Découverte
Août 2021
40 jours
Partager ce carnet de voyage
6
sept


« C’était en 1996. J’allais à Vienne pour le travail. J’avais mangé par précaution avant de prendre l’avion à midi. Lors de mon premier vol Luxembourg-Zurich j’avais reçu le repas dans l’avion, j’ai remangé. Lors de Zurich-Vienne j’ai mangé une troisième fois. En arrivant les autrichiens nous ont invité au restaurant pour fêter notre arrivée » -- Francis Venner approximativement


Pop et Remus se sont réveillés à 6 heures tandis que j’ai négocié pour me réveiller aux alentours de 7 heures. J’ai savouré des bons flocons d’avoines avant de les accompagner à leur travail. Ils s’y rendent à pied tous les matins en passant par plusieurs parcs ce qui procure une marche assez agréable. En nous quittant, Remus me prodigua quelques conseils sur les choses à absolument voir dans la ville.

J’ai commencé ma visite par une sorte de beffroi. A plus de 50 mètres de haut on a une vue à couper le souffle sur toute la ville. On peut apercevoir les différents clochés, les bulbes des églises orthodoxes, les cheminées des vieilles usines communistes ou encore les bâtiments des différentes époques. Le soleil était au rendez-vous et celui-ci se reflétait sur les toits. Il faisait chaud et c’était très agréable de contempler la ville par ces conditions.

Nous étions lundi et les nombreux musées de la ville étaient fermés. J’ai donc décidé de commencer le stop pour Cluj-Napoca. Sur le chemin se trouvait une église orthodoxe en construction. Ce n’est pas la seule car beaucoup ont été détruites pendant le régime communiste et le nouveau gouvernement s’est lancé dans un faste programme de construction, tel la France des rois Capétiens. En sillonnant la campagne aujourd’hui j’en ai vu énormément. Quasiment chaque ville en construit une ou en rénove une. Celle de Baia Mare est très impressionnante étant donné ses dimensions et ses ornements. On a cependant quitté les bulbes ukrainiens des milles et une nuit au profit d’une architecture plus méditerranéenne, d’un style plus grec ou italien.

Baia mare avec 5 personnes repeignant une clotûre

Avant de commencer le stop je me suis bourré de pâtisserie et de viennoiserie locale. Il était 11h30 et j’étais à plus d’une heure du monastère que je voulais visiter, il valait mieux être prévoyant car on ne sait jamais si on trouvera à manger sur la route. Leur pâtisserie sont semblables au pays méditerranéen. On peut trouver des Baklava turque ou d’autre spécialité tunisienne ou italienne. Comme si on en traversant simplement la rivière Tisa on passait du monde slave au monde latin de méditerranée. C’est frappant à tout point vue, langue, écriture, architecture, état d’esprit…

Cela ne faisait pas 5 minutes que je tendais le pouce qu’une voiture s’arrêta. L’homme avait 65 ans et à ce titre avait été éduquée à l’époque communiste. Il parlait donc couramment français. Nous avons bien sympathisé et il m’invita à venir manger chez lui, comme ça, spontanément. Lorsque je suis arrivé chez lui sa femme fut un peu surprise mais lorsqu’elle apprit que j’étais français elle me regarda avec les yeux grands ouverts et un grand sourire voulant dire « bienvenue ».

J’ai été reçu comme un roi. D’abord le verre de Perinkla habituel. Cette fois ci c’était un vrai artisanal que l’homme distillait dans son jardin. Elle était à plus de 55°, je peux vous dire que cul-sec ça pique. Ensuite il y a la soupe. Bouillon avec des pâtes mais dans lequel il ne faut surtout pas tremper le pain ! Mon hôte m’a reprit comme si j’avais coupé des spaghettis ou perdu mon morceau de pain dans la fondue. J’ai après quoi savouré un steak de porc avec des légumes. L’homme faisait son propre vin (aussi) avec les vignes de son jardin et il tenu absolument à m’en faire goûter un verre. Nous avons fini le repas par un tour de sa magnifique propriété ainsi que des conseils sur les immanquables de Roumanie. Sa femme avait travaillé en Espagne et j’ai ainsi pu communiquer avec elle en Espagnol. C’était assez fou de se retrouver en plein milieux de la Roumanie pour parler Espagnol. Nous nous sommes très bien entendus et ils m’ont invité à passer la nuit ici. J’étais fors gênés car j’avais à peine fait 10 kilomètres sur les 130 me séparant de Cluj. C’est le cœur serré que je les ai quittés mais impressionnés de la gentillesse de ses roumains.

En marchant pour sortir de la ville une voiture s’arrêta toute seule. Je ne comprenais pas, je n’avais pourtant fait aucun signe. L’homme de 27 ans avait reconnu mon drapeau français qui flottait au vent et avait sans doute pensé que j’avais besoin d’aide. Il s’est montré très accueillant et tout en m’emmenant à destination il fit plusieurs détours sur la route. Il me montra les meilleurs points de vue, un endroit pour acheter du fromage frais et même un petit village possédant sa propre source pour puiser l’eau. Lorsque nous sommes arrivés à bon port, il me proposa de venir faire un tour à sa maison. J’ai accepté sans trop savoir ce qui allait se passer.

Serre chez mon premier hôte et panorama 

Botrand vit avec son père en plein centre de Turga Lapus. Ce dernier parlait français (encore une fois) et me proposa (une nouvelle fois) à manger. Bien sûr avec le verre de Perinkla, une profusion de viande et une soupe, la traditionnelle goulash comme je retrouve. Je n’en pouvais plus et j’avais la tête qui tournait du fait de cette alcool local si traître. J’avais en plus mal au ventre car je venais d’engloutir 3 repas en moins de 3 heures de temps. Mon hôte me resservait et ne voulant pas être impoli face à tant de gentillesse je devais manger.

Ce fut un plaisir d’échanger avec le père de Botrand. Il fut élevé dans la foi protestante et a donc un regard critique sur les agissements de l’église orthodoxe dans la région. Il est également très nostalgique de l’époque communiste. « Depuis que Ceausescu est partis, c’est la misère, plus de travail, plus de maison… ». Bon nombre de ses amis mineurs se sont retrouvés au chômage lorsque la mine a fermé après la révolution. Le père de Botrand a perdu son appartement en centre ville de Baia mare et dû se trouver une maison à la campagne. L’inflation et la pauvreté se sont répandus, au profit de quelques filous entrepreneurs qui ont réussi à se construire en quelques années des véritables empires. L’église orthodoxe a profité de la situation également pour reprendre du poil de la bête et s’imposer dans la campagne. « Dans les villages, le prêtre est plus puissant que le maire, dans les villes, l’évêque est plus puissant que les députés ou sénateurs » m’expliqua son père.

Botrand m’emmena ensuite visiter le monastère de Rohia que je souhaitais aller voir. Il se trouve à quelques kilomètres de là, au sommet de la montagne en plein cœur de la forêt. Il est très original et des plus spectaculaires. Plongez vous dans l’ambiance. Au milieu des arbres, 3 églises en bois et le son des appels à la prière des moines. D’apparence chétives en extérieure, l’intérieure des églises laisse sans voix. Magnifiquement décorés, la moindre surface est peinte, les icônes sont omniprésentes, comme les fidèles priant et chantant. Sur le parvis de la plus grande église vous avez une vue imprenable sur les collines avoisinantes.

Rohia 

Lorsque nous sommes arrivés à la voiture Botrand m’invita chez lui pour passer la nuit. Il était déjà 17 heures et cela me mit grandement en joie car je n’avais pas encore d’hébergement. Je l’ai très chaleureusement remercié ainsi que son père en rentrant. Il m’a montré comment préparer les mitch, plat à base d’un mélange de viande de porc et de poulet très bon et nourrissant. J’ai réussi à manger ce quatrième repas malgré les précédents. J’ai encore passé une excellente soirée avec mes deux hôtes. Nous avons abordé des sujets très intéressant pour mon étude et pour la compréhension de la Roumanie en générale. Point de vue radicalement différent de mes deux hôtes de la veille, j’adore reprendre les arguments des uns pour débattre avec les autres et en apprendre toujours un peu plus.

Botrand 

C’est le soir du 28ème jour et je ne réalise pas la magnifique série de rencontres que je viens de vivre. Souvenez vous en arrivant en Pologne, le jeune luxembourgeois, puis les deux polonais qui nous ont invités pour dormir, souper et nous faire visiter leur ville, la femme ayant tout fait pour que je trouve un toit et puisse dormir au monastère, l’homme qui m’a invité pour la soupe, celui qui m’a fait découvrir son coin de paradis puis Ernest à Sanok qui m’a reçu comme un roi. C’était pour la Pologne en l’espace d’une semaine je venais de faire une rencontre inoubliable par jour. Puis l’Ukraine avec Roma, ensuite il y a eu l’Ouzbek, Narine avec sa famille et ses amis me permettant de trouver un hébergement pour la nuit suivante, Pop et Remus et enfin les deux rencontres de ce jour tout aussi magique. Demain j’irais chez Botond qui m’hébergera. En l’instar de deux semaines je n’ai dormi qu’une seule fois en toile de tente et j’ai trouvé 4 hébergements grâce à la gentillesse humaines, hébergements que je n’imaginais même pas le matin même. La bienveillance et ces rencontres inoubliables dépassent toutes mes espérances. En 35 jours de voyage en Ecosse j’avais été tout heureux d’avoir trouvé un toit un jour de pluie grâce à la sympathie des villageois et d’avoir rencontré des gens m’offrant un restaurant, mais que se passe t’il à l’Est !!

8
août

Il y a exactement 3 ans jour pour jour, le 8 Août 2018, que mon voyage en terre Écossaise s'achevait. Je venais de vivre le mois le plus extraordinaire de ma vie et ne rêvais plus que d'une chose, repartir !

En 36 jours j'ai visité des vingtaines de châteaux, effectué plus de 500kms en stop grâce à 30 conducteurs différents, dormis chez de nombreux locaux mais par dessus tout vécu une expérience magique et indescriptible; le voyage Zellidja. J'ai considérablement évolué lors de ce voyage de part les rencontres que j'ai effectuées et parce que pour la première fois, j'étais pleinement libre de mon destin pendant des journées entières. C'est bien simple, dans ma vie il y a un avant et un après ce voyage en Écosse...

Malheureusement les études et les aléas de la vie ne m'ont pas permis de repartir de si tôt: les concours des écoles d'ingénieurs en 2019 et le COVID en 2020... Alors quand j'ai appris que les bourses Zellidja restaient accessibles pour les jeunes de 21 ans du fait du contexte, j'ai sauté sur l'occasion; préparant avec ardeur un nouveau voyage...

Une idée est vite venue de partir à la découverte de l’Europe centrale, territoire injustement méconnu. Les Carpates se définissent comme la chaîne de montagne faisant la frontière entre l’Europe centrale, et l’Europe de l'est. Les Carpates regorgent de mystères à découvrir. Grâce à l'association Zellidja je vais partir en solitaire 40 jours en Slovaquie, Pologne, Ukraine puis Roumanie à rencontrer ses habitants, à découvrir ses traditions, à embrasser ses culture et à contempler ses paysages.

Chaîne de montagne des Carpates & Village traditionnel  
10
août


« Les Carpates sont un royaume hors du temps, une terre accrochée aux nuages, où n’importe qui peut risquer de s’accomplir » -- Lodewijk Allaert


Mardi 10 août, 6h39, gare de Liverdun. Je monte à bord du premier train de la journée, saluant une dernière fois mes parents par la fenêtre. Je ne les reverrais que 40 Jours plus tard en ayant vécu, je l’espère, 40 jours inoubliables dans les Carpates.

6h30 : Gare de Liverdun 

Le trajet prévu aujourd’hui est assez important, pas moins de 7 trains différents pour 14h de trajet. Je vais traverser aujourd’hui la Lorraine, l’Alsace puis l’ensemble de l’Allemagne avant d’arriver en fin de journée à Prague, première étape de mon aventure. A ce propos, laissez-moi vous présenter le programme de mon périple. Grâce à la fondation Zellidja j’ai eu le privilège de recevoir une bourse afin de partir en voyage sur le thème ; Les Carpates : frontières ou traits d’union de l’Europe centrale ? Cette expédition thématique va venir s’intéresser à cette chaîne de montagne, ses habitants, ses traditions et ses histoires.

Ces montages sont un véritable carrefour culturel, religieux et linguistiques. Depuis 30 ans et pour la première fois depuis plus de 1000 ans, plusieurs pays se répartissent sur cette chaîne de montagne : La Slovaquie, la Pologne, l’Ukraine et la Roumanie. Je parcourrai ces 4 nations à pied, en stop, en bus et en train. Au cours de ces 40 nuits, je dormirai chez l’habitant, en auberge de jeunesse et dans ma toile de tente. Des bords du Danube, aux sommets des Tatras, en passant par les champs de l’Ukraine je rencontrerai tous types de climats et de paysages sur ma route.

Si on s’intéressait maintenant au parcours ! Partant de la belle ville de Liverdun, capitale de la Madeleine je passerai en train par Nancy, Strasbourg, Karlsruhe, Nuremberg, Cheb, Prague et Dobrichovice afin d’y passer mes deux premières nuits. Je visiterai la capitale tchèque avant de partir pour Bratislava et la Slovaquie. De là je m’aventurerai dans les terres slovaques, je remonterai le Váh, je traverserai les hauts Tatras jusqu’en Pologne. Après une petite étape à Cracovie ça sera toute à l’Est en m’immergeant dans des contrées reculées et authentique de petite Pologne et des basses Carpathes. Puis ce sera l’Ukraine et la sortie de l’union Européenne afin d’explorer la Transcarpathie, la découverte d’un autre temps et la promesse de belles rencontres. Finalement la Roumanie, avec sa mythique et mystérieuse Transylvanie, gorgée de contes et légendes qui ont traversées les frontières et les époques. Le voyage se terminera là où il avait commencé, sur les bords du Danube, marquant la fin des Carpates à la frontière Serbe.

3 années se sont écoulées depuis mon dernier grand voyage et l'école d'ingénieur est passée par là comme le témoigne ce nouveau blog ! J'ai souhaité mettre en application certaines des connaissances apprises pour proposer du nouveau contenu sur le blog. Ces nouvelles compétences me permettent également de contacter plus facilement des locaux, dans le but d'aller vers l'autre, plus facilement et rapidement...

Mais trêve de discussion, commençons ce voyage ! Il est 9h20 lorsque le TGV franchit le Rhin, me voilà en Allemagne, le voyage peut commencer. Dès mon escale à Karlsruhe j'ai rencontré un hongrois, il venait du même train que moi et allait à Karlsruhe pour les affaires. Il avait travaillé quelques années en France et j'ai ainsi pu discuter en français avec lui. Il avait également un gros sac de voyage à l'allure militaire et la tête de quelqu'un qui partait à l'aventure. Son visage était marqué de cicatrices, témoignant d'une dure vie. Nous nous sommes baladés jusqu'au centre ville avant de nous séparer, je devais repartir vers la gare prendre ma correspondance, direction Nuremberg !

Rencontre au ZOO de Karlsruhe 

Les paysages défilent, au rythme des champs de blé, des forêts et des clochers. La Bavière du Nord semble très jolie derrière les vitres d'un train. Je suis à la moitié du trajet et je me replonge dans mes pensées... Je réalise la chance que j'ai d'être aujourd'hui dans ce train, vu l'année que j'ai passé. En effet les nombreux confinements ont imposé les cours à distances avec leur 8h par jour de cours extrêmement difficile à suivre. Les journées se ressemblaient, la routine du lever, petit déjeuner, 4h de cours derrière un ordinateur, 1h30 de pause, de quoi de se préparer à manger puis de nouveau 4h de cours. Une fois la journée finit impossible de sortir, le couvre-feu empêchant tout déplacement. Mes seules sorties étaient les cours de math et de physique que je dispensais à des terminales et un élève de classe préparatoire, avec l’espoir que l’argent gagné pourrait servir pour le voyage de cet été. C’est donc avec le sentiment de croquer la vie à pleine dent que je pars vers l’Est, pour revivre ces jours que je n’ai vécu qu’à moitié…

11
août


« Après Paris et Venise, Prague est ma 3ème ville préférée » -- Francis Venner


Je suis arrivé hier en toute fin de journée dans la paisible ville de Dobřichovice où j’ai été reçu de manière excellente par Jean-Pierre et son épouse. Vous conviendrez avec moi que ce nom n’est pas très local mais Jean-Pierre est français. C’est le représentant de l’association Zellidja en Lorraine, l’association qui m’a permis de voyager cet été. Sa femme est Tchèque et même si il passe la plupart de sa vie à Metz il possède un pied à terre en Tchéquie pour les vacances. Alors lorsque qu’il a apprit que je partais vers l’Est c’est très gentiment qu’il m’a invité à venir séjourner chez lui pour me faire découvrir la beauté de la ville de Prague. Leur accueil fut des plus chaleureux, que cela fait du bien de commencer un voyage de cette manière-là !


Mais parlons un peu plus de Jean-Pierre. Grand humaniste il est dans de nombreuses associations pour aider les autres ; Zellidja, les restos du cœur, une association aidant les migrants… Autrefois professeur à des étudiants en commerce internationale, il connait le monde entier, ses anecdotes sont croustillantes, ses histoires passionnantes. Il n’a rencontré Eva que dans les années 90 du fait de l’imperméabilité des frontières du temps du bloc de l’Est. Elle m’a alors raconté ses aventures de jeunesse et comment les chars soviétiques ont brisés son avenir ainsi que ses espérances en 1968. Histoire troublante tant cela m’était inconnu.


Ce matin avec Jean-Pierre nous sommes partis à la gare en vélo pour aller visiter Prague. Ville dont je ne connaissais absolument rien si ce n’est qu’un temps elle fut capitale du royaume de Bohème et que le communisme avait saigné la ville. Mon guide personnel connaissait les moindres recoins de la ville et bien sûr les endroits charmants en dehors des sentiers battus. J’ai eu le privilège de rentrer dans de nombreux hôtels, restaurants et banque du début du XXème siècle absolument resplendissant. Le souci du détail m’a beaucoup frappé, chaque centimètre carré de façade, de mur ou de plafond est minutieusement travaillé, sculpté, orné ou peint. Prague était une ville d’artiste en tout genre qui ont rayonné dans la musique, la sculpture, l’architecture, la peinture et même la cinématographie. C’est bien simple lorsqu’on s’y ballade on ne compte plus les théâtres, musées, opéras, salle de concert, galerie d’art et autre lieu de culture.

Quelques vues de Prague 


Après avoir déjeuné une bonne platée de pâtes tout en écoutant ce qu’était devenu les anciens étudiants de Jean-Pierre, nous sommes partis en direction du château de Prague, surplombant la ville. De là on a une vue superbe sur toute la ville. Nous avons empruntés le mythique tramway pour nous y rendre et effectuer d'autres déplacements. Prague est bien la ville du tram, 33 lignes de tram pour 3 de métro. Nous avons ensuite visité une série d’églises et de jardins absolument sublime et l’on comprend mieux pourquoi Prague faisait tant d’ombre à Vienne. Nous avons continué de nous balader en prenant le gouter dans la célèbre maison dansante, parcouru différente galeries marchandes d’un autre temps, la grande place, les beaux quartiers… bref c’est épuisé que nous avons reprit le train à 19h passée.


Nous avons regagné la douceur de vie qui règne à Dobřichovice avant de passer une nouvelle fois, une magnifique soirée ! Les délicieuses histoires du couple ont encore coulé à flot, comme le vin pétillant, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Ce couple de grand baroudeur connait un nombre impressionnant de personnalités, des chanteurs, des artistes, des hommes de sciences et des grands chefs d’entreprises. Ils reçoivent leurs bons amis dans leur belle demeure, amis qui ont tous des vies plus folles les unes que les autres. Ce fut un plaisir des les écouter et d'aller se coucher avec le sentiment d'avoir vécu une journée mémorable.

Mes premiers hôtes 
12
août


« Le brouillard était pour le piège, le soleil sera pour la victoire » -- Napoléon avant la bataille

J’ai salué mes hôtes sur le quai de la gare prenant le train pour Bratislava afin de commencer la vadrouille dans les Carpates. En montant dans le train je retrouve le sentiment mitigé que j’avais rencontré en Ecosse ; triste de quitter une excellente famille d’accueil et de se retrouver seul, mais heureux de repartir à l’aventure ! La première étape est de prendre le train direction Brno à partir de la gare centrale de Prague. Le timing est assez serré et mon train a du retard ce qui m’ennuie un peu car le suivant part 1h après. Tout va se jouer à quelques minutes près dans une gare que je ne connais pas et où l’on parle tchèque. J’enrage, on arrive à 34 et mon train part à 33, je ne vais tout de même pas patienter 1h pour une pauvre minute ! C’était sans compter la formidable harmonie des trains tchèques. Si le miens est arrivé avec 10 minutes de retard, celui que je devais prendre est également partis avec 10 minutes de retard. J’ai ainsi pu prendre mon train sereinement et contempler la belle campagne tchèque sous un beau soleil.

Ces longs trajets en train ne me dérangent pas le moins du monde. Dans un grand voyage comme celui-ci il y a toujours des choses à faire, contacter des locaux pour l’hébergement, des personnalités locales pour les rencontrer, des étudiants, regarder les horaires des prochains moyens de transports, trier les photos, écrire…

Je suis arrivé à 12h40 à Brno pour faire un petit détour par un endroit tout aussi improbable que légendaire. En effet je ne m’étais pas rendu compte qu’une célèbre bataille s’était déroulé à moins de 10 km de là où je passais en train. J’ai ainsi pris mes dispositions pour y faire un tour et me voilà dans le train pour Sokolnice ou Sokolnitz en allemand. J’ai emprunté la longue route montant vers le plateau de Prace ou Pratzen afin d’y admirer le théâtre des combats. Sous un magnifique soleil j’ai ainsi pu contempler le champ de bataille d’Austerlitz, illustre victoire de Napoléon.

Le pavillon français fièrement arboré sur le plateau de Pratzen 

Le lieu me provoqua beaucoup d’émotion tant je suis fan d’histoire et de cette période en particulier. Du haut du plateau on peut admirer les anciens étangs, les champs de blés, les petites forêts et s’imaginer qu’il y a 200 ans à cet endroit précis du globe, s’est joué le destin du vieux continent. Je me suis empressé d’y planter dans le sol le drapeau français que j’avais emmené avec moi, tel un jeune grognard de la garde 200 ans plus tôt, exultant de joie, venant de conquérir le plateau, de battre les armées coalisées et de remporter la plus éclatante des victoires ; bataille qui restera gravé dans l’imaginaire collectif pour les siècles à venir. Au sommet se trouve un monument rendant hommage aux victimes ainsi qu’un musée que je me suis empressé de visiter. Cela m’a beaucoup troublé car le point de vue adopté était celui du vaincu et les exploits des soldats français étaient effacés pour raconter comment avaient résistés les soldats austro-russes ou quelles fut leurs souffrances lors de la bataille. Les panneaux prenaient également un malin plaisir pour démystifier certains faits, largement acquis en France mais qui sont selon eux était de la « propagande Napoléonienne ».

En redescendant je suis arrivé dans le village de Prace et j’ai eu un avant-goût de ce qui je pense, va m’accompagner à l’Est. Des vieux messieurs, épuisés par les âges travaillant sur des machines agricoles que je n’avais jamais vues. Sorte de moissonneuse-batteuse soviétique qui se déplaçait aussi vite que moi à pied. Des petites maisons chétives jonchaient la rue principale dont les trottoirs ne devaient pas voir été entretenus depuis des lustres. Des vieilles femmes tricotaient devant leur porte avec une mine battue. Un chat moribond arpentait la rue. Malgré tout le bus est passé, j’ai ainsi pu attraper mon train direction la Slovaquie !

Retrouvaille avec mes deux compagnons 

J’ai vite déposé mon sac à l’auberge de jeunesse avant d’aller retrouver Subbham et Mickael, deux jeunes baroudeurs que j’avais réussi à contacter. Subbham est un Indien qui est venu faire son doctorat en Italie dans le domaine de la biologie. Mickael est un Iranien venu terminer son master en management. Ces 2 étudiants se sont retrouvés à Turin où ils ont sympathisé et ont ainsi décidés de faire un tour d’Europe pendant leurs vacances. Nous sommes partis explorés les rues de Bratislava avant de dîner ensemble. C’était sur une place très pittoresque mais regorgeant de touristes en tout genre. J’ai gouté un plat traditionnel de la gastronomie slovaque mais ce n’était rien de moins que des gnocchis fourrés avec une espèce de gruyère. Nous avons également gouté quelques bières locales. Elles ont la particularité de n’être pas très forte (3 ou 4% maximum), pratique si on veut se souvenir d’un moment magique comme celui-ci : partager une soirée inoubliable avec deux parfaits inconnus !

13
août


« J’ai deux amours, mon pays et la Slovaquie » -- Citation approximative


Le soleil se lève sur l’auberge de jeunesse, il n’est pas 8h que la chaleur est déjà étouffante dans la ville. Plus de 30 degrés Celsius ; quand on a été habitué à 20° et de la pluie pendant 2 mois, ça fait tout drôle ! La ville est d’autant plus chaude que les petites rues étroites ne laissent pas passer l’air et que les touristes et la foule qui s’y regroupent ne la refroidissent pas. C’est bien simple je ne comptais plus les touristes qui dégoulinaient, se faisaient des éventails avec tout ce qu’ils trouvaient et qui s’entassaient devant les quelques rafraichisseurs publiques.

En fin de matinée je suis arrivé à la tour panoramique. Vestige de l’époque communiste comme bon nombre de bâtiments dans la ville. Un ascenseur assez moderne permet d’atteindre le sommet en quelques secondes. Une fois tout en haut de cette tour de 95 mètres un panorama à 360 s’offre à nous. C’est d’autant plus prégnant que la ville ne comporte pas beaucoup de gratte ciels ou de hautes tours. De là on peut déjà apercevoir l’Autriche et la Hongrie, distantes de 20 km seulement. Ensuite deux panoramas totalement distincts sont visualisables, le Danube coupant ces 2 mondes. Premièrement la vieille ville, ses petites ruelles pavées, ses clochers, ses belles places, ses toits où le soleil vient s’y refléter… de l’autre des tours et des tours de bétons, souvenirs du régime. Ces bâtisses de 10 à 15 étages sont traversées par l’autoroute et les grands centres commerciaux d’une autre ère. Seuls quelques parcs viennent sans doute soulager ses habitants.

En redescendant j’ai pris le temps de flâner en parcourant ce que j’avais vu depuis le haut. J’ai pu découvrir des églises orthodoxes, des architectures totalement disparates d’immeubles ainsi que des rues si typiques et charmantes. Après avoir englouti une spécialité locale j’ai assisté à une manifestation de vieilles voitures comme je n’en avais jamais vues. En effet 80 automobiles toutes d’avant la seconde guerre mondiale étaient sur la grande place pour parader. Ces pièces de musées que l’on voit seulement dans les films se déroulant dans les années 20 ou 30 étaient toutes approchables. On pouvait toutes les toucher et les admirer au plus près, pour le plus grand bonheur des yeux. Ayant effectué mon stage de deuxième année d’école d’ingénieur dans le monde de l’automobile, cela m’intéressait d’autant plus !

Ruelles et automobiles dans la ville 

Après quoi s’est déroulée une scène des plus surréalistes. Une course de petites voitures pour enfants (où ces derniers pouvaient pédaler pour avancer) s’est tenue dans la rue principale, sur quelques 200 mètres environ. Ces enfants pour la plupart à peine âgés de 5 ans concouraient et participaient à l’animation de cette grande fête de l’automobile. Lorsque le drapeau s’est baissé ils ont couru, se sont jetés dans leurs voitures et se sont mis à pédaler le plus vite possible pour atteindre l’arrivée le premier. Trois caméramans s’étaient préparés pour ne manquer aucune miette de la folle course. Les bottes de pailles dans les virages permettaient d’éviter les collisions avec les barrières et avec les spectateurs trop proches de la piste. Les parents étaient sans doute les plus motivés, courants à côté pour encourager leurs enfants. A peine la course terminée que les caméramans et un journaliste sont allés interviewer le jeune bambin ayant remporté la course. Le pauvre petit était tout impressionné, n’a décroché mot et sa mère dut prendre le relai à l’antenne.

Une fois rentré à l’auberge de jeunesse, j’ai sympathisé avec un grand nombre de personnes. Premièrement deux autrichiens arrivant à Bratislava pour faire la fête. Vienne est seulement distante de la ville d’une petite heure de train, ce qui permet aux jeunes gens de venir facilement s’amuser pour le week-end. J’ai par la suite rencontré un jeune baroudeur français faisant un tour d’Europe en vélo ! Le rêve ! Il était il y a un mois et demi à Istanbul, avait rejoins le Danube en Roumanie et le remontait depuis là. C’est avec passion que j’ai écouté ses aventures, son matériel, comment rouler dans des conditions difficiles…Nous étions installés sur la table dans la petite cour de l’auberge lorsqu’un chinois hyper actif est venu nous couper dans notre discussion fort intéressante pour qui aime le vélo. Il était tout petit avec un très grand sourire et s’est incrusté dans la conversation. C’était un millionnaire, chef d’entreprise victorieux, sa boîte tournait toute seule et il passait son temps à voyager pour son plaisir. Il connaissait tout sur tout ! Il avait 5 passeports sur lui, remplit de tampons et de visas. Il avait déjà visité la France à des dizaines de reprises comme bon nombre de pays en Europe. Après la Slovaquie il s’envolait vers la Biélorussie, son pays préféré…

Panorama depuis la tour de 95m 

La nuit tombe sur la ville et entraine avec elle les voyageurs, heureux de se reposer après une belle et riche journée.

14
août


« Celui qui n'a jamais vu de château admire une porcherie » -- Proverbe slovaque


J’ai commencé la journée par m’imprégner de quelques spécialités locales, en matière de pâtisserie. Sortie de tartelette à la graine de pavot, c’est très goûtu et nourrissant. Ils font aussi différents types de croissants et de brioches fourrées, bref que des bonnes choses pour commencer en beauté la journée !

Le château de Devin se situe au confluent du Danube et de la rivière Morava. Il culmine sur un promontoire rocheux à près de 70 mètres au-dessus du fleuve en contrebas et offre ainsi une position stratégique indéniable pour ses propriétaires. Autrefois avant-poste romain, puis château des rois de Hongrie avant de devenir propriété des Hasbourgs, il fut détruit au cours du XIXème siècle. Il reste cependant beaucoup de constructions et les vues sur le fleuve sont assez remarquables. On ne se lasse pas regarder les eaux de la Moravia se jeter dans le Danube et ainsi d’observer le mélange de ces eaux. Le Danube fournit également de l’animation grâce aux nombreux bateaux le naviguant.

En revenant au centre-ville, j’ai découvert le château de Bratislava et son folklore. J’étais à peine sur les pentes du château que je suis retombé sur l’informateur que j’avais croisé hier lors de l’exposition automobile. En effet en tant qu’attaché municipale il m’avait expliqué le regroupement de voiture ainsi que les incontournables de Bratislava. Il m’a reconnu parmi la foule et m’a expliqué ce qui se tramait. Espèce de fête médiévale, la fête du Roi célèbre le couronnement du roi de Hongrie et se caractérise par un magnifique défilé. Des dizaines et des dizaines de gens costumés en habit traditionnels paradaient. Ces fières slovaques, dignes héritiers de l’ancien royaume de Hongrie avaient tous des tenues plus belles les unes que les autres. Les applaudissements de la foule venaient se mêler aux claquements des sabots sur les pavés et aux cris des petits enfants, exultant de voir de véritables chevaliers. Les femmes tenaient leur longue robe, les hommes de lourdes épées mais ils marchaient main dans la main, à la manière des rois et reines du moyen-âge. Le buste droit avec de large épaules et quelques peaux de bêtes ils ne valaient mieux ne pas chercher les embrouilles avec eux ! Le cortège s’est continu » en ville avec la foule qui les suivaient.

Que je suis chanceux me direz-vous ! Hier l’exposition automobile et aujourd’hui la paradé moyenâgeuse, il faisait bon vent d’être à Bratislava ce week-end.

Bratislava: son goulash, ses traditions, son château et son visiteur

Après cette manifestation inattendue j’ai visité le château à proprement parler, son intérieur ainsi que les différents musées qui le compose. On peut déjà admirer les beaux jardins à la françaises, les grandes pièces, les belles boiseries, les dorures des poignets de portes ainsi que les parquets extrêmement bien lustrés. Au premier étage se trouve le musée de l’art de slovaque, parlant du théâtre dramatique, des musiciens itinérants ou encore du théâtre de marionnette. Au second se trouve une très belle exposition de tableaux en tout genre, principalement des tableaux pastoraux de la campagne slovaques, des petits villages ou des églises en bois perdus dans les Carpates…

Mais c’est belle et bien le troisième étage qui m’a passionné, le musée de l’Histoire Slovaque ! Partant des premiers hommes, en passant par les celtes, les romains, les hongrois, les autrichiens, Napoléon, l’Autriche-Hongrie, la Tchécoslovaquie jusqu’à la république de Slovaquie. Ce musée est très important pour la suite car il pose une première pierre à ma compréhension des Carpates et de ses habitants : mon thème d’étude. On y apprend comment sont répartis les différents diocèses, quelle fut l’influence du communisme, où sont les hauts lieux culturels…

En rentrant à l’auberge mes deux compagnons d’il y a deux jours m’ont recontacté, ils étaient revenus de Prague. Nous nous sommes retrouvés en ville et ils m’ont raconté leur trip de ces deux derniers jours. Ils comptent repartir prochainement à Budapest pour un prochain voyage. J’ai passé ma dernière soirée à Bratislava avec eux, goutant quelques autres bières locales pour profiter une dernière fois des douceurs de la capitale.

15
août


« L’aventure est à l’homme ce que la survie est à l’animal, elle lui procure ce désir irrésistible de vivre » -- Anonyme


C’est le 6ème jour du périple mais surtout celui où je vais enfin quitter les grandes villes pour le charme et le plaisir de la campagne, et qui dit campagne dit stop et camping ! En quittant l’auberge j’ai recroisé le français qui voyageait en vélo. Il venait de perdre son téléphone et il me signalait que cela sonnait le glas de son aventure. En effet sans téléphone c’est être sans carte, sans compte bancaire, sans mails, sans messages, sans appels et tout simplement sans internet. J’ai alors réalisé qu’un beau projet humain est mis en danger de mort par un simple petit outil électronique.

Avant de rejoindre la gare j’ai fais un détour par le monument rendant hommage aux soldats soviétiques morts pour la libération de Bratislava et de la Slovaquie. Parfait exemple du constructivisme le monument est très impressionnant par ses dimensions mais n’en reste pas moins froid du fait de son vide présent, des immenses places sans rien, des grandes façades avec un seul nom…

En arrivant à la gare je me suis fais un peu arnaquer pour les billets de train. Je vous explique la situation ; la chargée de vendre les tickets ne parlaient pas anglais et lorsque je lui ai montré ma carte étudiant pour avoir la réduction elle m’a fait comprendre que c’était uniquement pour ceux qui avaient une carte étudiant slovaque. J’ai essayé de lui expliquer que les jours précédents j’avais eu les réductions mais n’y a rien fait. Je vous rassure le prix reste tout à fait modique, 7€ les 3h de train.

Je suis arrivé à Prievidza, ville de 50 000 habitants mais dont son majeure intérêt touristique réside dans sa proximité avec la petite ville de Bojnice, ville d’un château somptueux. Imaginez-vous une bâtisse colossale, des murs massifs, des tours imposantes et des douves larges de plus de 10 mètres. Le château offre aux visiteurs une galerie d’art ainsi que la visite du château à proprement parler. La fortune du maître de ses lieux devait être absolument pharaonesque tant les richesses accumulés sont grandes : près d’une centaine de tableaux et de sculptures, des vases mesurant un mètre de haut venu tout droit du fin fond de l’Asie, des étoffes d’inde et les derniers produits de luxe français en vogue. Même si le site est assez touristique, on passe successivement dans une salle à manger, une chapelle, une tour fortifiée avec un très beau panorama, la grotte souterraine contenant un petit lac avec l’eau du puit, une salle d’arme et dans bien d’autres pièces toutes aussi fascinantes.

Le bus suivant m’a permis d’arriver à Nitriankske. Ville balnéaire et remplie de touristes pour son petit lac et son charme si paisible. Les pédalos avancent sur les flots, les petits enfants se baignent sur toutes sortes de jouets gonflables et leurs parents font des longueurs aux larges. Le soleil brille, l’eau semble si rafraichissante en cette belle journée que je suis allé piquer une tête dans ce décor si inattendu. Une fois dans l’eau on aperçoit les collines, les petits chalets, les champs, les forêts et les petits sentiers parcourant les petites Carpates. En effet ce village marque l’entrée dans la chaîne de montagne des Carpates, plus particulièrement dans ce massif.

Monument soviétique, lac, château et Cicmany 

18h30, dimanche 15 août, au bord d’une petite route de campagne. Je pense dans toute ma jeune vie d’autostoppeur je n’avais jamais essayé un pire créneau horaire pour tenter ma chance au bord de la route. La grande majorité des voitures sont pleines, des familles revenant du lac ou de vacances. Le soleil commence à se coucher, ce qui n’est jamais bon signe. L’attente est longue tandis que la luminosité devient de plus en plus faible. De moins en moins de voitures passent, sans doute que les familles sont rentrées de leur baignade…

Contre toute attente sur les coups de 19h15 un vieux monsieur s’arrête. Il ne parle ni anglais ni français et je vais devoir mettre en application mes quelques mots de slovaques. J’arrive à lui faire comprendre ma destination, je dépose mon sac dans le coffre et c’est parti ! La joie laisse cependant la place à de la frustration, impossible de dialoguer quand nous n’avons pas la même langue. Il faut alors faire des signes, utiliser les 20 mots qu’on a appris, faire des sourires pour tenter de communiquer. Et puis la magie apparait, on arrive à se comprendre ! « Frantsusky auto » avec un pouce en l’air signifie que les voitures françaises sont de bonnes qualités ou alors des mimes de cheveux longs en tournant rapidement son volent doit vouloir dire que les femmes ne sont pas les meilleures pilotes au monde.

Une fois arrivé à Cicmany, il appelle son fils pour qu’il puisse comprendre ma situation. Son fils parle bien anglais et sert d’interprète. Une fois qu’il comprend que je n’ai pas d’hébergement il va rencontrer les premières personnes qu’il croise pour se renseigner sur les endroits où dormir. Avec des gestes j’arrive à le comprendre et nous nous quittons en nous serrant la main longtemps, ponctué par quelques « yakou yem », merci.

Logement à Cicmany 

Je plante ma toile dans le premier champs que je trouve, il fait jour pour encore quelques minutes, je visiterai demain ce beau petit village. Le pain et les maquereaux que j’avais acheté à Bojnice me servent de repas et je m’endors, réalisant à peine ce qui vient de m’arriver…

16
août

Vous aimez les rencontres ? Vous aimez le stop ? Alors ne manquait pas le résumé du 7ème jour ! Au programme près de 5 conducteurs différents, un village traditionnel, des paysages et une cascade. Je vous laisse avec une vidéo récapitulative des jours 4, 5 et 6 !

Vidéo reprenant les jour 4, 5 (Bratislava) et le jour 6 à Bojnice et Cicmany

Que de rosée ce matin ! Je n’ai jamais vu ça ! Il n’est pas tombé une goutte de toute la nuit et ma toile est à tordre. Heureusement j’avais bien protégé l’ensemble de mes affaires mais je ne peux replier la toile comme cela, surtout que le beau soleil qui pointe le bout de son nez pourrait la faire sécher très vite. En entendant le bruit inhabituel des cloches pour un lundi, je décide d’aller voir ce qui se trame. Une messe est donnée le lundi à 8h dans un village de seulement 130 habitants. C’est à peine croyable et j’assiste ainsi à l’office, le temps que ma toile sèche.

Je n’ai pas compris grand-chose de cette messe mais la foi de ces chrétiens était belle à voir. En sortant plusieurs personnes de la messe m’ont parlés. La seule discussion ou je pouvais interagir fut avec le curé qui s’exprimait dans un anglais remarquable. De là je suis allé découvrir le charme de ce petit village. L’ensemble des maisons de Cicmany sont peintes avec des différents motifs, plus ou moins complexes. Carrés, ronds et triangles sont assemblés pour former un tout harmonieux. Chaque maison possède ses propres motifs pour le plus grand plaisir des explorateurs. Ces maisons de bois d’un autre temps sont extrêmement bien entretenues, il suffisait de regarder l’épaisseur de la pelouse pour le comprendre. Je suis une nouvelle fois saisi parce que je vois : perdue au beau milieu des petites Carpates se trouve un minuscule village hors du temps, fait de maison les plus originales.

Je quitte en milieu de matinée le village, direction Martin à 60km de là mais 2 vallées plus loin. C’est la première fois que ça m’arrive mais au premier pouce tendu, une voiture s’arrête ! Homme de la quarantaine il ne va pas au même endroit que moi mais me dépose à un croisement stratégique pour la suite de l’aventure. Il avait de bonnes bases d’anglais et cela fait vraiment du bien de pouvoir discuter de la sorte. Parler de la nature, des animaux qui la peuplent, de la famille bref discuter tout simplement. Une demi-heure après, une femme me prit. Elle ne parlait pas anglais et pendant quelques minutes j’ai expliqué mon cas en slovaque, avant qu’elle me réponde : « tu es français ? Mais je parle français ». Le trajet pût donc se poursuivre en français !

