Au programme : Katmandou et sa vallée, Pokhara, le tour des Annapurnas, sans guide et sans porteur... et une escale à Doha!
Mai 2018
2 semaines
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29
avr

Le chemin de Saint Jacques de Compostelle m’a fait comprendre à quel point la marche en solitaire était très bénéfique et j’ai rapidement souhaité renouveler l’expérience. Initialement, je pensais faire un autre chemin vers Compostelle, mais j’avais aussi très envie de repartir à la découverte du monde… et c’est ainsi que j’ai pris la décision de partir faire un trek au Népal, sans porteur ni guide, pendant 2 semaines.

Cela peut paraître fou ou dangereux (ou les deux), mais j’ai, comme d’habitude, pris le temps de me préparer, aussi bien mentalement que physiquement. Après avoir passé des heures à lire des blogs et des guides en tout genre, j’ai également consulté un médecin du sport spécialisé dans l’alpinisme. En effet, si le trek est bien balisé et qu’il y a des villages toutes les 2 heures, je crains surtout de souffrir du mal des montagnes, mal anodin en apparence mais qui peut vite s’aggraver en œdème et mener à la mort… donc à ne pas prendre à la légère !

J’ai ensuite pris le temps de reconstituer mon sac de trek (puisqu’il a été perdu/volé à mon retour de Saint Jacques). Me voilà donc fin prête !

Etrangement, mon entourage se montre plus anxieux que d’habitude pour ce départ. Le jour du départ, je reçois beaucoup de messages de soutien mais surtout de « fais bien attention », « prends soin de toi »… et je me laisse envahir par cette inquiétude.

Je sais, malgré mon expérience du voyage, que celui-ci sera bien différent, encore plus loin dans ma zone d’inconfort. Est-ce la destination, le Népal, coincé aux confins de l’Himalaya, entre la Chine et l’Inde, zone du monde que je connais pas du tout ? Ou est-ce le trek en soi, challenge sportif qui va me faire grimper jusqu’à plus de 5000 mètres ? Certainement un peu des deux.

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Après deux vols confortables et une escale au Qatar, j’atterris à Katmandou, la capitale népalaise, sous une pluie battante. Je n’ai pas posé le pied sur le tarmac que je comprends en un instant que le Népal n’a rien à voir avec le reste de l’Asie que je connais. Je m’y attendais et cela se confirme. Il suffit de voir le bâtiment sommaire en briques rouges qui fait office d’aéroport international… Et je ne vais pas être déçue en entrant dedans, quand je découvre le processus pour obtenir le visa…. Une bureaucratie chaotique ! Par chance, j’avais rempli, au préalable et en ligne, en formulaire qui me permet d’éviter la première file d’attente… Je me dirige donc directement vers la 2ème : c’est ici qu’il faut payer son visa (40 USD pour 30 jours). Une fois cette formalité remplie, je m’attèle à la dernière mais plus longue file d’attente, vers les postes-frontières tenus par des fonctionnaires peu efficaces, mais souriants.

Ah, le sourire des Népalais ! Cela ne fait pas une heure que je suis arrivée que je sais déjà que je vais adorer ce peuple. Déjà dans le bus entre l’avion et le terminal, un Népalais, parlant un bon anglais, m’a abordé plein de curiosité, pour savoir ce que je faisais là. Après lui, c’est donc le fameux douanier qui appose le visa sur l’avant-dernière page libre de mon passeport, qui me fait un large sourire. Ensuite, c’est un rabatteur de taxi qui me souhaite la bienvenue en m’indiquant le distributeur que je cherchais, et qui, par chance, fonctionne. Enfin, je finis comblée en rencontrant Dinesh, mon chauffeur de taxi qui m’a reconciliée avec tous les chauffeurs de taxi du monde. Non seulement il sait où est mon auberge, il ne m’arnaque pas (même pas besoin de négocier) et en plus, il est adorable. Là encore un accueil et un sourire inégalables. Et ce, malgré ce qu’il me raconte alors que nous entrons dans la ville à bord de sa petite Suzuki : il m’explique comment sa maison a été détruite lors du tremblement de terre de 2015 qui a fait plusieurs milliers de mort et a dévasté le pays. Il garde le sourire, mais je perçois, dans son regard dans le rétroviseur, une profonde tristesse, ou plutôt résignation. Et alors que je l’écoute, j’observe aussi les scènes de vie dans la rue. Si le trafic est un peu bordélique, il est étonnamment silencieux pour un pays asiatique. Les rues sont défoncées, des vaches traversent la route, les visages sont très « indiens », les femmes sont en sari, les installations électriques sont désastreuses, l’air est pollué… Je ne suis jamais allée en Inde, mais ça ressemble bien à l’idée que je m’en fais, en plus calme et plus petit.

J’arrive finalement dans mon auberge où je retrouve ma routine de backpackeuse, « lit superposé et salle de bains commune »… Mais ma curiosité me pousse à aller dès maintenant découvrir les alentours. A peine sortie de l’auberge, voilà qu’un « pujari » (prêtre hindou) m’alpague pour m’offrir le fameux « tika », cette bénédiction qui consiste à appliquer un mélange de yaourt et de sindur (poudre rouge et huile de moutarde) sur le front, petit point qui représente le troisième œil, celui qui voit et sait tout, un point d’énergie important dans la religion hindouiste. Aujourd’hui, les femmes en portent souvent en guise d’ornement, ils sont en plastique et se nomment « bindi ». Je ne crois pas en la religion hindoue, mais étant donné ce que je m’apprête à faire, je prends toutes les bénédictions, sans discrimination religieuse !

Une fois bénie donc, direction une adresse locale chaudement recommandée par mon ami Alejandro, pour aller déguster des « momos », raviolis népalais. Me voilà dans le boui-boui du coin, seule étrangère : j’adore !!! Puis, je déambule dans les rues piétonnes de Thamel, le quartier touristique, où l’on trouve des boutiques de matériel de trek, des trekkeurs, des boutiques de souvenirs et des drapeaux de prière. L’atmosphère est à la fois animée et paisible. Il y a un petit côté marketing « hippie » que les touristes recherchent, avec les odeurs d’encens, les cours de yoga, l’artisanat local, les vêtements amples et colorés… Les commerçants ne sont pas insistants et restent toujours souriants, ce qui rend le tout agréable.

Le soir, je rencontre quelques backpackers de mon auberge : ceux-là sont des vrais, de ceux qui voyagent plusieurs mois en Asie… Cela me fait sourire car j’étais à leur place ces 2 dernières années. Mais cette fois, je ne suis qu’une vacancière, plus âgée qu’eux. Et je ne me sens pas nostalgique : j’ai adoré ces périodes de vagabondage mais je suis aussi heureuse d’avoir une vie sédentaire, plus stable. Je ne suis pas sûre d’avoir encore l’énergie de voyager sur une longue période… ou peut-être est-ce encore trop récent ? en attendant, je me satisfais pleinement de mes 2 semaines.

La première nuit est courte : réveillée par l’orage et la pluie diluvienne, je m’inquiète d’avoir le même temps sur mon chemin…

Le lendemain, avant de découvrir la ville, je dois remplir une formalité administrative importante qui me permettra de prendre ma route : obtenir mon permis de trek (carte TIMS – Trekkers Information Management System) et acheter l’entrée de l’ACAP (Annapurna Conservation Area Project). Lorsque l’on réserve un trek guidé, c’est l’agence de voyage qui s’en charge… Mais, j’y vais sans guide et je ne veux pas laisser cette tâche à une agence qui me ferait payer le double… Donc, direction le Nepal Tourisme Board, à environ 2 km à pied de mon auberge. De si bon matin, la ville est déjà en ébullition. Avec la pluie tombée cette nuit, les « rues », déjà défoncées, se sont transformées en pistes de gadoue. Il faut donc faire attention où on met les pieds, tout en passant entre les deux-roues… J’arrive enfin au Nepal Tourism Board vers 9h, heure d’ouverture que j’avais vérifié la veille… Mais voilà, nous sommes au Népal, donc ce n’est pas encore ouvert. On m’informe qu’il y a beaucoup d’embouteillages aujourd’hui et donc que les employés ne sont pas encore arrivés… et donc je dois revenir plus tard…

