant les mains totalement libres. Premiers essais, c'est top. Mon sac n'est pas mouillé et mes pieds nus en sandales protégés. Et comme après la pluie vient le soleil je l'utilise aussi comme parasol. Plus de chapeau vous chauffant la tête déjà bien rouge de chaleur, plus de transpiration pénible à cause de l'imperméabilité du poncho. Que du bonheur, mais à condition que le vent soit assez sympa pour ne pas vous le plier en quatre à la première rafale. On ne peut pas tout avoir.

Il est quatorze heures, fin de la première journée. Je dois avouer que je suis content d'arriver, mes jambes sont fatiguées même si le parcours au-delà de la beauté du paysage fut finalement facile alors que le guide indiquait : étape difficile.

Nous rejoignons le Centro Cristi, un donativo à la sortie du village de Ponte d'Arbia où nous sommes accueillis par un monsieur très bienveillant appuyé sur une béquille tout aussi bienveillante que lui.

Ce soir, nous cuisinons des pâtes sauce tomates achetées au bar du village, le seul petit commerce de la cité endormie. Évidemment dans ce petit village il y a un pont qui donne son nom au village qui a été construit par la ville de Sienne en 1388, et reconstruit 1656 sous le prince Mattia de Médicis, Gouverneur de Sienne. Dire qu'il ne se passe rien à Ponte d'Arbia est exagéré car le 24 Août 1313, à moins d'un kilomètre du village, meurt Henri VII de Luxembourg, Empereur du Saint-Empire romain germanique. L'empereur, selon des sources historiques, aurait été empoisonné pendant la communion d'un moine du monastère Buonconvento, ville de passage demain.

Après douche et rituels d'usage je prend un temps non négligeable pour réserver les nuits suivantes. Les hébergements peu onéreux ou en donativo semblent bien pris d'assaut même en ce mois de septembre.

Cuisine digne des restaurants étoilés. 

Il est vingt heures, je retourne à mes réservations si l'on ne veut pas se retrouver avec des B&B à plus de trois cents euros la nuit. Non siamo americani noi !

Vu du pont d'Arbia
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Date : jeudi 15 septembre 2022

Heure de départ : 7h15 - Arrivée : 15h15

Distance : 28 kilomètres

Étape à San Quirico d'Orcia

Le "centro Cristi" met tout à notre disposition pour passer une bonne nuit et prendre un petit-déjeuner quasi normal. Café, thé, beurre et pains secs d'hier achetés au tabac-épicerie.

Nous démarrons à 7h15, le temps semble plutôt serein, le chemin passe devant le centre d'accueil pour prendre immédiatement une pente légère à travers des champs en jachère. Notre première halte sera à Buonconvento distante de quatre kilomètres.

Le paysage ne change pas, il est toujours aussi magnifique même par temps incertain.

Premières lueurs du matin. 

Le cammino finalement fait un détour à travers une colline bordée de cyprès toscans, d'oliviers parfaitement taillés et lourds d'olives encore verte et des vignes pour certaines déjà vendangées. Des grappes luisantes pendent sur les ceps nous faisant saliver d'envie.

Des champs, des champs, des champs. 

Buonconvento s'agite déjà lorsque nous traversons la ville pour prendre notre premier cappuccino et faire le plein de fruits.

Buonconvento. 

Comme d'habitude les sorties des villes sont toujours un peu tristes et dépourvues d'intérêts, Buonconvento n'échappe pas à la règle.

L'étape du jour annonce plus de six cents mètres de dénivelé positif. Nous nous apercevons rapidement de l'effet car après le village médiéval une belle montée nous permet de découvrir le décor désert et gris des collines vidées de leurs moissons.

Nous traversons les crêtes sur un chemin blanc de gravillons et de poussières volatiles. Les viticulteurs vont et viennent sur des engins monstrueux mais ils sont sympas. Lorsqu'ils approchent de nous, ils ralentissent leurs bolides poussiéreux et même quelques uns nous font un signe de la main.

On ne s'en lasse pas. 

Vers onze heures nous faisons une pause sur une aire de pique-nique pour pèlerins fatigués, le spectacle saisissant de beauté nous fait oublier la chaleur qui monte et l'orage qui pointe son nez. En face de nous, le village de Montepulcino paraît déjà perché au loin dans la campagne. Sous la pluie et les rafales de vent, nos corps sont rafraîchis. Nous devrions avoir une bonne douche venant du ciel.

Nous reprenons le chemin en silence car la moindre parole assèche nos gosiers pourtant bien irrigués par nos camel-back remplis avec de l'eau et un demi citron.

Nous marchons plus d'une heure avant l'arrivée à Torrenieri, petit village en bas de la colline que nous venons de gravir. Assis sur une aire spéciale pour pèlerins assoiffés nous nous aspergeons d'eau fraîche des pieds à la tête. Nos derniers fruits engloutis pour affronter, peut-être, une réelle tempête.

La tempête approche. 

Après ce repos bien mérité mais plutôt court, le chemin devient une route avec une belle montée en zigzag. Il nous reste huit kilomètres avant notre arrivée, quelques gouttes viennent perturber notre ascension. En quelques secondes nous voilà équipés. A la différence de la pluie d'hier s'ajoute aujourd'hui le vent en rafales plutôt violentes. Malgré mon parapluie accroché fermement à mon sac, je dois parfois le retenir pour ne pas finir comme Mary Poppins, quelque part dans les airs.

Le paradis sur terre. 

Mon parapluie est à peine mouillé que déjà l'orage s'éloigne et avec lui le tonnerre. Nous rangeons nos affaires de pluie car le soleil revient faire un petit tour sur la Toscane. Non loin de nous les nuages noirs et gorgés d'eau changent de direction, nous sommes passés à côté de la douche céleste, juste le bas du pantalon semble humide. Pourtant la Toscane a besoin d'eau comme beaucoup d'autres régions d'Italie.

Au loin, San Quirico d'Orcia trône sur une colline boisée d'oliviers centenaires, il nous reste deux kilomètres à marcher, tous nos habits ont séché rapidement, nous nous dirigeons directement vers notre B&B du jour.

Ce soir pizza et bâtonnets de pizza avec du Nutella car demain étape de trente-deux kilomètres avec neuf cents mètres de dénivelé positif. L'étape la plus longue du périple. Ce sera le dernier jour en Toscane.

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Date : 16 septembre 2022

Heure de départ : 6h45 - Arrivée : 17h15

Distance : 33 kilomètres

Etape à Radicofani (Toscane)

Le petit-déjeuner se présente sous de bons hospices, un bar est ouvert à 6h30, nos capuccini et croissants devraient nous booster pour cette longue journée de plus de trente-deux kilomètres et plus de neuf cents mètres de dénivelé positif.

Nous quittons San Quirico d'Orcia très rapidement pour prendre une belle piste de crête sur la Toscane encore endormie.

Lever de soleil sur la Toscane finale. 

Le paysage est grandiose tant il ressemble aux belles photos des livres de voyage, nous n'arrêtons pas de prendre des photos de ce décor naissant.