Campement le soir du jour 7, Cicmany et ses maisons traditionnelles et le panorama à Rudno  

La ville de Nitrianske pravno est assez sommaire. Son intérêt principal réside dans son grand centre commercial faisant le bonheur d’un voyageur. Un troisième conducteur me permit de rejoindre Rudno, où l’on peut en prenant de la hauteur avoir un beau panorama sur toute la vallée. Après quoi un étudiant en médecine m’emmena jusqu’à Martin. Il devait avoir mon âge et le feeling est très bien passé. Nous avons bien rigolé et il m’a donné plein de conseils pour visiter sa région. Il connaissait les sentiers de randonnées et était un grand fan de Peter Sagan, mon coureur cycliste préféré, originaire de la grande ville voisine. Rien que d’en parler il avait le frisson !

Après m’être renseigné à l’office du tourisme de Martin, j’ai vu que le seul hébergement disponible était un petit camping, louant de petits cabanons. L’agent de l’office du tourisme me fit la réservation et m’invita à aller découvrir une petite cascade au milieu des bois. Il était vraiment très serviable, en effet nous avons échangé près de 25 minutes, ce qui change du personnel des trains ! Un bus me déposa au pied de la balade d’une petite dizaine de kilomètres aller-retour. Le sentier était caillouteux dans l’ensemble mais il en valait bien la peine. Au bout du chemin une cascade de 38 mètres de haut nous y attend. On peut s’y approcher et admirer l’eau tomber dans la petite piscine ou simplement s’amuser à sauter de pierre en pierre pour traverser le ruisseau.

Cascade de Sutovo 

En rentrant à l’arrêt de bus je me suis rendu compte que le bus suivant n’était que dans une heure, ce qui fait beaucoup surtout sur les coups de 19h. J’ai alors tenté ma chance au stop pour la 5ème fois de la journée et cette fois ci en quelques minutes une femme m’emmena au camping pour mon plus grand bonheur. C’était une ancienne baroudeuse, elle avait voyagée en Espagne, France et beaucoup dans les Balkans, tout en stop. Elle expliquait qu’il y avait beaucoup moins d’autostoppeurs qu’avant et cela la désolait. En effet l’autostop représente l’aventure pour l’aventure et c’est fort dommage que les gens en particulier les jeunes d’aujourd’hui préfèrent leur petit confort. Grâce à un petit détour elle me déposa devant le camping. De là je pu passer la nuit dans un petit cabanon, sorte d’abri de jardin aménagé. Mais lorsque la pluie tombe et que les éclairs tapent, il fait bon de savoir qu’un toit est au-dessus de notre tête…

17
août

Qu’il fait bon de dormir en entendant la pluie battante et le tonnerre qui frappent tout en sachant qu’on est invincible dans son abri. Le réveil fut agréable même si la forte pluie qui continuait empêche tout séchage de linge. Le maillot de bain du lac de Nitrianske est toujours mouillé et ce n’est pas avec ce qu’il tombait que cela allait s’améliorer. Je suis obligé de sortir du camp avec ma cape de pluie et malgré cela je me suis arrêté régulièrement sous les arbres quand la situation en était trop critique. En moins de 5 minutes à l’arrêt un bus était déjà là, direction les musées de Martin aujourd’hui !

La ville en comporte principalement deux d’intérêt. Un musée d’histoire naturelle ainsi qu’un grand musée à ciel ouvert sur les habitations traditionnelles slovaques. J’ai commencé par le premier qui est en plein centre-ville et puis je préfère garder le meilleur pour la fin aussi ! Il explique l’histoire géologique de la région ainsi que les différents animaux (empaillés) qui peuplent les Fatra, autre sous massif montagneux des Carpates. Le musée est charmant et très interactif pour les petits comme pour les grands. On peut écouter le bruit des animaux, toucher leur pelage ou encore les contempler de très près. Un autre bus m’emmena ensuite au musée du village slovaque au abord de Martin.

Ce somptueux musée a pour terrain de jeu 15 hectares de nature. Il est divisé en 5, représentant les 5 grandes régions de Slovaquie. Chacune a son petit village remplie de maisons traditionnelles, de granges, d’entrepôts, d’ateliers et parfois même d’églises. Imaginez-vous près de 150 maisons dont on peut visiter l’intérieur, des animaux en liberté gambadant dans les différentes rues, quelques guides pour vous faire visiter, vous aiguillez ou répondre aux questions des plus curieux. Tout cela se trouvant dans un cadre fort champêtre.

A peine dans le parc que mon estomac gargouillait, je n’avais pas vu l’heure et il était quasiment 13h ! La taverne du musée propose des plats typiques fort peu chère. Je me rassasie d’une bonne souplette garnie de pommes-de-terre et de morceaux de bœuf. Avec une bonne corbeille de pain le plat est me remplit d’autant plus qu’il est épicé et goûttu. L’endroit est convivial, on ne compte pas plus de 3 tables.

Soupe au bœuf, musée  traditionnel et gare routière de Zilina

Je suis ensuite parti visiter le petit village de la région de Turiec, région où je me trouve actuellement. La rue principale est un mélange de terre et de gravier, jonché d’herbe débordantes. Les maisons sont en bois pour la plupart avec quelques fleurs dans les jardinières. Les quelques clôtures délimitent des jardins où picorent quelques poules. Certaines maisons sont peintes de bleu, blanc ou encore de jaune. J’apprends lors de la visite guidée qu’aucune pièce de métal n’a été utilisée, il s’agit simplement d’un enchevêtrement de poutres, de plaques et de tronc d’arbre donnant vie aux maisons tel un jeu de construction. Les toits sont variés, en tuile pour les plus belles demeures, en bois pour la plupart et en paille pour les plus rustiques. Les moutons broutent devant la petite église entièrement faites en bois, j’apprends qu’il en existe encore plein d’autres dans les Carpates, me laissant la chance d’aller les découvrir !

Quelle ne fut pas la surprise de la guide de trouver un voyageur isolé avec un gros sac à dos dans ce musée au fin fond de la Slovaquie. Elle m’a expliquée que c’était la première visite en anglais qu’elle faisait depuis l’année dernière. Je vous laisse imaginer sa réaction quand je lui ai expliqué mon projet. Elle me donna beaucoup d’informations utile pour mon rapport d’étude ainsi que sur les bus dans la région de Martin. Suite à son explication sur les touristes je comprends mieux la sympathie des gens qui m’aident tout le long de ma route, heureux de voir un jeune étudiant découvrir leur beau pays et qui font tout pour que cette vision de leur coin de paradis soit la plus belle possible.

Je pris donc le bus, puis le train puis de nouveau le bus pour arriver à Sviriec ou Michal et Zuzana m’ont très chaleureusement accueilli. Je l’ai ai trouvé sur l’application couchsurfing, une application permettant de mettre en relation des hôtes et des voyageurs. Ce ne fut pas simple de de trouver leur maison, Michal m’ayant dans un premier temps donné la mauvaise adresse. Je suis ainsi arrivé dans un lotissement assez moderne et quand j’ai demandé si quelqu’un les connaissait un homme de la trentaine a passé quelques coups de fils avant de me dire qu’il savait où ils habitaient. Aussitôt il prit sa petite fille âgée de 22 mois sur les épaules et m’emmena chez mes hôtes. Miro fut d’une aide précieuse et je l’ai remercié chaleureusement.

Michal, Gavroch et moi même. Zuzana ne voulant pas apparaître en photo 

La famille Zarnay me réserva un excellent accueil. Je leur avais apporté une boîte de Bergamotte pour les remercier de leur hospitalité. Cette spécialité de Nancy leur fit chaud au cœur. Même si sa femme était un peu timide Michal était plein d’entrain et nous avons beaucoup échangés sur l’actualité. Pendant que je me tartinais un mélange d’œuf-maquereau-ketchup typique du terroir slovaque sur du pain, Michal m’expliqua son implication au sein du mouvement : « Vendredi pour le future ». Il était investi dans la politique locale et servait de référent dans les projets informatiques. Nous en sommes assez rapidement arrivés à la question de ce que je faisais ici dans cette ville moyenne de Slovaquie. J’ai pu détailler mon projet ainsi que ma passion pour Peter Sagan. Il a très vite rebondi dessus en expliquant que le tout premier coach de Peter Sagan était un de ses amis. Il lui a envoyé un message et m’a indiqué l’adresse du QG de ce petit club de vélo qui vu naître un des plus grands cyclistes de la décennie. C’est ainsi plein de rêve sur les possibles rencontres du lendemain que j’ai trouvé le sommeil au sein de cette belle famille d’accueil.

18
août


« Il n'y a pas de plus grand bonheur que la venue d'un hôte dans la paix et l'amitié » -- Proverbe Zoulou


Voici une vidéo récapitulative des jours 7 et 8 :

Jours 7 et 8 : stop et découverte des villages traditionnelles 

J’ai passé le début de matinée à échanger avec Michal. Le matin l’inspirait et je me délectais de ses avis sur tel ou tel points, en particulier des sujets d’actualité. Par exemple, il m’enseigna que le peuple Slovaque a été restreint pendant trop longtemps et maintenant qu’il en a la possibilité il profite ! Les Slovaques ont découverts la société consommation il y a à peine 30 ans et maintenant qu’ils ont la chance d’en jouir, ils doivent se restreindre pour la planète. Par exemple avoir plusieurs voitures est très bien vu alors que c’est fort polluant. Réduire sa consommation de viande n’est de même pas trop à l’ordre du jour ici. Je comprends donc tout à fait leur désillusion et le combat de Michal.

Après avoir déposé ma plus belle signature dans le livre d’or de leur maison Michal m’accompagna à l’arrêt de bus. Il appela son ami du club de vélo pour m’en donner l’adresse. C’était dans un quartier en banlieue de la ville. Un deuxième bus m’y déposa. Il s’agissait d’une sorte de hangar adossé à un gymnase. L’endroit ne paraissait pas des plus chaleureux et je serai parti si je n’avais pas vu les véhicules avec les autocollants du club. Au bout de 20 minutes d’attente deux cyclistes arrivèrent, le père et le fils. J’étais surexcité de voir enfin des cyclistes de la Peter Sagan Academy, avec le maillot officiel du club ! En expliquant ma situation ils éprouvaient à la fois de la fierté, de la joie et de l’étonnement. Comment se fait-il qu’un jeune français fasse plus de 30 heures de train, de bus et de stop pour arriver ici dans ce club ? Le père m’a alors spontanément donné sa gourde avec les insignes du club. Le rêve ! Il m’expliqua ensuite que les autres ne devraient pas tarder à arriver. Le coach arriva et me proposa de revenir demain à 9h pour pouvoir rencontrer les jeunes.

Je n’en revenais pas ! J’avais contacté ce club à maintes reprises sans réponse et en moins de 24h je venais de trouver leur emplacement, recevoir un bidon et obtenir un RDV pour les rencontrer. Je regagna alors le centre-ville tout ému de ce qui venait de se produire. La ville de Zilina est très jolie comparée à Martin ou Prievidza. Elle compte 2 belles places avec beaucoup de vie, de grandes galeries marchandes ainsi que de nombreux bars et cafés. Les activités culturelles y sont également développées.

Vieille place de Zilina et panorama depuis la tour 

En début d’après-midi je suis parti de l’autre côté de la Vah, cours d’eau traversant Zilina. De là j’ai pu flâner dans le parc du château et en apprendre plus sur les légendes locales. Une des légende est assez cocasse. Elle commence comme toutes les histoires d’amour classiques, deux jeunes gens qui s’aiment, un père qui a promis sa fille en mariage à un homme vieux et riche… mais la fin en est toute autre ! Se rendant compte de la liaison entre les deux tourtereaux le père enferma sa fille dans le donjon du château. Son roméo vint la délivrer mais il accepta un duel de son autre prétendant, celui préféré du père. En effet il voulait laver son honneur. Son amoureux se fit lamentablement tuer et la fille se maria finalement avec le mari que son père avait choisi pour elle !

De là je suis parti vers un point de vue surplombant la ville. Une petite marche en forêt permet de rejoindre une tour panoramique de près de 30m de haut. C’est une structure métallique en plein milieux des bois mais je peux vous assurer qu’à 30m de haut au sommet de la colline la vue est imprenable. 140 marches servent tout de même à gravir pour profiter du panorama à 360 degrés qui s’offre à nous. De là on peut voir la ville, ses usines, ses embouteillages, ses églises, ses places… De l’autre côté on voit la campagne, les petits chalets dans les prairies et à la lisière des bois. Les champs sont découpés par les nombreuses autoroutes permettant de rejoindre la capitale, la Tchéquie ou encore la Pologne. Le paysage est reposant et je ne me lasse pas de contempler la magnifique vue, du sommet de cette tour.

En redescendant je pars explorer la ville. Je tombe nez à nez avec un petit concert de musique traditionnel. Au centre de la place se trouve un petit odéon où s’y est entassés les chanteurs et les musiciens. Ils sont tous habillés en habit traditionnel et les spectateurs profitent à fond de ce moment. Les petits enfants mangent des glaces tandis que les adultes se désaltèrent dans le houblon. La scène génèrent beaucoup de bruit dans toute la ville ce qui ne manque pas d’attirer les curieux.

Château de Zilina 

La synagogue de Zilina est devenu un centre culturel. En effet la communauté juive de la ville ne permet plus d’assurer un office hebdomadaire. Des expositions en tout genre y sont présentés et même des concerts ! Ce soir c’’était du jazz moderne, j’ai sauté sur l’occasion et réserve mes billets. J’ai juste eu le temps d’acheter de quoi manger et d’admirer le charme de la grande place.

Il était 20h lorsque que le concert commença. On comptait 5 artistes sur la piste : un joueur de guitare électrique, trompette, batterie, piano électrique ainsi qu’une joueuse de saxophone. La salle était pleine de spectateurs vivant pleinement leur passion. Je n’avais jamais trop écouté ce genre de musique et ce fut une très belle découverte. Les musiciens se déhanchaient sur la scène au rythme des applaudissements. Les lumières tamisées de la salle nous plongeaient pleinement dans ce concert afin de profiter de chaque instant, de chaque note. Car même si un voyage Zellidja se caractérise par des hauts et des bas, il faut pleinement profiter de ces instants de bonheur soudain que nous offre la vie…

19
août


« J’irai au bout de mes rêves » -- Jean-Jacques Goldman


Ah quelle journée ! Je suis sur les hauteurs du petit village de Zuberec, ma toile est plantée tandis que je regarde le soleil se coucher. La nuit commence à tomber sur cette jolie bourgade au pied des Tatras de l’Ouest. Ça y est, enfin les Tatras ! Sous massif le plus haut des Carpates, la vraie montagne arrive. Pendant que j’écris mes notes de la journée, je n’arrive toujours pas à réaliser ce que je viens de vivre…

La journée a commencé sur les chapeaux de roues. Pour honorer le RDV d’hier avec le club de vélo de Zilina j’ai dû mettre le réveil et m’encaisser 3 km de bon matin. Je suis arrivé à 8h30 devant le garage où ils entreposent les vélos. Au bout de 5 minutes un premier jeune est arrivé puis un petit groupe. Je me suis avancé vers eux avant de commencer la conversation. Même si cela faisait tout drôle d’aller voir des inconnus pour parler vélo, je n’ai pas fait tout ce chemin pour les regarder. Ils étaient passionnés de vélos et faisaient beaucoup de courses, près de 20 par an. Le coach d’hier est revenu et m’a présenté une jeune fille qui était la plus habile en anglais dans le groupe, elle servit d’interprète. Puis tout d’un coup Milan est arrivé !

C’était lui ! Lui que j’étais venu voir ! C’était lui qui m’avait motivé à venir dans ce club ! Le tout premier entraineur de la légende, Peter Sagan. C’était en particulier lui que Michal avait appelé. Ce coup de fil fut des plus précieux. Dès qu’il est arrivé il savait qui j’étais, le jeune français qui avait traversé l’Europe pour venir le voir. Il me serra chaleureusement la main, me fit entrer dans le hangar, avant que nous nous installions sur des beaux fauteuils. Je lui ai posé toutes les questions qui me sont venus, il me raconta avec passion plein d’histoires et la jeune cycliste était pour forte utilise pour traduire. En rigolant je lui ai demandé si elle avait déjà gagné beaucoup de courses, elle a ricané puis m’a répondu qu’elle était championne de Slovaquie en catégorie cadette ! La relève est assurée et il faudra compter sur elle pour les prochaines années ! Peter sponsorise beaucoup le club, ils ont du très beau matériel, des voitures toutes neuves et des maillots offerts.

La Peter Sagan Academy 

Nous nous sommes salués amicalement, je les ai remerciés pour leur accueil puis je suis parti rejoindre la gare routière, direction le lac de Namestovo. Lac artificiel, créé par un barrage. Il marque la frontière avec la Pologne qui se trouve au bout du lac. J’ai savouré une bonne pizza avant de rejoindre l’embarcadère qui était à 4km du centre-ville, allez savoir pourquoi ! Le quai était moyennement chargé, les visiteurs mangeaient des glaces pour la plupart, en attendant le bateau suivant. En m’approchant du marchand je me suis rendu compte que glace ne coutait qu’un euro. Une belle affaire qui m’aura permis de m’occuper pendant le temps d’attente.

Le bateau était une sorte de ferry, proposant un petit tour du lac pour en avoir un aperçu, puis il déposait sur l’île les jeunes marins. Voyant le drapeau slovaque flotter fièrement à la poupe, j’ai sauté sur l’occasion pour sortir mon drapeau français. Avec quelques élastiques et un peu d’huile de coude j’ai réussi à l’accrocher, pour le grand plaisir des passagers. Le lac est assez grand, près de 25km de long mais n’a une profondeur moyenne de moins de 15m seulement. Une fois sur l’île on peut allègrement se balader, visiter l’église (comprenant une magnifique collection d’objets saint locaux) ainsi que les bords pour avoir une vue imprenable sur le paisible lac.

Char, lunette de visée, île et glace chocolat/chocolat-blanc 

En revenant à la terre ferme j’ai commencé le stop, histoire de me rapprocher de Liptovsky mikulas, là où m’attend Jakub le lendemain. En moins de 15 minutes un couple me prit. C’étaient des grands randonneurs qui avaient croisés un ours pas plus tard qu’hier, comme quoi ce n’est pas qu’un mythe qu’on peut en croiser ! Son selfie avec l’ours à 15m me fit beaucoup rire, quelle confiance il faut avoir pour être si détendu dans ce genre de circonstances ! Il me parla ensuite d’une exposition de vieux chars de la seconde guerre mondiale, voyant que cela me rapprochait de Liptovsky, j’ai décidé de les suivre, ne sachant pas trop à quoi m’attendre…

En arrivant sur le parking j’ai pu admirer deux magnifiques blindés du milieu années 30. De licence soviétique mais de production Tchèque ils sont en très bons états, pour vous dire ils fonctionnent encore ! Je n’avais pas du tout compris mais en fait j’étais à un endroit pour effectuer une démonstration de char. Un espèce de vieux générale de l’armée l’avait parfaitement entretenu, avait enlevé le blindage du dessus pour qu’une quinzaine de curieux puisse monter dessus et participer à une séance de test. Avant que cela commence, je suis rentré dans le tank, j’ai regardé dans la lunette de visée, je suis monté dessus pour prendre des photos, mais cela n’était rien comparé à ce qui allait suivre.

Au coup de sifflet il invita les gens à monter dedans. Je me suis installé à l’arrière, place garantissant un maximum de frisson. En faisant un vacarme d’enfer, le moteur démarra, les chenilles se mirent en mouvement et un deuxième rêve se réalisa. Un grand drapeau slovaque flottait dans le ciel et il fallait bien se cramponner à deux mains pour ne pas tomber où glisser. Le tank fonçait à travers la boue, rien ne l’arrêtait. A un moment une énorme flaque de boue se trouvait face à nous. Le char prit de l’élan et fonça. Malgré tout de la boue rentra à l’arrière, les chaussures étaient pleines de boues, je ne vous parle même pas des éclaboussures. Il fallait voir ce mastodonte d’acier, broyer les arbres qui se trouvaient sur son chemin ou le voir avaler les pentes les plus raides. Puis d’un coup une rivière nous fit face. Je me suis alors dis que c’était impossible, c’est seulement dans les films que l’on voit ça, pourtant le char avança, il progressa dans la rivière, perturbant complètement le cours d’eau. Finalement il le passa comme une simple formalité ! Une fois la démonstration finit, l’ensemble du char applaudit pour le plus grand bonheur de son conducteur.

Dernière photo connue avec le blouson 

Tout aussi génial que cela est fou, faire du tank est une très belle expérience ! J’ai repris le stop afin de rejoindre une petite ville et une épicerie. Je suis tombé sur un Slovaque ne parlant aucun mot d’anglais mais avec des signes on a réussi à se comprendre. Par inadvertance j’ai oublié mon blouson dans sa voiture avec mon kway… Cela m’énerve car je ne compte plus le nombre de choses que j’ai perdu depuis le début, en seulement 10 jours. Heureusement mon papier et mon téléphone était dans les poches de mon pantalon. Après avoir acheté de quoi casser la croûte, je suis monté sur les hauteurs du village pour y passer la nuit.

20
août
Reprise des jours 9, 10 et 11 

« Tout meunier tâche d'amener l'eau à son moulin »-- Proverbe de meunier


La deuxième nuit sous la tente s’est très bien passée, pas réveillé par un coq ou un clocher, pas dérangé par de la rosée ou des passants. Cela fait plaisir de bien recharger les batteries ! La toile était tout de même un peu mouillée, je me suis alors dirigé vers l’église, afin de finir le séchage et de déjeuner. Je suis resté pas mal de temps hier pour manger et aujourd’hui aussi au gros carrefour de la ville espérant recroiser l’automobiliste qui a emporté par mégarde mon blouson, en vain.

Une nouvelle fois au premier pouce tendu une voiture s’est arrêtée qui plus est, une BMW ! C’était un Slovaque travaillant en Allemagne, parlant allemand mais pas anglais, ça fait plusieurs fois que ça m’arrive. Il m’a déposé au pied du sentier pour le moulin en bois. Un sentier forestier permet d’y accéder, cela fait toujours du bien une bonne balade de bon matin dans les bois. Le chemin n’est pas très long mais en arrivant au moulin je suis frappé du nombre de touristes. Ils en grouillaient partout, la petite pelouse était bondée et j’ai dû me mettre bien à l’écart pour pouvoir finir mes riettes de la vieille.

Le voyageur... 

Après quoi je suis allé explorer plus en détail ce moulin, c’est une magnifique structure d’ingénierie d’un autre temps. Un petit canal de contournement apporte l’eau jusqu’à la grande roue qui entraine alors un véritable mécanisme. Plusieurs roues dentées s’enchainent afin de faire fonctionner une scierie. Je vous rassure elle ne découpe plus du bois plus mais c’était beau à voir, surtout que les panneaux sont bien fournis. La suite du sentier est tout aussi agréable, elle est jonchée de panorama et de point de vue sur les gorges. A certains endroits on est à plus de 50m au-dessus du vide et on peut admirer la profondeur des gorges et dire que tout cela est l’œuvre de l’eau ! Cette marche en forêt fut des plus reposantes mais elle a eu l’inconvénient de mener à une route où seuls des voitures de touristes pouvaient me prendre et la maison de Jakub se trouvait encore à 15km !

C’est la première fois que ça m’arrive, 3 personnes se sont arrêtées, semblant vouloir me prendre mais en disant le nom de la ville où j’allais, elles sont reparties… En Écosse, je maîtrisais assez la langue pour négocier que me rapprocher jusqu’au prochain carrefour était utile (ce qui est fort vrai) mais ici impossible. Il faut dire que l’endroit était mal situé pour un autostoppeur. Pour patienter j’ai mangé au bord de la rivière, avec les pieds dans l’eau !

Synagogue, lac, gorges et moulin 

J’ai eu plus de chance après le repas et deux conducteurs différents m’ont permis de rejoindre le bord du lac. Il fallait encore franchir un petit chemin traversant un hôtel, mais après quoi le lac s’offre à nous. On y accède par un petit escalier en bois qui débouche sur une plage de galet. En déposant mes affaires et me changeant j’ai remarqué un vieux tronc à l’abord du rivage. Je m’en suis emparé pour aller explorer le lac. Il mesurait un bon mètre de long pour 30 cm de diamètres mais je ne pouvais pas flotter dessus. En revanche j’ai découvert une bonne technique ; me mettre suffisamment en arrière du tronc, me pencher dessus et effectuer le crawl. Tel un Indien sur sa pirogue, j’ai navigué sur le lac à la recherche de Pocahontas, malheureusement je n’ai rien trouvé.

Une dernière conductrice me déposa en plein centre-ville de Liptovsky Mikulas. La synagogue de la ville fut grandement endommagée du fait d’un violent incendie au XIXème siècle. Le faible nombre de fidèles ne rendant pas rentable sa réparation elle est encore en bien mauvaise état aujourd’hui. L’entrée fut malgré tout payante et je pu admirer pour la première fois depuis le début de mon voyage une véritable synagogue. Celle de Zilina était un lieu culturel où l’on trouvait des expositions d’artistes, ici on peut admirer des tables de la loi et des chandeliers à 7 branches.

Sur les coups de 18h je me suis rendu chez Jakub. Il s’agit de mon deuxième hôte du voyage que j’avais trouvé sur l’application couchsurfing. Il habite dans un petit appartement avec une belle vue sur les Tatras. C’est un ingénieur géomètre passionné de montagne et de sport. Nos discussions furent interminables tant nous avions de sujet d’échange. Il connaissait très bien les montagnes et les meilleurs sentiers de randonnées pour rejoindre la Pologne, objectif de dimanche et lundi. En tant que géomètre il avait une bonne application pour les montagnards. Il pratiquait le ski, l’escalade et le VTT et aspirait à devenir garde de haute montagne.

Jakub en claquette chaussette et son hôte 

La discussion pu ensuite se poursuivre un peu plus sur mon thème d’étude, les langues régionales, les séparations avec les frontières, les différences de religions… Sa grand-mère était originaire de l’est du pays et vivait près de la frontière ukrainienne. Il pouvait alors me relater les différences majeures par rapport à l’Ouest du pays. On a mangé un bon repas à base de patates cuites, de légumes et d’un petit fromage fondant. Il produisait sa propre bière et m’en a fait goutter un peu, c’était fameux. Bière très fruitée, c’est fascinant de pouvoir en faire sois même. Il faisait également son propre pain. La soirée a continué dans la joie, la bonne humeur et j’ai pris un grand plaisir à dormir sur son canapé lit…

21
août


« Qui veut s’élever au sommet doit chercher la base en la caverne » Schwaller


La nuit fut reposante et le petit déjeuné servit par Jakub permis de commencer la journée sur les meilleures bases possibles. Jakub se réveille à 5h en semaine, il m’a alors fait un gros cadeau en ne me réveillant qu’à 7h. L’avantage est que cela m’a permis d’avoir une journée bien remplie !

Il devait partir rénover l’appartement d’une amie pour le week-end à l’autre bout du pays et a accepté de me déposer à la mine de Vazecka. La première grotte de la journée est une grotte de stalagmites et stalactites. Formée il y a des dizaines de milliers d’années je n’avais jamais vu autant de stalagmites. Il y en avait partout et il suffisait de tourner sa tête dans une direction pour en admirer des centaines. La majorité était d’un blanc nacré même si certains laissaient apparaître certaines nuances de jaunes. Leur taille variait également de quelques centimètres à plusieurs mètres pour les plus gros. Au sein d’une pièce on compte de nombreuses colonnes résultant de la fusion d’un stalactite et d’une stalagmite.

Ce coin de de la Slovaquie est assez touristique et le réseau de bus est assez bien fournit, m’offrant la possibilité d’aller d’une grotte à l’autre assez facilement. La seconde est la grotte de Dobsinka, grotte de glace découverte il y a seulement 150 ans. C’est assez rare en Europe mais absolument magique à voir. On descend un petit escalier bien aménagé et là commence le périple vers les entrailles de la terre. L’escalier est assez long mais au fur et à mesure on aperçoit de plus en plus de glace. Une fois à une certaine profondeur il y en a partout, le thermomètre pointe à -1°C et on continue de descendre. Se présente alors à nous une grande plateforme où on peut admirer bouche bée, une mer de glace qui nous entoure.

Des grottes et des échelles 

Comme lors de la visite précédente le guide ne parle que slovaque, ce qui signifie aucune explication, heureusement que des prospectus en anglais sont distribués avant d’entrer. Je l’écoute et j’essaye de m’accrocher aux noms de mon petit guide pour suivre le fil directeur, même si l’exercice est difficile. La grotte est tout de même magnifique et j’ai largement de quoi regarder dans cette merveille naturelle. La création géologique est très intéressante mais trop complexe à détailler. Après avoir savouré un bon Gulash, je suis parti en stop vers Proprad.

J’ai eu la chance en arborant mon drapeau français de tomber sur un couple de bretons, effectuant un tour d’Europe en van ! La chance ! Ils ont quitté Vannes il y a deux semaines, ont passés leur dernière semaine en Pologne et sont depuis aujourd’hui en Slovaquie. Ils m’ont informé qu’ils aller faire une petite marche dans des gorges, l’idée me tentait bien et je me suis joins à eux pour l’après-midi. De plus l’homme était ingénieur en mécanique, mon domaine d’étude.

La randonnée était plus une via ferrata, il y avait des échelles, des petits ponts, des passerelles… le tout dans un décor des plus somptueux. Pendant 4 km nous avons remontés ces gorges, progressant mètre par mètre tant le chemin était difficile. Il fallait traverser des petits ruisseaux, faire l’équilibriste sur des pierres, s’accrocher aux cordes, bref il fallait être habile de ses pieds et de ses mains. La gorge était verte, de l’eau coulait sur les pierres, on se serait attendu à voir débarquer King kong d’un moment à l’autre. Nous avons beaucoup discuté de leur projet, de leur métier et ce fut très enrichissant de comparer deux modes de voyage en mode « aventure ».

Passage pour les nains lors de la via ferrata 

Ils allaient à Poprad afin de refaire des courses et m’ont gentiment déposé au Décathlon afin que je puisse me racheter un blouson et une cape de pluie. Cela fut pour le moins comique je dois vous avouer. Comme Décathlon est une marque française les ¾ des articles étaient étiquettés en français, ce qui m’aida grandement pour choisir mes affaires. J’ai également pu acheter des provisions pour la journée de demain qui risque d’être difficile, plus haut sommet de Pologne, faisant la frontière entre la Slovaquie et la Pologne et point de passage obligé pour un jeune voyageur qui veut arriver en Pologne, de cette manière-là !

Petite mosaïque des jours précédents :

Plateau de Pratzn, église bleue de Bratislava, Château  de Devin et lac de Nitranskie
Cicmany, Zilina et l'île de Namestovo 
Zuberec et Liptovsky mikulas 
22
août

Reprise des jours 12 et 13 :

Jour 12 et 13 

« Pierre qui roule n’amasse pas mousse » -- Maxime populaire


Aujourd’hui le Ryzy ! Plus haut sommet de Pologne il marque la frontière et sera un point de passage obligé. J’ai commencé l’ascension en milieu de matinée et je suis des plus étonné de constater le nombre incalculable de touristes et de randonneurs en tout genre. Certains sont équipés pour gravir l’Everest, d’autre pour aller de leur canapé à leur cuisine. Le plus surprenant est que tout ce beau monde emprunte (dans un premier temps je vous le rassure) le même chemin. Je fus donc doublé par des gens portant des cordes ou encore des bonbonnes de gaz. Tandis que j’ai aisément dépassé des familles nombreuses dont les enfants se pavanaient devant chaque fleur, ils ne sont pas prêt de pique-niquer !

Dans un second temps le chemin se sépare en deux, l’un monte vers le sommet et l’autre vers une auberge vendant bière et glace. Je ne vous fais pas un dessin pour vous expliquer qui va où ! J’ai profité de cette ascension pour faire sécher mon linge qui n’a pas eu le temps de se sécher depuis ma lessive de la veille. Je suis arrivé à accrocher mes chaussettes à une lanière de mon sac grâce à deux épingles à nourrices, tandis que mon short est enroulé autour de mon matelas. Une heure à l’exposition du soleil fut plus efficace que 10h accroché à un tancarville dans une salle de bain ! Mon linge est sec pour le repas.

Ensuite le chemin devient une véritable ascension. La végétation a disparu, les roches sont omniprésentes, il faut jouer les équilibristes pour ne pas tomber. Les chaînes font leur apparition. Il faut se cramponner, se hisser pour toujours escalader la montagne. A cette hauteur on ne trouve plus que les individus motiver de gravir le Rysy. En voyant le sommet, j’ai sorti mon drapeau français pour me donner un peu plus de courage. Plusieurs personnes se sont alors mises à me dire « bonjour » voir même à crier « vive la France », que c’est beau ! Une fois au sommet je suis un peu déçu, il y a des nuages et on ne voit rien du tout. Mais le temps de prendre la photo sur la borne, le ciel s’est dégagé et je peux admirer un peu le magnifique 360 qui s’offre à moi.

Lac, auberge et chemin d'escalade 

La disparition de ses nuages cache cependant quelques choses d’autre de terrible, la descente. Véritable mur, il va falloir descendre à verticale plus de 1000m de dénivelé d’un coup. De plus c’est un exercice que je n’affectionne pas particulièrement du fait de mon manque d’adresse et d’agilité. Je me suis lancé après une petite pause, cette fois c’est chaîne sur chaîne, les mains sont beaucoup sollicitées, les miennes ont changés de couleur au fur et à mesure de la descente. Certaines roches ne possèdent aucune prise, il faut donc se tenir uniquement avec la force de ses bras. Je descendais, mètre par mètre mais cela paraissait interminable, beaucoup plus que la montée. Les randonneurs de l’autre sens généraient en plus des bouchons pour ne rien arranger.

Après une heure de souffrance, j’ai enfin lâché la dernière chaîne pour poser mes pieds sur un sentier. Je suis très soulagé de quitter cet enfer même si je suis encore loin de la moitié de la descente. Après il suffisait de descendre un grand escalier (c’est un grand mot on est d’accord) de pierre pour rejoindre les bords d’un lac, la forêt et ainsi un sentier plus paisible. Il y avait tout de même 8km de route bitumée mais sans voiture avant de rejoindre le premier parking pour commencer le stop. Il y avait là des calèches tirées par deux chevaux qui se suivaient et redescendaient les marcheurs trop exténués de leur randonnée.


Sur le toit de la Pologne 

Je n’ai pas attendu 10 minutes avant que deux hongrois s’arrêtent. La scène fut assez surréaliste. Ils m’ont demandé sur mon téléphone faisait GPS, je leur ai répondu que oui et j’ai pu monter. Une fois à bord j’ai compris qu’il était un peu perdu, pas de GPS, pas de carte et plus de batterie, ils ne savaient donc pas comment rejoindre leur hôtel, en plein cœur de Zakopane. Je n’en revenais pas, j’allais arriver à Zakopane avec une journée entière d’avance sur le planning, du fait des circonstances en ma grande faveur. J’ai de plus la chance d’être dans un dortoir de 10 où se trouve uniquement 3 autres personnes. La vie me semble encore moins chère qu’en Slovaquie ici. Comme si l’euro élevait ou lissait les prix et aussi les niveaux de vie. J’en saurai plus demain !

23
août


« L'hôte est un envoyé de Dieu  » --  Proverbe biblique


Après une excellente nuit dans un dortoir à moitié plein, j’ai profité de ma matinée pour continuer de préparer la suite du voyage. Il faut recontacter des gens pour l’hébergement, s’adapter en fonction de la météo, des choses qui devraient être ouvertes mais ne le sont pas... L’ambiance de l’auberge était assez particulière, personne ne cherchait à discuter avec personne et mes voisins de chambrée ont passé leur temps sur leur téléphone…C’était sans compter un jeune luxembourgeois que j’ai rencontré au petit déjeuner (En effet bien que le prix fût modeste le petit déjeuner était inclus dedans !). Cet étudiant du grand-duché était petit, chauve mais fort sympathique. Il devait également se rendre à Cracovie et lorsque je lui ai expliqué mon projet d’y aller en stop il fut emballé et nous sommes partis à l’aventure. L’objectif était d’y arriver le mardi soir.

La ville de Zakopane ne possède pas grand charme. On y trouve beaucoup de chalets de vacances et de vacanciers. Ce matin les rues sont désertes du fait de la pluie et le peu de musée que contient la ville est fermée. Je me suis alors rendu à la gare pour quitter cette ville avec Léopold. Il y avait une queue de 40 personnes pour acheter un billet. Sans doute que je n’étais pas le seul à vouloir partir ce matin ! Un bus nous permit de réaliser ce désir, mais comme les villes en Slovaquie, celle en Pologne sont tout aussi mal conçu. Représentez vous une ville de près de 20 000 habitants desservies par une seule route. Les embouteillages étaient au RDV et la pluie battante depuis la nuit n’arrangeait rien.

La campagne polonaise est morose sous la pluie. Le ciel est tout gris et seul quelques maisons toutes en bois viennent donner un peu de couleur au paysage défilant sous mes yeux. Je suis tout de même arrivé à Nowy Targ pour midi avec mon compagnon. Les embouteillages m’ont fait rater ma correspondance pour 2 minutes et le bus suivant ne partait qu’une heure et demie après. Nous sommes alors partis explorer la petite ville, afin de trouver à manger. Le seul restaurant plus ou moins ouvert était un restaurant assez chic mais les prix sur la carte ne correspondaient pas à ce que nous imaginions, il semblait que l’on pouvait se payer un repas de roi pour moins de 8 euros. Une fois cela assuré nous nous sommes installés et avons savouré un excellent repas, de la cuisine traditionnelle. Soupe de Betterave puis assortiment de viandes avec du fromage fondue. Si la soupe fut excellente, les viandes n’étaient pas fameuses.

Nous avons continué notre périple en direction du lac de Czorsztyn où se trouve un château. En effet comme il pleuvait cela était une bonne occupation. La journée n’était somme toute pas des plus joyeuse, beaucoup d’incompréhension avec les Polonais incapables d’aligner deux mots d’anglais, ne nous comprenant pas et la pluie qui tombait de plus en plus fort. Léopold et moi-même avions alors une très mauvaise image de la Pologne à cet instant. C’était sans compter que j’allais vivre le plus gros retournement émotionnel de ce voyage, si ce n’est de ma vie. En effet j’ose le dire, ce qui va suivre est INCROYABLE !

Château et soupe à la betrave 

Premièrement nous avons pris un petit bateau pour nous rendre de l’autre côté du lac. Le pseudo capitaine ne semblait pas très intéressé et ne nous demanda pas nos billets mais nous fit juste signe que nous les payerons en descendant. La traversée fut reposante, en regardant les deux châteaux au bord du lac. En accostant le capitaine nous a dit en anglais : « Si vous voulez payer c’est par là-bas ». Scène des plus surréaliste car son indication était tellement floue que nous n’avons trouvé personne et avons rejoins la route la plus proche pour commencer le stop.

En moins de 5 minutes un dénommé Dominico nous prit, il parlait quelques mots d’anglais mais assez pour comprendre qui nous sommes et notre projet. Voyant cela il nous proposa d’aller rencontrer un de ses meilleurs amis, plus à même de communiquer et dont nos destins étaient similaires. En effet Michal voulait partir en stop dans les Balkans et avait le même esprit du voyage que nous. Nous avons beaucoup échangé avant qu’il nous propose de rester ici ce soir, comme nous n’avions pas d’hébergement. Nous avons accepté en le remerciant mille fois et nous étions tous les deux éberlués de trouver des gens aussi charmants et aidant. Après quoi nous sommes allés goûter chez Dominico. Il nous a offert du thé et des crêpes avant de nous inviter à aller randonner pour accéder à un superbe panorama. Nous avons bien volontiers accepté, mais Léopold et moi-même étions des plus perplexes.

Qui sont ces gens qui en moins d’une heure de temps, nous prenne en stop, nous offre de quoi manger et nous propose un toit, tout en nous montrant les plus beaux endroits de leur région ? Je n’en revenais pas et je me disais de profiter de chaque seconde que je vivais. Nous avons tout de même marché une heure pour arriver à un sommet locale offrant une magnifique vue sur leur village et la rivière en contrebas. Le brouillard qui était encore bien présent nous a empêché de pleinement profiter de la vue. Mais dans ce genre de moment l’émotion dominait amplement, plus qu’un simple paysage.

