Carnet de voyage

Bolivia

8 étapes
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Un proverbe bolivien dit: "Mieux vaut se perdre que de ne jamais partir"
Du 30 août au 16 octobre 2017
48 jours
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Aloha, lecteurs!

Hé non, ce n'est pas vraiment la façon de saluer les gens en Bolivie mais, puisque mon chemin ne cesse de me réserver des suprises, j'ai eu "une" "petite" étape supplémentaire sur ma route vers la Bolivie. En effet, à mon arrivée à l'aéroport de Tokyo, je cherche le comptoir d'enregistrement des bagages pour Houston, USA (première escale de mon itinéraire Tokyo-Houston-Lima-La Paz), et là, j'apprends que mon vol est annulé à cause de Harvey, l'ouragan qui a posé ses bagages à Houston. Panique. Il faut s'avoir que, dès que j'ai un soucis d'avion, c'est le stress car si je rate un seul des avions compris dans mon ticket tour du monde, je perds aussi tous les autres... J'essaie de me calmer en prenant du recul; je pense aux pauvres gens d'Houston, et me dis aussi que je préfère quand même apprendre qu'il y a un ouragan en étant à Tokyo plutôt qu'en étant dans l'avion, au-dessus de Houston. L'hôtesse, très gentille, se décarcasse pour me trouver une solution et me propose soit de rester deux jours de plus à Tokyo, en attendant que l'ouragan passe, soit de quand même me programmer un vol vers Houston mais avec une escale à Honolulu en chemin, en espérant que d'ici là, l'aéroport aura réouvert. Déjà en mode "Amérique du Sud", je n'ai pas envie de rester plus longtemps à Tokyo et je décide donc de choisir la deuxième option (deuxième itinéraire: Tokyo-Honolulu-Houston-Lima-La Paz). Tellement contente que mon ticket soit sauvé, je ne réfléchis pas vraiment en faisant les formalités d'enregistrement et c'est seulement après que la pression soit redescendue que je commence à me demander où est Honolulu. Pour moi, c'est le genre de nom d'endroit qu'on balance comme Tombouctou ou Perpette-les-Bains... Et, ô surprise, Honolulu est en fait à Hawaï, sympa!

Bref, je finis par embarquer et 7 heures plus tard, nouveau fuseau horaire, j'arrive à Honolulu! Je récupère mon bagage et file directemet au comptoir d'embarquement. Ici, quel changement de décor! Tout le personnel porte des chemises hawaïennes et les dames ont chacune une fleur dans les cheveux, tout le monde est très zen, quelle ambiance de vacances! Nouveau coup de chance, je tombe encore sur une dame très gentille qui m'annonce que, malheureusement, Harvey sévit toujours à Houston et que l'aéroport ne rouvrira que dans 3-4 jours, si tout va bien. Après de longues recherches, elle me propose donc un troisième itinéraire: (Tokyo-)Honolulu-Los Angeles-Mexico City-Lima-La Paz... Quelques heures plus tôt, je serais tombée de ma chaise (même si j'étais debout) mais je me suis déjà un peu fait une raison et, l'ambiance vachement détendue qui règne dans l'aéroport et la sympathie du personnel m'encouragent à prendre les choses avec philosophie. Résultat des courses, il est 9h du matin à Honolulu, mon avion pour Los Angeles ne décolle qu'à 8h du soir et, après avoir reçu mes nouveaux billets d'avion (j'ai une liasse de billets d'avion sur moi...) et déjà pu enregistrer mon bagage (ouf!), l'hôtesse me dit "Puisque vous avez quand même la journée ici, profitez-en pour aller faire un tour dans Hawaï! Vous pouvez prendre le shuttle qui va à Waikiki Beach et y passer la journée". Je manque d'éclater de rire en entendant ce nom tellement typique qui sonne bikini et cocktail et décide de "take the most of it" et d'aller foutre mes deux pieds dans l'Océan Pacifique :D

Et j'ai donc passé la journée à Hawaï, quoi de plus normal! :D Et heureusement, car ça m'aura au moins fait une bulle d'air dans ce fameux périple. Parce qu'après, j'ai enchaîné les 4 autres vols, avec 2 ou 3 heures d'escale chaque fois (un peu court à Mexico City pour récupérer mon bagage puis repasser tous les check-in, douane et sécurité), volant de jour, de nuit, m'endormant partout et changeant encore quatre fois de fuseau horaire, pour arriver à 3h30 du matin à La Paz, épuisée et ne sachant plus quel jour on était, et finir ma nuit (ou mes nuits?) sur la banquette du terminal de l'aéroport.

Voici donc enfin mes aventures en Bolivie! Mais d'abord, quelques informations sur le pays: Superficie: 1 098 581 km² (plus de 35 fois la Belgique) Population: 11 138 234 habitants (soit 220 123 habitants de moins qu'en Belgique) Densité: 10 habitants/km² Indépendance: 6 août 1825 Monnaie: le Boliviano Devise nationale: "L'union fait la force" (ça me rappelle quelque chose!)

Drapeau bolivien / La Bolivie à l'échelle mondiale 

Le lendemain (30 août), quand je me réveille, le soleil brille dehors et... qu'est ce que j'aperçois de la fenêtre de l'aéroport? Des sommets enneigés (photo 1)!!! Ah ben oui, La Paz est la capitale (administrative) la plus haute du monde, son altitude s'étalant de 3650 à 4095m! Je suis comme un gosse le matin de Noël et j'ai un énorme sourire scotché au visage! Je finis par prendre un taxi pour me rendre à mon auberge et là, c'est la cerise sur le gâteau! Après les sommets enneigés au loin, moi la petite belge du plat pays, je prends une grosse claque dans la figure en découvrant La Paz: une étendue immense de bâtiments de brique rouge s'étalant en étages dans cette énooorme cuvette représentant un tel dénivelé! Je n'en crois pas mes yeux! Un ciel d'un bleu électrique que je n'ai plus vu depuis des mois, la danse des voitures remplies de bosses, bourrées de gens, qui roulent selon un code qui m'est inconnu, cette incroyable vue plongeante sur la ville et, sans doute, la fatigue des 58 heures de voyage aidant, je suis émue aux larmes devant ce spectacle! Et, aussi bizarre que cela puisse paraître, un sentiment de bien-être et de sécurité m'envahit et j'ai l'impression de me sentir à la maison; je me rends compte à quel point ce chaos organisé m'avait manqué au Japon!

Je prends les deux premiers jours pour me reposer et avancer sur le blog, puis finis par sortir au troisième jour. Je décide de commencer par le quartier touristique, son marché aux sorcières, ses boutiques de souvenirs toutes plus colorés les unes que les autres, et son musée sur la coca. En me baladant dans la ville, je découvre que la culture indigène est encore bien présente dans la société actuelle (habits traditionnels, vente d'offrandes à la Pachamama (ou Mère Terre, déesse aymara et quechua amblématique et considérée par tous les boliviens comme leur mère spirituelle), musique traditionelle,...) et que les boliviens sont de grands fans de fanfares (photo 5, sur la place San Francisco). Cette balade me donne aussi une des rares occasions où je peux photographier discrètement une cholita (photo 4), personnage devenu emblème de la culture bolivienne (une partie considère que si on les prend en photo, c'est comme leur voler leur âme et elles refusent donc toujours d'être photographiées). La cholita, qui fait référence à une femme fort attachée à sa culture indigène, porte un uniforme typique: tout d'abord le chapeau melon, importé dans les années 20 par les européens. L'histoire raconte qu'un chapelier de La Paz passa commande d’une grande quantité de ces chapeaux melons destinés aux hommes et là, soit les chapeaux qui lui furent livrés étaient marrons au lieu d’être noirs, soit ils étaient trop petits (il y a deux versions)... Le chapelier, désireux d’écouler au plus vite sa cargaison de chapeaux, eut une idée géniale et dit aux femmes que ce chapeau était de la dernière mode en Europe.Toutes les coquettes se ruèrent alors sur ces chapeaux et ne le quittèrent plus. Le chapeau, marron, noir ou vert foncé, est délicatement posé sur la tête (mais ne s'envole jamais!) et, selon la coutume, s'il est posé droit, c'est que la cholita est mariée, mais s'il est un peu sur le côté, c'est que la cholita est disponible :) En effet, la cholita remporte beaucoup de succès chez les boliviens et, en plus d'une poitrine généreuse, les hommes apprécient particulièrement des hanches bien larges et... des mollets bien musclés! Les cholitas mangent donc une nourriture très riche et, pour afficher de belles hanches en rue, superposent parfois jusqu'à 7 jupons (!) sous leur jupe plissée aux couleurs vives et au tisssu brillant, la pollera. Jupe et jupons qui laissent, bien sûr, apparaître leurs mollets. Le haut comporte une blouse, une chompa (pull) en laine et un tablier en coton. Porté sur le dos et noué autour du cou, l'aguayo est un rectangle de tissu orné de rayures horizontales de couleurs vives, servant de sac fourre-tout dans lequel on transporte de la coca, des aliments ou un bébé. La coiffure des cholitas est également très importante: la raie au milieu et deux longues tresses auxquelles elles accrochent des pompons de couleurs vives ou, le plus souvent, noirs. Les choiltas sont, le plus souvent, des marchandes qui travaillent dans la rue ou sur les marchés. La discrimination dont elles pâtissaient il y a peu de temps encore s'est fortement atténuée avec Evo Morales à la présidence de la République depuis 2006. Premier président d'origine indigène (indien Aymara, issu du peuple et d'une mère chola), il a œuvré activement à la revalorisation de la culture indigène; il a, entre autres, instauré une fête populaire annuelle en l’honneur des cholitas et de leur tenue traditionnelle, les inscrivant comme symbole de l’identité bolivienne et de la fierté du métissage du pays.

Sur les photos 7 à 11, un aperçu du Mercado Hechiceria, le marché dit des sorcières. On y trouve des plantes et des remèdes, des fœtus de lamas séchés utilisés pour des offrandes sacrificielles (photo 8) (attention, ils ne viennent pas de femelles tuées exprès: quelques 3000 lamas sont tués chaque jour sur l'Altiplano pour leur laine et leur viande, les fœtus proviennent des femelles dont on découvre la gestation après coup), ou des ingrédients plus étranges comme des becs de toucan séchés, destinés à influencer ou amadouer les esprits de l'univers aymara. Ceux qui se sentent malades ou sont importunés par des esprits malins se procureront un mélange d'herbes colorées, de graines et de diverses parties d'animaux. Un fœtus de lamas est souvent enterré sous la première pierre posée, lors de la construction d'une maison, comme offrande à la Pachamama. On y trouve également des sets d'offrandes à la Pachamama tout préparés, présentés à la Pachamama, selon la ferveur des croyances de chaque famille, soit tous les premiers vendredis du mois ou lors de la semaine de Carnaval au cours de laquelle il y a une grande fête en l'honneur de la Pachamama. On pose, aux pieds ou autour du cou d'un petit bonhomme en faïence, toutes les choses que l'on désire avoir: des miniatures de voitures, de maisons, ou bien des billets selon que l'on désire une voiture, une maison et/ou plus d'argent. Sur la photo 10, le crapaud est le symbole de la Pachamama (aussi représentée en fourmi). Je termine la matinée par le musée de la coca, très instructif, axant principalement ses enseignements sur l'importance de la feuille sacrée dans la culture indigène depuis des milliers d'années, ses propriétés médicinales, son utilisation par les industries du soda et de la pharmacie et sur les torts que la cocaïne a causés à la réputation de la plante d'origine. Une exposition extrêmement bien fournie en documentation et en explications qui invite à la réflexion. On y découvre ainsi l'effet bénéfique de la coca (à chiquer ou en tisane) sur les symptômes du mal d'altitude (elle stimule les centres respiratoires et améliore ainsi l'oxygénation) ainsi que son importance primordiale dans l'industrie minière. Permettant aux mineurs exploités de travailler pendant des heures dans la mine sans ressentir ni fatigue ni faim, ceux-ci décidèrent de faire grève le jour où la coca fut interdite dans le pays, suite aux polémiques mondiales où l'on pointait la Bolivie du doigts. Les exploitants miniers comprenant qu'il était beaucoup plus malin pour eux de l'autoriser plutôt que de l'interdire (productivité des mineurs), elle redevint légale et elle fut même déclarée article de première nécessité en 1940, sa vente était obligatoire dans les entreprises minières et de chemin de fer. La relation entre les mineurs et la coca était tellement étroite que le prix de la feuille dépendait du prix des minéraux et elle acquit même une valeur d'échange: on l'utilisait comme mode de paiement et, à certaines occasions, sa valeur était telle qu'on l'utilisait à la place de l'or ou de l'argent.

