Carnet de voyage

DELTA Africa

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Une année de rencontres et partage en Afrique autour des Low-Tech et du recyclage... Livre en prévente : https://fr.ulule.com/delta-africa/ Diane & Elie
Du 1er janvier au 30 novembre 2019
334 jours
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Publié le 2 janvier 2019

Bientôt le grand départ!

Nous partons pour une année autour des sujets de l’artisanat et des Low-Tech (four solaire, frigo du désert, éolienne, filtre à eau, dessalinisateur, manuelle, réchaud à pyrolyse, etc).

Notre voyage se déroulera en Afrique avec pour objectif la recherche d’une expérience de vie par de nouvelles rencontres, l’échange de savoir-faire et la découverte de nouveaux modes de vie.

Nous souhaitons nous immerger au sein de la population locale pour découvrir l’artisanat, comprendre les besoins et apprendre de l’ingéniosité utilisée. Notre vécu et les low-techs découvertes durant le voyage seront une source de partage : ces inspirations seront mises à disposition en open source pour que chacun puisse y avoir accès.

flyer de présentation du projet et itinéraire planifié

Cela fait maintenant un an que nous préparons ce voyage et les premières escales sont planifiées. Au programme : frigo du désert dans un fab-lab à Dakar, Four à pain à Kédougou, Pressoir d'huile de coco et charbon de coco au Ghana...

A suivre... dès ce soir!

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Publié le 7 janvier 2019

Peintures sur les murs, logos et décoration en découpe laser, abris de jardin avec toit en paille et panneau solaire, jardinière en bois alimentée par un goutte à goutte programmé, mur de mozaiques colorées aux multiples reflets et jeux de lumière... C'est sur, nous sommes arrivés à Ker Thiossane !

Ker Thiossane

Ce lieu chaleureux par son ambiance et ses occupants (Marion, Daouda, Cyrille, Marion et Idrissa) nous accueille tout le mois de janvier sur la thématique de la conservation des aliments.

Cette villa pour les arts et le multimédia axe ses activités autour des recherches sur l’art et les nouvelles technologies, et sur ce qu’elles impliquent dans nos sociétés. Un fablab (Defko Ak Niep) et un jardin artistique viennent compléter et équilibrer ce laboratoire d'expérimentation des biens communs. Ils accueillent tantôt des artistes en résidence, tantôt organisent des événements.

Production du dernier festival Afro Pixel                                                          Jardin artistique              

En place depuis 2002, l'écosystème qui gravite autour de ce lieu est immense et précieux : artistes, artisans, designers, scientifiques... C'est une réelle chance pour nous de pouvoir en profiter.

Le temps de prendre nos marques à Ker Thiossane, nous participons succinctement aux activités de la semaine : rénovation du jardin connecté, fabrication d'une imprimante 3D en bois, préparation d'une journée initiation processing et exposition d'art.

La vie au Fab Lab avec Cyrille et Idrissa

La volonté des membres du lieu à partager leur savoir facilite notre compréhension et surtout nous met tout de suite à l'aise.

Et le midi, c'est tieb bou dien (riz et poisson) ou Yassa poulet (poulet, riz et sauce aux oignons) à la « cantine » : dans un minuscule local, plusieurs femmes préparent de grandes marmites de plats sénégalais, toujours bien épicés !

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Publié le 31 janvier 2019

Nous avons passé ces deux dernières semaines à Ker Thiossane à préparer l'atelier du frigo du désert : organisation de l'atelier, ordre du jour, choix des objets à construire le jour J, liste des matériaux de construction, et.. début des courses! Daouda, notre fidèle guide et négociateur nous sera d'une aide précieuse. Le frigo est composé principalement de deux pots en terre cuite. Notre première intention était donc de fabriquer ces pots avec des potiers de la région lors de l'atelier fin janvier. Mais après avoir rencontré l'association Colombin*, centre d'artisanat d'insertion professionnel pour les sourds-muets, nous prenons conscience que la construction d'un pot en terre n'est pas envisageable avec notre planning : il faut minimum deux semaines de séchage avec un tour et un mois pour une construction en colombin.

La chasse au pot en terre cuite démarre alors! L'atelier sera plutôt orienté sur les améliorations potentielles du système ou la construction de frigos avec des matériaux alternatifs ou de récupération. Lorsque l'on se promène à Dakar, on aperçoit beaucoup de vendeurs de fleurs et de pots joliment peints le long des routes. Ces pots ne sont pas vendus très chers, nous pensions donc notre affaire vite réglée. Sauf que tous ces pots sont... en ciment ! Le ciment n'étant pas poreux, le frigo ne pourrait pas fonctionner.

Pots de fleur en ciment vendus le long de la route
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Mauro*, artiste céramiste, nous précise par la suite que l'argile local est assez friable et qu'il est difficile de construire des pots de grande taille. Effectivement, à la Médina où nous trouvons des pots en terre cuite, ceux-ci sont plutôt en mauvais état et de petit diamètre.

Pots vendus à la Médina  
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L’initiation aux bases pour tourner un pot en argile nous fut offerte par Camara*, (professeur de poterie au Centre de Formation à l'Artisanat), curieux, accueillant et désireux de nous transmettre son savoir, sur son tour à pied. Mais nous sommes encore une fois bloqués par le temps, le pot n'aura pas le temps de sécher avant l'atelier.

Camara dans sa salle de cours du CFA 
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Finalement, la solution viendra de Baida, un élève de Camara qui nous dépanne deux pots de 24 cm de diamètre. Ouf !

Premier prototype qui annonce 15,5°C , soit 10°C de différence avec la température extérieure   

Nous partons aussi à la rencontre d’inventeurs, makers, designers, low-techers du coin dont Thiamasse* et Bass*. Le premier, électro-mécanicien de génie, créateur de machines et grand adepte de low-tech, le deuxième, menuisier métallique et artiste, utilisant des matériaux de récupération. Bass nous fit visiter son quartier d'artisans aluminium (on y trouve toutes les étapes du process de fabrication : de la fonte de canettes jusqu'au ponçage en passant par le moulage du sable). Ces deux belles rencontres nous enthousiasment à l’idée de travailler ensemble lors de l'atelier.

Thiamasse et le quartier « recyclerie » & Bass et le quartier d’artisans aluminium

Cette préparation, entre rencontres en or et nombreuses heures passées dans les embouteillages, fut aussi l’occasion de découvrir les quartiers de Dakar et une notion africaine importante : tout prend du temps ici !

* C'est grâce à Ker Thiossane (et Marion notamment) que nous avons eu la chance de les rencontrer, un grand merci!

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Les 23, 24 et 25 janvier derniers, nous avons animé avec Ker Thiossane un atelier sur le frigo du désert. Une quinzaine de participants aux profils très variés (artistes, membres d’ONG, électro-mécanicien, étudiants en climatisation, en médecine, pharmacie...) étaient présents pour le lancement.

Lancement de l'atelier

La première après-midi fut dédiée à la sensibilisation des participants sur la conservation des aliments, à la compréhension du principe physique du frigo du désert et à la fabrication d’un système classique.

Petite info : Le frigo est composé de deux pots en terre cuite mis l’un dans l’autre et séparés par une couche de sable que l’on vient mouiller. L’eau contenue dans le sable va s’évaporer à travers la couche de terre cuite et venir prendre de l’énergie dans le pot intérieur, ce qui va faire baisser la température. On peut obtenir jusqu’à 10 degrés de différence avec la température extérieure.

Début des réflexions

Ayant bien assimilé le principe, les participants cherchèrent des matériaux alternatifs pour remplacer la terre cuite. Leur créativité fut étonnante : les propositions allaient du plâtre aux calebasses en passant par les éponges, l'aluminium, le sisal ou autres. La liste des courses s’allongeait !

Tout au long de l’atelier les participants étaient très motivés pour mettre en pratique leurs idées ou s’insérer dans un groupe pour se rendre utile. Une mise en commun en fin de journée donna la possibilité à chacun d’enrichir les propositions des différents groupes.

Le lendemain, une partie de l’effectif était présente le matin, puis des personnes arrivèrent en fin de journée, d’autres ne revinrent que le troisième jour. Cela rendit plus difficile le suivi des groupes et l’avancement des prototypes mais en semaine chacun avait ses impératifs.

Chaque groupe arriva avec la volonté de construire son frigo même si un prototype similaire était déjà en cours de construction. Ces orientations parfois convergentes et le manque de temps sur deux jours et demi, ne nous ont finalement pas laissé le temps d’explorer les pistes d’améliorations évoquées le premier jour (suspension et ailettes pour la circulation de l'air, paniers pour la disposition des légumes, goutte à goutte pour l'alimentation en eau).

Réalisation des prototypes


Une partie de notre temps a aussi été dédiée à la recherche de matériaux et des outils manquants. Cela impliquait adaptation, innovation et souvent patience. En cas d'interrogation sur des prototypes en cours de fabrication, des recherches théoriques sur de potentiels matériaux alternatifs étaient nécessaire.

En parallèle de la réalisation des frigos et de couvercles en wax, un groupe a construit un meuble de conservation (tutoriel) comportant différents environnements pour conserver ses fruits et légumes. Sa conception nécessita beaucoup de réflexion, notamment pour garantir sa stabilité. Elie se rendit compte de l’habileté nécessaire pour communiquer les concepts, formes ou méthodes de fabrication : les qualités d’un designer !

Montage du meuble de conservation


Les participants finissent l’atelier avec 9 prototypes et de belles surprises : le plâtre et l’aluminium (-8°C), le rafia et bidon (-5°C) fonctionnent bien. Pour les autres, des pistes d’amélioration sont proposées et beaucoup propose de revenir !

Restitution Publique

L’atelier nous a demandé beaucoup d’énergie et nous finissons la restitution publique épuisés.

Actuellement, nous documentons le travail qui a été fourni (photos, vidéos et interviews) pour pouvoir le partager au maximum. Lien vers la documentation : https://urlz.fr/c5Wg

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Publié le 13 février 2019

Retour sur notre mois passé à Dakar, où nous avons rencontré des personnes formidables, mangé de très bon plats à la cantine et bu du thé et du café Touba chez Si :

L'apprenti menuisier métallique, la cantine, Moussa dans sa chaise, Si à son stand de café
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Nous avons été étonnés par certaines choses : La communication est très différente. Les dakarois sont à la fois hyper connectés : on communique par WhatsApp avec son tailleur, les évènements sont diffusés sur facebook ; et en même temps, il n’y a pas de plan ou d’adresse, pour trouver un endroit, tout passe par l’échange oral : il est nécessaire d’être accompagné par quelqu’un pour savoir où se trouve un lieu la première fois, ou se déplacer en personne pour prendre un billet de bateau. Les expats communiquent l’adresse de leur maison avec des coordonnées GPS.

Les Almadies

Dakar est très pollué et embouteillé, même s’il n’y a finalement pas beaucoup de voitures. Les ronds-points tous les 200 mètres avec la priorité à droite ne facilitent pas la fluidité du trafic là où finalement la plus grosse voiture passera la première. Aussi, la moitié des voitures environ sont des taxis (généralement délabrés) : est-ce dû au cout des voitures (souvent vendues plus chères qu’en France !) ? A quand blablacar ?

Les routes et trottoirs sont ensablés par le sable venu du désert et des (trop) nombreux chantiers. Par jour de grand vent, l’autoroute peut être diminuée de moitié par une dune de sable.

A l’arrière des voitures, on peut parfois lire « attention débutante », lorsqu’une femme vient d’avoir son permis (l’équivalent du « A » français). Par contre, on ne trouve jamais « attention débutant »… La place de la femme et les taches qu’on lui assigne sont encore très machistes : la femme s’occupe de la cuisine, du ménage et des enfants.

Alors qu’il n’a pas plu depuis bientôt 6 mois, les routes sont parfois inondées par des remontées d’eau provenant des égouts bouchés par le sable. Mais le plus souvent, cette eau provient des voitures lavées tous les jours : la voiture peut être toute cabossée, trouée et repeinte, il ne faut pas qu’elle ait de poussière - pour les protéger, ils mettent aussi des bâches, qui se couvrent de poussière jaune quelques heures après. L’eau est aussi massivement utilisée pour arroser les jardins, matin et soir. Ce gaspillage d’eau est irréel, dans ce pays où il ne pleut que 2 mois par an.

Voitures abandonnées et ensablées

Beaucoup d’articles vendus sont des produits d’Europe de seconde main (voitures, vêtements, chaussures, électroniques câbles électriques…). D’énormes ballots de fripes arrivent d’ONG et sont revendus dans la rue. Tout est en quelques sortes déjà usagés, et dévalorise les sénégalais : est-ce qu’ils ne méritent pas une qualité supérieure ? du neuf ? Aussi, tous ces tissus synthétiques viennent envahir la ville et donne à voir une sorte de colonisation contemporaine.

En parlant d’objet, tout est réparé ! On trouve toujours un super mécanicien ou électronicien au coin de la rue qui pourra réparer n’importe quel appareil. Le service après-vente se fait dans la rue, et les pièces manquantes, on les fabrique. Les produits durent ainsi beaucoup plus longtemps.

Tous les objets sont réutilisés : les bouteilles en verre sont soit consignées, soit réutilisées pour mettre des cacahouètes. Les bouteilles en plastique sont réutilisées pour le jus de bissap de bouye ou de gingembre. Les canettes sont fondues pour faire des marmites (bon, on ne parle pas des conditions de travail…). Le papier journal pour emballer les sandwichs ou le pain. Et c’est pourquoi Ici, la récupération, c’est payant ! Chaque objet, déchet ou réutilisation possible a son prix. Le travail de récupération prouve la valeur de ce que nous considérons souvent à tort comme des « déchets ».

Quasi tout est récupéré sauf… les sachets plastiques pour l’eau, les jus de fruits et les sacs plastiques qui jonchent les rues. Parfois, ils sont brulés en une grande fumée noire.

De nombreux artisans travaillent la matière. Ils sont souvent regroupés par discipline : quartier des tailleurs, quartier des potiers, quartier des cordonniers, quartier des vanniers, quartier des menuisiers, quartier des ferrailleurs, etc. Ils transmettent leur savoir-faire à de jeunes apprentis qui prendront la suite. Le travail manuel est plutôt valorisé, mais la créativité manque parfois : les mêmes formes sont présentes partout (souvent kitsch d’ailleurs !).

Aussi, les matières travaillées sont souvent de piètre qualité. Le sky remplace le cuir, la fibre synthétique, le coton. On retrouve cette suprématie du plastique!

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Nous avons aussi eu l'occasion de visiter certains sites de Dakar :

L'ile de Ngor
L'Ile de Gorée
Maison d'Ousmane Sow
Lac Rose
l'Ile de la Madeleine
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Publié le 6 mars 2019

Après Dakar, direction la Casamance en bateau !

L’arrivée sur l’ile de Karabane est magique : une fois le ponton franchi et les bagages récupérés (ouf !), nous découvrons une ile sans routes ni chemin, juste du sable, un air frais et quelques maisons.

L'arrivée sur l'île

La découverte de l’île nous fait rencontrer du monde : Moussa, homme aux savoir-faire multiples, qui nous accueille, Léon et ses super sandwichs tapa lapa à l’omelette, un couple du Morvant dont le fils, potier, a construit deux cases les pieds dans l’eau, Zal, qui apprend à Elie la guitare, Ousmane, ancien habitant de l’île qui habite désormais Paris avec Natalie et Sylvie. Ces trois derniers, au grand cœur, ont partagé leur diner avec nous nos deux soirs.

Le village est assez petit : un ou deux resto, la mosquée, l’église, l’école, le jardin des femmes et le cimetière. Tout parait bien propre, c’est très agréable après notre séjour à Dakar. Nous finissons par trouver leur secret : une décharge, un peu plus loin, ou les animaux viennent allégrement se restaurer. Nous proposerons par la suite à Moussa de se renseigner pour fabriquer un pyroliseur plastique via le site du lowtech-lab afin de créer de l’essence pour les pirogues à moteur des pécheurs.