Je décide quand même d’attendre sur place… Coup de chance : le bureau ouvre 30 minutes plus tard ! Et, alors que je m’attendais à passer la moitié de ma journée ici de par mon expérience d’obtention du visa, je ressors avec mes 2 papiers 15 minutes plus tard, après avoir rempli un formulaire, payer 40 USD et donner des photos d’identité ! Voilà une bonne chose de faite ! Je vais donc pouvoir profiter de la ville l’esprit tranquille…

Je marche vers le point névralgique de la capitale népalaise : Durbar Square, la place où les rois avaient leur palais, entourées de stupas et temples divers. Malheureusement, une grande partie a été détruite lors du tremblement de terre de 2015 et l’état n’a pas les fonds pour reconstruire. Cela se fait donc lentement, grâce aux dons de pays étrangers et de l’UNESCO. Sur les bâtiments encore debout, on peut clairement apercevoir les profondes fissures… C’est sur cette place que Rama, un guide officiel, m’approche et me vend ses services. Parmi les bâtiments importants de la place, il y a le Kumari Bahal, la maison d’une jeune déesse, Kumari. La tradition veut qu’une famille « offre » sa fille de 3 ans aux dieux : après 32 tests médicaux, celle-ci est déclarée déesse, jusqu’à ses premières menstruations. Après cela, elle deviendra nonne. Kumari apparaît de temps à autre par la fenêtre : il est interdit de la prendre en photo mais une horde de touristes attendent son apparition pour la saluer du fameux « namaste ».

J’en profite pour faire un aparté sur ce « namaste » : contrairement à ce qu’on croit, cela ne signifie pas « merci », mais c’est une formulation de salutation en nepali. Littéralement, cela signifie « je salue / je m’incline devant le divin qui est en vous ».

Autre point important de la place : le Hanuman Dokha, le musée de l’ancien palais royal. Autour, de nombreux stupas, des statues des dieux hindous (Shiva, Vishnu, Ganesh, Garuda…), des « babas », cette sorte de prêtre hindou habillé en orange, visage peinturé en jaune et rastas… Ici, les Népalais viennent prier.

Petit aparté culturel : il faut savoir que le Népal est un vrai patchwork culturel avec plus d’une dizaine d’ethnies (issues des Indiens, des Tibétains, des Chinois, des Mongols…) et plus de 100 dialectes parlés à travers le pays. Si la population est majoritairement hindouiste, le bouddhisme est la seconde religion (10%) : ces 2 religions étant proches et pacifistes, un certain syncrétisme s’est créé. A savoir également : le système de castes est présent au Népal.

Après quelques heures au cœur du centre grouillant et animé, je retourne vers Thamel où je décide d’acheter un complément à mon équipement. En effet, d’après les échos de certains trekkers, il fait encore bien froid là où je vais et la mousson, censée commencer en juin, est en avance… Je trouve donc une bonne paire de gants, une paire de chaussettes chaude et une housse imperméable pour mon sac. Tout du North Face… ou du faux… allez savoir ! Dernier détail : une carte géographique à grande échelle, quelques provisions alimentaires et un rouleau de papier toilette, me voilà fin prête !

30
avr

Bon, il est temps de vous en dire un peu plus sur mon trek. Le Népal est LE pays des treks : si 10% de l’économie vient du tourisme, c’est essentiellement grâce aux treks. Il suffit de marcher dans Thamel à peine 5 minutes pour s’en rendre compte… Huit des dix plus hauts sommets du monde se trouvent au Népal, autant dire qu’il existe des centaines de possibilités, selon le temps et le niveau de chacun. Parmi les plus connus, il y a bien sûr l’Everest qui nécessite des mois, des milliers d’euros et une sacrée expérience d’alpinisme pour arriver sur le toit du monde, à 8848m. Un peu plus accessible, le trek qui mène au camp de base de l’Everest à 5364m puis au Khalapathar à 5545m. L’autre massif très connu est celui de l’Annapurna, avec six sommets principaux, dont l’Annapurna I culminant à 8091m.

C’est dans cette région que je m’aventure, à la frontière avec le Tibet. Alors non, je ne vais pas m’attaquer aux sommets de l’Annapurna, mais à un trek plus faisable, et certainement le plus réputé au Népal : le tour des Annapurnas ! Il s’agit, comme son l’indique, de faire le tour du massif, en passant par le col de Thorong-La, à 5416m. Pour faire la boucle entière, il faut environ 3 semaines. Je n’ai pas ce temps devant moi, d’autant que la dernière partie de la boucle suit la route, ce qui ne m’intéresse pas du tout.

Comme je l’ai dit, j’ai fait le choix de ne prendre ni porteur, ni guide. Pourquoi ? Le porteur, pour une raison évidente : je ne veux pas participer à cette pratique d’esclavage moderne… Payer un mec pour qu’il porte mon sac d’Européenne, et qu’il se plie en 2, qu’il grimpe avec une paire de sandales à deux balles et qu’il meure à 40 ans en ayant essayé de gagner 15 USD/jour, très peu pour moi. Certains contesteront en disant que ça fait vivre l’économie locale, je répondrai qu’il y a d’autres moyens de financer l’économie locale. S’il n’y avait pas de touristes pour payer les « sherpas », il n’y aurait pas de porteurs et ceux-ci seraient probablement guides… C’est la loi de l’offre et de la demande… s’il n’y a pas de demande… Quant au guide, cela a été le sujet d’une longue réflexion, partagée entre le fait justement de profiter à l’économie locale et de mieux comprendre la culture népalaise et le fait d’être seule, principale motivation de mon voyage, pour retrouver les sensations de Compostelle. J’ai beaucoup lu à ce sujet : le chemin est très bien balisé et donc le guide n’est pas nécessaire. J’ai lu de nombreux blogs de voyageurs l’ayant fait seul et sans risque… C’est ainsi que j’ai décidé d’y aller seule.

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Le trek commence depuis la petite ville de Besi Sahar, à 175km à l’ouest de la capitale, soit 6 heures pliée en deux au fond d’un minibus local, entre un coq, mon sac à dos et de la musique népalaise… le tout sur une piste rocailleuse et étroite, où les dépassements entre véhicules sont plus que périlleux. Nous passons d’ailleurs plusieurs accidents… Mais peut-être devrais-je me sentir rassurée que les passagers népalais se signent lorsque nous passons des temples ? Autant dire que je ne suis pas mécontente d’arriver et de me détendre les jambes. Vite, je déplie mes bâtons de marche et je sors rapidement de la ville pour me retrouver au calme. Je trouve les premières signalisations rouges et blanches qui me guideront tout au long du trek. Celles-ci me font quitter la route poussiéreuse et me mènent à travers la forêt et les rizières, le long de la rivière Marsyangdi, que je suivrai pendant plusieurs jours. Je progresse dans une moiteur étouffante qui annonce un orage certain : mieux vaut pas traîner. Je croise un certain nombre de chèvres et de buffles. Cette première étape, rustique et rurale, me fait pensait au Quilotoa Loop en Equateur.

Lorsque je traverse les premiers villages, je suis choquée par le comportement des enfants : ceux-ci, qui me repèrent à une centaine de mètres, accourent vers moi pour me saluer d’un « namaste » avec leur bouille d’ange, avant de me demander, agressivement, des bonbons, des biscuits du chocolat ou de l’argent ! Jamais auparavant je n’avais vu cela. Ils sont même insistants et me suivent sur plusieurs mètres. Une fois, je perds patience et dis à l’un d’eux, sur un ton un peu agressif, d’aller à l’école plutôt que de demander. Et celui-ci me répond qu’il n’y pas d’école ici… Je me sens alors très bête sur le moment. Et c’est une chose qui me frappera par la suite du trek : dans tous les villages traversés, il n’y a quasiment jamais d’école, contrairement aux Philippines, par exemple, ce qui explique le très faible taux d’alphabétisation du Népal. Je suis attristée de voir qu’ils ont déjà perdu leur innocence à cause du comportement irresponsable de certains touristes qui veulent se donner bonne conscience et de l’éducation donnée par leurs parents qui les incitent à aller quémander. Et cela arrivera plusieurs fois sur cette courte portion du trek, à tel point que cela me gâche un peu le début.

Après 2h30 de marche, l’orage commence à gronder et les premières gouttes tombent : juste à temps lorsque j’arrive à Bhulbhule dans ma première guesthouse. Je découvre alors le fonctionnement des guesthouses sur le trek : une chambre privée avec un lit plutôt dur et une grosse couette, une salle de bains basique à partager mais avec eau chaude, du wifi plus ou moins fonctionnel, de l’électricité, et un choix varié de repas. Le grand luxe ! Je m’attendais à un confort moindre d’après mes lectures. Le principe est simple : on ne paie pas la chambre si le dîner et le petit-déjeuner sont pris sur place, ce qui me va parfaitement. A mon arrivée, je reprends ma routine de pèlerine : douche, lessive à la main, sieste et étirements et massage au Voltarène.