En redescendant Dominico nous invita à venir manger chez lui. Sa mère nous avez préparé un superbe repas à base de charcuterie, fromage, pain, fruits, yaourts… J’étais tétanisé et ne savait comment réagir devant cette brave femme qui venait d’offrir le repas à deux parfaits inconnus que son fils venait de ramener sous son toit. J’ai commencé à manger timidement tandis que la mère de Dominico courrait dans tous les sens pour que tout soit parfait et que nous soyons les plus heureux. C’était insensé ! Pas moins de 5 minutes après elle est revenue avec une bouteille de vin en s’excusant que c’était impoli de servir le repas sans vin, c’est pour vous dire le personnage ! J’en avais les larmes aux yeux et je me suis alors mis à discuter avec elle. Elle avait beaucoup voyagé en Italie et parlait couramment italien, autant vous dire qu’on se comprenait ! Cette femme avait le cœur sur la main et je lui ai alors offert une petite boîte de Bergamotte. Le cadeau la bouleversa et me prit dix fois dans ses bras pour me remercier. Elle commença alors à nous réciter son amour pour la France : « Edith Piaf, les Choristes, Zaz, Zidane, Chanel… » Je me suis alors mis à chantonner « vois sur ton chemin » des Choristes et elle en avait le souffle coupé, même si ma voix est des plus affreuses.

Avec la mama 

Nous avons continué de discuter en la remerciant mille fois avant que Michal ne revienne. Il était parti faire le ménage chez lui pour que notre chambre soit la plus propre possible. C’était fou je ne comprenais plus ce que je vivais. Nous sommes ensuite montés dans la chambre de Dominico où ce dernier nous joua un peu de guitare, comme pour rajouter de la magie à ce moment si exceptionnel que nous vivions.

Le quatuor magique : Léopold, Michal, Lucas et Dominico 

Michal en est ensuite venu à me raconter qu’il jouait aux échecs, comme c’était mon cas j’ai sauté sur l’occasion pour lui proposer une partie. L’échiquier étant chez lui et notre chambre aussi nous sommes partis chez lui, saluant et embrassant un énième fois la « mama » qui nous avez réservé le plus beau des accueils. Une fois chez Michal les parties se sont enchaînés, car Léopold et Dominico jouaient aussi. Il avait commencé les échecs il y a moins d’un moins et en seulement une dizaine de coups il me tendu déjà la main. J’en ai alors profité pour lui prodiguer plein de conseils et c’est avec des grands yeux bien ouverts qu’il m’a écoutés, lui expliquant quelques stratégies élémentaires, pour mon humble niveau.

Table et partie d'échec 

La sœur de Michal est alors rentrée. Cette jeune étudiante de mon âge vivait également avec son frère. Elle nous proposa de regarder un film et c’est tous ensemble que nous nous sommes mit à regarder la télévision. Une fois le film terminé nous nous sommes tous salués, les remerciant encore pour le magnifique moment qu’ils venaient de nous offrir. Je n’aurais jamais parié un kopec ce matin que j’allais sympathiser avec un jeune du grand-duché, que nous ferions du stop ensemble, que nous tomberions sur des gens nous recevant comme des rois, au beau milieu des Carpates polonaises.

24
août

C’est à peine si je m’étais remis de mes émotions de la veille lorsque je me suis réveillé ce matin. Léopold était déjà réveillé depuis longtemps et m’attendait en jouant sur son téléphone. J’avais reçu un message de Michal, son patron n’avait pas eu besoin de lui aujourd’hui et il allait revenir vers 9h. Les événements géniaux de la veille ont continué. Nous étions tous justes sortis de la chambre que la sœur de Michal nous attendait et nous a servis le petit déjeuner, préparé avec soin par la grand-mère vivant au rez-de-chaussée. Ce fut encore un repas très copieux pour prendre des forces pour la journée.

Tant de personnes avaient agi pour que nous nous sentions si bien avec mon ami du grand-duché. Entre la mama d’hier, Dominico, Michal, sa sœur et sa grand-mère avaient tous contribué pour que ces premières journées en Polognes soient des plus mémorables. Michal est rentré et nous a proposé d’aller nous balader dans la forêt, mais voyant la pluie il proposa une activité intérieure et nous avons donc joué aux échecs. Avec Léopold nous avons conseillés et fournit le plus possible de conseil afin qu’il puisse progresser. Puis est venu le moment des adieux en cette fin de matinée, nous nous sommes salués, en le remerciant du magnifique cadeau qu’il venait de nous offrir.

Les adieux 

Le stop a ainsi pu commencer. Nous étions à deux heures de Cracovie et mon expérience du stop me prédisait qu’il était possible de relier les deux villes assez rapidement. Tout du moins avant la fin de journée, tel était l’objectif ! La première conductrice avait le volant à droite, chose étrange au fin fond de la Pologne. Il s’agissait d’une professeure d’anglais ayant vécue la plupart de sa vie à Londres, d’où le volant. Malheureusement elle ne nous avança que de 10 km, ce qui est dommage lorsqu’il y en a 120 à faire ! En moins de 5 minutes un Van s’arrêta pour nous emmener. C’était un jeune couple de Polonais qui avait aménagé un van pour pouvoir cuisiner et dormir dans leur voiture, cela leur était bien pratique pour leur différente sortie. Sans le savoir, le drame commençait…

L’homme me demanda la direction et je lui ai répondu Cracovie, il me rétorqua que c’était la même route pour lui. Confiant nous continuions d’avancer sous une pluie toujours vivace, avec comme seule paysage la campagne Polonaise. En nous déposant dans la banlieue de Nowy Sacz il nous montra la route à suivre pour rejoindre notre objectif. En regardant sur mon GPS, ce fut l’horreur, nous étions partis dans la mauvaise direction. Le temps indiqué par le GPS était passé à 2h20 et Léopold avait faim. J’étais en colère de m’être fait avoir ainsi. Abattu mais pas résigné, nous avons rapidement trouvé un autre conducteur pour nous emmener en plein centre-ville et nous restaurer.

Grande place de Cracovie et Nowy Sacz 

Une marche de près de 5km nous permis ensuite de rejoindre un endroit potable pour faire le stop. Entre l’Ecosse, les différentes expériences en France et le début du trip, j’ai compris beaucoup de fondamentaux dans cette science. Bouger le bras pour paraître actif, se trouver devant une aire où le conducteur peut stationner en toute sécurité, un grand sourire, ne pas marcher, être sur des routes ne menant principalement qu’à un seul endroit, être en sortie des villes après les possibles ronds-points ou autres routes, ne pas avoir de pancarte…c’est beau ce que peut faire l’esprit d’un élève ingénieur !

A 16h nous étions toujours à plus de 1h45 de Cracovie et la situation semblait désastreuse. Rendez vous compte nous étions partis depuis 11h et n’avions gagné que 15 minutes, c’était déprimant. Heureusement la chance qui nous avait souri hier en fin de journée arriva ! Au bout de plusieurs dizaines de minutes d’attente, Rafal arriva. Ce polonais était venu chercher sa voiture de société et revenait à Cracovie, le rêve. C’était une personne extrêmement intéressante et j’ai pris un grand plaisir à échanger avec lui. Nous avons parlé des souvenirs de l’époque communiste, de la politique actuelle, des voyages, des choses à voir à Cracovie, de son métier, des traditions et culture locale… Pendant ce temps mon compagnon du grand-duché faisait sa meilleur sieste, allongé sur la banquette arrière de son véhicule.

Avec un Bigos : pain farcie 

En arrivant Rafal vit un grand détour pour nous déposer en plein centre-ville. Je me suis séparé avec Léopold, nous n’avions pas le même hébergement. Cela me fit grand plaisir de voyager avec quelqu’un le temps de deux journées, surtout du fait des expériences inoubliables que nous avons forgé ensemble. On se sent moins seule mais le désir d’aller vers n’importe qui pour échanger diminue un peu, pourquoi parler à l’autre alors que je peux échanger avec mon compagnon d’aventure ? J’ai passé la fin de journée et début de soirée à découvrir la ville, ses places et ses ruelles. Ce début de repérage me sera fort utile pour la suite et la visite de Cracovie !

26
août
Jours 14, 15 et 16 

J’ai encore fait une bonne nuit, profitant une nouvelle fois d’un bon toit et d’une chaude couette. En effet même si la pluie s’est un peu calmée aujourd’hui, les températures ne sont pas bien hautes. Aux alentours de 14°C le matin, jusqu’à 18° en début d’après-midi et moins de 11° le soir et la nuit. Je me suis renseigné auprès des locaux pour savoir si ce temps-là est habituelle, on est quand même en août ! Les différentes réponses que j’ai eu convergent, il fait un peu plus froid qu’à la normale, mais pas beaucoup moins. C’est tout de même un peu dérangeant pour les vacances d’été !

Sous un soleil timide en ce milieu de matinée, j’ai retenté l’expérience de goûter les pâtisseries locales. Bien plus savoureuses qu’à Bratislava, la plupart contiennent une sorte de coulis de fraise des bois et de myrtille. Il y a parfois un glaçage à la vanille ou alors des pépites croustillantes. Tant que je suis dans la nourriture laissez-moi vous parler de quelques plats typiques. J’ai eu la chance de savourer le Bigos. Il s’agit d’un gros pain creux farcie avec un mélange de différentes viandes sautées. On y mange beaucoup de pain et cela nourrit un bon voyageur affamé. Les glaces sont également bien présentes bien que peu locales. Ici les prix peuvent varier d’un euro à 4 euros en fonction d’où on se trouve. C’est intéressant de sortir des sentiers battus !

J’ai commencé la journée par visiter un grand complexe de bâtiments historiques. Le château de la ville regroupe cathédrale, tour défensive, musées ainsi que salles d’expositions. On peut y passer plusieurs jours, tel un grand musée parisien. J’ai commencé ma visite par la cathédrale de Wavel. C’est ici que sont enterrés bon nombre des rois de Pologne, mort au champ d’honneur contre les ordres des chevaliers teutoniques ou en croisade. Mais c’est également là qu’en 1964 un certain Karol Józef Wojtyła fut nommé archevêque de Cracovie, futur pape Jean Paul II. D’ailleurs ici c’est un véritable phénomène, on ne compte pas une élise sans son portrait ou des statues à son effigie.

Quartier Juif, à l'intérieur d'une synagogue, devant le château de Wavel et es carrières 

Dans un second temps je suis monté dans la haute tour faîte de brique. Elle protège le château en son coin mais offre aux visiteurs une vue imprenable sur la cathédrale ainsi que la ville. Ensuite j’ai découvert les plus belles tapisseries de l’ancien royaume de Pologne. Il faut se représenter des tapisseries recouvrant des murs entiers des pièces d’un château. De l’ordre de 8 mètres par 4, elles représentent pour la plupart des passages bibliques ou mythologiques. On peut également s’amuser à regarder des tapisseries de chasses ou de cueillettes, pour les passionnées de faunes et flores. La visite continue par une exposition des armes polonaises. Canons, sabres, épées, lances, hallebardes, mousquets, pistolets, arbalètes… bref il vaut mieux aimer la guerre et l’histoire dans cette partie-là de la visite !

Après m’être restauré dans l’ancien quartier juif, j’ai découvert un quartier juif d’une ville d’Europe de l’Est. Il y a bien sûr des places, des synagogues et un cimetière traditionnel mais il y a comme un vide qui régnait dans l’air. C’est triste à dire mais on l’impression que la vie a quitté cet endroit après la seconde guerre mondiale et l’arrivée des communistes n’a pas dû arranger les choses. L’ensemble des bâtiments sont délabrés, on peut encore lire les anciennes façades comme la boucherie kacher Goldstein ou la librairie Rubenstein mais rien ne les remplace. Cela faisait presque froid dans le dos…

Mon conducteur de la veille m’avait conseillé un endroit assez particulier à voir. Il s’agissait d’une vieille carrière plus ou moins transformé en petit lac, au beau milieu de la ville. Il s’agissait d’un petit coin de paradis, petit trou de verdure dans cette grande ville européenne. Les falaises de la carrière sont toutes blanches et offrent une vue imprenable sur le lac et la forêt qui l’entoure. Mais ce qui est d’autant plus génial et que juste à côté un superbe panorama à 360° de la ville s’offre à nous. On peut contempler le château, compter les clochers, voir le quartier historique et même apercevoir les grandes cheminées des usines environnantes.

En rentrant vers le centre-ville je suis tombé sur un groupe de joueurs d’échecs. C’étaient des papis qui s’étaient installés sur 3 ou 4 tables avec des échiquiers. Ils enchainent les parties pour le plus grand plaisir des curieux ou passants. Au bout de plusieurs dizaines de minutes un vieux monsieur me proposa de l’affronter. Je ne parlais absolument pas polonais mais aux échecs, seules les pièces parlent. La partie fut très rude, mon adversaire étant habitué de ces parties de rues. Au bout de quelques coups j’ai compris que cela n’allait pas être une simple affaire. La pression de ses pièces étaient trop fortes et je ne faisais que reculer sur le plateau. Je ne comprenais pas, je jouais les meilleurs échecs que je n’avais joué, j’étais concentré comme jamais mais cela semblait inutile. J’étais sur le point de prendre l’eau jusqu’au moment où mon adversaire en voulant être trop gourmand est tombé dans mon piège. J’ai capturé sa dame et quelques coups plus tard la partie était dans la poche. Il me serra chaleureusement la main et je m’en suis allé au concert de musique classique. Encore une merveilleuse rencontre sans une parole. J’ai joué une heure avec lui et juste des sourires, des sourcils froncés ou des gestes des mains nous ont permis d’échanger.

Début de partie 

Une grande église du centre-ville proposait des concerts de musique classique tous les soirs, curieux je m’y suis donc rendu. L’église était pleine au ¾. Les Polonais avaient sorti leurs plus belles tenues et ne s’attendaient pas à voir arriver quelqu’un avec des chaussures de marches. Les musiciens sont arrivés et le petit orchestre a commencé à jouer. Il y avait 3 violions un violoncelle, une contrebasse, un piano et une trompette. Ils ont joué des morceaux classiques comme les 4 saisons ou du Mozart puis des morceaux que j’ai eu le plaisir de découvrir. Je suis rentré à l’auberge, encore très fatigué d’une belle journée et prêts pour repartir à l’assaut des Carpates.

26
août

Fin de soirée dans un monastère de la congrégation du très saint rédempteur, en plein cœur de la ville de Tuchow, chambre numéro 3. Le soleil s’est déjà couché mais je ne réalise toujours pas (une fois de plus je suis bien d’accord) ce que je viens de vivre en cette fin de journée, lorsque j’écris mon journal quotidien…

Ce matin j’ai quitté Cracovie le plus tôt possible car le programme de la journée est assez chargé. Il y a les mines de sel de Wieliczka, le transport vers Tarnow, sa visite ainsi que le début du transfert vers Carpates polonaises. La ville de Wieliczka est assez bien reliée à Cracovie par un bon nombre de bus et de train. Pour moi ça sera le bus 304 qui m’a permis de rejoindre la ville en une petite demi-heure. En arrivant à la mine de sel je suis abasourdi du nombre de touristes que je vois. Il y en a partout, ça grouille de tous les côtés, ils arrivent par train, bus, voitures…bref je comprends que je ne suis pas la seule à être venu admirer l’une des plus belles choses à voir en Pologne.

Le premier détail qui m’a énervé est que le prix est plus cher pour les étrangers que les Polonais. En effet on ne peut rentrer que par des visites guidées et les tarifs sont plus chères pour les visites qui ne sont pas en polonais. La différence est de l’ordre de 8 euros, ce qui n’est tout de même pas rien ! La visite commence par la descente de 364 marches pour arriver à près de 70 mètres sous terre. L’escalier donne le tournis et bon nombre des visiteurs de mon groupe se sont arrêtes à maintes reprises pour reprendre leurs esprits. Une fois en bas, le guide a commencé son show d’explication. J’ai eu grand plaisir à parcourir les galeries faîtes de poutres en bois, laissant quelques fois apparaitre un filon de sel, en écoutant un groupe de touriste alsaciens avec leur joli accent.

Ces galeries contiennent de nombreuses salles mais également beaucoup de statues de sel. J’en voyais pour la première fois et le résultat était très convaincant. Il y avait tantôt des mineurs, tantôt des rois, tantôt des chevaliers et même parfois des nains (je vous rassure je n’ai pas croisé grincheux). En passant de salle en salle on découvre l’évolution des galeries au fur et à mesure des âges, l’évolution des moyens pour remonter la pierre et aussi l’évolution des techniques de minages. Toutes très intéressantes et bien expliqués par le guide.

A un moment nous sommes arrivés en haut d’une grande pièce, avec un immense escalier pour continuer la descente. Je me suis cru dans le seigneur des anneaux, au fin fond des mines de la Moria. Les sculpteurs se sont bien amusés à faire toutes sortes de nains et autres créatures profondeurs. On pouvait tout en bas goûter de l’eau jaillissant des profondeurs mais dont la saturation est atteinte en sel, je m’explique. Si on rajoute un morceau de sel dans cette eau il ne se dissolvera pas, l’eau ayant atteinte sa capacité maximale de sel qu’elle pouvait absorber. La teneur en sel de cette eau de 360g/L. On a donc une eau dix fois plus salé que l’eau de mer en Bretagne, il vaut mieux ne pas boire la tasse ! Rien que quelques goûtes vous suffisent.

Mines de sel 

En continuant la descente nous sommes arrivés une somptueuse chapelle de sel à plus de 110 mètres sous le sol. Imaginez vous des bas-reliefs sculptés, des ornements, des statues, des croix et des bancs, tous en sel. Le plus impressionnant fut le lustre composés d’une multitude de cristaux de sel, le résultat est époustouflant. J’ai adoré cette visite de mine et je comprends mieux pourquoi il s’agit d’une des plus belles choses à voir en Pologne !

J’ai dû repartir légèrement sur mes pas pour continuer le voyage. En effet les railles se terminent après la gare de Wieliczka, il faut donc revenir en banlieue de Cracovie pour enfin pouvoir prendre le train, direction Tarnow. Le train était complétement plein et j’étais obligé de m’asseoir par terre pour ne pas patienter une heure debout. Je suis tout de même arrivé dans l’après-midi à Tarnow. C’est étrange la ville comporte tout de même plus de 100 000 milles habitants mais la gare est toute petite, les départs chaque heure se comptent sur les doigts d’une main et la gare routière est vide, les horaires des bus ont été arrachés et on ne voit personne attendre un hypothétique bus.

Tarnow, ses églises et la grande place de Tuchow 

La ville comporte de nombreuses églises. La cathédrale entièrement faites de brique est magnifique. On y compte de nombreux fidèles. En effet depuis mon arrivé en Pologne au sein de la moindre église se trouve une dizaine de croyants priant ou se confessant. En extérieur de la ville se trouvent deux magnifiques églises en bois. Je suis content car j’en avais déjà trouvé plusieurs en Slovaquie, signe que ces églises sont bien typiques des Carpates. L’intérieur est tout de même assez petit mais chaleureusement décorés et garnies. J’ai repris le stop sur les coups de 18h en périphérie de la ville. Je sais que je quitte les villes pour au moins une petite semaine, petite semaine d’exploration des Carpates polonaises, à découvrir les petits villages et ses habitants.

En 3 minutes une voiture s’est arrêtée. C’était deux parents allaient rechercher leurs enfants qui étaient en vacances chez leurs grands-parents. Le courant est très bien passé entre nous et ils étaient très étonnés de voir un jeune français voulant se rendre dans la ville de Tuchow. Elle insista sur le fait qu’il n’y avait pas grands choses à voir et à visiter. Lorsque vint la question de l’hébergement je lui ai annoncés que je cherchais une auberge de jeunesse ou un camping. Mais dans une ville de 7 000 habitants pas touristique on ne compte qu’un hôtel dont les prix sont assez élevés. Iwona m’assura de me trouver un toit et se mit à passer coups de fils sur coups de fils. En arrivant chez ses parents elle leur demanda de m’héberger mais ceux-ci ont refusés. Iwona était désolé et j’étais terriblement gêné de voir cette femme se débattre à ce point pour trouver un hébergement. Ils devaient repartir à Cracovie le soir même et ils avaient encore beaucoup de routes à faire.

Mes Sauveurs, Iwona et Matej 

Ils ont alors poussé la porte du grand monastère de la ville. L’homme de l’accueil expliqua qu’il était impossible de me loger du fait des réparations. Voyant l’insistance de la famille, l’homme sorti lui aussi son téléphone pour m’aider. Au 5ème appel j’ai vu un grand sourire sur le visage d’Iwona et Matej, ils se sont tout de suite précipités vers moi pour me dire que c’était bon, ils m’avaient sauvé ! J’avais une chambre dans la résidence des nones qui dépend du monastère. Tant de gentillesse une nouvelle fois m’a beaucoup frappé, des gens qui en l’espace d’un quart d’heure se mettent à m’aider à 300%, retardant leurs autres projets, se démenant comme ils peuvent pour qu’un voyageur puisse une nouvelle fois avoir la meilleure image possible de la Pologne.

27
août


« Si seulement j’avais fait allemand … » -- Lucas Venner, phrase au moins prononcée dix fois aujourd’hui (et beaucoup de fois plus depuis le début du voyage)

Jours 17 et 18 

Le calme du monastère faisait beaucoup de bien. J’en ai profité pour faire une petite lessive, juste de quoi que je puisse accrocher sur mon sac pour le faire sécher en journée. Après avoir pris mon petit déjeuner j’ai essayé d’aller côtoyer les nones que je n’avais eu la chance croiser hier. Mon étage était vide en réalité et quelques-unes habitaient l’étage supérieur. Prétextant que je leur offrais une boîte de Bergamotte, je suis tombé sur une petite bonne sœur aimable comme tout. Elle devait avoir près de 80 ans et était en train de prendre son petit déjeuner. Elle ne parlait que polonais. Voulant à tout prix communiquer avec cet être si inattendu j’ai utilisé mon téléphone et plus particulièrement sa fonctionnalité de traduction.

En effet l’application détecte les voix et les traduit. Je parlais français au téléphone, celui-ci traduisait en polonais et la bonne sœur n’avait plus qu’à répondre. J’ai ainsi pu lui expliquer pourquoi un jeune homme français dormait ici, la suite de mon voyage, ce que sont les Bergamotes etc… Elle était très touchée et vous auriez dû voir sa réaction quand je lui annoncé que j’étais français, ses pupilles se sont écartés grandement et elle eut un immense sourire. Elle me remercia grandement et même si elle ne comprenait pas trop la puissance de google traduction j’ai tout de même pu communiquer avec elle. C’était beau.

Je suis ensuite allé rendre les clés de ma chambre et j’en ai profité pour faire un petit tour des lieux. Il y a au sein du monastère une cathédrale, regroupant forcément des fidèles, nous sommes en Pologne ! J’ai alors commencé le stop et j’ai atteint un record depuis le début du voyage, 7 véhicules m’ont pris ! J’ai rencontré de tout. Pour ne pas faire une trop grosse énumération je vais essayer de les regrouper dans des catégories.

Maisons des sœurs  

Premièrement j’ai rencontré ces fameux polonais qui travaillent dans le bâtiment en Allemagne. Roulant dans des vielles Audi/BMW de l’entreprise ils parlent parfaitement allemand mais aucun mot d’anglais. Ils sont très courageux, partant le lundi matin pour revenir le vendredi soir avec à chaque fois près de 6h de trajet. A la place du sapin senteur accroché sur le rétro intérieur ils ont un chapelet ou une croix. Mes quelques mots d’allemands appris grâce aux films de louis de Funès m’auront permis de dialoguer un minimum avec eux à coup de « wunderbat Kappel » et « führer centrum ». Les mains servaient à faire le reste de la conversation. Eins, zwei, drei !

Dans un second temps il y a les vieux, presque des papis habiles avec la technologie. Voyant qu’on ne parle pas la même langue, ils me disent des « telefon » et je comprends qu’ils souhaitent que je l’utilise pour communiquer. J’arrive alors à leur dire qui je suis, ce que je fais, ils m’expliquent ce qu’ils font dans la vie etc. La discussion est presque normale, juste qu’elle prend un peu de temps du fait des délais de traduction. Et puis il y a eu Andrei…

Il était sur les coups de midi dans la ville de Grybow, j’avais déjà parcouru 50km. Mes deux premiers conducteurs de ce matin m’avaient très fortement recommandé de visiter la ville de Krynica au Sud du pays, quasiment à la frontière avec la Slovaquie. Souhaitant y aller j’avais continué le stop. Je m’impatientais quant au bout de 20 minutes une vielle Audi (500 000 km au compteur tout de même) s’est arrêtée. C’était Andrei. Il parlait allemand mais était extrêmement sympathique. Il avait un chapeau, une queue de cheval et avait tout le temps un grand sourire. Il m’a d’abord fait comprendre qu’il s’arrêtait 5km avant Krynica mais que ça ne le dérangeait pas de m’y emmener, ce qui est déjà fort agréable. Il m’a ensuite proposé d’aller prendre le café, ce que j’ai naturellement accepté…

Il travaillait pour un festival local. Je l’ai d’abord aidé à décharger la bière, nous sommes passés chez lui puis il m’a emmené chez ses collègues. A peine j’étais installé qu’Andrei m’a apporté une grosse assiette de Goulash, la soupe locale. J’ai une fois de plus j’étais impressionné. Il venait tout simplement de m’inviter à manger avec lui et ses 2 amis. La véritable Goulash comporte des pommes de terre et des champignons, ce qu’on n’a pas forcément dans les restaurants. Après quoi il m’a servi le café puis il a posé sur la table un gros pot de Smalec. Il s’agit d’une espèce de pâté locale, essentiellement constitué de gras de lard. Voyant que je l’appréciais particulièrement au bout de quelques minutes son collègue est arrivé avec un bocal remplie de Smalec, afin que je puisse en ramener. J’étais si gêné et encore une fois si ému de la gentillesse des Polonais.

Repas chez les amis d'Andrei, enterrement sous la pluie, observatoire de Krynica et maison traditionnelle  

Après le repas il m’a montré sa collection de moto et de sidecars puis nous sommes partis pour Krynica. Il m’a déposé en plein centre-ville et je l’ai remercié longuement avant de la quitter. Je suis parti pour l’observatoire de la ville. A ¾ d’heure de marche se trouve une tour de 50 mètres de haut offrant un panorama à 360°. Malheureusement il faisait très froid, 9°C avec de la pluie et du vent. Les nuages étaient à la fête et la vue escompté n’était pas vraiment au RDV. Ce qui est fort dommage au vu de tous les efforts que j’ai mis pour arriver dans cette ville du bout du monde.

J’ai repris le stop et quatre autre polonais et polonaises m’ont permis de rejoindre l’objectif que je m’étais fixé, Gorlice. Ville d’environ 20 000 habitants elle constituait une bosse base d’hébergement car avec la pluie qui continuait je ne souhaité pas dormir à la belle étoile. Pour moins de 11 euros j’ai trouvé une chambre d’hôte. Le prix est assez faible pour un grand confort, une douche, de quoi faire sécher mes affaires qui sont toujours mouillés et de quoi me reposer.

Dans la chambre d'hôte avec le Smalec d'Andrei 

En faisant mes courses pour moins de 3 euros j’ai pu me faire un petit festin. En effet pour cette somme j’ai ; un pain de campagne tranché, un gros paquet de gâteau, deux pommes, une canette de fanta et un gros pot de yaourt, pas mal non ! J’ai ainsi pu continuer de savourer le délicieux Smalec d’Andrei.

28
août


« Il faut se réjouir de chaque victoire car on ne sait pas quand sera la prochaine » Primoz Roglic


Le soleil a enfin pointé le bout de son nez ce matin. Grâce à lui ma lessive fut sèche en quelques dizaines de minutes en étant (bien) accroché à mon sac à dos. Je me suis d’abord rendu à un petit musée expliquant l’exploitation du pétrole dans la région. Le pétrole fut principalement exploité dans les années 50 et 60. C’est avec une grande joie et les yeux d’un élève ingénieur que j’ai admiré les vieilles machines, les vieux moteurs et foreuses. On pouvait même faire tourner les machines, pour mon plus grand plaisir. Dans une petite maison il y avait une exposition d’objets technologiques de l’époque. J’ai pu voir une calculatrice et autres outils de la sorte. Le pétrole a fait la fortune de la région car il a apporté beaucoup d’usines annexes.

Je me suis ensuite rendu au centre-ville de Gorlice pour pouvoir commencer le stop. Mon t-shirt sans doute mal accroché est tombé de mon sac. Je m’en suis rendu compte tardivement et j’ai décidé d’opérer un demi-tour dans l’espoir de le retrouver. Par le plus grand des miracles il m’attendait 2 km plus haut. J’étais soulagé de le retrouver mais un peu abattu de m’être rendu compte de sa disparition si tardivement. Le stop ne marchait pas trop et j’ai dû sortir complétement de la ville pour commencer, si bien que mon téléphone indiquait déjà 10 km parcourus alors qu’il n’était pas encore midi.

Gorlice et foreuse à pétrole 

Un vieux monsieur avec une belle barbe blanche poussant son vélo est venu me voir. Une fois de plus il parlait allemand. Il avait travaillé en France et me souhaita bon courage pour la suite, me conseillant d’utiliser une pancarte. Après un certain temps un dénommé Woitek s’est arrêté. Il avait un immense sourire qui faisait plaisir à voir. Il avait une vieille fourgonnette de 300 000 bornes et venait chercher un gâteau d’anniversaire pour l’anniversaire de Weronica, sa fille de 4 ans. En voyant le gâteau j’ai compris l’amour du père pour sa fille. C’était un somptueux gâteau avec la reine des neiges, son prénom et beaucoup de crème. Le temps qu’il s’arrête le vieux monsieur à la barbe est revenu avec un grand sac plastique, me conseillant d’écrire dessus le nom de ma prochaine étape, ce fut adorable. Woitek parlait allemand mais me demande d’utiliser mon téléphone car il voulait me dire quelque chose d’important.

Il voulait m’inviter à venir visiter son terrain, au beau milieu de son coin de paradis, en plein dans les Carpates polonaises à quelques kilomètres de la frontière slovaque. J’ai bien entendu accepté et j’ai alors vu un immense sourire sur son visage, il devait sans doute être si heureux de me montrer le coin qu’il adorait. Nous avons discuté pendant 30 minutes grâce à mon téléphone le temps du trajet, j’ai compris son métier, pourquoi il aimait ce coin, ce qu’il venait y faire, sa passion pour les chevaux etc. Il était si heureux de voir que je m’intéressais à sa région qu’il s’arrêta dans la première boutique pour m’offrir une barre chocolaté Lion ainsi qu’une carte de la région. J’ai voulu sortir mon porte monnaie mais rien n’y a fait, il voulait me l’offrir. Il me montra ainsi les plus beaux endroits à voir dans la région ainsi que les meilleures randonnées.

Nous nous sommes ensuite rendus à son terrain qu’il avait aménagé. Il aimait la nature et les grands espaces. Autrefois il gardait une centaine de chevaux dans les environs, du temps de l’époque communiste. Ensuite la localité a installé des barrières et fils électriques et il a cherché un nouveau travail. Le temps qu’il décharge sa fourgonnette, je me suis promené dans les environs et j’ai compris pourquoi il aimait cet endroit. Des pâturages, des forêts, des collines, des chevaux, des petits ruisseaux et aucune trace de la civilisation humaine à perte de vue. Interloqué de voir si peu de monde je lui ai demandé pourquoi, les prairies semblait si fertile ; il me répondu en ces mots : « tous les gens d’ici ont été tués pendant la guerre ». Je lui ai rétorqué : « par les Nazis ? », sur quoi il me répondit une parole faisant froid dans le dos ; « non par les russes, c’était pire ! ».

Il m’a montré ses chevaux puis nous sommes allés goûter chez son ami de la minorité des Lemkos. Petite communauté au Sud de la Pologne, à la frontière slovaque, ces gens possèdent leur propre langue et coutume. Un Polonais des montagnes peut les comprendre mais leur écriture est différente, elle basée sur l’alphabet cyrillique. Son ami nous a très chaleureusement accueilli. Il vivait dans une grosse cabane qu’il s’était aménagé dans la forêt. Il avait sa propre source d’eau, s’était construit un petit pont et vivait reclus loin des villes. Il nous offrit du café et du gâteau délicieux.

Ses chevaux, son abri, chez son ami et l'église 

En repartant Woitek me montra les plus belles églises en bois de la région. Elles servent à la religion orthodoxe ainsi que gréco-catholique. Véritable chef d’œuvre, celle que j’avais pu voir jusqu’à présent n’avaient rien de comparable. A l’intérieur tout était travaillé ; les boiseries, les poutres, le plafond, les murs … ils étaient tous peints, décorés, ornés avec des couleurs plus pétillantes les unes que les autres. J’ai beaucoup apprécié cet après-midi en compagnie d’un homme me montrant sa passion, partageant une belle philosophe, me dévoilant les plus beaux coins de sa région et m’invitant chez son ami pour le café.

Le seul inconvénient est qu’il m’a déposé 20km avant le point où je faisais du stop, en effet j’étais revenu à Grybow. J’étais à la même heure et au même endroit hier et j’avais peur de ne pas trop avancer. Woitek essayât de convaincre quelques routiers mais rien n’y a fait. Finalement en moins de 10 minutes un jeune me prit et l’odyssée du stop pouvait reprendre. S’en est suivit un vieux couple, un ingénieur chef d’usine, un vieux monsieur très attachant puis un technicien amusant. J’ai mis 1h40 pour parcourir 60km, un trajet que google maps prédisait de faire 65 minutes. J’étais très content de cette belle performance.

Sur les routes et camping 

Je suis alors arrivé au camping de Tilowa pour passer la nuit qui s’annonçait assez pluvieuse. J’ai tout de même pu installer ma toile sous les arbres dans l’espoir d’être un peu plus abrité. Le camping était assez vide, on ne comptait qu’une caravane et un motard. J’étais venu sous le préau du camping pour planifier la suite de mon itinéraire lorsque le motard est arrivé. Il avait la trentaine et avait beaucoup voyagé, un peu partout en Europe. Il avait une bouteille et m’a proposé un verre de vin pour me réchauffer (il faisait moins de 10 degrés) et nous avons ainsi passés la soirée à parler de voyage et de pays lointain.

29
août

La nuit fut assez rude. Premièrement sans m’en être rendu compte j’étais à moins de 500 mètres d’une grosse route nationale, route empruntée par les poids lourds roumains et bulgares voulant se rendre en Pologne ou dans les pays-baltes. Deuxièmement la pluie, l’humidité, le bruit des gouttes d’eau contre la toile et le fait qu’avec 4 couches de vêtement il faisait encore froid faisait que j’étais humide, alors que bien protégé par ma toile. Enfin il y eut le réveil, se lever et voir la pluie qui tombe partout, constater que des mini piscines se sont formées autour de moi et que je vais devoir jouer les équilibristes dès le matin pour ne pas être trempé, alors que j’ai froid et que je suis humide…

J’ai réussi à évacuer toutes mes affaires vers le préau du camping. J’ai même installé la toile, accrochée à deux fils à linge dans l’espoir qu’elle soit un peu moins mouillée pour la ranger. Le motard était déjà parti mais le couple du camping car est venu me rendre visite. Voyant ma détresse et ma situation ils m’ont offert le café et le petit déjeuner. Ils allaient aussi en Roumanie, explorer la mystique Transylvanie. Nous avons bien échangé et quand nous nous sommes séparés, l’homme qui était militaire m’a donné quelques rations de la légion Polonaise, de quoi tenir si je ne trouvais pas à manger.

Le stop a repris et j’ai enfin découvert les avantages de la pluie. Au premier pouce tendu une voiture s’est arrêtée, me déposant à la prochaine grosse intersection. Au deuxième pouce une deuxième voiture s’est arrêtée, je n’en revenais pas ! J’ai ainsi entamé le stop jusqu’à ce que mon conducteur me dépose à abri de bus pour continuer. J’ai ainsi pu déposer mon sac à dos sous l’abri et j’en sortais quand j’entendais des voitures au loin. Pauvre fou ! Quelle erreur ! Je venais d’enfreindre une des règles du stop que j’avais énoncé les jours d’avants, l’auto-stoppeur doit être actif et misérable. Ne pensant pas qu’un simple abri puisse impacter autant le stop il m’aura fallut une grosse heure avant de reprendre mon sac à dos, faire 50 mètres avant que la première voiture ne s’arrête. Je n’en revenais pas comment un si petit détail peut influer le stop ? Il fallait donc être sous la pluie avec le sac à dos pour que les gens aient pitiés ? Être réfugié sous l’abri de bus et sortir quand les voitures arrivaient devait sans doute être trop confortable et n’incitait pas assez les gens à me prendre…

Au bord des routes Polonaises... 

En montrant une nouvelle fois ma détresse au bord de la route un couple de retraité me prit en stop jusqu’à Sanok. Une des magies du stop et que l’on rencontre certaines personnes dont on n’aurait pas imaginé l’existence où dont les préoccupations nous étaient totalement inconnus. Par exemple il y a deux jours j’ai rencontré un Polonais travaillant dans le bâtiment en France m’expliquant sa haine des Portugais. En effet sans le savoir ces deux communautés se tirent des bourres sur les chantiers et les Polonais en souffrent. Aujourd’hui le couple se rendait à un rassemblement politique engagé contre les judéo-communistes. En effet selon mon chauffeur les juifs et les communistes se seraient alliés avec les mafias locales pour prendre le contrôle du pays. Il m’expliqua ainsi sa théorie pendant plus de 20 minutes. Théorie surréaliste mais donne le sourire dans une journée si pluvieuse.

Après m’être restauré je me suis rendu au musée du village traditionnelle de Sanok. Similaire au musée de Martin ce musée montrait des maisons, églises, forges… de différentes régions de Pologne. C’est avec une grande joie que j’ai retrouvé la région de Lemkos d’hier. Le problème du musée est qu’il était en pleine air et avec les conditions cela devenait un véritable parcours du combattant. Les chemins de terres étaient transformés en torrent de boue, je pataugeais, j’avais les pieds trempés et je me demandais un peu ce que je faisais là ! Après l’avantage d’avoir les pieds trempés est qu’ils le sont et qu’ils ne peuvent pas plus l’être. Ainsi dans un second temps la pluie et la boue ne me dérangeait plus et j’ai ainsi pu arriver à visiter l’ensemble des petits villages.

Musée de Sanok

Les églises en bois étaient magnifiques et j’ai pour la première fois de ma vie vu un chemin de croix entièrement fait de statues de pierre. Le résultat était très probant surtout que les personnages étaient à taille humaine. On reconnaissait les différentes étapes et la vision 3D de ces évènements était très intéressante. J’ai continué la visite en admirant les petites maisons, les fermes, les machines pétrolifères mais surtout la place du village regorgeant d’activité. Un vieux monsieur y jouait de la musique grâce à une machine en bois, un autre faisait du pain, un autre état horloger, un monsieur était maréchal-ferrant… Bref tous anciens métiers étaient là.

C’est en fin de journée en étant une nouvelle fois exténué que je suis arrivé chez Ernest, mon hôte de couchsurfing. Le courant est très bien passé et nos discussions furent très intéressantes. Sa mère est ensuite arrivée pour apporter le repas : une bonne soupe de choux et de lards suivies de ravioles fourrées aux choux. Elle parlait un peu français et était une grande fan d’histoire ! Nous avons ainsi pu parler des langues slaves, de l’histoire de la Pologne, de ses frontières mais aussi des relations entre nos deux pays avec par exemple le bon Stanislas Leszczynski ou la comtesse Marie Walewska. J’étais extrêmement content d’échanger avec elle car je n’avais pas rencontré de Polonais connaissant autant leur histoire que cette brave femme. Cela fait d’autant plus plaisir que les polonais sachent le grand rôle que la France a joué pour leur pays, en les délivrant par deux fois en 1807 et 1918.

Chez Ernest 


Nous avons continué la soirée avec Ernest en regardant le bulletin régional du sport. Voyant mes bâillements répétés et sachant qu’il fallait se lever un 5h30 le lendemain, nous nous sommes quittés. Ah oui dernier détail mais pas des moindres, le cabanon dans lequel je loge


PS : Je vais passer en Ukraine très prochainement. Je risque de ne plus avoir trop d'internet et les publications seront peut être un peu bouleversées

30
août

La journée a commencé très tôt du fait qu’Ernest commençait son travail à 7h à 50km d’ici. L’endroit où je devais aller passait par son chemin et sachant la journée longue je ne voulais prendre le risque de reperdre du temps en stop pour la suite. La ville de Polancyk est connue pour son lac artificiel créé en 1960 par un barrage. En se séparant mon hôte de la veille m’avait conseillé de petit déjeuner à un endroit très précis sur la colline, afin de profiter de la vue. Aussitôt dis aussitôt j’étais à l’observatoire avec quelques pâtisseries locales. Pour mon plus grand plaisir la vue fut dégagée et j’ai pu admirer le lac, ses méandres, les petites maisons, les voiliers donnant vie à cette grande étendue d’eau.

J’ai ensuite repris le stop pour Witlina, l’objectif de la matinée. La sortie de Polancyk était des plus compliqués du fait d’un gros chantier de rénovation de la chaussé qui impose un feu de travaux. Ce n’est jamais bon signe car les automobilistes préfèrent rouler quand le feu passe au jaune plutôt que de s’arrêter pour prendre un autostoppeur. C’était sans compter sans compter la gentillesse du chef des travaux. Voyant ma situation il s’avança vers moi. J’ai réussi avec bien de la peine et bien des mimes à lui expliquer ma situation. Il alla alors voir la première voiture, lui baragouina quelques mots et le stop pu enfin commencé !