L'envers du décors
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L’île est très grande, il faut une bonne journée de marche pour en faire le tour. La mangrove empêche occasionnellement de marcher le long de la plage et demande de traverser boue et ruisseaux pour continuer. Ce genre d’obstacle crée l’opportunité de partager le thé avec un pécheur du coin.

Promenade dans la mangrove

Lors d’une partie de pêche avec trois jeunes garçons de l’île, Elie découvre la pêche à pied au bord de la plage : les enfants rabattent le poisson dans les mailles du filet dont le côté bas est composé de pierres et le haut de mousses. Malheureusement, pas de poisson, une histoire de pleine lune ou de changement de coefficient de marée… Ce sera quand même l’occasion d’une super rencontre, avec beaucoup d’enthousiasme, de jongler avec de la boue de racine, de perdre au foot, malgré la difficulté d’échanger en français.

Le lendemain nous partons en pirogue à rame nous balader dans les bolongs avec Marcel. La pleine nature et la glisse de la pirogue sur l’eau en font un moment savoureux. De nombreux oiseaux s’envolent à notre passage et nous nous engouffrons dans des petits bras de mer pour un contact plus sauvage en harmonie avec la nature. Les nombreuses branches de mangrove où sont accrochées des huitres nous donnent l’occasion de les dévorer à l’apéro, crues ou cuites au feu de bois à la Karabanaise.

Pirogue, bolongs et huîtres
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Publié le 6 mars 2019

Nous quittons notre paradis en pirogue pour découvrir un village traditionnel animiste diola : Mlomp. Première fois que nous dormons chez l’habitant, Robert en l’occurrence, qui nous accueille chaleureusement. Nous découvrons la douche au seau et le trou au fond du jardin qui sert de toilettes. Robert fait parti des personnes plutôt aisées de la ville, il a l’électricité ! Des jeunes viennent chaque jour recharger leurs téléphones et leurs lampes avec prises intégrées.

Photo de groupe avant le départ - Villageoise - chez Robert 

Laurent, notre ami et guide nous partage sa passion de la culture diola dans le musée de Mlomp construit dans une maison traditionnelle en terre crue.

Musée de la culture diola

Les animistes se remettent aux fétiches pour chaque situation ou décision : choisir le roi, se faire pardonner, protéger le village, baptiser, … On les reconnait souvent par des canaris renversés. Il ne faut surtout pas marcher dessus. Chaque village a son roi, sorte de Maire pour tout ce qui n’est pas administratif. Il y a deux familles royales et d’un roi à l’autre cela alterne entre les deux familles. Cependant ce sont les fétiches qui désignent le roi dans la famille en question. Il a beaucoup d’obligations et doit toujours dormir au sein du village.

Les femmes ayant eu plusieurs fausses couches ou enfants morts nés sont confiées à une association de femmes qui vont les aider à avoir un enfant. Pendant cette période elle doit manger dans une calebasse qu’elle porte tout le temps sur elle et dans laquelle poussière, sable et fientes d’oiseaux se mélangent. Cela doit servir à purifier son corps…

Le vin de palme est très apprécié ici. Il est récolté chaque matin et se boit dans une calebasse avec une cuillère faite d’un fruit évidé. A Oussouye, une fête pour le vin de palme est organisée. Orchestre et danse traditionnelle, suivie d’un DJ sont de la partie.

La randonnée pour partir à la découverte de la pointe Saint Georges nous fait traverser de magnifiques paysages : brousse, rizière, savane, pont en bois, mangrove. C’est un périple de deux heures qu’il faut faire dès le matin pour éviter la chaleur. Heureusement à l’arrivée de la pointe, c’est baignade et dégustation de crevettes à n’en plus finir, avant d’observer les lamentins et les bancs de dauphins !

Promenade jusqu'à la pointe Saint Georges

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Publié le 16 mars 2019

Ethiolo est un village Bassari de 2000 habitants, situé au sud-est du Sénégal dans la région de Kedougou. Nous sommes accueillis chez les Biès, la famille de Jonas, un des boulangers du village. Il y a quatre cases en losange formant une place au milieu et trois cases plus excentrées pour loger tout le monde ainsi que les helpeurs venant leur rendre visite. Le village est plutôt éparpillé et nous le découvrons petit à petit.

Ethiolo

Nous nous insérons dans la famille Bies (avec Léonie, une autre helper qui nous a rejoint) composée de Léontine et Lucien (parents de Jonas), Juliette (soeur de Jonas), Martine (nièce de Jonas), Bernard (fils de Léontine et Lucien), Fabrice, Samuel et Marie-Hélène (enfants de Jonas), Jessica (fille de Juliette), Patrick (petit fils de la cousine de la grand-mère de Jonas) et Michel (fils du mari de la sœur de Jonas). Tout ce petit monde dans 4 cases !

La famille Bies

Les cases sont circulaires et comprennent un lit en rafia très dur auquel nos fesses et notre dos ont du mal à s’habituer. Le sol en terre est très poussiéreux et il ne faut rien laisser tomber par terre, surtout pas les caleçons tout propre et encore humide ! Les murs en terre de la case gardent la chaleur de la journée jusque tard dans la soirée et le trou en guise de fenêtre limite la ventilation de la chambre. Heureusement, les nuits sont fraiches !

                            Fabrication d'une case traditionnelle et de son toit en paille et bambou 

Les moutons, coqs, poules et parfois vaches nous entourent et partagent notre quotidien. Il ne faut rien laisser trainer : dès qu’on tourne le dos, les moutons mangent dans nos plats. « Asha ! Asha ! » crie Juliette en leur jetant une pierre pour les faire fuir.

Pour se laver, faire la cuisine ou boire, nous allons chercher l’eau au puit qui est à 200 mètres des cases avec une descente et une montée. Les enfants portent les bidons de 20 litres sur la tête, les femmes, des bassines remplies d’eau. Pour nous, la bassine sur la tête, c’est la douche assurée ! Pour avoir de l’eau plus sûre pour nos intestins, nous allons au forage qui est à 1,5 km, c’est l’occasion d’une petite balade.

Puits d'Ethiolo

Une dalle en béton avec un trou rempli de vers et de mouches et entourée de crantins (parois en bambou tressé) sert de toilettes. Pour la douche, une dalle en béton et un seau.

A Ethiolo, tout ce qui est « industriel » ou du moins importé d’ailleurs dans le pays est plus cher qu’à Dakar alors que les gens ont souvent moins d’argent. Cela donne l’impression d’une plus grande pauvreté car les jeunes recherchent la modernité (avoir un téléphone, la télé, des bassines en plastique) et ont du mal à l’acquérir. Les matériaux locaux et le savoir-faire traditionnel sont peu à peu abandonnés. Les fruits et légumes sont conservés dans des bassines en plastique par exemple alors que l’on trouve facilement des canaris ou même des paniers tressés qui conserveraient mieux.

La saison principale est l’hivernage, période de culture, puis de récolte. Alors, tous les habitants passent leur journée aux champs pour cultiver le coton, le mil, le riz, le maïs, les cacahouètes… Actuellement, les activités sont plutôt calmes, on construit des cases en terre et paille et on fait un petit peu de commerce : Léontine vend du poisson qu’elle va chercher à Kedougou chaque semaine et Juliette tient une boutique. Le reste du temps, on prépare et boit le thé : il y a 3 thés, le premier l’« amer », le deuxième, le « sucré » et le troisième le « doux ». Préparé au charbon de bois à partir de thé chinois et avec une quantité incroyable de sucre, ils font durer le plaisir pendant des heures.

Juliette dans sa boutique - Habitants d'Ethiolo

Nous sommes toujours très bien accueillis. « Camara » (« bonjour, ça va ? ») disent les gens qu’on rencontre. Dès qu’on arrive quelque part, les gens nous laissent leur chaise pour qu’on s’asseoit. Ce qui est très gênant, car ce sont parfois des personnes âgées. Nous sentons vite que refuser cette hospitalité est assez mal perçu. Aussi si nous voulions prendre une douche et que les enfants étaient dedans, il arrivait qu’on dise aux enfants de sortir prendre leur douche dehors.

En ce moment, il y a un tournoi de foot interclasse avec le collège. Elie est directement intégré à l’équipe de foot des profs. Les jeunes jouent en sandale (chaussure méduse) et chaussettes dans un terrain creusé par la pluie à certains endroits. La balle gonflée à bloc rebondie dans des directions improbables selon les trous et c’est la valse pour les chevilles.

Les élections présidentielles se rapprochant, de plus en plus de personnes arborent un tee-shirt ou une casquette pour tel ou tel candidat, mêlant pagne et propagande politique. Les vieux ont reçu des sommes d’argent, le maire a mystérieusement changé de parti politique. Le jour des élections, tout le monde s’est mis sur son 31, les femmes ont cuisiné un énorme plat dans la maison du maire. Les bulletins de vote sont de 5 couleurs différentes pour que les votants ne sachant pas lire puissent distinguer les 5 candidats. En discutant autour de nous, nous nous rendons compte que peu de gens connaissent la politique ou même l’existence d’un programme politique. Le choix du vote se fait donc au candidat qui donnera le plus d’argent. Pour connaitre les résultats des votes après l’élection, il faudra attendre… 5 jours !

Propagande politique

Avec Victor, ancien chef cuisiner et homme au grand cœur, nous découvrons les secrets du bambou sous les manguiers. Il les utilise en les coupant en lamelles pour faire des parois, appelées crantins. On retrouve ces parois un peu partout, pour entourer le coin toilettes ou le coin douche, pour faire de l’ombre dans les petites boutiques. Cela permet de séparer en laissant passer l’air. Victor va chercher les bambous dans la forêt avec Khali (un jeune qu’il a formé), à 30 minutes de marche. Le terrain est très pentu, il faut s’accrocher aux arbres pour monter. Sur place, ils coupent les bambous en lamelles pendant des heures avec leur coupe-coupe (machette), souvent sans manche. Puis les ramènent sur la tête. Encore un travail très physique.

Apprentissage du crantin avec Victor

Le soir, nous voyons régulièrement les enfants faire leur devoir sur leurs genoux, la lampe torche coincée entre leur tête et leur épaule. Nous réussissons à récupérer un bureau d’écolier cassé grâce à un de nos amis, Diouf, professeur de maths et SVT au collège. Les soudures de ces bureaux ne tiennent pas bien, surtout qu’ils ne sont pas toujours traités avec soin. Nous avons trouvé un bout de banc à fixer sur le bureau mais ici il n’y a ni clou, ni vis ou ficelle. Le fil de fer rouille et la chambre à air de vélo vieilli mal avec le soleil. Pour fixer des structures en bois, les habitants utilisent des filaments d’écorce, comme par exemple, pour fixer la toiture des cases en bambou. Victor accepte de nous emmener à la « montagne » chercher cette écorce qui est très souple quand elle est fraiche ou mouillée et très résistante une fois sèche. Avec ça, voilà le banc fixé !

Premières étapes de construction du bureau

Pour faire la partie bureau, c’est plus compliqué, car il faut quelque chose de plan. On choisit des demi-sections de bambou. Après les tests de fixation pas très convaincants (trop épais et pas très maniable) de lianes de bambou, on opte pour un tressage de filaments de bouteilles plastique directement sur la structure de la table. C’est esthétique et diminue la tonne de déchets d’Ethiolo. On organise un atelier avec les enfants de la famille pour tresser la table, afin qu’ils puissent la réparer ou en faire d’autres. Nous ramassons ensemble les bouteilles, puis expliquons comment les découper en filament avec le couteau, pour ensuite les tresser. Ils sont très appliqués et comprennent rapidement le principe. On sent que les enfants sont fiers d’avoir fabriquer une partie du meuble. Le soir, tous les enfants sont autour de la table, à travailler et dessiner. Elle a été adoptée !

Découpe des bouteilles en filaments et fixation du bambou
3
mars

Jonas, boulanger du village d’Ethiolo, fabrique ses tapalapas ("taper le pain" car on tape la pate avant de la cuire - baguette de pain locale délicieuse) dans un four à pain en terre qui fonctionne au feu de bois. Ici, pas d’électricité ou de gaz, pour cuisiner tout passe par le feu de bois. Jonas va bientôt déménager pour quitter le campement qui regroupe sa famille. Il souhaite donc construire un four sur son nouveau terrain où il sera installé avec ses enfants.

Le four actuel de Jonas
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Au bout de quelques jours à Ethiolo, alors que armés de nos haches et coupe-coupe (machette), nous nous apprêtons à élaguer les arbres sur le terrain de Jonas pour y construire four à pain et cases d’habitation, Jonas disparait pour acheter ce terrain (il était temps !). Le terrain est en pente mais proche du collège et de la route, donc propice pour installer une boutique et vendre les pains.

Nous comprenons assez vite pourquoi nous travaillons seulement de 9h à 13h : non seulement la chaleur est accablante (40°C à l’ombre) mais le travail est essentiellement manuel : couper les arbres à la hache, bécher la terre, la remuer à la pelle, porter les briques, porter la terre et les bidons d’eau de 20L sur la tête. Dès le premier jour, nos mains se couvrent d’ampoules et notre dos souffre.

Préparation du terrain et de la terre
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Pour commencer la construction du four et créer un plateau à bonne hauteur sur lequel mettre les pains, nous avions besoin d’une quarantaine de briques. Les briques sont fabriquées à base de terre crue et d’eau dans un moule, puis séchées pendant 2 semaines. Le moule n’étant pas disponible avant quelques jours (il y a un moule pour tout le quartier) et le temps que les briques sèchent, plus d'un mois aurait été nécessaire pour la réalisation. Heureusement nous avons pu utiliser 200 briques que Jonas avait déjà fabriqué quelques semaines auparavant.

Fabrication des briques en terre crue                 
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Les fondations sont peu profondes, environ 15 cm, de la largeur d’une brique (20cm) et sont comblées de pierres les plus grosses possible au début puis de plus en plus petites pour qu’il n’y ait pas trop de trou. Le liant est fait avec de la boue : mélange de terre argileuse et d’eau, mélange qui servira d’ailleurs tout au long de la construction pour faire tenir les briques, puis construire le dôme. La majeure partie de notre travail a donc été d’aller chercher la terre à 200m en contre bas. Dénivelé de 10 mètres mais qui s’avère bien sportif avec les bidons de 20L d’eau ou les bols remplis de terre portés sur la tête pour remplacer la brouette.

Fondations et construction des murs
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Les quatre murs édifiés, la structure est remplie de terre et cailloux cette fois-ci pris sur place ! Sur le dessus une dalle d’argile et de sel est frappée puissamment pendant plusieurs jours : il faut densifier et éviter les fissures. Deux rangées de briques supplémentaires pour incruster la porte du four. Elle est faite sur mesure avec des bouts de ferraille récupérés par un soudeur de Salemata, village à 7km d’éthiolo.

Remplissage, plateau de sel et porte en feraille
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Il est temps d’attaquer le dôme : la boue mélangée au sel (en Europe, on utilise du sable, mais à Ethiolo on n’en trouve pas) est jetée sur une charpente en bambou et carton pour former la première couche qui gardera la chaleur. La deuxième couche est constituée de boue et de paille pour isoler le four et empêcher que la chaleur ne sorte.

Charpente en bambou, première couche de terre et sel et deuxième couche de terre et paille
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Lors de l’hivernage, il pleut beaucoup, il faudra donc ajouter un toit pour protéger le four, réalisé avec une structure en bambou recouverte de paille. Jonas le construira après notre départ. Nous proposons à Jonas d’installer une cheminée pour éviter la fumée qu’il respire à plein poumon dans son four actuel. Nous réfléchissons avec Jonas à des solutions pour d’une part éviter que l’eau ne rentre et d’autre part que la chaleur reste. Pas facile avec les moyens et matériaux à disposition !

Ajout de la cheminée et Four avant le lissage

La dernière couche de lissage (ajout de boue qui comble les fissures) ne pourra être faite que mardi ou mercredi, le temps que le dôme sèche. Cette tâche sera réalisée par des femmes.

Ensuite, Jonas mettra le feu à la charpente en bambou, qui ne laissera que la terre, déjà un peu cuite. Nous ne verrons malheureusement pas le four fini, ni en fonctionnement.