Contrairement à hier, il semble que le soleil soit au rendez-vous, les premiers rayons lumineux viennent caresser notre peau déjà rouge des petites brûlures des jours précédents.

Bagni Vignoni est notre première halte que l'on rate car il n'y a pas concordance entre notre tracé sur la montre GPS et le fléchage du chemin. On ne fera pas notre bain de pieds comme prévu.

Dernières heures en Toscane. 

Nous poursuivons notre descente après Bagni Vignoni sur une belle piste large. De chaque côté un panorama s'offre à nous. D'un côté nous apercevons encore San Quirico d'Orcia et de l'autre nous découvrons Radicofani au loin, plus de trente kilomètres séparent les deux villages perchés. Et dire qu'en fin d'après-midi nous serons sur cette roche où Radicofani domine la Toscane.

Ça paraît très loin, presque inaccessible, quelques heures de marche nous y serons ce soir.

Un paradis désert. 

Le paysage devient de kilomètre en kilomètre de plus en plus superbe. Partout où nous regardons c'est beau, parfaitement dessiné par la main de l'homme. Il faut dire que le paysage est protégé par l'Unesco depuis quelques années. Aujourd'hui nous avons prévu plus de pauses que d'habitude car l'étape est longue avec beaucoup de dénivelés. Effectivement nous n'arrêtons pas de monter ou descendre.

Grandiose ! 

Onze heures, deuxième pause casse-croûte du jour devant un panorama éblouissant à 360 degrés, nous ne pourrons pas y rester trop longtemps car aucune ombre ne nous protège et nous n'avons fait que seize kilomètres. Le plus dur reste à faire car le plus grand dénivelé sera pour la fin du parcours.

Le dernier plat avant la montée ultime. 

Malgré nos nombreuses pauses nous avançons à une bonne allure, la chaleur et le vent assèchent notre transpiration et dessèchent totalement notre gosier brulant. Boire, boire, boire beaucoup, voilà ce qu'il faut faire et c'est cela que nous faisons. Tarchoun et moi rêvons d'une bonne bière, ça sera pour ce soir après l'arrivée.Notre récompense.

Ça y est, nous attaquons la montée vers Radicofani, nous avons déjà montés depuis ce matin quelques quatre cents mètres, il nous en reste six cents juste au moment le plus fort de la température. Le vent double son intensité, il semblerait que nous allons être douchés par l'arrosoir céleste. Le ciel paraît très noir vers le nord de la Toscane et de plus nous entendons le tonnerre rouler du tambour juste au dessus de nous. Finalement, le déluge n'aura pas lieu, pas sur nous aujourd'hui.

Ça grimpe dur, Guylaine nous annonce quelques ampoules déjà douloureuses, la solution sortir les Birke et marcher sans chaussettes. Pas idéal mais ça améliore la situation. C'est toujours compliqué de marcher avec des ampoules surtout lorsqu'il reste encore une quinzaine de kilomètres en montée.

Petite rivière fraiche.  

Avec les Birke Guylaine progresse plus rapidement et souffre moins des brûlures. Radicofani est vraiment très près, dix-sept heures quinze nous y voilà.

Direction l'Ospedale della Misericordia, personne à l'accueil, je dois téléphoner. Un monsieur décroche et m'indique qu'il faut appeler un autre monsieur, un certain Walter. Deux, trois, cinq, dix appels : pas de réponse. Qu'à cela ne tienne, direction l'office du tourisme. J'explique la situation, l'hôtesse après moult appels me propose de retourner à l'Ospedale, de prendre nos douches et nous assure que vers vingt heures notre hôte viendra. Nous remontons les quatre cents mètres de rue pour retrouver notre futur hébergement. Porte close. Nous sonnons, personne vient nous ouvrir. Ce n'est vraiment pas de chance. Nous voilà devant le parvis de l'église à attendre que quelqu'un entre ou sorte de ce lieu tant espéré.

Finalement, quelque en sort c'est un des responsables, il se pointe pour nous prendre en charge. Dix-neuf heures nous voilà attablés au restaurant proche de l'hébergement avec une belle assiette de pâtes au pesto basilic et tomates.

J'ai juste oublié l'épisode où nous avons failli être dévoré par un des chiens Patou, gardien du troupeau de moutons, juste avant d'arriver à Radicofani.

Sacrée journée.

Fuyez les troupeaux de moutons : patous en vue. 
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Date : 17 septembre 2022

Départ : 7h15 - Arrivée : 12h30

Distance : 23 kilomètres dont 7 km en bus

Étape à Aquapendente (Latium)

La journée harassante d'hier et le bazar de la Misericordia, notre hébergement, a fait que la nuit fut pas terrible. Guylaine semble avoir récupérée et Tarchoun a trouvé la nuit plutôt longue à cause des cloches horlogères sonnant à tout va. Comme je ne choisis que des hébergements religieux pas par conviction religieuse mais par souci de tenir un budget, souvent ils se confondent avec l'église, un monastère, une abbaye ou autres lieux prêts à rappeler aux locaux que l'Eglise est toujours là.

Nous démarrons à 7h15 par le cappuccino matutinal et le croissant chaud au chocolat. En Italie c'est un croissant et en France c'est un pain au chocolat, l'essentiel est d'avoir un petit en-cas pour bien démarrer la journée.


Radicofani ce matin

Nous sortons du village par une route gravillonnaire en crête. Derrière nous nous apercevons Radicofani, bourg médiéval qui trône à 766 m sur une colline basaltique surmonté d'une forteresse à 846 m ayant une vue sur toute la Toscane et une partie de la région de Latium.

Tout ce que nous avons grimpé hier, il nous faut redescendre pour rejoindre une plaine sans grand intérêt où l'on voit de part et d'autre des collines moins travaillées et pas aussi superbes que celles des deux derniers jours.

Nous ne sommes plus en Toscane et cela se voit immédiatement.

Guylaine devant et Radicofani à l'arrière

Dix kilomètres et demi plus loin, première pause à l'arrêt fontaine prévu par l'association de la Francigena. Là nous échangeons avec trois italiens dont un est médecin, une autre sage-femme, et oui il y en a partout, et un troisième, certainement retraité, se faisant soigner un pied par le premier.

Le temps du jour paraît instable, tantôt du soleil, tantôt des nuages avec un petit vent frais bienvenu. Nous sentons déjà la saison d'automne arriver doucement mais sûrement car l'air et la lumière semblent très différentes de la pleine saison estivale.

Après la Toscane. 

Juste un peu avant la fin de la descente magistrale, une ferme abrite un troupeau de mouton et de brebis dont on voit sans se tromper qu'elles viennent de mettre bas récemment.

Et la lumière fut

Nous voilà maintenant sur cette plaine monotone longeant la route principale très fréquentée. Comme des automates nous avalons les kilomètres en échangeant peu de mots et sans même nous retourner. La prochaine pause sera à Centeno à neuf kilomètres de l'arrivée. Petit bled sans fioriture, ni commerce, une fontaine et puis c'est tout. A la pause dans ce village désert, nous rencontrons un couple de suédois qui préfère prendre le bus pour finir l'étape. Effectivement, nous avons lu sur le guide que ce dernier tronçon est réputé très dangereux car la route est extrêmement fréquentée, étroite et sans aucun bas côté pour s'esquiver ou se protéger des véhicules nombreux.