Lac de Polancyk 

Même si mon premier chauffeur ne me fit pas beaucoup de kilomètres, il me déposa à un meilleur endroit pour pouvoir continuer le stop. C’était également la première fois qu’un individu plus jeune que moi me prenait, même si c’était un peu contre son grès. Un couple de jeune mariée et une famille me permirent d’arriver à Wetlina sur les coups de 10h. La randonnée pouvait débuter ! En effet il s’agissait de rejoindre le tripoint entre les 3 premiers pays de mon voyage ; la Slovaquie, la Pologne et l’Ukraine. Les conditions météorologiques étaient semblables à celle de la veille mais ça ne semblait pas décourager les randonneurs forts nombreux. Le parcours était assez sympa en plus. Après une petite montée dans les bois, on longe la ligne de crête entre la Pologne et l’Ukraine. Le brouillard ne permettait malheureusement pas d’avoir une belle vue sur les plaines ukrainiennes. J’espère que cela sera dégagé pour demain !

On s’enfonce ensuite dans la forêt à mesure que le tripoint approche. Le plus inquiétant fut les nombreux panneaux : attention ours. Je peux vous dire que le moindre bruit de la forêt vous fait frémir, surtout lorsque ça fait un petit bout de temps que vous avez croisé personne. Puis, au bout de la clairière, le voilà ! La tripoint ! C’est la première fois que j’en rencontre et que j’ai pu avoir un pied dans chaque pays et ma tête dans le 3ème ! J’en ai profité pour me restaurer et c’est avec une grande joie que j’ai savouré les rations militaires qu’on m’avait donné la veille. Il faut encore marcher de longs kilomètres en Slovaquie pour rejoindre la première route et le premier village qui comme par magie contenait un arrêt de bus. Bien sûr il ne fallait pas être exigent sur les horaires mais j’étais tellement content d’être sortie de cette randonnée de l’enfer.

Chemin, tripoint, salamandre et le bus sauveur 

En effet cette marche était le seul moyen de continuer normalement le voyage car à cet endroit les routes s’arrêtent et ne traverse pas les frontières. Sans cette marche de plusieurs heures j’aurais dû parcourir plus de 300 kilomètres, sortir complètement des Carpates pour pouvoir continuer mon ma route. Les autres routes traversant les Carpates ne possèdent pas de poste frontière officiel et voulant absolument un visa pour éviter toute embrouille j’ai choisi cette solution, plus compliqué mais plus sûre.

La « grosse » ville que le bus me permit de rejoindre comptait plus de 10 000 habitants mais seulement 3 petits hôtels. Malheureusement ils étaient tous plein et j’ai dû, bien qu’il fût déjà 19h reprendre le stop pour arriver dans la ville suivante, comprenant des chambres vides. L’heure tournait surtout que maintenant le soleil se couche à 19h45. Mais assez rapidement un technicien s’arrêta et m’emmena à destination. J’ai pu trouver une chambre pour 22€ dans un petit hôtel, équipée avec tous le confort dont j’avais besoin. J’ai ainsi pu faire sécher et étendre l’ensemble de mon attirail, tout était trempé ! Toile de tente encore humide d’il y a deux jours, sac de couchage, blouson, K-way, pull, chaussure… j’en ai également profité pour faire des lessives, chaussettes, slips, pantalons, t-shirt… bref j’avais de quoi m’occuper en cette fin de journée !

Réconfort ! 
31
août


« La roue tourne va tourner » -- Franck Ribery

Jours 19, 20 et 21 

Une très grosse nuit me permit de me reconstituer de mes péripéties de la veille. Lorsque j’ai quitté l’hôtel ce matin il ne pleuvait pas pour ma plus grande surprise que cela fait du bien de ne pas porter de k-way ! Le ciel était tout de même couvert et le vent soufflait. Avant de commencer le stop j’ai tout de même voulu faire un détour par la gare et la gare routière histoire de ne pas avoir de regret quant à un éventuel moyen de transport. Par chance un train partait dans 8 minutes. J’ai aussitôt acheté un billet, enjambé les rails (oui c’est comme ça à l’Est) et sauté dans le train. En discutant avec des passagers pour m’assurer que c’était le bon train j’ai réalisé ma chance, il n’en partait un que toutes les 4 heures. Pensant enfin que la roue du destin était en train de tourner le sourire ne m’a pas quitté du trajet.

En me renseignant à la gare je me suis rendu compte qu’un bus quittait la ville dans 2 heures pour Oujgorod, là où m’attend Roma mon hôte. Tout juste le temps de faire un petit tour dans la ville et de se restaurer. Malgré ses 30 000 habitants la ville de Michalovce ne comporte qu’une grande rue, que l’on pourrait qualifier d’historique. Tout le reste date du communisme. Bloc et immeubles de 13 étages, avenues à 6 voies, fontaine où un ouvrier embrasse une paysanne et autres structures de briques et de bétons. Au bien sûr le capitalisme est passé par là, mais c’est un capitalisme sauvage, non encadré qui dénature tout et enlève le peu de cohérence qu’avait la ville. Centre commercial géant, panneau publicitaire de 30 mètres de haut et façade recouverte de pub font leur apparition entre les petits restaurants de junk food et les marchands de glaces. Bref curieux cocktail qui m’a donné envie de rejoindre la gare routière un peu plus tôt que ce que je pensais.

Les toilettes de la gare sont sommaires mais ont l’immense utilisé de contenir un sèche-main. Rendez vous compte, un sèche main soufflant de l’air chaud sur demande. La chance me souriait une nouvelle fois et j’ai pu en 10 minutes faire sécher tout ce qui n’était pas sec de la veille. Habits, chaussures et autres y sont passés, j’avais des affaires sèches, quel plaisir !

Michalovce 

Le bus est arrivé vers 14h, prêt pour m’emmener en Ukraine. C’est la première fois que je sors de l’union Européenne seul, ça me fait tout drôle. J’étais partis au Maroc en voyage organisé il y a 11 ans et en Turquie avec le lycée mais là je suis tout seul, face à mon destin. En montant dans le bus le temps de trajet annoncé était de 2 heures pour seulement 35 kilomètres. Cela m’a semblait louche mais bon, pourquoi pas ! En arrivant au poste frontière j’ai compris. Je me suis cru en zone de guerre. Les soldats avec des vieilles kalachnikov, des herses sur la route, des nids de poule partout, des barrières, des panneaux dans tous les sens…

La douane slovaque c’est bien passé mais j’ai réalisé qu’il n’y avait que des Ukrainiens dans le bus, j’étais le seul européen, qui plus est Français. La douane ukrainienne fut, différente disons ! Le bus s’est arrêté devant la herse, une militaire est rentrée dans le bus et a crié des mots en ukrainien. Je n’ai bien sûr rien compris, moi qui avais passé le trajet a essayé de prononcer et comprendre l’alphabet cyrillique. En revanche tout le monde avait la main tendue avec son passeport dans la main. Je les ai imités. Lorsque la militaire est arrivée vers moi elle m’a posée une question, bien sûr incompréhensible. Un voisin compatissant m’a traduit que je devais fournir un document comme quoi j’avais une assurance santé pour le COVID. En lui montrant mon papier d’assurance cela ne lui a pas plus. Je ne savais trop quoi faire, elle s’impatientait, tout le bus me regardait. J’ai alors trifouillé dans mes mails pour retrouver le document original que j’avais imprimé (celui que je venais de lui présenter), je lui ai montré et elle m’a remercié, étrange !

20 minutes après elle nous a redistribué nos passeports, le bus roulait vers Oujgorod, mon tampon était au chaud dans mon passeport, l’aventure continuait. Capitale de la Transcarpathie, c’est la grosse ville locale. Le bus m’a déposé en plein centre ville. En foulant mes premiers pas je fus frappé de l’inhomogénéité de la ville. Des blocs de 16 étages côtoient des apples stores, de somptueuses églises orthodoxes avec de bulbes couvert d’or et de tuiles bleus mais dont les chemins d’accès sont inexistants, des rues sans pavés, ldes boutiques de luxes, des vieilles femmes vendant des tournesols à l’unité, des Mercedes manquant d’écraser les piétons, des jeunes sur des chevaux tirant des cagettes de légumes… je n’ai pas finis d’être dépaysé en Ukraine. J’ai fait un rapide tour de la ville avant de me rendre chez mon hôte du jour, Roma de couchsurfing.

Bienvenue en Ukraine 

Son quartier est un peu excentré de la ville mais il permet d’avoir une meilleure vision du pays et de ne pas se limiter au bulbe doré des églises orthodoxes. Sa mère m’a dans un premier temps très chaleureusement accueillie, Roma ne rentrant qu’à 10 heures du soir. Pour mon plus grand plaisir sa mère était professeure d’anglais au lycée. La chance continuait ! J’ai ainsi pu échanger avec elle jusqu’à ce que son fils arrive. La mère de Roma est très intéressante, elle connait beaucoup l’histoire de sa région qui fut très mouvementé au cours du XXème siècle. Rendez vous compte en l’espace de 80 ans la région de Transcarpathie fut austro-hongroise, tchécoslovaque, hongroise de nouveau, soviétique puis ukrainienne. Nous avons également discuté de sujet d’actualité comme le COVID (plus précisément le vaccin) et les réfugiés afghans.

Roma avec son smile 

Roma est arrivé comme prévu à 22 heures. Il fut très accueillant et nous avons terminés la soirée en discutant de ses voyages, des meilleures choses à voir dans la région et du programme de la journée de demain. Je suis encore très chanceux car Roma a suivi des études de tourisme et connait donc à la perfection sa belle ville d’Oujgorod.

1
sept
Reprise des jours 22 et 23, avant première du 24ème jour ! 

Quelle journée ! Après beaucoup de tracas avec la météo cela fait du bien de vivre une journée comme celle-ci !

Cette première journée en Ukraine fut des plus enrichissante, à tout point de vue. En effet en vivant au rythme de mon hôte Roma pendant une journée j’ai pu comprendre un peu mieux comment fonctionnaient les Ukrainiens. J’ai également pu découvrir Oujgorhod sous son meilleur angle grâce à mon guide locale. Expérience que je n’avais plus connu depuis ma visite de Prague avec Jean Pierre. Que ce soit pour les gâteaux les plus délicieux, les meilleurs cafés, les plus belles églises ou les bâtiments les plus surprenants, il vaut mieux avoir un guide qui connait la ville !

Le matin les Ukrainiens font un très gros petit déjeuner, salé bien entendu. Celui de ce matin fut à base d’une sorte de lentille et de mini saucisses, accompagné de légumes, thé et café. Cela peut paraître étrange mes chez mes hôtes je n’ai pas bu d’eau. Déjà hier avec le repas c’était du thé, intéressant ! Comme l’eau du robinet n’est pas potable ils l’a font bouillir et la servent sous forme de thé qu’ils avalent comme de l’eau. Il y a également beaucoup de pain noir, de quoi tenir une bonne partie de la journée.

Un vieux bus de l’époque soviétique nous permis de rejoindre le centre ville. Première expérience étrange le bus s’est arrêté en plein de milieu de la route, se faisant bien sûr klaxonner. J’ai demandé à Roma ce qui arrivait et il m’expliqua la situation. Le bus s’arrête régulièrement faisant patienter les passagers, dans l’espoir qu’un voyageur un peu pressé passe un peu d’argent au chauffeur. Voilà.

Oujgorhod

Cette ville est extrêmement cosmopolite et cela se ressent sur l’architecture. En effet dans les années 20 et 30 cette région fut sous domination tchécoslovaque, ces derniers y ont battis tout un quartier avec des bâtiments typique de cette période. Après c’est le centre plus historique avec des bâtiments de style autrichien. Après quoi on trouve un quartier juif avec une vielle synagogue et des vielles boutiques. Les différents bâtiments se mélangent bien et le tout reste assez harmonieux.

En fin de matinée Nous avons eu la chance de visiter une église calviniste hongroise. Par le fait que la ville comporte une minorité de plus de 15% de hongrois ces derniers possèdent leurs propres écoles, lieux de cultes, magasins… il en va bien sûr de même pour la minorité de slovaques, roumains et polonais. Ville très multiculturelle ! Le vieil homme qui nous ouvrit pris un grand plaisir à nous dévoiler les moindres recoins et secrets de son édifice. A lire l’intérieur tout est écrit en hongrois et il pu nous déchiffrer les différentes inscriptions. Lorsque Roma annonça que j’étais français l’homme ne me crut pas et je dû donc dire plusieurs mots dans la langue de Molière pour que celui-ci l’admette.

Cette visite a soulevé un point que je trouve assez intéressant. Roma avait essayer à de nombreuses reprises de la visiter mais en vain, le gardien ne voulant pas le laisser entrer. En revanche lorsqu’il annonça que c’était pour faire découvrir à un jeune français un bout de patrimoine, l’homme ouvrit grand les portes de l’édifice. Il en était de même pour l’entraineur de Peter Sagan que j’avais contacté et qui ne m’avait pas répondu. Par contre lorsque mon hôte avait envoyé un message il me reçu en grande pompe alors que celui ne le connaissait que de loin. Comme quoi on arrive plus facilement à rentrer dans des bâtiments ou à rencontrer des individus par l’intermédiaire ou l’aide quelqu’un, même si le lien entre ces deux est des plus faibles.

Roma me montra ensuite la faculté de physique, un café art déco, une brasserie de style hongroise, un salon de thé autrichien et enfin un snack étudiant. Nous étions le 1er septembre et cela sonnait également le glas des vacances d’été en Ukraine. Ces jeunes gens étaient tous sur leur 31 pour ce premier jour de classe. Sur les coups de 13h nous avons mangés un (petit) hot-dog avant d’aller visiter le château, contenant un musée d’ethnographie.

Château et musée 

Grâce à ses compétences de guide il me dévoila les meilleures pièces du musée ainsi que les plus intéressantes pour mon étude. L’histoire de cette région est extrêmement riche et d’autant plus complexe comparé aux autres régions d’Ukraine. Le musée le reflétait bien par des expositions d’instruments de musique, d’habits traditionnels, de cartes des différentes époques mais également des maisons de bois, de la petite église, école et forge tout comme à Sanok et Martin.

Roma était un grand fan d’instagram, une application pour partager photos et vidéos à ses amis. A ce titre il prenait tout en photo, la moindre maison et le moindre tableau y sont passés ! Nous avons fais un tour en passant par la cathédrale Gréco-catholique de la ville, par un salon de thé pour y déguster une spécialité de la ville et par quelques ruelles typiques avant de repasser chez lui. Roma travaillait à 20 heures et moi je devais me rendre à Mukachevo pour continuer l’aventure, il n’y avait rien de trop niveau timing.

En arrivant chez lui la soupe nous attendait sur la table. Quel bonheur ! Sa mère avait tout gentiment préparée en constatant que nous étions en retard. Elle avait même fait des petits gâteaux. Nous nous sommes dépêchés de souper avant de repartir vers la gare routière. J’ai remercié vivement sa mère en lui offrant un paquet de Bergamote, eh oui il m’en reste encore !

Selfies et soupe 

Nous avons repris le bus pour la gare routière. Il m’a indiqué le bus et m’a réservé l’auberge de jeunesse de ce soir. Cela m’a peiné de le quitter après tous ces bons moments. Je repars seul à l’aventure. Le trajet en bus fut des plus normal et j’ai pu arriver sur les coups de 21h à l’auberge. J’y ai rencontré des vrais globes trotters, des vrais voyageurs comme j’avais pu en croiser en Écosse. En Slovaquie et en Pologne les gens n’avaient pas l’esprit de l’auberge de jeunesse, ici oui. Il y avait un Ouzbek et un Hongrois qui partageaient mon dortoir. L’Ouzbek avait effectué l’année dernière Saint-Petersbourg-Vladivostok en autostop et en dormant dans une toile de tente. Quasiment 10 000 km, quel voyage ! L’Hongrois avait voyagé dans des pays plus classiques, en Europe et en Afrique du Nord. A côté avec l’Écosse et quelques pays européens j’étais un bleu.

Ils ont discuté jusqu’à tard le soir, mes boules-quies m’ont permis de trouver le sommeil et de profiter d’un bon lit, au chaud !

2
sept


« On vend du papier-toilette au coin du métro Pushkine, du doux hein, c’est un peu loin mais il y en a deux camions ! » -- Igor Tataïev


Le soleil se couche, il est en train de disparaitre derrière la ligne d’horizon de la montagne. Je suis sur les hauteurs de Synevyr en plein milieu de la Transcarpathie. J’observe cette ville qui malgré le fait que la luminosité s’affaiblit, n’est pas près de dormir. Les femmes rentrent les animaux des pâturages, les hommes coupent du bois à la hache, les enfants ramassent les œufs dans les poulaillers et moi sur ma petite colline je réalise à peine tout ce que j’ai vu aujourd’hui. Grand mixte entre Twist again à Moscou, Tintin chez les Soviets ou d’autres histoires se passant à l’Est, quel dépaysement j’ai vécu aujourd’hui. C’est une véritable aventure dans un autre monde.

La journée a commencé à la gare routière de Mukachevo. Objectif trouver un autocar pour arriver dans les montagnes. Ce ne fut pas mince affaire, entre les gens ne parlant pas anglais, les panneaux indiquant uniquement les terminus plus les bus se rangeant au mauvais endroit il ne fallait pas se perdre. J’ai patienté 40 minutes avant d’en avoir marre d’attendre, je suis monté dans un bus me rapprochant un peu de la destination. Par chance il rejoignait une autre gare routière dans laquelle j’ai trouvé un autre bus me permettant d’arriver à bon port !

Vous vous souvenez du char en Slovaquie ? Eh bien lors de ce trajet j’ai vécu les mêmes sensations. Debout, entassé dans un bus, sur des routes défoncés ou pavés, dans un vieux taco dont on pense qu’il va rendre l’âme au prochain virage, les frissons étaient au RDV. Après quelques arrêts une place s’est libéré à l’avant et j’ai pu aller discuter avec le chauffeur. Il fut très sympathique et lorsque j’ai annoncé que j’étais un « frantsuski » tout le bus m’a regardé, avec des grands yeux bien ouverts. Il fut tout heureux de conduire un européen et me montra chaque endroit à photographier en me disant « foto ». La conduite est sportive pour le chauffeur, il rend la monnaie tout en conduisant, évitant les nids de poules et en esquivant les vaches, oies ou autres animaux gambadant sur les routes des petits villages.

Trajet en bus 

Je suis ainsi arrivé dans le petit hameau de Podobovets afin d’aller découvrir de mes propres yeux cette campagne et ces montagnes ukrainiennes. En montant un peu j’ai pu admirer un panorama à 360. On voyait les petits villages constitués de maisons de bois, les champs avec des amas de foins, les vieux télésièges dans la montagne, quelques hôtels, des chemins de terres, des troupeaux et des bergers. Les forêts se dessinent au loin et le paysage est morcelé de vieilles routes, plus trouées et cabossées les unes que les autres. Les tracteurs sont quasiment inexistants, ici ils sont remplacés par des bœufs ou des chevaux.

Pour le déjeuner je me suis rendu dans un restaurant qu’on pourrait qualifier de chic. S’en est suit une scène digne de l’hôtel TolstoÏ, dans un célèbre film de Jean-Marie Poiré. Il n’y avait qu’une autre table que moi mais malgré tout 2 serveuses et une hôtesse d’accueil. Ces dernières se cachaient derrière les poteaux de la salle pour regarder leur téléphone, tandis que quand un client passait, elle se mettait debout comme au garde à vous. Le service fut assez long mais pour moins de 6 euros j’ai pu savourer une bonne soupe, un plat typique du coin à base bœuf, un bon dessert et un café. A côté de cela les boîtes de thon coûtent plus de 2 euros, ce n’est pas vraiment pas rentable !

A quelques kilomètres de là se trouvait une magnifique cascade d’une vingtaine de mètres. Si l’intérêt de la cascade en elle-même reste assez limité, tout l’attirail touristique qui se déploie autour est beaucoup plus fascinant. Une fois qu’on a payé l’entrée (60 centimes) on traverse un petit village de maisons de bois vendant des produits régionaux ou des souvenirs. On en compte une vingtaine et autant de grand-mère, vêtis de vieux habits traditionnelles portant toutes un foulard sur leurs cheveux. Il y avait également un parc acrobranche mais n’ayant pas le matériel je n’ai pas voulu m’y risquer contrairement à quelques jeunes ados téméraires.

Cascade, plat, cours d'eau et bambins du village 

En revenant ensuite vers la « grande » route pour poursuivre mon chemin, j’ai fait l’erreur de suivre un sentier de randonnée ukrainien. Celui-ci commençait normalement mais au bout de quelques hectomètres il fallait se frayer un chemin. J’étais tel un aventurier dans une forêt primaire, gagnant mètre par mètre. J’ai ensuite aperçu la route, j’étais sortis d’affaire ! Enfin je croyais, une rivière me séparait de la route, petite certes, mais je ne pouvais tout de même pas sauter 4 mètres avec le sac à dos en plus. Ne voulant pas repartir dans la jungle j’ai dû me déchausser et traverser à guet. Quelle aventure.

J’ai alors commencé le stop et des enfants du villages sont venus à ma rencontre, le plus grand devait avoir 12 ans. Ils se baladaient sur les vélos dans les rues, n’étaient pas à l’école mais j’ai réussi à échanger avec le plus grand grâce à mon téléphone. Il m’avait regardé traverser la rivière en rigolant. Il me conseilla un bon endroit pour faire le stop, même si selon lui ça serait compliqué. Comme le premier bus n’était pas avant deux heures j’ai commencé. En 20 minutes une voiture s’est arrêtée ! L’homme ne parlait absolument pas anglais et mon téléphone dû encore faire office de traducteur. Il ramenait des voitures d’Allemagne pour les revendre ici. Il me venta les avantages de l’Ukraine pour les étudiants qui reçoivent des grosses bourses pour étudier dans le pays.

Il me déposa à Mijgiria vers 17 heures. J’étais encore assez loin du lac de Synevyr et comme j’avais mon hébergement du 3 septembre chez Narine à Mukachevo j’ai décidé de m’arrêter au village du même nom. J’ai été pris cette fois ci par un mini-bus, ramassant les gens sont sur son passage en contrepartie d’un brin de monnaie (30 centimes). J’ai trouvé facilement une chambre d’hôte dans le village où j’ai pu y déposer mon sac et commencé son exploration.

Cela dépassait tout ce que j’avais pu imaginer. J’ai eu l’impression de faire un retour plus de 80 ans en arrière. Ma grand-mère a grandi dans un petit village de Meuse dans les années 30/40, elle m’a raconté beaucoup d’histoire à propos et aujourd’hui j’ai eu l’impression de revivre cela aujourd’hui.

Village de Synevyr : piles, vaches et femme fauchant l'herbe

Le village de quelques milliers d’habitants ne comportait qu’une route bitumée et encore il fallait voir l’état du bitume. En avançant un peu plus en profondeur je suis passé par des rues qui n’en n’avait que le nom. Il s’agissait de chemin de terre, complètement inondés du fait des pluies récentes. Les maisons sont toutes en bois tandis que les voitures se comptent sur les doigts d’une main alors qu’il s’agit de vieux tacos tout rouillés. Certaines maisons n’ont pas de cheminée, elles sont coupées en deux, une partie étable pour les vaches servant de radiateur et une partie d’habitation pour les humains.

Dans ces rues les animaux se baladent, oies, poules et vaches, que des animaux « utiles ». Un peu plus loin j’ai aperçu une vielle femme, fauchant l’herbe de son jardin avec une grande faux. Son mari coupait du bois à la hache pour l’hiver. Un peu plus loin une femme bêche la terre, un homme travaille dans son jardin de culture vivrière et un bambin s’amuse sur une veille trotteuse en bois. Je continue mon aventure et je suis tombé sur une grand-mère habillée de vieux haillons poussant des vaches pour les rentrer dans l’étable. Encore un peu plus loin ce sont des enfants de 8 ans qui travaillent dans les poulaillers. Je suis revenu sur la rue principale et je suis tombé sur un homme avec un scoutter, le luxe ici ! A tel point qu’il rapporte des cartouches de cigarettes de la ville voisine. Il les distribue de maisons en maisons aux hommes n’ayant pas de quoi aller à la ville. A Oujgorod régnait un climat d’inhomogénéité, ici tout est homogène. Les rues se ressemblent, mêmes personnes travaillant la terre, même animaux, mêmes maisons mais même misère.

Sur la colline  

Je suis alors monté sur une petite butte pour voir si plus loin cela changeait, en vain… J’ai compris que la ville d’Oujgorod ne reflétait pas vraiment cette Ukraine profonde. Sur cette colline j’ai beaucoup réfléchi. Dans moins d’un mois je serais à Londres pour continuer mes études d’école d’ingénieur dans le cadre du programme Erasmus. Londres, une des villes les plus riches du monde, vitrine du capitalisme, de la modernité, ville de finance et d’opulence. Ici il n’y a ni capitalisme ni communisme, il n’y a que la survie. Chaque jour semble être un combat. Aujourd’hui je regarde ce village qui ne s’endort pas car il travaille encore. Des gens qui se demandent pourquoi la poule n’a pas pondu, pourquoi la vache donne moins de lait, est que la nuit sera froide au point d’utiliser du bois précieux, y aura-t-il assez de foin pour les animaux lors de l’hiver…tant de questions qui nous paraissent lointaines et inexistantes en France.

3
sept


« Il en faut peu pour être heureux il faut se satisfaire du nécessaire » -- Ours célèbre


La journée a commencé fort, par la visite d’un centre de réhabilitation d’ours. Je vous rassure il ne s’agit pas d’un vulgaire parc où l’on voit des animaux en cage. La population d’ours brun a considérablement diminuée au cours du XXème siècle dans les Carpates. Leur nombre étant devenu critique il a été décidé de construire un centre où ils puissent se repeupler avant d’être réintroduit pour pallier à cette diminution. Ce parc fut très prolifique et compte désormais plus d’une vingtaine de mammifères. Ils ont un territoire de 14 hectares remplis de forêts. Certains étaient assez proches des barrières pour le plus grand plaisir des curieux. L’un d’eux tel un gros nounours s’est assis et nous a regardé. La scène fut des plus amusantes. J’ai quitté le parc en fin de matinée. Je n’avais rien de trop car j’avais quasiment 3 heures de routes pour retourner à Mukachevo chez Narine. En comptant le temps d'attente au bord des routes il valait mieux décamper.

Chez les Ours 

Mon premier conducteur fut un Russe. Il ne comprenait pas pourquoi je voulais mettre ma ceinture et il a prit mon insistance pour un manque de confiance envers sa conduite, pour ne pas le blesser dans ses talents de pilote j’ai ainsi passé le trajet non attaché. Il écoutait de la musique à fond et semblait s’amuser à 300% en roulant à plus de 100 sur ces petites routes en plein milieux des montagnes. Le cours d’eau avait façonné cette vallée entourée de sapins, on se serait cru en Alaska ! Il fallait tout de même slalomer entre les vaches et les fermières.

Un deuxième chauffeur me permis de rejoindre Mijgiria. On pourrait qualifier cette ville de « grosse ville du coin ». Je suis arrivé à l’heure du marché, mais on aurait cru un souc ! Il y avait deux catégories de marchands. Premièrement ils y avaient ceux qui possédaient un semblant de stand avec un petit parasol. Ils avaient étendu des cagettes avec toutes sortes de fruits et légumes mais également des produits ménagers. Bien sûr les cagettes étaient des vieux cartons. Certains avaient même une petite camionnette. Dans un second temps il y a tous les autres, ceux qui n’ont pas de stand. Des grands-mères mais également des enfants sont assis à même le sol, à même la poussière et la terre pour vendre moins que rien. Une petite fille possède un bocal de champignons, une grande mère a étalé un drap devant elle avec 5 tournesols et une autre tenait un panier de noix. Au milieu de tout cela passe les gens comme les animaux, le plus souvent des chevaux tirant des charrettes.

Trois autres personnes m’ont permis de rejoindre la grande route pour Mukachevo, toutes plus incroyables les unes que les autres. Il y eu d’abord deux jeunes allemands voyageant en Europe centrale au sein d’un vieux van. Ils étaient très chaleureux mais ne comprenait que je puisse voyager tout seul en Ukraine. Mes conducteurs suivants me l’ont fait également remarquer : Mais tu n’as pas peur ? Il faut être fou pour voyager tout seul en stop ici ? On ne t’as pas attaqué ou volé ? Sur quoi j’ai trois fois répondu que tout se passe au mieux dans le meilleur des mondes, que les Ukrainiens sont chaleureux et que je n’ai jamais attendu très longtemps au bord des routes (aujourd’hui pas plus de 10 minutes à chaque fois). Ils étaient tous très étonné et n’en revenaient pas.

Je n’ai fait que 10 kilomètres avec les Allemands. Ensuite une très belle Mercedes me prit. Le couple se rendait dans son restaurant pas très loin d’ici. Ils m’ont montré les photos et par le plus grand des hasards il s’agissait du restaurant lequel j’avais mangé hier. Je n’en revenais pas et eux non plus. Il y a une dizaine de restaurant en tout genre dans le village et encore 10 fois plus dans la région et il fallait que ce soit eux, les propriétaires qui me prennent. Ils m’ont alors posé beaucoup de questions sur le service, sur les plats et le climat qui y régnait. Ne voulant pas avouer que le personnel ne faisait pas grand-chose j’ai surtout insisté sur le fait que les plats étaient très bons.

 Mijgiria 

Ils m’ont déposé au même endroit où j’étais hier à la même heure, le petit village avec les 3 enfants. En moins de 5 minutes une voiture qui roulait pourtant dans l’autre sens s’arrêta. « Tu es français ? » me lança une femme avec un terrible accent ukrainien. Un peu perdu j’ai répondu que oui et elle m’invita à monter. A l’intérieur tout s’éclaircit. Il s’agissait d’une femme ukrainienne et de son mari français. Ce dernier avait reconnu mon drapeau et ils avaient opérés un demi-tour pour me prendre. L’homme était si content de voir et de parler à un Français qu’ils avaient insisté pour retourner. En effet ils passaient des vacances dans la famille de madame et pas grand monde parlait français. L’homme était originaire de bourg en Bresse et venait de passer 15 jours en Ukraine, la France commençait à lui manquer. Il m’a donné plein de tuyaux pour voyager dans ce pays et me vanta la beauté des femmes ukrainiennes.

Un dernier bus me permis d’arriver tout juste à temps à Mukachevo. Je me suis rendu au domicile de Narine qui m’attendait avec impatience. Après avoir ingurgiter un thé nous sommes partis promener son chien sur les bords de la Latorica. J’avais trouvé Narine sur couchsurfing et elle semblait très intéressée par mon étude. Les bords de la rivière sont très agréables surtout avec un beau soleil. Pour la première fois depuis 10 jours j’ai pu être en t-shirt, ça fait du bien.

Sur les berges de la rivière se trouvent des chèvres que nous sommes allés nourrir. C’était assez amusant puis une vieille femme est arrivée. Elle vient tous les jours leur apporter à manger. Narine lui expliqua rapidement mon projet, elle fut emballée et nous avons longuement discutés. Elle était originaire d’une famille de juifs hongrois et vivaient à Mukachevo. Elle avait longtemps vécu en république tchèque et en Hongrie mais elle ne se sentait bien qu’ici. En effet elle a expliqué qu’elle se sentait partout rejetée sauf ici. La conversation s’est poursuivie sur la cohabitation entre les différents groupes ethniques et culture dans la région, autant de clé pour mon enquête !

Des chèvres et une photo de famille 

La mère de Narine avait déjà préparé le repas quand nous sommes rentrés. Il s’agissait d’un plat arménien car Narine et sa famille en sont originaires ! La Transcarpathie est un vrai melting-pot. Famille russophone ils ont quittés leur pays à la chute de l’URSS car la vie était beaucoup trop compliquée là-bas. J’ai savouré un plat à base de bouillon d’agneau succulent. Narine hébergeait également ses 2 neveux donc avec sa fille, le chien et le chat il y avait de l’activité dans la maison. Nous avons passé la fin de la soirée à nous amuser tous en famille !

4
sept

Je ne me suis rendu compte qu’après coup que ma chambre était également celle du chien. Il a passé la nuit avec moi, me réchauffant en contrepartie d’odeur laissant à désirer. Le petit déjeuner fut de la pate feuilletée fourrée à la pomme. Très originale, cela fait beaucoup de bien de déjeuner sucré. Narine a tenu à me faire visiter le « bazar » de la ville le matin. Il s’agit en réalité d’un marché mais il est fortement imprégné de tradition orientales, d’où le nom. Les ressemblances avec celui d’hier sont frappantes, on notera cependant qu’il existe une partie couverte avec des stands en durs, ce qui n’existait pas hier. En revanche le nombre de personnes sans stand est beaucoup plus important. Personnes à même le sol et la poussière vendant quelques légumes. De plus leurs légumes sont dans un terrible état et ils sont 10 personnes sur 15 mètres à vendre les mêmes…

En fin de matinée nous avons retrouvés des amies de Narine dans un café. Ce fut une excellente rencontre des plus enrichissantes. Mon hôte m’a présenté comme un jeune entreprenant une étude ethnologique très importante et qu’il fallait m’aider à tout prix. A ce titre, pendant plus d’une heure s’est suivi une séance de question réponses tant sur la culture que l’histoire locale. Pour mon plus grand plaisir les grands parents d’Andrei et de Viktor étaient nés au début du siècle et avaient ainsi connus près de 5 régimes différents au cours de leur vie. Leur témoignage fut des plus précieux car quoi de mieux que l’histoire de personnes ayant été confrontés à toutes ces époques pour mieux comprendre les mentalités d’aujourd’hui. Pour leurs grands-parents comme pour eux, la meilleure période fut l’ère tchécoslovaque lors des années 20 et 30. « Les tchèques ont construits plus en 20 ans que les hongrois en 1000 ans » m’affirma t’il. « Les communistes eux, ils n’ont rien construits » soupira t’il. D’autres sujets comme les différentes minorités vivant dans la région furent également abordés.

Andrei et Viktor travaillaient ensemble dans un cabinet d’architecture d’intérieure. Ils étaient passionnés et purent donc me conférer beaucoup d’informations quant au style des bâtiments, de leurs époques etc. Sur les coups de midi mon hôte dû s’absenter et les 2 architectes m’ont proposé de venir à leur local car ils avaient des livres à me montrer. J’ai ainsi eu entre les mains une dizaine de livres allant des années 60 à aujourd’hui. Tous en russe j’ai utilisé mon téléphone pour traduire.

Bazar et château 

En effet celui-ci peut scanner une image et la traduire directement. C’est très puissant. Même si j’arrive désormais à lire le cyrillique (ce qui est très pratique pour commander dans un restaurant ou se repérer sur les panneaux routiers) je n’y comprends rien et le téléphone reste indispensable. Ayant suivies des cours de grec ancien au lycée il y a beaucoup de ressemblances entre les deux alphabets. Il faut rajouter 10 lettres à l’alphabet grec pour obtenir l’alphabet russe. Or seul 6 ou 7 de ces caractères sont vraiment utilisés. Une fois appris leur prononciation on peut donc se débrouiller dans le monde cyrillique !

Un livre des années 70 racontait l’histoire de la région mais surtout les bienfaits du communisme. Il a beaucoup marqué mon attention car on ne trouve pas de telle reliques en France. Ventant les mérites de l’usine de telle ville, félicitant les ouvriers de la fabrique, encourageant les fermiers de la Kolkhoze, il m’a bien amusé. La section historique était aussi très intéressante car elle racontait en l’espace de deux pages près de 1000 ans d’histoire locale, bien sûr avec un œil collectiviste. Les seigneurs féodaux et les bourgeois avides d’argents avaient opprimés la population locale pendant très longtemps pour leur propre intérêt, odieux !

Cette deuxième journée à vivre au rythme des Ukrainiens a répondu à beaucoup de mes questions. Ils ne mangent pas le midi ! Lorsque j’ai demandé si on allait manger sur les coups de 15 heures ils m’ont répondu qu’il était trop tôt. Prétextant d’aller visiter la ville pour aller chercher à manger le bon Viktor ne voulu pas me laisser partir seul de peur que je me perde. C’est très gentiment qu’il m’a accompagné au château de la ville où se déroulait un mariage. Malheureusement il a confirmé beaucoup de trop de clichés sur la société ukrainienne et je n’avais toujours pas mangé.

Les femmes étaient toutes mieux habillés les unes que les autres. Hauts-talons, robe de soirée, coiffure, maquillage, petit sac à main comme il faut… elles étaient toutes magnifiques et on voyait qu’elles avaient voulu s’apprêter le mieux possible. La mariée dénotait avec une robe blanche toute droit sortis des comptes de fées. De l’autre côté les hommes été vêtus d’une simple chemise blanche, certains étaient même en t-shirt. Ils avaient tous une cannette en aluminium à la main (il était 15h30) de bière et un faisait même le mariolle avec sa bouteille de vodka, deux ambiances différentes pour le même évènement.

Marché, rivière et ferme à escargot 

Nous sommes revenus en ville où Narine nous attendait avec un bon ami à elle. Le fait que j’allais à Khoust avait suscités des envieux qui voulait me faire découvrir la ville de tout cœur. C’est alors à 5 que nous sommes partis dans la superbe BMW de Viktor. Lorsque nous avons quitté la ville il s’est arrêté à la station essence et quelque chose m’a étonné disons. Ils n’ont pas de sans plomb 95 ou 98 mais du sans plomb 76 et 92. Cela doit être des vieux carburants archaïques mais je ne savais même pas que ça existait. D’ailleurs dans les stations services les prix sont très attractifs. Moins de 80 centimes le litre, un euro la grosse bouteille de soda et 1,2 euro le hot-dog.

En chemin nous sommes passés par des villages-marchés. Village où l’on trouve plus d’une vingtaine de stand de fruits et légumes. Chaque personne vend la même chose que sont voisin ce qui est étrange. Cette région est un maraîcher géant produisant des légumes pour les quatre coins de l’Europe. Les étales et les cagettes se succèdent, les villages se ressemblent et je ne comprends pas pourquoi des regroupements ne s’opèrent pas. Quel est l’intérêt d’avoir 25 vendeurs de carottes en 100 mètres lorsque que l’on voit qu’il y a au maximum 3 voitures arrêtés ?

Nous avons ensuite effectué un détour par un petit restaurant régional. Le restaurant a la particularité de n’utiliser que des produits de son village et d’effectuer tout lui-même. A ce titre le blé vient du champ d’en face et le restaurateur fait lui-même son pain. Les légumes ne font pas plus de deux kilomètres pour arriver dans l’assiette. La viande, elle gambade dans les près du voisinage. Le repas fut délicieux et j’ai eu la chance de goutter des spécialités, une fois de plus pour trois fois rien, quel avantage à voyager dans les pays en voie de développement !

Khust et son restaurant 

Khust est une ville de 30 000 habitants seulement mais vaut le détour pour ses bâtiments de la période tchécoslovaques. En tant que passionnés d’architecture, les deux architectes ont prit un grand plaisir à me montrer les plus beaux bâtiments de la ville. Le centre ville est un bon mixte entre stalinisme et modernisme. Dans la même rue, le côté gauche fut construit à l’ère de la tchécoslovaque et la partie droite à l’ère du communisme. Nous avons également rejoint les amis de Narine à Khust. Voyant que l’heure tournait et que je n’avais toujours pas d’hébergement, Narine a fait du pied et des mains auprès de ses amis pour me trouver un toit. Finalement, un ami de son ami pu me dépanner une banquette, j’étais sauvé et je pouvais une nouvelle fois passer une nuit au chaud.

Je les ai salués personnellement chacun en les remerciant pour l’incroyable journée que je venais de vivre. Partager la vie de différents ukrainiens, découvrir leur passion, en apprendre sur leur histoire sur fond de café et de restaurant le tout dans la bonne ambiance, quel pied !

5
sept


« On reconnaît la belle journée dès le matin » -- Proverbe Roumain.

Jours 25,26 et 27 

J’ai quitté la bibliothèque avant 9 heures du fait de la grosse journée qui m’attendait. Malheureusement c’était un dimanche matin donc tout été fermés, le petit déjeuner sera pour une autre fois. Même si la ville reste de taille moyenne, elle est beaucoup étendue et il faut parcourir plusieurs kilomètres pour trouver un endroit potable pour le stop. En marchant au bord de la route je me suis dis que l’allais commencer à tendre le pouce même si l’endroit est assez désastreux. Il y a des rues partout, les voitures peuvent aller dans n’importe quelle direction mais cette technique du stop-marche peut être assez efficace si on est très pressés.

La chance me souriait car au premier pouce tendu une voiture s’est arrêtée. L’ukrainien était extrêmement bienveillant. Il m’en a apprit beaucoup sur les communautés roumaines vivant en Ukraine. A un moment nous sommes passés dans un village des plus étonnant. Ce n’était que des palaces magnifiques. Ils n’en finissaient plus, il devait y en avoir une centaine en tout. Maisons qui même en France en ferraient rougir plus d’un. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il y avait autant de maisons luxueuses il me répondu que c’étaient les mafieux de la contrebande. En effet les prix des paquets de cigarettes sont dérisoires en Ukraine et ces gens ont battis leur fortune sur le commerce transfrontalier.