8
mars

Après avoir traversé la frontière avec la Côte d’Ivoire, nous arrivons dans la western region du Ghana, région noyée dans les forêts de cocotiers. Pour arriver à Old Edobo, le petit village (1000 habitants) où nous nous installons pendant un mois et demi, il faut suivre un petit chemin situé entre l’usine d’huile de coco et le terrain de foot. Au bout, il y a la mer bordée de hauts cocotiers, qui nous valent quelques frayeurs lorsque les noix de coco se fracassent sur le sol, tout près de nous, avec un bruit sourd très reconnaissable. Le village vit de la pêche, de la culture de manioc, de maïs et noix de coco et du travail à l’usine. Chaque jour, les pécheurs tirent en chantant un filet qui traverse les rues du village ensablées. Leurs barques sont immenses et les mettre sur l’eau et hors de l’eau est une sacrée dépense d’énergie.

Village de pécheurs
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L’usine d’huile de coco prend beaucoup de place dans le village car fournit du travail à beaucoup de femmes de la communauté. Chaque jour, une trentaine de femmes vont y couper des noix, gratter la chair de coco, la cuire, prélever l’huile… L’usine produit aussi énormément de déchets, sur lesquels nous travaillons pour les valoriser en ressources ou en produits dérivés.

Usine d'huile vierge de coco
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A première vue, le village semble développé : après notre dernière expérience très frugale à Ethiolo, nous sommes surpris de trouver l’électricité dans tout le village, une douche toute bétonnée (toujours au seau bien sûr), et des toilettes avec une cuvette (même si ça reste un trou qui se remplit de cafards la nuit). D’un autre côté, l’accès à l’eau reste limité, des forages et des puits ont été installé et les cuisines sont toujours enfumées avec le feu 3 pierres.

Cuisine et forage
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A part quelques maisons et bars en bambou et paille, la plupart des maisons sont en béton et toit en tôle, transformant les chambres en four en fin de journée. Elles sont organisées en carré tournant autour d’une cour centrale partagée par la famille de plusieurs générations. A cause de la chaleur à l’intérieur des maisons, de nombreux villageois dorment dehors sur le sable avec leur natte, dans leur cour, dans la rue ou sur la plage. Le soir, les enfants se regroupent autour d’un vieux poste de télévision pour regarder des téléfilms. Il y a une bonne ambiance même s’ils ne doivent pas bien entendre les dialogues, à plus de vingt à discuter tout autour du poste.

Cour familiale

Cette chaleur très humide (80% d’humidité relative) nous change beaucoup du climat sec d’Ethiolo. Les gens se lèvent très tôt, vers 5h, pour nettoyer la maison, cuisiner, aller aux champs, puis se reposent de midi à 16h et reprennent un peu de mouvement jusqu’à 20h, heure à laquelle ils se couchent. Malgré nous, nous devons un peu suivre le rythme car le village qui se lève fait du bruit : chant du coq, discussions dans la cour, annonce pour la vente du pain et du kokoo (liquide onctueux plein d’épices, à base de mil), et… communiqué craché du haut-parleur chaque mercredi à 6h pendant 2h pour la vente de médicament.

Pour nous, tout est un peu plus lent. A chaque fois qu’il faut aller chercher quelque chose, traverser le village, cela nous semble être une expédition : marcher dans le sable, en plein cagnard, être arrêtés sans cesse dans la rue, les gens nous demandent si ça va, où on va, qu’est-ce qu’on mange… Rien que saluer met du temps : Ashi-ooh, Eéelo-ooh, Ahinyeo-ooh, Apokenué ? Mi OK ! Koedié ? Béttaiiii

18
mars

Tous les habitants du village nous accueillent chaleureusement : Akwabo, kwodié ? mi-oké, medawassi, chacun s’applique à nous aider à apprendre le Nzema, la langue locale. Ils voient très rarement des blancs dans leur village, ils trouvent même cela étrange que nous voulions venir vivre quelques temps ici. On tisse des relations avec les uns et les autres, notamment avec Antoine, un ghanéen qui a grandi à Abidjan (Côte d’Ivoire) et qui parle couramment le français. Son éducation, assez proche de celle de l’occident, nous permet de l’interroger sur plein de choses sans problème. Les premiers jours, certaines personnes nous ont offerts des fruits (banane, ananas, orange) pour nous accueillir. Voyant qu’ils n’ont pas grand-chose pour vivre, ça nous touche beaucoup. Et à l’inverse, chaque jour, certains nous demandent de l’argent, un cédi, un téléphone, une orange…« parce que chez toi là, il y a l’argent » (étant à 10 km de la Côte d’Ivoire, beaucoup parlent français), quelqu’un nous a même demandé si on allait souvent aux Etats-Unis, « parce que c’est gratuit depuis la France ».

Antoine partant aux champs - Villageois
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Dans l’ensemble, les hommes s’adressent à Elie et les femmes à Diane. Dans la rue, il est très rare de voir des couples ou même des groupes mixtes. Seuls les enfants se mélangent et encore, ils auront tendances à suivre Elie dans ses actions pour les garçons et les filles à suivre Diane.

Groupes de genre 

Pour notre arrivée au village, il a fallu être introduit, ce fut toute une cérémonie : D’abord, demander si le chef de village veut bien nous recevoir (seul un membre de la chefferie peut le faire), puis les chaises en plastique sont installées en cercle, les « elders » face à nous. Nous présentons les deux bouteilles d’alcool achetées préalablement ainsi qu’une enveloppe d’argent. Après avoir expliqué le pourquoi de notre présence, le chef prends un verre d’alcool, le verse par petites portions au sol en parlant Nzema. Cela ressemble beaucoup à une bénédiction. Puis nous partageons la bouteille de cet alcool rouge à 45°, quasiment imbuvable par cette chaleur et beaucoup trop amer par-dessus le marché. Pour nous, ce sera juste une gorgée par politesse.

Nous avons une petite chambre tout confort (avec un vrai matelas !) dans une maison familiale. Chaque memebre de la famille a son caractère et nous a intégré à sa façon. Francis, le maitre de maison (car le plus ancien), Anthony et Ishua, Antoine, Benedicte, Isaac, Emmanuel, etc. Ils ont chacun un nom catholique et un nom Nzema en fonction du jour où ils sont nés : Ils nous ont attribué des noms Nzema (Adjuba pour Diane, Kodjo pour Elie et Adu Kofi pour Pierre) et nous appellent désormais par ces noms-là – sauf parfois où c’est « boifrai », « hommes blancs » en Nzema.

Photos de famille

On voit finalement peu la famille car il n’y a pas de regroupement pour les repas : chacun mange lorsqu’il a faim, souvent vers 7h, puis 16h30. On trouve des petites cantines un peu partout ou des dames avec des caisses de riz à vendre. Ici, on mange le manioc à toutes les sauces : Tokuma (farine de manioc cuite à la vapeur - très amer), Atiéké (ressemble à de la semoule), Bangu (avec du maïs), Atokou (comme atiéké mais en plus fin), foufou (mélangé à la banane plantain), foutou (pareil mais différent), plakali (comme tokuma mais en moins piwe)… Le goût change un peu mais cela se présente toujours sous la forme de boules semi-cuites que l’on vient tremper dans la sauce. Après avoir tout gouté, nous nous rendons à l’évidence que riz-omelette c'est plutôt bon même si ce n’est pas local. Georgina, une des femmes de l’usine de coco et Ishua (chez qui nous habitons) cuisinent de temps en temps des plats spécialement pour nous, « whithout pepper » (sans piment). La nourriture est très épicée et si la sauce n’a pas été préparée sans piment, nous pouvons à peine y tremper les lèvres. Tous les repas se mangent dans des assiettes en plastique (ou directement dans les sacs plastique), placées dans des bassines en pastique, ce qui donne l’impression de toujours un peu jouer à la dinette.

Bananes, préparation de manioc, poissons fumés et brochettes d'escargots
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En fin d’après-midi, les hommes se retrouvent près du bar de l’entrée (il y a au moins 5 bars !) et jouent aux dames, aux cartes et… au loto ! Sur un tableau est affiché les numéros sortis les 7 derniers jours : il y a 5 numéros par jour (entre 1 et 90), et il faut en avoir minimum 2 en commun. Chacun parie selon son budget, 2 cédis, 5 cédis, sur un carnet carbone écrit à la main qui est envoyé chaque soir à Accra… on n’a pas encore vu quelqu’un gagner. Passé 21h (les gens se couchent tôt ici), il arrive que les gens qu’on croise dans la rue, sentent l’alcool. Ils le boivent en sachet. Ce sont des cocktails (whisky-miel, gin-gingembre, etc.) empaquetés en petite dosette de 30 ml dans des sachets plastique comme ceux que l’on trouve pour l’eau.

Bars, loto et jeux de dames
2
avr

Un soir, alors que nous revenions à Edobo, nous sommes surpris d’entendre depuis la route de la musique venant du village. En nous approchant, nous voyons que c’est la vrai fiesta, tout le village danse et festoie. Ce sont en fait… des funérailles ! Un pécheur est décédé quelques jours plus tôt. La musique ne s’arrête pas de la nuit et des gens dansent encore toute la matinée. La cour d’une des maisons familiales a été aménagée et décorée pour l’occasion avec des tissus et des rubans rouges et noires. C’est très beau et crée un espace intime autour du mort qui repose les yeux fermés au fond, dans un lit. La famille se tient tout autour lorsqu’un groupe de personnes arrive en tirant une corde symbolisant le filet ou le bateau tiré hors de l’eau. Chacun rend hommage au défunt en imitant un de ses traits de caractère : comment il dansait, chassait les tortues, péchait, piquait les poissons des autres…on observe ainsi plein de petites scénettes tout autour du lieu de recueillement. C’est très émouvant : la corde se casse, des femmes pleurent. Puis, on retourne danser, cette fois-ci, près du cercueil monté sur une remorque tout terrain.

Lieu du recueillement 
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Après avoir revêtu les tenues traditionnelles (pagne enroulé autour d’une épaule et du corps pour les hommes) - seuls les hommes habillés comme ça peuvent prendre la parole - nous suivons le convoi du cercueil vers la forêt.

En tenue traditionnelle
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Ce sont les femmes qui déposent le cercueil dans le trou, puis, après la bénédiction, dansent et le recouvrent de terre. Le reste de la journée consiste à faire les comptes : la famille installée face au peuple, ceux qui le souhaitent, donnent de l’argent (de 2 à 250 cédis) ou des boissons. A chaque don, Anthony (notre hôte qui fait aussi parti de la confrérie et de la famille du défunt) énonce la personne qui a donné et la somme versée. Ensuite, un représentant de chaque communauté (il y en a 7 au total) liste les personnes qui ont versé leur 2 cédis (obligatoire !) et ceux qui ne l’ont pas fait ! Il fait très chaud, et les listes sont interminables. Enfin, les comptes sont faits sur qui a payé la sono, qui a payé les boissons, qui a payé les tentes, etc. Juste avant la répartition des boissons avec toutes les personnes présentes, une dispute éclate pour avoir la primeur de choisir les boissons…

Convoi du cercueil et annonce des dons

Depuis notre arrivée, il y a des funérailles au moins une à deux par semaine dans le coin.

9
avr

Notre séjour au Ghana a été dédié en grande partie à la recherche sur le charbon de noix de coco.

Une usine d’huile de coco est installée depuis deux ans à Old Edobo et emploie des femmes de la communauté locale. Pour la fabrication des 200 litres quotidiens d’huile extra vierge, chaque jour, 5000 noix de coco sont coupées, grattées, mâchées, puis… jetées. Cela crée des montagnes de déchets qui stagnent dans la cour de l’usine : d’un côté les coques, récupérées par Oscar, un professeur qui en fait du charbon ; de l’autre, les « husks », enveloppes externes fibreuses, qui ont moins de débouchés pour le moment. Ces dernières servent de combustibles mais se consument trop vite, elles sont alors brulées en plein air pour éviter la prolifération de moustiques en saison des pluies.

Coques et "husk" issus de l'usine

En revalorisant ces coques de coco, c’est aussi l’opportunité de donner du travail et un revenu à d’autres femmes du village tout en évitant la déforestation des réserves environnantes (dans les villages, la cuisine est majoritairement faite au feu de bois).

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Nous nous imprégnons du process grâce à Moses, le manager de l’usine qui nous explique tout en détail. Toutes nos suggestions sont les bienvenues.

Fabrication de l'huile de coco vierge
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Oscar nous partage avec enthousiasme tout son savoir-faire sur la fabrication locale du charbon de noix de coco : pour cela il utilise simplement un tonneau en métal qu’il remplit de coques de coco après y avoir préalablement mis le feu. Attendre quelques heures en ajoutant des coques de temps en temps, puis éteindre avec du jute, du sable et de l’eau. Plutôt low-tech ! Pour pouvoir être installé à l’usine, le système demande quelques améliorations : les parois brulantes, le feu lors des remplissages, la cendre produite, le sable mélangé au charbon…

Fabrication locale du charbon de coco

Nous partons donc à Kumasi rencontrer des experts sur le bio charbon : à l’université KNUST, un professeur et des doctorants travaillent sur le sujet depuis plus de 10 ans. Ils nous reçoivent à bras ouverts et nous exposent toutes leurs recherches. En tout, il y a une dizaine de prototypes ! Bon, ils finissent quand même par nous faire signer un contrat de confidentialité. Leurs machines ne sont pas vraiment low-tech (process complexe avec deux moteurs, vis sans fin, gaz à gogo, laine de verre et compagnie) et le prix de fabrication d’une telle machine est plutôt élevée (25000 à 50000 cédis = 4300 € à 8600€). Il serait bien de faire plus simple, plus local et mieux pour l’environnement. La machine est bien trop chère pour la communauté, il faudra un financement externe. C’est trop court pour notre temps sur place.

Après discussion avec les différents acteurs du projet, nous décidons de lancer une étude de marché locale pour connaître le potentiel d’un tel investissement. Nous nous éloignons de la fabrication et de la conception mais ce sera utile au village et aux futures communautés en répondant au mieux au besoin local. Aidés d’Antoine qui sera notre interprète Nzema-français, nous voilà partis dans les différents villages de la région ouest du Ghana : New Edobo, Etzubaso, Tikobo, Half Assini. De la grosse ville au village, sur la côte ou dans les terres, entre cantines ou foyers, les réponses diffèrent et le charbon de coco n’est pas toujours connu. Mais une chose est sûre, le marché est là !

Etude de marché auprès des boutiques, cantines et foyers

Entre temps, Pierre nous a rejoint et nous apporte ses compétences commerciales. Nous calculons la rentabilité de l’installation d’un tel système pour que les femmes soient autonomes financièrement dans la vente de sacs de charbon de coco.

Après calcul de la masse de coques produite chaque jour et du volume nécessaire pour la future machine, nous commençons à concevoir le système. Nous ajoutons nos petites améliorations (trappe de remplissage pour se tenir éloigné de la machine brulante, cheminée, portes d’accès…). Une fois nos dessins techniques terminés, la RTF (Rural and Technology Facility), une école formant des jeunes à la transformation du métal et à deux pas de l’usine (donc limitant les transports), nous fournit les devis pour la fabrication d’une telle machine.

Conception de la machine et discussion en vue du devis

Nous rendons donc un dossier technico-économique, en espérant que notre travail puisse obtenir une subvention pour l’appel à projets de l’union européenne de fin avril. Si c’est positif, et dans le meilleur des cas, la fabrication ne débutera pas avant le mois de juillet.

Pour finir notre séjour, nous proposons des optimisations de rendements de l’usine d’huile de coco (passer à un système continu plutôt que par batch – l’usine a été fermée pendant 2 semaines à cause de cela), des améliorations énergétiques (installation d’un tank plutôt qu’une pompe fonctionnant H24, fermeture de la porte et réglage de la température pour la climatisation, idées pour rafraichir les bâtiments, etc.) et quelques propositions logistiques sur les usages et flux des process.