Photo 1: vue de la ville du toit de mon auberge./Photo 2: Je retrouve l'Asie des débuts avec les entrelacs de fils électriques  

Je continue ma balade dans les rues colorées du quartier touristique puis redescends vers la place San Francisco pour y visiter la basilique du même nom. Sur la photo 4, un exemple d'une des nombreuses rues embouteillées de La Paz qui, avec l'intensité des gaz d'échappement qui s'y dégagent, rendent encore plus difficile la marche dans la ville, déjà éprouvante à cause de l'altitude et du manque d'air. La basilique date de 1548 et habrite différents cloîtres qui offrent des espaces paisibles qui contrastent avec l'agitation de la place, de l'autre côté de la façade. J'ai adoré le christ peint en bleu, parce qu'il restait un fond de peinture après avoir repeint les couloirs d'un des cloîtres ˆˆ et la vue depuis les toits de la basilique. De retour sur la place, j'entends au loin (mais pas si loin) des pétards et aperçoit une manifestation. J'apprendrai le lendemain, lors de la visite guidée que les boliviens sont des gens qui manifestent énormément, principalement en bloquant des routes et des villes, parfois sur plusieurs jours ou même plusieurs semaines, selon la gravité. Pour l'anecdote, le gouvernement a décidé une fois d'interdire la diffusion des Simpson à la tv. Le show remporte un tel succès en Bolivie que les boliviens sont descendus dans les rues, parfois déguisés en personnages de la célèbre famille, pour protester contre cette décision. La manifestation a pris une telle ampleur que le gouvernement a dû faire machine arrière et ré-autoriser la diffusion. Selon nos guides, les boliviens auraient même lancé une fois une manifestation parce que... ça faisait longtemps qu'ils n'avaient plus manifesté! :D mais nos guides avaient beaucoup d'humour donc je ne suis pas sûre que c'était vrai ;) Sur la dernière photo, la cathédrale Notre-Dame de la Paix et, derrière, l'horrible nouveau bâtiment qui habritera le centre administratif de la capitale, détesté par tous les habitants de La Paz. Dans mon auberge, je rencontre Julie, française qui vit à Bruxelles et qui, elle aussi est en plein tour du monde. Nous terminons la journée par aller manger un bout ensemble.

Pour mon dernier jour, je décide de suivre la visite guidée de la ville recommendée par l'auberge. Avec nos deux guides super sympathiques et bourrés d'humour, nous commençons par la traversée d'un énorme marché traditionnel de la ville, puis continuons, hasard, par un itinéraire à peu de choses près semblale à celui que j'avais suivi la veille. Sur la photo 6, le batiment du Congrès National avec, petit détail, une horloge dont le cadran est à l'envers. Deux théories selon nos guides: le cadran a été ainsi inversé pour se démarquer du monde occidental et "faire différemment" ou bien car un des présidents avait fait des frasques (la situation politique de la Bolivie a été particulièrement instable jusqu'à l'arrivée d'Evo Morales et plusieurs des présidents ont fini par être trainés de force par les habitants et pendus sur la Place Murillo, celle de la cathédrale et du Congrès National) et voulait attiré l'attention des citoyens sur autre chose que ses bêtises... ˆˆ

En parlant avec des filles qui ont suivi la visite avec moi, on constate qu'on est plusieurs à vouloir prendre u des téléphériques de la ville pour avoir une vue des hauteurs, et nous partons ainsi à quatre, avec une allemande et deux australiennes. Je retrouve un peu les sensations que j'ai eues dans le taxi en arrivant à La paz, car je suis toujours aussi impressionnée par cette ville énorme, bordée par des montagnes enneigées! Sur les photos 2 et 3, l'énorme cimetière de la ville, habritant des constructions ressemblant à des étagères où l'on dépose les urnes des défunts.

Le soir, je prends un bus de nuit pour me rendre à Cochabamba, où je me suis inscrite pour une semaine de cours intensifs d'espagnol à l'école Carmen Vega, avec logement en famille.

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Jacques, français émigré en Bolivie et directeur de l'école d'espagnol avec son épouse Carmen, m'avait prévenue que le dimanche 3 septembre était la journée sans voiture de Cochabamba et qu'il valait donc mieux que j'arrive en ville avant 9h ou bien après 18h. Puisque j'avais envie d'avoir la journée du dimanche pour faire connaissance avec ma famille d'accueil, j'avais décidé de prendre le bus de nuit de La Paz pour arriver à Cochabamba bien dans les temps, vers 6h du matin. Dans le bus, je sympathise avec Florence et Vincent, un couple de français qui a pris une année sabbatique (ou plus si affinités :)) pour faire du wwoofing en Amérique du Sud. Le contact passe super bien et on se raconte nos aventures respectives avant de s'endormir comme des masses. Au milieu de la nuit, je me réveille en ayant l'impression que ça fait un moment qu'on est à l'arrêt et en effet, je distingue plusieurs véhicules à l'arrêt et pas mal de personnes dehors alors qu'il me semble qu'on est au milieu de nulle part... L'agitation commence à gagner les autres passagers de notre bus, les gens descendent puis remontent dans le bus, puis finissent par empoigner leurs affaires et sortir; personne ne pense à informer les trois pauvres têtes blanches interloquées du devant du bus ˆˆ Heureusement, Vincent et Florence se débrouillent pas mal en espagnol après leurs trois mois au Pérou et demandent aux gens ce qu'il se passe. On nous répond que l'interdiction aux véhicules de rentrer dans la ville est déjà effective et que le bus ne peut pas aller plus loin... Pas le choix, on prend nos affaires et on va réceptionner nos bagages de soute, déjà sur le bord de la route. Il est 4h30 du matin, les bus n'avaient visiblement pas l'air au courant que l'entrée de la ville était déjà bloquée et, après un coup d'oeil sur la carte, on se rend compte qu'on est au petit village de Sipesipe, royalement à... 26km de la place principale de Cochabamba!! Je ne veux pas y croire et je ne m'imagine vraiment pas marcher tant de kilomètres avec mon cheval mort de 19 kg sur le dos et mon bébé chimpanzé de 8kg sur le ventre. Encore naïve (ou bien complètement dans le déni ˆˆ), je me dis qu'on va nous envoyer une navette pour nous amener en ville et je soumets l'idée d'attendre encore un peu près des bus. Je finis par capituler en voyant tous les gens se mettre à marcher sur l'autoroute en direction de la ville. Dépitée, je me demande combien de temps je vais tenir, mais j'ai de la chance, Florence et Vincent sont de super compagnons et on essaie de relativiser et de rire de la situation. Je ne peux cependant pas m'empêcher, en voyant tous ces gens marcher sur la route, avec grands-parents, enfants en bas âge et parfois encore plus chargés que nous, de penser à toutes ces photos d'Histoire des longues files de gens sur le bord des routes quittant leurs foyers pour cause de guerre.

De temps à autre, une voiture vide arrive de la ville et là, tout le monde se rue dessus pour monter dedans et être rapproché du centre; il ne faut s'attendre à aucune politesse, les gens se poussent et se bourrent n'importe comment dans les véhicules. Nous en ratons quelques-uns mais finissons par être pris par un gars qui nous avance de quelques kilomètres avant d'être bloqué, lui aussi, par un barrage. On reprend espoir, le sourire revient doucement, et le soleil commence à se lever (jolie photo 1 ˆˆ). Deuxième coup de chance, quelques kilomètres plus loin, nous avons un second coup de bol et on se fait charger dans une autre voiture (le grand Vincent coincé dans le coffre parmi tous les sacs) pour quelques kilomètres de plus (on se sera fait avancer de 8-10km en tout, selon notre estimation). Quand on descend, on réalise qu'on est encore à une dizaine de kilomètres du centre et que donc on n'a pas encore marché tant que ça. J'ai vraiment mal au dos et pense les laisser continuer sans moi mais leurs petites bouilles sympas me convainquent de rester en leur compagnie et nous continuons notre route pour enfin arriver au centre vers 9h (4h après notre démarrage) où nous nous jetons sur un bon ptit-déj (merci la fête du piéton et les ptits stands sympas partout dans les rues :D)! Mais bon, toute bonne chose a une fin et je suis toujours attendue par Jacques et Carmen à l'école. Mes amis s'arrêtent là et vont attendre leur bus du soir pour Santa Cruz au terminal de bus; nous échangeons nos numéros et promettons de rester en contact (faut croire que tisser des liens dans la douleur les rend plus forts hihi). Il me reste 5 km. Pfff. J'ai encore moins de motivation en étant seule. J'arrive aux pieds d'une colline assez pentue que je me vois dans l'obligation de grimper si je ne veux pas rajouter plusieurs kilomètres à mon chemin. J'ai tellement mal au dos que je fais une pause tous les 100 mètres et me concentre sur une unique chose: mettre un pied devant l'autre. Arrivée enfin en haut, je bénis la basse altitude de la ville (2553m) comparé à La Paz et me réjouis à l'idée de descendre la belle pente qui m'attend et, marchant toute guillerette, je ne prends pas garde aux deux grands chiens qui sortent de leur cour en aboyant agressivement (ben oui, journée du piéton, toutes les portes et jardins sont ouverts...) jusqu'au moment où un des deux passe derrière moi et me mord lâchement deux fois dans le mollet. Je suis tellement abassourdie et épuisée que je ne réagis même pas et continue ma route comme si de rien n'était. Quelques centaines de mètres plus bas, je reprends mes esprits et, de fatigue et d'incompréhension devant tant d'injustice (ça serait peut-être mieux passé si je n'avais pas déjà marché 20km ˆˆ), je fonds en larmes, en espérant de toutes mes forces que je ne vais pas choper la rage (yeah!). Heureusement, je ne suis plus très loin de l'école et, rassurée de ne pas voir de sang sur mon pantalon (je ne sais pas voir la plaie sans enlever mes sacs), je me ressaisis et fais enfin connaissance avec Jacques et Carmen (après avoir été accueillie par leurs trois adorables toutous; comme quoi quand on tombe d'un cheval, le mieux est de remonter dessus directement ;))

Dès mon arrivée à la maison, je me rends très vite compte que j'ai atterri dans une famille vraiment adorable: je suis accueillie aussi chaleureusement qu'une nièce qu'ils n'auraient plus vue depuis longtemps :) Je fais donc la connaissance de toute la maisonnée: Magui et Edmundo (les parents), Betty (la cousine d'Edmundo qui vit en Espagne et qui est en visite) et les enfants Gabi (16 ans), Mauricio (25 ans) et Melani (sa compagne) et leur fils Javier, et Dany (30 ans), aîné de la famille et prof d'espagnol à l'école de Carmen et Jacques. Après un bon repas, une douche d'ENFER et une petite sieste, nous allons nous balader en ville tous les 4 et profiter de l'animation de cette journée festive sans voitures (tu parles!ˆˆ). La maison est située près du joli lac Alalay qui offre une vue dégagée sur le Cerro de San Pedro où trône le majestueux Cristo de la Concordia, le plus haut du monde, dépassant de 44cm celui de Rio de Janeiro de 33m (33 comme l'âge du Christ à sa mort). Selon le Lonely Planet, les Cochabambinos (habitants de Cbba) se justifient en disant que le Christ a vécu 33 años y un poquito (33 ans et quelques... ˆˆ) Et on en profite pour prendre quelques photos "pinas" avec Betty (à gauche) et Magui (au centre). J'ai du mal à comprendre Betty qui parle très vite et fait beaucoup d'humour, mais je vois que Magui et Edmundo ont l'habitude d'avoir des étudiants étrangers qui viennent pour apprendre l'espagnol et ils font tout pour que je les comprenne et puisse suivre leurs conversations. Néanmoins, je suis vraiment contente d'avoir pris cette semaine de cours car j'en ai fort besoin et c'est donc super enjouée que je pars à l'école le lendemain :D En plus des trois toutous rencontrés la veille à l'école, il y a aussi deux chats et... une méga tortue qui se balade dans la cour :D Le système est vraiment super chouette: un cours sur mesure (individuel et à raison de 5h par jour, pour moi) et un prof différent chaque jour. On voit la grammaire au travers de textes sur la culture ou l'histoire bolivienne; on parle cuisine, plats typiques, situation politique et économique, tout est prétexte pour lancer la conversation et j'en apprends énormément sur ce pays qui m'intrigue de plus en plus. Bref, c'est autant de forme que de contenu; c'est super intense mais les profs sont super sympas et j'adore!! Mon cours se finit à 13h15, je rentre à la maison et on dîne tous ensemble. Après, chacun vaque à ses occupations et moi, je m'attèle à mes devoirs. Vers 17-18h, Magui, Edmundo et Betty sont rentrés et on papote un petit peu avant de souper, avec les enfants s'ils sont là. En Bolivie, ou du moins dans la région de Cochabamba, on mange un gros repas à midi et le soir, c'est une tasse de thé avec des galettes ou un morceau de gâteau et un fruit, beaucoup plus digeste pour aller dormir. Après le repas, on débarrasse la table et on joue tous les quatre au jeu bolivien, le cacho, avec un petit gobelet et cinq dés. Le but du jeu est d'obtenir différentes séries de dés qui rapportent des points. C'est super chouette et on se marre bien tous les quatre! Et le lendemain, une autre journée commence.

