Nos premiers pas au Chili seront à l'extrême sud du pays, dans un petit village portuaire encore plus au sud qu'Ushuaïa.
Après la traversée courte mais bien mouvementée (prenez un petit bateau à moteur et avancez beaucoup trop vite sur la houle, vous obtenez une Laura toute malade) du canal Beagle, et une petite heure de bus sur une piste de cailloux, nous arrivons à Puerto Williams, sur l'Ile Navarino. A l'auberge El Padrino, on lit sur la porte : "si un lit est libre, posez vos affaires dessus, c'est le votre. Je passerais a un moment." La propriétaire s'appelle Cécilia, elle tient cette auberge, un camping, et elle est à la fois partout et jamais là, de ce qu'on comprend. On finit par la rencontrer, et la convivialité est instantanée. Ici on fait comme chez nous, et on parlera d'argent seulement en quittant l'île (ça tombe bien, le seul distributeur de l'île était en panne quelques jours et ici tout se paye en cash).
On passe une bonne soirée avec des chiliens qui tentent de nous faire progresser en espagnol d'ici et le lendemain c'est parti pour la rando, le fameux "Sendero de los Dientes".
Nous avions trouvé cette rando dans un blog, et c'est pour la faire que nous avons traversé ici. Elle promettait en difficulté et en panorama, on voulait donc se donner ce challenge. La rando dure entre 3 et 5 jours, sans refuge, uniquement en campant le long des lacs, pour l'accès à l'eau. Et petit bonus, il n'y a quasiment personne qui la fait, ça va nous changer d'El Chalten. A Puerto Williams, on a pu louer ce qui nous manquait (une tente et le matériel pour cuisiner). Puis, au matin du 1er février, on s'est donc lancé à l'assaut de cette île du "bout du monde".
Le premier jour est censé être le plus long, et sans doute celui avec le plus gros dénivelé quand on fait le trek en 4 jours (ce que nous voulions faire) puisqu'en fait on fait 2 jours en 1. Le temps était un peu gris, mais pas de pluie en vue, et peu de vent.
Cette rando est réputée pour n'être pas très bien marquée, c'est donc assez facile de sortir régulièrement du sentier, mais avec notre nouvelle appli maps.me et le gps du téléphone pas d'inquiétude. Au final c'est encore plus simple car ils ont (enfin) décidé de marquer proprement le chemin (marre de chercher des marcheurs égarés ?) et c'est des traces toutes fraîches tous les 3 pas qu'on suivra toute cette première étape. On passe le premier campement où d'autres personnes commencent à monter leur tente (il y a vraiment peu de monde sur cette rando, c'est un regal), on enchaîne sur un haut col avec un peu de neige et on redescend à notre objectif après 7-8h de marche.
On installe le campement au bord du lac, puis on se repose tranquillement.
La pluie est tombé... mais pendant la nuit, et tout est sec au matin 😀. Enfin matin pas vraiment puisqu'on s'est accordé une grasse mat' pour nous reposer de notre grosse étape de la veille. On va finalement recroiser tous nos campeurs de la veille, qui picniquent au bord de notre lac. Eux se sont levés aux aurores et on dû passer notre col sous le vent et la pluie.
Chanceux, on part pour cette deuxième journée, sous le soleil. Le décor est dingue : après chaque col passé, c'est une nouvelle vallée immense qui se découvre, avec ses couleurs propres et ses lagunes toujours plus nombreuses. Et bien sûr à part quelques rares marcheurs, pas d'humanité à l'horizon.
La journée est plus courte, avec 6h de marche, et on trouve un petit coin sympa pour le campement, toujours en bord de lac, mais plus abrité dans les arbres.
Par contre, le chemin bien marqué, c'est fini, il faut suivre les cairn, ou MAPS.ME avec le gps. Mais dans l'ensemble, on ne se perd pas trop pour l'instant.
Encore une fois, il pleut la nuit, mais c'est plus ou moins sec au matin, donc parfait pour attaquer le 3ème jour.
Niveau paysage, c'est toujours aussi vierge, immense et splendide, on se régale. Cette fois par contre, une des vallées est une tourbière relativement mal marquée. Le temps est avec nous, et le gps aussi, donc on s'en sort bien. On s'imagine avec la pluie et/ou le brouillard, et seulement une carte papier, la journée serait différente... notamment pour la boue ! Car malgré le beau temps, certains passages sont assez techniques, notamment des petits bouts d'escalade entre des cailloux et de la bouillasse, bien sympathique 😉.
Mais on s'en sort, et on arrive jusqu'au paso Virginia. Concrètement, c'est d'abord une heure de montée raide dans les cailloux, avec beaucoup de vent. Puis une autre heure, moins raide, mais avec encore plus de vent (rafale ~100km/h, pas pratique sur la caillasse avec les sacs). Puis le clou du spectacle, une descente à pic, avec toujours les mêmes bourrasques qui nous obligent à nous accroupir, à nous accrocher et à attendre qu'elles passent. Et encore, au moins il fait beau ! On passe tout ça sans se précipiter, et on campe près du dernier lac. Demain au moins, il suffira de descendre en forêt, puis de faire un peu de route, facile... c'est ce qu'on pensait !
La pluie avait commencé au crépuscule, et ne comptait visiblement pas s'arrêter... On se rend donc à l'évidence, et on plie nos affaires sous la pluie.
La difficulté principale paraît être l'inconfort d'être entièrement trempés en continu. Ce n'est pas agréable, mais au moins c'est le dernier jour, la douche et la laverie nous attendent ce soir.
Mais rapidement, on découvre que le sentier est de moins en moins indiqué, et que le terrain commence à vraiment être très boueux. On se perd souvent, et on suit globalement le sentier grâce au gps, et aux quelques traces de passages humains. C'est long, on tombe plusieurs fois, la boue nous fatigue beaucoup, et on a même pas un petit paysage à admirer pour se remonter le moral.
Au bout de 4-5h, on finit quand même par trouver la route, et il ne reste plus que 8km, potentiellement écourtés si une voiture nous prend en stop. Ce qui finit par arriver, 3km avant la fin. On est un peu naze, la journée a paru infinie, mais on relativise : certains ont 4 jours comme ça, nous n'en avions eu qu'un seul, et le dernier 😀.
Au final, on a donc été très chanceux, et cette rando a été une super expérience. On profite encore 2 jours de la chaleureuse ambiance de Puerto Williams, avec Cécilia et les autres voyageurs, puis arrive le moment de partir pour Punta Arenas.
Le plan original était de prendre un ferry de 36h le long des glaciers. Seulement on ne peut pas savoir si on a de la place, jusqu'au tout dernier moment. Et il n'y en a que tous les 3-4 jours. On choisit donc l'option avion, 2 fois moins cher, et qui ne dure que 1h30, et qui nous laisse apercevoir quelques beaux glaciers entre les nuages. Au revoir le bout du monde, on reprend la direction du Nord 😀.