Nous ne voulons prendre aucun risque, le bus passe à 12h15, il nous faut attendre environ trente minutes. Nous prendrons le bus.

Région Lazio. 

Un quart d'heure plus tard, nous somme à Aquapendente.

Comme il est tôt, je tente d'appeler notre hôte d'une confrérie religieuse.

Nos deux suédois logent aussi dans notre hébergement. Pour pénétrer dans ce centre religieux j'appelle une sœur au téléphone pour me présenter et avoir les instructions d'accueil. Au téléphone, je reçois les codes pour une première porte, puis un deuxième code pour notre chambre ainsi que tout un tas d'instructions pour la cuisine, la douche, la Covid, la restauration et enfin l'heure de sa venue pour nous accueillir.

Les suédois semblent devenir blêmes car il ne pane rien de l'italien, pas un mot, à part "buon cammino", ce qui est un peu short.

La suédoise me demande d'appeler la sœur à sa place. Évidemment, je m'exécute au grand étonnement de la religieuse qui ne comprend pas la situation. Je lui explique que les suédois ne comprennent pas la langue et donc je téléphone pour eux. Savez-vous ce que m'a demandé la sœur ?

Sont-ils grands et gros ces suédois ?

Cela vous parait bizarre et bien non !

Car la chambre prévue pour ce couple est équipée d'un demi lit "matrimoniale".

Malgré leur corpulence évidente, le couple accepte la chambre avec ce lit mezzo matrimoniale. Ils n'auront aucune problème rapport à la longueur du lit, c'est plutôt sur la largeur qu'ils devront prendre leur précaution s'ils se retournent souvent en dormant. Chacun sa croix. Pas facile tous les jours la Francigena.

Vue sur Aquapendente
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Date : 18 septembre 2022

Heure de départ : 7h15 -Arrivée : 13h30

Distance : 24 kilomètres

Étape à Bolsena (Latium)

Le clocher n'a pas encore sonné les sept heures que nous nous dirigeons déjà vers le bar de la place principale de la ville. La température affiche trois degrés sur la croix clignotante de la pharmacie. Quel temps bizarre, il y a à peine deux jours, il faisait plus de vingt degrés le matin, aujourd'hui c'est une journée d'hiver. Guylaine et Tarchoun revêtent leur polaire, je tente le tee-shirt manches courtes car il n'y a pas de vent. Personnellement je préfère le froid à la chaleur.

Comme prévu le paysage après Aquapendente ira directement aux oubliettes. Une large plaine de champs de tournesols asséchés, des terrains en jachère et des chasseurs armés jusqu'aux dents pour quelques misérables pigeons pimentent notre ennui. Pas de gibier, rien. Nous marchons depuis une heure et nous n'avons entendu aucun coup de fusils. Pas étonnant car dans les champs depuis Sienne, les agriculteurs utilisent des canons à gaz pour faire fuir les oiseaux des champs cultivés. Les mêmes agriculteurs-chasseurs chassent sur ces mêmes terres canonisées toute la journée. Donc aucun gibier ! Et c'est tant mieux. Je suis pour la suppression de la chasse le week-end et le temps des vacances scolaires.

Gla gla !

Petite montée au fond de cette plaine monotone avec derrière nous Radicofani toujours sur son promontoire volcanique, nous avançons à bonne allure car le chemin est large, il serpente entre les parcelles parfois cultivées parfois désertes.

En haut de cette petite côte San Lorenzo Nuovo, petite bourgade au sommet d'une colline plate avec vue impressionnante sur le lac de Bolsena. Après la monotonie de la plaine, la beauté du paysage lacustre.

San Lorenzo Nuovo 

Sur la place principale je demande aux habitués de la terrasse d'un bar s'il y a une épicerie ouverte. La seule épicerie se situe à plus de dix kilomètres et même pas sur notre chemin. Tant pis pour les pâtes.

Nous nous asseyons devant ce paysage superbe, le temps d'avaler quelques fruits puis nous reprenons notre train-train dans une belle forêt auto-gérée. Effectivement, un panneau indique que la forêt que nous traversons se gère elle-même. Comme si la nature avait besoin de la main de l'homme pour se gérer elle-même. Nous avons besoin de la nature et non le contraire. C'est bizarre d'informer le public sur une évidence.

Forêt auto-gérée... 

Un peu de fraîcheur et de l'ombre ça fait du bien, nous profitons des cyclamens qui tapissent le sol, de quelques figuiers tardifs et de temps à autre une petite fenêtre de verdure sur le lac entre deux bouquets de chênes bien feuillus.

Des pèlerins que nous reconnaissons nous rattrapent et c'est l'occasion d'échanger quelques mots et d'approfondir les motivations ou les petits tracas du pèlerinage.

Le lac de Bolsena. 

L'étape n'est que de vingt-trois kilomètres, nous arriverons tôt aujourd'hui même si notre allure a ralenti un peu avec la chaleur de la mi-journée.

Treize heures trente, nous voilà sur la place du château de Bolsena. Petit coup fil pour savoir si nous pouvons occuper notre hébergement chez les Sœurs de l'Adoration du Sang du Christ, bizarre non ! Adorer le sang du Christ !

L'accueil est à la hauteur de leur adoration, super, bienveillant. La sœur bavarde ne nous lâche pas, elle nous mettra en difficulté tout à l'heure, lorsque nous arpenterons les rues du bourg médiéval pour trouver un restaurant qui veuille bien nous servir après quatorze heures trente.

Selfy. 

En fait, nous trouvons finalement une épicerie où l'on peut manger sur place ce que l'on achète. 35 euros le kilogramme, quand même ! Le pays de la slow food n'est pas le pays du slow business mais nous n'avons pas le choix, à moins de se gaver de gelati.

Petit balade vers le port pour décrocher la belle photo du coucher du soleil. Je prends ma photo sans être satisfait du résultat, il y a eu mieux comme coucher de soleil.

Et pour finir, comme c'est le jour de nos 40 années de mariage, j'invite Guylaine et Tarchoun au restaurant près du bord du lac. Guylaine et Tarchoun commandent des pâtes avec une sauce poisson et moi une calamarata, bref des calamars en sauce. Mon plat, un surgelé proche du pneu et une sauce goût ferraille en boîte. Bref, un fiasco total pour moi.

Ça m'apprendra à mieux choisir un restaurant la prochaine fois. Nous passons tout de même une bonne soirée après avoir dégusté un gelato dans une gelateria artigianale. Au moins je me souviendrai de cette journée !

40 ans de mariage ! 
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Date : 19 septembre 2022

Heure de départ : 7h30 - Arrivée : 11h30

Distance : 17 kilomètres

Étape à Montefiascone, une des cités des papes

L'étape du jour sera très courte, cela fait du bien au corps et à l'esprit de savoir que l'on va marcher peu de de temps, sans se soucier de l'heure de départ ni de l'heure d'arrivée. A peine dix-sept kilomètres, certes avec plus de cinq cents mètres de dénivelé positif mais nos jambes vont de mieux en mieux. Les bienfaits de la marche apparaissent après quelques jours de tiraillements sur notre corps grassouillet et notre esprit encombré.