Le mercredi, Magui propose de m'emmener à la Cancha, activité en soi de la ville. Il s'agit d'un énooorme marché où l'on trouve absolument tout, comme s'en ventent les Cochabambinos :D Magui a un réel soucis de me montrer tout et on monte même dans un building pour avoir une vue d'ensemble sur le marché, bref tout ce qui est sous les toits de tôles de la photo 1 (et il manque encore toute la partie de droite). De nouveau, les entrelacs de fils électriques sont impressionnants et, comme chaque fois, je me demande comment les gens fons quand un fil pète ˆˆ A Cochabamba, il y a aussi des Cholitas bien sûr, mais ici, elles portent des chapeaux tressés à larges bords (photo 4). Sur la photo 6, dans le grand sac blanc au bas de l'image, des pêches séchées (durazno, mot d'Amérique du Sud pour le melocoton de l'Espagne), typiques ici pour en faire des boissons ou des sauces. Les pêches se conservent comme ça et, selon eux, quand on les plonge dans un liquide, elles retrouvent leur goût d'origine et sont comme fraîches. Comme je l'avais appris au cours avec Carmen, les Boliviens mangent absolument tout dans la vache (tout est bon dans le cochon ˆˆ), des pattes aux cornes, en passant par la queue por supuesto! Je m'amuse donc à prendre les langues, les coeurs et les panses en photo, dans la partie boucherie du marché. Bon, la tête, c'était un peu plus répugnant ˆˆ Sur la photo 9, un petit échantillon des centaines de sortes de patates différentes qui poussent en Bolivie. Lors de la visite guidée de La Paz, les guides nous avaient en effet dit que la patate était presqu'une religion en Bolivie; on trouve même dans certains plats différents types de patates mélangés, accompagnés de viande et de... riz ˆˆ Sur la photo 10, une échoppe de chaussures faites au départ de vieux pneus inutilisables. J'adore l'idée de recyclage et il parait qu'elles tiennent super longtemps!

J'avais déjà eu l'impression à La Paz que les fanfares étaient très populaires en Bolivie mais je ne savais pas encore à quel point! En effet, j'apprends que la majorité des écoles du pays ont leur fanfare et qu'en plus, il y a plusieurs concours de fanfares à Cochabamba la semaine où je suis là. Gabi joue de la clarinette dans la sienne et le dimanche, on décide d'aller assister à la représentation de son école. (J'ai chopé un sale virus pendant la semaine et, trop affaiblie pour partir le samedi à Potosi avant mes deux semaines de bénévolat, je décide de rester avec Magui et Edmundo jusqu'au mercredi et de repousser mon séjour à Potosi à après le bénévolat). Les différentes les écoles se succèdent et je me rends compte que le niveau est quand même haut! Certaines fanfares sont vraiment énormes et super impressionnantes! J'ai, bien sûr, eu un coup de coeur pour celle de Gabi, qu'on voit en tout premier sur la photo 3, dans le coin inférieur, et pour les fanfares des deux écoles à enseignement spécialisé de la ville. Particulièrement pour celle de la photo 4 sur laquelle apparait Darla, petite trisomique d'une amie de Magui, au centre avec son tambour bleu, que j'avais rencontrée quelques jours plus tôt. La veille de mon départ, puisque je n'ai plus cours, nous allons avec Magui faire les courses au marché extérieur de la ville, là où les vendeurs de la Cancha viennent acheter, pour revendre en ville. Ici, comme je l'ai très vite constaté aux monticules de fruits et légumes, on achète en gros ˆˆ Pour mon dernier gros repas avec eux, Magui a décidé de cuisiner le plat typique de la région, le pique macho, que je n'avais pas encore goûté et que nous préparons ensemble. Résultat en photo 11, un plat bien riche mais super bon que je n'ai pas hésité à remanger par la suite mais qui n'a plus jamais eu la même saveur :) Le soir, Gabi a encore deux autres représentations avec sa fanfare en périphérie de la ville et nous y assistons accompagnés de Dany qui a pu se libérer.

Nous rentrons tard de la ville et je me dépêche de refaire mon sac après cette longue pause de 10 jours sans bouger pour quand même dormir quelques heures avant mon départ en bus à 5 heures du matin. J'ai le coeur lourd de quitter cette petite famille d'adoption qui s'est si bien occupée de moi et je suis tentée d'y revenir après les deux semaines que je vais passer dans les montagnes avec le Padre Andres, prêtre belge. Je suis aussi tellement contente de tout ce que j'ai appris pendant cette semaine à l'école, j'ai l'impression d'avoir fait des progrès énormes et de pouvoir maintenant me débrouiller dans un grand nombre de situations, ceci encore renforcé par l'immersion dans la famille de Magui. Mais j'ai un gros goût de trop peu car j'ai vu beaucoup de matière mais n'ai pas eu assez de temps à mon avis pour pratiquer suffisament que pour ne pas oublier en reprenant la route seule. Je garde donc la porte ouverte dans ma tête pour revenir pour un petit séjour à Cochabamba, si mon programme me le permet.

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Je savais bien que le trajet vers Colquechaca, petite ville des montagnes (4200m) du département de Potosi, serait compliqué, vu comme la région est difficilement accessible, mais on m'avait conseillé un itinéraire à la gare des bus de Cochabamba et je m'y étais fiée. Je pars donc à 4h30 du matin de Cochabamba (nous avions compté sur le bus de 5h avec Magui mais, arrivées bien avance à la gare des bus, elle me conseille de prendre le premier bus possible sachant la route qui m'attendait, et je me jette donc dans celui de 4h30, déjà en train de quitter le terminal) et arrive cinq heures plus tard au terminal d'Oruro. J'embarque ensuite dans le bus de 11h30 pour Llallagua, petite ville minière de la même région que Colquechaca, où j'arrive 3 heures plus tard (parmi les passagers, une petite chèvre toute mignonne, quoi de plus normal). Sur le trajet, je commence à me familiariser avec un type de paysage encore différent de ceux que j'ai vus jusqu'à présent: fort vallonné et avec une végétation sèche et arride qui pousse, je ne sais pas trop comment, sur ces collines de rocs et de pierres. Je croise de temps en temps des carrières (photo 1) et des petits villages qui paraîtraient presque abandonnés. A mon arrivée à Llallagua, on m'informe qu'il n'y a qu'un bus par jour pour Colquechaca et qu'il part le matin. Mes seules options sont de passer la nuit à Llallagua (je ne sais même pas s'il y a un hotel, pour dire comme c'est touristique) ou bien de prendre un taxi pour parcourir les derniers 110km (3 heures), mais je ne suis pas rassurée de partir seule dans les montagnes avec un taxi pour un aussi long trajet. Le Padre m'avait averti qu'il serait dans les montagnes jusqu'au soir et n'a pas de réseau; je suis devant une impasse et je sais que plus j'attends, plus je me rapproche du coucher du soleil... Heureusement, coup de bol, j'ai une couverture internet et mon équipe de choc en Belgique est au taquet sur whatsapp!! Nous finissons par choisir l'option taxi et, après avoir envoyé une photo de la voiture et de sa plaque à Pôpa et Môman, j'embarque pour la dernière ligne droite. Et 2h30 plus, tard la ville de Colquechaca apparait au détour de la route (photo 2)! Ouf :) Le Padre m'avait dit d'aller à la maison des paroisses. Bien sûr, mon chauffeur ne sait pas où c'est (j'étais déjà bien contente qu'il sache où était Colquechaca), je lui demande donc de m'amener à l'église, pensant que les deux bâtiments seraient proches. Là, rien. Je demande au seul passant que je rencontre en tentant le sésame du "je suis une amie du Padre Andres" et ça marche! :D Il me dit que la maison est loin et demande à des gamines sur la place principale de m'y conduire. Je vois qu'elles n'ont pas très envie de bouger et lance mon plus beau sourire... Et ça marche :D I'm on fire! Elles m'amènent donc gentiment à destination et puis s'en vont, pour revenir trois minutes plus tard un peu intimidées et me demander une série de photos avec moi, je les trouve trop drôles (photo 3)! Et puis j'attends. Il commence vraiment à faire froid une fois que le soleil est couché et toujours pas de Padre. Une petite dame qui semble vivre là et qui ne parle que quechua (j'apprendrai par la suite que c'est la femme du portier, Lorenza) m'invite à rentrer et m'amène à une pièce avec deux matelas au sol, que j'imagine être ma chambre. A l'intérieur, pas de chauffage, je me glisse donc dans mon sac de couchage et m'endors à moitié quand j'entends des voix, le Padre est arrivé! Gentil. Il me demande si j'ai faim, quand je lui demande s'il a déjà mangé il me dit: "Oh j'ai pas vraiment le temps de manger, moi", avec un ptit sourire fatigué. Tous les deux épuisés, nous décidons de parler plus le lendemain.

Le matin, le Padre me dit qu'il célèbre la messe de l'Exaltation de la Sainte-Croix à l'église principale de Colquechaca (celle où j'avais été déposée par le taxi) à 9h30. Nous nous mettons en route vers 9h. En marchant dans les rues, j'ai un petit aperçu de l'importance que le Padre a pour les habitants: nombreux sont ceux qui viennent à notre rencontre lui demander comment il va, échanger des nouvelles et parler de leurs petits (ou moins petits) mèhins. Pour chaque personne ou presque, le Padre me raconte une histoire: la jambe de celui-ci qu'il a pu sauver de l'amputation, celle-là qui l'a aidé dans telle situation, les études du fils de celle-ci qu'il a aidé à payer... J'ai l'impression de n'avoir devant moi que quelques pièces d'un énorme puzzle et j'ai hâte de pouvoir lui poser toutes les questions qui me viennent en tête sur son histoire et celle de ses paroissiens, qu'il semble si bien connaître. Nous passons devant le bureau qui s'occupe des registres de naissances et de décès (et sans doute de plein d'autres choses) et y restons une bonne demie heure à papoter avec la dame, avec un bon thé et une galette. Je n'arrive pas à suivre toute la conversation et jette quelques coups d'oeil à ma montre: il est presque 10h30! Nous finissons par nous remettre en route et arrivons enfin à l'église où nous sommes attendus par une petite troupe avec quelques tambours et flûtes de pan, tout est prêt pour faire la fête! Pas de mauvaise humeur, seulement des sourires, visiblement les paroissiens sont habitués aux "retards" du Padre, je commence à découvrir mon hôte :) Ou peut-être n'y a-t-il pas vraiment de notion de "retard" dans leur mode de vie. Le Padre donne la messe en quechua (il est trilingue français, espagnol et quechua...), je n'y comprends donc rien mais ça me laisse le loisir d'observer tous les à-côtés. Je remarque beaucoup de bienveillance dans le regard du Padre et, de temps en temps, je suppose qu'il fait de l'humour car la petite assemblée rigole et je vois un léger sourire amusé sur son visage. Je suis frappée par le contraste entre ce que je vois et certaines facettes que l'Eglise nous montre parfois. A la fin de la messe, nous sommes attendus par la petite troupe et on nous offre de la chicha dans des tutumis (la chicha est un alcool de maïs fermenté typique de la région; le tutumi est une sorte de bol fait avec la coque d'un fruit tropical). Le Padre m'explique brièvement qu'il est très délicat de décliner mais qu'il a développé des techniques pour ne pas ressortir complètement saoul (car après la première rasade, toute une série de tutumis peut encore nous attendre) et, avec son petit sourire en coin, il se retourne vers les autres en renversant "involontairement" la moitié de sa coquille par terre. Les gens sont tellement occupés à jouer de la musique, à boire ou d'avoir déjà trop bu qu'ils ne remarquent rien ˆˆ Bien sûr, il faut que ce soit le saoul du village qui vienne me taper la causette... Ni méchant ni déplacé, juste un peu insistant et, déjà qu'il lui manque une majorité de dents, son ivresse ne m'aide pas à le comprendre ;) Nous finissons par rentrer à la paroisse chercher la voiture car nous sommes attendus dans une communauté pour une messe. Sur les photos 4 et 5: L'entrée de la maison paroissiale et la cour. Photos 7 à 9: le trajet jusqu'à la communauté et l'étroitesse des chemins où il est problématique de se croiser, surtout avec le nombre d'automobilistes du campo (= la campagne, mais comprendre ici "les montagnes") qui n'ont pas vraiment le permis et ne savent pas manoeuvrer. Photos 10-12: la petite communauté où nous nous rendions, en contre-bas et l'arrivée près de l'église.