Au dîner, je goûte enfin le fameux Dhal Bat, LE plat du trekkeur : une grande assiette de riz, avec soupe de lentilles et pommes de terre, avec possibilité de se resservir ! Un bon plein d’énergie pour le lendemain. Je partage mon dîner avec d’autres marcheurs qui commencent également leur aventure.

1
mai

Comme toujours en Asie, le réveil est très matinal. J’avale mon petit-déjeuner avant de reprendre le chemin, avec mes sous-vêtements accrochés à mon sac pour les faire sécher. Discret la culotte rose… Même à cette heure-ci, il fait déjà lourd. Alors que je traverse des rizières et des champs de maïs en terrasse, j’aperçois, en fond de toile, les premiers sommets enneigés. Et je continue le long de cette rivière d’un turquoise resplendissant.

Vous noterez que j’indique les altitudes de départ et d’arrivée, pour donner une idée du dénivelé. Ne vous fiez pas à ces chiffres : en effet, il ne s’agit pas d’une simple montée en continu toute la journée, bien au contraire ! Et c’est toute la difficulté de ce trek : ça monte, ça descend, ça remonte de plus belle et ça redescend à pic… Et c’est ainsi que je grimpe un escalier mortel jusqu’à Bahundanda (1300m – même hauteur que le point d’arrivée du jour) en milieu de parcours pour redescendre entièrement jusqu’à Ghermu où je m’octroie une pause déjeuner. Sur cette journée, j’ai compté plus de 1000 mètres de dénivelé positif cumulé… Sous cette chaleur de plomb, je dégouline et je brûle. Et je pue ! Je n’ai rarement autant pué de ma vie.

En chemin, je traverse de nombreux villages, mais sans enfants quémandeurs cette fois ! Je suis surprise aussi par la quantité de chiens, étonnamment bien traités (fait rare en Asie) et très gentils, ce qui me fait oublier les mauvaises expériences de Compostelle. La vie dans les villages est sommaire, mais moins pauvre qu’en ville.

Je traverse une fois de plus la rivière sur un pont hasardeux. Ah ça, les ponts ! Pas un jour sans un pont lors d’un trek au Népal… mieux vaut ne pas avoir le vertige et avoir confiance ! Ils sont souvent ornés des fameux drapeaux colorés, qui sont, en réalité, dans la tradition bouddhiste tibétaine, des drapeaux de prière pour sanctifier l’air et apaiser les dieux. Leurs couleurs (bleu, rouge, blanc, jaune, vert), représentent les 5 éléments : eau, feu, air, bois, terre. Parmi les autres symboles du bouddhisme tibétain que je croise régulièrement, il y a les moulins à prière que je fais tourner sur mon passage en espérant une quelconque protection, et les stupas. N’oublions pas que, si le Népal est à majorité hindouiste, Bouddha y est né et le Népal le revendique fièrement. Et dans les montagnes, c’est le bouddhisme qui domine.

J’attaque la dernière montée sur la « route » rocailleuse et poussiéreuse où passent les jeeps qui montent les marcheurs plus flemmards ou qui ont moins de temps jusqu’à Chame, voire Manang, bien plus loin sur le chemin. Cette portion n’est pas très agréable à passer : entre les véhicules, les pierres et la montée raide… Je croise également quelques singes. Et pour la petite anecdote, il y a aussi des cultures de cannabis dans la région…

Enfin, j’arrive, exténuée, dans le village coloré de Jagat où je trouve refuge pour la nuit, dans une guesthouse de même type que la veille. Avant de prendre une douche bien méritée, je décide d’aller profiter des sources chaudes à 15 minutes du village : une idée alléchante mais pas si brillante, étant donné, qu’il me faut descendre à flanc de colline jusqu’à la rivière une pente particulièrement raide et glissante que je dois remonter après…

Le soir, au dîner, je retrouve 2 frères français que j’ai rencontrés la veille. Comme sur le chemin de Compostelle, je retrouve les mêmes marcheurs d’un jour à l’autre, ce qui rend l’expérience conviviale.

2
mai

L’air est frais ce matin, ce qui n’est pas du luxe. Les paysages changent peu à peu : j’avance dans le canyon, le long de cette rivière d’un turquoise toujours aussi époustouflant, au milieu des montagnes. Je passe aussi des forêts de bambous et quelques rhododendrons (pas en fleurs contrairement aux indications du Lonely Panet). Encore une fois, le dénivelé est éreintant : la montée jusqu’à Tal m’épuise, mes muscles brûlent. Il est vrai que je fais peu de kilomètres chaque jour, mais il faut garder en tête le dénivelé constant, qu’il soit positif ou négatif. L’arrivée à Tal est splendide : un village coloré dans une grande plaine en bord de rivière, et une atmosphère paisible.

Après Tal, j’enchaîne une série de montées et de descentes… et lors d’une énième montée, je me retrouve face à une vache qui me barre la route. Rien d’étonnant ici… mais lorsque je m’approche pour la dépasser, elle commence à me charger… Heureusement, mes bâtons de marche l’arrêtent. C’est alors que j’aperçois derrière elle son veau : elle le protège. Très bien, mais que faire ? Je vois un autre chemin qui grimpe et me permet de la dépasser : après coup, je comprends qu’il s’agit, en fait, du bon chemin ! Merci la vache !!

A Dharaphani, je passe le premier check point où je dois montrer mon permis et m’enregistrer auprès de la police. De mon point de vue, il s’agit plus d’une mesure administrative bureaucrate que de sécurité, mais bon… J’en profite pour déjeuner ici et retrouve 2 randonneurs croisés plusieurs fois déjà. C’est aussi ici que je découvre le pain tibétain et le miel local, une douceur qui ravit mes papilles et que je dégusterai chaque jour !

Ici, dans les montagnes, la population est très différente de Katmandou : moins indienne, plus tibétaine ou mongole, dans les traits et la manière de s’habiller. La multitude d’ethnies au Népal est frappante. Ceci dit, même dans les montagnes, les femmes portent toutes des bijoux et ont souvent le nez percé, dès petite. Et le port du vernis est très à la mode.

Je termine la journée à Barganchap, quelques kilomètres après Dharaphani. Les températures sont déjà plus fraîches et les guesthouses plus rustiques.

Il est encore tôt dans la journée. J’en profite pour faire un point sur ces premiers jours :

  • Mon sac est lourd et je commence à le ressentir dans mon cou et mes épaules. Et pourtant, il est bien plus compact et léger que ceux des autres randonneurs, d’autant que j’ai fait le choix de ne pas prendre de sac de couchage, choix que je ne regrette pas pour le moment car il y a toujours de grosses couettes dans les guesthouses. Et c’est plus propre qu’on ne le dit.
  • Depuis hier, j’arrête d’acheter l’eau en bouteille, pour des raisons écologiques et économiques (les prix augmentent avec l’altitude…). Je purifie maintenant l’eau des villages avec du Micropur. Cela me fait porter un kilo d’eau supplémentaire : en effet, j’utilise mes deux poches à eau de 600mL chacune lors de la marche et j’ai une bouteille d’un litre en cours de purification à chaque fois, pour avoir toujours un peu d’avance, car il faut 2 heures pour que la purification se fasse. Toute une logistique !
  • Je suis étonnée par la faible fréquentation générale du trek alors que c’est l’un des plus populaires et des plus accessibles. Mais je ne vais pas me plaindre de cela. Je remarque également que, jusqu’à présent, je suis la seule femme à marcher totalement seule sur ce chemin. Si un certain nombre de randonneurs ont aussi choisi de le faire sans guide ni porteur, ils sont souvent en petits groupes. Mais je n’en suis pas pour autant inquiète, car il y a toujours une présence humaine, que ce soit des locaux ou des touristes.
  • Les porteurs… J’en reviens à cela car j’en ai croisé plusieurs. Et c’est tout simplement scandaleux ! Admettons que certaines personnes en aient besoin, pour une question de santé. Celles-ci pourraient au moins limiter le poids de leur sac ! En effet, certains porteurs ont plus de 40kg sur le dos !!!! Car un groupe de 3 ou 4 personnes peuvent prendre un seul porteur pour tous. Vous imaginez un peu ? Déjà que je souffre avec ma petite dizaine de kilos… Bref, ce sont des conditions inhumaines de travail et je suis outrée de voir que des Occidentaux aient recours à ces pratiques d’esclavage… d’autant qu’il s’agit souvent de ces nouveaux « hippies » vegan et bien-pensants qui protestent lorsqu’on tue une vache pour la manger mais qui n’ont aucun respect pour des êtres de la même espèce qu’eux ! Il me semblerait normal de limiter le poids à 10-15 kg par porteur. Donc si un jour vous décidez de faire un trek, au Népal ou ailleurs, s’il vous plaît, réfléchissez bien avant de prendre un porteur. Et si les conditions en requièrent un, ne chargez pas le porteur plus que vous vous chargeriez vous-même…
3
mai

