Descendre de l'avion, fouler le sol belge sous la pluie : nous sommes impatients de retrouver nos familles qui ne sont plus qu'à quelques mètres de nous. Nous affichons nos sourires… Nous sommes sereins, joyeux !
Nous retrouvons, tous, nos amis que nous n'avions plus vus depuis longtemps. Quel bonheur ! Les enfants avaient tant attendu ces retrouvailles qui sont à la hauteur de leurs espérances. Je suis si contente pour eux.
Nous sentons la tension qui monte autour du coronavirus. Nous sommes surpris de constater la manière dont elle est gérée ici en Europe. Quel contraste ! En Asie, nous n'avons jamais ressenti la moindre angoisse, la moindre tension. Ils y font face sans que cela prennent des proportions. Autant vous dire que notre atterrissage a commencé à se faire plus difficile. Nous n'avions pas envie d'être envahi par cette angoisse. Mais nous commençons à entendre que les gens ont eu peur de nous car nous revenons d'Asie.
Dimanche 1 mars 19h00 : Monsieur le Politique M. décide de faire cavalier seul et d'interdire l'accès aux écoles, aux crèches, aux bibliothèques, aux services communaux etc. aux personnes revenant d'un pays à haut risque, en citant le SPF affaires étrangères. Mon propos ne vise pas la mesure prise par Monsieur le Politique M. . Chacun est libre d'avoir son opinion concernant cette mesure.
Nous lisons attentivement l'arrêté de police : nous y trouvons les pays dit à haut risques et nous trouvons également la Thaïlande. Stupéfaction ! Sidération ! Nous recevons une baffe en pleine figure. Mes enfants sont en pleurs, ils ne peuvent pas retrouver leurs copains qu'ils avaient envie de voir depuis si longtemps. Ils n'ont pas considérés ces deux semaines supplémentaires comme des vacances prolongées. Ils avaient envie de retrouver les bancs de l'école !
Je me transforme en lionne, j'ai besoin de comprendre. J'ai donné des coups de griffes, j'en suis désolée mais j'avais besoin de rétablir la justice. Mon cœur de maman ne pouvait pas entendre que mon petit garçon de 6 ans ait peur de ne plus avoir de copains car on a peur de nous. Mon cœur de maman grondait de voir mes enfants pleurer et de ne pas pouvoir des mots sur l'inexplicable.
Pourquoi la Thaïlande? Elle n'était pas un pays à haut risque, il n'y avait pas de foyer épidémique. J'entends petit à petit qu'à l'école de nos enfants, certains parents ont eu peur de nous, de notre voyage. D'un coup, nous nous sentons comme des pestiférés, nous nous rendons compte que sous prétexte que les gens ont peur, ils sont prêts à exclure l'autre. La peur ne donne pas tous les droits. Chacun a ses peurs, moi la première, mais cela ne justifie pas tout. Si nous avions été dans une zone à haut risque, nous aurions respecté la mesure même si elle est à nos yeux absurde si elle n'est pas prise au niveau global du pays ou dans les services qui soignent les personnes fragiles. Bien entendu, il faut protéger les personnes fragiles, nous ne sommes pas inconscients.
Comme une lionne, je n'ai cessé d'appeler la commune de Monsieur le Politique M. et de demander Pourquoi la Thaïlande ?
Mercredi, contre toute attente, Monsieur le Politique M. me contacte. Waouh c'est la première fois que j'ai une homme politique au téléphone. Je ne me laisse pas impressionner. Je lui demande pourquoi il a choisi de mettre la Thaïlande dans les pays à haut risque? Pourquoi alors qu'il n'y a pas d'épidémie? Il me demande dans quelle école vont mes enfants? La lionne prend ses précautions et demande si cela a une incidence dans le propos? NON dit Monsieur le Politique M. Il reconnait s'être renseigné après avoir fait l'arrêté de police le 1er mars et reconnait que la Thaïlande ne fait pas partie des pays à risque. Il me dit que mes enfants peuvent retourner à l'école. Je suis très émue. Je suis heureuse de m'être battue pour mes enfants.
Jeudi 5 mars, nous retournons à l'école. Nos filles se font accueillir chaleureusement par leurs copines ! Quelle joie de voir cela ! Pour notre petit loulou, les choses sont plus compliquées… certains enfants osent venir vers lui, d'autres pas. Mon fils pleure, me serre dans les bras. Mais il retrouve le sourire au cours de la journée. Pas facile de réintégrer l'école après 4 mois, et dans ces conditions, c'est encore plus difficile. Je remercie les personnes qui nous ont soutenues, sans elles, mon cri de détresse aurait été encore plus grand.
Pourquoi écrire cette étape?
Elle ne faisait pas partie de notre rêve mais elle fait partie, malgré nous, de notre voyage. J'ai encore un gros nœud dans la gorge… mais j'avais envie de faire entendre notre voix. Je nous plains, nous les citoyens d'Europe, d'être soumis à la peur, peur qui est utilisée pour nous faire encore davantage peur. En écrivant ces mots, je pleure. Parce que les gens ont eu peur de nous, ils nous ont volé notre retour. Je veux être plus forte que cela, ils n'effaceront pas les 4 mois incroyables que nous avons vécu à nous 5 dans ces merveilleux pays. Ils nous ont fait grandir !
Pour nous voyager, c'est rencontrer l'autre, ne pas en avoir peur parce qu'il vient d'ailleurs. Nous avons tous à apprendre des uns et des autres. Vivement notre prochain voyage !