17
avr

Pendant notre séjour, nous avons aussi mené deux petits projets pour la famille et la communauté : un robinet low-tech pour se laver facilement les mains et un sac en sachets plastique pour réduire les déchets.

N’ayant pas l’eau courante, pour se laver les mains, cela nécessite d’utiliser un gobelet en lavant d’abord une main, puis l’autre. Pas très pratique pour frotter (essayez et écrivez-nous un commentaire 😉) et surtout pas très hygiénique.

La bassine et le gobelet 
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En se basant sur un modèle simple vu au Sénégal, fait de bouts de bois et d’un bidon, nous avons facilement trouvé tous les matériaux nécessaires à sa fabrication en adaptant selon ce que nous trouvions. Le bidon est en fait trop lourd pour le bois et rend difficile la pression du pied pour le versement de l’eau. On en trouvera un autre demain…

Fabrication de notre robinet et modèle sénégalais

Mais le lendemain, plus de structure… Est-ce que les enfants ont joué avec ? Est-ce que les moutons l’ont cassé comme le dit Francis ? Ou bien notre projet ne les intéressait pas ? Nous ne saurons pas…

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Depuis notre arrivée en Afrique, nous remarquons les déchets par terre et plus particulièrement les sachets d’eau : après avoir étanché une petite soif momentanée, ils sont jetés directement par terre. Ils trainent partout et ne trouvent pas de seconde vie, contrairement aux bouteilles.

Nous avons pu voir à Cape Coast des sacs et petites trousses faits à partir de ces sachets. L’idée est bonne et nous décidons de l’importer à Edobo.

Après avoir ramassé les sachets (pas la peine de faire plus de cent mètres pour en récolter une cinquantaine), découpage, lavage et séchage. Ales, un tailleur, est d’accord pour le faire avec nous, en fait, il en a déjà fait lorsqu’il était à Accra.

Préparation des sachets
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Ales est habile et plein de ressources, la conception va vite avec sa machine à manivelle. En moins de 2h, nous avons un premier prototype doublé que nous pouvons montrer aux femmes du village pour estimer le potentiel du marché local. Lydia est sous le charme, mais ne veut pas l’acheter, elle veut faire exactement le même au millimètre près. C’est reparti pour quelques heures de couture avec elle ! Les autres femmes veulent le sac en cadeau. Après discussion, elles sont prêtes à le payer 5 cédis. Espérons que ce n’est pas un phénomène de mode et que dans quelques mois tous les sachets d’eau sur la plage serviront de sacs aux femmes du village !

En haut : Ales et la machine à coudre à manivelle - En bas : Lydia en pleine couture et Ishua avec son sac !

23
avr
23
avr

Nous profitons d’être à côté pour rendre visite à notre amie Anaëlle qui habite à Abidjan depuis maintenant 18 mois. Nous visitons un petit peu le pays pendant une semaine.

En arrivant, nous sommes agréablement surpris par la joie de vivre des ivoiriens : ils aiment sortir, faire la fête (le « show »), bien manger. Abidjan est une ville très vivante et bordée de maquis (petit bar-snack) le long des routes. C’est aussi une ville très développée, les routes sont toutes goudronnées, de grands ponts enjambent les nombreux bras du delta, des publicités lumineuses apparaissent sur les grands axes et on trouve toutes sortes de restaurants du monde.

Départ d'Abidjan pour Yamoussoukro
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Yamoussoukro - Capitale Politique

Village natal du président feu Felix Houphouët Boigny, transformé en capitale, Yamoussoukro est une ville étonnante. Ces larges avenues désertes et mal entretenues raccordent des bâtiments gigantesques pour la plupart financé par « les fonds propres » de l’ex-président.

Yamoussoukro
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La Basilique Notre Dame de la Paix : énorme édifice à l’image de la basilique Saint Pierre de Rome, dépassant son dôme en hauteur et largeur de plusieurs dizaines de mètres ! Le tout construit de 1986 à 1989, 7 jours/7, 365 jours par an par 1500 ouvriers. Offerte au Vatican, la basilique est impressionnante de taille mais aussi par la qualité des matériaux venus d’Europe ou travaillés de là-bas, la beauté des vitraux et la multitude de couleurs (15000 teintes différentes), les ingéniosités de l’époque (clim intégrée aux bancs, ascenseurs dans les piliers, micros dans les colonnes). Aussi, dans un des vitraux, le président et l’architecte ont été représentés sur la scène biblique des Rameaux. Grandeur et décadence !

Basilique Notre Dame de la Paix
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La Fondation Felix Houphouët Boigny pour la Paix, est un bâtiment de sept étages où se trouve le bureau du Président. De grandes salles de réunions ministérielles sont reliées par des couloirs sombres et feutrés, éclairés de magnifiques lustres au design recherché. Les immenses portes sont aussi très belles. La salle de la réconciliation a accueilli les dirigeants d’autres pays d’Afrique pour les aider à trouver des arrangements pour la paix.

Fondation pour la Paix
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Dans cette région Baoulé, la cérémonie religieuse de Pâques se prolonge avec Paquinou : grosse fête dans les villes et village où l’on danse et boit. Des espaces avec des scènes ont été aménagés pour l’occasion dans la ville. Nous essayons de danser avec les ivoiriens, mais dès que nous bougeons une fesse, une dizaine de téléphone commence à nous filmer… Ils viennent tous danser avec nous ou faire des battles de danse. Nous devenons vite des stars et au bout d’un moment c’est un peu gênant.

Paquinou
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On finit notre visite de Yakro avec l’Hotel Président et sa vue époustouflante sur la ville et une balade dans le parc des Grandes Ecoles, de beaux monuments architecturaux, de l’espace, des infrastructures de sport, de la verdure, de quoi se sentir bien pour étudier !

Grandes Ecoles
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Changement de décor en arrivant à Man, magnifique région bordée de montagnes.

Man

Le Sergent Bamba et lieutenant Nobio nous accompagnent dans la Réserve naturelle intégrale du Mont Nimba (à 3h de route de Man). La forêt, non touchée par l’homme, est très immersive, on « nage » au milieu des plantes et arbres en se forgeant un chemin à la machette en suivant une piste que seuls nos guides connaissent. Notre route jusqu’à la savane est très vallonnée et coupée par quelques rivières qui viennent nous rafraichir. Quatre heures plus tard nous atteignons notre but et ne sommes pas déçus par la vue : le jaune de l’herbe contraste avec les nuances de vert de la végétation environnante. Au fond, le Mont Nimba a encore quelques heures de marche. Deux gazelles traversent la savane au loin.

Réserve Naturelle du Mont Nimba
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A Man, nous commençons l’ascension de la dent de Man. La vue vallonnée est magnifique, nous marchons au milieu des plantations de café, cacao, manioc et bananes. Après une petite escalade, le sommet nous offre une vue incroyable avec l’étalement de la ville dans la vallée et les montagnes à 360° qui s’effacent dans la brume. Au retour, la pause à la cascade nous rafraîchit. La fin de la cascade se jette dans la forêt, immense trou béant de vert, panorama sauvage et mystérieux.

Dent de Man
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Dernière étape à Tabaoulé, petit coin de paradis à la roche rouge et l’eau transparente. Nous dormons dans une cabane au bord de l’eau et profitons du calme et de la beauté du lieu tout en mangeant de succulents poissons braisés et des salades de papayes vertes. De petites piscines d’eau sont formées dans la roche. Petit moment hors de temps… mais à plus de 10h de route de la capitale.

Plage, repos et jus frais !

8
mai

A notre arrivée à Cotonou, nous rejoignons l’association béninoise « l’Atelier des Griots ». Cette structure est présidée par Habib Mémé, architecte Béninois investi socialement dans le quartier d’Akpakpa. Elle travaille avec les griots, jeunes habitants du quartier, venant de divers horizons. Certains travaillent en ville tous les jours, au jour le jour selon la demande, tandis que d’autres travaillent pour le quartier au sein des conseillers et chef de quartier. Ils n’ont donc pas toujours le temps ou l’énergie pour participer aux ateliers, souvent bénévoles et sans retombés économiques. Leur besoin actuel est donc de trouver des ateliers pouvant être rémunérateurs pour les participants.

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La visite d’Akpakpa Dodomey Enagnon avec les griots permet d’identifier les ressources, les besoins locaux et les possibilités de projets. Toutes les rues sont en sable et sont sillonnées par la pluie. Il y a beaucoup de boutiques, de menuisier bois, métallique et de récup en tout genre, plastique, métal, caoutchouc, … Des pousse-pousses sont fabriqués avec des vieux circuits de frigo, des brouettes avec des chutes de métal. Le reste part au Nigeria empaqueté dans d’immenses moustiquaires pour être revalorisé on ne sait comment. Dans beaucoup de maisons, les habitants lavent des chaussures, les font sécher dans le sable devant leur porte d’entrée, dans la rue ou sur leur toiture lestée de pneus. Quartier le plus sportif de Cotonou, il a fait sortir les plus grands champions de foot, de tennis ou de Boxe du Bénin.

Akpakpa Dodomey Enagnon
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Une immense dune de sable artificielle les sépare de l’océan, fruit de la volonté de l’état d’investir dans des complexes touristiques. Il a pour cela déloger des milliers d’habitant qui se trouvaient là. Aujourd’hui, une barrière les empêche de passer pour protéger la dune qui se fait grignoter tous les jours par l’océan. Des bulldozers travaillent tous les jours et les travaux n’avancent que très lentement. De l’autre côté, les pêcheurs d’Akpakpa échouent leurs pirogues sur des montagnes de déchets venues de la lagune et du marché de Dantokpa sur la rive en face.

La dune séparant Akpakpa Dodomey Enagnon de l'océan
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En plus des habituels sachets et sacs plastiques qui jonchent le sol, nous observons de nombreux pneus qui trainent ici et là, matière intéressante dans la construction de structures. Après des recherches d’inspiration sur les structures en pneu et un brainstorming sur les besoins du quartier, nous décidons de concevoir une aire de jeux pour enfants : cela permettra de construire quelque chose de tangible et de visible pour le quartier tout en valorisant un savoir-faire pour les griots pour d’éventuels débouchés économiques en dehors du quartier.

Les pneus dans le quartier
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L’espace sera dédié aux enfants, ils sont donc les premiers impliqués dans les ateliers. L’objectif est de travailler avec une vingtaine d’enfants de 5 à 15 ans pour qu’ils imaginent les jeux de leurs rêves. Finalement, il y a beaucoup plus d’enfants que prévu et la maison des jeunes ne ferme pas. Nous nous retrouvons avec les griots à gérer une cinquantaine d’enfants excités se battant pour une feuille ou un crayon, criant et courant dans tous les sens, c’est épuisant ! Heureusement que les griots sont là pour remettre de l’ordre de temps en temps, tous ne parlent pas le français et l’autorité locale est beaucoup plus respectée !

File d'attente pour participer à l'atelier
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Les premiers jeux dessinés par les enfants sont très terre à terre, PlayStation, marelle, ballon de foot, jeu de billes et de cartes. Une ou deux balançoires sont dessinées avant que nous distribuions les photos d’inspiration à base de pneus. Pour la deuxième série de dessins, ils répliquent alors beaucoup les images présentées avec un intérêt tout particulier pour la balançoire et proposent des vélos, canards, vaudous, avions, sac à mains, raquette de tennis ou ballon de basket.

Les enfants à l'ouvrage
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Après cette phase de réflexion, nous faisons tous ensemble le tour du quartier pour identifier un lieu où implanter cette aire de jeux. Les enfants votent presque à l’unanimité le lieu « Camé » qui est proche de la maison des jeunes et proche de chez eux.

Visite des sites potentiels
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Les griots étant déjà très débrouillards et bricoleurs, nous leur proposons de passer du temps sur la conception pour les former à la gestion de projet. Ils synthétisent le besoin, les contraintes et les objectifs du projet issu du premier atelier avec les enfants. Ils jouent très bien le jeu et ont bien mémorisé le rendu de l’atelier, les échanges sont argumentés et constructifs tant sur le choix des jeux que sur le choix du terrain. Chacun dessine ensuite sa vision de l’espace de jeux afin que nous puissions faire des choix de concept pour la disposition des jeux : le terrain étant tout en longueur, l’espace est réparti sous forme de parcours, allant du jeu individuel à celui collectif.

Conception de l'espace
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Une fois le plan mis au propre, la liste de matériel est établie. Il ne nous reste plus qu’à aller faire valider le projet au chef quartier pour pouvoir commencer. Ce dernier est très content du projet, ce sera validé dans la semaine après présentation à ses conseillers.

Plan de l'espace de jeux
22
mai
22
mai

Vient le premier jour de construction. Nous arrivons en avance pour trouver le plus possible de matériaux recyclés dans le quartier pour qu’ils puissent être accessible aux griots. Les jeunes n’y croient pas vraiment et sont persuadés que tout le monde va les faire payer (ici chaque déchet est mis en tas puis vendu quand un client souhaite se le procurer). Nous négocions avec une dame le don d’un vieux tasseau de bois criblé de clous, trouvons une corde par terre et demandons à Martin de trouver du filet de pêche inutilisé. Les test de peinture à base de vernis, de dissolvant et de pigment fonctionnent selon les doses. La matinée est fructueuse.

Les tests de peinture

L’après-midi, nous sommes huit avec Habib et les griots. Le « deux enfants de plus de 10 ans par adulte » tient à peine deux secondes après la mise en action. La porte ne peut toujours pas être fermée et de nouveau, tous les enfants du quartier sont là et veulent participer. Nous n’avions pas anticipé qu’il fallait peindre de nombreux pneus avant de commencer la construction, il y a donc embouteillage au stand peinture et les groupes se disloquent. Pour peindre les pneus il faut d'ailleurs les nettoyer et les faire sécher. D’autre part, il y a une seule perceuse avec une mèche trop petite, chaque trou doit être usiné pendant de longues minutes pour permettre l’assemblage par boulons. L’armature armé des pneus est telle que la scie à métaux est inutile malgré la force des griots. La meuleuse du menuisier métallique est nécessaire et malheureusement non négociée pour la communauté : 3000F pour scier deux pneus… Le tasseau trouvé dans le quartier est extrêmement dur : à la scie c’est très long, pour visser, il faut pré-percer, retour au stand perceuse. Tout prend du temps et les enfants nous ralentissent même si c’est essentiel de le faire avec eux.

Lavage, perçage et sciage des pneus

A la fin de la journée, à peine 1/3 du travail prévu n’est fini. Nous sommes exténués mais il faudra revenir tous les jours jusqu’à notre départ si nous voulons finir le projet (à la base prévue en 3 après-midi !).

Le lendemain, à notre arrivée à la maison des jeunes, tous les pneus peints sont éparpillés par terre, le lieu a été mis sans dessus-dessous. . Les enfants ont joué avec et ont abimé tout le travail de la veille. Il faut repeindre tous les pneus.... Nous trouvons une solution pour fermer la maison des jeunes afin que cela ne se reproduise plus. Autre constat, nous n’avons plus d’électricité à la maison des jeunes, ils ont une dette importante de maintenance et il faut alors faire appel à un électricien pour passer un câble de l’autre coté de la rue pour qu’un particulier nous « sous-loue » son courant, encore une fortune et l’homme est intraitable.

La maison des jeunes à notre retour
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Pour pallier ce problème d’électricité nous construisons les petites balançoires individuelles à l’Iroko FabLab, Fab Lab cotonois principalement axé sur le bois (pour le moment) et très dynamique.

Séance de travail à l'Iroko Fab Lab
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A leur tour, les membres de l’iroko Fablab viennent en renfort pour construire la grande balançoire et notamment sa structure bois. Ils apportent également une autre perceuse avec des forêts plus gros, ce qui facilite énormément le travail. Avec le matériel adéquat nous avançons plus vite, les trous sont percés sur les motos, la voiture et les balançoires individuelles sont assemblés.

Les jeux commencent à prendre forme

Nous avons de temps en temps du mal à travailler en équipe, nous nous rendons compte que certains veulent tout faire, prennent les outils des mains, sans écouter, encore moins Diane, une femme qui bricole.