Sur le trajet, le Padre me raconte un peu son histoire: c'est 39 ans plus tôt qu'il arrive en Bolivie avec une équipe d'autres jeunes médecins et trois valises pleines de médicaments. Il commence principalement par s'occuper des gens dans le domaine médical. En parallèle, il relève des fonds en Belgique et réussit à faire construire un hôpital dans la petite ville d'Ocuri, où il reste basé un temps comme médecin. Ayant commencé des études de théologie en Belgique, il y retourne pour terminer ses études mais, pour différentes raisons, finit par se faire ordonner prêtre directement en Bolivie. La paroisse d'Ocuri venant d'être attribuée à un autre prêtre, l'évêque lui propose de prendre la paroisse de Colquechaca, où il est maintenant prêtre depuis 32 ans. Je comprends vite que c'est un peu la paroisse dont personne ne veut: elle fait la taille du Grand-Duché de Luxembourg, a un relief très accidenté, est la plus haute paroisse du monde (!) et, à l'époque, il n'y a pas de routes pour rallier les commuautés, tout se fait à pied. Il me raconte donc que, jusqu'il y a 2-3 ans, ça lui arrivait de marcher jusqu'à 12-13h sans pause et à flan de montagne pour accéder à une communauté et pouvoir y dire la messe. Ou bien de courir (littéralement) d'un côté à l'autre d'une vallée pour être à l'heure à la messe suivante, ou d'être bloqué parfois 1 à 2 jours à cause d'une rivière impossible à traverser. Les marches la nuit, les heures d'ascension de montagne, les chiens sauvages, les orages, la foudre qui l'a parfois raté de peu et forcé à laisser tout objet métallique à des dizaines de mètres derrière lui, les tempêtes, la neige... Heureusement, il était quasi toujours accompagné dans ses déplacements. Il me raconte tout ça avec une telle simplicité et beaucoup d'humour. J'écoute, captivée, en essayant de réaliser, mais c'est tellement loin de la réalité que je connais. A l'époque, il n'allait pas dans le campo uniquement comme prêtre mais aussi comme médecin: les gens avaient encore moins accès aux soins de santé que maintenant, et il m'explique qu'une fois la messe finie, les consultations commençaient, jusque tard dans la nuit avec parfois jusqu'à 50 patients à voir. Il a souvent été le premier médecin à arriver dans des communautés où les gens étaient soignés par le sorcier du village. En quelques années et grâce, entre autres, à tous les enfants qu'il a vaccinés, la mortalité infantile du campo (7 enfants sur 10) a été réduite de moitié. Depuis, l'accès aux soins de santé s'est légèrement amélioré et de son côté, il a formé un excellent infirmier, Mauro, qui l'a accompagné pendant plusieurs années dans le campo et qui travaille maitenant à l'infirmerie qu'ils ont installée dans la maison paroissiale. Le Padre peut, depuis, se consacrer exclusivement à son rôle de prêtre et ne s'occupe de malades que dans les cas extrêmes (qui ne sont pas si rares que ça, mais bon). Après une heure et demie de route sur des chemins pierreux, nous nous garons enfin sur une petite plateforme et parcourons les 30 dernières minutes à pied, jusque l'église en contre-bas. Nous avons un accueil chaleureux des personnes qui nous attendent et on nous sert un plat chaud, pendant que le Padre note les baptêmes du jour. Je constate vite qu'il y a beaucoup plus de gens qu'il n'y a de maisons et le Padre me confirme qu'une partie est venue expressément d'autres communautés plus petites ou moins accessibles pour assister à la messe (plusieurs heures de marche...). Il est déjà 21h quand la messe est finie et, les cheveux plein de confettis (c'est la coutume pour les jours de fête comme les baptêmes), à la lumière de nos lampes frontales et avec l'aide d'un paroissien, nous retournons à la voiture (non sans perdre le chemin de l'aller et nous retrouver sous la plateforme où la voiture est garée sans pouvoir la grimper directement). La route du retour est longue (je bénis la voiture) mais sans encombre et heureusement, ce n'est que quand nous sommes rentrés qu'un énorme orage éclate et que la grêle se met à tomber.

Le lendemain, je ne pense plus à la tempête de la veille et sors donc innocemment dehors pour aller à la salle de bain (dans un autre bâtiment) et là, surprise de fou: tout est recouvert d'un manteau de neige!! J'hallucine! Bêtement, en arrivant de l'Asie en pleine mousson et avec les 25 degrés que j'ai eu pendant mon séjour à Cochabamba, j'ai vaguement pensé à un orage de chaleur la veille, quand il s'est mis à grêler. Mais en fait, hémisphère sud oblige, nous sommes toujours en hiver jusqu'au 21 septembre!! Tête de linotte, la grande voyageuse... Heureusement, j'avais prévu qu'il ferait froid avec l'altitude et je m'étais équipée d'un bonnet, d'une paire de gants et d'une chompa (pull) bien chaude. Et c'est bien nécessaire! En effet, on entend des bruits de pétards au loin et le Padre m'annonce que la fanfare de l'école de Cochabamba a gagné le concours national de fanfares qui se déroulait à Cochabamba (et dont j'ai vu une partie, pour Gabi) et qu'ils font leur entrée triomphale en ville :D Nous nous emmitouflons, nous armons de nos appareils photos et sortons dans la neige acclamer les jeunes, et particulièrement deux des fils de Tatu, le meilleur ami du Padre, qui l'aide aussi énormément dans la paroisse. Dehors, malgré les couches, il fait caillant! Je plains les élèves dans leurs uniformes avec le cou et les chevilles nus et manque d'avaler mon écharpe en voyant le nombre de dames aux jambes nues et... les enfants pieds nus dans leur sandales jouer dans les flaques d'eau (true story). Moi, avec mes 5 couches en haut, deux pantalons, chaussettes et chaussures de marche, je me les gèle! J'ai beau savoir qu'ils sont habitués et ne sentent plus rien, ça fait mal!

Normalement, nous avions une grosse journée de prévue avec plusieurs heures de marche et une nuit dans le campo pour relier trois communautés et y célébrer la fête de l'Exaltation mais le Padre est tracassé par les routes. Pour aller dans ces communautés nous devons d'abord prendre la route nord et passer un sommet (la cumbre) à 4800 mètres avant de laisser la voiture et continuer à pied. Il a peur que nous restions bloqués par la neige et ne sachions plus redescendre. Inquiet que les paroissiens ne comprennent pas, malgré la situation extrême, il décide pourtant de ne pas partir. Nous prenons juste la route sud qui est plus dégagée pour essayer de trouver un endroit avec du réseau (avec la neige, toute communication est coupée à Colquechaca). Ca me permet de prendre de jolies photos de la région (Colquechaca en contre-bas, sur la photo 11). Nous finissons par rentrer en faisant un détour par l'église San Bartolomeo, projet de rénovation et d'agrandissement du Padre, sur un lieu de pélerinage (photo 14). L'après-midi et le lendemain, toujours bloqués par la neige, nous en profitons pour faire un peu de nettoyage et de rangement à la paroisse (avec manteau, bonnet et gants, puisqu'il n'y pas d'installation de chauffage). Je peins aussi une de ses armoires, comme le désirait le Padre depuis longtemps. Je me dis qu'en l'aidant lui, c'est un peu comme si j'aidais aussi sa communauté. Le soir, j'assiste au cours de cathéchisme (photo 15) et de préparation à la confirmation, dynamiquement animés par le Padre et Tatu. Petites différences par rapport à ce que moi j'ai connu: tous les jeunes chantent au rythme de la guitare de Tatu et on y parle même évolution des espèces et découvertes de Darwin! Le soir, c'est le baptême des trois enfants d'une dame qui a perdu son mari dans un accident de travail. Je sais qu'elle fait tout pour s'en sortir et a du mal à joindre les deux bouts, et je suis particulièrement attendrie de voir quand même les deux gamines dans de jolies robes et le petit dernier dans un costume bien trop grand pour lui. Toute une petite assemblée est là, c'est une cérémonie avec beaucoup de chaleur.

Photo 2: une partie du village, construit en adobe, cet espèce d'argile d'Amérique du Sud 

Le dimanche, la neige a fondu en ville et le soleil brille, réchauffant enfin les bâtiments et mettant un terme à cette humidité qui nous glaçait jusqu'aux os! Il fait superbe! Après la messe du matin à Colquechaca (photo 3, intérieur de l'église), nous nous mettons en route dans l'après-midi pour aller donner une messe dans une communauté. Malheureusement, j'ai perdu les photos de cette après-midi là... J'y découvre une petite communauté d'une 150aine de personnes, particulièrement pauvre et isolée. Les enfants portent des loques et certains n'ont pas de chaussures. On nous accueille avec de la musique et de la chicha, les gens font la fête au Padre, se mettant parfois à genoux ou lui baisant les mains pour le saluer. C'est très fort. Comme dans une grande partie des communautés de la paroisse du Padre, il peut compter sur le soutien du sacristain. Dès ses premières années comme prêtre de Colquechaca, le Padre constate qu'il ne peut pas assumer tout tout seule: il a plus de cent communautés sur sa paroisse et est donc dans l'incapacité de s'y rendre suffisamment fréquemment; il lui faut des personnes relais. Il demande à chaque communauté de lui envoyer une ou des personnes qui se portent volontaires. Comme il l'explique dans le reportage de 2005 "Carnets de Bolivie", il y en a d'abord eu 2, puis 7, et ils sont maintenant plus d'une centaine! Pour lui, c'est une aide énorme d'avoir une personne dans chaque communauté qui l'aide pour le catéchisme et enseigner le message de la Bible. Et on voit les bénéfices de leur travail conjoint: les gens ne sont plus saouls pour assister aux messes et ils écoutent plus attentivement. Ici, il n'y a pas d'électricité dans la chapelle et la messe se fait donc à la lueur des bougies et de la lampe frontale du Padre. De nouveau, il fait nuit noire quand nous avons fini et nous devons marcher une 30aine de minutes jusqu'à la voiture. En plus de l'altitude, mon vertige sur le chemin étroit bordant de petites ravines me coupe le souffle. La route de deux heures m'avait déjà paru périlleuse à la lumière du jour avec ses précipices et tournants en épingle à cheveux où l'on ne sait pas se croiser mais pour le retour, nous avons la malchance de nous prendre un brouillard épais (ou des nuages, à cette altitude, on ne sait plus) où l'on ne voit pas à deux mètres. J'ai confiance en la conduite du Padre mais c'est tellement fatigant que parfois, je ne vois même pas où va la route, les nuages se confondant avec la neige sur le sol, et on sait que le ravin est juste à côté. J'ai oublié de planter le décor: la première fois que je suis montée en voiture avec lui, le Padre m'a expliqué qu'il valait mieux ne pas attacher sa ceinture pour pouvoir sortir plus rapidement si on faisait une sortie de route :D Heureusement nous finissons par arriver à bon port, fourbus mais entiers.

Photos 1,2,4: Colquechaca sous le soleil. / Photos 5 et 6: Le Padre, Tatu et moi à Sucre 

Lundi, nous enchaînons la messe pour les morts, une messe privée dans l'entreprise d'électricité CEPSA qui a perdu un homme la semaine précédente dans un mystérieux accident et une messe à l'école en l'honneur de la proche fin d'année. Le Padre n'a presque plus de voix et c'est une journée bien intense. Nous sommes censés partir à Sucre le soir, nous avons à peu près 4 heures de route et il est déjà 18h... Je pense pouvoir passer vite fait prendre nos affaires à la paroisse et partir mais c'est sans compter sur les trois personnes qui nous y attendent déjà: le sorcier d'une communauté qui veut un engagement écrit du Padre pour je ne sais plus quoi, un homme d'un village lointain qui a un tympan perforé, à qui on a dit de venir voir le Padre car il fait des miracles, et qui a fait plusieurs heures de marche pour venir jusque Colquechaca et... un petit vieux qui aimerait que le Padre lui construise une maison (again, true story)... Nous finissons par partir vers 20h. Nous restons un jour et demi à Sucre, à la chambre d'hôtes de la soeur du Padre, temporairement tenue par son neveu et sa copine, très sympathiques. Je me délecte de la chaleur de la ville, du vrai lit dans lequel je peux dormir, du luxe de deux douches (bien chaudes!!) et d'un délicieux guacamole maison au repas de midi :D J'ai l'impression d'être en vacances en Provence hehe Le mercredi matin nous rentrons à Colquechaca. Nous sommes bloqués à un moment par une course d'enfants qui se déroule sur la "route" et finissons par mettre 6 heures pour rentrer. Après un bref passage à la paroisse, nous repartons dans le campo pour une messe. Arrivés à la communauté, personne... En effet, le Padre n'avait pas prévu de dormir deux nuits à Sucre dans son plan d'origine et avait annoncé la messe en fin de matinée. Les gens, ne le voyant pas arriver, avaient fini par rentrer chez eux. Nous sommes face à la jolie vallée à droite de la photo 11 et, avec une sorte de corne de chasse, un des hommes du village commence à sonner l'appel, qui se répercute sur les pans des montagnes alentours! Le temps que tout le monde arrive, nous piquons un somme dans la voiture. Sur la photo 12, malheureusement floue, un aperçu de la petite chapelle, où les paroissiens ont eux-mêmes installé l'électricité (une petite victoire du Padre)!

Le lendemain, nous partons tôt pour une célébration très festive dans un petit village abandonné à 10km de Colquechaca où tous les anciens habitants reviennent en cette occasion. Malgré l'heure matinale, beaucoup de monde est déjà présent, les échoppes sont installées et on commence déjà à boire. Tous les musiciens portent des habits traditionnels, je me régale de ce que je vois et de ce que j'entends, je suis prise dans cette vague de culture et de traditions! En Bolivie, encore bien plus que dans d'autres pays d'Amérique du Sud, la religion chrétienne est incroyablement liée aux croyances et aux rituels ancestraux. Cette dualité est dûe aux stratagèmes des colons espagnols pour mieux faire accepter la religion chrétienne (par exemple, dire que la Pachamama est en fait la Vierge Marie) et à un ancrage culturel et traditionnel particulièrement fort (surtout dans le campo, plus isolé). C'est pour ça que les fêtes religieuses sont souvent fort arrosées et que les prêtres se retrouvent souvent à bénir des voitures (pour éviter les accidents, et on comprend vu la fréquence des accidents de voiture dans le campo), des semences (pour que la récolte soit bonne) et même... des excréments d'animaux (pour que le troupeau prospère). Je découvre ainsi le rôle des Monos, un personnage toujours présent lors de ce type de fêtes. Il s'agit de plusieurs hommes qui s'habillent en rouge et portent une sorte de perruque de peau de mouton, ils sont en quelques sortes chargés de l'animation du jour: ils parlent d'une voix super aigüe toute la journée et quand on leur adresse la parole, on doit également prendre une voix aigüe, ils font des blagues et jouent de la musique. Pendant la messe, l'église est comble, et il y a encore plein de gens dehors qui jouent de la musique et font déjà la fête. Après la célébration, il y a une procession autour de l'église menée par le Padre et le responsable communal (photos 5-7). Une fois la messe finie, la file est longue autour du Padre pour les bénédictions à l'eau bénite (comme toujours d'ailleurs! Elle a une importance capitale à leurs yeux et j'en ai vus plusieurs fois aller la boire directement dans le seau quand le Padre avait le dos tourné ˆˆ). Une paroissienne nous apporte gentiment un repas chaud puis de nouvelles personnes arrivent et demandent au Padre s'il peut redire la messe car ils n'ont pas pu arriver plus tôt (la route,...). Le pauvre Padre passe ensuite deux heures dans le vent à bénir des dizaines et des dizaines de voitures.