Les températures baissent encore un peu. C’est maintenant la température idéale pour avancer. Et les paysages changent, une fois de plus : me voici dans les forêts de pins et les montagnes, un paysage digne du Canada ! Les dénivelés sont aussi moins importants, et je prends un bon rythme. Je ne sens presque plus le poids de mon sac, qui fait partie de moi maintenant. Au fur et à mesure que je monte, une brume s’installe, rendant le paysage mystérieux…puis c’est une petite bruine qui arrive. Rien de bien méchant par rapport aux fortes pluies de Katmandou. Et puis je suis habituée et bien équipée.

J’avance si bien que j’arrive à Chame, ville dans laquelle je pensais faire étape, en 3h30. Je m’y arrête pour prendre mon traditionnel pain tibétain et miel. Chame est une ville importante sur le chemin. Nombreux randonneurs commencent leur chemin ici. Me sentant en bonne forme, je décide alors de continuer mon chemin jusqu’à Bratang, à 1h30 d’ici, où il y a aussi des hébergements, je m’en suis assurée auprès de guides locaux.

Je poursuis sur la « route » (oui, toujours la même piste rocailleuse et poussiéreuse) et arrive donc comme prévue, à Bratang, où il n’y a que des pommiers et une seule guesthouse qui me semble bien luxueuse… et de fait, il faut débourser 40 USD pour y séjourner !! Et dire que je m’imaginais déjà sous la douche… Sacré revers ! Je n’ai donc pas d’autre choix que d’aller jusqu’au village suivant, qui est à une heure d’ici, alors que je commence à être fatiguée. Et surtout, ce village est bien plus élevé…

J’engage donc le restant de mon énergie sur cette dernière portion. Je passe l’impressionnante paroi du Pisang et traverse, une fois de plus, la rivière. De l’autre côté du pont, je retrouve un Américain déjà rencontré plusieurs fois sur le chemin. Sa réputation le précède : tout le monde connaît son histoire par ici… C’est le seul randonneur qui a commencé son chemin sans argent liquide et sans permis… car il n’était pas bien renseigné… Ah, sacrés Américains !

Il est surpris de me voir ici car il avait de l’avance sur moi. Je lui raconte donc ma mésaventure du jour. Nous grimpons ensemble dans cette belle forêt de pins. Il est gentil mais très Américain, donc parle beaucoup de choses plutôt inintéressantes… mais enfin bon, il me tient compagnie et surtout me permet de maintenir le rythme pour terminer ma journée.

Nous arrivons à Dukhur Pokhari lorsqu’il se met à pleuvoir des trombes d’eau : c’est ici que je m’arrête alors que lui poursuit encore un peu. Il commence à faire froid maintenant. Et lorsque je m’arrête de marcher, ma transpiration me glace les os. Je suis frigorifiée et la douche ne sort qu’un faible filet d’eau chaude…

Le soir tombe et l’électricité est coupée, comme cela arrive régulièrement au Népal. C’est dans la sombre salle à manger que je rencontre Mikel, un jeune médecin espagnol vivant à Barcelone qui vient de commencer un tour du monde de plus d’un an… Tout naturellement, nous sympathisons.

4
mai

Au réveil, je découvre, face à la guesthouse, sous un soleil rayonnant, le sommet de l’Annapurna II qui se dresse majestueusement devant moi. La journée s’annonce belle malgré le froid qui se fait sentir. Un spectacle comme ça dès le matin ne peut être que de bon augure.

D’un commun accord implicite, je pars avec Mikel. Nous sommes tous les deux des voyageurs solitaires et indépendants et aucun ne prend le risque de s’engager à faire le reste du chemin ensemble. Nous ne savons que trop bien, qu’en plus du fait qu’il faut bien s’entendre, il faut marcher au même rythme pour continuer ensemble… ce qui est difficile. Donc aucun compromis : nous commençons ensemble et nous verrons bien où cela nous mènera.

Nous poursuivons dans la forêt de pins, au même rythme et en silence, ce que j’apprécie, d’autant qu’on peut commencer à sentir que les montées demandent un effort supplémentaire à cette altitude.

Et c’est après avoir Upper Pisang que les choses se compliquant : nous voilà face à une montée raide menant à Gyary, à 3700m, soit plus de 600 m de montée abrupte, en plein soleil, à plus de 3000 mètres d’altitude… Pour info, à cette altitude, le corps absorbe 30% moins d’oxygène qu’au niveau de la mer. J’ai appelé cette montée, la montée de la mort… Ici, tout le monde marche au ralenti et en silence. Ma respiration se fait difficile, je suis à bout de souffle. J’essaie de caler mes pas sur ma respiration : pied gauche, inspire, pied droit, expire et je synchronise mes mouvements de bâtons. Mes jambes voudraient aller plus vite mais mon cœur ne suivrait pas. Ah, et j’ai oublié de vous dire : Mikel est cardiologue… donc me voilà rassurée. En cas d’infarctus, il saura quoi faire !!

L’arrivée au sommet de Gyary est une belle récompense : en plus de la satisfaction d’avoir terminé la montée de la mort, le panorama est tout à fait somptueux… Nous découvrons la chaîne des Annapurnas et ces sommets enneigés : de l’Annapurna II au Ganggapurna, en passant par l’Annapurna IV et III. Et en plus, nous arrivons au pied d’un gompa (monastère tibétain) où une mamie népalaise vend des petits chaussons aux pommes. Autant dire que je n’ai jamais autant savouré un chausson aux pommes de toute ma vie !

Ici, je retrouve l’Américain de la veille qui est surpris de me voir déjà là : c’est à partir de cet instant que je suis surnommée « la femme la plus rapide du trek »… Mikel aussi est étonné : je suis arrivée quelques minutes avant lui à bout de la montée de la mort, alors que ce semi-marathonien est bien plus sportif que moi ! Pourtant, je vais lentement… mais il est vrai que je ne m’arrête pratiquement jamais. Je préfère un effort lent et constant, chacun sa technique !

Après quelques minutes de repos, nous repartons et c’est un nouveau paysage qui arrive : plus aride, des grandes steppes et des villages de pierres… Un petit air de Mongolie par ici, mais moins plat. La nature semble plus hostile dans cette région, et le vent s’est levé.

Nous faisons une dernière pause pour mon second petit-déjeuner quotidien avant d’entamer l’interminable descente vers Braka. A partir d’ici, les chambres ne sont plus gratuites en échange des repas. Et l’accès à l’électricité est limité à certaines heures de la soirée. Mais l’eau est toujours chaude !

Braka est un beau village, avec un gompa à flanc de montagne. On se croirait au Tibet.

5
mai

Le courant passe bien avec Mikel et nous décidons de faire notre journée d’acclimatation ensemble. Le principe : monter très haut et redescendre dormir à la même altitude que la veille (donc à Braka) pour éviter le mal des montagnes par la suite. Direction donc le Ice Lake, à 4600 m, soit une montée de 1150 mètres… Si la montée de la veille était celle de la mort, celle-ci est celle de l’agonie… Un enfer ! Il s’agit d’une montée raide et ininterrompue, sur un sentier étroit et sinueux, pendant 4 heures… Je le répète : un enfer ! Au bout de quelques pas, je suis déjà essoufflée. Le moindre pas demande un effort surhumain. Je suis obligée de m’arrêter toutes les 10 minutes pour reprendre mon souffle. Je vais lentement, très lentement et reste concentrée sur ma respiration. Je suis également attentive au moindre signe de mal des montagnes. Sur cette étape, Mikel est bien plus rapide que moi : il semble avancer sans aucune difficulté. Nous faisons une pause à 4250m où se trouve une « teahouse » (petit restaurant) pour savourer mon pain tibétain tant aimé, avant de continuer. Par chance, le soleil brille…mais, à cette altitude, il brûle également… Finalement, après 3h30 d’ascension, j’atteints le fameux lac. Mikel m’y attends depuis quelques minutes. Nous profitons du panorama : le lac et la chaîne des Annapurnas en arrière-plan… me voilà très fière de moi : j’ai atteint les 4600m, un record personnel (l’année dernière : 4092m au mont Kinabalue en Malaisie).

