Aujourd’hui c’est direction Istalift. Petit village dans la montagne proche du Panjshir.
Ce village a été envahis par les Talibans qui l’ont totalement détruit. Il a été reconstruit et les habitants ont continué un artisanat local qui rend ce village populaire: la céramique.
On décolle donc de Kaboul pour aller chercher Mobin qui a du rentrer chez lui hier soir. Le chauffeur, Farah, me montre une mosquée. Daesh y a fait exploser une bombe il y a trois semaines. Plusieurs dizaines de morts donc une majorité de femmes… Merci Farah, heureusement que tu es chauffeur et pas guide! ;-)
On récupère donc Mobin…mais pourquoi il n’était pas avec nous à la Guest House?
Il me raconte que hier soir, il a dû rentrer chez lui car des cousins l’ont appelé pour faire le « médiateur ».
Il s’agit de frères qui vivent ensemble avec leurs familles. La fille d’un des frères a cassé une porte de la maison en la faisant claquer...sûrement pas intentionnellement! L’autre frère lui a mis une belle gifle…Du coup, le père de la petite a pété un câble et lui a dit qu’il allait lui tirer dessus! Normal!
A priori, il s’agit surtout de la goutte de trop… J’ose pas imaginer vivre avec mes parents et mon frère! Je peux comprendre que par moment certaines petites choses puissent prendre de toutes autres dimensions!
Sur la route, je commence à poser des questions à Mobin:
Quel est le rythme scolaire?
Les enfants ont cours soit le matin soit l’après midi. Toute la semaine sauf le Vendredi.
Quelle est la proportion d’enfants qui vont à l’école?
Dans les zones sûres, il pense qu’environ 80%.
Dans les zones plus dangereuses, il m’indique entre 50 et 60%. Les parents osent moins envoyer les enfants à l’école pour les risques que vous devinerez.
Pour être franc, je sens pas que Mobin soit tout à fait sûr de ces chiffres...Difficile de vérifier!
Est-ce que le gouvernement construit des logements pour la population?
Oui le gouvernement construit pas mal de logements par contre il semble y avoir un vrai problème d’attribution. La corruption est ultra présente dans le pays donc il me fait comprendre que ces logements ne vont pas forcément à ceux qui en ont le plus besoin.
20% des logements sont dédiées aux femmes policières - qui j’imagine sont dans les bureaux car j’en ai pas vu une dans la rue. Le gouvernement a besoin de policier. Ils veulent attirer les femmes sur ces postes.
Quels sont vos impôts?
Le taux d’impôt est de 20% des revenus. Il ne connaît pas le revenu minimum pour ne pas a avoir a payer cet impôt. C’est un nouveau dispositif fiscal et il est pas encore au courant.
Il y a une « taxe foncière » qui est calculée sur le nombre d’étages. Elle est cependant très faible pour permettre aux bas revenus de ne pas avoir un gros effort à faire.
Comment on enregistre une entreprise...d’ailleurs est ce qu’on l’enregistre?
Oui, il existe une « Chambre de commerce » qui délivre des licences, soit pour des « local shop » - petite boutique dans la rue - soit pour les entreprises.
Un numéro est attribué comme nous pouvons l’avoir avec le SIRET en France.
Sur la route qui nous a amené à la Vallée du Panjshir, nous tournons à gauche. Direction la montagne et le village que l’on devine perché.
L’arrivée se fait par le Bazar du village. C’est en fait la rue principale avec tous les magasins.
Mobin me propose de faire un tour pour voir si je veux ramener quelque chose. Je regarde ces magnifiques poteries de différents types: bols, plats, chandeliers…
J’ai repéré quelques trucs! On va visiter une fabrique après manger donc je vais attendre.
On s’installe dans un restaurant qui fait « Tea Shop » ou est-ce l’inverse?
Il n’y a qu’un plat de toute façon…
On s’assoit donc sur les tapis. Le Thé arrive vite!
On nous amène des bols avec des nans (pains). On se met à couper le pain en petits morceaux et les mettre dans nos bols.
Le serveur revient avec des petits récipients. Il verse un mélange de jus rouge et de morceaux de viande dans nos bols. Ca sent super bon!
Maintenant il suffit de prendre les morceaux de pain et les imbiber du jus tout en prenant les morceaux de viande.
Je me régale! C’est vraiment délicieux!
Il nous pose aussi des grands bols de yaourt artisanal...Il s’agit plus précisément d’un « mix of yoghurt and cream ». Je goûte par principe mais je n’aime pas.
On décolle pour la fabrique d’un ami de Mobin. Une petite porte en bois puis nous rentrons dans un jardin entouré de murs en torchis. Quelques arbres au milieu, l’atelier au fond et une petite cabane qui ressemble à un four. L’endroit est très agréable avec ces différentes nuances de couleurs.