Il est temps d’aller préparer le terrain de Camé, finalement, ce n’est plus que 3m de large pour laisser de la place à la circulation (4m initialement lors de l’identification du terrain). Cela réduit la place et remet en cause un peu la conception initiale. Nous continuons néanmoins et nettoyons l’espace avec les enfants, démêlons les filets de pêche pour les fixer au bambou que nous enterrons pour créer une barrière transparente. Les enfants défont rapidement la clôture, il faudra trouver une autre solution.

Installation des structures sur le terrain

Le lendemain, la balançoire tient toujours debout et les enfants ne semblent pas l’avoir quittée ! Nous sommes rassurés. Un pneu de la voiture est arraché. Nous ne l’avons pas assez enterré. Il faut la ramener à la maison des jeunes pour la refixer et l’enterrer de nouveau.

Réparation de la voiture

Dernier jour de construction, il faut encore beaucoup de bois pour construire la grande structure en forme d’escalier. Nous arrivons à 10h pour être surs de finir, mais les matériaux et outil n’arrivent qu’à 13h... Même après 5 mois en Afrique, nous avons du mal à se faire aux temps d’attente souvent très longs. En face de l’espace de jeux, des ordures et liquides inconnus pleins de mouches diffusent une odeur pestilentielle. Le lieu est alors remis en question : il est décidé de stopper la construction le temps de trouver une solution. Nous sommes un peu décus de ne pas l’avoir décelé avant. Nous aurions surement dû passer plus de temps avec le chef quartier et sur le terrain pour éviter cette déconvenue. En attendant, tous les pneus sont peints et percés, les bois coupés à la bonne dimension et étiquetés. Il reste à pré-percer les bois, et visser les structures. Nous laissons ce chantier à l’Atelier des Griots car nous devons partir demain. Il faudra décider si l’espace de jeux reste à Akpakpa Dodomey ou bien est déménagé à un autre quartier.

Dernier atelier

Nous apprendrons après que les enfants jouent par quartier et que le partage est difficile. Les enfants de Camé interdisent ceux qui habitent deux rues plus loin de jouer à cet endroit-là. Certains enfants de la maison des jeunes veulent que les mini balancoires restent à la maison des jeunes pour qu’ils puissent y jouer. Notre projet a des rebondissements sociaux qu’on ne soupçonnait pas.

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Publié le 7 juillet 2019

Nous avons profité de la visite d'Alain et Véronique, les parents de Diane pour aller visiter quelques coins du Bénin : des Tatas Somba au Nord aux villages lacustres du Sud, le patrimoine du Bénin est très riche et varié.

Dans la magnifique région de l’Atakora, bordée de montagnes, plus de 5000 tatas Somba ont été recensés dans le Nord du Bénin. Nous avons pu visiter celles de Koussoukoingou, de Kouaba et de Boukoumbé, grâce à Guy, notre super guide, expert en tata. Ces habitations sont très fonctionnelles : les bêtes vivent en bas (avec les vieux qui ne peuvent pas monter), à l’entrée se trouve un trou pour piler à gauche et a droite, des pierres plates qu’on vient racler sur une autre grande pierre pour moudre les graines. Une pièce intermédiaire à mi-étage sert de cuisine avec le feu trois pierres (en terre), avant d’accéder à la terrasse par une superbe échelle en Y en bois de karité. Les terrasses sont en pente pour faciliter l’écoulement des eaux vers la gargouille, tube en terre cuite ornementée, aujourd’hui remplacée par des tubes PVC, malheureusement... A l’étage, quatre greniers compartimentés entourent la terrasse. En montant sur l’échelle en Y, on peut soulever le chapeau de paille et accéder aux récoltes. Les autres tourelles sont des chambres auxquelles on accède en se faufilant par un trou après avoir fait coulisser la porte en ronier tressé. A l’intérieur, il y a un coin cheminé pour chauffer la pièce, un coin divinité et un coin pipi (une calebasse enfoncée dans la terre).

Tatas Somba
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Devant le tata, il y a des divinités représentées par des canaris retournés, des trophées de chasse (têtes d’animaux) et des potions de guérison dont chaque maison a sa spécialité. Les enduits en bouse de vache et écorces de néré sont décorés de motifs propres à la famille ou au clan et qui reprennent les scarifications des visages des occupants. Les traits qui étaient autrefois tracés un à un avec un rendu très raffiné sont aujourd'hui souvent remplacés par des traits plus grossiers au peigne.

Enduits et divinités

Dans les villages, les tatas se mélangent aux constructions de ciment. Les jeunes préfèrent le ciment, qui ne demande pas d’entretien. Ils ne prennent pas le temps de rénover les tatas et la tradition se perd : sur les tatas, il faut refaire les enduits en bouse de vache écorces de Nere tous les ans, changer les toits de pailles tous les trois ans et le plancher tous les cinq! Selon les régions et clans, la disposition de l’étage diffère : des toits terrasse (a Boukoumbé) ou en paille, 3 ou 5 greniers (a kouaba), plus ou moins de représentations à l’entrée (tas de terre représentant les propriétaires défunts et chaque membre de la famille, dès sa naissance).

Elie et Véronique ont eu la chance de passer une matinée à fabriquer du beurre de karité avec les femmes du village. Le processus est très long et les femmes viennent tôt au forage pour commencer la préparation. A 8h, elles ont déjà écossé les fruits et commencé la première cuisson avant que nous nous levions. Pour piler la mixture pleine de grumeaux qui sort de la marmite, la manipulation est très physique et se fait en rythme à deux. Les femmes chantent pour oublier la douleur et l’effet est immédiat : l’esprit se focalise sur la belle mélodie et ne pense plus aux bras ou aux épaules lancinantes. Pour moudre et éliminer les plus petits grumeaux, nous utilisons une pierre à moudre et un galet. Debout pour utiliser leur poids, mais plier en deux pour être au niveau de la pierre à moudre, un mouvement de va et vient est subtilement orienté par leurs poignets : le moulin est en route ! Encore une fois simple à regarder, la position, la souplesse et la dextérité de leurs mains est inatteignable. Nous produisons moins bien, moins vite et avec plus de fatigue même si moudre ces petits grains reste une sensation agréable au touché. La préparation est mélangée à l’eau froide puis chaude avec un brassage à la main régulier et énergique. Et là, la magie apparait ! Une partie du mélange s’agglomère en morceaux blancs qui sont séparés du reste et remis à cuire pour évaporer l’eau encore contenue dans le futur beurre de karité. Après une dernière phase de décantation, le beurre de karité pur est enfin récupéré.

Fabrication du beurre de karité
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Dans la région des collines au centre du Bénin, nous escaladons la colline aux puits. Les habitants y grimpent pour s’abreuver en saison sèche. Les travailleuses cultivent leurs champs entourés de baobabs, nérés et faux fromagers. On escalade ensuite la roche pour admirer la région des 41 collines. Au sommet, des trous dans la roche forment des petites mares vertes flashy. Nous découvrons plein de nouvelles espèces : faux cacaotiers, anacardier...

Colline aux puits, région de Dassa
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En rentrant sur Cotonou, nous partons nous promener parmi les nombreux villages lacustres qui entourent le lac Nokoué. La barque se faufile à travers les nombreux filets de pêche du lac. Ils sont installés de façon à piéger les poissons, les pêcheurs n’ont ensuite plus qu’à se servir. Et les oiseaux aussi! On peut ainsi admirer Martin pêcheur pie et du Sénégal, cormorans, héron, aigrette... Nous croisons des femmes revenant du marché à pirogue et des pêcheurs dans l’eau avec leur filet. Les barques sont propulsées par une énorme tige de ronier qui va jusqu’à fond, ou par des rames au bout circulaire. Dès 4/5 ans, les enfants savent ramer et nager. Ils sont très à l'aise dans ces cités où il n’y a quasi pas de terre : quelques endroits ont été remblayés avec du sable importé pour créer des espaces où marcher, activité importante pour le développement de l’enfant. Les maisons sont construites sur pilotis en bois, d’autres avec du béton qui ne tient pas bien mieux dans le temps. Beaucoup sont penchées ou effondrées. Les murs sont en ronier, paille, planches de bois mais aussi de plus en plus en béton. Ces villages sont magnifiques, hors du temps, même si Ganvié paraît moins authentique avec son influence touristique (les gens sont plus agressifs et beaucoup se cachent le visage à notre arrivée). Les achats se font d’une pirogue à l’autre : l’une vend des fruits, l’autre des objets en plastiques, du bois, des feuilles…

Promenade en pirogue à travers quelques cités lacustres 
23
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Centre d’accueil pour enfants orphelins et défavorisés du village de Sowé, dans la région des Collines, Xewa Sowé est un projet initié il y a 17 ans après une épidémie de choléra. Aujourd’hui concrétisé par quatre architectes Belges en fin d’études, le projet est un lien social avec les gens du village, une vitrine de la construction locale et écologique et un échange de compétences. Les murs en terre, protégés par un enduit en bouse de vache, sont construits en banco et montent à presque trois mètres de haut avec une fondation en béton. Les toitures en paille, épaisses d’une vingtaine de centimètres et tenues par des liteaux d’ébènes permettent aux charpentiers de marcher dessus allègrement. Les plantes qui orneront le site auront toutes une utilité fonctionnelle de soin, de confort ou d’alimentation.

Le chantier à notre arrivée
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Nous arrivons sur la fin de chantier, période la plus intéressante pour voir l’évolution rapide de la construction mais aussi stressante car précipitée par la date de fin de chantier et le départ des architectes. Ils nous proposent de travailler sur les toilettes sèches des logements qui accueilleront les orphelins et les mamans du centre. L’objectif est de sensibiliser sur l’utilisation des excréments et leurs dangers : utilisés à bonne dose et au bon moment ils peuvent devenir un engrais naturel très bon pour le sol et les plantes mais peuvent aussi être très dangereux pour l’environnement en cas de concentration trop importante, de sol hydromorphe ou par les maladies et médicaments qu’ils contiennent.

A l’arrivée sur Sowé, nous participons au chantier notamment sur la construction du four à pain qui nous rappelle des souvenirs sénégalais. Nous travaillons aussi la terre d’une autre façon avec Charles et Alassane, maître terre du chantier, sur les reprises des murs des bâtiments techniques qui, avec les dernières fortes pluies et l’absence de toit ont été très abimés.

Reprise terre - Mélange pour le four à pain - Charles et Alassane
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Arianna nous présente sa vision de l’espace pensé autour de l’évacuation d’eau. Notre priorité avant de commencer la construction est de discuter avec les habitants et les futurs occupants du centre pour comprendre leurs besoins et identifier avec eux les contraintes potentielles. Faut-il prévoir les toilettes pour une position accroupie ou assise? Utilisent-t-ils de l’eau ou du papier? A séparation d’urine ou pas? Quelles seront les difficultés à l’usage, comment pourraient-on les résoudre...

Une vingtaine de personnes, dont le futur personnel du centre, adultes et enfants mélangés, sont présentes à l’atelier : après quelques images des différents systèmes de toilettes avec avantages et inconvénients, nous mettons en scène l’utilisation des futurs toilettes sèches avec un prototype et allons voir la taille de l’infrastructure des toilettes à fosse construites pour le centre. Ensuite, par petits groupes, ils réfléchissent sur les potentiels contraintes et difficultés d’utiliser des toilettes sèches. Tout le monde est très impliqué et les échanges vont bon train. Les résultats de l’enquête sont inattendus puisqu’une majorité préfère une assise haute et a l’habitude de se nettoyer avec du papier. La séparation d’urine est décrite comme plus contraignante et plus compliquée. C’est aussi notre avis mais nous attendons notre rencontre avec Darling, l’expert en compostage pour prendre la décision.

Atelier
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Le lendemain de l’atelier, Diane dessine une esquisse des toilettes en reprenant les codes architecturaux des bâtiments notamment les motifs en bambou et discute avec Corentin de l’assemblage avec la paroi de la douche. La construction doit être lancée rapidement. Nous avons carte blanche pour l’achat du petit matériel et pouvons réutiliser les chutes de bambous et de bois présentes partout sur le chantier. Cela correspond à nos valeurs, même si nous réaliserons qu’il est difficile de construire bien droit et régulier avec des chutes parfois mises de coté pour leur aspect esthétique ou biscornus. Le cadre dans lequel nous prévoyons de clouer les bambous est difficile à construire. Tout est scié à la main avec un seul étau en plein soleil. Le travail demande de la précision pour identifier les parties à couper et du physique pour scier droit dans la longueur du bois. L’assemblage n’est pas une mince affaire non plus puisqu’il faut s’y prendre à trois fois avant de planter un clou dans l’ébène.

Construction des cadres
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Les outils sont rares et disparaissent régulièrement du fait d’être partagés entre plusieurs artisans. Nous passons du temps à rechercher ou attendre le marteau, la scie, le mètre, les clous ou l’équerre… Au bout de trois jours, le moral est au plus bas : la fatigue se ressent, aucun toilette n’est finalisé à cause des difficultés techniques et du manque de bois et nous échangeons peu avec les artisans locaux en travaillant tous les deux. Aussi, l’absence de Darling, le spécialiste en agriculture, reporte chaque jour le travail sur la valorisation du compost, partie importante dans l’utilisation des toilettes. Corentin et François viennent à la rescousse et s’occupent des parois. Ils se rendent compte de nos difficultés et le fait de travailler à plusieurs et en musique nous remet en forme.

Nous réalisons que certains éléments, manquants ou non prévus initialement, nous obligent à reprendre, parfois même plusieurs fois, la structure déjà construite. En insistant pour avoir l’aide des menuisiers qui passent une minute par-ci, une minute par-là, nous avançons plus vite et les résultats commencent à montrer le bout de leur nez. Corentin commande un madrier pour le dessus des toilettes. Ce sera plus esthétique, plus solide et moins long à la construction, nous commençons à être pressés par le temps. Claude, un apprenti charpentier (les apprentis peuvent le rester des années, même s’ils acquièrent toutes les compétences du maître, c’est une sorte de salariat), nous donne un coup de main une après-midi pour scier droit et découper l’intérieur des planches où sera installés la cuvette. C’est très physique et très technique et nous sommes soulagés que ça aille si vite avec un tel rendu. Le premier toilette est terminé, nous sommes fiers du résultat!

Finalisation des premiers toilettes
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Il reste désormais deux jours avant l’inauguration et le bois commandé pour finir n’est pas encore arrivé… Grâce à l’insistance de Corentin auprès de la scierie, notre bois arrive… dans la nuit du dernier jour! Sébastien, apprenti menuisier, est libéré une journée complète pour finaliser les trois autres toilettes jusqu’à la tombée de la nuit. Reste à poncer et vernir à la frontale avant l’assemblage avec les parois le lendemain matin, jour de l’inauguration. Chose faite par Corentin, son père et Jérôme, tandis que Diane veille au respect de la ligne design (on ne sait pas donner tout ce mal pour que le rendu soit gâché par un assemblage à la va-vite).

Finalisation de la construction
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Nous sommes contents d’avoir construit une low-tech avec une belle esthétique tout en se basant sur les matériaux disponibles sur place. Manque plus que la sciure et le cycle pourra commencer!

Les toilettes sèches installés
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En bonus, nous avons construit deux mini-balançoires conçues lors de notre dernière étape à Cotonou.

Mini-Balançoires à deux 
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Publié le 25 juillet 2019

Sowé est un village Daatcha de 5000 habitants dans le centre du Bénin. A 20 min de Zem (moto-taxi) de Glazoué, carrefour du Bénin à l’intersection des deux routes internationales Nord-Sud et Est-Ouest. Le village est aussi à 50 min de Dassa, Chef Lieu de la région et Capitale des daatchas. Le village est très étalé et donne l’impression d’un bourg d’une centaine d’habitants. Il y a un roi traditionnel et trois délégués (ou chefs de village) qui sont responsables de leur arrondissement.