Le bar du jour se situe pile en face du monastère, je ne vous dis plus ce que l'on a consommé, vous avez certainement deviné. Départ vers 7h30, nous empruntons une route goudronnée dont la pente se raidit au fur et à mesure de notre progression pour atteindre une isocline dans une forêt dense et verdoyante totalement libre à son développement. La fraîcheur et la densité de la forêt nous montrent son caractère sauvage et sa vivacité verdoyante. Nous entendons le ruisseau couler près de nous, très proche du chemin presque comme s'il était à nos pieds. Nous faisons un petit détour pour le voir jaillir des rochers en petites cascades rafraîchissantes en rythme avec le gazouillis des oiseaux de retour dans cet espace humide et serein.

Beauté sauvage. 

Sur le chemin nous rencontrons le couple d'italiens avec leur ami avec qui nous échangeons sur les péripéties du pèlerinage, eux aussi sont très intéressés de connaître l'ambiance de Compostelle, les hébergements, les difficultés et mille questions sur ce chemin mythique. J'en profite aussi pour leur demander les raisons pour lesquelles la ville de Bergame a été extrêmement touchée par la Covid comme nulle part ailleurs. En fait, ils n'en savent rien alors que le pèlerin italien est médecin. Inexplicable pour l'instant. A Bergame ce fut une véritable hécatombe, jeunes, vieux, hommes, femmes. Incroyable !

Le parc de Turano

Quelques gouttes de pluie viennent perturber nos échanges et notre rythme tranquille, il faut nous équiper du poncho, du parapluie même si ce n'est qu'un petit passage pluvieux. Seuls trois kilomètres restent à faire sur une route goudronnée déserte. Un monsieur en voiture s'arrête sur le bas côté pour nous conseiller de ne pas prendre le chemin de la Francigena car jugé trop dangereux mais de suivre la route en asphalte jusqu'au village. C'est plus court et plus sûr .

Nous suivons ses conseils sans rechigner. Souvent sur la Francigena, les automobilistes s'arrêtent soit pour nous saluer, soit pour bavarder ou bien pour nous conseiller. Cette bienveillance nous l'accueillons avec grand plaisir car on sent bien dans le regard de celui qui nous accoste l'envie d'être utile ou d'avoir éviter une catastrophe pèlerine.

La montée au monastère.

Douze heures, nous voilà installés dans le monastère Saint-Pierre de Montefiascone où nous sommes super bien accueillis par la sœur Marie-Claire, égyptienne qui parle un français parfaitement et qui se met en quatre ou en croix pour notre séjour.

Ce soir, nous dînerons au monastère avec une belle surprise. Effectivement André, mon compagnon de Compostelle et sa compagne nous ont rejoint à Montefiascone. Je vous avais dis qu'il y aurait de belles surprises sur le périple. Tous les cinq nous dînerons au monastère, c'est la sœur Marie-Claire qui me l'a proposé lors de notre enregistrement à notre arrivée.

Mais avant de se retrouver tous au restaurant. Pardon la planète mais Tarchoun et moi n'avons pas pu résister à une plat de viandes grillées mixtes et quelques pommes de terre au four et des légumes marinés. Pour accompagner cette barbaque un vin du pays, le fameux (voir le titre) Est ! Est !! Est !!!.

Bien sûr il y a une histoire, en voici un résumé.

Dur dur de résister !

Une robe jaune vif. Des arômes de pomme, agrumes, ananas. En bouche il est fruité, frais et sec, avec un arrière goût d'amande et de fruit mûr. La température de service idéale est entre 6 et 8°.

Le nom très original de ce vin provient du 11 ième siècle. Le prélat bavarois Johannes Defuk, en route vers Rome, demanda au serviteur Martin qui le précédait d'indiquer où se trouvait du bon vin en notant sur la porte de l'auberge "EST" (il est) ou "EST EST" dans le cas où la qualité serait supérieure. A Montefiascone, à la frontière entre Ombrie et Latium, Martin trouva ce vin si bon qu'il inscrivit "EST ! EST !! EST !!!". Voilà vous savez tout. Ce soir au monastère nous n'aurons probablement pas ce bon vin qui descend facilement dans le gosier. Le chemin du retour à notre hébergement nous semblera plus rude et sinueux qu'au départ.

Désolé pour la planète !

Une des légendes raconte que l'évêque Defuc en but jusqu'à ce que mort s'ensuit.

Montefiascone est certes une petite commune, mais son histoire, son architecture et ses panoramas impressionnent, et l'on comprend aisément pourquoi les papes aimaient y séjourner. Faites simplement attention à ne pas boire trop d'Est! Est!! Est!!!, ou il se pourrait que vous non plus, vous ne repartiez jamais!

Autre point particulier, la ville médiévale se situe à cent kilomètres exactement de Rome.

Seize heures trente, rendez-vous est pris avec André et Natacha près du monastère sur la place Emmanuel II. Cela fait quasiment trois mois que nous nous sommes quittés et le revoilà en chair et en os avec le même look du jour où nos chemins se sont séparés au séminaire de Santiago de Compostela, c'était un jour de pluie, un jour triste. Embrassades, joie et sourires, nous sommes heureux de nous revoir après tout ce temps passé ensemble sur Compostelle.

Nous dînons tous au monastère dans une ambiance monacale et une sœur hyper speed pour nous servir.

Demain André viendra marcher avec nous sur l'étape Montefiascone- Viterbo, un autre moment inoubliable. Merci la vie.

Le temps des retrouvailles
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Date : 20 septembre 2022

Heure de départ : 8h00 -Arrivée : 13h00

Distancev: 18 kilomètres

Étape à Viterbo (Lascio)

Ce matin nous nous relâchons, petit-déjeuner à sept heures comme d'habitude mais départ à huit heures car André fera l'étape avec nous mais pas Natacha.

Dans le monastère au petit matin, nous sommes attablés avec le couple suédois et quatre autres pèlerins inconnus. Croissants et biscuits complètent les boissons chaudes dans une ambiance monacale interrompue de temps à autre par les va-et-vient de la sœur beep-beep runner qui nous a servies hier soir.

Nous rejoignons André sur la place Emmanuel II à quelques deux cents mètres du monastère. Nous faisons de grands signes en guise de bienvenue. Heureux de partager ce moment ensemble comme il y a quelques mois sur le chemin de Compostelle.

Le chemin passe par la forteresse où une vue splendide nous attend. Nous revoyons le parcours de la veille et même celui des deux jours passés. Au fond du décor, Radicofani trône toujours sur son éperon rocheux et volcanique. Je l'observe attentivement car après l'étape du jour la cité disparaîtra de notre portée.

L'étape avec André. 

