Le chemin de Saint Jacques de Compostelle m’a fait comprendre à quel point la marche en solitaire était très bénéfique et j’ai rapidement souhaité renouveler l’expérience. Initialement, je pensais faire un autre chemin vers Compostelle, mais j’avais aussi très envie de repartir à la découverte du monde… et c’est ainsi que j’ai pris la décision de partir faire un trek au Népal, sans porteur ni guide, pendant 2 semaines.
Cela peut paraître fou ou dangereux (ou les deux), mais j’ai, comme d’habitude, pris le temps de me préparer, aussi bien mentalement que physiquement. Après avoir passé des heures à lire des blogs et des guides en tout genre, j’ai également consulté un médecin du sport spécialisé dans l’alpinisme. En effet, si le trek est bien balisé et qu’il y a des villages toutes les 2 heures, je crains surtout de souffrir du mal des montagnes, mal anodin en apparence mais qui peut vite s’aggraver en œdème et mener à la mort… donc à ne pas prendre à la légère !
J’ai ensuite pris le temps de reconstituer mon sac de trek (puisqu’il a été perdu/volé à mon retour de Saint Jacques). Me voilà donc fin prête !
Etrangement, mon entourage se montre plus anxieux que d’habitude pour ce départ. Le jour du départ, je reçois beaucoup de messages de soutien mais surtout de « fais bien attention », « prends soin de toi »… et je me laisse envahir par cette inquiétude.
Je sais, malgré mon expérience du voyage, que celui-ci sera bien différent, encore plus loin dans ma zone d’inconfort. Est-ce la destination, le Népal, coincé aux confins de l’Himalaya, entre la Chine et l’Inde, zone du monde que je connais pas du tout ? Ou est-ce le trek en soi, challenge sportif qui va me faire grimper jusqu’à plus de 5000 mètres ? Certainement un peu des deux.
Après deux vols confortables et une escale au Qatar, j’atterris à Katmandou, la capitale népalaise, sous une pluie battante. Je n’ai pas posé le pied sur le tarmac que je comprends en un instant que le Népal n’a rien à voir avec le reste de l’Asie que je connais. Je m’y attendais et cela se confirme. Il suffit de voir le bâtiment sommaire en briques rouges qui fait office d’aéroport international… Et je ne vais pas être déçue en entrant dedans, quand je découvre le processus pour obtenir le visa…. Une bureaucratie chaotique ! Par chance, j’avais rempli, au préalable et en ligne, en formulaire qui me permet d’éviter la première file d’attente… Je me dirige donc directement vers la 2ème : c’est ici qu’il faut payer son visa (40 USD pour 30 jours). Une fois cette formalité remplie, je m’attèle à la dernière mais plus longue file d’attente, vers les postes-frontières tenus par des fonctionnaires peu efficaces, mais souriants.
Ah, le sourire des Népalais ! Cela ne fait pas une heure que je suis arrivée que je sais déjà que je vais adorer ce peuple. Déjà dans le bus entre l’avion et le terminal, un Népalais, parlant un bon anglais, m’a abordé plein de curiosité, pour savoir ce que je faisais là. Après lui, c’est donc le fameux douanier qui appose le visa sur l’avant-dernière page libre de mon passeport, qui me fait un large sourire. Ensuite, c’est un rabatteur de taxi qui me souhaite la bienvenue en m’indiquant le distributeur que je cherchais, et qui, par chance, fonctionne. Enfin, je finis comblée en rencontrant Dinesh, mon chauffeur de taxi qui m’a reconciliée avec tous les chauffeurs de taxi du monde. Non seulement il sait où est mon auberge, il ne m’arnaque pas (même pas besoin de négocier) et en plus, il est adorable. Là encore un accueil et un sourire inégalables. Et ce, malgré ce qu’il me raconte alors que nous entrons dans la ville à bord de sa petite Suzuki : il m’explique comment sa maison a été détruite lors du tremblement de terre de 2015 qui a fait plusieurs milliers de mort et a dévasté le pays. Il garde le sourire, mais je perçois, dans son regard dans le rétroviseur, une profonde tristesse, ou plutôt résignation. Et alors que je l’écoute, j’observe aussi les scènes de vie dans la rue. Si le trafic est un peu bordélique, il est étonnamment silencieux pour un pays asiatique. Les rues sont défoncées, des vaches traversent la route, les visages sont très « indiens », les femmes sont en sari, les installations électriques sont désastreuses, l’air est pollué… Je ne suis jamais allée en Inde, mais ça ressemble bien à l’idée que je m’en fais, en plus calme et plus petit.
J’arrive finalement dans mon auberge où je retrouve ma routine de backpackeuse, « lit superposé et salle de bains commune »… Mais ma curiosité me pousse à aller dès maintenant découvrir les alentours. A peine sortie de l’auberge, voilà qu’un « pujari » (prêtre hindou) m’alpague pour m’offrir le fameux « tika », cette bénédiction qui consiste à appliquer un mélange de yaourt et de sindur (poudre rouge et huile de moutarde) sur le front, petit point qui représente le troisième œil, celui qui voit et sait tout, un point d’énergie important dans la religion hindouiste. Aujourd’hui, les femmes en portent souvent en guise d’ornement, ils sont en plastique et se nomment « bindi ». Je ne crois pas en la religion hindoue, mais étant donné ce que je m’apprête à faire, je prends toutes les bénédictions, sans discrimination religieuse !