C'est donc seulement vers 18h qu'on se met en route pour la commuauté d'Ureka où l'on nous attend pour la même fête. Nous arrivons vers 19h30 et une partie des gens est déjà bien imbibée! Le Padre murmure presque la messe, tellement sa voix est fatiguée, et les gens saouls qui parlent pendant l'office n'arrangent rien. Les paroissiens attentifs passent la messe debout à côté du Padre pour pouvoir entendre ce qu'il dit. Une fois la messe finie, le Padre m'annonce qu'on ne peut pas rentrer car il a d'autres baptêmes à célébrer le lendemain matin et que nous devons dormir sur place... On nous amène à l'école et nous prépare gentiment deux lits improvisés. Le Padre a son sac de couchage, heureusement, et moi j'étouffe sous de lourdes couvertures qui m'empêchent néanmoins d'avoir froid. Par les fenêtres cassées, on entend toujours la musique des flûtes de pan, des tambours et des grelots accrochés aux chevilles et à la taille des gens qui dansent, qui durera jusqu'au lendemain matin (je ne sais toujours pas comment les gens ont tenu, la coca sans doute). Après la messe du lendemain matin, le Padre se fait happer de partout, comme toujours, par des gens qu'il a aidés, sauvés ou qui viennent lui demander son aide. Même après une semaine à ses côtés, je suis encore ébahie par sa disponibilité. Malgré la fatigue et le rhume qui l'accable, il a du temps pour chacun, un sourire, un mot gentil, une blague. Je vois de la bonté et de l'affection dans ses yeux, et beaucoup de respect dans ceux de ses paroissiens.

Photos 8-12: l'église et les festivités d'Ureka. Photo 13: nous sommes sur le départ mais devant nous, ce camion plein à craquer de toute une communauté qui rentre chez elle. Les derniers bitus arrivent péniblement et on les soulève jusqu'à la benne, où ils s'effondrent sur les autres (on voit leurs pieds en l'air sur la photo ˆˆ). Nous gardons nos distances, de peur que le camion ne soit emporté par son chargement et nous emporte avec mais, cahin caha, il arrive jusqu'en haut de la colline, puis nos routes se séparent. Pour le chemin, nous avons deux bitus dans la benne et un hommme, sa femme et leur fille dans la voiture. Nous faisons un "crochet" par leur village, Turu Turu, avant de rentrer à Colquechaca. Dans la descente de la dernière colline, nous faisons une dizaine d'arrêts à des endroits stratégiques indiqués par notre passager. C'est apparemment un versant de montagne où il y a souvent des éboulements et l'homme indique au Padre quels endroits il doit bénir pour que les éboulements s'arrêtent. Le Padre, connu dans toute la région pour ses bénédictions et célébrations, est souvent appelé pour ce genre de cas. La majorité des endroits qu'il a bénis n'ont plus été victimes d'éboulements... A Turu Turu, nous sommes attendus pour la fête! J'ai du plaisir à voir le Padre se laisser emporter dans la farandole et même pousser quelques notes à la flûte de pan. Pour ses paroissiens, il n'est plus le gringo qu'il était il y a trente ans, il est accepté et fait partie des leurs. Il soigne encore quelques gamins avant que nous nous remettions en route avec... une poule dans la voiture, bien sûr!! Ma phobie des gros volatiles prend le pas sur ma fierté et je demande au gars à l'arrière s'il veut bien la tenir dans ses mains pendant le trajet. Malheureusement, pied de nez de la vie, tous nos passagers descendent à une demie heure de Colquechaca et la poule atterrit donc... dans mes mains ˆˆ Et finalement, c'est pas si terrible :) Nous terminons la journée chez Tatu, où nous partageons un gateau en l'honneur de l'anniversaire d'un de ses fils.

Le lendemain matin, nous partons très tôt pour Cochabamba, où le Padre a été invité au mariage d'un ami et où il co-célèbre une messe le dimanche. Sur la photo 1, le Padre qui fait lustrer ses chaussures, comme c'est possible à beaucoup d'endroits en Bolivie et dans le nord de l'Argentine. A Cochabamba, nous sommes logés chez un couple très sympathique d'anciens paroissiens du Padre, devenus des amis, José et Clothilde. Le dimanche matin, nous partons pour la petite ville périphérique de Punata. Après avoir fait un tour au centre, nous allons à la maison paroissiale et sommes accueillis par le prêtre, une connaissance du Padre. Il nous propose de se joindre à lui pour le dîner et là, je n'en crois pas mes yeux: une quantité de bons légumes sur chaque assiette et, clou du spectacle, une énorme corbeille de fruits pour le dessert! Le prêtre parti se préparer pour la messe, le Padre et moi nous faisons plaisir et faisons péter la pastèque, les kiwis i tutti quanti! Nous n'avons plus si bien mangé depuis longtemps :D A midi, la messe commence. Je me suis mise dans le fond de l'église. Plus habituée à tout cela, je suis comme un enfant, émerveillée par la taille, l'entretien et les décorations de centaines de lys de l'église; quel contraste avec l'univers que je côtoie depuis dix jours! Et puis, à l'entrée du gratin de Punata et de Cochabamba dans l'église, j'ai l'impression d'être la petite campesina qui a toujours vécu dans le campo (je ne nous compare pas bien sûr, mais c'est le sentiment que j'ai eu): je suis bouche bée devant ces costumes impeccables, ces "pinas" toutes teintées en blondes, dans des robes moulantes bien trop courtes et avec des talons bien trop hauts. Je suis presque choquée par cette opulence et ce soucis des apparences, après mes derniers jours dans le campo au contact de gens si simples. Mais le spectacle n'est pas fini: présence d'un photographe professionnel (non, je ne parle pas de moi... mouhaha), de soldats, colonie d'acolytes et, cerise sur le gateau: accordéoniste et ténor dans la chorale! Je manque encore une fois d'avaler ma pauvre écharpe! Je suis partagée entre l'envie d'éclater de rire tellement c'est too much et un gros sentiment d'amertume de voir toutes ces richesses et apparats concentrés ici alors que des gens vivent dans la misère dans la province d'à côté. Et on parle pourtant de la même Eglise... Ayant appris que le Padre parlait quechua, le prêtre lui avait demandé de co-célébrer en quechua. Je ne peux pas m'empêcher d'être animée d'une grande fierté quand je l'entends à l'autre bout de l'église s'exprimer dans quechua fluide, et je remarque la surprise sur certains visages de l'assemblée! Une fois la messe finie, nous formons un cortège et entamons une longue procession de deux heures dans les rues de Punata. Le Padre réussit à s'éclipser, de peur d'être happé de toutes parts par d'anciens paroissiens pour faire la fête: nous allons encore au mariage de son ami après. Nous passons quand même dans une famille à qui il avait promis de passer et, avec leur accueil chaleureux et toutes les connaissances du Padre qui passent et restent, nous restons plus longtemps que prévu. Ça, plus les embouteillages pour rentrer dans Cochabamba, nous loupons la cérémonie mais arrivons pour le repas. Je suis gênée, dans mes habits tout poussiéreux du campo, avec mes baskets, mon pantalon de rando et ma polaire, mais le Padre insiste pour que je l'accompagne (lui ne voit pas du tout où est le problème :D), j 'essaie quand même de me faire discrète mais ouvre grands mes yeux et profite du deuxième mariage de mon voyage! Nombreuses danses et animations avec les mariés pendant la soirée, l'ambiance est sympa (photos 5-6). Nous rentrons à Colquechaca le lendemain.

Pour mon dernier jour avec le Padre, le mardi, nous allons à Potosi, où il doit faire différentes courses. Un dernier jour et une route de plusieurs heures où nous pouvons encore bien parler. En ville, le Padre m'emmène à l'ancienne paroisse du Padre belge Gustave Evens (photo 15), ancien ami du Padre; une sorte de pélérinage pour moi, puisque c'est grâce à l'amitié qui unit nos deux familles que j'ai eu la chance de rencontrer le Padre. Et le lendemain, après ces deux semaines incroyables, je reprends ma route en solitaire, vers Potosi.

Comment résumer cette expérience, à part chronologiquement comme je viens de le faire? Je revis certains moments, revois certaines scènes, réécoute certaines conversations, pour mieux comprendre. Les ovnis, les ensorcèlements, les guérisons (physiques et de l'âme) miraculeuses, les montagnes bénies où il n'y a plus d'éboulements, la communication des morts avec le monde des vivants... J'ai décidé, dès nos premiers échanges, de simplement ouvrir mes oreilles et mon coeur sans essayer de comprendre avec mon esprit cartésien et ma raison. A quoi bon? Il n'y a plus de place pour tout ça dans notre société. J'ai été bouleversée, emportée, émerveillée, choquée, ébahie par tout ce que j'ai vécu avec le Padre. Je me sens tellement privilégiée d'avoir pu vivre à leurs côtés, d'avoir appris un peu de leur histoire, d'avoir partagé des sourires, des poignées de mains, des mots. D'être avec le Padre, j'ai été directement acceptée dans la communauté, avec beaucoup de bienveillance. J'ai néanmoins eu l'impression, par moments, d'avoir atterri dans un monde parallèle où les règles ne sont pas les mêmes que celles que je connais. J'ai côtoyé des gens qui vivent dans une grande pauvreté matérielle et intellectuelle, des écorchés de la vie pour qui c'est la loi de la survie qui prévaut: on vole, on bat, on tue, on boit, on ment, on viole, on ensorcelle. Et dans tout ça, il y a quand même des moments de joie, de bonheur, de vie. Bien sûr, rien n'excuse les actes graves, mais de les avoir regardés dans les yeux, d'avoir échangé quelques secondes avec eux, de les avoir observés avec leurs familles, dans les jours de fêtes danser, chanter, rire, partager,... je ne peux m'empêcher de me dire que seule une vie d'une dureté que nous, nous ne connaissons pas (ou plus), peut mener à cela. Les codes sont différents, c'est un monde différent. Qui suis-je, moi dans ma vie dorée, pour les juger? J'ai eu l'impression d'avoir fait un saut de trois cents ans en arrière à bien des niveaux et je pense que c'est primordial d'avoir conscience que les citoyens de certaines parties du monde vivent encore dans ces conditions en 2017.

Bien au-delà du christianisme, le Padre leur apporte des codes de société et de vivre ensemble, un fil rouge pour mener leur vie tant bien que mal d'une meilleure façon à travers toute cette corruption, cet appât du gain, dans cette violence des hommes et du destin... Il a un réel désir d'apprendre à ses communautés et de répandre un message d'amour et de fraternité. Dans ses homélies, il essaie toujours d'enseigner quelque chose de bien, il raconte beaucoup d'anecdotes, rend ses propos vivants. Il explique presque chaque phrase qu'il lit de l'Evangile, il a un réel soucis de rendre le message très proche de ses paroissiens. Mais il a aussi beaucoup d'humour et, quand la messe était en espagnol, j'avais vraiment du plaisir à l'écouter. Je me suis souvent dit que ce serait si chouette d'avoir plus de prêtres comme lui chez nous, surtout pour les jeunes. Devenant plus âgé et plus fatigué, il essaie de se concentrer sur les jeunes, la génération de demain. Il a énormément de matériel vidéo et aimerait le monter en reportages en espagnol et en quechua pour le diffuser dans son immense paroisse. Un prêtre moderne, en plus!

En plus de ses communautés et de son quotidien, l'histoire du Padre m'a profondément interpellée. C'est impossible de le côtoyer et de ne pas se poser de questions, d'essayer de remettre les choses en perspectives, de comprendre comment, pourquoi... Qui, de nos jours, se met encore de côté pour se dédier tant aux autres? C'est bouleversant de voir comme il se donne, sans relâche, et comme il garde, même dans les moments les plus difficiles, une once d'espoir, de foi en l'être humain et d'envie de se battre pour eux, pour qu'ils aient une vie meilleure. C'est quelque chose qui dépasse mon entendement et, même si je pense que je ne pourrai jamais pleinement comprendre comment il tient (sa foi à déplacer des montagnes, sans doute), je suis en admiration devant tout ce qu'il fait et a déjà accompli. Toutes les vies sauvées bien sûr, sur le plan médical, mais aussi le travail dans les communautés, les innombrables conflits qu'il a réussi à régler dans le dialogue, les combats traditionnels souvent mortels qu'il a réussi à faire cesser, l'électricité qu'il a réussi à faire amener à Colquechaca après un combat de plus de 7 ans avec les autorités, la centaine de chapelles et toutes les routes construites (et parfois même tracées par lui) sur sa paroisse grâce aux fonds qu'il a relevés, sans compter les ponts pour traverser des rios dangereux... Comme dirait Tatu, c'est comme s'il avait été envoyé du ciel. Et des comme lui, il n'y en aura pas d'autre.

Une grande rencontre humaine pour moi et un des temps forts les plus marquants de mon voyage.