La forteresse de Montefiascone, par sa position éminemment favorable, a constamment occupé aux yeux des papes une place centrale dans le Patrimoine de Saint-Pierre. Une fois au sommet nous prenons une descente raide sur la partie sud de la ville. Un peu de goudron puis nos pieds foulent la célèbre voie Cassia. La Via Cassia fut une importante voie romaine qui joignait tout d'abord Rome à l'Étrurie et à Florence avant d'être prolongée jusqu'à la Via Aurelia en passant par Lucques. Ses grosses pierres plates volcaniques en guise de pavés ont été foulé par des milliers de pèlerins exténués, des rois endimanchés, des reines transportées, des papes auréolés, des soldats effrayés, des marchands enrubannés, des esclaves maltraités, des vieux, des jeunes, des chevaux empoussiérés, des mulets chargés et aujourd'hui c'est nous qui marchons pour notre plus grand plaisir.

Belle étape. 

André échange longuement avec Guylaine et Tarchoun avec cette facilité innée d'intégrer un groupe. Nous nous remémorons les moments intenses du voyage de Compostelle mais aussi sur nos projets respectifs après un long périple. Un peu comme "Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage", nous revivons quelques beaux moments tout en en goûtant le plaisir de l'instant présent.

Curieux bolide. 

Une fois passée les foulées sur la Via Cassia, le chemin devient plat et le paysage présente beaucoup moins d'intérêt. Mais grâce à nos échanges, le chemin, un peu monotone, prend une belle tournure à la fois de discussions sérieuses et de boutades plaisantes. Sur le chemin nous croisons une étrange construction d'une voiture montée avec des accessoires courants placardé d'un écriteau où il est écrit : "nous n'utilisons pas de sous produits d'animaux dans cette espace". Difficile de comprendre exactement la signification de cet assemblage curieux (voir la photo). A mon avis, ce n'est pas avec ce type d'accroche que l'on fera changer les habitudes de gaspillage ou de bienveillance vis à vis des animaux. Malgré un assemblage plutôt réussi, je trouve que cela fait un peu déchetterie au milieu d'un décor de verdure.

Viterbo. 

L'étape du jour sera courte et déjà Viterbo se dessine au loin. Nous passons devant des bains thermaux sans pouvoir y accéder. Tout est fermé.

Nous traversons la porte Fiorentina de la Ville de Viterbo à la recherche d'un bar pour notre petit pot d'au revoir.

Avant d'arriver à Viterbo, André me fait remarquer que cette fois-ci c'est lui qui me quitte. Sur Compostelle, effectivement à chaque fois c'était moi qui le quittait et comme à chaque fois un lot d'émotions nous envahissait au moment des embrassades et des au-revoir. Nous nous sommes séparés et retrouvés maintes fois, il n'y a pas de raison que cela s'arrête. Il nous reste encore plein d'étapes dans nos vies respectives, une des plus belles sera les retrouvailles. Ciao André, a presto.

A bientôt André !
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Date : 21 septembre 2022

Heure de départ : 7h30 - Arrivée

Distance 18 kilomètres

Étape à Vetralla (Latium)

Le petit-déjeuner dans les couvents ou les monastères sont aussi rudes que la vie que mènent les sœurs ou les frères au quotidien. Nous en arrivons même à regretter notre capuccino et notre croissant pris dans un bar à la fraîcheur du matin. Cependant l'accueil y est très chaleureux, ce matin encore, la sœur au moment du départ nous a fait une grande accolade sans oublier tout de même de nous dire de mettre une bonne note et même cinq étoiles sur Google pour leur hébergement.

Aussitôt le petit-déjeuner pris, nous rejoignons le centre de la ville, lieu de départ de l'étape du jour.

Le cammino côtoie le bas du palais des papes, impressionnante muraille bâtie comme une forteresse pour la défense du Saint Père et de la religion qu'il proclame.

Le palais des papes

Aujourd'hui nous empruntons une variante plus courte, la Via Signorino sur quatorze kilomètres au lieu de vingt un sur une autre voie. Ce n'est pas seulement une économie de pas mais aussi un paysage plus sympathique que l'on traverse par cette variante.

Dès la sortie de la ville, nous traversons un défilé creusé à même d'une coulée de lave volcanique. De part et d'autre la roche verticale et de couleur noire se referme sur nous ne laissant parfois qu'un passage pour les voitures peu nombreuses.


Tuf volcanique

Nous ressortons du défilé comme si l'on avait traversé un tunnel, nos yeux doivent se réhabituer à la lumière brillante de ce premier jour d'automne.

Le décor change totalement car c'est maintenant une route nationale que nous longeons sur notre gauche et sur quelques kilomètres. Sur ce tronçon, sur notre droite alternent champs d'oliviers chargés de fruits, champs de choux en devenir et de temps à autre des champs de noisetiers bien mûris. La plaine s'étalent dans toutes les directions, on peut même encore apercevoir Montefiascone au nord avec son dôme bien visible entouré par les maisons de la ville.

Noisetiers partout. 

Le chemin serpente autour des champs des propriétaires terriens avec quelques montées faciles et des descentes douces comme pour ne pas nous brusquer.

Au dixième kilomètres une petite aire de repos nous donne l'occasion de manger nos fruits et de panser les pieds pour les abonnés aux ampoules. Chance pour moi, ni moustiques ni ampoules viennent tracasser ma peau ou mes pieds, j'ai d'autres points faibles.

Autre petite pause figues de barbarie où Tarchoun nous montre comment ne pas se piquer pour les ramasser. Très bonnes, bien mûres et pleines de vitamines.


Figues de Barbarie. 

Il n'est pas loin de midi, nous approchons de Vetralla, encore un sentier à l'ombre et nous voilà au pied du village à la recherche d'une pharmacie pour des pansements puis une auberge pour les panses de chacun. Le monastère des bénédictines se trouve hors de la ville, sur le cammino, à presque deux kilomètres du centre ville. Ce sera toujours cela de fait pour demain.


Le monastère des bénédictines

Comme d'habitude l'accueil au monastère nous met tout de suite à l'aise. Une sœur parlant un français correct nous invite à monter dans les étages pour rejoindre nos chambres. Elle a nos crédenciales, nos cartes d'identité et l'argent que nous lui avons donné pour l'hébergement, le dîner et le petit-déjeuner : 35 euros par personne. Correct.

D'année en année, il devient difficile de cuisiner dans les hébergements. Pour l'instant nous avons pu faire une seule fois des pâtes à Ponte d'Arbia. La Francigena ne prend-elle pas le chemin de l'esprit de Compostelle : business d'abord !

Soirée sympathique avec un jeune pèlerin parti de Lucques, il fera les mêmes étapes que nous jusqu'à Rome. Il nous a raconté sa mésaventure avec les mêmes chiens de berger juste avant d'arriver à Radicofani où les cinq bestiaux ont foncé sur lui. Il a dû reculer tout en les ayant de face sur plus de cent mètres avec un bâton d'une main et une pierre de l'autre. Conseil : ne pas leur lancer le bâton ni la pierre au risque qu'ils vous sautent dessus.

Pas facile tous les jours la vie de pèlerin. A demain.

Vetralla, la cité enchantée. 
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Date : 22 septembre 2022

Heure de départ : 7h45 - Arrivée : 14h30

Distance : 23 kilomètres

Étape à Sutri (Lascio)

Nous prenons notre petit-déjeuner en compagnie de Sébastien, le jeune pèlerin rescapé des cinq molosses incontrôlables. Comme à l'accoutumé la nuit fut partagée entre des moments d'intense rêverie et des moments de réveil pénible car l'endormissement est presque toujours laborieux malgré une fatigue de la marche quotidienne.