L’artiste nous invite à entrer. L’atelier est composé en trois parties de gauche à droite: atelier de mise en forme, séchage et décoration, peinture.
La pâte est un mélange de terre et d’eau melangées. Ce mélange repose ensuite entre 1 et 2h.
Il modèle tous les objets à la main. C’est toujours un peu magique de voir ces artisans qui cultivent un savoir-faire ancestral.
Après avoir modelé les bols, ils sont cuits puis peint en blanc.
La peinture blanche permet de faire des dessins et les faire ressortir lorsque la peinture sera appliquée.
Je repars avec deux plats bleus entre le bol et le saladier.
On rentre à Kaboul. Ce soir on est de mariage!!!!!
HOSPITALITÉ
L’hospitalité est très prononcée en Afghanistan. Des règles sont établies et il n’est pas possible de déroger.
Par exemple, lorsque vous avez un invité qui vient vous voir. Il doit absolument y avoir du thé et de quoi grignoter (fruits, gâteaux). C’est très important que votre « guest » soit bien reçu et peu importe la raison de sa venue.
On m’explique aussi que si quelqu’un vient un peu avant un repas (déjeuner ou dîner), une assiette lui est automatiquement donnée pour manger. La question n’est pas posée...Autant vous dire qu’il ne faut pas refuser!
Si vous arrivez un peu après, on vous demande si vous avez mangé et si c’est le cas on vous offre seulement le thé…
On passe chercher ma tenue pour le mariage! Je l’ai amené à laver pour me fondre parfaitement dans ce mariage. Mobin me dira plus tard que ma barbe avec ma deuxième tenue (bleu marine/noire) n’aurait pas été adéquate. Mon style aurait ete trop extrémiste! Parfait!
Le mariage!!!
Départ 19h30!
Dans la voiture, je demande au guide de me dire ce que je dois dire si je croise le marié. « Mobarak »… Je me le répète 100 fois dans la tête pour que ça rentre. Certain que j’aurais oublié au moment donc je me le marque!
On arrive devant la WEDDING HALL… Des lumières partout, un parking bondé, du monde pas possible… J’ai l’impression d’être à Las Vegas!
Nous sortons de la voiture et allons vers le Wedding Hall avec Mobin et Abdullah. On attend devant quelques minutes car Mobin n’est pas sur que l’on soit devant la bonne entrée...ou le bon hall! C’est immense et les gens vont dans tous les sens.
Un ami à lui passe. Ils s’enlasent. Nous sommes au bon mariage!
Nous entrons dans le hall du bâtiment puis sur notre gauche dans la salle...WTF!
La salle est immense et tous le monde est assis ou en train de chercher sa place.
Avant d’aller plus loin, il est necessaire que je vous explique comment on atterrit à un mariage afghan.
GUEST or NO GUEST?
Le mariage se fait sur deux jours. Le premier jour est celui que je vais vous raconter. Le second est au domicile des mariés en compagnie de la famille proche et des amis proches.
Qui est donc invité à un mariage afghan? La famille évidemment (proche ou lointaine) qui peut représenter un nombre plus que conséquent d’invités. N’oubliez pas qu’on est pas sous le régime de l’enfant unique ;-)
Ensuite ce sont les amis. C’est la ou ça devient interessant. Dans les us et coutumes afghans, les amis de mes amis sont mes amis.
Étant l’invité de Mobin, lui-meme invité, j’étais le bienvenu à ce mariage. On est d’accord que le marié n’était lui-meme pas au courant! Cela n’a pas posé de problèmes pour autant. J’ai meme ete accueillis avec une grande bienvaillance.
Lors du mariage, les hommes et les femmes sont dans des pièces séparées. Nous n’allons pas voir de femme de la soirée
Je reprends le fil de ma soirée. Nous pénétrons dans la salle et Mobin voit une table ou il reste 3 places. Nous nous asseyons. Je vois qu’ils ne sont pas ravis de la table.
Abdullah, nous fait signe de se lever. Les tables ne sont pas attribuées.
On s’assoit donc beaucoup plus près de la petite estrade. Un gamin se fait gentilment « dégager » par Abdullah.
On commence à discuter et un amis de Mobin lui fait signe. Il montre de la main trois places à sa table...qui est encore mieux placée. On bouge de nouveau!
On est 10 à la table. Il y a des amis de Mobin avec qui il travaillait dans un shop. Mobin me présente un vieil homme(60/70 ans mais ici ils vieillissent mal!), deux autres de la quarantaine - dont un à béquilles - et 4 environ de mon âge.
Ceux qui parlent pas anglais me regardent comme une curiosité et je me présente aux autres. Ils sont tous tres souriants.
