Les prémices du projet
Ce voyage, mon enfant, nous l'envisagions depuis longtemps déjà. Depuis plusieurs années déjà nous ressentions une perte de sens dans l'évolution de la société et du monde professionnel dans lequel nous progressions. Plutôt que de sombrer dans le marasme ambiant et de rester devant notre porte à nous plaindre que tout va mal, nous avons fait le choix d'aller vers des projets et modes de vie alternatifs.
Nous avons découvert les systèmes d'échanges locaux, nous nous y sommes fortement investis, comme dans d'autres associations.
Nous avons su retrouver les valeurs d'échange, de partage, de convivialité, de découverte, d'innovation et d'optimisme qui nous semblaient faire défaut en ce monde.
Nous avons aussi eu la chance de pouvoir voyager à l'étranger, notamment en Angleterre, Irlande et Belgique, en voiture, train ou avion, Notre temps était toujours compté à cause des contraintes professionnelles, nous n'en profitions jamais assez.
Chaque voyage nous laissait un goût de « trop peu », nous souhaitions souvent y retourner ardemment.
Nous testions déjà alors le Couchsurfing qui nous permettait de découvrir un peu mieux les régions visitées du pont de vue de nos hôtes. Nous avons par exemple pu participer, de façon inattendue, à la commémoration du Jubilé de la Reine Elizabeth II dans une petite ville partager nos savoirs culinaires avec un étudiant, échanger des adresses et lieux à découvrir que nous aurions louper autrement.
C'est de ce genre de voyage dont nous rêvons et nous nourrissons : celui qui nous amène à la rencontre des autres et de leurs cultures. Nous avons testé les « vacances tout confort all inclusive » lors de notre lune de miel en Guadeloupe. Nous avons regretté le côté « troupeau » lors des promenades, le fait de ne faire que passer pour prendre la photo qui vend bien et partir deux minutes après, et l'hôtel qui rend mille services sur place pour éviter que vous n'ayez à trop sortir et vous mêler à la population locale. Tout cela, très peu pour nous !
Nous avions adoré les lieux découverts (en nous promettant d'y revenir) et nous sommes régalé, c'est certain. Mais nous nous sommes beaucoup plus amusé lorsque nous sommes partis seuls en marchant des kilomètres, en traversant des quartiers certes moins glorieux que celui de l'hôtel mais où l'on n'a rencontré que des gens aimables. Nous avons fini par trouver l'embarcadère que nous cherchions, avons fait de belles découvertes en chemin et évité les touristes de masse en nous rendant sur l'îlet Gosier. Il n'y avait peut-être pas grand chose à y faire, un peu de marche, voir une phare ou faire une baignade... Mais quel goût de paradis et de liberté !
Riche de ces événements, voilà qui éclaire un peu mieux notre envie de voyager à tes yeux !
Écolos dans l'âme, nous envisagions d’auto-éco-construire notre future maison. Mais notre parcours professionnel assez précaire dans les domaines de l'éducation, de l'accompagnement social et du tertiaire nous ont laissé entrevoir que la stabilité que nous recherchions pour mener à bien ce projet était bien illusoire et que, quand bien même nous trouvions un boulot stable, nous devrions nous endetter à vie.
M, Cookie a eu quant à lui l'occasion de travailler en CDI dans des domaines commerciaux. Le mirage de la stabilité ne lui aura pas suffi pour accepter d'effacer sa personnalité pour participer à toujours plus de profit, de destruction et de perte de valeurs humaines.
Ils ne savaient pas que c'était
impossible...
Nous voilà donc tous deux dans des emplois précaires. Et si finalement cette précarité nous permettait d'entrevoir d'autres possibilités ? Celle, par exemple, de nous rendre compte que tous nos projets de voyage n'ont de limites que celles que l'on s'impose à soi-même, c'est-à-dire la peur de l'aventure et de l'inconnu.
Dès lors, nous avons commencé à planifier nos projets de départ. L'aventure oui, mais un peu d'organisation est quand même nécessaire, surtout lorsque l'on part avec toi qui sera encore un jeune enfant lorsque nous partirons.
En 2014, en plein hiver, nous avons fait le parti un peu fou de relier notre Charente Maritime à San Sebastian en Espagne, avec nos vieux VTT, afin de savoir si nous étions capables, sans entraînement, sans endurance, avec de bonnes intempéries et juste notre volonté de faire ce petit voyage. Pour sûr, nous avons bien pris la pluie tout au long de ce périple sur la côte Atlantique du Sud Ouest, mais nous avons aussi fait le plein de rencontres chaleureuses. Nous avons dormi chez des amis, des Couchsurfers, des Warmshowers, des adhérents de la Route des SEL et parfois à l'hôtel ; tous nous ont donné plein de saveurs et rempli de bons moments de voyage. De Saint Agnant à San Sebastian, en passant par la Gironde, les Landes ou les Pyrénées, ce voyage en aura été riche.
Nous garderons notamment le souvenir d'une famille très vivante dont le père, employé municipal des services technique de la ville était d'une richesse culturelle musicale incroyable et doté d'un grand talent de bricoleur. Nous avons aussi dormi chez un chasseur, alors que nous sommes végétaliens et écolos... Et au delà de cette activité que nous réprouvons, nous avons pu découvrir son implication dans la préservation locale de l'environnement, et le militantisme de son fils au sein de l'AVF (Association Végétarienne Française), la passion du voyage de sa fille et sa petite famille.
Nous n'avions malheureusement que deux semaines pour ce voyage, travail oblige. Nous sommes donc rentrés en train à l'issue de notre périple, que nous aurions voulu prolonger encore et encore ! Des images plein la tête, de magnifiques rencontres. Nous n'avons eu qu'à regretter que le comportement incivique de certains automobilistes. Malgré la pluie, nous en avons bien profité, allant même jusqu'à chanter et danser sous un abribus devant une église pour passer le temps.
Beaucoup de personnes sont venues vers nous pour engager la conversation, deux fous à vélo dans un coin perdu en plein hiver ça attire forcément la curiosité ! Certains nous ont proposé l'hébergement sans qu'on le demande (alors que nous avions déjà, dommage, mais cela redonne foi en la générosité spontanée). D'autres étaient dubitatifs ou admiratifs mais en tous cas très sympas et curieux de notre projet. Nous répondions toujours que le plus dur c'est d'oser y croire et de laisser ensuite nos jambes nous porter jusqu’où elles le pourront.
Cette expérience dans les forêts landaises ne nous aura pas découragé et nous aura démontré au contraire que nous étions plein de ressources que nous ignorions et dont on se croyait incapables. Après, il est sûr qu'aux yeux de certains 400 kilomètres à vélo en deux semaines c'est peu, mais nous recherchions pas la performance. Nous partions à la découverte d'une région, de ses habitants et de son patrimoine, faisant parfois quelques détours et concessions pour voir des amis ou de la famille.
Nous partions aussi à la découverte de nous-mêmes et ce que nous avons trouvé nous a convaincu que nous étions capables de bien plus.
Notre projet de voyage au long cours avec toi commençait à prendre réalité.