Mon chauffeur me fit un détour par une somptueuse petite église du XVIème siècle. Il m’en montra les meilleures parties et il était très heureux de voir que j’appréciais. Église en boit similaire à celle de Pologne et de Slovaquie en termes d’architecture mais différent dans la décoration intérieure du fait des cultes. Il me déposa à Solotvino, me recommandant d’aller faire un tour par un lac d’eau salé. Il s’agit en réalité d’une ancienne carrière dont l'exploitation s’est arrêtée net à la fin de l’URSS. Le tout n’était plus surveillé il y a eu un accident et des étangs ont été contaminés par le sel des mines. Cela a dû faire le bonheur de tout le petit village, étant devenu un grand centre de tourisme. Pour arriver au lac on doit passer par un immense marché de produits de plages et les hôtels fleurissent un peu partout. A l’heure de ma baignade il y avait plus d’une vingtaine de gens dans l’eau.

C’est la première fois que je me baigne dans un lac d’eau salé. La sensation est très perturbante. Premièrement par un phénomène physique très intéressant proche de l’effet de serre, les profondeurs du lacs sont bouillantes. Le lac ne faisait pas plus de deux mètres de profondeur et l’eau en bas devait être à plus de 40°C tandis qu’en surface elle ne dépassait pas les 20°. Deuxièmement le sel ! Je pouvais flotter comme jamais dans des positions toutes plus incroyables les unes que les autres.

Église, lac et frontière 

Imaginez vous en tailleur flottant à la surface de l’eau, tout simplement magique ! Le petit problème est que lorsque vous avez les pieds à 40°, elle est un peu froide en surface et faire l’étoile ou flotter n’importe comment vous freine un peu. Troisièmement il est très difficile de nager par le simple fait qu’il est très difficile d’enfoncer vos mains dans l’eau. On a ainsi la sensation que la gravité est inversée et lorsque l’on essaye de plonger on est vite ramené à la surface comme si on tombait à l’envers, fascinant ! En sortant de l’eau en moins de 3 minutes ma peau était recouverte de cristaux de sel, j’étais tout blanc ! Je me suis douché, séché, rechaussé et je suis repartie avec mon sac à dos, direction la Roumanie !

J’appréhendais un peu le passage de la frontière qui fut très long pour arriver en Ukraine. De plus mon hôte m’avait informé qu’il fallait passer absolument en voiture mais n’ayant trouvé de véhicule c’est sur mes deux pieds que je me suis présenté à la douane. Pour le moins qu’on puisse dire c’est que j’ai bien amusé la galerie. Déjà il ne comprenait pas qu’on puisse franchir comme cela à pied la frontière avec un gros sac à dos, mais surtout un Français ! Que faisait-il là si loin de chez lui seul avec son gros sac. Ils ont beaucoup rigolé et m’ont demandé en se marrant si j’avais de l’alcool ou des cigarettes. Après quoi ils m’ont tamponné et je suis repartis, en 5 minutes le tour était joué. 100 mètres après la frontière un vieux papi qui avait traversé la frontière à vélo se déshabillait. Il sortait de son caleçon des cartouches et des cartouches de cigarettes. Comique !

La ville ne comprenait qu’un restaurant d’ouvert car nous étions dimanche. J’ai encore pu manger pour un prix dérisoire. Durant tout le repas la serveuse me fit des grands sourires et à la fin elle appela une de ses collègues parlant anglais pour communiquer avec moi. Elle me félicita pour mon voyage et me souhaita tout le meilleur pour ma découverte de la Roumanie. J’ai commencé le stop en ayant bon espoir, avec un tel accueil cela devait se passer le mieux possible. Je ne me suis pas trompé, en 5 minutes un couple d’italien s’arrêta. Ils allaient dans le village voisin mais l’homme accepta de faire un long détour pour me déposer à l’endroit souhaité. Tout le trajet il avait un grand sourire qui faisait plaisir à voir.

Le cimetière de Sapanta est unique en son genre. Les tombes comportent toutes une stèle avec un dessein en mosaïque du travail de la personne pendant sa vie. On voit ainsi des gens couper du bois, d’autres travailler à l’usine ou encore vendre du poisson. Un texte raconte ensuite brièvement la vie de la personne. Il y a des allés et des allés de tombes. Au centre du cimetière se trouve une magnifique église orthodoxe remplie d’icônes et de représentations. Son toit est fait de tuile verte sur lesquelles vient se refléter le soleil de ce chaud mois de septembre. En sortant du cimetière une vieille femme reconnut mon drapeau français et commença à me parler dans un mélange de langue roumaine et de langue de Molière. Au début je ne comprenais pas trop mais après quelques mimes de sa part elle voulait tout simplement m’inviter à dormir chez elle, incroyable. Ayant déjà trouvé un hôte pour le soir je l’ai remercié et j’ai commencé le stop.

Cimetière 

Une première voiture me permit d’arriver à Sighetu marmatei. En moins de 10 minutes j’ai trouvé un autre chauffeur pour ma destination, Baia Mare ! Il était extrêmement sympathique et parlait un peu français. Ce dernier faisait des rénovations de carrelage dans les maisons du sud de la France. Nous avons pu bien échanger et en nous quittant il me donna ses coordonnées si j’avais un problème. Formidable !

Pop et Remus m’attendaient de pied ferme à leur domicile. Leur appartement est très bien situé en plein cœur de Baia Mare. Ils m’ont fait gouttés la Perinkla, alcool traditionnel et un peu artisanal à hauteur de 50°. « Ici on en boit avant chaque repas, c’est la tradition, c’est comme ça ! ». Il s’agit dans cette région de Roumanie d’un alcool à base de prune. Ils étaient très joyeux et nous avons beaucoup discutés des différents problèmes de la Roumanie actuelle, mentalité rétrograde et fermée sur le monde, corruption, malaise avec la communauté rom… J’en ai encore beaucoup appris pour mon étude ce qui fait plaisir. J’ai ainsi pu en apprendre sur le passé communiste, l’influence grandissante de l’église orthodoxe qui renait de ses cendres (car quasiment détruite par Ceausescu), les problèmes d’éducation et le fait que les travailleurs ayant un minimum de niveau viennent travailler en Europe occidentale.

Baia Mare et mes hôtes 

Je fus encore épuisé de cette journée mais quelle chaleur dégage ce peuple roumain. Entre le stop, le restaurant, l’accueil dans le village du cimetière mes hôtes et l’enthousiasme autour de mon passage. Ah oui c’est vrai j’avais oublié de vous le raconter. En passant la frontière j’étais tellement heureux de rentrer en Union Européenne que j’ai pavoisé mon drapeau. S’en est suivit tout au long de la journée des sourires, des applaudissements, des signes de la main et des « vive la France ». Je me suis alors pris pour Émile Cousin à faire des signes de la main et à saluer les gens sur mon passage. Les Roumains doivent avoir une très bonne image de notre pays car beaucoup semblent capables de discuter en français. Dans les lieux touristiques les inscriptions sont écrites en roumain puis en français et ensuite en anglais et les entreprises tricolores sont beaucoup plus présentes que dans les autres pays.

7
sept
Jours 28, 29 et 30 

Le père de Botrand nous a préparé son omelette spéciale ce matin. Avec du gras de porc et du fromage. Le pain était bien sûr de la partie. J’allais m’apprêter à prendre ma fourchette lorsque Botrand poussa un hurlement : « Tu n’as pas bu la Perinkla ! » s’écria t’il. Je croyais qu’il rigolait car il était 8 heures du matin. En fait non … Du coup j’ai dû déguster un shot d’alcool frelaté dès le réveil avec un café fort plus une omelette de gras de porc je ne me suis jamais senti si énergique si tôt ! J’ai salué très chaleureusement ces hôtes qui mont accueilli de manière remarquable, en m’offrant les 3 repas de la journée, un toit et surtout des souvenirs gravés à jamais. En poussant la porte le père de Botrand est revenu en courant en me donnant des sandwichs et un couteau suisse « pour me défendre ». Que de générosité, dommage que je n’avais plus de Bergamotes…

Omelette et domicile de mes hôtes 

Une fois n’est pas coutume j’ai attendu 5 minutes sur le bord de la route. Une grand-mère passant par là m’a fait la discussion le temps de l’attente. Lorsque le policier qui me prit me demanda d’où je venais et en entendais m’a réponse il me sortit : « Mais pourquoi tu ne parles pas français alors ? ». Encore un locuteur francophone ! Le trajet fut cours mais intense.

Une deuxième voiture me prit peu de temps après. L’homme allait directement à Cluj, ma destination du jour. J’avais attendu 10 minutes de temps en cumulé pour rouler pendant 2 heures, avec des chauffeurs-pilotes, j’ai mis moins de temps que ce que prédisait google maps en partant de chez Botrand. Joli record. L’homme était chef d’une entreprise créant des logiciels pour la finance, je crois qu’on ne pouvait pas être plus capitaliste que lui. Nous avons discuté tout le trajet sans interruption de sujets plus passionnants les uns que les autres. Il m’expliqua l’origine des minorités en Transylvanie, les plus belles choses à voir selon lui dans le pays, des relations entre nos deux pays (il comprenait d’ailleurs le français mais ne le parlait plus) mais nous avons surtout beaucoup discutés du communisme et de comment s’est opéré la transition. J’ai une nouvelle fois pu faire jouer les différents arguments que j’avais reçu les jours précédents.

Lorsque nous sommes arrivés en ville pour nous garer et me déposer, l’homme me dit dans un parfait français : « et hop marche arrière ». Interloqué je lui ai demandé pourquoi il disait ça en français alors qu’il ne le parlait plus. Il m’expliqua que beaucoup de termes des « nouvelles technologies » des années 90 sont en français. Cela puise ces origines lorsque à cet époque les gens de la haute société allaient faire leur étude à Paris, parlaient français et comme c’était eux qui avaient les voitures (et autres objets) le terme s’est répandu pour tout le monde. C’est drôle car chez nous on utilise des termes anglais dans notre langage, eux c’est le français !

Devant la rue Émile Zola et visite de Cluj

Me remettant des aventures de la veille et de ce matin je me suis quelques peu reposé en ce début d’après midi. Pour remercier l’hôte ou le chauffeur qui accepte de me prendre je me force pour ne jamais laisser de gros blancs dans la discussion. Cela procure l’avantage de donner une discussion qui peut être passionnante car je surenchéris souvent sur tel ou tel point. En contrepartie le stop m’épuise beaucoup. Pensez que pendant les deux heures de ce matin il n’a eu que quelques blancs de 30 secondes et que je dois être attentif à chaque fait pour pouvoir poser une nouvelle question sur ce qui viens d’être dit afin de continuer la discussion. Cela depuis presque 10 jours non stop, c’est crevant.

Il fait très bon de vire à Cluj. Le centre ville est plein de vie, de nombreux parcs permettent de s’y rafraichir et on peut se perdre à loisir dans les petites ruelles. Ne tenant cependant plus en place au bout de quelques temps je me suis dirigé depuis les hauteurs de la ville vers le musée de l’archéologie romaine. Le musée est un musée romain comme les autres, exposants pièces, armes, cuirasses, objets de la vie quotidienne et autres trouvés dans la région de Dacie qui fut Romaine pendant presque trois siècles. En revanche le musée est un parfait exemple de protochronisme, courant idéologique postulant que certains peuples se cherchent des racines toutes droits venus de l’antiquité. C’est par exemple le cas des gens affirmant que nous descendons en ligne directe des gaulois ou ici que les Roumains sont les héritiers de l’empire romain. Ce courant a gagné en popularité sous l’impulsion de Ceausescu. La ville de Cluj est devenue Cluj-Napoca, avec Napoca son nom Romain. On trouve un aigle sur les armoiries roumaines témoignant de leur attachement à la ville éternel. J’ai aussi pu trouver une statue de la louve avec Romulus et Remus et beaucoup de statues dans la ville ont l’allure des césars ro(u)mains.

Dans un second temps j’ai visité le musée Juif de la ville. Il expliquait l’histoire des juifs dans la région, leur paisible vie au début du XXème siècle avant les évènements dramatiques qu’ils ont subi. La ville de Cluj et sa région (comme la Transcarpathie) ont été rétrocédés à la Hongrie pendant la seconde guerre mondiale. Le gouvernement hongrois de l’époque bien que fasciste et allié des Nazis refusa de livrer les juifs. Malheureusement en 1944 le vent tourna pour l’axe, la Hongrie voulu se retirer du conflit, l’Allemagne envahit le pays et en moins de 2 mois 500 000 juifs sont partis à Auschwitz.

Cluj by night (et de jour aussi)

Il est intéressant à noter que l’ensemble des musées que je visite depuis l’Ukraine ne coutent pas plus d’un euro. C’est hallucinant, 50 centimes par là, 60 centimes par ci, 30 centimes de ce côté… Les églises sont gratuites il n’y a que les israélites qui dérogent à cette règle. Les musée Juifs coûtent plus de 5 euros en générale et les synagogues aussi, ce qui fait chère comparé à d’habitude.

Il était l’heure d’arriver chez Botond. Sur le chemin je suis passé devant une petite église protestante. Trouvant dommage de ne pas la visiter j’ai essayé d’entrer, en vain elle était fermée. A ce moment là, par chance, le pasteur sortait par une petite porte. J’ai expliqué mon cas, souhaitant à tout prix la visiter. Le pasteur ne me répondait qu’à la négative, il fallait revenir dimanche pour la messe. J’ai alors joué mon dernier vatout ; « Je suis Français et je viens de loin pour la visiter ». Prit par les sentiments il m’ouvra grand les portes et m’en fit faire le tout, perplexe comme jamais qu’un français vienne voir son bijou.

Botond mon hôte est architecte et devait rendre des dossiers pour les jours à venir. Il était un peu charrette mais accepta tout de même de me recevoir. Il a travaillé jusqu’à 20 heures puis nous avons ensuite fait un tour de nuit de la ville. Encore une fois j’ai eu la chance de visiter et de découvrir une ville avec un architecte. C’est passionnant. Mon hôte connaissait l’histoire de chaque bâtiment, chaque rue, chaque place…nous avons beaucoup marché, les ruelles étaient très animées pour un mardi. Les terrasses étaient pleines et j’ai eu la confirmation également par mon hôte qu’il faisait bon vivre à Cluj.

Chez Botond 

Tels les bâtisseurs de cathédrale la quasi-totalité des édifices religieux de la ville sont en travaux. Rénovation du clocher de l’église catholique (d’ailleurs ici on dit catholique romain par opposition avec les gréco-catholique), construction d’une cathédrale gréco-catholique, rénovation de l’intérieure de l’église orthodoxe et travaux sur les façades de l’église protestante. L’union européenne finance un quart du budget à chaque fois.

En rentrant Botrond m’expliqua qu’il faisait partie de la minorité hongroise de Roumanie. Anciennement garde frontière du royaume de Hongrie, ces minorités possèdent leur propre école, magasins etc. Ils se trouvent plus spécifiquement dans une partie des Carpates que j’essayerai d’aller explorer. Par exemple 25% de la population de Cluj et magyarophone. J’ai encore bien progressé dans mon étude mais je suis encore bien fatigué d’une journée de rencontre et de découverte.

8
sept


« Le canon c’est avant tout de l’amitié » -- Le Glaude


Botond avait encore beaucoup de travail et je suis partis aussitôt après m’être levé. J’ai commencé par le musée ethnologique de la ville. Malheureusement il était un peu claqué. Objets pas si vieux que ça qu’on a déjà vu partout ailleurs, aucune explication, pas beaucoup d’exemplaire…La seule partie intéressante fut sur l’exposition des costumes traditionnelles. En effet on pouvait voir une dizaine de costumes venant de toutes les régions de Transylvanie. Les costumes se ressemblaient à peu près tous (à moins d’être spécialiste), en revanche le costume des régions où vivent les minorités hongroises était radicalement différent. Comme s’il y avait deux cultures en Transylvanie.

En cette fin de matinée j’ai quitté la ville pour commencer le stop. N’ayant plus pris le bus depuis Mukachevo je ne suis plus habitué à le prendre et le stop est devenu mon seul moyen de transport ! Je suis passé devant une grande église orthodoxe où se tenait une messe en un mercredi matin. Je fus frappé du nombre de fidèles qui se trouvait à l’extérieur. La messe était retransmise avec des haut-parleurs. Même à 50 mètres après le parvis de l’église, des gens étaient à genoux pour prier et chanter, c’était très beau à voir.

L’inconvénient de faire du stop dans les grandes villes est qu’il faut beaucoup marcher pour pouvoir bien commencer le stop. Il faut passer le dernier grand giratoire et de là trouver une bande ou de la place pour qu’une voiture puisse s’arrêter. Finalement j’ai trouvé mon salut en 10 minutes dans une station-service. Ce fut Attila le hongrois qui me prit. Faisant encore une fois partie de la minorité nationale ce fut un plaisir d’échanger avec lui. Une fois de plus il connaissait la belle ville de Nancy non pour ses Bergamotes mais pour son club de football qui avait dans les années 2000 affrontait le club de Bucarest, comme bien d’autres club d’Europe de l’Est. Le trajet vers Turda passa à grande vitesse et j’ai ainsi pu découvrir les mines de sels de la ville.

Cluj (en haut cathédrale gréco-catholique et en bas orthodoxe)

La mine de sel de la ville est assez spectaculaire, du même acabit que la visite des mines de Cracovie. On traverse déjà un tunnel de 600 mètres tout droit pour arriver au sommet d’un petit escalier de bois. En descendant 12 marches, un spectacle inimaginable s’offre à là nous, la vision d’une immense salle à plus de 40 mètres sous nos pieds. Cette grande chambre avec des dimensions gargantuesques est devenu un parc de loisir. Il y a des tables de billards, de ping-pong, des mini golfs, un odéon, une grande roue, un magasin de souvenir et j’en passe. C’est complètement hallucinant de trouver tout cela ici même si ça fonctionne très bien, il faut faire la queue partout. Il faut encore descendre les 40 mètres par un escalier ou patienter 10 minutes pour prendre l’ascenseur, je pense que vous savez par où je suis passé !

Depuis cette grande chambre en forme trapézoïdale, on peut accéder à une autre grotte en forme de chapeau pointu, encore 40 mètres plus bas. Mais en bas du chapeau se trouve un lac d’eau salé avec un grand complexe nautique. On peut faire de la barque pour quatre sous, se délasser sur des chaises longues ou encore admirer le splendide environnement. Car oui toute une structure en bois a été construite sur le lac, en forme de bulbe et de rouages elle met très bien en valeur ce lac sous terrain. J’ai alors profité d’un petit tour de rames à plus de 100 mètres sous terre sur un lac d’eau salé. Ce ne fut pas mince affaire de manœuvrer la rame au début. Soit j’allais dans le mauvais sens, soit je ramais trop d’un côté, puis trop de l’autre, il m’a fallut du temps pour prendre mes marques.

Saline de Turda 

Lorsque je suis ressorti j’ai essayé de trouver un logement pour le soir et de quoi manger. J’ai facilement trouvé de bons petits sandwichs mais l’hébergement posa plus problème, rien n’était sous la barre des 20 euros. Cela fait mal lorsque l’on a été habitué à 3 fois rien en Ukraine. J’ai donc continué la journée avec mon sac à dos, en se disant qu’on ne savait pas ce qui pouvait se déroulait dans cette fin de journée. J’ai repris le stop pour Cheile Turzii, canyon naturelle que beaucoup de Roumains m’avaient conseillé d’aller voir. Il se trouve à moins de 10 kilomètres du centre ville mais cela fait tout de même de trop pour les faire à pied.

Stefan me déposa à bon port et je ne fus pas déçu du résultat. Véritable merveille naturelle ce canyon laisse sans voix. Il faisait chaud, le soleil frappait et on ne se laçait pas de le contempler. On pouvait également aller dans la gorge, ce que je n’ai pas tardé de faire ! Petit sentier d’abord dans la forêt puis au milieu des pierres, falaises et du ruisseau on peut ainsi remonter tout le canyon au pied des magnifiques falaises. Les amateurs d’escalades sont d’ailleurs bien là comme les marcheurs du dimanche. Le cadre est très quiet dans un décor digne des films avec dinosaures. D’ailleurs bon nombre de véritables photographes sont présents pour immortaliser cet endroit.

En sortant du Canyon j’ai fait une rencontre assez originale. Je me suis cru dans la soupe au chou, rencontrant le Glaude et la ch’tite denrée. C’était deux vieux déjà bien allumés pour 18 heures qui avaient des cabanons dans leur jardin (comme ceux de Slovaquie). Je me suis renseigné et le prix était donné vis-à-vis des autres hébergements de la ville et même si le logement est un peu loin de la ville ce qui va compliquer l’étape de demain, le cadre est tellement magnifique !

Canyon de Cheile Turzii et hébergement 

J’avais à peine posé mon sac dans la chambre que le Glaude me proposa d’aller boire un canon. Il faisait lui aussi son vin et en était très fière. Nous étions tous les 3 assis sur un banc et j’étais au milieu. La ch’tite denrée commença à me raconter une histoire comme quoi il avait dû apprendre le russe du temps de Ceausescu (enfin c’est ce que j’en ai déduit car ils ne parlaient que roumain). Il raconta en boucle plusieurs fois son histoire. Le canon aidait à faire passer la chose. Ensuite il détailla que son vin était naturel, il l’a répété 10 fois après quoi j’ai craqué et je les ai salués.

Je me suis ensuite rendu au restaurant du village où j’ai pu une nouvelle fois déguster un bon plat pour 3 fois rien. C’était les Mici (et non pas mitch après vérification). Servies avec des frites ce n’est peut-être pas le plus sain mais qu’est ce que c’est bon ! Avant d’aller manger j’étais partis explorer un peu les alentours sous un grand soleil, il faisait toujours plus de 22°C. En sortant du restaurant 1h30 après la température avait chuté à 12° et il ne faisait plus que 5° en plein milieu de la nuit. Le cabanon n’était pas chauffé et mal isolé. Il m’aura fallut 3 couvertures et mon sac de couchage pour passer la nuit…

9
sept

Ce soir je suis à 150 kilomètres de Turda et à plus de 60 où je pensais passer la nuit, mais que s’est il encore passé sur les routes Roumaines aujourd’hui ?

Une première camionnette m’emmena pour Turda. C’était assez rigolo, le conducteur avait un t-shirt bleu, son voisin blanc et celui de droite rouge. Ils fumaient une cigarette qu’ils se passaient au fur et à mesure telles les gorgones de la Grèce antique se partageant leur œil. Dès qu’elle était éteinte, ils en rallumaient une autre. Ils m’ont déposé en plein centre ville à proximité d’un Auchan. A l’intérieur se trouvait une cafeteria dans laquelle on pouvait manger pour 2 euros. Sautant sur l’occasion j’ai saisi un plateau me suis servi et j’ai attendu à la caisse. Les serveuses servaient et personne ne venait. J’ai attendu 3 longues minutes avant de partir manger sans payer, les choses incroyables ne faisait que commencer !

J’ai continué d’avancer sur la route en faisant ma technique de la marche-stop. En moins de 5 minutes un camping-car s’est arrêté. Malheureusement l’homme allait à l’opposé d’où j’allais et c’est tout triste qu’il est remonté dans son véhicule et reparti. J’ai continué le stop en avançant. Au bout de 400 mètres j’ai vu l’homme au camping-car revenir. Il avait une pancarte avec inscrit dessus le nom de la ville où j’allais ! Quelle gentillesse ! « Ça sera plus facile pour toi avec ça » me glissa t’il en me la donnant. Il me demanda ensuite de prendre une photo avec son fils et la pancarte comme si j’étais un joueur de foot. L’enfant était aux anges, le père ravi et moi très heureux, bref tout le monde était content de cette rencontre inopinée !

Direction Targu Mures !

Peu de temps après une femme venant de l’autre sens s’est arrêtée : « Je t’ai vu trop tard pour m’arrêter » s’exclama t’elle. Cette brave femme avait effectivement fait demi-tour au giratoire 300 mètres plus loin pour venir me récupérer ! Malheureusement la femme d’une quarantaine d’année ne parlait que roumain et italien. Désormais habitué de ce genre de situation j’utilise mon téléphone pour traduire. Je « force » un peu le trait au début parlant du temps ou présentant mon projet dans le but que la personne comprenne la puissance du traducteur ainsi que comment l’utiliser. En répondant la personne commence à comprendre puis à un moment un « traductor » intervient, ça y est, la personne dont je ne connais pas la langue et si peu habile avec la technologie soit elle comprend que l’on peut communiquer par l’intermédiaire de mon téléphone. C’est le bingo, c’est magique. Elle peut alors lancer les sujets de discussion en me disant le mot magique et c’est partis !

Nous avons discuté de la minorité magyarophone. Les « véritables » roumains ne les apprécient pas du tout apparemment, prétextant qu’on est en Roumanie et plus en Hongrie, que ceux-ci ne font aucun effort pour s’intégrer etc… Elle m’a ensuite bien expliqué la différence et les caractéristiques des communautés Tsiganes et Roms. Un point commun qui ressort est que l’ensemble de mes hôtes ou chauffeurs les détestent. Au bout d’une demi-heure de conduite ma conductrice me demanda pourquoi j’allais à Targu Mures. Disant que c’était pour visiter elle m’indiqua que ce n’était pas une bonne idée. Puis après un temps de réflexion elle me sort : « Sighişoara est bien plus jolie, si tu veux je t’y emmène, je te fais visiter la ville et ce soir tu dors chez moi ». Encore une proposition pleine de gentillesse en tout simplicité. Je n’en revenais pas. Quelle bravoure et générosité venant de cette femme souhait passer sa journée de congé avec un inconnu et lui montrer les beautés de sa ville alors qu’elle ne connait ce dernier que depuis si peu de temps !

Vielle ville de Sighişoara

La suite du trajet fut joyeuse, sous le signe du sourire et de la bienveillance. En arrivant Oana me fit couler un bain. J’étais gêné et à la fois cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas délassé dans l’eau. Le temps de me savonner la brave Oana avait tout rangé dans son appartement pour que mon séjour soit le meilleur possible. Après cela nous sommes partis visiter la ville, avec son gros chien.

La ville de Sighişoara possède l’intérêt de posséder un vieux bourg Médiéval. En montant une large rue pavée et en passant sous une grande porte en pierre, on remonte le temps. On se croirait être revenu en l’an de grâce je ne sais pas combien. Les maisons sont colorées, les volets peints et les terrasses sont pleines. J’étais émerveillé et mon hôte semblait si heureuse de me voir apprécier sa ville. Elle me proposa ensuite de monter dans la tour de l’horloge pour avoir une vue imprenable sur la cité, bien sûr en m’attendant en bas, je n’en revenais pas. En montant une petite centaine de marches on arrive en haut et on peut alors admirer la ville vue du ciel. On voit les petites ruelles, la ville moderne, la cathédrale perchée sur le sommet de la colline et même la maison de Oana. Cette vue était une plus belles que j’ai pu voir lors de mon voyage. C’est déjà la première ville médiévale mais une belle homogénéité se dégage et puis l’atmosphère dans laquelle je l’ai visité étais inimaginable.

Un petit tunnel en bois permet d’atteindre le sommet. On arrive alors à une cathédrale somme toute classique mais à un cimetière beaucoup plus original. Voici les conversations que les captures d’écran de la conversation avec Oana avant d’entrer dans le cimetière.

Morceau de conversation 

En tant qu’ingénieur je suis forcément un peu réticent aux histoires de fantômes mais pour le coup j’ai été, comment dire, très perturbé. En avançant Oana me dit « c’est ici », en effet, je ne sais pas par quel esprit, fantôme ou spectre ce que j’ai vu est arrivé mais cela est bel et bien arrivé. Le chien s’est mit à aboyer, pleurer, gratter le sol et paniquer en tout sens. J’étais un peu terrorisé et mon hôte a dû tirer la laisse de ses deux mains pour que le chien continue d’avancer. Mystique Transylvanie ! Après quoi pour nous remettre de nos émotions nous sommes allés à un café rejoindre un de ses amis. Il avait des notions d’anglais et j’ai pu échanger avec lui. Il était scotché de mon projet et m’a même confié être jaloux. Un petit groupe de musicien s’est mit à jouer sur la place où nous étions pour notre plus grand plaisir, l’ambiance était formidable.

Cimetière et café 

Oana me demanda ce que je voulais manger ensuite ! J’étais encore plus gêné et je lui ai dis ce qu’elle voulait mais elle me reposa la question. Cela trois fois de suite. J’ai fini par craquer je je lui ai répondu que je voulais quelque chose de locale. Nous voilà partis au supermarché. La viande est la base tous les plats ici mais elle ne coute pas trop chère. De l’ordre de 4 euros le kilo. Il s’agit surtout de poulet et de porc. En rentrant Oana m’a préparé sa spéciale à base de cou de porc. Le repas peut paraitre assez bizarre mais maintenant que je suis en Roumanie depuis une petite semaine il est assez normal : Steak de porc dans une assiette, bol de tomate à côté et beaucoup de pain. Après ce bon repas Oana est partis se reposer. En effet sans le savoir elle avait conduit son frère à l’aéroport de Cluj, avec l’aller-retour elle avait effectué plus de 6 heures de conduite dans la même journée, de quoi rejoindre la nuit à 21 heures. Je l’ai imité en m’allongeant sur son superbe canapé lit, ne comprenant toujours pas ce qu’il se passait…

Avec Oana 

 Petit rappel souvenir des différents hôtes, un immense merci à eux, ils ont transformé ce voyage en une aventure humaine, riche de rencontre, pleine de joie et de bonne humeur :

Tchéquie et Slovaquie 
Pologne 
Ukraine 
Roumanie, pour l'instant ! 
10
sept

6h44, mon hôte vient de traverser le salon. Mince peut être qu’elle doit partir travailler ! Souhaitant dormir un peu je décide de faire le mort et de régler pour réveil pour dans 20 minutes. 8h15, mais que s’est il passé ! Je me suis sans doute rendormi avant de pouvoir mettre le réveil. Je m’habille le plus rapidement possible avant d’aller dans la cuisine. Je ne trouve personne. Je pars aux toilettes pour regarder dans la chambre de Oana et elle dort encore, mais que s’est il bien passé ?

J’ai déjeuné un bon café au lait (d’ailleurs dans l’ensemble des pays que j’ai traversé je n’ai jamais bu de café « classique », on me sert à chaque fois du café avec du lait) avec mes gâteaux de la veille. Oana a tenu à m’accompagner jusqu’au bus, en me notant les prochaines villes intermédiaires au passage sur une feuille pour pas que je me perde, trop gentil ! Nous nous sommes bien salués en nous prenant dans les bras puis je suis monté dans le bus, un peu triste de quitter une si brave femme.

Le bus était bondé et dès le deuxième arrêt des gens ne pouvaient plus monter. Je n’ai plus l’habitude et même si j’ai un peu dérogé à mon crédo du stop, je ne pouvais pas froisser mon hôte. Le bus me déposa dans une petite ville à la jonction de plusieurs routes. Je devais prendre ma correspondance mais mon désir d’aventure a repris le dessus et je ne suis pas monté dans le bus pour Sovata. Ce village chétif en apparence regroupe en faite une immense communauté Tsigane. Il y avait un marché que j’ai eu le plaisir de découvrir.

Marché Tsiganes 

Ce fut magnifique ! Il y avait des couleurs de partout et cela grouillait dans tous les sens. J’ai pris un plaisir fou à admirer les stands, les étales, les objets étalés sur les draps, les tenus et les costumes. J’arrive dorénavant à bien remarquer les Tsiganes. Les femmes ayant des longues jupes très colorées, des chaussures compensées et un foulard. Les hommes un chapeau noir, une veste sans manche, une longue chemise et si possible un pantalon en velours. C’est peut-être caricatural mais les ¾ des Tsiganes d’aujourd’hui suivaient ce code vestimentaire.

On trouvait de tout dans ce marché mais principalement des habits : chaussures, ceintures, vestes et chapeaux pour les hommes. Chaussures, jupes et foulards pour les femmes. On pouvait également se restaurer pour des prix faisant presque peur. Un euro le hamburger, 50 centimes la glace et deux euros le plat traditionnel garnie. La vie à Londres sera sans doute un peu différente !

J’ai repris le stop en sortie du village et pour une fois j’ai dû attendre 15 minutes, je vous rassure cela en valait la peine. J’ai réitéré la technique du traducteur avec ma conductrice, cette fois ci magyarophone. Très discrète et assez timide elle ne discutait pas beaucoup. Cependant au bout de 10 minutes elle me demanda que j’utilise le téléphone : « mais où loges-tu à Sovata », je me suis dis pas encore ! Mais que se passe t’il ! Jouant de ma pauvre tête et du flou j’ai encore réussi à trouver un hébergement. Je détaillerais plus en détail à l’heure d’arriver chez l’hôte de quoi il s’agissait.

En attendant elle me déposa à la gare pour prendre le train à vapeur. Le train mettant un peu de temps à arriver j’en ai profité pour déguster les sandwichs de mon hôte. Je ne fus pas déçu de l’attente. Une splendide locomotive à vapeur est venue s’accrocher au premier wagon, le chef de gare a sifflé, tous les passagers sont montés à bord. Ne passant pas trop inaperçu avec mon drapeau (je le laisse tout le temps accroché depuis que je sais que les Roumains sont francophiles) la guide m’a très vite remarqué et est venu discuter un peu avec moi le temps de partir. Elle a ensuite commencé son spitch pour l’ensemble des passagers, j’étais le seul non roumanophone. Puis à mon émerveillement une fois tout expliquée en roumain elle est venue me raconter ce qu’elle venait de dire dans un mélange de français et d’anglais, adorable ! Nous étions pourtant une petite centaine répartie sur les 3 wagons et elle trouva le temps de venir m’expliquer.

Le train 

C’était une bonne sensation de voyager à travers ce vieux train, prendre le temps de savourer l’instant à 14km/h. On pouvait se balader entre les différentes plateformes, attraper les feuilles sur les branches passant près du Wagon ou encore se reposer au soleil. Les champs défilaient comme les petites maisons en bois. Des chevaux tractaient des charrettes de foins tandis que d’autre servaient à transporter des hommes. Entre les Tsiganes de ce matin et ce voyage en train, je découvre une autre facette de la Roumanie que je n’avais pas rencontré jusqu’à présent. L’Union Européenne aide effectivement beaucoup pour rénover tel église, construire une gare par là, mettre en valeur ceci… mais même si cela profite à certains, le ruissellement n’est pas complet et certaines zones arriérées ressemblent à bien des égards aux campagnes ukrainiennes.

Au bout de 45 minutes le train s’est arrêté devant 3 vendeurs d’épis de maïs. C’était un peu étrange mais à 60 centimes l’épi je me suis laissé tenté. Le train est ensuite reparti et la suite de la balade a continué par des chansons. Chacun a son tour devait chanter. Mon tour fut plus spécial, je me suis présenté devant tout le monde et l’animatrice ne parlant pourtant quasiment pas français s’est mit à réciter « frères Jacques », impressionnant !

Deux Lucas sont sur les photos 

J’ai continué ma visite de Sovata par le lac d’eau salé, très différent de celui en Ukraine. Déjà le cadre, les Roumains ont plus aménagé la chose. C’est un centre thermal avec des hôtels partout, des restaurant, une grande rue avec plein de boutiques et de marchands de glace. On accède au lac par une billetterie et un petit tourniquet. L’eau est bien plus froide que celui en Ukraine du fait de sa salinité environ 2 à 3 fois plus faible. A ce titre on ne flotte pas vraiment et la différence entre le haut du corps et les pieds ne s’élèvent qu’à quelques degrés Celsius. On peut tout de même se reposer au bord des terrasses aménagés. Il est très intéressant de voir tout le complexe touristique aménagé autour de petit lac salé.

A l’heure convenue je suis allé rejoindre mon hôte et tout s’est éclaircit. Déjà en tapant l’adresse sur mon téléphone on me redirigeait vers une chambre d’hôte. Je craignais d’avoir mal compris et que je devais aller payer car le prix était un peu hors de mon budget. Finalement Petra m’accueillis très chaleureusement, me montrant une chambre d’hôte inoccupé et me pria de faire comme si j’étais chez moi. Je ne rêvais pas, elle venait de m’offrir une nuit dans une partie de sa maison, sans rien, sans même trop essayer d’échanger, juste pour m’aider ! Je l’ai remercié mille fois me mordant encore une fois les doigts de ne plus avoir de Bergamotes…

Elle m'apporta en plus à manger. Comme dans la grande vadrouille (la scène à l'hôtel du Globe), mon hôte m'apporta sur un plateau un magnifique repas : Trois choux farcis, deux tomates, des saucisses, du fromage, du pain et du gras de porc, de quoi me rassasier ! Cela me permet d'aborder un point important. On ne mange pas de dessert ici. Quelques fois du fromage blanc nature mais on ne sert des desserts que pour les grandes occasions j'ai l'impression. Les tartes, les pains aux chocolats et les brioches à la praline comment à me manquer un peu...

Repas, maison de Petra et lac 

Après ces 3 nuits (à l’improviste on pourrait dire) passés chez l’habitant en Roumanie un profil commun se dégage entre Bogdan (et non Botrand après vérification), Oana et Petra. Ce sont toutes trois des personnages proches de près ou de loin au monde des grands voyages et qui donnent sans espérer en retour, pour la simple raison qu’ils aimeraient recevoir la même chose si loin de chez eux. Bogdan voulait faire de grands voyages, Oana avait passé la moitié de sa vie dans un pays qui n’était pas le siens tandis que Petra avait son fils qui travaillé/voyagé autour du bassin méditerranée.

11
sept
Jours 31, 32 et 33 

Ce matin j’ai mis mon réveil pour pouvoir une fois de plus remercier mon hôte, avant qu’elle ne parte au travail. J’ai ensuite rapidement fini de préparer mes affaires dans le but de partir assez vite pour la saline de Praid. Mon premier chauffeur fut très intéressant. Ce fut l’une des premières personnes à ouvertement critiquer l’union européenne et le temps du trajet il m’en a dévoilé les facettes. Selon lui l’UE pille son pays. Du fait des prix pas chères par exemple, des entreprises suédoises ou autrichiennes achètent des hectares et des hectares de forêt pour les couper et importer le bois chez eux. Il en va de même avec les vaches, il est très rare de manger du bœuf ici du fait de la différence de prix, les éleveurs préfèrent vendre à l’export plutôt que de laisser en profiter les Roumains. Dernièrement du fait des salaires bien plus attractifs bon nombre de personnes quittent son pays pour travailler ailleurs en Europe, ce qui est drame pour l’économie locale selon lui. Il s’agit d’une véritable « fuite des cerveaux », l’élite ou les gens débrouillards quittent le pays pour aller travailler en France, Allemagne, Angleterre…

La saline de Praid est un peu similaire à celle de Turda. Premièrement il faut déjà traverser un immense tunnel de plusieurs kilomètres (cette fois ci il y a un bus), puis descendre un grand escalier pour arriver dans la chambre principale. Encore plus qu’à Turda, cette dernière a été aménagé. On trouve un parc accrobranche géant, des salles de 3D virtuelles, des esplanades pour jouer au badminton, des jeux en mousses pour les enfants, des dizaines de balançoires en bois et des boutiques vendant tout et n’importe quoi… Je fus bien déçu lorsque je me suis présenté devant le musée de la saline, il ne s’agissait que de quelques panneaux avec des photos…

Heureusement la mine comportait tout de même une petite église ce qui dénotait de d’habitude, qui plus est elle semblait dans son jus. Il y avait une crèche en bois avec des personnages à tailles humaines ce qui était intéressant. En ressortant j’ai fait ma première découverte épatante de la journée. Voyant mon drapeau un père de famille me demanda « Bonjour pourriez vous prendre la photo svp », très surpris j’ai pris la photo et la discussion a continué. L’homme ne savait malheureusement dire que ça en français mais parlait très bien anglais. J’ai un peu présenté ce que je faisais ici tout seule au beau milieu de cette mine de sel des Carpates.

Saline et déjeuner au marché 

En effet c’est une question que j’ai systématiquement maintenant depuis que je suis en Transylvanie : « Mais pourquoi voyages-tu tout seul au beau milieu de la Transylvanie ». Généralement les gens sont impressionnés et font ensuite tout pour m’aider. Ce matin l’homme m’a demandé la suite de mon parcours et voulait savoir si je ne ratais rien de fou sur la route. Il me prodigua beaucoup de conseils et voyant mon intérêt il sorti son téléphone pour me montrer des photos des meilleurs choses à voir. J’étais ravis de cette rencontre à 100 mètres sous terres, me mettant de bonne humeur pour cette fin de matinée.

J’ai repris le stop après mangé. J’ai malheureusement attendu beaucoup plus que d’habitude (35 minutes…), je ne sais pas si c’était l’heure ou la région qui posait problème comme c’est assez touristique. Un ingénieur informaticien puis un livreur de fleur me permirent d’arriver à bon port. Ce dernier était tellement enjoué de voir qu’un français venait voir un lac à 3 kilomètres de chez lui qu’il se gara et descendit de la voiture en même temps que moi. « Tu vois tous ces touristes là-bas, tu ne dois pas les rejoindre, la meilleure vue sur le lac est là-bas. Après le lac marche 2 kilomètres dans cette direction, tu ne seras pas déçu » m’expliqua t’il. Éberlué par de tels conseils j’ai suivi à la lettre ses indications.