« J’ai un moment d’absence. Je visualise un instant ma position sur le globe à ce moment et regarde autour de moi. J’ai pas de mots pour exprimer cette sensation curieuse de planer. Je suis dans une autre dimension. »
Des musiciens traditionnels jouent avec des instruments afghans. Il s’agit de tambours, tambourins et « guitares » locales.
Subitement, un homme prend le micro. La musique traditionnelle s’arrête. Seul le tambourin l’accompagne. Mobin me dit que c’est un chanteur qui monte...
L’ambiance commence à monter elle aussi.
Mobin me lance un coup de coude et un regard en direction du chanteur.
Il me dit: « Traditionnal Panjshir danse » avec un grand sourire. Je vois les hommes de la salle se mettre en ordre de marche vers le chanteur.
Les hommes se rassemblent autour d’un petit espace de danse. Tout le monde se met à taper dans ses mains pendant que les invités passent l’un apres l’autre sur la piste de danse… Les « danseurs » se prennent complètement au jeux. Ils se succèdent les uns apres les autres.
L’ambiance est au max!
Par moment, ils se retrouvent à deux ou trois en train de danser dans ce cercle. Difficile de definir le style de cette danse. On va dire que c’est une danse orientale...sans les coups de reins des danseuses ;-) Ils bougent et font tourner le haut de leur corps dont les bras.
Par moment, les gens restent debout donc on voit plus rien!
Il y en a un ou deux qui semblent possédés par la musique. Franchement, s’ils ont pas bu en cachette, ils ont sûrement du fumer. D’ailleurs derrière moi ils fument! Ca sent bon!
Certains d’entre eux se cherchent un peu. Entre ceux qui prennent des coups de bras dans la tête ou ceux qui sont « priés » de danser à l’encontre de leur volonté ;-)
Les tensions redescent tres rapidement quand meme.
Mobin veut me montrer de près. On se lève pour aller à ras des danseurs. Il me montre les instruments utilisés.
Rappel à l’ordre! Abdullah me rattrape par le bras et me demande de checker mes poches. J’ai mon passeport dans une poche et le portable dans l’autre! On sait jamais!
Il y a quelques longueurs. Je les laisse parler entre eux pour observer la salle.
Certains des invités les plus âgés dégagent quelque chose de fort. Avec leur tenue et ce chapeau tadjik, ils inspirent la paix et la sagesse.
La musique s’arrête! Les mariés (hommes) arrivent dans la salle!
Ce soir, c’est le mariage de trois frères qui étaient, avant de venir dans notre salle, dans celle des femmes! Veinards!
Ils zigzaguent à travers la salle, saluent, embrassent...sans pour autant voir tout le monde.
Le marié fait un signe à Mobin comme pour dire « Je t’ai vu mon ami! ». Il se lève pour aller l’embrasser. « Mobarak » ça sera pas pour cette fois!
Les mariés et certains de leurs amis proches se retrouvent sur la piste de danse. Des chaisses arrivent. On les assoit dessus puis ils sont jetés en l’air… Les gens chantent et tapent dans leurs mains. Ils donnaient pas l’impression d’être tres a l’aise.
Après cela, les mariés sortent de la salle pour rejoindre leurs épouses dans un salon privé.
Quelques minutes apres la sortie des mariés, un manège intriguant se met en place.
Avec des grands plateaux métalliques remplis, de jeunes serveurs entrent dans la salle en courant…Ils se suivent les uns les autres.
En un temps records, toutes les tables sont servis par trois plateaux. Mobin m’explique tres simplement qu’ils courent pour que toutes les tables soient rapidement servies.
Le moment du gavage est arrivé! Quand je vous disais qu’un invité est un invité, j’en ai pris toute la mesure à ce repas.
J’ai été systématiquement le premier servis, plus que les autres, et avec les meilleurs morceaux.
L’homme plus âgé n’arrêtait pas de me regarder en me demandant de la tete si j’en avait assez.
1k de riz plus tard… Ils me proposent une pomme. Je n’ose pas vraiment dire non pour éviter de les vexer. Les cultures sont toutes différentes et je veux pas leur faire d’erreur. J’en peux vraiment plus!
Pour en revenir à la pomme, ils me l’ont donc épluché, vidé puis coupé en quartiers…
Les gens finissent de manger et partent au fur-et a mesure. Nous prenons le pas quelques dizaines de minutes plus tard.
La soirée est finie. Il est 00h30 et ce fut une nouvelle expérience riche dans ce voyage.
Je peux cocher « S’incruster à un mariage » dans ma To do list!
Je me couche pour etre en forme pour mon dernier jour sur le sol afghan.
Bonne nuit.