Mais, nous ne sommes pas au bout de nos peines, car il faut redescendre maintenant… Et cette fois, ce sont les genoux qui morflent. La montée raide se transforme en descente raide et glissante, c’est épuisant de devoir contrôler chaque pas.

Enfin, nous sommes contents de rentrer dans notre auberge. Nous avons fait notre journée d’acclimatation et nous nous sentons bin. Aucun symptôme du mal des montagnes pour le moment, espérons que ça dure !

6
mai

Les journées sont routinières maintenant : réveil matinal, petit-déjeuner et départ. Je ne sens plus du tout le poids de mon sac maintenant. Et grâce à la journée de la veille, la respiration n’est pas aussi difficile. Je poursuis avec mon compagnon de trek. Nous passons le check point de Manang, dernière ville où s’arrête la route et où il y a un médecin. Les montées sont maintenant moins raides. Et c’est donc assez facilement que nous arrivons à Yak Karka, à 4000m, pour notre second petit-déjeuner, tout en discutant tout du long, ce qui surprend les autres marcheurs essoufflés. Sans le savoir, ce sera mon dernier pain tibétain au miel de ma route. Nous continuons jusqu’à Ledtar, à 4200m, où nous sommes supposés faire étape. En effet, l’une des règles de base pour éviter le mal des montagnes, c’est de ne pas monter plus de 500 mètres, voire 700 mètres maximum entre 2 nuits… Sauf que voilà, Mikel et moi nous sommes bien trouvés : impulsifs et impatients tous les deux, prêts à repousser un peu les limites… Nous nous sentons parfaitement bien, nous avons fait notre acclimatation la veille, nous ne sommes pas fatigués et il est encore tôt. Et mon GPS indique une guesthouse un peu plus loin, à 4300m, alors nous décidons de continuer un peu…

Nous entamons donc une bonne montée pour atteindre cette guesthouse, qui ne s’avère n’être qu’une teahouse… Ah, nous voilà bien ! Que faire ? Retourner sur nos pas à Ledtar ? Ou pousser encore un peu et atteindre Thorong Pedi, le fameux camp de base, ultime étape avant le col ? Un regard suffit pour se mettre d’accord : hors de question de revenir en arrière si aucun de nous deux se sent mal… Nous poussons donc jusqu’au camp de base. Ma seule crainte étant de sentir les premiers effets du mal des montagnes pendant la nuit…

Nous arrivons donc au camp de base : ici, pas d’eau chaude et pas d’électricité, mais une ambiance chaleureuse et conviviale où se retrouvent tous les marcheurs avant d’entamer la dernière étape. Face aux Annapurnas, nous goûtons le burger de yak, bien mérité. Etant donné notre ascension rapide, nous sommes d’accord pour ne pas passer le col le lendemain, mais plutôt de faire une étape intermédiaire au High Camp situé à 4950m, à 1 heure d’ici. Cela nous fera une coute journée mais nous avons de l’avance. Alors que tous les autres randonneurs se préparent à se lever aux aurores le lendemain pour passer le col, nous sommes plutôt détendus. Mais un guide va nous faire changer d’avis : lorsque nous lui racontons notre avancée et notre plan pour le lendemain, il nous fait comprendre que cela n’a aucun intérêt. Soit nous prenons une journée de repos au camp de base, soit nous passons le col : mais aucun intérêt de faire une étape intermédiaire… Cela fait plusieurs heures maintenant que nous sommes à plus de 4500m et toujours pas de mal des montagnes : c’est décidé, nous passerons le col demain !

Alors que la nuit est glaciale et le ciel étoilé, nous nous préparons pour partir le lendemain à 5h du matin… La nuit va être courte.

7
mai

Je n’ai pas bien dormi, stressée par ce qui m’attend. Je doute fortement de mes capacités à passer le col. Nous nous réveillons alors qu’il fait encore nuit. Dans la salle à manger, le petit-déjeuner se prend en silence, avec tous les autres marcheurs, déjà équipés : bonnet, gants, frontale, doudoune… L’atmosphère est étrange : entre appréhension et excitation… Une certaine solidarité se note lorsque nous échangeons des regards avec les autres : nous allons tous vers le même but. Alors que les groupes partent avec leur guide vers 4h30, nous partons dans les derniers, vers 5h, lorsque le soleil commence à pointer le bout de son nez.

Nous entamons alors la journée de l’enfer. Il faut tout d’abord monter jusqu’au High Camp, à 4950m. Ici, la pente est très raide, la montée est continue. Le problème principal est d’arriver à doubler les groupes, en particulier les groupes de Russes qui n’avancent pas et qui ne laissent pas passer. Cela oblige à devoir accélérer au moment du dépassement, ce qui fatigue énormément à cette altitude. Ces groupes, je les hais : typiquement, ces nouveaux riches qui pensent que tout s’achète et qui chargent les porteurs comme des mules… Oui, parce que la femme russe ne va pas faire son trek sans son maquillage… Enfin, nous arrivons à dépasser tant bien que mal ces groupes mal éduqués.

Mais j’ai le souffle coupé. Je sens aussi, pour la première fois, mes muscles qui tirent. Mikel a un peu d’avance devant moi. J’étais partie pour faire ce trek seule, mais je dois reconnaître que de le faire à deux est plus aggréable : il y en a toujours un qui maintient le rythme et qui mène, à tour de rôle, et cela motive.

Après le High Camp, le chemin est moins raide mais plus irrégulier, avec quelques descentes. Et c’est ici que la neige apparaît. Le vent glacial qui souffle à transformer ces blocs de neige en congères glissantes. Passés les 5000 mètres, l’ascension devient vraiment ardue. Le silence est total, ou presque : je n’entends que les pas, les bâtons et les respirations. Chaque pas semble prendre une énergie énorme. J’avance en slow motion : j’essaie de faire des petits pas, mais tente de m’arrêter le moins possible.

En ce qui me concerne, je souffre surtout de ce vent glacial qui me frappe en pleine face, gerçant mes lèvres déjà brûlées par le soleil les jours précédents, m’empêchant de respirer, refroidissant mes sinus et surtout, gelant mes mains malgré mes gants. A ce stade, mes doigts sont engourdis. J’essaie de les bouger continuellement sur mes bâtons pour stimuler la circulation du sang mais je ne les sens quasiment plus.

Je commence aussi à sentir ma conscience partir, comme si mon esprit se dissociait de mon corps. J’ai presque l’impression de me voir marcher de l’extérieur. Je marche machinalement, comme un automate. Pour maintenant mon cerveau actif, je tente de penser à plein de choses. « Vais-je retrouver mes mains ? Vais-je perdre des phalanges ? Quand même, ça serait une belle connerie de perdre mes mains sur ce trek. Putain, c’est vraiment de la contrefaçon de merde ces gants. Bon en même temps je les ai payés 6 euros… Est-ce que l’hélicoptère peut venir me chercher ici s’il m’arrive quelque chose ? Pourquoi j’ai décidé de me lancer dans ce trek alors que je ne suis pas sportive ? Tu parles, ça ne servait vraiment à rien d’aller courir sur la Barceloneta 5 km. Est-ce que je vais arriver au bout ? Mmm, pas sûre… Putain, mais sérieusement, qu’est-ce que je fais là ? Et si je mourrais d’un œdème pulmonaire ? Et dire qu’en ce moment, mon sang est 50% moins saturé en oxygène qu’à Barcelone. J’espère que cela ne va pas tuer mes neurones». J’essaie aussi de penser en anglais pour me maintenir alerte.

Mikel est derrière moi, il a beaucoup de mal également. Mais je dois continuer à mon rythme, sinon, je vais abandonner.

J’entame alors une portion entre deux montagnes : ça y est, je dois être dans le col, il ne doit pas être loin… Mais tout est si interminable… J’essaie de me fixer des mini-objectifs « quand tu atteindras cette pierre, tu pourras te reposer ».