Je n’avais pas fait 2 mètres au bord du lac que j’ai entendu un grand « Bonjour ! », me retournant j’ai vu une famille de 4 personnes attablées avec un grand sourire. Je me suis approché d’eux, je me suis présenté et en moins de 30 secondes le jeune m’a dit : « Ça te dirais de te joindre à nous ? ». Acceptant bien volontiers j’ai discuté une bonne heure en leur compagnie. Deux parents et un fils Roumain vivant depuis une dizaine d’année en Belgique. Le jeune Bogdan est tombé sous le charme d’une jeune belge et c’est avec ses parents qu’il a décidé de lui montrer les beautés de son beau pays. Je vous laisse imaginer l’accent qu’il avait, mi roumain, mi belge et j’ai dû me retenir pour ne pas exploser de rire lorsqu’il prononça le mot « septante ».

Village de Praid et lac 

Le mari, véritable chef de famille était ingénieur en aéronautique, le courant est passé le mieux du monde et nous avons beaucoup échangé. J’en ai encore énormément appris sur le système universitaire communiste roumain et le communisme dans les Carpates à cette époque : « J’habite à 100 kilomètres de la Serbie et de la Bulgarie mais les Carpates sont ma maison, je me sens mieux dans les Carpates Polonaises à 1000 kilomètres que chez les serbes ou les bulgares ». Propos d’une grande sagesse et qui vient poser une énorme pierre à mon étude, les Carpates semblent être une grande région, et ses habitants bien que ne parlant pas tous la même langue, ils s’apprécient mutuellement quelque soit les nationalités, ce sont des hommes des montagnes avant tout. Pendant que nous discutions mes convives m’avaient offert une petite salade (je commençais à saturer de la viande) et une cervoise. Tout le long de la discussion ils étaient souriants, joyeux et désireux d’échanger avec moi. Ils m’ont conseillé les plus belles choses à voir dans la région et en Transylvanie de manière générale.

Je les ai accompagnés jusqu’au parking et sur le chemin la mère me demanda si je connaissais les Kurtos. Lui répondant que non ils se sont arrêtés au premier marchand pour m’en faire déguster puis pour m’en offrir une entière. Que de gentillesse une nouvelle fois de ces roumains voulant tout faire pour que je découvre au mieux leur pays et que j’en ai la meilleure image possible. Nous nous sommes serrés deux fois la main à chacun et nous nous sommes quittés. J’ai pu alors pleinement admirer le lac au milieu d’un décor féérique. J’ai écouté les conseils de mon dernier conducteur pour arriver à un point en hauteur, offrant un panorama superbe. Des bateaux voguaient sur l’eau, slalomant entre des bois morts, des photographes se trouvaient un peu partout et les promeneurs étaient nombreux à faire le tour du lac. C’était pleinement reposant que d’admirer ce somptueux paysage.

La famille belgo-roumaine 

Deux kilomètres plus à l’est de la ville se trouve une merveille naturelle tout aussi impressionnante. On sillonne le bas d’un impressionnant canyon, aux milieux des gorges et des ours. En effet tous les 50 mètres se trouvent des panneaux comme quoi il faut faire attention et qu’il est très vivement recommandé de ne pas s’aventurer en forêt. Je peux vous dire qu’à 18h30 au bord de la route pour reprendre le stop j’étais un peu tendu. Les voitures se faisaient de plus en plus rares et le mercure dégringolait. Il m’aura fallut 30 minutes pour qu’une splendide berline allemande viennent me sauver la mise. C’étaient encore des Hongrois, un couple travaillant en Allemagne qui était venu rendre visite à la mère de l’homme. Ils ne me croyaient que j’avais pu faire tout ce voyage seul et en stop. Au fur et à mesure de la discussion la mère me donnait de la nourriture, d’abord une poire, puis des beignets et enfin des gâteaux apéros… entre le pain de ce matin, la pâtisserie des Belges et ça j’avais de quoi manger ce soir ! Lorsque nous nous sommes quittés ils ont vivement insisté pour prendre une photo.

Merveille naturelles 

Ils m’ont déposé à un superbe point de vue, le soleil se couchait et la vue était à couper le souffle. Je n’ai pas attendu trois minutes qu’une voiture me délivra du froid et me permis de rejoindre Gheorgheni sans encombre. Ce soir là, la ville accueillait un concert. Il y avait beaucoup d’animations et ce fut un plaisir d’y assister. Toute la jeunesse de la ville était là. On vendait des boissons encore à un prix modique et de la nourriture à un prix tout aussi abordables. Il y avait également un groupe de Tsiganes assistant à la musique. Les femmes et les hommes étaient séparés. Tandis que les femmes dansaient, les hommes se défiaient au jeu du tape-poing, jeu où il faut frapper le plus fort possible dans un punchibale. Cela faisait du bien de se relaxer après une longue journée de stop, de rencontres et de somptueux paysages.

Festival et cadeau alimentaire de la journée 
12
sept


« Et c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée... » -- Otis le scribe


J’aurais pu mettre l’intégralité du fameux monologue tant cette citation est bien à propos de cette journée et des rencontres de la semaine en générale. Lors de cette journée j’ai rencontré des personnes passionnantes et dont les parcours dépassaient toutes mes espérances. Qui plus est un rêve s’est réalisé aujourd’hui : « I had a dream » !

Le programme de la journée était de rejoindre Brasov à près de 2 heures 30 de là, le plus rapidement possible pour commencer la visite de cette ville. Un premier pilote me prit, il écoutait de la musique à en faire mal aux oreilles et roulait à plus de 120 km/h sur des petites routes de campagne, les frissons étaient garantis. Ensuite 3 voitures m’ont permis de faire 30 kilomètres, j’étais énervé au plus au point. Le temps d’attente était très limité je vous rassure, mais monter dans un véhicule pour que le conducteur vous annonce qu’il s’arrête deux villages plus loin, sachant que vous avez encore 100 bornes à faire, c’est un peu agaçant.

La deuxième voiture me fit bien rire, quoi que, pas sur le coup ! Présentant mon voyage comme une étude ethnologique s’intéressant aux minorités dans la région des Carpates, en prenant l’exemple des hongrois, le conducteur s’est alors indigné. « Minorités ? Qu’entendus tu par là ? Dans cette ville les écoles sont en hongrois, au supermarché je parle hongrois, lorsque je vais à la banque je parle hongrois, ce sont les roumains la minorité ici ». Il s’est un peu calmé ensuite et la discussion fut plus calme, parlant des festivités dans la région, du drapeau régional etc.

Il fallut attendre une cinquième voiture pour que l’aventure décolle aujourd’hui. Une mère et son fils (qui avait tout de même la trentaine) me prirent en stop. Je n’ai encore une fois fais que 10 kilomètres mais la femme qui parlait dans un français parfait m’invita à prendre le café : « Ça fait tellement longtemps que je n’ai parlé français, je suis si heureuse que tu sois là ». Au début elle ne me croyait pas que j’étais français. « Tu ressembles à un allemand » me disait elle. Mais après avoir assez échangé en français elle était convaincue.

Cette brave femme m’a scotché. Elle avait lu les misérables, le rouge et le noir, les trois mousquetaires et encore bien d’autres romans du XIXème siècle, tant de classiques lues par cette roumaine alors que peu de français (et moi le premier) n’en n’ont pas lu autant. Elle me récita ensuite tous les acteurs et chanteurs des années 60 à 80. Elle fut très déçue quand je lui ai appris le décès de Jean-Paul Belmondo. Après une bonne heure de discussion j’ai repris le stop.

Inscription en ancien hongrois, puis paysages 

Je n’ai pas attendu très longtemps pour que le sosie de Philippe Noiret me prenne. J’étais déjà très heureux car il m’assura de m’emmener jusqu’à Brasov, ce qui en sois était déjà une excellente chose. Nous avons discuté de tout et de rien pendant 10 minutes avant que je lui demande sa profession, à ce moment là il a souri. Je lui ai redemandé et il me répondit : « maître d’arme » dans un parfait français. Croyant qu’il s’agissait d’une référence à Kaamelott j’ai un peu rigolé. Voyant que j’étais dans le flou il me dit cette phrase qui me fit chavirer : « Je suis l’entraineur de l’équipe d’Allemagne de Sabre, j’étais à Tokyo il y a un mois ». Je tombais des nus, un entraineur d’une équipe nationale qui venait de me prendre en stop, je ne tenais plus.

En creusant un peu je me suis rendu compte qu’il était lui-même un ancien sabreur professionnel. Il avait participé à 3 olympiades en tant que sportif, 1 en tant que juge et 5 en tant que coach. Je lui ai alors demandé s’il avait décroché une médaille olympique, il m’a répondu que oui, médaille de Bronze au JO de Los Angeles en 1984. Le destin me permettait une nouvelle fois de faire une rencontre des plus incroyable et de réaliser un de mes rêves, rencontrer et discuter avec un médaillé olympique.

J’ai parlé escrime pendant l’heure de trajet suivante. Il m’a tout expliqué, ses débuts à l’escrime, ses premiers JO, lorsqu’il a remporté le bronze pour la Roumanie, contribuant au record de 53 médailles pour son pays (terminant deuxième de l’olympiade derrière les USA), son accueil triomphal par Ceausescu, sa nouvelle vie en Allemagne et sa vie maintenant en tant que coach. Il voyage énormément et parle un rudiment de français du fait que le français soit la langue de l’escrime. Malheureusement son équipe a terminé 4ème à Tokyo et il est peu optimiste pour Paris, dans 3 ans : « Mes meilleurs sabreurs sont partis à la retraite, ça va être difficile de trouver des bon remplaçant pour Paris ». Quant aux possibilités françaises pour Paris, on ne peut espérer mieux qu’au Japon où on a déjà trop gagné selon lui.

Son fils et sa femme sont également des escrimeurs professionnels. Nous avons également beaucoup parler du régime de Ceausescu, de la place du sport en Roumanie à l’époque et comment dans une Roumanie exsangue, lui venait faire la fierté de la nation. Avant d’arriver à Brasov il me demanda si je connaissais la brioche de la veille. Lui répondant que non il s’arrêta au premier vendeur pour m’en offrir une. Ce fut un instant spécial que de savourer ce gâteau local en si bonne compagnie.

Avec Vilmos Szabo 

Voulant être un peu au calme après toute cette journée de stop je me suis assis sur le premier banc venu. Au bout de 30 secondes quelqu’un m’aborda et nous avons encore discuter une demi-heure. Souhaitant recharger mes appareils électroniques je me suis dirigé vers le Macdonald. Une fois mon plateau en main je me suis assis dans un coin du restaurant avant que deux jeunes me disent : « tu es français ? ».

Je venais de tomber sur deux jeunes tous juste sortis d’école d’ingénieur faisant un grand voyage de presque un an. Ils étaient partis de Paris et avaient voyagé jusqu’en Géorgie. Ce fut déjà un plaisir de discuter en français mais surtout de s’échanger des conseils ou techniques entre grand baroudeur. De plus les avis sur les pays traversés sont toujours bons à prendre, dans l’optique d’un futur grand voyage ! Ils voyageaient avec 7 euros par jour, dormaient en hamac et se déplaçaient en mix de randonnée et bus. Nous avons beaucoup échangé puis je suis parti explorer un peu la ville. Cela faisait plus de deux heures que j’étais à Brasov et je n’avais encore vu que le macdo et un banc.

En moins de 10 minutes j’ai réussi à trouver une auberge de jeunesse extrêmement peu chère pour la ville. J’y ai déposé mes affaires avant d’aller l’explorer plus en profondeur. Je suis monté par un sentier sur la colline dominant Brasov. Fou d’énergie car j’étais resté enfermé dans les voitures toute la journée j’y suis allé un peu en courant, mettant trois moins de temps que ce qui était indiqué sur les panneaux. La vue au sommet est somptueuse, on voit toute la ville, l’ensemble des faubourgs, les champs et les montagnes avoisinantes de la ville.

Brasov 

Sur les hauteurs de Brasov je me suis remémoré les hauteurs d’Édimbourg à Arthur Seat. C'était le 33eme jour de mon voyage en Écosse et j'avais fais un « pré bilan » de mon aventure. Ce voyage en terre de l'est fut à bien des niveaux différents : de par le thème et le milieu dans lequel j'ai voyagé.

Je suis passionné d’histoire, d’architecture et de patrimoine, ce que j'avais étudié en Écosse. Lors de ce voyage j'ai fait le pari de choisir un thème qui me correspondait un peu moins, un thème plus humain. En me retroussant les manches j'avais un peur au début, mais cette appréhension s'est très vite dissipée. L’avantage de ce thème est qu’il m'a permis de faire des rencontres plus facilement, les gens étant plus à même d'échanger sur les langues qu'ils comprennent plutôt que sur l'histoire du château du coin. Ce thème "ethnologique" m'a infiniment aidé pour faire le premier pas certaines fois et suscitait bien plus d’intérêt de la part des gens, comme les deux architectes Ukrainien ou Botond à Cluj.

Avant de partir je m'étais fixé de favoriser les échanges et les rencontres au maximum, en me disant qu'il valait mieux passer une heure autour d'une table avec un inconnu plutôt que de passer une heure à visiter un musée. A ce titre j'ai visité moins de château et d'églises, mais j'ai rencontré beaucoup plus de gens. Je crois que c'est ça le but de ce genre de voyage.

Au sommet ! 

Contrairement à l'Écosse j'ai laissé place à plus de hasard. Je fus moins rigide, ne sachant pas heure pas ou heure ou je devais me trouver sur la carte des Carpates, j’ai beaucoup réfléchi quant à l’organisation à adopter. Me remémorant que j’avais passer ma plus belle nuit la fois où je n’avais rien prévu, j’ai essayé de reproduire ce genre de chose. Au bien sûr il a toujours énormément de travail mais ce voyage s’est construit au fur et à mesure. Écoutant les avis des locaux sur les choses à voir et à faire dans le coin, cela m’a permis de visiter des choses incroyables, hors des sentiers touristiques. N'ayant pas grand chose de réservé à l'avance, ne sachant toujours pas où dormir à 20h du soir où ce que je ferais le lendemain, cette liberté absolue s'est transformée en des magnifiques rencontres, gravant des souvenirs inoubliables.

Vous l'aurez remarqué le stop est devenu obsessionnel, refusant parfois de prendre des bus ou des trains. Aujourd'hui j'ai passé la barre des 75 voitures. Ce chiffre colossal en un mois d'aventure m'a permis de m'initier pleinement dans les différentes cultures locales mais aussi de rencontrer des gens, prêt à tout pour m'aider. Souvenez vous Iwoana en Pologne m’ouvrant les portes d’un monastère ou de Bogdan me faisant visiter sa région près de Targu Lapus.

J'ai aussi toujours eu le principe de ne jamais refuser quoi que ce soit venant de mes hôtes. Ceux là allant de manger des champignons ou du vieux fromage jusqu'à m'embarquer des aventures dont je ne savais pas ce qui allait se passer dans les 10 prochaines minutes, mais j’ai le plus de fois possible fais confiance aux autres, ce qui n’est pas évident lorsqu’on connait la personne depuis 30 minutes. A chaque fois que j'ai fais cela je n'ai jamais été déçu.

Au risque de manquer des lieux emblématiques, j'ai visité plusieurs régions sans grand intérêt touristique. C'est là que j'y ai fais les plus belles rencontres. Des gens voyant quelqu'un venant de l'autre bout de l'Europe dans leur village qui n'a aucun intérêt pour les guides touristique les surprenaient tellement qu'ils m'aidaient au delà de mes espérances.

Préparons la suite ! 

Je pourrai ainsi tirer plusieurs leçons pour un prochain voyage. Favoriser les rencontres, laisser une place au hasard, toujours accepter les propositions des autres et ne pas hésiter à visiter des zones qui n'ont soi-disant pas d'intérêt sur les cartes... Je crois que c'est pour que la citation d'Otis fait écho à ce voyage et aux rencontre que j'y ai fais.

13
sept


« Les Français et les Anglais sont de si bons ennemis qu'ils ne peuvent s'empêcher d'être des amis. » --Peter Utsinov

Road trip des jours 34, 35 et avant première du 36ème jour ! 

Aujourd’hui c’est la rentrée des classes en Roumanie ! C’est ma deuxième rentrée après l’Ukraine mais c’est tout aussi impressionnant. Dans la ville de Brasov les rues sont pleines à craquer. A part les étudiants, tous les enfants jusqu’au lycée sont accompagnés par au moins un parent. Ils sont tous sur leur 31 dans un bon style des années 50. Pour les primaires le premier RDV est à la grande cathédrale de la ville. Plus grande église catholique de Roumanie, elle accueille les élèves pour leur premier jour, sans doute dans le but d’y célébrer un office pour que l’année scolaire soit concluante pour chacun.

Plus loin c’est le lycée. La cour est pleine à craquer de parents et d’enfants. Ils chantent tous ensemble, accompagné par un orchestre. Après quoi le directeur appelle les élèves un par un. Ils se présentent devant lui, lui serrent la main, saluent la foule puis rentre sous le porche, l’année scolaire commence pour lui. C’est très intéressant de voir comment le culte pour l’éducation s’est perpétué dans ces anciens pays communistes. L’uniforme est bien sûr la norme.

L’office de tourisme me permis ensuite de savoir comment occuper ma journée. Tous les musées sont fermés aujourd’hui, seul le château de Bran est ouvert. Après quelques indications sur les bus à prendre me voilà en route ! Sur le chemin j’ai savouré ses baklavas, absolument délicieux (malheureusement ’ai mal refermé la boîte et de l’huile a coulé un peu partout dans ma sacoche, mais bon). Un premier bus me permis d’arriver à la gare routière de la ville. Lors du trajet je n’avais pas de billet pensant que c’était possible de l’acheter auprès du conducteur, en vain. Voyant ma détresse un jeune d’à peine 18 ans m’offrit un ticket. Je voulais le payer mais il a refusé, l’aide et la gentillesse roumaine est impressionnante dès le plus jeune âge.

Porte de la ville et lycée 

Histoire de ne pas me perdre (et de discuter un peu) j’ai demandé mon chemin à un groupe de jeune gens. Ils étaient tout aussi perdu que moi mais par chance ils allaient à la même destination, au château de Bran. Nous avons donc commencé à discuter et c’étaient des anglais ! Les premiers depuis longtemps cela me faisait super plaisir de parler un véritable anglais. Trois anglaises et un anglais étaient venus rendre visite à leur ami roumain, qui leur servait de guide pendant leur semaine de voyage. Une nouvelle fois ils ne comprenaient pas ce que je faisais tout seul au beau milieu des Carpates roumaines. Mon projet les a emballés et s’en est suivie une pluie de questions, le temps que le bus arrive. Leurs questions étaient passionnantes car c’étaient des questions complétement différentes de d’habitude, sans doute dû à leur âge ou à leur mentalité. Ainsi j’en ai beaucoup appris sur mon voyage en leur répondant.

La conversation a continué dans le bus et nous nous sommes mis à visiter le château ensemble. De plus c’était très intéressant pour moi qui dans 3 semaines serait sur les bancs de l’université au Royaume-Uni. J’ai donc pu pleinement échanger avec eux de la vie étudiante en Angleterre, des choses à ne manquer dans leur pays ou encore des meilleurs conseils pour profiter pleinement de son Erasmus à Londres.

Le château de Bran (et non celui du compte Dracula contrairement à ce que voudrait nous faire croire les 200 boutiques au pied du château) est avant tout la résidence de la reine Marie. Brave femme, petite fille de la reine Victoria elle a tout fait pour que son pays sorte grand vainqueur de la première guerre mondiale, en récupérant la Transylvanie à la Hongrie et la Moldavie à la Russie. Originellement château du XIVème siècle, il est très intéressant de voir l’enchevêtrement des différentes époques. Les différents styles se marient bien, l’ensemble est homogène mais parait un peu brouillon.

J’ai visité le château à la même vitesse que les anglais à la différence qu’ils ne lisaient aucun panneau. Ce qui est d’autant plus étonnant que John était en faculté d’histoire. Ils ont passés le temps de la visite à se prendre en photo dans tous les sens et dans toutes les pièces. Toujours à la recherche du meilleur spot pour obtenir la photo qui ferra fureur sur les réseaux. A ce titre nous avons beaucoup prit de photo ensemble aujourd’hui.

Château et armoirie Roumaine (l'aigle en souvenir de l'empire Romain puis les emblémes des 4 régions de Roumanie) 

En sortant nous avons un peu flâner dans les différentes boutiques. Le château se veut château de Dracula et à ce titre on trouve plus de magnette du célèbre vampire que du château. Ce qui est assez rigolo c’est que bons nombres de monstres se cachent entre les allées et surprennent les visiteurs qui ont un peu la tête ailleurs. Les anglaises ont bien sûr voulu s’acheter des costumes traditionnels, pendant ce temps là j’ai discuté football avec les deux autres. Nous sommes rentrés à Brasov, avons un peu visité la ville, avons montés sur les hauteurs puis nous nous sommes donnés rendez vous quelque temps après avant de se changer pour le soir.

Le temps venu nous nous sommes retrouvés sur la grande place. Ils étaient tous bien habillés, malheureusement je n’avais que des t-shirts et des pantalons de randonnée. Nous avons soupé dans un petit restaurant avant d’aller dans un pub avec mes amis d’outre-manche. J’ai redécouvert la joie de manger au restaurant avec des filles, ne dégustant que la moitié de leur assiette. Je me suis ainsi fait un véritable festin, déjà mon plat de sauté de poulet à la sauce tomate, suivie de différentes pizzas et de quelques pâtes, je me suis défoncé le bide ! Ils avaient apporté un jeu de carte pour le bar et nous avons passés une excellente soirée, les parties se succédant au même rythme que les bières.

Toute la team ! 

Cette journée en leur compagnie fut intéressante à tout points de vue. Premièrement je me suis rendu compte que j’étais à même de communiquer avec des véritables anglais pendant toute une journée. J’arrivais à me faire comprendre, à les comprendre (malgré leur accent), à faire des blagues et même à leur expliquer les règles d’un jeu de carte, ce que j’étais assez fière. Deuxièmement ils m’ont donnée une quantité immense de conseils pour le Royaume-Uni et pour ma future vie étudiante outre-manche. Troisièmement ce fut un plaisir de passer une belle journée avec des étudiants de mon âge, dans la bonne humeur les rencontres.

14
sept

Il y a trois ans le 36ème jour sonnait le glas de mon magnifique voyage en Écosse. Heureusement j’ai encore quelques jours pour profiter. D’ailleurs à la suite des nouvelles mesures du gouvernement britanniques supprimant la quarantaine pour les Français vaccinés, j’ai quelques jours de plus avant de monter à bord de l’Eurostar. Je compte bien en passer quelques uns sur les routes, afin de faire durer un peu plus le plaisir…

La cathédrale de Brasov était visitable ce matin, pas de messe pour les primaires ou autres élèves. Se ventant comme la plus belle et grande église catholique de Roumanie je fus quelques peu déçu, une des tours n’ayant même pas était achevée par manque de financement. Ce voyage dans les Carpates m’a fait réaliser au combien la France était le pays des cathédrales ce que ne je concevais pas tellement avant. La simple basilique de Saint-Nicolas de port ferait rougir toutes celles que j’ai pu côtoyer en Slovaquie, en Ukraine ou en Roumanie (exception faite à la Pologne). Les églises orthodoxes dérogent à cette règle, je pense que c’est par le fait que la religion catholique est très minoritaire ici, les édifices religieux sont moins impressionnants (sans doute par le simple fait qu’il y a moins de fidèle ?). De même sur l’âge des édifices, il n’y en a que très peu avant le XVIIème siècle et une fois un de mes conducteurs fut tout heureux de me montrer une église du XVIème siècle. C’était une petite église en bois chétive, tandis que Notre de Paris avait était construit 200 ans plus tôt…

La ville de Brasov a l’inconvénient d’être assez étendue, ce qui signifie faire plusieurs kilomètres pour pouvoir commencer le stop. En effet cette discipline demande de respecter certaines règles pour fonctionner correctement. Il faut notamment avoir quitté tout les différents rondpoints et échangeur pour que les voitures aillent dans la direction qu’on veut, plus trouver une zone où le conducteur peut s’arrêter en toute sécurité. Une fois cela plus quelques autres règles suivies à la lettre le stop devient un jeu d’enfant et en moins de 5 minutes une première voiture me prit. Un mari et sa femme dont leur fils avait mon âge, nous avons parlé de lui pendant tout le trajet. Je n’ai pas trop compris mais en un quart d’heure de trajet la dame était terriblement émue de notre conversation, me prenant dans les bras et me donnant 2 poires pour continuer ma route.

rasov et église sur le chemin 

Ils m’ont déposé à un endroit idéal et en 3 minutes une camionnette s’est arrêtée, m’emmenant jusqu’à Sibiu. C’était un roumain faisant des transferts de matériaux entre l’Italie et la Roumanie. Très débrouille et entrepreneur son téléphone n’arrêtait pas de sonner, c’étaient des clients. Il parlait couramment italien et je lui répondais en espagnol, on arrivait à se comprendre de cette manière. Cela me demandait cependant énormément de concentration pour réussir à comprendre ce qu’il disait et garder l’idée directrice de la conversation. J’ai une fois de plus réalisé l’importance du paraverbal et des noms propres pour comprendre une conversation. Je voulais lui demander ou il allait en Italie, phrase que j’étais incapable de formuler en italo-roumain. Une simple énumération de Roma, Napoli, Milano en le pointant du doigt lui permis de comprendre la question (et de m’expliquer son club de foot préféré au passage). Il m’en a appris beaucoup sur l’histoire de la région, il a fait un détour pour me faire visiter une église et un autre détour pour me déposer en plein centre ville de Sibiu alors que ce n’était pas sa route. Que des gens adorables pour le stop aujourd’hui !

La ville de Sibiu est la capitale de la communauté germanique en Roumanie. Bien que les allemands soient moins nombreux que les hongrois, ils possèdent tout de même leur propre école et villes où l’on ne parle qu’allemand aux alentours. A Sibiu par exemple, tout était dans les deux langues. Cela se ressent sur l’architecture d’ailleurs. On se croirait en Autriche ou en Tchéquie quant à l’allure de certains bâtiments, radicalement différent des autres villes de Transylvanie, à l’exception de Brasov qui comporte tout un quartier « germanique ». La ville est très fière de son origine saxonne comme le témoignent les nombreux musées sur la période ou sur les grands personnages allemands de la ville. Ils sont très bien perçus car ils ont fait beaucoup de bien à la ville, construction de fontaine, route, école, hôpitaux…

J’ai réussi à me trouver une auberge de jeunesse pour un prix encore plus bas qu’à Brasov. Même si j’étais dans un dortoir de 10 (finalement je n’aurais qu’un seul autre colocataire) le prix était très intéressant et j’ai retrouvé cette ambiance des véritables auberges de jeunesse avec une salle pour rencontrer des gens, la cuisine commune etc. J’ai ainsi pu déposer mon sac, sympathiser avec un étudiant d’Azerbaïdjan, souffler deux minutes avant de partir découvrir la ville.

Cathédrale et Sibiu 

La cathédrale orthodoxe de la ville m’a beaucoup impressionné. Premièrement ses dimensions sont tout à fait honnêtes et deuxièmement on peut admirer un travail à tous les niveaux. Pour les passionnés d’architecture on peut contempler sans fin les différentes colonnades, toutes d’un style oriental, le dôme central ainsi que les petits dômes dans chaque coin et enfin les voûtes toutes aussi magnifiques. Pour les amoureux de peinture l’ensemble de la cathédrale est peint. Les fresques racontent différents passages bibliques (évangiles principalement, les passages de l’ancien testament sont beaucoup plus rares dans les églises orthodoxes) tandis que des icônes sont représentés un peu partout. Je commence à avoir l’habitude des églises orthodoxes et les mêmes codes reviennent à chaque fois. Un christ pantocrator au sommet, un évangéliste sur chaque piller principale, les douze apôtres représentés sur le mur principale avec par-dessus la vierge marie tenant dans ses bras l’enfant jésus. Les petites rues de Sibiu sont toutes aussi charmantes dans un style qui dénote complétement des villes que j’ai pu visiter jusqu’à présent.

Il y a beaucoup d’animations sur la grande place. La ville a en effet accueilli un festival cinématographique quelques jours avant mon arrivée. L’heure était à ranger les écrans géants ainsi que les centaines de chaises. En revanche une compétition de beach-volley avait pris le relais pour le plus grand plaisir des amateurs de sports. Le niveau était assez douteux mais cela faisait plaisir de regarder du sport et de vibre pour chaque point, au rythme des smatchs et des sifflets de l’arbitre. Il faisait chaud et il y avait même des petits brumisateurs pour se rafraîchir.

Restaurant, le tout pour moins de 8 euros (boisson incluse) 

En fin de journée je me suis rendu dans un petit restaurant traditionnel. Très bien recommandé sur internet il en valait le coup. Déjà le restaurant se situe dans une cave et sans téléphone je ne sais comment j’aurais fait pour le trouver. Les serveurs sont en tenues traditionnelles, tout comme les plats. Les soupes sont vraiment la norme à l’Est, même en été on ne peut commencer un repas sans soupe, ce qui me convient très bien car j’adore ça. Il est intéressant de noter que pour la première fois la mythique Goulash n’est pas à la carte alors qu’elle l’était depuis la Slovaquie. Le plat et le dessert étaient tout aussi délicieux qu’ils étaient copieux et cela fait maintenant deux soirs que je me couche en aillant mal au ventre. Vous pouvez être sûr que je ne vais pas revenir avec des kilos en moins contrairement à l’Écosse.

Dortoir de l'auberge 
15
sept


« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » -- La Genèse


J'ai visité le musée Bukenthal ce matin. Ancien gouverneur de Transylvanie au XVIIIeme siècle il a révolutionné Sibiu. Humaniste et grand collectionneur d'art le musée qui porte son nom regroupe tous les tableaux qu'il a eu au cours de sa vie. La collection est immense et le musée s'étend sur 3 étages. On y trouve de tout, des tableaux provenant de l'ensemble de l'Europe, d'autres originaires de Transylvanie et d'autres plus orientaux. Les salles s'enchaînent et c'est absolument considérable le nombre de tableaux que cet homme a collectionné. Il y en avait de plus pour tous les goûts: allant des natures mortes, aux portraits en passant pas les représentations d'immenses batailles.

Musée et vallée 

Une fois n'est pas coutume j'ai repris le stop en effectuant plusieurs kilomètres. Au moment de poser mon sac à dos j'ai vu que j'avais de la concurrence ! Une mémère revenant des courses. J'ai alors voulu sortir mon téléphone pour immortaliser l'instant mais une voiture s'était déjà arrêtée... Un brave homme avait (encore) pillé voyant mon drapeau. Je suis monté à bord laissant la pauvre vielle femme sur le carreau. L'homme était très gentil mais très timide, nous n'avons que très peu discuté même si il parlait très bien anglais. Nous nous sommes alors enfoncés dans les montagnes, longeant une petite rivière. Il m'a déposé au col comme convenu et là ce fut la sidération.

Le col ne dépassait pas de plus de 10 mètres de la route de d'habitude. Abasourdi, désemparé, j'ai sorti ma carte pour comprendre et ce fut la consternation. Je m'étais trompé de vallée, la bonne réputé se trouvait 50km plus à l'est... Malheureusement elle était bien trop loin et mon hébergement se trouvait dans cette vallée ci. C'est la première fois que je me trompe à ce point. Détente de la fin de l'aventure ? Route n'ayant peur être pas plus d'intérêt que ça ? Réalité logistique ? Ou alors simplement le hasard me poussant dans cette vallée ci pour une bonne raison ? Je ne sais pas mais j'ai réussi à réagir assez rapidement. Deux jolis monastères se trouvaient un peu plus loin.

Le premier fut assez magnifique. Très ancien pour le coup, extrêmement bien décoré de l'intérieur comme de l'extérieur. Le cadre était tout aussi beau. Même si je n'avais mangé qu'un petit beignet le matin, l'horloge pointait bientôt 15h. J'ai alors finis quelques restes car la faim se faisait sentir. Le second monastère se trouvait un peu plus dans les montagnes, le décor était tout aussi somptueux. Il possédait une vieille chapelle, une grotte plus quelques bâtiments en construction.

Monastères 

Lorsque je suis ressorti de la chapelle il commençait à pleuvoir. Posant mon sac à dos j'ai commencé à chercher ma cape de pluie et mon blouson. Quelque chose que je ne comprends toujours pas est ensuite arrivé. Sans me parler ou me dire quoi que ce soit un moine orthodoxe prit mon sac à dos et l'emmena dans une pièce au sec. Complètement perplexe moi qui tentait d'enfiler mon k-way, je l'ai suivi.

Je suis alors arrivé dans une boulangerie, tout du moins celle du monastère. Cela sentait bon le pain et la farine. Voyant mon drapeau français le moine sortit de lui même son téléphone pour communiquer avec moi. En l'instant de deux minutes il m'invita à aller manger. Toujours un peu plus perdu je l'ai suivi et je suis alors arrivé dans une magnifique salle avec une profusion de nourriture sur la table. Comme ma grand mère l'homme me força presque à goûter de chaque plat, soupe, pain, pâte, polenta, fruits ainsi que dessert. J'étais un peu paniqué car je me suis déjà forcé pour finir (moi qui venais de manger deux fois en 2 heures) et je savais que mon hôte qui m'attendait de pied ferme à 18h me réserverait pareil accueil.

Un deuxième moine nous a rejoint pour le repas, tout aussi chaleureux que le premier. Après mangé je me suis intéressé à un tableau avec des écritures en roumain ancien. Voyant mon intérêt le moine est venu le traduire l'ensemble des caractères, me faisant répéter et me traduisant en anglais toujours grâce au téléphone. Après cette petite leçon j'ai été à même de lire les prénoms des saints sur le tableau pour son plus grand bonheur.

Boulangerie 

Nous sommes ensuite allés sortir les pains du four. Il les sortait avec sa spatule et quant à moi je les badigeonnais d'eau pour les refroidir et pour durcir la croûte. Une sœur nous subordonnait en mettant les pains dans l'armoire. Il faisait très chaud du fait que le four était ouvert. Nous étions tous dégoulinant. Lorsque nous eûmes finis il prit un pain et me le donna. Il baragouina quelque chose qui voulait sans doute dire que je venais de gagner mon pain à la sueur de mon front. Belle morale.

Il m'a ensuite fait faire le tour du monastère comportant un peu plus loin, un atelier de mécanique, une scierie, une ferme et un grand garage. Il m'a tout montré jusqu'à demander aux ouvriers de travailler pour que je puisse voir les machines fonctionner. Tout le monde m’accueillit avec un grand sourire prêt à me montrer son métier, si content de dévoiler leur savoir-faire à un jeune baroudeur français. En repartant il me fit comprendre qu'il allait m'emmener à ma destination mais qu'en plus il allait m'offrir quelques choses...je suis arrivé avec lui dans le garde manger du monastère. Il me tendit alors des boîtes de thon, trois grappes de raisins ainsi qu'une magnifique saucisse qu'il faisait lui même. Je ne savais comment le remercier lui qui m'avait déjà tant donnée. Et dire que rien de tout cela ne serait arrivé si je ne m'étais pas trompé de vallée puis s’il n'avait pas plus...

Avec Rasputin le moine 

Je suis alors arrivé chez la grand-mère de Oana. Sa grand même était seule et sa petite fille lui organisait des rencontres en couchsurfing pour qu'elle soit un peu moins seule. Femme extrêmement gentille elle a tour fait pour que mon séjour soit le meilleur possible. En moins de 5 minutes j'étais déjà la table et elle avait préparé un repas pour 4... J'ai commencé le repas quand le téléphone se mit à sonner. C'était Oana : « Allo Lucas ? Ma grand-mère prévoit toujours beaucoup à manger ne te forces pas à tout manger, tu n'y arriveras pas ». J’étais un peu rassuré de cet appel mais rien n’y a fait la grand-mère me faisait des tartines de terrines alors que je me forçais déjà à manger mes deux cuisses de poulet avec un saladier de tomates et de pommes de terre. C’était un repas gargantuesque.

Bien qu’âgée (plus de 80 ans) la grand-mère de Oana comprit assez rapidement l’intérêt de mon téléphone pour traduire et nous avons pu un peu échanger comme cela. Après quoi les voisins nous ont invités à boire un coup. On aurait cru un sketch ou une caméra cachée. Laissant allumé mon téléphone mais en mode silencieux j’arrive à suivre les conversations d’autrui. L’homme revenait du bistro en racontant qu’il jouait aux échecs. J’ai sauté sur l’occasion pour lui proposer une partie mais ce dernier m’a affirmé qu’il n’arrivait plus à distinguer les pièces, c’est pour cela qu’il avait arrêté. En effet il était dans un salle état. La femme m’avait sorti de la bière mais lui me ramena sa bouteille de Tuica pour la goûter.

« Natural, natural », répétait-il en boucle. Elle venait de son jardin. Il m’en proposa et j’ai accepté un petit verre, juste pour goûter. L’homme me servit un verre plein et sa femme lui empoigna la bouteille pour m’en servir un. Il était tout de même rempli au ¾ mais c’était déjà ¼ de moins. Il s’en servit un deuxième en attendant. Après quoi il est revenu avec une bouteille de Perinka, tout aussi « natural ». J’ai dû en savourer un verre puis un troisième pour lui dire aurevoir… La grand-mère d’Oana a ensuite relayé la voisine pour servir mes verres mais il était tout de même bien chargé et l’homme devenait un peu incontrôlable. Dîtes vous qu’il était dans un salle état avant de s’enfiler 6 shots en l’espace d’une petite heure.

Avec la grand-mère 

Nous sommes ensuite rentrés chez la grand-mère d’Oana. Elle m’a montré toutes ses photos de familles et surtout de ses deux petites filles dont elle était très fière. La soirée a continué à regarder la télévision avec la grand-mère qui me bourrait de ses gâteaux secs.

16
sept

La journée a commencé par un énorme déjeuner, de quoi ne pas manger jusqu’à tard. Saucisses, pain et café sont désormais devenues la routine. La gentille grand-mère tenue tout de même à me faire plusieurs tartines de fausse confiture ainsi qu’à me décortiquer plusieurs œufs… Elle a tenu à m’accompagner à la sortie de la ville. Elle était d’une gentillesse extrême, prêt à tout pour que je passe le meilleur temps possible chez elle, cela faisait chaud au cœur, sachant que ce serait (peut-être) mon dernier hôte du voyage. En me disant au revoir elle m’offrit des petits sandwichs, histoire de ne pas mourir de faim.

Une fois n’est pas coutume en moins de 5 minutes, un policier et sa fille me prirent. Ces gens étaient encore une fois prêts à tout pour m’aider. Le père emballé par mon projet me donna carrément de l’argent pour m’aider dans la suite des mes aventures, surréaliste. Il était fan d’un jeu qui s’appelait Geocashing. Jeu consistant à trouver des petites boites un peu partout sur la terre, nous nous sommes mis en quête de trésor. On a des indices, une localisation plus ou moins précises et des photos ultra-zoomés pour trouver la boîte. Cela semblait tout de même très difficile car à 3 pendant 40 minutes nous n’avons rien trouvés.

L’homme me déposa à une bretelle, parfaite pour continuer le stop. L’homme insista pour que je prenne une photo avec sa fille, tout en me donnant d’autres cadeaux. Il me donna des biscuits de ses parents, une bouteille de 2 litres de jus d’ananas ainsi qu’une demi-bouteille de Tuica, faîte avec amour par sa famille. Je n’en revenais pas tout ce que j’avais récolté en l’espace de 24 heures, j’avais de quoi manger, boire plus même un peu d’argent au cas où…

Avec la Tuica et sa fille 

J’ai ensuite enchaîné les voitures afin d’arriver à mon objectif : le Danube. Le stop fut quelque peu compliqué au début, beaucoup de voitures pour peu de kilomètres mais même si cela est frustrant, en demandant un bon endroit de dépôt on arrive à repartir assez rapidement. C’est peut-être bête mais insister pour être déposé deux kilomètres plus loin peu ne provoquer qu’un léger détour pour le conducteur et me faire gagner une demi-heure. Station service, bretelle, carrefour giratoire ou zébra sont désormais mes amis après toutes ces expériences en stop. La 7ème voiture de la journée me permis de le rejoindre. J’ai enchaîné les rencontres, personnes voulant profiter de chaque seconde de discussion, d’autres préférant le silence, d’autres se contentant de sourires et de gestes pour s’exprimer.

D’ailleurs je commence à me caler aux habitudes locales. C’est sans doute un des buts premiers de ce voyage Zellidja, vivre au rythme des locaux, écouter leur musique, manger leur nourriture, s’intéresser le plus possible à leur langue et à leurs autres coutumes en tout genre. Pour ma part je viens de franchir une nouvelle étape dans cette immersion, je suis les heures pour manger. Ainsi un petit déjeuner sucré me perturbe, un snack ou quelques sandwichs à midi me suffisent et un véritable repas le soir devient la norme. Peut être parce que j’avais encore des réserves de la veille mais toujours est il que je n’ai pas mangé ce midi mais les sandwichs à 16 heures.