Ce matin l'air frais réveille sans délai nos muscles un peu endoloris non pas par la marche mais une literie de qualité très médiocre. De jour en jour, nous testons différents lits, pour l'instant aucun n'a la plume ou la palme d'or.

Nous sortons du monastère que déjà nous rencontrons le couple de suédois déjà en route. Ils arrivent probablement du centre du village à deux kilomètres de là.

La forêt verdoyante

Premier arrêt après quelques minutes de marche, Tarchoun a oublié ses bâtons de marche au monastère. Ce type de mésaventure arrive de temps en temps, maintes fois j'ai oublié mes bâtons et à chaque fois j'ai pu les récupérer. En fait, ça n'intéresse pas grand monde des bâtons sauf les pèlerins ou les marcheurs évidemment.

Après deux ou trois kilomètres au bord d'une route passante, notre chemin s'esquive vers une forêt de chênes immenses. Un beau chemin traverse cet espace calme et ombragé où l'on peut respirer un air vivifiant aux odeurs de champignons, d'humus végétal et animal, le soleil arrive à peine à percer l'épais feuillage des arbres. Malgré la fraîcheur nous nous sentons parfaitement bien dans ce petit paradis verdoyant.

Nous quittons cette forêt de fraîcheur pour plonger dans des champs de noisetiers. Partout où l'on regarde, l'arbre est présent avec certains des noisettes encore présentes. Mais la plupart des fruits sont à terre, aussi, des machines bruyantes et polluantes balayent et aspirent les coquilles, les séparent des feuilles ou cailloux pour les rejeter dans une benne fermée. Un bruit infernal lorsque nous passons près de ces engins "noisetivores". En fait partout dans ce secteur c'est la cueillette. La douceur et le calme de la campagne en prend un coup derrière les oreilles.

Champ de futur Nutella

La traversée des champs de noisetiers fut très belle pour les yeux mais moins agréable pour les oreilles. Sur notre passage nous nous sommes gavés de noisettes piochées à même le sol sous l'œil attentif des agriculteurs sur leur tracteur vrombissant.

Capranica, petit village perché pointe ses premières maisons, il est midi, nous faisons une pause cappuccino dans le centre historique de la ville. Des pèlerins passent et repassent à la recherche d'un restaurant. Pour nous un cappuccino suffira car on s'est un peu gavés hier soir au monastère : pâtes exquises à la sauce tomate, haricots verts poêlés, aubergines parfumées et légèrement sautées, saucisses grillées, fruits et strudel aux pommes et fruits confits arrosés d'un vin rouge comme s'il sortait du pressoir, jeune et goûteux, enfin café espresso italien. Pas mal non !

A Capranica

Nous reprenons notre chemin après notre dégustation de cappuccino, le cammino traverse le centre historique pour redescendre dans une petite combe verdoyante.

A partir de là et pratiquement sur cinq kilomètres notre cammino plonge dans un décor digne des films de Tarzan. Une véritable jungle,sans le gazouillis des oiseaux, nous impressionne totalement. Il y règne un calme mystérieux avec un fond sonore orchestré par le ruissellement d'un petit cours d'eau paisible où de petites cascades viennent appuyer l'ambiance sonore sans perturber l'harmonie générale. Nous sommes émerveillés par cet éden dense et humide, par ces arbres pour certains très hauts et pour d'autres couchés sur leur tronc ou brisés par la vieillesse. Des lianes jaillissent de toute part rappelant les balancements d'un Tarzan absent en quête de nouvelles aventures.

La jungle. 

Cet endroit magique longe une petit cours d'eau d'une couleur un peu terreuse. Nous le suivons avec émerveillement, tantôt sur la rive gauche tantôt sur la rive droite grâce aux petits ponts de bois un peu chaotiques sur lesquels nous observons son écoulement lent et silencieux.

Un vrai miracle de la nature laissé libre de ses envies, libre de changer le décor à sa guise, libre de faire grandir cet arbre plutôt qu'un autre, de laisser des champignons s'étendre sur un tronc à l'agonie ou de magnifier des fougères sur un petit terre-plein vertical.

Nature sauvage. 

Nous ne nous lassons pas de cette verdure épaisse et étrangement colorée de nuances de vert que seule la nature connaît la recette.

Nous ressortons de ce paysage fantastique pour voir devant nous, presque sans transition, Sutri, la perle de la Tuscia, couchée sur son rocher de tuf volcanique chauffée par un soleil en pleine forme. Nos corps dans cette forêt presque amazonienne s'étaient un peu refroidi, la montée jusqu'à notre hébergement nous a réchauffé.

Sutri, la perle de la Tuscia 

Sutri, la « porte de l'Étrurie », est une vieille cité étrusque, prise par Camille en -389, et devenue ainsi Sutrium sous la Rome antique. Le roi lombard Liutprand la céda avec d’autres villes de la région, au pape Grégoire II en 728, lors de la Donation de Sutri.

Après douches, achats du dîner et visite de l'amphithéâtre, de la nécropole et autres cailloux bien rangés nous rentrons cuisiner nos cèpes pour une "pasta sciutta" magistrale accompagnée de grana padano, d'une bonne salade mesclun et des tomates fraîches.

Tout cela ne pouvait pas se terminer sans un gelato sur la Via Roma de la cité médiévale.

Magnifique. 
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Date : 23 septembre 2022

Départ à 7h20 - Arrivée : 15h30

Distance : 28 kilomètres

Étape à Campagnano di Roma (Lazio)

Ce matin en ouvrant les fenêtres de notre B&B je sentais que l'air était vraiment frais. Un beau ciel bleu s'étend dans un décor de verdure du haut de notre résidence d'un jour.

Nous rejoignons le chemin en traversant le ville sur toute sa longueur pour le démarrer sur une route nationale très fréquentée. Le groupe des quatre français sont sur notre passage ainsi que le couple de suédois mais eux font la variante plus longue mais moins dangereuse.

Il faut vraiment nous serrer sur le bas côté et zigzaguer à chaque tournant pour se protéger au maximum des voitures beaucoup trop rapides et imprévisibles. En Italie, le conducteur de voiture a encore conservé sa toute puissance et son irascibilité au volant, tout ce qui n'est pas dans son espace véhiculé est considéré comme un ennemi potentiel ou un obstacle qui doit s'écarter de lui-même. Nous nous faisons tout petits devant cette circulation incessante.

Big danger! 

Après quelques kilomètres nous reprenons un chemin de terre battue jusqu'au premier village de Monterosi.

Nous avons déjà parcouru dix kilomètres il n'est que dix heure trente, nous nous arrêtons dans une boulangerie et un bar pour notre drogue caféinée habituelle.

Monterosi

Dans un peu plus de sept kilomètres nous ferons une autre pause casse-croûte, il sera environ midi et nous aurons les cascades du Monte Gelato. S'il n'existait pas il faudrait l'inventer ce nom de colline. Lorsque nous arrivons sur le lieu tant attendu, nous rencontrons un couple de canadiens avec qui nous échangeons longuement sur nos expériences pédestres et sur la guerre en Ukraine. N'y voyez aucun lien entre les deux sujets, il n'y en a pas.