Sowé
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Nous sommes introduits dans la famille de Paul, le Délégué de Sowé 3. Il habite avec sa mère (Juliette), sa femme (Evelyne), leur 5 garçons (Dominique, Mathias et Mathieu, Timothée et Thomas et Paulin) et une nièce (Alice). Ils ont eu 4 fois des jumeaux ! (malheureusement deux sont décédés). Nous ne verrons Dominique et Mathieu qu’une semaine car ils partent travailler aux champs de leur oncle un peu plus au nord pour aider la famille financièrement.

La famille de Paul et Evelyne
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La maison est en terre avec toit en tôle. Toutes les pièces, chambres et cuisine, sont disposées en U autour de la cour où trône un arbre qui donne un peu d’ombre dans la journée. Lors de la prise des fonctions administratives de Paul, une grande paillote ronde très aérée en bois et paille a été construite à l’entrée. Elle permet de réunir les habitants pour palabrer (discuter) des décisions importantes. Notre chambre est très agréable avec des fenêtres traversantes, un lit séparé du reste de la pièce par un rideau, une table et des chaises : le luxe ! Seul le rat qui se promène toutes les nuits dans le plafond nous dérange quelque peu.

La cour familiale, la paillotte et notre chambre

Nous sommes accueillis comme des rois, ils ne nous laissent pas porter l’eau du puit, ni faire la lessive ou la vaisselle. L’eau pour la douche nous est amenée par les enfants, les tables et les chaises sont sorties exclusivement pour nous. Nous arrivons petit à petit à faire quelques tâches en insistant beaucoup et en espérant ne pas être impolis. Quand nous demandons à Paul, il nous répond souvent : « Pas Grrrave » avec une intonation un peu aigue qui nous fait rire. C’est l’apprentissage des enfants, pour qu’ils sachent le faire. Paul est toujours très attentionné, il nous demande très souvent si ça va, qu’il faut vraiment lui dire si un seul petit truc ne nous convient pas.

Paul a une discussion intéressante, il parle de sa culture, s’intéresse à la nôtre. Il nous parle beaucoup des champs qu’il connait bien. Il est très intéressé par la Géographie, les océans, leurs tailles, les distances séparant nos pays et la rapidité de l’avion. Le lendemain avec des photocopies de l’Atlas de la bibliothèque nous lui amenons une carte du monde et de l’Afrique, nous pouvons alors encore mieux s’émerveiller ensemble de la grandeur du monde.

Toute la famille nous apprend le Daatcha, surtout Evelyne et Juliette qui ne parlent pas français. Ils apprécient que l’on fasse des efforts pour communiquer dans leur langue. Petit à petit, nous arrivons à faire quelques phrases simples (je vais prendre ma douche et je reviens, par exemple). Souvent, les enfants nous servent d’interprètes. Malgré l’éloignement de la langue, une complicité se crée entre nous et les femmes.

Evelyne et Juliette
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Evelyne prépare le repas pour toute la famille mais quand c’est prêt, chacun mange séparément : nous avec Paul, la grand-mère seule, Evelyne avec les petits enfants, et les ados dans leur coin. Le soir, nous mangeons de la pâte de maïs souvent accompagnée de sauce tomate, sauce feuille (sorte d’épinards), et graines de sésame pillé. Nous nous rendons compte à quel point la recette est dure : il faut être fort et rapide pour remuer la pâte (l’aligot est un jeu d’enfant à coté) et de l’endurance pour rester prêt du feu de bois. C’est très bon, mais au bout d’un moment Diane sature de la pâte. De temps en temps, nous mangeons du maïs grillé cueilli le jour même au champ, c’est un régal.

Préparation de la pâte par Evelyne

Nous participons un peu à la cuisine mais pas assez à notre goût. Pour varier, nous expliquons comment cuisiner le chou ramené du marché ou le concombre du jardin des architectes. Ce dernier semble n’être apprécié que de Juliette et Paul. Ils ne sont pas habitués à manger cru.

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Tous les matins, l’eau chaude nous attend dans la glacière bien chaud et le pain est sur la table. Ils sont aux petits oignons. Nous partageons notre thé « mariage frère » et la confiture de mangue ou ananas de chez Armand (ferme à Dassa). Cette dernière est très appréciée et maintenant qu’ils ont la recette, ils pourront en refaire à la saison des mangues en mars.

Aux petits oignons!
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Un dimanche, avec Evelyne et Alice, nous préparons les dongolis, farine de magnoc frit. Il faut l’éplucher, le moudre au moulin, puis le mélanger à l’eau avant de l’essorer. Assaisonnée avec du piment pilé, des oignons et du sel, la pâte est ensuite pressée en ovale avant d’être frite dans l’huile d’arachide. Le jus restant est décanté pour récupérer une pate chewing-gums qui est aussi frite pour donner un beignet sucré plat très élastique. Au final, les deux sont délicieux et très gras, on ne peut pas s’arrêter d’en manger !

Préparation des dongolis

L’alcool local, le Sodabi, sorte de vin de palme distillé dont la teneur en alcool varie d’une distillation à l’autre, est sorti à la moindre occasion : un ami qui passe, une bonne nouvelle ou juste comme ça. A notre arrivée, il est sorti à chaque nouvelle rencontre, notamment avec le roi. La boisson est très forte, heureusement, il faut en verser au sol pour la bénédiction aux ancêtres. Il est aussi de sorti à l’occasion des évènements comme les résultats du Brevet annoncés à la radio locale : toute la famille est dans la cour pour écouter et lorsque Mathieu l’obtient, c’est la fête à la maison. Les bouteilles de sodabi se vident et la grand-mère s’en donne à cœur joie !

Les enfants en attente des résultats du brevet

Un soir, le ukulélé est de sortie, chacun joue à tour de rôle très respectueusement. Ils pincent les cordes avec douceur et ont tous le sens du rythme. Timothée improvise déjà une mélodie. Evelyne ne quitte pas l’instrument pendant que nous mangeons avec Paul, la soirée est douce.

Les soirs de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations), tout le quartier se regroupe dans la chambre avec télé du voisin. Même Juliette la grand-mère est là ! Chacun trouve un coin pour s’asseoir et regarde attentivement le match presque sans bruit, avec quelques commentaires, avant l’explosion de joie lors d’un but. Le Bénin se débrouille très bien et se qualifie pour sa première participation.

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Paul nous emmène aux champs à moto à plusieurs kilomètres du village. La route est belle et la végétation très verte. Ils sont très bien entretenus et les rangées bien alignées. Il cultive tous ses plants dans des butes pour faciliter le développement des racines dans une terre sinon trop dure. Un peu de piment ou de tomates, de « légumes » (feuille genre épinard) en bas des butes, et beaucoup de magnoc, d’igname et de maïs. Le champ d’Evelyne est plus proche mais elle y va à pied avec les enfants. Les rangées sont fines et alternées entre piment, tomates et maïs parsemés. Le plus gros travail est le désherbage quotidien qui empêche les plants d’être étouffés par les mauvaises herbes. Il faut être accroupi ou cassé en deux pour être au niveau des herbes. Ils le font à la machette pour éliminer le gros sur les côtés des butes, et à la main pour enlever celles qui sont plus proches de la plante.

Aux champs de Paul et puis d'Evelyne
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Les adieux avec la famille sont déchirants, nous prenons quelques photos, les enfants ne disent rien, Evelyne se cache le visage et Juliette essuie ses larmes. Paul est marqué et épleuré. Diane pleure à chaudes larmes également, Elie est très ému. Nous sommes tristes de les quitter, nous avons vraiment vécu comme une famille avec eux.

Dernière photo!
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Au milieu de la vallée du Rift, en plein pays Masai, nous voilà à Lenkobei, sous-région de Shompole. Dans un environnement très aride où l’eau se fait rare, les quelques Masaïs qui se sont sédentarisés organisent leurs villages autour des points d’eau : la rivière, le marais, le tank en béton, etc. Le reste de l’environnement est constitué d’arbres à épines et d’une épaisse couche de poussière qui recouvre tout au moindre coup de vent, particulièrement lors de l’apparition de mini-tornades.

L'environnement de Lenkobei

Ils se protègent des bêtes sauvages (lions, hyènes que l'on entend la nuit, éléphants, léopards, girafes, zèbres, gazelles…) en construisant des clôtures en branches épineuses qui entourent 4 ou 5 maisons de branches et de terre et surtout protègent leur bétail. Car les masaïs sont tous bergers, chaque famille possède au moins une dizaine de chèvres et moutons (pouvant aller jusqu’à 1000 têtes), parfois quelques vaches si la famille est aisée.

Haie d'épines // Chèvres chez Isaac // Marché de bétail à Shompole
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Nous sommes accueillis chez Isaac, professeur à l’école de Lenkobei, Jonathan (son frère) et Lonah, Anna (sa sœur), Agnes et Rehema et leur famille avec de nombreux enfants.

La famille Mashitana
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Nous avons la chance d’avoir notre petite « boma » à nous dans ce micro-village. Il y a un petit coin pour le lit et un espace où nous aménageons un rangement de fortune. Ce n’est pas grand et on ne tient pas debout dedans mais ça devient cosy après l’avoir aménagé. La poussière au sol est bien présente mais nous gêne moins qu’au Sénégal, y en a-t-il moins ou s’est-on habitué ?

Notre boma 
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A 30 minutes de marche (à l’école), un tuyau amène de l’eau clair de la montagne, on ne sait comment. Quand l’eau coule, elle afflue jour et nuit, ce qui est aberrant dans ce lieu si aride. Le robinet cassé à surement dû être ouvert plusieurs fois avec un marteau, mode d’ouverture courante lorsque l’on n’a pas la clé. Les femmes et les enfants se déplacent avec les ânes, quand ils en ont, ou portent les bidons sur leur dos. C’est très éprouvant !

Le transport de l'eau
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Quand il n’y a plus d’eau, l’eau marron de la rivière devient le plan B, et quand la rivière est à sec, il faut demander des citernes d’eau de Nairobi. Notre premier soir, l’eau de notre douche était tellement foncée que nous avons sauté le shampoing. D’ailleurs, à notre arrivée, pas de douche ni de toilettes : ils vont dans la brousse avec leur bassine. On construit donc avec eux un petit coin salle de bain à base de clôtures en branches d’arbres. Nos meilleures toilettes depuis le début du voyage !

Nos toilettes-douche 
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Lonah cuisine pour nous tous les jours ! Nous découvrons ainsi les plats masaïs. Le lait a une place importante : lait de chèvre pour le chaï (lait, thé et beaucoup de sucre) que nous buvons minimum 2 fois par jour, et lait de vache avec ougali (pate à base de farine de mil) en repas frugal, le lait permettant d’avaler la pâte sèche sans gout. Le lait de vache est récolté fraichement tous les jours et conservé dans de grandes calebasses décorées de perles qu’ils désinfectent avec du charbon d’une certaine écorce. Nous mangeons aussi du riz et des haricots, du chou, des tomates et des pommes de terre. Globalement, nous mangeons bien (sauf la fois où ils ont cuisiné des intestins de chèvre). Tous les matins, notre chapati (crêpe indienne épaisse et grasse) nous attend pour le petit déjeuner, un petit plaisir !

Préparation des repas
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Les hommes masaïs s’habillent avec des 2 carrés de tissus rouge ou bleu croisés et noués aux épaules. Très low-tech, aéré et plutôt esthétique ! Les femmes portent une robe attachée à une épaule, avec une jupe souvent orange flashy en dessous et une cape jaune ou orange quand elles sortent. Elles portent de grands bracelets de perles blanches avec quelques touches de couleur qui recouvrent une grande partie de leur bras et de leur mollet. Cela ressemble à une armure et on se demande s’il n’y a pas une raison utile à cette tradition vestimentaire. La chaussure de base est full plastique injecté, tous les modèles existent, confort et tenue garantie ! Sinon ils sont beaucoup pieds nus, surtout les enfants, ça court, ça danse, ça saute sur les cailloux, sur le sol, souvent jonché d’épines. Quand ils s’en prennent une, ouille, ils soulèvent le pied et l’enlèvent tranquillement.

Tenues masaïs // Chaussures en plastique
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Le vendredi, il y a souvent des cérémonies données par certains voisins. Une fois, c’est le professeur qui a eu son bachelor en économie, l’autre c’est une immense famille qui est bénie. Chaque fois, beaucoup de monde est invité, tout le monde est sur son 31 en habit traditionnel masaï. Les femmes mettent de grands colliers qui tournent ou se soulèvent quand elles dansent en bougeant leurs épaules. Les hommes ont un ou deux bracelets au poignet mais portent toujours leur couteau à la ceinture : c’est très coloré ! Une sono sortie de nulle part au milieu de ce désert, est branchée sur un générateur et diffuse de la musique ou les interminables discours des animateurs.

Cérémonies masaïes

Les tâches des hommes et des femmes sont bien séparées. Les hommes s’occupent du bétail (pâturage, commerce), tandis que les femmes s’occupent de la vie quotidienne : aller chercher l’eau, s’occuper des enfants, cuisiner, faire les enduits des maisons, tresser les branches d’arbre pour faire des parois, etc. Les ainés saluent les enfants en leur touchant la tête. Les garçons, une fois circoncis (vers 17 ans) ne baissent plus la tête mais serrent la main. Les filles continuent toute leur vie à baisser la tête lorsque la personne en face est un ainé. D’après eux, ce n’est pas de la soumission, c’est la tradition, mais ils n’ont pas pu nous expliquer la raison ancestrale.

Les masaïs nous accueillent très bien à notre arrivée et nous offrent même des bracelets et colliers en perles. Mais assez vite, ils nous demandent de l’argent ou nous racontent des histoires : pour payer le crédit téléphonique, pour payer un transport ou l’essence, pensant normal que ce soit nous qui payons. Après leur avoir expliqué plusieurs fois notre projet, notre budget et notre relation à l’argent, rien ne change vraiment. A force, nous doutons de l'authenticité de nos relations et devenons peut-être parano…

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Les paysages qui nous entourent sont incroyables. Nous avons loué une moto et nous en profitons pour aller nous promener au marais, au lac Natron ou à la rivière. A chaque fois, c’est l’occasion de profiter de cet endroit sauvage magnifique.

Lac Natron, Marais de Shompole et Réserve de Shompole 
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Lac Magadi et Réserve de Shompole 
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Lac Magadi
15
août
15
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Michel et Robyn, fondateurs de l’association Mwitu Na Watu Trust, engagée pour le bien-être et l’éducation des communautés Masai de la région de Shompole, nous présentent l’école de Lenkobei qu’ils aident financièrement depuis plusieurs années. Plusieurs projets sont envisageables pour nous : quelques tâches de maintenance mais surtout un espace de jeux original pour développer les capacités physiques des enfants. Les élèves marchent beaucoup, pour aller à l’école ou garder les chèvres, mais ne développent pas vraiment d’autres aptitudes (grimper, sauter, être en équilibre…).

L’école primaire de Lenkobei compte environ 120 élèves et est située au milieu du cagnard de la vallée du Rift. Il y a peu d’ombre dans l’enceinte où les arbres ont du mal à grandir avec les chèvres qui les grignotent. Un peu plus loin, derrière la clôture en branches d’épines, enfin quelques arbres un peu plus touffus, c’est l’espace idéal pour y installer le terrain.

Lenkobei School and the futur playground
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A notre arrivée, nous organisons un workshop avec les plus grands : ils sont enthousiastes et nous montrent leurs jeux et leurs envies. Le matériel que nous avions préparé (images, plan et maquettes) aide les enfants à se projeter dans ce qu’il serait possible de construire dans leur école. Ils dessinent à leur tour et nous donnent des pistes !

Workshop with the 3rd grade students
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Cet espace de jeu sera construit avec les matériaux recyclés disponibles sur place. Nous sommes chanceux car à Magadi, à 1h de route de l’école, une immense usine produit de nombreux déchets. Ils ont des pneus de toutes tailles et des tuyaux métalliques qui pourraient convenir à construire les jeux imaginés. L’officier de liaison nous donne accès à tous les pneus que nous souhaitons ! Mais malheureusement les tuyaux métalliques leur sont toujours utiles. Il faudra trouver une autre solution pour les structures. Peut-être des troncs d’arbres ?