Une fois bénie donc, direction une adresse locale chaudement recommandée par mon ami Alejandro, pour aller déguster des « momos », raviolis népalais. Me voilà dans le boui-boui du coin, seule étrangère : j’adore !!! Puis, je déambule dans les rues piétonnes de Thamel, le quartier touristique, où l’on trouve des boutiques de matériel de trek, des trekkeurs, des boutiques de souvenirs et des drapeaux de prière. L’atmosphère est à la fois animée et paisible. Il y a un petit côté marketing « hippie » que les touristes recherchent, avec les odeurs d’encens, les cours de yoga, l’artisanat local, les vêtements amples et colorés… Les commerçants ne sont pas insistants et restent toujours souriants, ce qui rend le tout agréable.
Le soir, je rencontre quelques backpackers de mon auberge : ceux-là sont des vrais, de ceux qui voyagent plusieurs mois en Asie… Cela me fait sourire car j’étais à leur place ces 2 dernières années. Mais cette fois, je ne suis qu’une vacancière, plus âgée qu’eux. Et je ne me sens pas nostalgique : j’ai adoré ces périodes de vagabondage mais je suis aussi heureuse d’avoir une vie sédentaire, plus stable. Je ne suis pas sûre d’avoir encore l’énergie de voyager sur une longue période… ou peut-être est-ce encore trop récent ? en attendant, je me satisfais pleinement de mes 2 semaines.
La première nuit est courte : réveillée par l’orage et la pluie diluvienne, je m’inquiète d’avoir le même temps sur mon chemin…
Le lendemain, avant de découvrir la ville, je dois remplir une formalité administrative importante qui me permettra de prendre ma route : obtenir mon permis de trek (carte TIMS – Trekkers Information Management System) et acheter l’entrée de l’ACAP (Annapurna Conservation Area Project). Lorsque l’on réserve un trek guidé, c’est l’agence de voyage qui s’en charge… Mais, j’y vais sans guide et je ne veux pas laisser cette tâche à une agence qui me ferait payer le double… Donc, direction le Nepal Tourisme Board, à environ 2 km à pied de mon auberge. De si bon matin, la ville est déjà en ébullition. Avec la pluie tombée cette nuit, les « rues », déjà défoncées, se sont transformées en pistes de gadoue. Il faut donc faire attention où on met les pieds, tout en passant entre les deux-roues… J’arrive enfin au Nepal Tourism Board vers 9h, heure d’ouverture que j’avais vérifié la veille… Mais voilà, nous sommes au Népal, donc ce n’est pas encore ouvert. On m’informe qu’il y a beaucoup d’embouteillages aujourd’hui et donc que les employés ne sont pas encore arrivés… et donc je dois revenir plus tard…
Je décide quand même d’attendre sur place… Coup de chance : le bureau ouvre 30 minutes plus tard ! Et, alors que je m’attendais à passer la moitié de ma journée ici de par mon expérience d’obtention du visa, je ressors avec mes 2 papiers 15 minutes plus tard, après avoir rempli un formulaire, payer 40 USD et donner des photos d’identité ! Voilà une bonne chose de faite ! Je vais donc pouvoir profiter de la ville l’esprit tranquille…
Je marche vers le point névralgique de la capitale népalaise : Durbar Square, la place où les rois avaient leur palais, entourées de stupas et temples divers. Malheureusement, une grande partie a été détruite lors du tremblement de terre de 2015 et l’état n’a pas les fonds pour reconstruire. Cela se fait donc lentement, grâce aux dons de pays étrangers et de l’UNESCO. Sur les bâtiments encore debout, on peut clairement apercevoir les profondes fissures… C’est sur cette place que Rama, un guide officiel, m’approche et me vend ses services. Parmi les bâtiments importants de la place, il y a le Kumari Bahal, la maison d’une jeune déesse, Kumari. La tradition veut qu’une famille « offre » sa fille de 3 ans aux dieux : après 32 tests médicaux, celle-ci est déclarée déesse, jusqu’à ses premières menstruations. Après cela, elle deviendra nonne. Kumari apparaît de temps à autre par la fenêtre : il est interdit de la prendre en photo mais une horde de touristes attendent son apparition pour la saluer du fameux « namaste ».
J’en profite pour faire un aparté sur ce « namaste » : contrairement à ce qu’on croit, cela ne signifie pas « merci », mais c’est une formulation de salutation en nepali. Littéralement, cela signifie « je salue / je m’incline devant le divin qui est en vous ».
Autre point important de la place : le Hanuman Dokha, le musée de l’ancien palais royal. Autour, de nombreux stupas, des statues des dieux hindous (Shiva, Vishnu, Ganesh, Garuda…), des « babas », cette sorte de prêtre hindou habillé en orange, visage peinturé en jaune et rastas… Ici, les Népalais viennent prier.
Petit aparté culturel : il faut savoir que le Népal est un vrai patchwork culturel avec plus d’une dizaine d’ethnies (issues des Indiens, des Tibétains, des Chinois, des Mongols…) et plus de 100 dialectes parlés à travers le pays. Si la population est majoritairement hindouiste, le bouddhisme est la seconde religion (10%) : ces 2 religions étant proches et pacifistes, un certain syncrétisme s’est créé. A savoir également : le système de castes est présent au Népal.
Après quelques heures au cœur du centre grouillant et animé, je retourne vers Thamel où je décide d’acheter un complément à mon équipement. En effet, d’après les échos de certains trekkers, il fait encore bien froid là où je vais et la mousson, censée commencer en juin, est en avance… Je trouve donc une bonne paire de gants, une paire de chaussettes chaude et une housse imperméable pour mon sac. Tout du North Face… ou du faux… allez savoir ! Dernier détail : une carte géographique à grande échelle, quelques provisions alimentaires et un rouleau de papier toilette, me voilà fin prête !