4

Le mercredi matin, le Padre me conduit au bus pour Potosi. Une ou deux heures après notre départ, je suis réveillée par le potin autour de moi et par l'étrange sensation qu'on roule à du 2km/h. Et en effet, nous sommes dans une montée assez pentue et le bus, qui n'est plus de première jeunesse et fait un potin d'enfer, semble peiner à avancer. On s'arrête (en bord de falaise, au milieu de nulle part, sinon c'est pas drôle), des gens descendent, le conducteur et son acolyte filent sous le bus checker le moteur. Les gens remontent, on se remet en route mais ça ne va pas mieux. On recommence le même scénario plusieurs fois, les gens commencent à s'énerver. Moi, je suis malade et épuisée, je me réveille par intermittence (chaque fois que ma voisine veut descendre du bus, et elle aime particulièrement cette activité), mais me rendors presque de suite, je n'ai pas l'énergie pour m'inquiéter. Au bout d'un moment, je suis de nouveau réveillée par les gens mécontents qui crient sur le conducteur, lui disant que c'est trop dangereux, qu'il doit s'arrêter et qu'ils veulent descendre. Cette fois, tout le monde empoigne ses affaires. Je suis si épuisée que je ne me vois pas descendre du bus (pour faire quoi ensuite?!) mais je me fais presque fusiller du regard par ma voisine qui me dit que c'est dangereux et, imaginant le pi', je me dis que vu l'âge du bus, ce serait quand même du gâchi de finir dans l'explosion du moteur. Nous nous retrouvons donc tous comme des cons sous le soleil, dans le cagnard de la montagne sur le bord de la route. Et... rien. A part notre vieux bus qui continue sa pénible ascension. Un break passe en direction de Potosi et les gens lui font des signes pour qu'il s'arrête. Comme l'épisode à Cochabamba, tout le monde se rue dessus, au point que le break repart complètement bourré, avec quelqu'un dans le coffre! (photo 1, plus bas) Nous ne sommes déjà plus très nombreux sur le bord de la route et moi, faible et crachant mes poumons, j'ai peur de ne pas avoir l'énergie pour me jeter sur le prochain véhicule vide et de me retrouver seule. Les camions défilent, et des voitures mais dans le mauvais sens. Enfin, un micro (petit van bus) passe et les autres lui font de grands signes. Miracle, un couple de jeunes m'aide à monter mon sac à dos sur le toit et j'ai une place dans le van! Rebelote, je me resombre pour les deux heures qu'il nous reste jusque Potosi. Et enfin, après notre arrivée en ville, un taxi finit par m'amener jusqu'à mon auberge où je peux m'effondrer au lit, à bout de forces. J'y passerai 36h, entrecoupées de deux pauses achat d'eau et coca.

A midi le troisième jour, je décide d'aller prendre un repas plus consistant et m'enfile une bonne soupe de légumes! Un peu ragaillardie et lassée de voir la chambre de l'auberge, je décide d'aller me promener dans le centre-ville. Certes, j'avais eu un petit aperçu lors de ma visite avec le Padre mais il neigeait et je n'en avais pas vraiment profité. Je ne m'attendais donc pas à trouver tant de charme à ce que j'imaginais être une petite ville minière. Forte de son histoire, on voit que Potosi a eu une époque dorée (ou devrais-je dire "argentée"? ;) ) et qu'elle fut un temps un centre (le centre?) d'attraction culturelle, architecturale, religieuse. Elle est fondée en 1545 par les conquistadors espagnols, dès la découverte du Cerro Rico (=le mont riche), rempli d'argent. La légende veut qu'en 1544, un Inca, Diego Huallpa, parti à la recherche d'un lama égaré, s'arrêta pour faire un feu au pied de la montagne Potojsi. Sous l'effet de la chaleur, le sol se mit à fondre et un liquide brillant en émergea. Les espagnols apprirent l'existence de l'immense richesse cachée dans cette montagne et ne tardèrent pas à se l'approprier. Des milliers d'esclaves indigènes furent amenés pour creuser, et l'excavation commença. Le travail, dangereux, provoquait tant de morts, par accidents ou à la suite de la silicose, que les espagnols firent venir des milliers d'esclaves africains pour pallier la pénurie de main-d'oeuvre. Afin d'augmenter la productivité (!), le vice-roi Francisco Toledo (un saint homme, on n'en doute pas) institua la Ley de la Mita en 1572, qui obligeait tous les esclaves de plus de 18 ans (indigènes et africains) à travailler par roulement de 12 heures. Ils demeuraient sous terre durant 4 mois, sans voir la lumière du jour, mangeant, dormant et travaillant dans les mines. Lorsqu'ils sortaient, on devait leur couvrir les yeux pour que le soleil ne les aveugle pas. Ceux qui travaillaient dans les fonderies (où l'on extrait l'argent du minerai), empoisonnés par le mercure, mourraient également prématurément. Durant les trois siècles que dura la période coloniale (1545-1825), on estime que 8 millions d'indigènes et d'africains périrent dans des conditions atroces... Dans la frénésie ambiante, on édifia plus de 80 églises et la population atteignit 200.000 habitants, faisant alors de Potosi l'une des plus grandes villes de la planète!! Comme la plupart des villes à la prospérité fulgurante, elle connut une gloire de courte durée. Les mines commencèrent à s'épuiser au début du XIXe siècle et la population tomba à moins de 10.000 habitants. Le zinc et le plomb ont aujourd'hui supplanté l'étain et sont au premier rang des exportations nationales de métaux; l'extraction d'argent se poursuit à petite échelle. LONELY PLANET

J'ai donc découvert une architecture coloniale, de superbes églises, des petites maisons colorées dans les rues piétonnes. Bref, un vrai coup de coeur! Sur les photos 2 et 3, la place principale, sa cathédrale et l'hôtel de ville (El Cabildo). Photos 7-9: la Torre de la Compañia de Jesús, clocher ouvragé vestige de l'ancienne église jésuite datant de 1707 et d'où on peut avoir un beau panorama sur la ville et son majestueux Cerro Rico.

Je visite ensuite la superbe cathédrale, datant de la deuxième moitiée du XVIe siècle. Construite à l'origine en briques d'adobe, elle s'effondra au début du XIXe siècle et fut alors reconstruite. Chose étrange pour moi, pas de Christ en croix dans le coeur mais un représentation plate et en couleur de Jésus (photo 3). Je peux également grimper dans le clocher (pfoui, le souffle! Potosi à 4060m d'altitude). Je termine ma balade dans les petites rues piétonnes.

Le lendemain matin, j'embarque pour une visite de la mine du Cerro Rico. Nous commençons par un arrêt au marché des mineurs, où ils achètent de l'acétylène (un gaz extrêmement inflammable), de la dynamite, des cigarettes, de la coca et d'autres produits de première nécessité (photo 1). Nous y achetons un sachet avec une boisson et de la coca, pour offrir aux mineurs que nous allons rencontrer dans la mine. Après s'être équipés d'une combinaison et d'un casque, nous continuons vers une fonderie (ingenio) où notre guide (ancien mineur) nous explique le fonctionnement et nous montre les installations où les métaux sont séparés du minerai. Nous, touristes, ne restons pas plus de 5 minutes dans la salle de séparation (photos 4-5), où il y a des émanations de gaz chimiques et nocifs; les employés y passent leurs journées, sans masques... Nous reprenons ensuite notre route vers l'entrée de la mine. La plupart des exploitations du Cerro Rico appartiennent aujourd'hui à des coopératives de mineurs; chaque mineur (ou groupe de mineurs) vend sa production en fin de semaine en essayant de négocier le meilleur prix. L'espoir de tomber sur un bon filon (il en reste quelques-uns) les incite à continuer de creuser, même si le nombre de mineurs diminue tous les ans. Pour se préparer à leur journée de travail, les mineurs mâchent de la coca ensemble. Quand ils pénètrent dans la mine, ils font un arrêt à la statue d'El Tio, le dieu/diable de la mine, pour l'apaiser et avoir sa protection sous terre (photo 10). L'environnement de travail ressemblant si fort à l'enfer, le minerai qu'ils obtiennent en dynamitant et en creusant la terre doit, selon eux, appartenir au diable. On lui met une cigarette allumée en bouche, quelques feuilles de coca à portée et on boit deux, trois coups de Ceibo (cet alcool à 96°) sans bien sûr avoir oublié d'en verser quelques gouttes sur le sol, comme offrande à la Pachamama. Nous accomplissons nous aussi ce rituel puis nous enfonçons dans la mine et rencontrons quelques mineurs, plus ou moins locaces. Ici tout est manuel, pas de machines, pour une raison de facilité, d'infrastructure et... de prix du matériel. Pelles, pioches, brouettes, achetés par les mineurs eux-mêmes. Notre guide nous explique un peu le fonctionnement de la mine: après trois ans de travail dans la mine et avec un comportement exemplaire (pas de vol, aide aux autres mineurs, à la coopérative,...), un mineur peut devenir propriétaire d'un coin qu'il découvre. Il décide alors s'il veut travailler seul ou pas. Si d'autres viennent travailler pour lui (si c'est un filon particulièrement bon, par exemple), c'est lui qui décide du salaire qu'il donne à ses aides et lui qui négocie le prix de vente de leurs trouvailles. Tatu, le meilleur ami du Padre, avait ce rôle dans la mine de Colquechaca. Actuellement, le cours du minerai est particulièrement bon et il y a beaucoup de mineurs car ils arrivent à s'en sortir pas trop mal (cela n'atténue bien sûr pas les conditions de travail). Quand le cours est mauvais, les mineurs cherchent du travail ailleurs, comme taximan, par exemple. Après une cinquantaine de minutes, nous finissons par ressortir.

L'après-midi, je visite le musée de la Monnaie. Le premier hôtel de la Monnaie fut construit en 1572 à un autre endroit de la ville pour frapper l'argent sorti des mines de Potosi. Ce bâtiment-ci fut édifié entre 1753 et 1773. Ici y fut frappée la première devise mondiale! Dans la cour d'entrée, un masque insolite de Bacchus devenun un des emblèmes de la ville. Malgré une guide particulièrement brève et expéditive, nous avons quand même un bel aperçu du bâtiment et de son histoire. Les premières pièces (photo 4) avec leurs bords et leur épaisseur irréguliers, les impressionnants engrenages en bois, mus par des mules à l'étage inférieur, servant à affiner et aplatir les blocs d'argent (photo 5), la pièce où l'on coulait les blocs d'argent plus tard aplatis dans les engrenages (photo 6-7) et enfin, l'évolution de la technologie avec les machines à vapeur pour aplatir les blocs, mais aussi découper les pièces (photo 8). Sur la photo 9, un exemple de roche trouvée dans la mine.

Aujourd'hui, la Casa de Moneda n'est plus qu'un musée, et la monnaie bolivienne est frappée au Canada et au Chili. Je termine ma découverte de Potosi par cette visite sur un pan important de l'histoire de la ville et me remets en route (pour une fois sans encombres) le lendemain, vers la belle ville de Sucre.

5

Je commence mon séjour à Sucre particulièrement agréablement puisque je passe la soirée de mon arrivée avec Vincent et Florence, les français avec qui j'ai partagé cette fameuse marche pour arriver à Cochabamba. Nous avons un réel plaisir à nous retrouver et passons la (trop courte) soirée à nous raconter nos aventures respectives depuis que l'on s'est quittés! Eux partent déjà le lendemain pour un bénévolat en périphérie (quelle chance que nos programmes se soient chevauchés!) et je repasse encore deux heures avec eux le matin avant leur bus. Toujours en contact par la suite, nous n'aurons malheureusement plus l'occasion de nous voir lors de ce voyage. Je passe l'après-midi et les deux jours suivants à travailler d'arrache-pied sur le blog. Le jeudi, je pars enfin à la découverte de la ville! Je commence la journée par le musée de la Recoleta, sur les hauteurs de la ville, couvent et musée toujours habité par une dizaine de moines franciscains. Un petit paradis sur terre, calme et apaisant, plein de fleurs et d'arbres fruitiers entretenus par les moines et... abritant le célèbre Cedro Milenario, l'un des rares cèdres millénaires survivants de cette espèce autrefois abondante autour de Sucre (photo 6). Photo 7: l'église de l'extérieur et, en avant-plan, ces fameuses plantes d'air (comme y a des plantes d'eau), qui poussent sur les fils électriques en Amérique du Sud. Je passe ensuite au musée des arts indigènes, que l'on m'a vivement recommandé et qui soutient des minorités indigènes et promeut et redonne vie à l'art ancestral du tissage. Et je ne suis pas déçue! Malheureusement, on ne peut pas prendre de photos dans le musée (les photos ci-dessous sont celles prises dans le magasin) et c'est vraiment dommage car quelle richesse d'exposition! Comme j'avais eu le cas au musée de la coca à La Paz, je reçois un carnet à l'entrée avec la traduction complète des panneaux du musée en français! C'est un régal de culture! Je n'avais jamais eu conscience, en voyant les costumes traditionnels dans les rues qu'il y avait une telle richesse de symboles derrière! C'est un art, en plus, qui représente de nombreuses heures de travail et une maîtrise poussée des techniques. J'y retrouve également plusieurs types de costumes de tous les jours et de fêtes que j'ai vus dans le campo avec le Padre (comme le costume du Mono), et bizarrement, ça me fait chaud au coeur, comme si j'en apprenais plus sur des amis. Photo 12: costumes traditionnels; photos 13-14: une tisserante et son métier à tisser. Photos 15: art de rue sur la redescente vers le centre, Inti y Killa (soleil et lune, en quechua).

