Carnet de voyage

Traversée des Pyrénées

6 étapes
1 commentaire
1
Traversée des Pyrénées d'Est en Ouest, vélo de route, Bikepacking & camping 🏕️
Août 2018
6 jours
Partager ce carnet de voyage
J1

J’ai passé la nuit dans la maison de mon enfance. Avant de partir, je rassure une dernière fois maman qui se demande où j'ai bien pu choper ce virus. Pour entrer en Ariège, je ne passe pas par le col de Pailhères (utilisé la plupart du temps dans cette traversée), mais je fais connaissance avec le moins connu col de Pradel situé plus au nord, durant 1h30, sous la pluie… J'arrive à Ax-les-Thermes avec le retour du soleil, et je m'installe dans un camping sous les yeux interloqués de mes voisins. Il s'agit d'un couple de retraités, qui ne tarde pas à me proposer de me joindre à eux pour le café, bien au chaud sous leur tonnelle de camping-car 4 étoiles. Les premières questions arrivent, je sais déjà que le voyage solitaire au féminin intrigue, et il m'arrivera plusieurs fois d'observer une petite étincelle au goût d'aventure dans les regards féminins d'une autre génération…


1er col du voyage, mise en bouche...

Je me couche tôt, et dès que je commence à somnoler retentissent les premières notes de la soirée karaoké du camping. Les joutes musicales battent leur plein, Hallyday contre Dion, une vraie guerre des sexes ! Le “Ah si j'étais un homme” de Diane Tell me tente tout à coup, mais je finis plutôt par m'endormir sourire aux lèvres. Quel premier jour !

Chambre avec vue !
J2

Ça grince un peu au démarrage, non pas le vélo, mais plutôt mes jambes. Le chargement apporte une belle différence à ma pratique habituelle. J’ai vraiment fait au minimum, et je ne pèserai mon paquetage qu'au retour, histoire de ne pas avoir cette excuse du poids qui me trotte en tête. En gros, je transporte tente, sac de couchage, 2 tenues hors vélo (short, tee-shirt, une tenue plus chaude, des tongs). Pour rouler, je n'ai pris qu’un cuissard court et pour le haut, j'ai du maillot court à la veste d'hiver en passant par sous-pull technique et coupe vent. Cela sous-entend de finir assez tôt quotidiennement pour laver et sécher ce qui a servi. J'ai aussi un peu de matos réparation, une mini trousse de toilette et toujours de quoi manger et boire pour la journée. Je savais que ça coincerait un peu les premiers jours, il faut attendre que l'adaptation se fasse. Et puis ça tombe bien que les jambes crissent aujourd'hui, car l’étape du jour est courte, je fais ce soir une escale surprise  dans un camping tenu par un ami sétois.



L'ariège !!
J3

C'est la  journée où les choses se mettent en place. Non pas que cela devienne facile, mais je me suis bien habituée à manier le vélo chargé. L'équilibre en roulant est facile, c'est à l'arrêt, ou en manoeuvrant lentement qu'il faut rester vigilant. Je passe deux cols dans la matinée, Portet d'Aspet et Menté et celui de Peyresourde l'après-midi, qui marque la frontière entre Haute Garonne et Hautes Pyrénées.

C'est aussi une journée où je me trouve chanceuse. Beaucoup de mes amis, collègues de travail…  me demandent pourquoi faire ça, voyager seule, c'est difficile, et puis je suis une femme… Et c'est justement en ça que je me trouve chanceuse. Tous les cols passent bien, je ressens le bien-être que me procure ce luxe de liberté, j'ai la chance de me dire que je suis bien née, car après tout, combien de femmes dans le monde n'auront jamais ne serait-ce que quelques secondes de mon sentiment de liberté actuel? En 2018, il reste encore des pays où les femmes ont besoin d’un tuteur masculin (mari, père, frère, oncle) pour voyager, travailler, se marier, ou même voir un médecin...


J4

Ça y est, c'est pour aujourd'hui ! L'enchaînement Aspin Tourmalet! Je suis impatiente, excitée, en pleine forme, prête pour le chantier ! Un seul bémol, ça caille… Ça sera d'ailleurs la journée la plus froide, 11 degrés en moyenne. Je n'ai pas quitté les manches longues de la journée. En redescendant Aspin, pause café chaud.

Deux cols mythiques à enchaîner

Je repars pour le Tourmalet, raté pour la vue, une vraie purée de pois. Je redescend en mode glagla, l’entreprise était belle et je suis affamée : ravito resto à Luz-Saint-Sauveur.

Tourmalet

J'avance un peu plus et choisis un camping au hasard, il y a une piscine extérieure chauffée, rien que pour moi. La vie est belle.

Y en avait qu'une pour se jeter à l'eau...
J5

Le col du Soulor et le col d’Aubisque m'ont occupée plus de 3 heures. La route en corniche traversant le cirque du Litor me laisse bouche bée, c'est tout simplement ma journée coup de cœur de cette traversée. Haut lieu de la légende du Tour de France, cette route fût empruntée 73 fois, dans un sens ou l'autre ! En milieu de journée, j'ai hâte de me poser. Je m'installe au camping d'Asap, sur une parcelle immense, d'habitude réservée aux colonies qui sont à présent terminées. Il y a un camping-car à l'autre bout, un couple ami du patron. J'ai le droit de cueillir quelques pommes bios présentes sur le terrain, puis le couple m'offre du fromage de chèvre acheté dans la journée à une ferme locale. Qualité alimentaire en nette progression ! Ce que je retiens des rencontres et de la générosité des gens, c'est qu’offrir à manger, c'est une façon de souhaiter bon courage…


J6

C'est le dernier jour, je vais pleurnicher  sur mon vélo, c'est sûr… À chaque voyage c'est pareil. Je vais repenser à ce que j'ai vécu cette semaine, sans oublier de vivre le jour présent. Les sensations physiques. L'appétit dantesque. Les rencontres. Les émotions. La beauté des montagnes. L’ air sur mon visage dans les descentes de cols. Mes discussions avec mes cuisses dans les ascensions ! Exister…

Retourner à la vie normale après un Road trip, peu importe sa durée, c'est toujours un peu fade.

J'ai choisi une dernière étape facile physiquement, et j'arrive assez tôt à Bayonne. Je me retrouve plongée dans une ambiance urbaine que je n’avais pas eu de mal à oublier. Il y a des feux tricolores tous les 200 mètres. Mais où est le centre ? Ah ! Enfin ! Je suis installée en terrasse dans une jolie rue piétonne pavée. Rapide visite avant de rejoindre le camping. J'installe mes affaires et repars pour franchir la ligne d'arrivée, ce soir j'ai droit au coucher de soleil sur l'océan.

Le lendemain matin, 6 heures, noir, humidité, ça caille un peu. Je remballe mon paquetage à la frontale sous la surveillance d'un crapaud. Beurk. Pas le temps de l'embrasser, j'ai un train à prendre. J'aurai une longue correspondance à Toulouse, histoire de faire une dernière promenade...