Le froid est insupportable. J’ai mon bonnet mais cela ne suffit plus. Je n’arrive pas à mettre ma capuche avec mes mains totalement mortes, congelées autour des bâtons de marche. Je demande au marcheur derrière moi de m’aider à mettre ma capuche. Puis, marchant plus ou moins au même rythme, je décide de suivre ses pas. Je continue comme un robot, machinalement. J’ai quelques micro-secondes de black-out total. D’ailleurs, à l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai que des flashs qui me reviennent… Je vais perdre conscience, c’est sûr. Je suis les pas de cet homme. Je me fixe sur ses chaussures. Je ne pense plus qu’à cela. Puis tout à coup, je l’entends murmurer quelque chose. Je lève la tête et aperçois la multitude de drapeaux de couleurs annonçant le fameux col. Et là, comme lorsque j’ai aperçu la cathédrale de Compostelle, je me sens pousser des ailes. Je laisse échapper un cri de soulagement et avance à toute vitesse, laissant le marcheur derrière moi. J’aurais voulu exprimer ma gratitude à cet inconnu, il n’a probablement aucune idée de la force qu’il m’a donné. Mais, je ne l’ai plus jamais revu, comme s’il avait disparu. Peut-être l’ai-je rêvé ? Etait-ce un ange ? La seule preuve que j’ai de son existence, c’est que j’avais bien ma capuche sur la tête à l’arrivée au col…

A ce moment, je ne peux retenir mes larmes. Ce sont avant tout des larmes d’épuisement. En face du point culminant, une teahouse : je m’y dirige directement pour y réchauffer mes mains. J’arrive en larmes, ce qui est totalement con, car pleurer à 5416m, ça empêche encore plus de respire et les larmes me refroidissent le visage. J’ouvre la porte de la teahouse. D’autres marcheurs sont déjà arrivés. Mes sanglots les touchent et ils m’applaudissent. Et je continue de pleurer, je ne peux plus m’arrêter. Ce sont maintenant des larmes de joie et surtout de grande fierté. J’enlève tout de suite mes gants et demande de l’aide : j’ai besoin de réchauffer mes mains au plus vite. Et c’est là que je vais vivre un beau moment d’humanité, de ceux qui restent gravés : le Népalais qui prépare le thé chaud pour les marcheurs me fait passer à côté du réchaud, me prend les mains, me les réchauffe dans les siennes en s’approchant du gaz. En prenant mes mains, il est surpris de voir à quel point mes mains sont froides et il me regarde en disant « cold ? ». Ce regard, jamais je ne l’oublierai : si doux, si humain. Ce regard, émouvant, me fait pleurer de plus belle. Il est certainement ému par mes larmes que je n’arrive pas à arrêter. C’est lorsque je vis de tels moments que le voyage me transcende totalement. Beaucoup ne comprennent pas mon amour des voyages… mais tout est là : malgré toutes les différences culturelles, religieuses, économiques, sociales, ethniques, malgré tout ce qui nous sépare, nous sommes tous des êtres humains. Et de par nos émotions universelles, notre humanité nous lie. Cet homme est certainement le second ange sur mon chemin.

Puis, un autre Népalais me laisse sa place assise près du réchaud. Je pensais que c’était un guide. Plus tard, lorsqu’il reprendra son chargement, je comprendrai que c’était un porteur… Cet homme aussi me transperce le cœur avec son regard plein d’empathie et sa main sur mon épaule.

Le changement de température me brûle les doigts, la douleur est terrible. Mais quelques minutes plus tard, je sais enfin que je n’aurais pas besoin d’être amputée des mains.

Alors que je prends mon thé et tente de reprendre mes émotions, c’est Mikel qui apparaît dans la teahouse : on se saute dans les bras ! Nous avons réussi ensemble !! Même si nous n’avons pas toujours marché ensemble dans les montées, le fait de savoir que l’autre était devant nous a permis de garder le rythme et de pas abandonner.

Et nous faisons les fiers : non seulement nous avons fait le trek en une semaine alors qu’il faut normalement une dizaine de jours, non seulement nous n’avons pas le mal des montagnes, non seulement nous n’avons pas eu recours au Diamox (un diurétique qui permet de se doper un peu et de soigner le mal des montagnes), mais en plus nous avons atteint le col en 3 heures alors qu’il en faut en moyenne 4… Non, l’humilité n’est pas de mise, mais bon, pour une fois, soyons un peu fiers !

Je dois le reconnaître : j’étais loin d’être sûre d’arriver ici. La satisfaction est immense. Je n’ai jamais été une grande sportive, loin de là… Et avec cet « exploit » (à mon échelle…), je prouve que la détermination, la volonté et la force de caractère valent bien plus que quelques muscles… Les larmes qui continuent de couler (et encore maintenant alors que j’écris ces mots) sont celles d’une grande fierté.

Petite séance photo devant le passage du col, un autre thé, une barre chocolatée et nous décidons d’attaquer la deuxième partie de la journée, et certainement pas la plus drôle… la descente ! Pour arriver à Muktinath, il va falloir descendre 1600 mètres à pic, sur un sentier étroit et glissant, alors que nous sommes exténués… Les muscles aussi commencent à être à bout. La descente demande une grande concentration malgré la fatigue. Et dans la descente, nous commençons à avoir la tête : rien d’étonnant après l’effort fourni. Et rien de grave non plus : la douleur est devant et non à l’arrière, pas de mal des montagnes en vue donc ! Alors que nous redescendons, la chaleur réapparaît. Mes genoux n’en peuvent plus.

Enfin, nous arrivons à Muktinath, un village fantôme digne d’un western, en début d’après-midi. C’est ici que se termine notre trek, après 124km et plus de 8000 mètres de dénivelé positif (soit quasiment l’Everest…). A Muktinath, il est possible, comme je vous le disais au début, de poursuivre le trek, mais comme la route reprend ici, ce tronçon est moins attirant. Et le temps manque… En revanche, nous devrons attendre 16h pour prendre le bus et quitter ce lieu peu accueillant. L’idée est de rejoindre Jomsom, à 1h30 d’ici pour y passer la nuit avant de partir pour Pokhara. Mikel, qui prévoyait de faire d’autres treks dans la région, décide de me suivre car il a une blessure au pied qui demande du repos au risque de s’infecter.

Nous montons donc à bord d’un bus local : je n’ai même pas les mots pour le décrire… Disons qu’il pourrait s’agir d’un vieux jouet qui bringuebale dans tous les sens alors qu’il roule sur « même pas une piste » sur laquelle les jeeps ont-elles-mêmes du mal à avancer… Bref… Nous essayons quand même de profiter du paysage sensationnel de cette région de Mustang, désertique et sauvage.

Nous nous arrêtons à Jomsom pour la nuit, où nous passons le dernier check point. La nuit de sommeil va être bonne.

PS : un remerciement spécial à mon excellent médecin du sport qui m’a fait lire des dizaines d’articles sur le mal des montagnes (je suis une vraie experte maintenant) et à Linda, l’Apprentie Voyageuse, une blogueuse-voyageuse qui m’a conforté dans mon choix de trek.

8
mai

De Jomsom, nous prenons un bus local pour Pokhara, la deuxième ville du pays. Il y a 160 km, le trajet devrait durer 10 heures… Il en durera 13 ! Ça vous met dans l’ambiance… Une fois de plus, il s’agit d’un vieux bus en état de déconfiture. Comme nous sommes les premiers à monter, nous avons au moins la chance de pouvoir choisir deux sièges à l’avant avec de l’espace pour nos sacs. Nous sommes les seuls touristes à bord. Le problème principal de ce trajet, c’est qu’il n’y a pas de route, mais toujours cette même piste poussiéreuse et rocailleuse dont on perd parfois la trace…. Notre bus va même traverser une rivière. Et comme nous sommes en montagne, cette piste est étroite, rendant quasiment impossible le croisement de 2 véhicules, ce qui parfois amène à des situations cocasses de Tetris. Voilà pourquoi il est si long de se déplacer au Népal. Et c’est sans compter, que sur certains tronçons, il y a des travaux : ils construisent une « route »… C’est ainsi que nous nous retrouvons bloquer pendant une heure alors qu’un bulldozer dégage le passage. Bref, c’est épique ! Et pas la peine de vous dire qu’il est impossible de dormir : entre les 5 chansons népalaises qui tournent en boucle et les mouvements de cahotement du bus, même moi n’arrive pas à fermer un œil. Lorsque nous arrivons à Beni quelques heures plus tard, on nous fait comprendre qu’on doit changer de bus, pour un autre véhicule à peine plus moderne et plein à craquer. Certains passagers font la route debout. Nous avons mis nos sacs dans l’allée, mais comme ils gênent le passage, je prends le mien sur mes genoux pour les heures restantes. A cela, il faut ajouter la poussière que nous respirons au passage d’autres véhicules. Nous sommes sales. C’est à presque regretter notre trek… C’est dans ce genre de situation que je suis contente de ne pas être seule : nous nous soutenons mutuellement pour ne pas perdre patience.