Les cascades du Monte Gelato

Nous surprenons un petit groupe qui visiblement sont là pour un shooting. Le mannequin bizarrement vêtue se prélasse dans l'eau de la cascade qui visiblement semble très fraîche. Une des assistantes lui ajuste sa robe flottante dans le courant du cours d'eau et pendant ce temps le photographe lui tire le portrait sans relâche. C'était l'attraction du jour car sur le chemin, aujourd'hui, il ne se pas grand chose et de plus le décor est tout à fait quelconque. Comparé à hier, c'est le jour et la nuit.

L'arrivée à Campagnano di Roma

Aujourd'hui nous avons pris notre temps car le centre paroissial ne reçoit pas avant quinze heures. Comme on traine un peu, nous marchons au moment où il fait le plus chaud de la journée, pas un brin d'air, ni même une petite brise. Seuls les bruits incessants d'un circuit de motos ou de voitures viennent assombrir le paysage suffocant. Les vrombissements et les accélérations des moteurs surchauffés proviennent d'une colline proche de notre cammino.

Il est temps que nous arrivions à la fin de l'étape du jour.

Campagnano di Roma est juchée sur une colline et nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes après l'effort d'une journée bien remplie.

Une fois arrivé dans le village, nous devons en redescendre une bonne partie pour remonter sur la colline d'en face où se situe la suite du village et notre hébergement : le centre paroissial.

Bien installés, les douches prises, nous profitons du temps qu'il reste pour nous reposer. Ce soir pizza ou pâtes quelque part dans le bourg. Demain avant-dernière étape avant la ville éternelle, le parcours risque d'être perturbé par une déviation signalée par l'application, devrions-nous prendre encore un bus ? Nous verrons cela sur place.

Campagnano di Roma
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Date : 24 septembre 2022

Heure de départ : 7h15 - Arrivée : 10h30

Distance : 10 kilomètres

Étape à La Storta dont 13 km en bus

Lever comme d'habitude, nous ne changeons rien à nos petites manies matutinales : cappuccino et croissants sur la place principale du bourg déjà en pleine activité. C'est samedi, proche du bar, les commerçants s'affairent à monter les stands de marchandises pour le marché. Le ciel est nuageux mais pas menaçant alors que sur le nord de l'Italie la météo prévoit de très gros orages en vigilance jaune. Peut-être serons-nous bénis sans avoir une goutte de pluie d'ici notre arrivée à Rome. L'année dernière nous avons eu une vraie bénédiction, trempés jusqu'aux "slip", selon l'expression consacrée.

Réveil difficile ?

Même si l'étape est courte, il faut bien la démarrer à un moment donné. Nous suivons une route très fréquentée sans grand intérêt mais relativement protégée jusqu'au sanctuaire Del Sorbo. Petite église et un monastère avec des moines invisibles. Nous échangeons avec un monsieur édenté en mal de communication, nous louant la France comme étant son eldorado européen. Il nous demande si l'on peut vivre avec un revenu de mille euros. Nous faisons la moue et lui expliquons que c'est peut être compliqué avec cette somme. Mais rien n'y fait, pour lui, la France c'est ce qui se fait de mieux, il trouve même notre langue française plus belle que l'italien. Perso, je n'irai pas jusque là. La langue italienne a de belles sonorités musicales, il suffit pour cela d'écouter un opéra en italien comparé aux mêmes airs en français ou en allemand. Y pas photo. C'est mon avis uniquement.

Sanctuaire Del Sorbo

Formello est déjà en vue après un petit passage dans la campagne bovine. Assis au bar nous attendons patiemment et sans méfiance le bus pour La Storta.

Futurs steacks

Normalement, le bus tant attendu doit passer vers 12h20 ou 30. Il est 13h00 rien en vue. Je demande aux hôtesses du bar avoisinant, elles ne savent pas. Un homme seul attend finalement à notre supposé arrêt, il m'indique que l'arrêt direction Rome se situe en face. Damned, nous attendons depuis plus de deux heures pour rien et de plus je viens de voir le bus passer sous nos yeux dans la bonne direction. Bon !, maintenant il faut attendre le suivant à 13h45. Chance, juste devant l'arrêt une petite pizzeria et comme il est plus de 13h00, OK pour un morceau de cette pâte agrémentée de fromage (surtout) et de quelques champignons clairsemés.

Enfin voilà le bus, je monte le dernier pour payer. Je savais qu'aujourd'hui allait une journée de m.... La conductrice m'annonce sept euros par personne pour neuf kilomètres de trajet. Elle me précise que c'est le tarif si l'on prend le billet à bord. Pas question de payer ce racket ! In fine, elle ne semble pas très virulente sur la question du paiement, je décide de ne pas payer et de rechercher sur internet un moyen pour prendre trois billets électroniques. Entre les virages et les soubresauts du bus, nous arrivons à La Storta avant d'avoir pu finaliser l'achat, ce qui finalement n'était pas possible avec l'application.

La rue principale de Formello

La Storta, traduction : la tordue. Entre le parc où nous devions passer, interdit pour cause de maladie des sangliers, le chemin alternatif totalement déconseillé par les employés de la mairie de Formello, les arrêts de bus dont les directions ne sont pas inscrites, le racket du prix d'un billet de bus pris directement au chauffer et enfin la taxe de séjour à quatre euros par personne de l'hôtel, tout cela est vraiment tordu. La ville porte bien son nom.

Demain ultime étape avant la ville éternelle. Nous croisons les doigts pour un trajet le plus agréable possible sans se faire trop d'illusions. Demain sera un autre jour.

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Date : 25 septembre 2022

Heure de départ : 7h00 - Arrivée : 12h30

Distance : 21 kilomètres

Étape finale à Rome

Rome n'est jumelée qu'avec une seule ville, Paris : « Seule Paris est digne de Rome, seule Rome est digne de Paris », citation curieuse. Nous prenons le cammino pour vérifier cette affirmation très chauvine.

Le début c'est une route que nous longeons une fois d'un côté, un fois de l'autre. Chance c'est dimanche, et il n'y a que des voitures en circulation mais ce sont les élections législatives dans le pays. Des va-et-vient incessants nous obligent à être vigilants lors des traversées de la route somme toute dangereuse.

Après cinq kilomètres de vigilance, le chemin bifurque vers le parc de Insugherata dans la proche banlieue de Rome.

Un paysage de désolation se déroule devant nous. Un feu a ravagé une partie du parc près des habitations pour certaines touchées par les flammes.

Désolation. 

Cela ne nous empêche pas de le traverser malgré une forte odeur de cramé. Le parc ne semble pas être bien entretenu car les ronces sont légion, le sentier déglingué et les panneaux totalement abîmés.

Nous laissons le parc derrière nous sans regret pour affronter une montée sur le monte Mario. Cette colline en forme de plateau domine Rome. A l'autre extrémité du Monte Mario se situe un autre parc du même nom que la colline.

Une dernière montée vers le monte Mario. 