Lorsque je suis sortie de la dernière voiture et que j’ai contemplé le fleuve, je fus pris d’une certaine émotion. C’était le Danube, enfin ! Si les Carpates commençaient à partir de Bratislava sur le Danube, elles se terminent également ici, sur les abords du Danube à la frontière avec la Serbie. C’est alors ici que se termine le voyage dans les Carpates…

Différents repas chez mon hôte plus cumul des provisions des dernières 24 heures  

Je l’ai fait ! Parcourir toute cette chaine de montagne sur 4 pays et 2000 kilomètres est désormais chose faîte. Les larmes ne se font pas tarder, fierté d’avoir accomplis tout cela mais tristesse d’être sur la fin… tant de choses vécues, tant de paysages, tant de monuments mais surtout tant de rencontres. Le décor est à la hauteur de l’événement, les montagnes viennent plonger dans le fleuve. Elles sont déjà colorées, l’automne ne doit pas être très loin. Les falaises, les roches, les arbres, les quelques bateaux sur l’eau, la mélodie du fleuve bref tout y est pour rendre l’endroit somptueux et prenant.

Même si cela sonne la fin du voyage dans les Carpates, il me reste quelques jours encore à profiter. En effet je me suis lancé défi de revenir en stop à Liverdun en l’espace de 4 jours. Il devrait y avoir environ 5 heures de routes par jour, de quoi visiter un peu les quelques villes sur le passage. Le voyage continue donc sur les routes roumaines, puis hongroises, autrichiennes, allemandes et finalement françaises ! Ce temps relativement large octroye également la place à des rencontres inopinées.

Cela ne se ferra pas tarder ! En l’espace de quelques minutes un van immatriculés 29 s’est arrêté. Deux jeunes françaises se baladant sur la route m’ont alors embarqué... Elles étaient originaires de Savoie. La grande sœur effectuait un tour d’Europe en van tandis que la petite l’avait rejoint le temps de ses vacances. Encore un heureux hasard la plus grande venait de sortir de l’université de mathématiques et la petite était encore en faculté d’histoire, le rêve ! Mes deux disciplines préférées ! J’ai ainsi pu discuter de la révolution française, de la théorie des jeux, du siècle des lumières et de la théorie des nœuds, un régal.

Sculpture au bord du Danube et monastère 

Nous avons d’abord visité ensemble la statue de Décébale, dernier roi Dace avant que cette région du monde ne passe sous les griffes de l’aigle romain. Statue ou gravure, il s’agit de la face du roi dans la roche. D’une hauteur de 40 mètres de haut cela est tout à fait impressionnant, regardant le Danube. Nous avons ensuite visité une petite chapelle avant d’aller prendre un café. Les deux jeunes savoyardes n’avaient pas de plan définis, juste d’être en fin de semaine à Bucarest pour que la plus jeune puisse reprendre son avion. Leur proposant d’aller visiter le plus beau château de Roumanie à un peu plus de 4 heures de là, elles ont accepté et l’aventure ensemble pu continuer et moi je pouvais avancer sur a route du retour.

C’était sympa de voyager en van, bonne ambiance le courant est très bien passé (nous avions quasiment le même âge) et ce fut passionnant de discuter avec elles. En 3 mois de vadrouille Garance avait déjà beaucoup voyagé et rencontré des personnes très intéressante. Ce fut très instructif de comparer les différents modes de voyage, les astuces et les conseils de chacun, les avis sur les pays ou les villes, un plaisir !

Nous nous sommes arrêtés sur un espèce de terrain désaffecté. A proximité d’un cours d’eau et d’une grande route. Le van ne contenant que deux places ce fut une nouvelle nuit sous tente, depuis bien longtemps, cela remontait en effet à l’horrible nuit en Pologne dans la pluie et le froid. Ce fut un peu galère de planter la toile ce soir là. Le sol était très dure mes fichettes ne s’enfonçaient pas. J’ai dû quadriller une zone de plusieurs terrains de foot avant de trouver quelques mètres carrés où les fichettes daignaient s’enfoncer. Aussitôt la toile plantée je suis retourné au van pour souper. J’ai pu partager mes énormes quantités de nourritures avec mes 2 compagnons d’aventure. L’énorme miche de pain, la saucisse, du raisin ainsi que des légumes et quelques bières de leur part nous ont permis de passer une excellente soirée.

Avant d’aller me coucher je me suis lavé dans la rivière à la seule lumière du clair-de-lune. Sensation assez agréable, comme un retour aux sources. L’eau n’était pas très froide, la météo ne prévoyait que peu de pluie et une nuit assez chaude. De quoi passer une excellente nuit après cette excellente journée.

La ligne de crêtes des Carpates (tout le monde ne s'accorde pas sur ces limites)

PS : Comme vous l’avez sans doute remarqué les publications du blog se font un peu plus tarder. La fin approche et le défi de rejoindre Liverdun en stop demande énormément de temps et d’énergie. Les surprises, rencontres, hasard et amoncellement d’émotions sont bien présents mais ne voulant pas mettre en péril l’aventure (et surtout profiter à 300% de ces derniers jours) les prochaines publications devront peut-être attendre mon retour en Lorraine. Cela vous permettra d’avoir la semaine prochaine pleine de lecture de mes dernières péripéties !

PS de PS : A titre d’indice à l’heure où j’écris ces mots (soit deux jours après les faits), j’ai quasiment accompli la moitié du trajet.

17
sept


« Tu peux attendre 3 heures au bord d’une route comme trouver en 3 minutes la voiture qui t’emmène à bon port » -- Sylvie Venner


La nuit s’est excellemment bien passée et m’a réconfortée un peu dans l’expérience du camping dont j’avais été traumatisé en Pologne. Nous nous sommes retrouvés pour petit-déjeuner du sucré, des tartines au miel ! Je n’étais plus habitué et heureusement que j’ai retrouvé un sandwich de la grand-mère d’Oana. Même si nous avions bien avancé sur les routes hier, il y avait encore 2 heures à rouler avant d’arriver au château de Devin.

Le trajet fut assez reposant. Le Van ne roulant pas à la même allure que mes pilotes de la veille, j’ai pu pleinement profiter du paysage de cette fin des Carpates. Les montagnes sont plus petites et les forêts se font de plus en plus rares. Le château de Devin est assez remarquable, imposant, étant doté de plusieurs tours massives et d’un long pont de bois pour y accéder. C’est tous les trois que nous avons entrepris la visite du château et de ses différentes pièces. On y expose un peu de tout. J’ai pu admirer des pièces sur la danse au moyen-âge, l’histoire de la famille du château, des tableaux des lieux et des environs ou encore une exposition sur le matériel de torture à l’époque.

Mes deux compagnons m’ont déposé à une route nationale afin de continuer le stop, direction la France ! Cela m’a fait extrêmement plaisir de voyager avec elles le temps d’une vingtaine d’heures. De plus j’ai pu côtoyer un nouveau mode de voyage ; le vantrip. En plus de ceux qui faisaient leur tour d’Europe avec leur sac à dos plus tous les voyageurs d’auberges de jeunesses cela m’a procuré beaucoup d’informations, de conseils, d’astuces et d’avis sur les différents types de grands voyageurs et les moyens pris par chacun. L’expérience vécue et le but recherché sont différents pour chaque type.

Maison tsigane et visite d'une château avec les 2 savoyardes 

J’ai mangé encore quelques restes de la veille avant de sortir de la ville pour reprendre le stop. En l’espace d’un rien de temps j’ai trouvé un chauffeur routier roumain, parlant couramment français. En effet il avait vécu près de Lyon une dizaine d’année. Le courant est très bien passé entre nous, parlant de ses différents voyages ou de la vie au jour le jour des chauffeurs roumains, les différences entre chaque type de poids-lourds, les législations européennes… Je lui ai expliqué mon projet de rentrer en stop et il fut emballé. Il a voulu m’aider à tout prix, passant coup de fil sur coup fil pour me venir en aide. Nous sommes ensuite arrivé à une station-essence. Il m’a emmené voir deux de ses connaissances, leur a dit que j’étais gentil et sympa et ils ont accepté !

Ne sachant pas trop dans quoi je m’embarquais j’ai longuement remercié Bogdan (eh oui encore un !) avant de monter dans leur voiture, sur les coups de 17 heures. Ils ne parlaient absolument pas, même entre eux et le trajet semblait extrêmement long, n’ayant en plus quasiment plus de batterie sur mon téléphone. Au bout de deux heures ils se sont arrêtés à une aire d’autoroute où j’ai réussi à recueillir plusieurs informations…

Bogdan et frontière hongroise 

Ils allaient en France ! Ils allaient travailler à Paris dans le bâtiment et leur route passait à une dizaine de kilomètres de ma maison. Je ne tenais plus de joie, j’allais rejoindre la France d’ici une journée. Je les ai salués avant de reprendre la route. A ce moment j’ai-je ne sais pour quelle raison, était pris d’une petite crise de panique. « A la maison dans une journée, mais c’est alors la fin du voyage ? Ce n’est pas tout ce défi sur les aires d’autoroutes des différents pays ? Plus d’autres rencontres, plus de visite, plus d’aventure… ». J’ai longuement réfléchi et quitte à me saborder j’ai demandé à être déposé à la première station-service dans la banlieue de Budapest. Ne comprenant trop à rien ce qu’il c’était passé, je me suis retrouvé à 20h20 sur l’aire à proximité de la ville. Mon téléphone pointait à 15% de batterie, il faisait nuit et je venais de me prendre une heure de décalage horaire (Il était 21h20 pour mon organisme, comme certain disent).

J’ai dû franchir plusieurs routes de manière un peu dangereuse avant de trouver un arrêt de bus. J’étais sauvé ! Enfin je le croyais… 20 minutes après l’horaire toujours aucun bus et le stop que je faisais en attendant ne changeait rien. Je me suis donc décidé à rejoindre la station de métro la plus proche, à 5 kilomètres de là car j’avais vu que plusieurs auberges de jeunesses avaient des lits de libres. Ne souhaitant pas arriver après le dernier « check in » j’ai dû courir un petit peu sur le chemin pour monter dans le métro et me pointer à la première auberge. Je me croyais sauvé et cela valait mieux, il était quasiment 22 heures, heure locale.

J’ai poussé la porte, me suis dirigé vers le comptoir et j’ai tapé sur la petite sonnette, pour qu’on vienne s’occuper de moi. L’hôtesse arriva, demandant mon problème. Lui expliquant la situation, elle me rétorqua qu’il n’y avait plus de chambre. Je lui ai alors montré mon téléphone où il y avait inscrit qu’il restait plusieurs lits, et là ce fut une douche froide de plus…je m’étais trompé de jour dans ma requête, j’avais recherché pour le lendemain. Je suis reparti penaud, en quête d’un lit, le froid arrivait dans la ville.

L’auberge suivante était complète également mais en les apitoyant un peu sur mon sort j’ai réussi à trouver des alliés dans ma situation. Ils ont passés plusieurs coups de fils et m’ont trouvé un lit dans une auberge à 2 kilomètres de là. J’ai alors sorti ma carte bancaire pour réserver et je suis reparti tout content, avec l’assurance d’avoir un lit. Grâce à un réflexe de survie j’ai sortie mon portefeuille pour voir si je n’avais rien oublié, et là horreur, ma carte bleue avait disparu. Je suis alors reparti en quatrième vitesse à l’auberge et en tournant au coin de la rue je suis rentré dans la réceptionniste ! Elle était toute affolée et ma tendue la carte, une suite d’émotion encore bien violente.

Arrivée tardive  à Budapest 

Je suis bien arrivé à l’auberge suivante, j’ai pu prendre ma chambre et m’étaler dans mon lit, j’étais sauvé ! Tout heureux j’ai alors voulu nouer contact avec mon voisin de chambrée. Il était assis sur son lit et me regardait, sans aucune émotion du visage. Je lui ai alors demandé d’où il venait. C’est alors que la suite de l’ascenseur émotionnelle de la journée a continué… « Tu vois bien ma tête, je suis de quelle nationalité pour toi ? » me lança t’il. Il avait une tête de chinois et pour ne pas le froisser j’ai demandé s’il était japonais ou coréen. « Non, je suis Afghan, je suis arrivé là hier ». Nouvelle douche froide…

Ce fut passionnant et en même temps terrible à la fois d’échanger avec lui. Il avait envie de parler de ce qui se passait chez lui, des misères que subissaient ses compatriotes et de la terreur du nouveau régime. Il est vrai qu’en voyageant je n’avais pas tellement suivi l’actualité internationale, mais cette discussion avec ce réfugié fut plus intéressante que tous les reportages sur le sujet. Nous avons continué de discuter pendant longtemps même si la fatigue se faisait sentir. Sa situation familiale me fit beaucoup de peine : « Mon père a réussi à s’échapper en Turquie, mon frère en Iran mais je n’ai pas de nouvelle de ma mère ». Détresse de toute une famille déchirée par le nouveau régime en place à Kaboul. J’ai alors réalisé que la modeste condition des ukrainiens ou de certains roumains n’étaient rien comparés à ceux obligés de fuir à des milliers de kilomètres de chez eux et dont la vie était menacée à chaque instant.

18
sept

C’est le 40ème jour ! Je vous rassure l’aventure ne va pas se terminer ce soir, il y a encore de la route jusqu’en France. La nuit ne fut pas des plus longues, voulant discuter pleinement avec l’Afghan et voulant découvrir la ville de Budapest avant de reprendre la route, cette fois-ci, la route de Vienne.

Malheureusement cette volonté matinale s’est vite fracassée. Je me suis présenté à la cathédrale de Pest en premier mais cette dernière était encore fermée. Le musée suivant l’était aussi, tous les bâtiments n’ouvrant qu’à 9 heures. J’ai dû prendre mon mal en patience en arpentant les rues de la ville avant de commencer les visites !

Je suis rentré le premier dans la cathédrale et là ce fut un choc. La cathédrale était absolument magnifique, comme je n’en avais rarement vu au cours de mon voyage. Dans un style néo-classique avec des colonnes majestueuses, des voutes gravées, des plafonds décorés, peints et vernis, ainsi que d’immenses chandeliers un peu partout. Le contraste est très saisissant, on sent que la religion catholique est majoritaire ici, mais que le pays a eu les moyens également ! En revanche les fidèles n’y sont que très peu présents, ce sont majoritairement des touristes qui déambulaient dans les allées à côté de moi.

J’ai continué ma visite de la ville par le palais du parlement. Chef d’œuvre de la fin du XIXème siècle, il est pour beaucoup le symbole de la ville au même titre que la tour Eiffel, le Colisée ou Big Ben pour d’autres capitales. Ses dimensions sont absolument colossales, seul le palais du parlement roumain lui passe devant (et encore cela vient de la démesure de Ceausescu…). Construit au moment où la Hongrie a accédé à une certaine autonomie de la part de l’Autriche (L’Autriche devient l’Autriche-Hongrie en 1867) il fait référence à la fameuse Hongrie historique. Époque où le royaume comprenait la Croatie, la Slovaquie, la Transcarpathie Ukrainienne et la Transylvanie, bref l’ensemble des territoires dans le cercle intérieur des Carpates. A ce titre on pouvait admirer les blasons de tous ces duchés et comtés qui fussent un temps, partie de la Hongrie.

Budapest, cathédrale et palais du parlement 

Une visite guidée me permit d’en découvrir l’intérieur. Tout aussi somptueux, je ne me suis pas lacé de contempler et d’admirer chaque détail. Premièrement on rentre par un grand escalier avec un tapis rouge, le plafond étant décoré en feuille d’or, la classe ! Deuxièmement après avoir franchis un long couloir comportant des vitraux de toutes les couleurs on arrive dans la salle de la couronne, là où repose la couronne des premiers rois de Hongrie. La couronne, le globe surmonté d’une croix, le sceptre et l’épée des rois reposent la en plein milieu, sous la protection de 4 gardes assez bien armés. Tout autour de nous se trouve des statues des grands rois de Hongrie. Ils ont toutes des têtes de tueurs descendants d’Attila, comme les Hongrois aiment bien le penser.

Troisièmement nous avons visité la salle du parlement de la république Hongroise. Salle très bien décorée mais les trop grandes « allusions à la Hongrie historique » m’ont un peu énervées. Cela fait maintenant 100 ans que la Transylvanie fait partie de la Roumanie et on trouve partout des blasons de cette province perdue (et de bien d’autres régions encore) dans le lieu même du pouvoir hongrois. De plus les allusions à la royauté sont très présentes. Je ne m’imagine pas un seul instant les députés français devant défiler devant des statues de Louis, d’Henri ou François avant de siéger au palais Bourbon !

En longeant le Danube j’ai continué d’admirer les magnifiques bâtisses construites en cette fin du siècle à Budapest. La monarchie voulant célébrer en grande pompe le millénaire du Royaume, un nombre incalculable de bâtiments ont été construits pour l’occasion. Tout le royaume a dû y participer et malheureusement ce développement excessif de la capitale a nuit aux autres villes du royaume, notamment celles où les communautés hongroises étaient minoritaires. C’est à ce titre que si les pierres, le bois, l’or ou encore le sable des vitres viennent des 4 coins du royaume, toutes ces richesses et trésors se sont retrouvés ici, au grand détriment d’autres villes comme Cluj ou Oujgorod. Cela m’a fait limite « mal au cœur » de constater la différence d’urbanisme qu’il devait y avoir en l’an 1900 au sein du même pays.

J’ai ensuite traversé le Danube pour rejoindre l’ancienne ville de Buda et découvrir ses joyaux. Châteaux, églises, termes et points de vue se sont succédés. Il ne fallait pas traîner si je voulais être à Vienne ce soir. J’ai mangé sur le pouce avant de terminer la visite de la ville par les halles, absolument magnifiques. Ce marché couvert regroupe des étales en tout genre. On y vend aussi bien des fruits, des légumes, des féculents et à côté on trouve des échiquiers, des maillots de foot ou des souvenirs pour touristes. On trouve également plusieurs petits restaurants de cuisine traditionnelle.

Halles et termes 

A 14 heures tapante j’ai stoppé nette ma visite pour me diriger vers la bouche de métro afin de rejoindre la station service la plus proche de l’autoroute pour l’Autriche. J’ai mis un peu de temps pour trouver une voiture, n’étant pas habitué à ce nouveau mode de stop. En effet il faut interpeller les automobilistes quand ils sont à la pompe, dans la queue pour acheter des paquets de chips ou encore quand ils remontent dans leur voiture après une pause pour se dégourdir les jambes. L’exercice est très éprouvant, certains automobilistes faisant mine de m’ignorer, d’autres s’énervant en me repoussant et d’autres cherchant excuses et excuses pour ne pas me faire monter dans leur voiture. J’ai cependant réussi à trouver deux voitures avant de tomber sur un mystérieux Bulgare…

Je vous préviens d’entrée je n’assure absolument pas la véracité des propos de mon chauffeur mais ils vont être très troublants… Il s’est d’abord présenté comme un jeune étudiant à Vienne, âgé de seulement 19 ans. Il roulait dans une grosse BMW que lui avait offert un de ses amis. Il m’a alors sorti une série faite sur lui tout aussi improbable. Il transportait 600 litres d’alcool fort, des kilogrammes d’herbes et beaucoup d’autres choses encore plus douteuses. Il s’est ensuite un peu plus confié, étant le fils d’un richissime multimillionnaire Bulgare, travaillant de proche ou de loin avec la Mafia. Le fils avait aussi soi-disant plus d’une vingtaine de voitures de sport de type Lamborghini, Ferrari ou Bugatti. Ne croyant plus un mot à ses salades il s’est arrêté à une aire et le doute s’est installé.

Il m’a d’abord montré plein de selfie de lui devant ses voitures, puis j’ai mis mon nez au dessus des cuves d’alcools, cela en était bien. De plus il prétendait avoir fait tout son lycée au Canada et son anglais était des plus impeccable, au même niveau que les anglais de Brasov. J’ai alors posé une mine de questions, sur sa fortune, ses liens avec la mafia, ses études et ses business. Tout semblait farfelu mais parfaitement cohérent. Je l’ai bombardé de questions et de questions et mon chauffeur tenait une version des faits. C’était sans doute ma première rencontre avec un millionnaire. On ne saura jamais…

Avec le fameux "multimillionnaire" 

Il m’a déposé à une bouche de métro en plein centre de Vienne. Je lui ai alors demandé pourquoi il m’avait donné autant de détail, à moi simple autostoppeur. Sa réponse me marqua beaucoup : « On ne se connait pas et après que nous nous serons séparés on ne se reverra plus jamais. Je t’ai raconté ma vie incroyable pendant deux heures, je t’ai fait voyager et partager ma chance, c’est tout ». Nous nous sommes serré la main, je suis monté dans le métro et je suis arrivé à mon auberge où j’ai déposé mes affaires.

Je suis alors parti explorer la ville à la tombée de la nuit, entre palais illuminés, petites fêtes sur les places et animations nocturnes. J’ai réussi à trouver un restaurant spécialiste de la Wiener Schnitzel. L’ambiance était assez folle, on passe sous un porche, on rentre dans une petite salle de style tyrolienne et le voyage commence. Un accordéoniste reprenait des musiques de Dalida pendant que les serveurs habillés comme des Tyroliens servait les assiettes. On entendait le choc des grosses chopines de bière, des applaudissements pour le musicien ou encore des rires des gens attablés. On ne regrette pas sa soirée !

Restaurant à Vienne 

En rentrant à l’auberge j’ai fait la connaissance de deux jeunes allemandes, pleines d’aprioris sur les français. Voulant sauver l’image de notre beau pays j’ai dû longuement discuter avec ces deux Dresdoises pour changer leur opinion. L’une d’elle était fan d’histoire et nous avons pu évoquer la manière dont le XXème siècle était enseigné de chaque côté du Rhin. La soirée a continué en évoquant les meilleurs choses à voir et à faire à Vienne, utile pour le voyageur voulant la visiter de manière EXPRESS le lendemain…

19
sept
Jours 37, 38 et 39 ! 

Ce matin j'ai fait tout mon possible pour quitter l'auberge de jeunesse le plus tôt possible, j'ai une autre capitale européenne à découvrir. Cette fois ci je n'ai pas trop de contraintes d'horaires comme la plupart des choses à voir sont à l'extérieur.

J'ai commencé par la mairie, le parlement, la place Marie-Thérèse et les différents musées. Tous ces bâtiments sont d'un style imposant, comme à Budapest mais en plus grand. Ces immenses bâtisses ne font que se succéder et je ne savais plus trop où donner de la tête. Les statues, parcs et jardins ponctuent également cette ville très verte.

J'ai poursuivi ma visite par quelques églises et crypte (dont la célèbre crypte des capucins) avant de me rediriger vers un restaurant traditionnel. Hier soir j'avais raté le soi-disant "meilleur" restaurant de la Wiener Schnitzel, ce matin j'étais à 11h30 devant. Il n'y avait rien de trop car j'ai eu la dernière table. Le cadre est similaire à celui d’hier mais les vignettes TripAdvisor, guide Michelin et autres décorations sur la vitrine le font se démarquer un peu. C’est bien simple on trouve des pancartes dans un rayon de 200 mètres autour du restaurant pour nous y mener. La carte du restaurant est aussi plus simple. Sur la première page on trouve juste le plat qui en fait la renommée, la Wiener Schnitzel, de l’autre des plats du terroir autrichiens.

Vienne et Schnitzel 

Tout autour de moi les gens avaient dans leur assiette les fameuses oreilles d’éléphants, je n’ai pas tardé à les imiter. J’ai découpé un morceau, piqué la fourchette et à ce moment le voyage culinaire a commencé. J’étais propulsé dans un autre monde. Cela faisait longtemps que je n’avais pas dégusté un plat me faisant cet effet. Cette escalope n’a rien de comparable avec toutes celles que j’ai pu gouter jusqu’à présent et je comprends désormais mieux les heures de queues de la veille. La suite du repas fut tout aussi fabuleuse que cette première bouchée, quelle belle note pour le dernier restaurant du voyage !

Le début d’après-midi a continué par la visite d’autres palais, cathédrales ou encore de somptueux jardins. Sur les coups de 15 heures je me suis décidé à quitter la ville pour commencer mon grand retour, retourner en France en stop uniquement ! Je suis alors monté dans le métro pour sortir de la ville. En regardant le nom des stations j’ai vu un arrêt Schönbrunn, nom du célèbre palais Autrichien, résidence royale au même titre que Versailles ou Buckingham. Un arrêt à Schönbrunn cependant condamnait un peu mes rêves d’arriver à Munich ce soir. En effet je ne voulais pas visiter le château en coupe vent, Munich se trouvait à 4 heures de là et cet exercice s’arrêtant à 20 heures du fait de la nuit, la moindre visite du château me condamnait à dormir je ne savais où.

Vienne et château 

Me décidant qu’un peu plus d’aventure ne faisait pas de mal je suis alors descendu pour visiter le palais ! Le cadre est somptueux même si bondé de touristes. Il en grouille de partout et les bus touristiques sont alignés les uns après les autres. J’ai essayé d’entrer dans les jardins et par chance ceux-ci étaient gratuits après 15 heures ! Me voila donc avec mon gros sac à dos en plein milieu de cet endroit de comptes fées, à côté des touristes asiatiques et des couples prenant des photos de mariages.

Les jardins étaient tous aussi beaux, travaillés comme à Versailles, avec de grandes allées de buis, de fleurs et d’autres plantes en tout genre. Au fond des jardins se trouve un beau bassin, un zoo et de nombreux cafés avec une vue imprenable. Les allées étaient toutes immenses et je pense avoir fait plusieurs kilomètres rien que dans les jardins. C’est seulement à 17 heures que j’ai pu commencer le stop à la station service que j’avais repérée avant de partir. Elle n’était pas sur l’autoroute mais l’ensemble des gens de Vienne voulant rejoindre l’Allemagne et prendre de l’essence étaient obligés de passer par là.

Ce fut un peu la douche froide, même si le temps d’attente ne fut pas exorbitant. Les autrichiens faisaient mine de m’ignorer, de ne pas m’écouter, fermaient leurs portières, leurs vitres, me repoussaient en faisant des signes et d’autres étaient encore plus énervés en faisant des signes un peu déplacés. Confirmant ce que je savais un petit peu, les autrichiens trop rigides et froids ne prennent pas facilement en stop. Mon salut était donc de trouver une voiture étrangère pour quitter ce pays où il est si dur de faire du stop. Un couple d’allemands me sauva la mise. Ils m’emmenaient à 3 heures d’ici à une centaine de kilomètres de Munich, c’était le meilleur que je pouvais espérer en ayant visité le château.

Malheureusement la mayonnaise n’a pas trop pris. J’ai posé beaucoup de questions, surenchérit à chaque fois mais après avoir abordé tous les sujets conventionnels, l’hôte ne m’ayant posé que peu de questions j’en ai conclu que mon conducteur ne voulait pas énormément discuter. Même avec sa compagne les paroles étaient assez rares. Plusieurs détails m’ont cependant marqué. Lorsque nous avons passés la frontière entre l’Autriche et l’Allemagne je lui ai demandé si on allait attendre longtemps, je ne voulais reattendre 30 minutes comme hier. Il m’a stipulé que non car l’Autriche et l’Allemagne sont quasiment les mêmes pays pour lui, c’est pour cela qu’il n’y aura pas de contrôle. Parole qui s’est avéré juste ensuite !

Palais de Schönbrunn et tente 

Une fois sur les autoroutes allemandes il m’a expliqué que c’était le seul endroit au monde où de telles routes n’étaient pas limitées. Il a alors actionné le mode sport de sa BMW et il a foncé rattrapant le temps que j’avais perdu à la pompe à essence. Bien sûr même à 180 il doublait autant de voitures que lui-même se faisait doubler. J’ai par la suite réussi à me faire déposer à une station service à 200 mètres de l’autoroute, parfait pour reprendre la route. Je me suis alors mis en quête de trouver un champ ou une lisière de forêt pour planter ma toile, il faisait déjà nuit noire.

Par le plus grand heureux des hasards je suis passé devant un gros panneau « camping ». Je suis allé voir et j’étais tout content de retomber sur mes pattes car n’ayant rien prévu du tout j’avais réussi à trouver quelques choses. J’ai cependant vite déchanté lorsque le gérant m’annonça un tarif de 20€ pour une tente et une nuit. Je lui ai demandé s’il était sûr, si j’avais bien compris, me rétorquant que son camping était idéalement placé. Ça c’est sûr il était à 200 mètres de l’autoroute, joyeux fond sonore.

Dans une nuit complète à 21 heures 30 je me suis alors mis en quête d’un endroit pour planter ma toile. Ah oui j’oubliais, il pleuvait des cordes. Le moral était là car j’avais bon espoir d’être au foyer dans 24 heures. J’ai trouvé une clairière 1 kilomètre plus loin. Un nouveau défi s’est lancé, installer mon campement dans cette obscurité complète et dans la boue… Une grande expertise de mon matériel m’a permis d’y arriver, j’étais aux anges ! Je savais où se trouvait les fichettes dans mon sac, où était les trous enfoncer les cerceaux, où était mon sac de couchage et autres détails, rien qu’au toucher car il faisait nuit noire et la maigre lumière de mon téléphone ne m'a permis que de trouver un endroit à peu près plat pour m’installer.

Il faisait froid, il pleuvait, j’étais dans la boue mais cela ne me faisait plus rien, le moral tenait et la perspective de rentrer dominait mes pensées. J’ai mangé la nourriture du moine, du bon pain avec une boîte de thon, j’ai réglé mon réveil bien avant 7 heures pour commencer le stop le plus tôt possible, et pour retrouver la France après 42 jours !

20
sept


« La France, le plus beau royaume après celui du ciel » -- Grotius, diplomate hollandais


6h40 à l’abord d’une lisière de forêt quelque part en Bavière…

C’est le grand jour ! Je dois rentrer en France en stop. J’ai plus de 7 heures de trajet prévu pour seulement 12 heures de stop potentiel, entre le début de mon stop et la tombée du soleil. Au cours de cette journée je vais faire l’expérience du stop sur les entrées d’autoroutes, sur tous types d’aires et dans des endroits que je n’avais encore jamais testés auparavant. Je fus très content de compléter mon expérience du stop « à la campagne » par ce stop sur autoroutes, que dis-je, sur les autobahn…

J’ai déjeuné quelques bretzels à la station service où l’on m’avait déposé la veille pour commencer le stop. Malheureusement la station service se trouvait de l’autre côté de la route, à ce titre la grande majorité des gens allaient dans l’autre sens. Voyant que je ne trouvais aucune voiture j’ai dû faire du stop sur l’entrée de l’autoroute. Je m’étais plus où moins interdit de faire du stop sur ce genre de partie dangereuse de la route. A ce titre j’ai essayé tout au long de la journée de trouver des positions et endroits rassurants pour tendre le pouce.

Des zébras feront mon bonheur car 5 minutes d’attente à cet endroit auront été plus fructueux que 25 minutes à la station essence. Une deuxième voiture me permis ensuite d’arriver à moins de 30 kilomètres de la capitale bavaroise. J’ai ensuite trouvé un agent ayant un travail assez particulier. Son travail était de prendre en photo les panneaux de chantiers afin de vérifier qu’ils étaient droits et en bon état, emploi typiquement d’outre-Rhin…

Munich ! 

Il faisait une tournée dans Munich et ensuite repartait vers le Sud. Il était très chaleureux et était très content d’avoir de la compagnie. A ce titre il se proposa de me déposer à un endroit de rêve pour reprendre le stop, une fois sa tournée dans la ville effectuée. J’ai sauté sur l’occasion car je savais bien que prendre des métros et des bus pour sortir de la ville prendrait bien plus que 30 minutes. J’ai même pu visiter un peu Munich !

A un moment j’ai aperçu un bâtiment absolument magnifique d’un style néoclassique un peu à la grecque, avec des colonnes et des statues un peu partout. Voulant meubler un blanc de la discussion je me suis exclamé : « Ouah c’est trop beau ça ». Il s’est retourné, a pris un air choqué et honteux puis m’a dit : « mais c’est Hitler qui a construit ça ! ». Je ne savais plus où me mettre, quelle boulette. J’étais tout penaud et ne savait plus où me mettre. Quelques secondes après il a explosé de rire et m’a dit qu’il ne savait absolument pas de quel bâtiment il s’agissait : « nous autres les allemands c’est une plaisanterie qu’on aiment bien faire quand des étrangers font ce genre de réflexion ! », quel farceur !

Il m’a déposé en sortie d’un rond point et l’aventure pu reprendre. J’avais beaucoup perdu de temps pour atteindre Munich et à tourner dans les rues pour prendre des photos de panneaux, mais maintenant j’étais sur la route de Stuttgart ! Un pilote de chasse de la Luftwaffe et un plombier me permirent de faire 200 kilomètres en un rien de temps. A 13h30 j’étais à 3 heures de chez moi et j’avais bon espoir d’arriver à la tombée de la nuit.

Le 6ème conducteur du jour allait en décider autrement. Prétextant me rapprocher de la ville et me déposer à un bon endroit pour la suite je suis monté à bord. Il était très sympa mais cela n’allait pas me sauver. Il m’a déposé à une station service dans une pleine banlieue de Stuttgart, mais tout de même à 10 kilomètres du centre-ville, un peu inquiet il me sortit : « à cette station, tout le monde va à Stuttgart », puis il disparu. Première interpellation, deuxième, troisième, personne ne se rendait à Stuttgart. Les gens étaient très serviables, mais ils allaient dans la direction opposée… J’ai attendu longtemps, très longtemps, mais rien. Voyant mes chances de réussite s’effilocher j’ai décidé de rejoindre à pied l’aire la plus proche en continuant la technique de la marche-stop. Une personne et une heure de marche me permirent d’arriver à un endroit convenable et de tomber sur Gunter.

Sur les routes allemandes 

J’étais tranquillement à la sortie du croisement donnant sur l’autoroute quand un camping-car s’est mis à me faire des appels de phares. Espérant que c’était bien pour moi, j’ai mis mon sac sur mes épaules, il s’est arrêté en warning en plein milieu de la route, je suis monté par la porte du camping-car et je pouvais repartir, quittant enfin Stuttgart sur les coups de 15 heures passés. L’allemand avait remarqué mon drapeau français, son gendre étant français il avait opéré un demi-tour pour pouvoir me prendre. C’était un très grand voyageur et ce fut un plaisir de discuter avec lui. Amérique du sud, Afrique, Asie, Russie, Europe du nord, ce globe-trotter de 70 ans me raconta ses voyages et comment il s’occupait en retraite.

Mathématiquement je n’avais plus le temps de rejoindre Nancy, j’avais perdu trop de temps. En revanche Gunter se rendait à Fribourg, à moins de 50 kilomètres de Colmar où résidait ma tante. Sautant sur l’occasion j’ai effectué plus de 2 heures de trajet avec mon compatriote avant de reprendre le stop, direction le Rhin. Le dernier conducteur à l’étranger me déposa à 50 mètres du Rhin. J’ai ainsi eu l’immense plaisir de franchir la frontière à pied, tenant fièrement mon drapeau, si heureux de retrouver notre beau pays. Il y avait une légère brise, juste de quoi pour agiter mon drapeau. J’étais quasiment arrivé à bon port et le franchissement du Rhin marquait une étape supplémentaire sur le chemin du retour.

La France !!! 

Deux alsaciens à l’accent exagéré m’ont permis de rejoindre Colmar et de faire la surprise à ma tante. Elle suivait mes aventures et s’était arrêtée au fait que je revenais en stop. Elle ne s’attendait pas à me trouver ici surtout que Colmar n’était pas vraiment sur le chemin. Elle m’a réservé un accueil digne de mes meilleurs hôtes roumains. J’ai passé une excellente soirée, surtout que le mari de ma tante est russe et que ce dernier est un expert de ces pays de l’Europe centrale/est. Ce fut génial de me réacclimater à la vie en France de cette manière tout en profitant d’une douche chaude et d’un lit au sec !

Hospitalité à la française 

PS : N'oubliez l'article de demain sur le bilan de cette aventure

21
sept


100 meilleurs photos des Carpates 


« Nous sommes en marche, nous ne nous arrêterons que lorsque le drapeau français flottera sur la cathédrale de Strasbourg » -- Maréchal Leclerc


Le retour jusqu’à Liverdun s’est bien passé. Je me suis tout de même permis un petit détour par la cathédrale de Strasbourg, afin d’y faire flotter une dernière fois les couleurs pour ensuite ranger mon drapeau pour de bon. Je venais à mon tour d’accomplir, modestement, le serment de Koufra. Je suis arrivé au domicile en milieu d’après-midi et je crois que maintenant il est l’heure de dresser le bilan de cette magnifique aventure !

Cathédrale de Strasbourg 

Déjà en tant que matheux je me dois de donner quelques chiffres sur ce périple, eh oui ! Ce voyage majoritairement sur 4 pays, que sont la Slovaquie, la Pologne, l’Ukraine et la Roumanie, s’est aussi déroulé sur 4 autres pays, l’Allemagne (2 jours), la Tchéquie (2 jours), la Hongrie (1 journée) et l’Autriche (1 journée). En effet ce voyage c’est 4 capitales européennes, Prague, Bratislava, Budapest et Vienne.

Ce voyage fut extrêmement varié sur les sites que j’ai eu la chance de découvrir et de visiter, des villages typiques et hors du temps, 10 châteaux, 3 mines de sels, 2 lacs d’eau salée, 3 cascades, 3 musées traditionnels, 3 reconstituions de villages du passé, 4 synagogues, 1 musée de l’histoire romaine, de nombreux cimetières traditionnels, 3 grottes dont une de glace, mais aussi 5 monastères et près de 100 églises, allant des plus somptueuses cathédrales aux petites églises en bois dans les montagnes.

Pour les nuitées, c’est un excellent total de 14 hôtes différents qui m’ont accueillis, m’offrant hospitalité, repas et conversation passionnante, mais aussi 14 nuits en auberge de jeunesse, 1 nuit dans un monastère, 1 nuit dans une bibliothèque, 5 nuits sous la toile et le reste dans des chambres d’hôtes ou petit hôtel.

Pour les transports les chiffres sont plus disparates, seulement quelques trains (principalement à l’aller), une petite dizaine de bus et surtout 105 voitures qui m’ont prises en stop. Je n’osais même pas dépasser cette barre dans mes rêves les plus fou. Cette immense expérience du stop fut une merveilleuse école à tout point de vue. Cette passion pour le pouce tendu fut dévorante, le frisson pour chaque voiture, le hasard de savoir sur qui on va tomber cette fois ci et surtout jusqu’où nous emmènera notre conducteur.

Grâce au stop j’ai rencontré dans leur voiture, des traders, des pilotes de chasse, des chauffeurs routiers, des instituteurs, des maçons, des bouchers, des multimillionnaires, des professeurs, des chômeurs, des bucherons, des moines, des brasseurs de bière, des cadres supérieurs, des fermiers, des grands voyageurs, des dresseurs de chevaux, des chefs d’entreprises, des médaillés olympiques, des carreleurs et bien d’autres encore…

Cette chance inconditionnelle de pouvoir être transporté par le plus riche des hommes ou par le plus modeste m’a permis de rencontrer, d’échanger, de discuter, de comprendre les priorités, les intérêts et les préoccupations des gens sur l’ensemble de la strate sociale de tous ces pays et dans tous les endroits, à la ville comme à la campagne. En effet ce qui concerne le businessman ne concerne pas l’ouvrier du bâtiment et leur quotidien est différent à bien des égards. S’immiscer un instant dans le quotidien de toutes ces personnes fut une expérience en or.

Toutes ces nuits chez l’habitant furent extrêmement complémentaires dans le sens où j’ai pu avoir des discussions plus profondes avec mes hôtes, ils ont pu facilement m’expliquer certains sujets, les concernant directement pour la plupart. C’est ainsi que j’en ai énormément appris sur la culture, plus que dans les musées ou les expositions. Un fait qui m’a énormément marqué est que les gens sont beaucoup plus enclins à discuter de leur histoire locale, de leur tradition et de leur passé que de l’histoire de l’église ou du château du coin comme en Écosse. En s’intéressant à leur histoire et à ce qui les touchent de près on s’intéresse directement à eux et c’est très important. A ce titre beaucoup de personnes se sentaient honorées qu’un étranger vienne s’intéresser à leur culture méconnue et à leur histoire personnelle. Quoi de mieux pour comprendre le vestige du communisme que de directement connaître la vie des gens à cette époque ?

Cette priorité aux rencontres, de discuter à tout prix et de tout faire pour comprendre les gens m’a permis de faire ces dizaines de rencontres magiques, qui m’ont beaucoup marquées personnellement. Chaque grande rencontre est marquée par une petite morale, une phrase qui permet de comprendre les intentions et les motivations de la personne qui nous ouvre les portes de ces instants mémorables.

C’est à ce titre que j’ai vécu des aventures inoubliables… Souvenez vous Iwona faisant tout son possible pour me trouver un toit, Roma qui m’a fait visiter Oujgorod pendant toute une journée, Bogdan qui m’a invité chez lui, offert le repas, le dîner plus un tour de la région, ou même Oana me faisant faire un détour pour que je puisse découvrir sa ville et dormir chez elle…

J’ai beaucoup évolué quant aux aprioris que j’avais sur ces peuples. Avant de partir c’était un peu un fouillis à l’Est dans ma tête. Désormais j’ai compris la profonde différence entre un slovaque et un polonais, entre un ukrainien et un roumain. J’espère également avoir fait changer le regard de certains d’entre vous sur ces populations, trop souvent victimes d’amalgame à tort. Si désormais lorsque vous entendez le mot roumain vous pensez à l’accueil triomphal que j’ai reçu et non aux clichés que l’on a en France, ça sera pour moi une magnifique victoire.