Petit tour sur la place principale avec la superbe Cathédrale et la préfecture de Chuquisaca (photos 1 et 2), puis visite de l'impressionnant Convento de San Felipe Neri, depuis les toits duquel j'ai une vue imprenable sur la ville (photos 3-9). Je suis vraiment sous le charme de cette ville, de son climat, de sa belle architecture et ses murs blancs contrastants avec le bleu du ciel et l'ocre des tuiles! En plus, j'y mange bien, pour ne rien gâcher :D

Enfin, je termine la journée par un milkshake à la myrtille au Mercado Central (le marché), où l'on trouve une série de comptoirs gérés par une armada de mamas qui te lancent du "mi amor" à chaque phrase, qué lindo! :D Sur le retour, je passe encore devant l'église Santa Monica et un des batiments de l'université de Sucre.

Le lendemain, il ne me reste plus qu'à visiter la cathédrale (j'apprends qu'elle est en rénovation jusque novembre), et la Casa de la Libertad, considérée comme le berceau de la nation puisque c'est là que fut signée la déclaration d'indépendance de la Bolivie, le 6 août 1825. Sans le savoir, je fais la visite au même moment que ma future compagne de route :) Dans les premières pièces, une immense carte d'Amérique du Sud d'époque et un portrait d'Evo Morales, premier président indigène de la Bolivie. Enfin, sur la photo 4, le Salon de la Independencia, la salle où se tint le premier Congrès bolivien. Derrière la chaire, au centre, le portrait de Simon Bolivar, grand libérateur de la Bolivie (et de la Colombie, et du Vénézuela, et de l'Equateur... Rien que ça!), qui donna son nom au pays, du coup :) Au centre de l'estrade, la déclaration d'indépendance, posée sur un socle de granit (photo 5). Et enfin, une de mes prises préférées de Sucre.

Et le lendemain soir, je reprends ma route vers Uyuni! Même si je sais que l'expérience dans le Salar va être à couper le souffle, j'ai vraiment du mal à me remettre en route après cette pause d'une semaine si bénéfique et reposante dans une si jolie ville. Mais bon, en avant l'aventure! :D

6

En attendant le bus au terminal de Sucre, je rencontre Camille, française en vacances en solo en Bolivie. Nous sympathisons et embarquons dans le même bus en direction d'Uyuni. Moi, j'avais déjà contacté une agence que Jacques, de l'école de Cochabamba, m'avait recommandée pour un trip dans le Salar d'Uyuni, et j'ai donc la grande chance d'être réceptionnée à l'arrivée du bus à trois heures du mat' par l'ami Edgar. Super sympa, Edgar charge également Camille dans son 4x4 et l'amène à son hotel. Puisqu'elle n'avait encore aucun plan pour le trip dans le désert, nous décidons de nous retrouver le lendemain avec Edgar pour qu'il nous propose un tour avec son agence. Le matin, je fais un tour dans la petite ville d'Uyuni, qui me fait fort penser à une ville de western, avec ses larges rues vides et sans fin d'où on voit le désert de part et d'autres, beaucoup de poussière et un soleil tapant! La ville a été construite en 1889 et est une importante base militaire (on est presque à la frontière avec l'Argentine et surtout, le Chili!) et le plus grand gisement de lithium au monde (100 millions de tonnes, soit 40% des réserves mondiales) se trouve dans le lac salé voisin. Après s'être mis d'accord sur un programme avec Camille et Edgar, nous terminons l'après-midi à nous deux, au soleil avec une cruche de limonade maison, puis soupons ensemble et faisons mieux connaissance avant d'aller se reposer en perspective du super tour qui nous attend dès le lendemain.

Salar d'Uyuni, JOUR 1: Nous embarquons les premières avec Ricardo, notre guide et chauffeur, puis allons chercher le reste de la troupe: Isabell, allemande, Andrea, italien, Simon, néo-zélandais et Richard, anglais. Les trois garçons voyagent ensemble. Ca nous fait une troupe bien internationale :D Premier arrêt: le cimetière de trains, en-dehors de la ville. Il s'agit d'une collection de locomotives à vapeur et de wagons datant du XXe siècle, époque où la ville abritait une usine de wagons. Premier stop de la majorité des tours du Salar, l'endroit est bourré de touristes, un vrai bonheur. Photo 6: la ville d'Uyuni, au loin.

Ensuite, nous commençons à nous enfoncer dans le Salar et les jeeps se séparent progressivement, jusqu'à ce qu'elles ne soient plus que des points sur l'horizon, plutôt balaise la taille du désert, avec ses 12.106 km² ˆˆ C'est la plus grande réserve de sel au monde, et la production annuelle est estimée à près de 20.000 tonnes! Le désert de sel est le résultat de l'évaporation du lac Minchin, qui recouvrait la majeure partie du sud-ouest de la Bolivie il y a 40.000 à 25.000 ans. Les dépôts de sel proviennent des minéraux lessivés des montagnes et accumulés au point le plus bas (Lonely Planet). Deuxième arrêt pour tâter personnellement ce désert d'une beauté incroyable, pour déjà prendre quelques photos en jouant sur les perspectives et une super photo de groupe (photo 5: de gauche à droite: Isabell, Camille et moi sur le toit, puis Simon, Andrea et Rich' devant notre 4x4). Photo 6: avec Camille et Ricardo. Le paysage est à couper le souffle, on se sent minuscule dans cette immennnse étendue blanche, avec quelques montagnes au loin!! Enfin, il est déjà 13h (le temps passe viiite!!) et nous nous arrêtons à l'hotel de sel (tout est en briques de sel, des murs, aux tables et aux sièges) Playa Blanca pour dîner. Ici, le monument Dakar Bolivia (qui y est passé en 2014 et 2017) et le monument aux drapeaux, où les touristes accrochent fièrement le drapeau de leur pays. Sur la photo 6, posant devant le monument Dakar, un cycliste visiblement très heureux d'être arrivé! Parce que oui... nous avons croisés des cyclistes dans le Salar...

Après le dîner, nous nous éloignons un peu du site pour reprendre quelques photos en jouant sur les perspectives avec les conseils avisés de Ricardo puis partons pour la belle Isla Incahuasi et tous ses cactus, qui offrent un spectacle magnifique en plein milieu du désert. C'est une île désertique de corail recouverte de centaines de cactus dont certains atteignent quatre mètres de haut. Le plus grand atteint même 12 mètres! Il faut savoir que la croissance de cette espèce de cactus est d'environ un centimètre par an...

Et puis, nous approchons déjà des bords du Salar en fin de journée et, après un superbe coucher de soleil avec des nuages de couleurs presque irréelles, nous passons la nuit au mini village de Chuvica dans un hotel de sel. Photo 5: avec Camille, Rich' et Isabell.

JOUR 2: Logiquement, le tour classique inclut soit le coucher soit le lever de soleil dans le Salar, mais nous insistons un peu lors du coucher de soleil et Ricardo accepte de bon coeur de nous réemmener dans le désert pour le lever de soleil. Nous nous levons donc avant l'aube et retournons sur les lieux que nous avons laissés la veille. Il y fait un froid glaçant qui perse les vêtements mais ça en vaut la peine! Photo 4: une des photos du Time Laps de la GoPro d'Isabell avec ma silhouette (moi qui pensais être discrète...). Photo 6: la salle à manger de notre hôtel de sel. Après le petit-déj, nous nous mettons en route vers le sud. Premier arrêt du jour au croisement de chemin de fer à Chiguana et puis stop au milieu du désert (on a quitté le Salar depuis le matin) avec vue sur le volcan Ollague, qui culmine à 5.865m et chevauche la frontière entre le Chili et la Bolivie. Les petites fumées qu'on voit s'en échapper sont les vapeurs de soufre, et le blanc sur les versants sont des dépôts de soufre.

Nous continuons notre route et atteignons notre premier lac à flamants roses, le plus beau à mon goût, la Laguna Cañapa (photos 1-6). C'est tellement impressionnant de voir tous ces flamants roses à quelques mètres de nous, dans leur environnement naturel et, il faut le dire, avec un si bel arrière-plan! Eux, par contre, sont tout sauf impressionnés: ils ne relèvent même pas la tête et parcourent les bords du lac le bec dans l'eau, en quête de nourriture (le flamant rose mange 8 heures par jour...ˆˆ). Pour ceux qui ne le savaient pas, comme moi, le flamant rose nait avec les plumes blanches et ce sont les crustacés roses (eux-mêmes colorés par les algues rosâtres dont ils se nourrissent) qu'ils mangent qui finissent par colorer leur plumage. Il y a trois espèces différentes de flamants roses en Bolivie, nous verrons celle des Flamants de James, aux pattes rouge foncé et au bec jaune et noir au premier et au troisième lac, et l'espèce des Flamants des Andes, aux pattes jaunes et au bec jaune et noir, au deuxième lac. Nous passons ensuite à la Laguna Hedionda, lac salé, avec les flamants des Andes (photos 7-9). Pour le dîner, nous nous arrêtons dans une gorge rocailleuse habitée par une famille de viscacias (photo 11), ces espèces de lièvres à longue queue :) En ressortant de la gorge, nous observons un phénomène tout à fait invraisemblable: des morceaux de glaces, comme taillés, sur le sable en plein soleil, qui ne fondent pas... (il doit faire +- 15-20 degrés) Ou bien c'est de la mousse à raser... Ou de la meringue...

Premier arrêt de l'après-midi dans le désert Où Y A Rien (ou un nom du style, mais quand même assez gag, le nom ˆˆ), avec un "epic fail" de photo de groupe sautée :D Puis, stop au fameux Arbol de Piedra (=arbre de pierre), une formation géomorphologique due à l'érosion éolienne, dans le désert Siloli. Et nous terminons la journée par une dernière étape aux paysages inédits: la Laguna Colorada. Il s'agit d'un lac de couleur rouille à 4.278m d'altitude d'une surface de 6.000 hectares et d'une profondeur maximale de 80 cm! Sa coloration vient des algues et du plancton qui prospèrent dans son eau riche en minéraux. La couleur blanche sur les bords et au milieu du lac vient des dépôts de sodium, de magnésium, de borax et de gypse (Lonely Planet). Nous passons la deuxième nuit dans une auberge à proximité et nous faisons l'erreur de boire du vin au souper... Résultat: je me réveille pendant la nuit en ayant l'impression d'étouffer, je dois m'asseoir et enlever mes couvertures pour arrêter le sentiment de panique qui m'a envahie! En effet, alcool (même en petites quantités) et altitude ne font pas bon ménage... et dans le lit d'à côté, Camille a les mêmes problèmes que moi. Je ris quand même en me disant que le sentiment que j'avais de pouvoir "enfin respirer de nouveau à plein poumons" depuis le début de mon voyage est bien loin en ce moment ˆˆ

JOUR 3: Après cette mauvaise nuit, nous nous levons de nouveau à l'aube pour aller voir un autre phénomène du voyage: les geysers à Sol de Mañana!! A l'aube, le soleil est rasant et fait mieux ressortir la fumée des geysers et, les températures étant plus froides, les fumées sont plus hautes dans le ciel! Le site est constitué de mares de boue bouillonnante, de fumerolles et de vapeurs sulfureuses émanant une délicieuse odeur d'oeuf pourri :D c'est super impressionnant et presqu'irréel! Bon, on est aussi à 4.850m d'altitude et ça ne m'aide pas à sortir de mon état de mi-transe de la nuit, je suis vraiment dans le gaz (il fallait que je la place :D) et j'ai un peu la tête qui tourne.

Nous commençons la redescente et arrivons aux Aguas Termales de Polques, de petits bassins naturels où l'eau jaillit à 30°!! J'hésite un peu à aller m'y baigner avec les autres, ayant peur que la chaleur de l'eau ne renforce mon état nauséeux et n'ayant également pas fort envie de me mettre en bikini dans ce froid de canard... mais on ne vit qu'une fois et je me convaincs de suivre les autres. Et je ne le regrette pas!!! La température de l'eau est super agréable et puis, c'est trop génial comme expérience :D Et au final, c'est tout le contraire de ce que je pensais et la baignade d'une demie heure m'a revigorée!! Comme quoi... Nous reprenons ensuite notre route vers la Laguna Verde (4.400m). Sa superbe couleur est due à son importante concentration en plomb, soufre, arsenic et carbonates de calcium. Petite anecdote: l'agitation de la surface (due au vent), alliée à la forte concentration en minéraux de l'eau, l'empêche de geler, même à des températures très basses (jusque -21°!) (Lonely Planet)! En toile de fond, le volcan Licancabur (5.960m), marqueur de frontière entre la Bolivie et le Chili, que je retrouverai deux mois plus tard de l'autre côté de la frontière, dans le désert d'Atacama (Chili).

Pour le dîner, Ricardo nous arrête dans une petite vallée où paît un troupeau de lamas! Pas plus sympa comme endroit :) J'ai même droit à un lama poseur qui me fait un superbe sourire Colgate sur la photo 5 ˆˆ Et comme dernier stop du voyage (déjà, hélas!), nous nous arrêtons dans la superbe Valle de Rocas, à côté de la Laguna Misteriosa. Depuis la veille, nous avons un problème avec le moteur du 4x4, que Ricardo pensait avoir résolu à l'aide d'autres guides la veille au soir, et nous avons donc plein de temps pour nous balader à l'aise, pendant que le pauvre Ricardo essaie de solutionner le problème.

