Potosí est une très charmante ville coloniale, se trouvant à 4070 mètres d'altitude et construite au pied du Cerro Rico ou 'Mont Riche'. C'est une ville très chargée en histoire et qui fut l'une des villes les plus riches au monde. En effet, les espagnols découvrirent en 1545 que le Cerro Rico débordait d'argent et se mirent à l'exploiter, construisant au sein même de la ville deux Casa de la Moneda (Hôtel de la monnaie) où étaient fabriquées les pièces pour le roi d’Espagne.
Une légende raconte que cette montagne avait tout d'abord été découverte par les incas, qui lorsqu'ils voulurent l'exploiter furent arrêtés par l’éruption d'un volcan. Ceci fut interprété comme étant un signe de la pachamama, et ils décidèrent de ne plus y toucher. Cet incident donna le nom à la ville au pied du Cerro Rico, Potosí dérivant du mot « potojsi » qui signifie « explosion » en quechua.
En 1544, un inca parti à la recherche d'un lama égaré dans la montagne. Le soir, il alluma un feu et au petit matin il découvrit de l'argent qui avait fondu durant la nuit. Il garda le secret de sa découverte jusqu'à ce que d'autres villageois commencent à se poser des questions en remarquant la quantité croissante de son troupeau de lama, signe de richesse à l'époque.
L'inca, Diego Huallpa raconta alors à son ami le plus proche la trouvaille qu'il avait faite. Mais ne voulant pas partager équitablement le butin, ils se querellèrent et son ami se vengea en informant les espagnols.
A partir de 1545, la montagne fût exploitée à très grande échelle et des millions d'esclaves d'Afrique et d'indigènes furent obligés à travailler dans la mine dans d'atroces conditions. Ils travaillaient 4 mois enfermés dans la mine. Ce sont plus de 8 millions d'esclaves qui perdirent la vie dans cette montagne. Parfois ils ne survivaient pas plus de 24h n'étant pas acclimatés à l'altitude, au froid et aux conditions austères d'exploitation de la mine.
A cette époque, il est dit que la montagne recelait tellement d'argent que les espagnols auraient pu construire un pont d'argent de la Bolivie jusqu'en Espagne et un pont retour en ossement d'hommes ayant péri dans la mine ou dans les fonderies.
L'exploitation de la mine demanda beaucoup de mains d’œuvres, de ce fait la population augmenta brutalement et Potosí fut considérée comme l'une des villes les plus peuplées du monde (plus grande que Londres ou Paris à l'époque).
Lors de notre séjour à Potosí, nous avons pu visiter la Casa de la Moneda ou musée de la monnaie où étaient fabriquées les pièces de monnaie espagnoles du XVIIème jusqu'au XIXème siècle lorsque les Boliviens obtinrent leur indépendance.
Sur chaque pièce étaient frappées des initiales pour indiquer la ville de fabrication de celle-ci. Par exemple, on trouvait sur une pièce de Potosí les initiales superposées « PTSI ». Plus tard les américains n'ayant pas de symbole pour leur monnaie prirent les deux dernières lettres de PTSI, ce qui superposé donna naissance au dollar encore utilisé aujourd'hui : $ !
La mine ne recèle quasiment plus d'argent et les pièces de monnaie boliviennes sont maintenant fabriquées au Canada et au Chili et les billets en France dans une imprimerie à Rennes.
Cependant la montagne du Cerro Rico est encore exploitée mais ne jouit plus de la grandeur de l'époque. On y trouve plus de 500 mines différentes où sont extraites du plomb, du zinc, de l'étain et le peu d'argent qui reste ...
Les mineurs travaillent à leur compte. Ils restent dans la mine jusqu'à ce qu'ils soient satisfaits de la quantité de minerai extraite qu'ils revendent ensuite aux laboratoires. Ils peuvent parfois rester jusqu'à 24h dans la mine, à mâcher de la feuille de coca afin de couper la faim et rester éveillés.
Avant d'aller visiter la mine, nous nous sommes rendues au marché des mineurs où nous avons pu acheter des feuilles de coca, de la dynamite, du jus de fruit ou de l'alcool pour ne pas arriver les mains vides et ainsi « aider » les mineurs à leur fournir du matériel vu qu'ils travaillent à leur compte.
C'est chaussées de nos bottes et coiffées de nos casques avec frontales que nous avons rencontré différents groupes de mineurs. Certains travaillent en groupe alors que d'autres préfèrent travailler seul...
La plupart commencent à travailler à 14 ans (si ce n'est plus tôt!) après le collège pour aider leur famille à subvenir à leur besoin malgré l'âge légal à 18 ans. Ils arrêtent de travailler vers 45-50 ans et leur espérance de vie ne dépasse rarement les 60 ans... En effet, en arpentant les galeries, la poussière et les différents gaz toxiques se font sentir dans les poumons.
Leur mode de vie n'aide pas non plus à une bonne santé entre les nombreux paquets de cigarettes fumés par jour, les bouteilles d'alcool à 96% et les feuilles de coca.
L'entrée de la mine est jonchée de flaques d'eau quelque soit la météo à l'extérieur, les bottes étaient les bienvenues ! Mais en s'enfonçant dans la montagne, l'air se fait plus rare, le sol est sec et les gaz toxiques ne s'évacuent pas..
Anecdote intéressante : lors de l'exploitation de la mine, les espagnols ne rentraient jamais dans les galeries et ils inventèrent un dieu, « el diablo » pour effrayer et surveiller les mineurs à l'intérieur de la montagne. Il est maintenant vu comme le protecteur de celle-ci et de ses travailleurs.
On retrouve une statue d' « el diablo » dans plusieurs mines autour de laquelle sont effectués des rituels. Celle-ci est aujourd'hui appelée « el tio » et est représentée avec un gros sexe. En effet, c'est la métaphore du tio faisant l'amour à la Pachamama (terre mère) pour donner des minerais de qualité au Cerro Rico. De ce fait, les femmes étaient interdites dans les mines pour éviter la jalousie de la Pachamama qui risquait de ne plus fournir de richesse. Aujourd'hui encore, cette directive est appliquée dans certaines mines.
Et pour finir, voilà ce que l'on peut trouver au marché lorsque l'on va s'acheter de quoi diner....