Materials and loading at Magadi factory
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De l’autre côté, le Wilderness camp, un camp de luxe au bord de la réserve, nous offre trois vieux barils d’essence de 200L. En les assemblant, nous pourrons faire une petite structure d’escalade. Juste derrière, un ancien lodge communautaire, inondé plusieurs fois, reste encore bien debout et pourrait nous procurer tout le bois nécessaire. Le chairman responsable du lieu n’hésite pas une seconde : nous pouvons prendre ce dont nous avons besoin !

Wood and barrels from the former communal lodge 
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Pour les cordes, au Kenya, des lanières découpées dans de vieux pneus sont souvent utilisées comme sangles par les motards. Avec un peu de tri, ça fera très bien l’affaire! Il n’y a plus qu’à se retrousser les manches.

The rope tire at Nairobi second hand market
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Nous ponçons les futs (pendant deux jours ! à s’en faire une tendinite) pour les peindre et les enterrer sur le terrain rapidement. C’est le temps qu’il faut pour que Johan, le gérant du Wilderness Camp, puisse venir souder les futs ensemble pour renforcer la solidité de la structure. En parallèle nous enterrons les premiers tronçons de bois et les plus gros pneus. Cela commence à prendre forme. Quelques enfants pendant leur récréation nous donnent un coup de main pour creuser et enterrer les pneus. La terre est dure par endroit et nous devons utiliser le pic (genre de pied de biche bien affuté). Souvent, nous travaillons seuls et les gens qui passent dans le coin nous regardent travailler. Ils peuvent rester des heures, ce qui peut être agaçant quand le travail est pénible.

Grinding and painting
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To dig, dig, dig !
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Quand nous en avons marre de creuser, nous déplaçons la barrière d’épines pour englober le playground avec le terrain de l’école, nous testons les sorties du panneaux solaires ou faisons la maitrise d’œuvre pour les nouvelles salles de classes. Nous réparons également le réservoir d’eau en faisant fondre le plastique pour le resouder. Qui n’a jamais rêvé de faire un feu dans la cour d’école ?

Maintenance and project supervisor
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Nous testons aussi des cordes à nœud. Les enfants adorent mais transforment très vite les cordes en balançoires. Celles-ci, à force de frotter contre la branche, s’abiment et lâchent. Il faut alors penser à un système qui les protègeraient avec les matériaux à disposition. Nous inventons des protections à base de pneu coupé, avec des passants en fil de fer. La corde glissera sur le caoutchouc au lieu de frotter contre l’écorce rugueuse de l’arbre ! Même système pour la balançoire où les cordes tiennent un pneu de moto en guise de siège. Ça a l’air solide !

The tire ropes !
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La cerise sur le gâteau : un filet en lanière de pneus, assemblés par des nœuds scoubidous, c’est un des jeux favoris des enfants. L’assemblage semble solide et supporte de nombreux enfants, mais il faut bien fixer les accroches au sol à équidistance pour garder un filet tendu et loin de l’arbre pour éviter les accidents.

The climbing net and scoubidou knot
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Les titans, espèce d’énorme pneus de tracteur, sont disposés pour proposer une assise aux enfants et leur permettre de discuter tranquillement, assis confortablement à l’ombre. Ils l’adoptent tout de suite et s’en servent également pour courir autour et se cacher à l’intérieur ! Nous installons aussi une slack, non recyclée, mais qui les amusent beaucoup !

Tires and Slackline
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Les enfants sont très contents, ils aiment beaucoup le filet et apprivoisent chaque jeu. Nous sommes ravis. Quand les enfants ne sont pas là, nos premières testeuses, ce sont les chèvres. Elles s’en donnent à cœur joie en grimpant, sautant d’un pneu à l’autre, marchant sur les poutres…

THE playground and the goats !

Un grand merci à l’association Mwitu Na Watu pour avoir financé l’ensemble des installations et pour leur soutien moral et technique !

25
août
25
août

Le Kenya possède une faune sauvage incroyable que ce soit dans les parcs nationaux, les réserves ou même au bord des routes, des lacs, dès qu'il y a un peu de verdure ou d'espace.

Au lac Naivasha, nous nous sommes promenés à pied et à vélo au milieu des gnous, gazelles, girafes, zèbres qui entourent le lac. Ces premières impressions nous donnent des frissons ! Pouvoir approcher seuls ces animaux sauvages inconnus nous rend humble et tout petit. Le temps s’arrête et chacun s’observe avant de retourner à ses occupations.

Balade à Vélo au bord du Lac Naivasha : ni parc national, ni réserve, seulement la nature !
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Réserve Sanctuary Farm au bord du lac Naivasha 
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A Shompole, les girafes nous rendaient visite régulièrement près de notre bandas. Avec Nixon, un ami masai, nous espionnons les éléphants depuis un buisson. Juste avant la tombée de la nuit, cachés derrière des branchages, nous attendons que les éléphants viennent boire à la rivière. Alors qu’au loin, un groupe de 6 éléphants s’éloignent, un nuage de poussière apparait sur notre droite et une dizaine d’éléphants dévalent la pente pour aller se rafraichir. C’est impressionnant, ils sont à 10 mètres de nous et nous paraissent très grands et imposants. Nixon n’est pas rassuré : il y a des jeunes parmi le groupe qui rendent les adultes dangereux. Nous les regardons quelques minutes en contre-bas jusqu’à ce qu’un éléphant nous fixe un peu trop. On déguerpit !

A pied dans la réserve de Shompole, à quelques mètres des lions !
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Nous contournons le bois pour les voir d’un autre angle et tout à coup Elie s’écrie : « un lion ! ». En effet, un lion nous fixe et nous sommes toujours à pied ! Ces quelques secondes sont intenses, à la fois paniqués par le danger et attirés par cet animal mythique. Aussi effrayé par notre présence, il se réfugie dans la forêt. Nixon court à la voiture, nous aussi ! en fait, c’est pour aller voir les lionnes de plus près sans les effrayer. Elles sont deux, à s’étirer tranquillement. On en profite jusqu’à la tombée de la nuit. Nixon, expérimenté, a peur des éléphant, pas des lions, nous, ignorants, avons peur des lions, pas des éléphants !

Les lions et la vie sauvage de Shompole
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La terre Masai de Shompole et sa vie sauvage : en pleine nature !
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Le Maasai Mara est un des parcs les plus connus du monde pour ses safaris. Cette fois-ci, nous sommes dans la grande consommation du safari, avec des vingtaines de vans et 4x4 qui sillonnent le parc. Pas question d’être à pied, interdiction de descendre de la voiture. Mais le lieu est incroyable ; des champs à pertes de vue entourés de collines, des milliers de gnous cohabitent avec les zèbres, les girafes et les gazelles. Des lions se promènent et se prélassent tandis que des hyènes et des vautours se régalent sur des carcasses. Les éléphants dominent tout ce petit monde de leur hauteur, mêmes les buffalos, pourtant bien massifs. Juste avant la fin, on trouva les guépards bien installés à l’ombre d’un arbre, se levant quelques mètres, puis s’affalant comme dans un canapé dans l’herbe touffue.

Girafes, Gazelles et Lions
Guépard, Zèbres, Gran Gazelles, Buffles, Gnous et Vautours autour d'une carcasse


Girafe, Lions, Elephants
15
sept

A Kisii, sur la route vers le lac Victoria, nous retrouvons une antenne de Precious Plastic, association néerlandaise développant des machines open-source pour le recyclage du plastique. Il y a 3 ans, les fondateurs de l’association sont venus fabriquer et installer les machines, à la demande du County de Kisii. D’après notre contact, une dizaine de membres actifs ont pris le relais pour développer des produits à partir de déchets plastiques. Nous venons pour développer de nouveaux produits qui les aideront à être autonomes financièrement. Challenge intéressant car mêlant design et ingénierie.

Precious Plastic ou Kisii County UN Habitat Plastic Recycling plant!

Alicia, la responsable communication de l’association, nous accueille à bras ouvert et nous offre même un logement chez son frère. Nous sommes aux anges ! Mais finalement, seuls deux membres du groupe sont toujours actifs : Alicia et Manduku, un artiste sculpteur. Ils ne viennent pas non plus tous les jours… Il va falloir s’organiser pour arriver à travailler avec eux.

Les premiers jours sont dédiés à la découverte du process et à notre formation pour pouvoir utiliser les machines de façon autonome.

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Il y a cinq étapes :

1 - La récolte : autour de soi (famille, quartier), par l’achat de déchets à la décharge, ou via des partenaires (entreprises, asso, Etat, …) pour récupérer des rebus de production

La décharge ou avec de la chance des rebus de production
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2 - Le tri : les différents plastiques ne fondent pas à la même température, il faut donc éviter de les mélanger. Sous la plupart des produits, on trouve un sigle avec un numéro indiquant le type de plastique, ça aide !

Les différents types de plastiques

3 - Le nettoyage : étape incontournable et cruciale pour garantir la qualité, moins il y aura d’impuretés, mieux le produit final sera fini

Nettoyage des "déchets plastiques"
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4 - Le broyage : nécessaire pour garantir une fusion uniforme et permet de contrôler les mélanges de couleurs, cela fait généralement la beauté de l’objet.

Le broyeur : un moteur, des dents et les confettis tombent !
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5 - La transformation : le plastique est fondu et prend la forme souhaitée à l’aide d’un moule, une fois refroidi, il se solidifie de nouveau :

o Extrusion : vis sans fin poussant le plastique en morceaux dans un tube chauffé électriquement. Plastique utilisé : PEHD (PolyEthylène Haute Densité : bouchons de bouteilles, certains bidons d’huile, …)

Réceptacle et vis sans fin qui pousse la matière dans un tube chauffé
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o Compression : fabriquée avec un four de cuisine et une presse manuelle. Le four chauffe le plastique à la température de fusion dans un moule qui est ensuite compressé manuellement à l’aide d’un cric à l’extérieur du four. Plastique utilisé : PP (PolyPropylène, plastique plus dur mais cassant : seaux, pots de yahourt, chaises …)

Four Electrique réutilisé et presse mécanique
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o Injection : le plastique est injecté par action mécanique dans un moule après avoir traversé un tube vertical chauffé électriquement. Plastique utilisé : PEHD.

Injection à la force des bras !

A peine deux jours après notre arrivée, Alicia nous annonce son départ en Somalie pour dispenser une formation. Nous sommes tous étonnés de la soudaineté de la nouvelle : Il faut prendre de nombreux transports, notamment l’avion, et le pays est plutôt dangereux. Manduku essayera d’être là le plus souvent possible mais il faut bien qu’il gagne sa vie, il a des commandes à réaliser.

Alicia a été contacté par Bryan via les réseaux : ce dernier travaille pour une entreprise de fabrication de filtres à eau et a de nombreux déchets dont il veut se séparer « proprement ». Du pain béni pour nous : des seaux transparents et couvercles aux couleurs vivres, le tout bien propre car jamais utilisé (juste un peu poussiéreux).

Nous avons maintenant tout le matériel nécessaire pour commencer nos expérimentations. Nous nous faisons d’abord la main sur la compression avec le moule qu’ils ont, un bol hexagonal. Pas facile d’obtenir des objets parfaits : entre la quantité de matière, la température, le temps de cuisson et la façon de comprimer le moule pour éviter les bulles, beaucoup de paramètres font varier la qualité du produit. Nous testons aussi différentes couleurs, en mettant majoritairement du transparent avec quelques touches de couleurs. Les rendus sont souvent très beaux, mais le plastique doit être très propre car la moindre saleté ressort immédiatement. Ce qui nous vaudra une fois de re-nettoyer pendant plus de 5h tout un seau de plastique déjà broyé, lorsque le broyeur était sale et graisseux.

Tests et assortiments de couleurs

Nos résultats sont plus ou moins réussi. Nous essayons de mettre au point un protocole pour obtenir la même finition à chaque fois. Pas facile car le four n’est pas très bien isolé et la température varie beaucoup, la presse n’est pas droite et le moule a un cran en moins.

Il arrive que l’équipe reste bloquée sur un manque de moyen ou de technologies : des machines dernières générations ou des moules industriels fabriqués à la fraiseuse numérique. L’idée de tester des moules accessibles financièrement et sur place ne les convainc pas et Elie doute aussi. Ça n’arrête pas Diane qui visite tous les magasins et les marchés de la ville pour trouver des moules qui pourraient fonctionner.

Les moules de la superette !

Deux verres pour fabriquer une cup et deux moules circulaires pour une horloge ou une assise de tabouret : de nouveaux tests s’offrent à nous et de nouvelles difficultés. Finalement, nous sommes tous surpris que cela fonctionne et que le moule ne s’écrase pas sur lui-même. Mais sans guide sur les côtés, il est difficile de compresser les deux parties de manière centrée, les objets sont alors souvent asymétriques et les parois de différentes épaisseurs.

Les nouveaux produits : waow !
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Le démoulage est aussi un challenge : en se refroidissant, le plastique se rétracte et emprisonne le moule supérieur, il est impossible de le démouler, même à la force des bras costauds du gardien, rien à faire ! La technique artisanale trouvée consiste à le remettre au four juste assez pour qu’il se dilate mais avant qu’il ne fonde, plutôt risqué. Encore un obstacle à surmonter si on veut avancer sans moyen.

Cup en plastique (à droite fabriqué à partir de nos pots de yahourt !)
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La région de Kisii est spécialisée dans le soapstone (stéatite ou saponite en français), une roche très tendre, principalement composée de talc. De nombreuses carrières et ateliers emplissent le paysage vallonné aux environs de Tabaka. Manduku est expert dans la sculpture de cette roche et a déjà fait quelques essais de moules avec ce matériau.

Les ateliers de soapstone et Manduku en action
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Nous l’encourageons à fabriquer un moule pour une planche à découper, une forme simple pour commencer. Il l’a conçoit en trois plaques avec des vis à papillon pour remplacer la pression du cric. Une énorme quantité de plastique est nécessaire et la forme nous oblige à ajouter de la matière toutes les 10 minutes, le temps que le volume diminue en fondant. Pas facile et plutôt manuel, d’autant que le plastique du début finit par bruler. Le premier résultat n’est pas si mal même s’il y a encore du boulot. Il faudra aussi repenser un peu la méthode de serrage, encore trop lente pour le process.

Le moule en soapstone et la première planche à découper

De nouvelles pistes de produits sont ouvertes avec la possibilité d’utiliser des moules accessibles. L’assise semble prometteuse et Manduku est motivé pour améliorer la planche à découper et créer de nouveaux objets. A suivre !

L'équipe et notre production!


3
oct

Susan Carvalho s’occupe depuis plusieurs années de la gestion des déchets sur la côte du Kenya. Basée à Diani Beach, elle a mis en place « Kwale Plastic Plus », une collecte et un tri des déchets en commençant à les valoriser. Pour le moment seul le PEHD (Polyethylène Haute Densité) est réutiliser pour produire des porte-clés via la machine à injection de Precious Plastic (voir notre dernier article : machine à injection).

Les bacs de recyclage à Diani Beach et le "dépôt" où les déchets sont triés en attente d'être recyclés

Nous rejoignons Susan juste à temps pour participer au World Clean Up Day. Elle orchestre la collecte des déchets sur toute la cote. Nous ramassons les déchets par équipe d’environ 20 personnes : verre, papier, plastique, métal, tongues, autres, dangereux et récoltons plus de 300kg de déchets dont 188kg de plastiques !

The World Clean Up Day in Diani Beach

A part quelques coins, la plage est plutôt propre car de nombreux hôtels donnent sur la plage et nettoient régulièrement pour leurs clients. Finalement, le chemin vers la route est bien plus sale et remplis de déchets, mais nos sacs sont déjà pleins ! Nous sommes un peu déçus, un peu comme si ce nettoyage n’était destiné qu’aux touristes. Il faudra organiser d’autres clean up day !