Enfin, après 13 longues heures, nous débarquons à Pokhara, de nuit bien évidemment. Nous nous mettons à la recherche d’un hébergement en nous dirigeant vers le quartier de Lakeside (proche du lac, comme son nom l’indique), le quartier touristique de la ville. Nous entrons, au hasard, dans le premier hôtel qui nous semble correct et bingo : nous dégotons une grande chambre, avec 2 grands lits et salle de bains, pour 1000 roupies, soit moins de 10 euros ! Là encore, c’est un avantage d’être deux pour s’offrir le luxe d’une chambre privée au prix d’un lit en dortoir. Nous sommes ravis : après une telle journée, c’est une bonne nouvelle.

Après cela nous nous mettons en quête d’un endroit pour dîner. Alors, sur ce point, Mikel et moi faisons la paire : deux bons vivants à la recherche des lieux les plus authentiques, loin des restaurants touristiques, pour déguster les spécialités locales. En quelques jours, nous deviendrons experts de la cuisine népalaise qui, je dois bien le dire, est excellente, bien qu’un peu trop épicée pour moi. Nous dégusterons tous les plats les plus typiques : le Dhal Bat (déjà bien testé pendant le trek), les Momos (raviolis), qu’ils soient de légumes ou de buffle (et non, ici, on ne mange pas de vache, animal sacré pour les Hindous), le Thukpa (soupe de nouilles ressemblant au Pho vietnamien), le Chowmein (nouilles sautées), le Sekuwa (viande grillée), le Sukuti (viande séchée), les Chapati (pain indien), les Samossas, et j’en passe ! Bref, vous l’aurez compris, je n’ai pas maigri pendant ces quelques jours… Nous atterrissons toujours dans des boui-bouis locaux, où les rats sont parfois de la partie… L’avantage d’être deux, c’est que nous pouvons commander plusieurs plats et partager. Et surtout, je donne ce que je n’aime pas à Mikel qui mange tout ! Dans ces restaurants locaux, il y a toujours un pichet d’eau (potable) sur la table, mais pas de verre : il faut boire directement au pichet. Les plus adroits peuvent le faire en éloignant le pichet de la bouche, mais pour moi, c’est la douche assurée, alors je suis obligée d’y poser mes lèvres : pas très hygiénique… Mais bon, cela fait 10 jours que je suis au Népal et pas l’ombre de problèmes digestifs pour le moment !

Le lendemain matin, nous découvrons enfin Pokhara de jour. Et là, surprise : c’est une ville magnifique, avec des belles bâtisses colorées et coquettes, une route en bon état, avec des trottoirs dignes de ce nom, très propre (il y a mêmes des poubelles) et pour couronner le tout, les Annapurnas en toile de fond ! Le sommet enneigé et triangulaire du Machapuchare, seule montagne totalement vierge du Népal (il est interdit d’y grimper) domine. Bien que Pokhara soit une ville particulièrement touristique car c’est LA ville où viennent « chiller » les touristes (et se droguer aussi), en cette basse saison, c’est une ville calme et agréable. Le point phare de la ville est son lac, le Fewa Lake, dont la rive a été aménagée avec de petits restaurants : on se croirait presque à la plage ! C’est l’endroit idéal pour savourer le petit-déjeuner. Tout cela a un petit air de vacances que j’apprécie tout particulièrement.

Alors que le soleil réchauffe l’atmosphère, nous allons maintenant nous enfoncer dans la forêt et grimper un peu pour atteindre la pagode de la paix d’où l’on profite d’une vue à 360° sur Pokhara. Puis nous partons faire un tour au marché d’artisanat tibétain. En effet, la région de Pokhara compte de nombreux villages de réfugiés tibétains.

Pour finir la journée, je m’offre, en fin, LE luxe asiatique par excellence : un massage ! D’autant que celui-ci est mérité.

Pour notre deuxième et dernier jour à Pokhara, nous nous éloignons de Lakeside pour découvrir le « vrai » Pokhara et la vieille ville. Je trouve la ville relativement bien organisée et « riche » pour le Népal. C’est surprenant. Les habitants y sont charmants, nous saluant souvent à notre passage. Concernant la propreté des rues, Pokhara se distingue clairement de Katmandou. Mais, ceci dit, Katmandou est étonnamment propre aussi pour une ville pauvre et asiatique. Même si, bien sûr, on trouve toujours des déchets par terre, c’est en moindre quantité. Il faut dire qu’avec un tourisme de trek, mieux vaut essayer d’éveiller une certaine conscience écologique.

Je remarque aussi un détail qui me fait toujours sourire : le dodelinement de la tête pour dire oui, comme en Inde. Cela rend les Népalais encore plus sympathiques qu’ils ne le sont déjà.

Voilà donc le programme de Pokhara : détente ! Il est difficile de ne pas aimer Pokhara, même si en haute saison, cela doit être bien moins agréable, Lakeside se transformant en zone occidentale.

10
mai

De Pokhara, nous prenons un bus appelé « touristique » cette fois pour rejoindre la capitale. Ces bus, plus confortables et plus modernes, ont aussi une soute pour les bagages, et la climatisation. La route entre Pokhara et Katmandou est plus ou moins asphaltée : le voyage devrait donc s’annoncer meilleur que la dernière fois. On nous annonce 7 heures de trajet pour 200km… Et bien là encore, notre patience va être mise à l’épreuve… Bien que le trajet commence bien, nous nous retrouvons, en milieu de parcours, dans un embouteillage géant ; lié à la présence du premier ministre indien dans la région pour une célébration hindoue… Bref, le trajet prendra 10 heures, car, l’entrée dans Katmandou est infernale. C’est un vrai chaos où chacun fait bien ce qui lui plaît. Ah, ça ne m’avait pas manqué.

Enfin, nous arrivons dans notre auberge de Thamel. Ce quartier qui m’avait tant plu à mon arrivée, ne me charme plus autant. Il est bien trop touristique finalement. Disons que c’est parfait comme entrée en matière… mais après plus de 10 jours dans un Népal plus vrai, Thamel n’a plus la même image.

Pour notre dernière soirée ensemble avec Mikel, nous trouvons un restaurant newar (ethnie du Népal) pour déguster de nouvelles spécialités, dont le Chatamaari, la pizza locale.

Le lendemain matin vient le temps des adieux. Et oui, Mikel va poursuivre sa grande aventure au Bangladesh (ah oui, lui c’est un vrai voyageur, pur et dur) tandis qu’il me reste encore une journée pour découvrir la vallée de Katmandou. Alors bien sûr, c’est avec un petit pincement au cœur que je laisse mon compagnon d’aventure : mine de rien, cela fait 9 jours que nous voyageons ensemble et nous avons vécu des moments forts. Et puis, cela est toujours difficile de se retrouver seule après avoir passé beaucoup de temps à deux. C’était quand même plus facile, je dois bien le reconnaître. Mais bon, nous nous promettons de nous revoir à Barcelone à son retour…

Pour mes derniers moments à Katmandou, je décide d’aller visiter les célèbres monuments des alentours. Tout d’abord, direction Patan, petite ville à 10km au sud de la capitale, inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO pour sa place royale, également appelée Durbar Square. Le séisme de 2015 a touché une partie de l’architecture de la place, mais dans une moindre mesure comparée à Katmandou. L’atmosphère est paisible à Patan, loin de l’agitation de la capitale. C’est idéal pour déambuler et observer les scènes de vie quotidienne. La quantité de temples et de monuments sacrés est impressionnante dans cette petite ville aux édifices traditionnels. L’activité au temple Kumbeshwar me frappe particulièrement : ça grouille de monde. Ici, les fidèles suivent de multiples rites dont j’ai du mal à comprendre la signification. Mais il y a de la couleur, du feu, de l’encens, des offrandes, des prêtres… Je ne sais plus où donner de la tête.