Nous suivons la voie Triomphale, nom donné à la route qui traverse la ville située sur le Monte Mario. Sans triomphe aucun, nous voilà à l'endroit où a été prise la photo de couverture du guide de la Francigena. Une vue panoramique s'étale à nos pieds avec vue totale sur le Duomo de la place Saint-Pierre.

Rome, ville éternelle. 

Nous rencontrons notre couple de suédois avec qui nous faisons une photo souvenir. Nous nous serons accompagnés pratiquement depuis le début de notre périple.

Plus que mille cinq cents mètres, nous suivons une longue ligne droite dans le centre ville qui nous conduit directement à la place Saint-Pierre, la foule de plus en plus nombreuses nous oblige à redoubler de prudence avec nos bâtons de marche.

Place Saint-Pierre noire de monde, toujours sans triomphe nous allons au point zéro, Guylaine et moi posons le pied sur une pierre plate sculptée. Nous y sommes la Francigena, du moins pour cette partie est in the pocket. Du plaisir d'être arrivé sans trop d'émotions, peut-être parce que le périple de deux semaines ne permet pas complètement la déconnexion d'un long parcours de plusieurs mois mais nous sommes heureux d'être là tous les trois. Mission accomplie.

Saison 3 terminée. 

Il nous reste maintenant à récupérer notre Testimonio. Parce que nous sommes pèlerins nous pouvons chunter la file d'attente interminable pour nous diriger vers le bureau des crédenciales. Je suis le seul autorisé à me rendre dans cette partie en ayant pris le soin de récupérer toutes les crédenciales et les carte d'identité.

Au passage, j'immortalise un garde suisse raide comme nos bâtons de marche devant le palais papal.

Garde suisse. 

Il ne reste plus qu'à rejoindre notre hébergement à plus deux kilomètres de là dans le centre de Rome.

Vers notre hébergement. 

Soirée dîner avec les pèlerins et les hôtes de l'association de Saint-Jacques de Compostelle. Nous avons eu le privilège du lavage des pieds par les hospitaliers du centre. Si seulement cette eau, peut-être bénite, puisse guérir mon pied droit ?

Première soirée à Rome. 

Demain dernière publication parce que entre le vin blanc, le vin rouge et le limoncello, les mots et les phrases ne sont plus cohérentes.

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Nous nous levons plus tard que d'habitude, il est 7h45, encore tout endormis nous nous dirigeons vers le petit-déjeuner de notre hébergement.

La journée sera consacrée aux visites de la basilique Saint-Pierre sous la pluie et quarante-cinq minutes de queue pour pénétrer, de son dôme avec ses cinq cent cinquante une marches, de la grotte où finissent les papes lorsqu'ils rejoignent le Saint-Père, de la place Navona et ses trois fontaines, de la place de Trevi et ses centaines de visiteurs agglutinés. Autant dire, je suis plus crevé que d'avoir fait une étape de cinquante kilomètres. Les piétinements ou bien bailler aux corneilles pour débusquer un détail d'une statue ou d'une fresque perchée à une dizaine de mètres plus haut, ça me pèse plus que de dévaler à fond les manettes un pierrier en montagne. Mais je dois dire que ça vaut le coup d'y être allé, ces caillasses bien alignées méritent le détour et quelques "Santa Madonna, que c'est haut ! " m'ont aidé à gravir les marches.

La pietà de Michelange
Saint-Pierre le serrurier
Les jardins du Vatican
Le Duomo
La place Saint-Pierre
Rome. 

Ouvrir et fermer le parapluie, finalement fait passer le temps lorsqu'on se déplace dans une ville où le temps devient capricieux ou bien joue avec nos nerfs. Tantôt les pieds mouillés, tantôt les pieds secs, nous arpentons les salles de la basilique, les longs corridors où patientent les os des papes, les rues bondées de touristes affublés de ponchos marqués Roma comme pour dire : "Nous y sommes allés". Ce qui est tout à fait inutile puisqu'ils y sont.

Les derniers instants avant de repartir. 

Si nous n'attrapons pas la Covid, cela tiendra du miracle. Des milliers de personnes dans des endroits exiguës, surchauffés par la promiscuité des corps fringués de vestes imperméables ou de ponchos aussi trempés dehors que dedans. Nous sommes rentrés dans notre petit hébergement paradisiaque vers dix-sept heures trente sans être éborgnés par les baleines de parapluie, sain et sauf malgré une circulation tonitruante dans les rues de Rome qui demeure malgré tout une très belle ville.

Près de notre hébergement. 

Petit bilan de cette saison trois de la Francigena. Les paysages depuis Sienne et notamment ceux de cette partie de la Toscane resteront les plus marquants de beauté et empreints de fortes sensations colorées et harmonieuses. Les hébergements d'années en années semblent plus difficiles à réserver, il faut bien s'y prendre à l'avance, ce qui n'était pas le cas en 2019. Alors que la région de Lazio est celle de l'arrivée dans la ville éternelle, le tracé et le parcours laissent à désirer. Les tracés alternatifs sont hasardeux, les villes traversées n'ont pas vraiment de caractère et les bas côtés du chemin méritent un bon coup de nettoyage. Un jour de beau temps, lorsque vous êtes sur le monte Mario qui domine la ville de Rome, vous serez surpris par l'étendue de la ville et c'est sans doute ce qu'il y a de plus spectaculaire pour cette ultime étape de la cité de Rémus et Romulus.

Romulus et son frère jumeau Rémus sont les fils de la vestale Rhéa Silvia et du dieu Mars. Une variante de cette légende, rapportée par Plutarque, fait néanmoins des deux jumeaux les fils de Vulcain, lequel se serait manifesté sous la forme d'un phallus auquel la servante de la fille du roi se serait unie. Mais où sont-ils allés chercher tout ça ? Obélix avait raison : "ils sont fous ces romains !".

Que nous reste t'il à faire ? Et bien au moins deux autres périples voire trois. Celui du départ de Canterbury jusqu'au Col du Grand Saint-Bernard en Suisse, mille kilomètres. Puis certainement un autre beau périple de Rome à Sainte Maria de Leuca, mille kilomètres aussi, où, selon la tradition, Saint-Pierre en voyage pour Rome mit le pied pour la première fois sur le sol italien. Il est vraiment partout ce Saint-Pierre ! Ce pèlerinage demande environ quarante-cinq étapes depuis Rome. Enfin pour les puristes, il faut prendre un bateau et rejoindre Israël pour finaliser la croisade jusqu'à Jérusalem, le bout du bout du bout du pèlerinage. Cette partie s'étend sur trois cents kilomètres mais à ce jour je n'ai pas encore repéré le parcours exact. Le site de la Francigena n'en parle pas encore et pourtant le cammino existe.

Francigena 

Voilà mes dernières lignes pour ce périple enthousiasmant. Je vous remercie à toutes et à tous de nous avoir suivi, commenté, questionné et milles autres échanges tout au long du parcours. Ce ne sont que quelques moments privilégiés de notre périple et j'ai été heureux de les partager. Nous étions des Romieux et notre devise est Omnes viae romam ducunt (Tous les chemins mènent à Rome). A presto.