La plage plutôt propre de Diani Beach 

Après cette collecte, les organisations internationales demandent un récapitulatif des déchets collectés très précis. Le nombre de canettes de coca, de mégots de cigarette de telle marque, de tongue Havaianas, … L’objectif étant d’agréger ces chiffres au niveau mondial pour mettre la pression sur les entreprises les plus polluantes et peser sur leur production.

Susan nous propose de travailler sur plusieurs axes : trouver un moyen de valoriser les déchets papier et/ou de noix de coco, en charbon par exemple ; dessiner de nouveaux objets plus « utiles » que les porte-clés et surtout plus gros pour transformer rapidement une grosse quantité de déchets plastiques ; améliorer le process de compression car le four gaspille actuellement beaucoup d’énergie. Nous n’avons que deux semaines, cela va être serré !

Dès le mardi, nous rencontrons Mwafrica, un Kenyan employé par Kwalé Plastic pour le tri des déchets et la fabrication des fameux porte-clés. Il nous montre le process d’injection que nous avons peu pratiqué. La machine fonctionne bien et il atteint un rythme de 50 pièces injectées dans la journée. Il faut ensuite les ébavurer, les percer et les finir au chalumeau électrique pour qu’ils soient « smooth » ! Les moules en métal s’ouvrent et se ferment avec des écrous-papillons. C’est ce qui prend le plus de temps une fois que le plastique est chaud. Les pas de vis sont difficiles et il faut dévisser jusqu’au bout. Il arrive aussi qu’il n’y ait pas assez de matière ou que le démoulage en arrache, ce qui est fatal pour le produit qui sera remis dans le tas de plastique à broyer. Mwafrica est souriant et très motivé avec nous mais nous laisse voir avec Susan pour prendre des initiatives…

Les portes-clés en plastique recyclé de Kwale Plastic Plus

Le soir nous allons souvent jouer au beach-volley avec une équipe de « muzungu » (blancs) kenyans. C’est là que nous rencontrons Atti, responsable des déchets au « Sands at Nomad », un écolodge qui essaye de limiter son empreinte sur la planète. Atti est très actif et nous envisageons ensemble les collaborations possibles avec les moyens qu’offrent un hôtel de cette taille. Ce dernier aurait besoin de tasses pour le café sur leur yacht, l’occasion d’améliorer nos essais de tasses et de lancer un nouveau produit.

Mais pour produire un objet aussi grand, un four est nécessaire. Nous pourrions utiliser la chaleur de l’incinérateur du lodge qui fonctionne tous les matins pour bruler ce qui n’est pas encore revalorisé (papier, plastique fin). Cette chaleur perdue serait une solution idéale pour limiter la dépense énergétique dans notre recyclage. La température de la machine monte à 600°C, bien au-delà de notre besoin (environ 200°C). Un premier essai en début de cheminée nous prouve que la température intérieure est beaucoup trop élevée et difficilement réglable : en 5 minutes, les bouchons sont à moitié fondus, à moitié brulés !

Les premiers essais avec l'incinérateur

Nous dessinons alors un système pour dévier la fumée, la faire passer dans une boite (ce sera notre four) et la restituer dans la cheminée. Une vanne nous servira de régulateur de flux pour ajuster la température : ça devrait marcher !

Croquis du four 

Un ingénieur d’une entreprise avec de bons moyens pour travailler le métal est prêt à nous aider pour la fabrication de moules et et même du four. C’est une chance ! Le système du four lui paraît faisable mais il souhaite le faire valider par une spécialiste de la mécanique des fluides.

Il accepte aussi de fabriquer quelques moules que nous avons dessiné : des tuiles de différentes formes (ça se vend très bien !), un sous-bock pour les nombreux bars de Diani Beach et la fameuse tasse pour le Nomad. Pour cette dernière, nous améliorons le démoulage qui nous posait problème à Kisii en augmentant l’angle des parois et divisant le moule en trois parties. Espérons que ça marche !

Les moules à injection existants - les dessins des futurs moules et de la cup pour l'incinérateur

En attendant d’avoir les différents moules, nous nous attelons aux briquettes de papier. Une grande quantité de déchet papier est collectée sur la plage et dans la ville, alors que l’utilisation intensive du bois de cuisson engendre des problèmes de déforestation. Des briquettes de papier s’attaqueraient aux deux problèmes !

Nous ne trouvons aucune recette toute faite et commençons donc par créer une dizaine de mélanges différents. Avec toujours une base de papier, nous testons la farine pour la tenue (c’est ce qui est utilisé pour le papier-mâché) ou la fibre de coco (pour l’allumage). Susan a déjà une presse à briquette locale mais le retrait de la briquette n’a pas été prévue et il nous est impossible de la récupérer. Nous fabriquons une nouvelle presse avec une boite de conserve, deux couvercles et du fil de fer : c’est parfait !

Les mixtures de papier et les tests avec la presse locale

A cause de la pluie, nos dix briquettes sèchent à petit feu pendant plusieurs jours. Une fois leur poids égalisé à 40g, elles sont utilisées comme combustible pour chauffer 250ml d’eau. La température est relevée toutes les deux minutes pour mesurer la vitesse et la puissance de chauffe.

La préparation des briquettes et les tests de combustion

Les résultats montrent que le papier mouillé compressé se tient déjà très bien et que la farine n’améliore pas grand-chose. Elle augmente la vitesse de combustion mais baisse le pouvoir calorifique que nous cherchons à augmenter (en gros, ça brûle vite mais moins fort). La fibre de coco permet un allumage plus rapide mais diminue le pouvoir calorifique et la vitesse de combustion.

Bref, dans tous les cas, les pouvoirs calorifiques de nos tests sont très inférieurs au charbon de bois. Il faudrait mixer le papier avec du charbon de coco pour les prochains tests. La fibre de coco pourrait aussi être utilisée à faible dose dans le mélange pour améliorer l’allumage.

Le temps de quitter Diani Beach est déjà arrivé. La motivation de Susan ne laisse aucun doute sur l’avenir des projets. Nous avons hâte d’en savoir plus et de découvrir les nouveaux produits qui en découleront.

4
nov

Après plus de 9 mois de projets, nous arrivons à Madagascar en touristes. L’objectif est simple : profiter et reprendre de l’énergie avant le retour en France.

Nous posons nos sacs chez nos amis Mathias et Carole à Antananarivo, capitale de Madagascar. La ville est en hauteur et son climat est agréablement frais à cette saison. Nos hôtes nous font découvrir la ville et nous emmènent faire une promenade vers Angakovely. Le paysage vallonné, les champs colorés, les rizières vertes flashy en terrasse, le tout entouré de terre rouge qui contraste avec le reste : c’est magnifique !

Angakovely

Le pays étant très grand et les routes en mauvais état, il est difficile de joindre deux étapes en moins de 12h (pour 570 km…). Nous devons donc choisir judicieusement les contrées à explorer. Découvrir Madagascar, c’est aussi expérimenter ses taxi-brousses, vans régionaux surchargés de passagers et de denrées qui sillonnent les routes de montagne à toute vitesse.

Nous partons vers le Nord : Cap sur Mahajanga, ville côtière prisée par les vacanciers malgaches. Il y fait chaud et humide et la mer est marron (rose certains soirs chanceux). Grand port du pays, cette ville accueille les boutres, bateaux traditionnels en bois avec une voile triangulaire. Les marins y chargent de gros sacs de 50 kg en passant par une passerelle de 20 cm sur 4 mètres de long, des équilibristes !

Port aux boutres à Mahajanga 

À Grand Pavois, les plages sont remplies de parasols, presque jusqu’à la mer. Nous apprécions de voir les malgaches profiter de la plage et des vacances, ce qui était plutôt rare en Afrique de l’Ouest ou au Kenya.

Un peu plus loin, le Cirque Rouge, formé de falaises de roches rouges, s’étire à 180° et nous offre un panorama magnifique. Des crêtes, des pics, des nuances de couleurs et plus bas, des massifs roses et ronds, c’est somptueux.

Cirque Rouge 
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La nourriture est très variée car l’île regorge de ressources avec son climat diversifié. Notre grand gagnant est le zébu, une vache à bosse, dont la viande est très tendre. On la mange à toutes les sauces : steak, tartare, burger, toujours un délice ! Mais le zébu, c’est aussi un moyen de locomotion très prisé notamment pour transporter du matériel encombrant qui ne rentre pas dans les tuk-tuk ou pour se déplacer sur des routes inaccessibles en voiture.

Charette de zébu et crevettes 

Lors de nos deux passages dans les parcs nationaux (Ankarafantsika et Ankarana) nous admirons les lémuriens diurnes et nocturnes (plus de 100 espèces et sous-espèces sont recensées sur l’île) sauter doucement de branches en branches, parfois avec un petit accroché sur le ventre ou se lover dans le creux des arbres pour piquer un somme.

Lémuriens 
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A Ankarafantsika, le vent et la pluie ont sculpté la roche sableuse en tranches dentelées. Allant du jaune au rouge, avec certaines strates roses ou blanches, le canyon s’étale sur une centaine de mètres jusqu’à la vallée verdoyante et contraste avec ses couleurs chaudes. En descendant à l’intérieur, là où les fortes pluies ont laissé des sillons, nous nous sentons tout petits face aux roches qui nous surplombent sur une centaine de mètres de haut. À nos pieds, de petites cheminées, semblables à des champignons, surgissent par milliers. Une croûte épaisse protège la structure avant que le vent ou l’eau ne l’emporte. Difficile d’imaginer que ce paysage lunaire est voué à disparaître, terrassé par les éléments au fil des ans.

Canyon d'Ankarafantsika 
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Un peu plus au nord, changement d’ambiance à Nosy Be : très touristique, cette petite île au large de la grande est remplie de vazas (« étranger blanc ») qui profitent du farniente et des filles. Nous dénichons une chambre à l’écart du tumulte mais avec vue sur mer. Parfait !

Nosy Be 
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C’est aussi là que nous découvrons l’extraordinaire faune marine locale avec notamment les requins-baleines ! Pour le trouver, on repère les oiseaux et bonites qui chassent le plancton et remuent l’eau. Et… nous le rejoignons dans l’eau avec nos masque et tuba ! C’est majestueux, comme une étoile filante, reflétant la lumière du soleil. Il se déplace lentement, ce qui nous rassure malgré ses cinq mètres de long. Les adultes peuvent atteindre jusqu’à 20 mètres de long, cela en fait le poisson le plus gros du monde. Pour dîner, il se met à la verticale, avale le plancton et l’eau par la bouche et le rejette par ses branchies. Les jeunes mâles viennent autour de Nosy Be pour manger puis plongent à des profondeurs extrêmes (1800 mètres) et disparaissent des radars, ce qui en fait également une espèce mystérieuse.

Immersion avec les requins-baleines 
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Deux jours plus tard, c’est le tour des poissons et tortues marines dans la réserve marine de Tanikely : un vrai aquarium géant, avec des centaines de poissons qui se croisent devant nos yeux. Il y en a de toutes les couleurs, jaunes, bleus, rouges, à paillettes, arc-en-ciel. De très gros aussi, presque 50 cm ! Un long au grand nez, des anémones avec de petits némos et de grosses tortues que l’on suit tranquillement.

Réserve marine de Tanikely 
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Le reste du temps, nous explorons l’île : le Mont Passot avec la vue sur les lacs sacrés, les champs et les rizières. Les reliefs vallonnent le paysage, laissant tantôt un lac, tantôt la mer dans ses creux. Les beaux arbres à coton, petits serpents et superbe caméléon rythment nos promenades.

Promenade au Mont Passot 
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Dans les terres, les arbres d’Ylang-Ylang sont cultivés pour ses fleurs parfumées. Son parfum sent bon et fort et persiste toute la journée. Une usine artisanale transforme cette fleur en essence : de l’eau, un alambic, des fleurs, le tout décanté et on obtient le fameux jus parfumé. A l’odeur, on dirait de l’alcool tellement c’est fort et concentré, c’est d‘ailleurs la base du parfum Channel n°5.

Culture et transformation d'Ylang-Ylang 

Dernier temps fort sur l’île, la découverte de la moringue, boxe traditionnelle sans gants. Les luttes sont orchestrées par tranches d’âge, les boxeurs peuvent avoir des tailles et poids complètement différents. C’est impressionnant de voir David contre Goliath et l’issue du combat n’en est pas déterminée pour autant. Heureusement, les arbitres interviennent rapidement s’ils soupçonnent un danger pour un combattant.

Combats de Moringue 

À Ankarana, nous nous faufilons dans les tourelles de tsingy grises, roches calcaires sculptées par le vent et l’érosion. Il y a 250 millions d’années, cette roche était sous l’eau. La tectonique des plaques, la chaleur, la disparition des eaux et les pluies ont formé ces roches en dentelles cisaillantes. "Tsingy" signifie «marcher sur la pointe des pied » en malgache : l’ethnie du nord se cacha dans cette région pour échapper à celle de Tana armée de fusil. Plus loin, un océan de tsingy s’étale à perte de vue. Le chemin est orné de pain d’anis, d’oranges des singes, mangées par les makis et d’épines du christ, un mélange de flore et de couleurs.

Tsingy d'Ankarana 

Enfin, à la pointe Nord de l’ile : la région de Diego-Suarez (ou Anstiranana), accueille l'une des plus grandes baies du monde. La mer s’infiltre dans des mangroves jusqu’au pain de sucre qui fait face à Diego. Elle ressemble à un lac d’eau turquoise, tout plat et plus froid qu’à Nosy Be.

Baie d'Antsiranana 

La visite des Tsingy Rouges nous vaut quelques frayeurs en moto-cross avec les 15 cm de sable sur toute la piste. Elie prend plaisir à piloter en mode Paris-Dakar ! Le spectacle valait le détour : cette fois-ci, c’est le sable qui a été sculpté par le vent et la pluie. De couleurs blanches à ocres, rouge à jaune, la lumière de la fin d’après-midi les rend encore plus belles ! Ces sculptures naturelles se déploient dans plusieurs vallées canyons.

Tsingy Rouges 
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Notre séjour et voyage de 11 mois s’achève avec 2 semaines dans la baie de Sakalava pour se remettre en forme. Formule à base de kitesurf, longues nuits, calamars et jus frais. A l’écart de la route, au milieu des dunes et de la forêt de pin, de petites cabanes se cachent dans le sable. Le souffle fort du vent forme un clapot à la surface de l'eau transparente, qui se transforme en plus grosses vagues à l'abord des îlots lointains.

Kitesurf dans la baie de Sakalava 
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Le coin est magnifique, notamment la mer d’émeraude, plus au nord. On y accède en bateau à voile avec une immense bôme accrochée en haut du mat. Cette mer intérieure très plate s’étend sur des centaines de mètres, l’eau est turquoise, très transparente, presque chimique.

Mer d'émeraude 
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La balade dans les trois baies est aussi sublime : des mini tsingy dentelés par la mer entourent des piscines naturelles, les zébus pâturent l’herbe surplombant la baie, des pécheurs lancent leur barque à la limite du tombant et des « champignons-tsingy » s’élèvent au milieu de cette eau presque blanche. Le tout forme un paysage extraordinaire !

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Balade dans les trois baies 
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Nos aspirations frugales ne s’arrêtent pas là, à Antananarivo nous visitons l’atelier de ferronnerie Violette et Dieudonné : une centaines d’artisans créent des objets du quotidien, inspirés de la culture malgache, à partir de vieux tonneaux d’huile et de gasoils ou de tôle recyclée. Ce petit village solidaire accueille aussi les familles des artisans (la plupart en marge de la société, malvoyants, sans abris, anciens détenus), une école pour les enfants et un potager pour avoir un peu d’autonomie alimentaire. Très inspirant !

Atelier Violette et Dieudonné 
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C’est aussi l’heure du départ et nous en profitons pour ramener un baobab juste avant de prendre l’avion de retour en France. Arrivés à l’aéroport, chargés comme des mulets ça donne ça :

Quelques bagages pour le retour en France 

Nous sommes ravis de notre voyage mais contents de revenir en France après tout ce périple. Il nous reste encore une étape qui sera surement délicate : la ré-acclimatation à la société... Après une année autour de la simplicité, difficile de revenir la semaine du Black Friday…