De Patan, je rentre vers la capitale en minibus jusqu’à la gare routière centrale de Ratna Park. D’ici, je marche vers Swayambhunath. En ce samedi, jour hebdomadaire de repos, tout est plus calme que d’ordinaire. Il me faut grimper un long escalier longé de diseurs de bonne aventure et de marchands de grigris pour atteindre le stupa de Swayambhunath, aussi appelé temple du singe, en référence aux petits macaques qui rôdent dans le coin. Le stupa s’élève au-dessus de la capitale, avec un regard sévère et inquiétant de Bouddha sur les 4 faces. Tout autour, de nombreuses échoppes vendant de tout et n’importe quoi.

Enfin, je rentre à pied jusqu’à Thamle pour un petit tour de shopping souvenirs avant de déguster mes derniers momos.

Mon vol n’étant que dans l’après-midi, je profite de la matinée pour visiter quelques sites incontournables de la région. De bon matin, direction Pashupatinath, le temple hindou le plus important du pays qui se dresse sur la rive du Bagmati, un affluent du Gange. Pashupatinath est au Népal ce que Varanasi (Bénarès) est à l’Inde : un haut lieu de l’hindouisme où sont pratiquées les crémations des défunts ! L’entrée au temple même est strictement réservée aux hindouistes : un Népalais a tenté de m’y faire pénétrer, mais je me suis faite refouler par un garde… Je me contenterai donc du reste du complexe, malgré l’entrée chère payée. De l’autre côté du temple se trouve donc la rivière sur laquelle ont été construit les ghats de crémation. A cette heure matinale, on peut voir des bûchers brûlés… Et pour la première fois de ma vie, je vois un corps sans vie à peine enveloppé d’un linceul, en attente de la purification dans la rivière avant la crémation. Il y a plusieurs ghats : selon le statut social de la famille, le corps est brûlé plus ou moins près du temple, celui en face du temple étant réservé à la famille royale (lorsque le Népal était encore une monarchie) et aujourd’hui aux plus hauts placés de la société.

Sur l’autre rive, face aux ghats, les fameux sadhus, d’orange vêtu, bénissent les plus croyants ou prédisent l’avenir. Certains aussi se baignent dans les eaux grises et sales du Bagmati. Puis, des gradins s’élèvent sur la colline d’où on peut apprécier la vue sur le temple. Une succession de sanctuaires à Shiva se dressent face au temple. Ici, les Népalais viennent profiter du parc autour du temple pour se retrouver et se détendre, face aux scènes de crémation…

Je poursuis ma promenade dans les faubourgs de Katmandou : une atmosphère agréable y règne, loin des touristes. Je remonte ainsi jusqu’à Bodnath, où se trouve le plus grand stupa d’Asie ! Donc après une visite chez les Hindouistes, nous voilà chez les Bouddhistes. Et là encore, j’assiste à des scènes tout à fait étonnantes. Des centaines de fervents croyants font le tour du stupa, dans le sens des aiguilles d’une montre comme le veut la tradition, en psalmodiant des mantras, en priant, en chantant… certains mêmes en se prosternant au sol. Il y a beaucoup de moines bouddhistes également. Les moulins à prière tournent à toute vitesse, les cloches retentissent de toute part et l’encens embaume l’air ambiant. Ici aussi, il s’agit d’une communauté de réfugiés tibétains. Le stupa est lui-même rappelle celui de la veille, mais je dois dire qu’il est bien plus impressionnant et bien plus éclatant.

Enfin, je regrette tout de même les prix d’entrée exorbitants pour les touristes pour accéder à ces différents sites.

Je rentre à Katmandou en bus local. Je vais finir de faire mes sacs avant de quitter le pays du sourire, avec un brin de mélancolie dans le cœur…

13
mai

Ce que j’ai aimé :

  • Les Népalais, leur sourire, leur accueil
  • Le syncrétisme entre l’hindouisme et le bouddhisme
  • La mixité des ethnies
  • La diversité de la nourriture (et surtout le pain tibétain au miel)
  • Les paysages à couper le souffle


Ce que je regrette :

  • Les trajets en bus
  • Les routes merdiques et poussiéreuses
  • Le manque d’écoles
  • Le système de porteurs
  • Les dégâts du séisme de 2015, encore en cours de reconstruction
  • Le prix élevé des sites touristiques


Mon top 3 des activités au Népal :

  1. Se dépasser et atteindre des sommets lors d’un trek
  2. Se détendre sur les rives du lac de Pokhara
  3. S’immerger dans les pratiques hindouistes au temple de Pashupatinath


Je recommande si…

  • Vous aimez la nature
  • Vous êtes sportif
  • Vous voulez vous dépasser
  • Vous voulez vous initier à l’hindouisme
  • Vous êtes prêt à être dépaysé
  • Vous êtes ouvert et vous aimez le contact avec la population locale
  • Vous êtes patient, très patient…
  • Vous êtes humaniste


Et si c’était à refaire ?

Le Népal fait partie de l’un de ses rares pays qui, comme la Mongolie et la Birmanie, m’a profondément touché, droit au cœur. La gentillesse, la bonté et le sourire des Népalais sont inégalables. Je suis à peine partie que j’aimerais déjà revenir, pour y faire d’autres treks et y découvrir d’autres ethnies.

Pourquoi pas aller au camp de base de l’Everest, le Manaslu ou la région du Mustang, proche du Tibet ? En tout cas, je ne regrette en rien mon choix du tour des Annapurnas : c’est un trek accessible, facile à faire sans guide car bien indiqué, avec de bonnes infrastructures, et offrant une diversité de paysages sans pareil.

Aussi, je trouve qu’en 2 semaines, j’ai eu le temps, sans me presser, de voir les incontournables du pays. Il m’aurait fallu quelques jours supplémentaires pour aller jusqu’au parc national du Chitwan pour y faire un safari et voir les rhinocéros.

Au moment de quitter le pays, j’ai eu le cœur serré : je ne sais pas si c’est le trek ou le tout, mais ce voyage a changé quelque chose et restera l’un des plus marquants.

Globalement, je suis enchantée par la découverte de ce 65ème pays !

13
mai

Mon départ de Katmandou me serre le cœur : je sens une grande mélancolie en moi. Je ne pensais pas m’être autant attachée au pays. Il m’a envoûté sans que je m’en rende compte… Et dire qu’il y a 15 jours j’atterrissais ici même en me demandant bien ce qui m’avait pris d’entreprendre cette aventure, d’autant que j’avais choisi le Népal un peu par hasard… Et aujourd’hui, deux semaines plus tard, je m’en sens changée. Le Népal ne laisse pas qu’un visa sur mon passeport, mais aussi une marque profonde dans mon âme.

Quelques minutes après le décollage, j’ai la chance d’apercevoir les montagnes au-dessus du ciel, et certainement l’Everest. C’est le monsieur de l’enregistrement qui m’a spécialement choisi un bon siège, après m’avoir demandé si j’étais sur Tinder… Ils m’auront fait rire jusqu’au bout ces Népalais.

Quelques heures après, j’atterris à Doha, capitale du Qatar. Rien d’étonnant puisque je vole avec Qatar Airways, une de mes compagnies préférées soit dit en passant… J’ai déjà fait de nombreuses escales dans cet aéroport. Mais cette fois, j’ai du temps devant moi, toute la nuit même. J’en profite alors pour passer la frontière et sortir de l’aéroport pour aller visiter la ville et dormir dans un vrai lit !

Doha ressemble à l’image que j’en ai : beaucoup d’immigrés asiatiques et africains qui y viennent pour travailler, des hommes en tunique blanche coiffés d’un chèche, des femmes en burqa (pas toutes), une chaleur sèche, une certaine opulence et des portraits de la famille Al-Thani partout… Un sacré choc culturel en venant du Népal ! Pour être honnête et comme je m’y attendais, il n’y a pas grand-chose à voir à Doha mais l’ambiance du souk, plutôt moderne, est très agréable le soir. Il est vrai que les hommes me dévisagent un peu du fait d’être une femme seule, mais rien d’inconfortable. Depuis la corniche, on peut observer les gratte-ciels éclairés et le monument de la perle. A noter également la belle mosquée Fanar.

Voilà, rien qui ne vaut le détour, mais comme je passais par là, c’était l’occasion !