Malheureusement, il y a un trou dans le radiateur et Ricardo ne sait rien faire... Nous remplissons donc tous les cadavres de bouteilles que nous avons dans la voiture avec l'eau de la rivière pour pouvoir refroidir le moteur en cours de route (il nous reste bien deux heures jusqu'Uyuni et il est déjà tard...). Tout le monde a un bus le soir pour quitter la ville et le désarroi du pauvre Ricardo grandit. Tous les X kilomètres, on doit s'arrêter et laisser refroidir le moteur. Heureusement, nous finissons par avoir une couverture téléphonique et on peut contacter Edgar qui se met dare dare en route pour venir nous chercher! Quelle aventure :D Pour finir, nous arrivons à temps à Uyuni pour que chacun puisse prendre son bus et après de grands adieux à mes compagnons de route, triste de déjà les quitter, je saute dans le bus pour Tupiza!

Difficile de ne pas avoir les images incroyables du trip qui défilent dans ma tête... Quelle expérience, quels paysages, quelle aventure!! Y a pas une minute du séjour que je n'ai pas appréciée! Les paysages à couper le souffle, la bonne bouffe de Ricardo, les conversations dans la voiture avec les filles, avec qui je me suis plus liée, ou bien juste à regarder les paysages défiler sur fond de musique bolivienne ou de la playlist de l'un ou l'autre, les nombreux et longs moments photos où Ricardo nous prennait patiemment avec les appareils photos de chacun, le jeu auquel on a joué à table le dernier soir et où on a tellement ri,... Certes, le problème du moteur était moins drôle et surtout, le désarroi et la culpabilité de Ricardo. Mais même là, on a réussi à le faire rire et tout s'est bien fini :) Bref, un trip incroyable pour en prendre plein la vue, qui me fait apprécier la Bolivie encore davantage, si c'est possible, et dont je garderai un souvenir impérissable! :)

7

Malgré les superbes images du séjour dans la région d'Uyuni qui passent en boucle dans ma tête et l'état déplorable de la route non asphaltée vers Tupiza (en témoignent les nombreux soubresauts du bus), je m'endors, submergée par la fatigue des derniers jours. Mais je suis réveillée une heure plus tard en ayant l'impression que le bus va verser. En effet, il penche fortement du côté gauche et nous sommes apparemment dans un passage difficile car les gens s'agitent en regardant par la fenêtre... Le bus s'engage lentement entre ce qu'il me semble être deux piliers ou deux poteaux et la route, inégale, rend la manoeuvre assez ardue. Et puis, lentement mais sûrement, comme dans Titanic, nous heurtons le pilier de gauche et, après avoir gratté la carrosserie de l'avant, les deux dernières fenêtres du bus se brisent, sous la pression... Panique! Il y a du verre partout sur les 4 personnes assises à côtés de feu ces fenêtres. Moi, je suis assise à la dernière rangée le long du couloir mais du côté droit heureusement (!!), et je n'ai rien mais une des deux dames assises contre les fenêtres du côté gauche à la main en sang. Sous les cris des autres passagers, le bus s'arrête enfin. Et là, je dois dire que je suis quand même assez impressionnée par la réactivité des gens. Tout de suite, on amène une trousse de secours pour soigner la pauvre petite dame, et on la fait sortir, puis on amène un balais pour arracher les restes de verre des fenêtres et enlever tous les débris des sièges. Naïvement (malgré tout ce que j'ai déjà vu dans mon voyage, j'ai encore des illusions, oui oui), je me demande si on va nous envoyer un autre bus ou si on va repartir comme ça... Même si je n'ai pas très envie de repartir avec les fenêtres cassées, je suis tellement fatiguée que j'ai juste envie d'arriver et je sais que ça prendrait des heures de nous envoyer un autre bus. Et en effet, après avoir déblayé les sièges, on amène deux grosses couvertures qu'on installe devant l'emplacement des fenêtres, des gens se rasseyent sur les quatre sièges et on redémarre. Tout ça semble s'être passé un peu comme dans un rêve, c'est assez irréel, mais au final, on s'habitue à tout ici et j'essaie de me rendormir. Mais c'est sans compter sur le vent d'un froid perçant qui rentre par les fenêtres, accompagné des gaz d'échappement du bus qui rendent l'air irrespirable, et, peut-être est-ce dû à mon état de demi-sommeil et au léger sentiment d'insécurité que j'ai depuis l'accident, mais j'ai l'impression que le chauffeur roule comme un dingue, surtout vu l'état de la route. C'est donc plus que soulagée que j'arrive enfin à Tupiza vers 3 heures du matin.

Il m'aura quand même fallu cette expérience hommage au Titanic pour capter qu'en fait, c'est moi qui ai la poisse niveau transports (plutôt ballot dans un tour du monde)... Car oui, j'avais lancé à la ronde "mais l'un d'entre vous a la poisse avec les transports ou quoi?" quand nous nous arrêtions tous les 10km avec Ricardo pour refroidir le moteur, et cette dernière expérience quelques heures seulement après avoir quitté le 4x4 de Ricardo m'a aidé à comprendre. Ca a fait comme un écho à l'ouragan Harvey qui m'a donné le privilège de prendre 58h pour faire Tokyo-La Paz, l'interdiction de rouler à Cochabama qui m'a permis de muscler mes mollets sur 20km, l'unique bus quotidien de Llallagua à Colquechaca qui m'a offert une visite des montagnes boliviennes en taxi et le moteur du vieux bus branlant qui nous a lâchés dans une des montées vers Potosi. Je suis un peu lente à la détente parfois, j'avoue. Le lendemain, je me repose dans ma chambre seule (un petit cadeau de moi à moi pour mes 7 mois de voyage) et savoure, enfin, une douche de fou!!!

La petite ville de Tupiza est assez agréable avec son rythme plutôt relax et ses chaudes températures, ce qui fait du bien après le froid d'Uyuni. Et, quelle surprise, j'y retrouve des rickshaws ou tuk-tuks, comme en Inde!!! Comme quoi, je ne suis toujours pas au bout de mes surprises. Mais c'est surtout la région alentour qui est connue pour ses superbes paysages de canyons, de rivières asséchées et de cactus qui évoquent les westerns. Il semblerait d'ailleurs que ce soit dans cette région que Butch Cassidy et le Sundance Kid passèrent leurs derniers jours avant d'être envoyés ad patres en 1908! C'est donc le deuxième jour que je me lance dans une journée découverte de la superbe région de Tupiza, avec un tour sportivement appelé "triathlon". Ne nous emballons pas, je vais seulement alterner minivan, cheval et VTT, mais c'est déjà pas mal :) Je rencontre le matin Verona et Adrian, hollandais, qui font le même tour que moi mais tout en van. Ils ne parlent pas espagnol et notre guide ne parle pas anglais et je me prête donc au jeu de l'interprète avec beaucoup de plaisir. Nous papotons un peu ainsi et ils s'avèrent bien sympathiques. Après une demi-heure de route, nous commençons le tour par une petite marche dans la Quebrada (=gorge, ravine) Seca (photos 2-4). Nous sommes tous les trois époustouflés par la forme des rochers autour de nous. Comme toujours, c'est vraiment difficile de réaliser que ce n'est l'oeuvre que de la nature; on dirait qu'une main les a façonnés, ou dans ce cas-ci, coupés au couteau! Nous continuons notre route dans la vallée et nous arrêtons à une formation géologique pour le moins incroyable et suggestive surnommée la Poronga (ceux qui ne voient toujours pas de quoi on parle peuvent aussi chercher la signification de poronga) (photos 7-9). Mise à part cette allusion coquine, la vallée et les formations rocheuses sont vraiment superbes. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Nous repartons au centre-ville et je descends du bus pour la rando à cheval. Ca commence bien, puisqu'il me fait une blague et tire la langue à mon insu sur notre photo, mais Maximo s'avère finalement être un brave destrier. De nouveau, les paysages que nous traversons avec mon guide dans la vallée de Los Machos sont à couper le souffle! Chaque rocher a une couleur différente de celle de son voisin et leur découpe est presque déconcertante. Je ne sais où donner de la tête. Nous passons d'abord à côté de la Puerta del Diablo (appelée ainsi en héritage des temps où la population y déposait des offrandes au diable pour mettre fin aux périodes de sécheresse) (photos 2-4), puis arrivons au canyon del Inca, beaucoup plus étroit. Nous devons d'ailleurs descendre de cheval pour que je puisse aller y jeter un coup d'oeil (photo 8). Enfin, nous faisons demi-tour et rentrons vers Tupiza.

Je retrouve mes compagnons du jour et nous partons vers le Cañon del Duende, dans la Quebrada Santa Helena (photos 1-6). De nouveau, formations rocheuses plus impressionnantes les unes que les autres, tout ça creusé (pour la gorge) et façonné (pour les roches, au fond de la gorge) par le torrent qui y passe, pendant la saison des pluies. C'est dingue de s'imaginer que là où nous marchons coule un torrent assez violent à une période de l'année! Nous continuons ensuite notre périple vers Toroyoj (photos 7-8), un point de vue sur la vallée de la rivière San Juan del Oro, puis descendons dans le lit de la rivière (photo 9).

Et enfin, nous partons vers l'ultime destination de la journée, la Quebrada de Palala qui, elle, nous mène au superbe point de vue sur El Sillar (=la selle) (photos 4 et 5). Il désigne l'endroit où la route franchit une crête étroite entre deux pics et deux vallées. Dans cette région, des cirques accidentés ont été taillés à flanc de montagne et érodés en aiguilles qui ressemblent à une forêt de pierre (LP). Moi, ça me fait fort penser au parc national Bryce Canyon aux USA. C'est vraiment magnifique! Nous avons monté tout ça en van, il ne me reste plus qu'à m'équiper et parcourir en VTT les 15km et 800m de dénivelé qui nous séparent de Tupiza. J'ai l'appareil photo en bandoulière, bien sûr, et vraiment du mal à ne pas m'arrêter tous les 10m pour prendre une photo, tellement c'est superbe! J'essaie de trouver un juste compromis entre regarder le paysage et me concentrer un minimum sur la route qui est assez traitre avec ses tournants en épingle et ses vilains graviers qui font déraper mes roues. Et 1 heure plus tard, nous sommes de retour à l'agence à Tupiza.

Je suis super satisfaite de cette journée! C'était une chouette manière de découvrir la région, en variant les moyens de transport, et j'ai de nouvelles images magifiques en tête! Une très belle façon pour moi de terminer cet incroyable séjour en Bolivie! Le lendemain, je me concentre exclusivement sur la rédaction du blog et passe une partie de la soirée avec Verona et Adrian, sur qui je suis tombée par hasard au restaurant.

Prochaine étape: le passage en Argentine. J'avoue, j'ai du mal à accepter l'idée de quitter la Bolivie qui m'a tant plue et, je ne sais pas pourquoi, mais l'Argentine me semble si grande que j'ai l'impression que je vais m'y perdre haha!! Je repousse donc un peu le passage de frontière en me servant de l'excuse que peut-être les heures d'ouverture des douanes sont minimes le dimanche (15 octobre), donc je décide de partir le lundi. Le dimanche matin, je discute un peu avec le réceptionniste et lui raconte que je pars le lendemain pour l'Argentine. Tout tracassé, il me dit qu'il faut que je parte aujourd'hui car les routes seront bloquées le lendemain en signe de protestation au gouvernement qui ne fait rien alors que les réserves d'eau de la ville sont quasiment vides. En plus de ça, le réseau électrique du département de Potosi (ça fait un paquet de villes, quand même!) est en maintenance toute la journée, je n'ai donc même pas la possibilité de travailler sur le blog... Ni une ni deux, je fonce dans la douche, fais mon sac, me fais gentiment rembourser la nuit que j'ai payé en trop et pars en catastrophe à la station de bus pour aller à Villazon, ville frontière bolivienne. Est-ce un mal, un bien? Au final, je suis tellement dans la hâte et concentrée sur toutes les étapes que je vais devoir parcourir jusque Salta (Argentine) que je n'ai pas tant le temps de processer mon départ de Bolivie, et ça le rend peut-être moins difficile. Une page se tourne.

8

Waouw! Quelle expérience dans cet incroyable pays... J'ai l'impression d'y avoir passé tant de temps mais que c'était si court, d'avoir vécu tant de choses mais d'avoir encore tant d'endroits à y découvrir. La puissance des paysages qui font palpiter le coeur, les gens et leurs traditions, leur culture, leur histoire, leur gentillesse, leur simplicité, leur serviabilité et leur combat quotidien pour garder l'espoir d'une vie meilleure, d'un demain plus simple... Des émotions, fortes, qui m'ont fait me sentir plus vivante, plus humaine, plus humble, plus comme eux. Le voyage est loin d'être fini pour moi mais j'ai la sensation que la Bolivie restera un de mes grands coups de coeur, si pas le grand moment de ce voyage. J'y ai trouvé, en un pays, tout ce que j'étais partie chercher, j'y ai eu l'écho à toutes les raisons pour lesquelles j'ai fait ce voyage. Ce séjour restera, je pense, comme un point de repère quand j'ai l'impression de me perdre, comme un endroit de ma mémoire où me réfugier et où y puiser du bon. Ce ne sont pas des adieux, mais plutôt un "à bientôt", car j'ai hâte d'y revenir, d'y retrouver tout ce que j'y ai vu et vécu, et de découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles facettes de ce pays fascinant! Hasta luego, linda Bolivia!