Ce fut mon deuxième voyage Zellidja, 3 ans après l’Écosse. Il y a deux ans c’était les concours d’écoles d’ingénieurs et l’année dernière le COVID, expliquant ce grand espacement. J’ai beaucoup évolué et j’ai pleinement compris l’importance d’un deuxième voyage. J’ai pu apprendre des mes erreurs et de mes points forts en Écosse, afin de rectifier quelques détails qui ont eu une importance colossale pour la suite. A ce titre j’ai eu un sac moins lourd de quelques kilogrammes (tout en emportant une tablette et des bergamotes) m’octroyant plus de mobilité. J’ai pu faire des dizaines de kilomètres en me baladant dans les villes tout en portant mon sac, sans que cela soit dérangeant. En Écosse j’avais beaucoup de nuits à deux endroits, afin de profiter d’une journée de visite, découverte sans mon sac et une autre plus de transition. Lors de ce voyage il n’y eu que des jours de découvertes et d’émerveillements, à l’exception de quelque journées pluvieuses…

La manière dont j’ai voyagé pendant ces 6 semaines, stop, nuit chez l’habitant, favorisant les rencontres à tout prix, a profondément marqué la manière dont je compte voyager dans le futur. J’ai passé 3 merveilleux jours en Pologne, à manger la soupe chez les uns, à voir les chevaux des autres ou à dormir dans un monastère alors que cette région était une des moins touristiques. Je le prendrai en compte dans l’élaboration d’un autre grand projet, alterner entre zones touristiques incontournables et hors des sentiers battus pour découvrir pleinement ses habitants. Peut être que passer 15 jours dans un pays moins attrayant sur les guides, mais dont la population est réputée pour être chaleureuse et francophile vaut sans doute le détour.

Il y a 3 ans j’avais écrit : « J’ai toujours eu la volonté d’aller au bout des choses pour en profiter un maximum ». J’ai gardé ce précepte tout au long du voyage, vivant les choses pleinement, toujours acceptant les propositions de mes hôtes dans le but de rendre chaque jour inoubliable, « pour que chaque jour compte » comme disait Jack… Ne pas avoir de regret, se dire que si il y a doute c’est qu’il n’y en a pas, cela m’a guidé tout au long de la route et m’a beaucoup aidé à vivre à fond ces 40 jours.

Ce voyage me donne également beaucoup plus de confiance en moi quand je vois ce que j’ai réussi à accomplir et surtout comment j’ai réussi à me sortir de mauvaises passes, pas toujours simples. La magnifique réussite de ce projet me donne envie de continuer à voyager à découvrir le monde. Il me donne envie de concrétiser mon rêve, réaliser un tour du monde. En effet si un certain virus n’avait pas paralysé le monde et fermé les frontières, je serais sans doute en train de le faire en ce moment même. Cette idée avait germé en début d’école d’ingénieur il y a deux ans, J’ai déjà beaucoup travaillé dessus (le parcours, les choses à voir et les dates sont déjà établies) et je pensais le réaliser lors de mon année de césure, après ma deuxième année. Les conditions n’étant pas possible j’ai décidé au mois d’août 2020 de continuer mes études, qui plus est à Londres, avant de repartir pour de nouveaux horizons…

Bien rentré 

Avant de vous laisser j’ai encore deux choses à vous dire. Je tiens à remercier chacun d’entre vous pour vos retours, vos commentaires et vos encouragements me motivant grandement à écrire pour continuer de vous faire voyager. Entre 30 et 40 personnes se connectaient chaque jour pour suivre mon périple et lire mon récit. Cela m’a fait chaud au cœur tout au long du parcours, alors un grand, très grand merci à vous. Lire vos commentaires ou vos messages quand on est à 2000 kilomètres de son foyer, ça fait beaucoup de bien.

La dernière chose est que pour prolonger un petit peu le plaisir de certains, je vais publier mes recherches et mon rapport d’étude. En effet la fondation Zellidja qui me fait voyager demande un rapport d’étude. Mon thème était : Les Carpates, frontières ou traits d’union de l’Europe Centrale. J’ai eu énormément d’information, de témoignages et de recueils de document me permettant de faire j’en suis sûr, un très beau rapport. J’ai déjà ma petite idée des principaux axes que je vais explorer. La publication ne commencera pas en revanche tout de suite (j’ai bon espoir pour mi-Octobre) mais sera pour le coût très intéressante.

17
oct

Ah quel voyage de folie ! 40 jours à découvrir des petits villages, à admirer des paysages, à dormir chez des inconnus ou encore à faire le pouce au bord des routes, mon quotidien s’est subitement transformé. Tube, rencontre avec les étudiants Erasmus, évènements d’intégration, séance de sport, tournoi d’échec par ici, cours de mécanique par là, bref une autre vie, dont le changement fut un peu brutal. Il est désormais le temps de mener l’étude ethnologique des Carpates…

D’ailleurs je me permets juste de vous raconter brièvement ma journée de la veille. Avec des amis de la résidence nous partis visiter le British Museum. C’est avec une grande joie que j’ai admiré les statues grecques, les sarcophages ou autres merveilles. Un détail a cependant captivé mon attention. Un jeu d’échec du XIIIème siècle, trouvé accidentellement par un pécheur écossais au début du siècle précédent, le jeu de Lewis et Harris ! Vous ne vous en souvenez sans doute pas mais lors de mon voyage en Ecosse il y a trois ans ce jeu m’avait particulièrement marqué du fait de son histoire et de sa beauté, les pièces étant faites en dent de morses. Quel heureux hasard de le retrouver alors ici dans ce musée, faisant une belle boucle en mes voyages Zellidja et cette année à Londres.

London 

Tout d’abord laissez moi vous présenter comment je vais structurer mon développement et ma pensée. Je compte faire une brève description des Carpates, de sa géographie, de son histoire et de ses limites afin de bien cerner le sujet. Dans un second temps je développerais mon plan et mes idées. Je tenterais le plus possible de me baser sur les témoignages que j’ai recueilli au cours de ces 40 jours, tout en sublimant ces données puisées par mes lectures personnelles et par le web.

Les différences sont omniprésentes dans les Carpates et ce à tout point de vue, religieuse, ethnique, étatique ou encore culturelle. En revanche les évènements historiques ainsi que « l’esprit des montagnes » communs à tout ces peuples ont forgé une identité présente sur l’ensemble de la chaîne de montagne. Cet esprit des montagnes étant tellement puissant que les habitants des Carpates en arrivent à préférer des gens d’une nationalité différente mais vivant dans « leurs » montagnes, plutôt que des habitants des grosses villes, plus loin dans les plaines. A ce titre je défendrais la thèse comme quoi les Carpates se caractérisent à un territoire à part dont l’unité dépasse largement le melting-pot de la population. C’est pourquoi la frontière entre deux Europe, Centrale et de l’Est ne se trouve pas sur la ligne de crête mais au pied.


La première partie du développement s’attachera à expliquer ce qu’est ce melting-pot des Carpates. Ces mélanges et brassages de peuples sont tellement fort et nombreux qu’un habitant des Carpates se sent chez lui où qu’il soit dans l’ensemble de la chaine de montagne. Ces différences principalement ethnique, religieuses et linguistiques sont tellement fortes que les habitants des Carpates sont forcés de cohabiter ensemble. Il y existe tellement de petites communautés qu’il est difficile de « mépriser » une communauté en particulier, ce qui condamnerait l’ensemble des habitants, ne pouvant faire comme si une autre communauté n’existait pas. Au cours de cette partie nous allons voir comment s’articulent ces différences sur l’ensemble de la chaine de montagnes. Voulant défendre l’unité des Carpates, je m’efforcerais le plus possible de les considérer comme un tout et donc de développer les différentes parties d’un point de vue global, en effectuant quelques fois des études de cas sur un pays en particulier si cela en vaut la peine.

La seconde partie s’intéressera à l’unité de la région, et plus particulièrement sur les facteurs de cette unité. J’en ai trouvé trois qui à mes yeux justifiaient cette cohésion et unité des peuples au sein de ces montagnes. Le premier facteur est historique. Les habitants des Carpates ont vécu les mêmes événements et ont souvent subies la domination d’une puissance étrangère. La Hongrie ou l’Union soviétique auront fait beaucoup de mal aux habitants des montagnes, créant un esprit de groupe dans la région. Deuxièmement, malgré les différents cultes la région est chrétienne. Qui plus est ses habitants sont profondément religieux (Pourcentage d’individu allant à la messe de manière hebdomadaire record) ce qui les rapproche. Enfin dans les Carpates on est les montagnes et cela se ressent. Une sorte d’esprit montagnard se dégage et vient encore peser dans les relations entre les différents peuples de la région. On retrouve ici un effet similaire dans les montagnes françaises comme dans les Alpes ou les Vosges par exemple.

La dernière partie répondra directement à la question originelle du voyage : « Les Carpates : frontières ou traits d’union de l’Europe centrale ? ». J’essayerai d’expliquer un concept intéressant très peu intuitif. Les Carpates constituent en effet une frontière et non plusieurs. En revanche cette frontière se trouve au pied des montagnes car l’ensemble de la chaine des Carpates est très uni, d’après les parties précédentes. Quelle est donc cette frontière ? Où se situe t’elle ? C’est ce à quoi je tâcherai de répondre dans la dernière partie du développement.

C’est ce que je tenterais de vous convaincre au cours des prochains articles. La parution ne sera pas quotidienne, mais sans doute d’un ou deux articles par semaine. Bonne lecture et n’hésitez pas si vous avez des questions sur le sujet, je me ferrais un plaisir d’y répondre !

18
oct

Laissez-moi à présent vous raconter l’histoire et la géographie des Carpates !

Mon professeur de lycée affirmait la chose suivante : « L’histoire c’est la géographie du passé et la géographie c’est l’histoire du présent ». Citation d’autant plus vraie lorsque l’on sait comment est enseigné l’histoire-géographie de nos jours. L'histoire se base beaucoup sur les cartes tandis que la géographie s'attaque à des sujets plus modernes. En suivant ce raisonnement bien que tordu, on peut remonter encore plus loin dans la « géographie du passé » pour nous pencher sur l’aspect géologique, les Carpates ayant existé bien avant que le premier homme ne pose le pied soit de ce monde.

Vous avez-dit géologie ?

Pour le géologue, les Carpates ne sont que la partie orientale des Alpes. Le Danube, deuxième plus grand fleuve d’Europe après la Volga, passant par là vient couper les montagnes pour créer deux chaines distinctes. D’ailleurs on ne compte que quelques dizaines de kilomètres entre les premiers contre forts des Alpes et des Carpates. La distance la plus courte étant aux environs de Vienne et de Bratislava.

Pour ne donner que quelques chiffres, les Carpates s’étendent sur 1500 kilomètres dont 95% sont situés sur les pays que j’ai traversés. Quelques montagnes existent encore en Serbie ou en Tchéquie mais elles sont minimes et tout le monde ne s'accorde pas à leur sujets On notera que son point culminant est à 2654 mètres en Slovaquie, tandis que son quatrième point le plus haut se situe à plus de 1000 kilomètres en Roumanie à près de 2544 mètres. Comme quoi la chaine de montagne est très haute à plusieurs endroits de son existence.

On peut décomposer la chaine de montagnes des Carpates en plusieurs sous ensembles. Si dans les Alpes on trouve le Mercantour, le Tyrol ou encore les Ecrins, ici il faudra plutôt dire (en partant de Bratislava), les petites Carpates, les Tatras, les Hauts Tatras, les Carpates Polonaises, la Transcarpathie, la Transylvanie, les Carpates Roumaines pour terminer sur les Alpes de Transylvanie (oui oui vous ne rêvez pas).

La région comme toutes les régions montagneuses ne comporte pas de grandes agglomérations mais plutôt un bon réseau de ville de taille moyenne, aux alentours de 100 000 habitants. L’exception pourrait être la Roumanie du fait de sa géographie. Les plateaux de Transylvanies sont plus propices à la vie et on compte Cluj ainsi que Brasov aux alentours de 400 000 âmes.

Un peu d'histoire ...

Maintenant, place à la géographie du passé ! Je ne vais pas faire une étude historique des Carpates depuis des temps immémoriaux mais il important de noter ceci. La région fut convoitée par beaucoup du fait de ses richesses : mine de sel, d’or, forêts, plaines fertiles… Cela a grandement incité des déplacements de populations des individus spécialisés dans ces domaines. Ainsi à la fin de l’empire romain on trouve déjà dans les Carpates beaucoup de communautés que l’on trouve toujours aujourd’hui ; Les Huns puis les Hongrois en tant que peuple de grand cavaliers et pratiquant l’élevage, les roms en tant que bucheron, les roumains en tant que mineurs et les germains travaillant dans les champs. Différents empires se sont ensuite succédé dans la région : slaves, huns, hongrois et Ottoman.

En revanche depuis la fin du XVIème siècle le royaume de Hongrie (puis l’Autriche) occupe la partie interne de la chaine de montagne : Transylvanie, Transcarpathie et l’actuelle Slovaquie suite aux victoires contre la sublime porte. À la suite du traité de Vienne de 1815 l’Autriche récupère la Galicie du duché de Varsovie et règne ainsi en maître sur toute les Carpates. Entre les deux guerres la région va connaître de nombreux bouleversement mais on peut tout de même noter qu’après 1945, des régimes communistes sont au pouvoir dans l’ensemble de la région. Après quoi l’union européenne deviendra un nouvel acteur majeur de la région même si l’Ukraine n’en fait pas partie.

Carte du traité de Trianon avec à gauche les ethnies et à droite les déplacements de populations 

Si on se focalise désormais sur la période s’étendant de 1919 à 1945 on se rend compte du bouleversement terribles et dramatiques qu’on subit les peuples de la région. Je trouve qu'il absolument essentiel de s'intéresser à ces 25 ans d’histoire, car la région y a connu plus d'évolution que sur les 300 dernières années. En 1919 le traité de Trianon (principalement voulu par les Français et les Américains) démembre le royaume de Hongrie au profit de ses voisins, selon le principe des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. Fondamentalement cela revient à ce que les habitants de culture roumaine soient rattachés à la Roumanie, les slovaques dans la nation tchécoslovaque etc… En revanche vous n’êtes pas sans savoir que les peuples ne se répartissent pas dans l’espace de manière uniforme ou isotrope obéissant à des lois physiques. Ainsi pour ne pas avoir des frontières de type fractale il y a fallu trouver un entre deux, le choix sera de favoriser les pays nouvellement créés au détriment de la Hongrie, qui a vu sa taille diviser par 4...

Les états se succèdent mais les peuples restent dans la grande majorité. Au bien sûr il y a eu quelques déplacements de population mais de faibles amplitudes, aux alentours de 5 à 10% selon les régions. 350 000 Hongrois sont en effet revenus en Hongrie. Il est très intéressant de constater que ce taux est très proche des 5% d’Optans, habitants d’Alsace Moselle ayant refuser de prendre la nationalité allemande et qui sont venus s’installer en France. Ce taux plus important ici s’explique sans doute du fait des différences bien plus importantes entre les slaves, les roumains et les hongrois qu’entre les alsaciens et les allemands.

Partition de la Tchécoslovaquie 

À la suite de l’accession au pouvoir des Nazis, et ceux même avant le début de la seconde guerre mondiale la carte de l’Europe et en particulier de l’Europe centrale est déjà un peu remodelée. Tout d’abord par le démembrement de la Tchécoslovaquie. La Tchéquie est annexée par le Reich tandis que la Slovaquie devient un état fantoche du Reich. A noter que c’est Hitler qui sera à l’initiative du tout premier état uniquement Slovaque de l’histoire. D’autre part la Hongrie rêve de revanche et s’allie aux Reich pour espérer retrouver sa splendeur d’antan. Elle s’allie à l’Allemagne Nazi et reçoit une grosse part du gâteau ; le sud de la Slovaquie peuplé de Magyarophone et la Transcarpathie, peuplée d’Ukrainiens. Plus tard la Roumanie subira également ajustements territoriaux et la Hongrie retrouvera le nord de la Roumanie.

La fin de la seconde guerre mondiale retracera les frontières comme nous les connaissons aujourd’hui, à noter que le changement majeur est la Transcarpathie qui fut annexé par la SSR d’Ukraine. Celle-ci deviendra indépendante en 1991, l’année suivante la révolution de velours viendra mettre un terme à la Tchécoslovaquie pour obtenir la carte des Carpates que nous connaissons aujourd’hui !

Pays des Carpates 

Histoire du présent

Cette carte avec la superposition des pays permet de bien se rendre compte que la Roumanie et la Slovaquie sont les deux pays où les Carpates sont les plus présents. L’exemple de la Serbie est bien plus litigieux car le pays est également parcouru par la chaine de montagne balkanique. Il en va de même pour la Tchéquie.

D’un point de vue des instances, on retrouve dans l’eurorégion des Carpates, en partenariat avec la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie mais également la Hongrie et l’Ukraine. Regroupant 16 millions d’habitants le conseil se réunit deux fois par an pour décider de programme ou d’action communes à entreprendre dans les montagnes. Chaque pays a un rôle bien précis au sein de cette assemblé. Si la Pologne s’occupe d’y développer le tourisme, l’Ukraine construit les infrastructures (je ne vous cache pas que cela me semble assez paradoxale). Une chambre de commerce des Carpates existe également pour faciliter le commerce entre les pays de la région sous l’initiative de la Roumanie.

J'espère que cette introduction vous aura permis d'en savoir un peu plus sur les Carpates, désormais place à la réflexion !

20
oct

Désormais place au développement ! Commençons par aborder le thème de la cohabitation dans ces montagnes. Car il est tout à fait légitime de se demander comment font pour vivre ensemble des individus dont les mœurs sont si différents des uns les autres. Les Carpates sont un véritables melting-pot où se mélangent différentes, langues, différentes cultures mais surtout différentes religions. Si la religion Chrétienne est largement dominante je souhaite commencer cette partie par une explication de la situation des Juifs en Europe Centrale et en Europe de l'Est.

Les cours d’histoires français expliquent bien la situation des juifs pendant la seconde guerre mondiale mais se focalisent essentiellement sur la France et la Shoa. La France, il est vrai, est tout de même le pays ayant le plus faible taux de juifs assassinés (25%) pendant la guerre, un record. De plus des phénomènes comme l'exode des populations survivants en Israël n'est absolument pas abordé, les cours s’arrêtant à la création de l'état d'Israël.

Un double drame méconnu...

Des pays comme la Pologne, l’Allemagne ou encore la Hongrie ont des taux supérieurs à 75%, absolument dramatique quand on sait le nombre très important de juifs vivant à cette époque dans ces pays. Un second phénomène beaucoup moins étudié est l’immense vague migratoire qui a suivi la fin de la guerre, le retour en Israël. Ainsi les juifs qui ne sont pas morts dans les camps sont repartis sur la terre de leur ancêtre faisant que des pays comme la Pologne ou la Roumanie ont vu leur population de juifs diviser par plusieurs centaines en l'espace de 20 ans. Autrement dit la Pologne qui comptait 3 millions de juifs avant la guerre, n’en compte plus que 4 milles aujourd’hui... La Roumanie elle est passée de 1 million à 10 milles aujourd’hui. Ces chiffres qui font froid dans le dos permettent d’expliquer la chose suivante : tout un pan de la culture de ces pays s’est volatilisé et a disparu avec la disparition du peuple juif.

C’est ce que j’ai observé tout au long de mon voyage, les synagogues qui n’ont pas été détruites servent désormais de lieux culturelles du fait que les trop faibles communautés de fidèles n’arrivent plus à les remplir et à les financer. Cela est générale à l’ensemble de la chaine des Carpates où les Juifs sont ultra-minoritaires. Dans certaines on trouve des expositions de peintures, d’autre accueillent des concerts de musiques classiques mais une seule sur l’ensemble de mon voyage (synagogue de Cracovie) servait encore de lieu de culte.

Sans faire du prosélytisme ou du sionisme il me paraissait important d'expliquer ce qui c'était passé et surtout de détailler ce phénomène d'exode, qui permet de montrer que la population juive d'Europe a subi un autre grand chamboulement sur l'ensemble des années 40 et 50 des suite au retour en Israël.

Population Juive en Europe en 1933 et en 1950

Montagnes de croyants

On note trois religions principales dans les Carpates. La première est la religion catholique romaine s’étendant principalement en Slovaquie et en Pologne. La religion orthodoxe est quant à elle présente en Ukraine et en Roumanie. D’autre part la religion gréco-catholique, caractéristique de cette région, se trouve dans les villages les plus reculés de ces quatre pays, pour comptabiliser près de 15 millions de fidèles. On compte quelques cultes minoritaires comme les églises protestantes et autres dérivés. La religion musulmane n’est pas présente dans les Carpates. Je n’ai à ce titre vu aucun lieu de culte et lorsque l’on s’intéresse à cette religion en Europe Centrale, outre les taux extrêmement faibles, ces derniers vivent dans les grandes villes et non dans les montagnes. Ainsi si la Roumanie possède 0.5% de sa population de cette religion, ces derniers vivent à la frontière Bulgare, loin des Carpates.

Si l’on continue dans les généralités avant de s’intéresser à des religions ou des pays en particulier je peux affirmer d’après mes observations et analyses les choses suivantes. Premièrement je n’ai jamais vu de région dans le monde où la religion était aussi présente. La place de l’église est très importante, près d’un habitant sur deux va au moins à l’église une fois par semaine et il n’y aucun complexe d’afficher sa religion, comme en portant une croix ou en ayant un chapelet dans sa voiture. La figure de l'église et de ceux qui la font vivre est très respecté y compris par les non-croyants ou anti-cléricaux. Pour avoir échangé avec eux j'ai compris les choses suivantes : ils savent qu'ils sont minoritaires et des velléités trop importantes face à l'église pourrait remettre en cause l'ensemble de leur vie ; travail, vie sociale ou vie associative. On comprend à ce titre, la forte influence de l'église même vis à vis des non croyants. Pour rappel ces pays sont très loin du concept de laïcité à la française...

D’un point de vue numérique, on apprend que la Pologne (à l’exception du Vatican, bien entendue) est le pays ayant le plus fort taux de Catholique par habitant, de l’ordre de 80%. La Roumanie elle possède le plus fort taux d’Orthodoxes estimé à 92%. Ces statistiques prennent en compte les croyants, allant à l’église ou vivant leur culte de manière active. A titre de comparaison ce chiffre est de 27% en France, toute religion confondue. L’Ukraine et la Slovaquie ont également des taux de croyants très important. De plus si on s’intéresse plus particulièrement à la répartition spatiale de ces croyants, on constate que des taux encore plus présents sont dans les Carpates. Ainsi si quatre polonais sur dix se rendent à la messe tous les dimanches tandis que dans les Carpates il s’agit de 7 polonais sur dix.

Religion en Europe avec en jaune les Catholiques et en violet les Orthodoxes

Comment accueillir toujours plus de fidèles ?

On l’aura compris, les pays des Carpates sont très religieux. En revanche les édifices religieux manquent. Les églises sont petites et doivent trouver plusieurs solutions pour accueillir les fidèles. Parmi ces sources d’ingéniosités on note premièrement la multitude des services. Ainsi une église dans un village de quelques centaines d’habitants organise une messe le matin, une le soir et environ trois fois par jour le week-end. L’église de Cicmany en Slovaquie proposait une messe à 8 heures du matin et une autre à 18 heures. Je pense que l’église de part sa beauté devait drainer des fidèles des autres villages mais on retiendra que dans une région bien rurale de Slovaquie, on peut aller à la messe plusieurs fois par jour et ce, tous les jours !

Une deuxième solution, bien que plus étonnante est le partage des cultes. C’est le cas dans la communauté des Lemkos en Pologne. Peuple assez pauvre ils ne possèdent qu’une église alors que certains sont gréco-catholique et d’autres orthodoxes. Pas de soucis, ils partagent l’église. Certains jours l’église rend des offices orthodoxes et le lendemain gréco-catholique. Cela m’a beaucoup marqué et apparait comme un fort signe d’unité de la région. Malgré des religions différents les habitants s’unissent et s’entraident pour que chacun puisse pratiquer son culte librement. Ce point sera plus détaillé dans la seconde grande partie.

Une troisième idée est de faire vivre la messe en dehors de l’église en simultanée. Cela passe par des vidéoprojecteurs et des enceintes permettant aux gens de suivre la cérémonie depuis le parvis. J’ai pu l’observer en Roumanie dans la ville de Cluj-Napoca. Là on trouvait des fidèles à plus de 100 mètres après les portes de l’église, en train de suivre la cérémonie, en chantant et en s’agenouillant. Cela est également le cas en Pologne, comme je l'ai observé dans les villes moyennes. Genre de villes qui ont connu une explosion démographique sous l’ère communiste du fait de l’exode rurale mais dont l’église ou la cathédrale n’a pas changée.

Église à double culte des Lemkos, Cathédrale en construction et fidèles écoutant la messe sur la place de Cluj

Une quatrième solution, sans doute un peu plus drastique et qui ne relève plus tellement de la bonne volontés des prêtres, est la construction d’édifices religieux. A Cluj on construisait une nouvelle cathédrale gréco-catholique et dans les campagnes de Transylvanie, il n’est pas rare de voir une église en construction à l’horizon. Pour en arriver là, il est nécessaire d’avoir le soutient du gouvernement pour obtenir des financements.

Certains aspects complémentaires seront abordés dans la deuxième grande partie du développement. En effet il s'agira d'expliquer en quoi la chrétienté est un ciment de cette région et quoi elle en forge l'unité. J'analyserais alors mes rencontres avec les individus les plus engagés dans leur foi au cours de mon voyage. On l'aura comprit la religion joue un rôle extrêmement important dans les Carpates. Son influence puissante repose sur un grand nombre de fidèles très pratiquant. On note principalement la religion catholique, gréco-catholique et orthodoxe. Mais afin de réaliser des offices, une langue est souvent nécessaire. Comme nous allons le voir maintenant, religion et linguistique sont entremêlés.

22
oct

En tant que carrefour multiculturelle, les Carpates sont également un endroit multilinguistique. On y parle Polonais, Slovaque, Ukrainien, Russe, Roumain, Hongrois ou encore Allemand. En termes de proportion, les langues nationales sont largement dominantes même si on trouve certains villages et même des régions où l’on parle une langue complètement différentes de la langue de l’état. Commençons par présenter les différentes langues !

Que ce soit en Slovaquie, Pologne ou Ukraine, les langues slaves sont dominantes. En revanche je pense qu’il est nécessaire de les considérer comme un tout.En effet, savoir si un Polonais pouvait discuter avec un Ukrainien ou un Slovaque m’intriguait. Ce sujet fut une de mes grandes curiosités et lorsque j’étais dans ces pays, je demandais systématiquement à mes chauffeurs et aux personnes que je rencontrais si elles pouvaient échanger avec une autre personne de langue slaves. D’un point de vue linguistique, les différences entre les langues slaves sont minimes. A titre de comparaison les différences entre les langues latines sont bien plus importantes. Pour faire simple, le français et l’italien différent plus que le slovaque et le polonais.

Arbre des langues montrant la proximité des langues slaves  - Dessin de Minda sundberg

Comment créer une multitude de langue à partir d’une seule ?

Suite à mon enquête j'ai recueillis environ 50 témoignages. S'en est suivit des résultats assez intéressant. Un « slave » (j’entends par là une personne de culture ou de langue maternelle slave) d’il y a quelques années ou assez âgé, arrive à comprendre sans problème un autre slave. La plupart on apprit le russe du fait du régime communistes et de plus les différences entre les langues étaient moins marquées qu’elles ne le sont aujourd’hui. En effet, les états nouvellement crées, en quête d’indépendance nationale ou à la recherche d’une identité culturelle plus forte cherchent à se démarquer de ce passé « slave » commun.

C’est le cas en Slovaquie notamment. Ainsi si un Slovaque comprenait un Polonais ou un Ukrainien (tout du moins à l’oral) il y a 30 ans, cela semble un peu moins vrai aujourd’hui, tout du moins pour un habitant des villes. Par exemple, dans les villes les gens parlent un slovaque plus scolaire se différenciant un peu plus des autres langues slaves. Tandis que dans les Carpates, ces différences sont plus gommées. Surtout que leur accent est similaire contrairement à l’accent des grandes métropoles. C’est pour quoi les polonais et slovaques avec qui j’ai eu la chance d’échanger près de la frontière, peuvent se comprendre et discuter sans soucis.

Cela se comprend sans soucis quand on y réfléchit. Ces individus ont moins subit l’influence de leur nationalisme et se sentent bien plus proche de leur voisin de l’autre côté de la frontière que de leur compatriote venant d’une grosse ville européenne. A rajouter à cela les accents, les patois et de la bonne volonté et on comprend aisément le fait que le berger polonais arrivera à communiquer avec l’agriculteur slovaque, tandis que le banquier de Cracovie parlera anglais avec son homologue de Bratislava.

Pour continuer de justifier mon propos je m'appuierais sur le témoignage d'Eva, premier hôte de mon voyage à Dobřichovice. Elle a grandi à l'époque de la Tchécoslovaquie et parlait couramment Tchèque et Slovaque. Les deux langues sont proches. De plus à l'époque le matin l'école était dans une langue et l'après-midi dans l'autre, de quoi être bilingue assez rapidement. Mais maintenant la Slovaquie veut tout faire pour se démarquer de son voisin tchèque. « Les jeunes ne se comprennent plus maintenant » m’affirma Eva, constat assez dramatique. Certains jeunes préféreront échanger en anglais plutôt qu’en « Tchécoslovaque », c’est qui est assez navrant pour l’identité culturelle.

Langues cyrilliques

Penchons désormais sur la langue ukrainienne, russe et ses dérivés basés sur l’alphabet cyrillique. Bien que l’alphabet soit complètement différent, les sons et la langue orale restent assez proches. En ayant fait du grec ancien au lycée et avec un peu de volonté j’arrivais à déchiffrer l’ukrainien lors de mon voyage, histoire de prendre commande ou de lire les panneaux routiers. Beaucoup de mots n’étaient que la réécriture par un autre alphabet d'autres mots. On comprend donc bien que dans une logique de communiquer à l’orale ou de se faire comprendre sans rentrer dans les spécificités de la langue, il est tout à fait possible pour ukrainophone de comprendre un polonophone.

Une autre question qui m’était venu à l’esprit était sur la similarité entre le russe et l’ukrainien. Certains avancent qu’il s’agit de deux langues bien différentes et d’autres que l’ukrainien est une création suite à l’effondrement de l’URSS. La vérité est sans doute plus proche de la première option car bien que les deux langues soient officiellement différentes un ukrainien semble tout à fait à même de discuter avec un russe et de se comprendre mutuellement. C’est par exemple le cas de Narine, mon hôte à Mukachevo en Ukraine. Cette dernière est originaire d’une famille arménienne et ne parle à ce titre exclusivement que le russe. Pour elle ce n’est pas un problème de parler le russe au quotidien, au marché, au travail ou encore en famille alors qu’elle vit dans un pays où la langue nationale est l’ukrainien. Surtout que cette partie d’Ukraine est plus russophobe.

J’ai alors essayé de comprendre quelles étaient les différences profondes entre les deux langues et je n’ai reçu que des réponses très évasives de sa part, ou voulant simplement dire que les deux langues sont les mêmes ? « Dans ce mot là, on rajoute un a à la fin tandis qu’eux ne le font pas ». Pour un natif, il ne parait donc pas compliqué de comprendre l’autre langue, tant ces dernières sont proches. En conclusion les deux langues sont assez similaires, comme le slovaque et le tchèque d'il y a quelques années sans doute !

Il en va de même pour les Lemkos dont on peut voir l'écriture ci dessous, basé sur le cyrillique. Wojciech qui m'a fait découvrir cette communauté m'a lui même avoué qu'il n'était pas mesure de communiquer avec eux alors qu'il avait des rudiments de Russe. En tant que langue perdue au milieu des montagnes cette langue a sans doute subie plus de transformation pour évoluer de manière différente des autres langues de type "russes".

Les dérivées de langue russes (lemkos, ukrainien, russe et autres) sont très présents dans les Carpates. Premièrement de part les peuples qui les parlent et utilisent au quotidien. Mais deuxièmement par les vestiges du "softpower" russe dans la région, les anciennes élites devaient parler le russe et à ce titre encore beaucoup de personnes savent le parler et ce sur l'ensemble des Carpates.

Panneau en deux langues dans la région des Lemkos en Pologne 

Autres langues

La langue roumaine, d’origine latine fait un peu exception à la table. Pour le coup il est impossible pour un slave de comprendre un roumain. Si l’écriture est très proche du français ou de l’italien, l’orale est radicalement différent et a subit les influences des pays slaves aux alentours. Un roumain me dit un jour que le roumain est une langue latine prononcé par des slaves, cela résume bien la situation. Vendre s’écrit vinde, maison devient casa (comme en espagnol) ou encore maman est mama (comme en italien). Merci s’écrit merci, pardon s’écrit pardon et bien devient bine. Vous l'aurez comprit l'écrit est assez facile à comprendre pour un latin, en revanche l’orale est un monde différent. C’est bien simple mon niveau s’est arrêté à bonjour, aurevoir et merci, tandis qu’en Ukraine j’arrivais à demander mon chemin dans la rue. La prononciation est radicalement différente, pire on ne prononce pas ce qu’on lit. Le a se prononce u, le u devient ou encore le s qui se transforme en ch. Tant de règles compliqués qui découragent, surtout que les roumains ont tous des bases d'italien, d'anglais ou de français et que la discussion peut alors s'établir.

C'est la une grosse différence avec l’ukrainien, qui une fois l’alphabet maitrisé est relativement simple à prononcer. Il suffit de savoir les équivalents français de chaque lettre et l’on peut se débrouiller. Contrairement au Roumain où plusieurs lettres représentent des sons, concept assez différent du français avec ses consonnes et ses voyelles.

Dans les Carpates on note aussi d’autres langues ne puisant pas leur racines dans les catégories ci-dessous. On trouve en premier chef le Hongrois ne possédant aucune racine commune avec une langue européenne (si ce n’est un peu avec le finlandais). Fière descendant des Huns, écouter ou lire de l’Hongrois est une bonne expérience car on ne reconnait absolument rien. Aucun mot et aucun son ne sont perceptibles.

On compte également des allemands, principalement originaires de Saxe qui sont venus peupler le sud des Carpates. Ils se sont implantés entre Brasov et Sibiu suite à leur expulsion du royaume de saxe, après le milieu du XVIIIème siècle. Ils ont apporté leur savoir-faire dans la région tout en conservant leur culture. A ce titre ils ont apporté leur architecture, leurs costumes et leurs arts.

Écriture hongroise pré alphabet latin (photo prise en Roumanie)

Les Carpates sont donc une plaque multilinguistique extrêmement importante. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser avec notre regard occidental, les différences ne sont pas si grandes, tout du moins pour certains pays. En Slovaquie, Pologne et Ukraine les langues se ressemblent énormément, et les minorités de roumains, d’hongrois ou d’allemands ne sont pas suffisamment importantes pour avoir une réelle influence sur la langue parlée. En Roumanie, on rentre dans un monde latin sous influence slave. La langue roumaine a aussi moins d’influence que ces voisines; en parlant roumain on ne peut se faire comprendre que des roumains (contrairement au polonais qui peut permettre de se débrouiller en slovaque ou ukrainien) tandis que les minorités sont plus importantes. Ces dernières vivent regroupés et fondent ainsi des petites régions où l’on ne peut presque pas se faire comprendre en parlant roumain, bien que l’on soit en Roumanie. Paradoxe intéressant !

22
oct

Penchons-nous désormais sur la cohabitation ethnique qui existe au sein de ces montagnes. Comme bien souvent, culture, peuple, langue et religion sont entremêlés. A ce titre reprenons encore notre bon exemple de la communauté des Lemkos en Pologne. Ces derniers de culture russe étaient de religion orthodoxes contrairement aux polonais des montagnes de religion gréco-catholique, d’où les deux cultes rendues par la petite église. Ce qui est logique lorsque l’on sait que les Russes sont à majorité orthodoxe. Comme quoi culture, langues et religions sont bien plus proche que l’on ne le croit. C'est ce que nous allons découvrir aujourd'hui en nous intéressant aux cultures des Carpates.

En Pologne et d’en d’autres endroits, ces différents peuples semblent cohabiter de manière idyllique : respect des autres communautés et partage des édifices religieux tout en tirant le meilleur de chaque communauté. En revanche, certaines communautés, généralement minoritaire semble de ne pas être aussi bien intégrés et génèrent des tensions vives entre les habitants. Dans le développement suivant je vais d’abord présenter succinctement comment se répartissent toutes, ces communautés, avant de détailler la manière plus ou moins réussi dont elles cohabitent ensemble. Enfin on se penchera plus sur ces cultures minoritaires semblant mal intégrés dans les Carpates.

 Multiplicité ethnique et cohabitation

Outre les cultures dominantes qui sont propres à chaque pays, on note un gros entremêlement des cultures. A ce titre on note des villages slovaques, ukrainiens et d’autres communautés russophones en Pologne, on trouve des villes hongroises et roumaines en Ukraine ou encore des régions allemandes et hongroises en Roumanie. La Slovaquie est un peu appart. Le pays possède une forte communauté ukrainienne et hongroise mais ces dernières ne se trouvent pas dans les montagnes, je ne les traiterais donc pas ici, il n’y a que des slovaques dans les montagnes slovaques ! Il y existe également des communautés roms et tsiganes sur l’ensemble des Carpates, même si ces dernières sont plus importantes en Ukraine et surtout en Roumanie.

Une question légitime de se poser et dont nous tenteront de répondre est la suivante : mais comment font pour coexister toutes ces cultures et ethnies au sein d’un même pays ?

Fondamentalement grâce à un concept assez simple mais compliqué pour un occidental, habitué au concept d’état-nation. Ici dans les Carpates et en Europe de l’Est en générale, on peut librement appartenir à un groupe ethnique sans nécessairement avoir la citoyenneté de ce pays. Autrement dit on note deux concept différents, celui de culture (ou nationalité pour les pays de l’ancienne URSS) et celui de citoyenneté. Un exemple sera plus simple. Vous pouvez par vos origines, être de culture hongroise tout en vivant en Roumanie. Votre pays est la Roumanie avant tout mais vous parlez hongrois, vous êtes catholiques comme eux, vous savourez la goulash le midi…

Cela s’est également vu en Ukraine, dans la famille de Narine. Bien qu’étant Arménien de cœur et de culture, leurs citoyennetés étaient ukrainiennes, leur pays c’était l’Ukraine et ils n’avaient absolument pas pour projet de repartir en Arménie. Ce concept est difficile à comprendre car dans les pays occidentaux, on ne parle généralement qu’une seule langue (à l’exception de pays comme la Belgique ou la Suisse) et tout les habitants sont issues du même groupe culturelle. En France on trouve des Français parlant français au même titre qu'en Allemagne on trouve exclusivement des Allemands parlant allemands. L’exemple des Hongrois en Roumanie translaté en France reviendrait à ce qu’en Auvergne (car la minorité Hongroise n’est même pas à la frontière), toutes les écoles enseignent l’espagnol, qu’on aille acheter son pain en parlant espagnol ou même en effectuant sa profession en espagnol, difficile à imaginer…

Différents Slaves

Présentons désormais les deux cultures dominantes de la région. On trouve en premier chef la culture slave, qui se resubdivise en culture slovaque, polonaise et ukrainienne. Mais pour être tout à fait honnête, les différences entre un polonais et un slovaque sont assez faibles. Bien sûr il y existe des différences mais comme annoncé plus haut, un polonais des montagnes aura une culture et une identité beaucoup plus proches avec son voisin de l’autre côté de la frontière, qu’avec un polonais dans le nord du pays, vivant au bord de la mer.

Il en est de même pour les Ukrainiens même s’ils sont bien plus modestes en condition de vie. Par exemple pour profiter d’un meilleur salaire, de nombreux ukrainiens travaillent en Pologne. Les mentalités sont très proches et rendent compatibles pour un Ukrainien de travailler dans ce pays. D’ailleurs je n’ai absolument pas entendu d’Ukrainien travailler en Roumanie. Salaire égale, langue différente et état d’esprit différent découragent le jeune travailleur ukrainien qui préférera franchir la frontière direction la Pologne ou la Slovaquie plutôt que vers le Sud, vers la Roumanie. Alors que grâce à l'union européenne les status sont similaires entre les deux nations à l'égard de l'Ukraine.

Cartes de Wikipédia, montrant l'Europe latine et l'Europe slave 

On note cependant une petite différence entre les slaves. Basés sur la religion cette différence vient créer deux sous ensemble des communautés slaves.Sur la carte de droite on remarque 3 couleurs différentes, représentant les 3 sous groupes de slaves. Les premiers en verts clairs sont les slaves occidentaux, catholiques et utilisant l'alphabet latin. Ils se répartissent sur la Pologne et l'ancienne Tchécoslovaquie. En vert foncé ce sont les slaves orientaux, regroupant la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie. Ils sont orthodoxes et utilisent l'alphabet cyrillique. Enfin au Sud ce sont les slaves qui ont connut la domination de l'empire ottoman. Certains sont musulmans et ils vivent aux soleils comparés à leurs cousins russes.

Aux origines d'un bastion latin à l'Est...

A contrario les Roumains sont de culture latine et fière de l’être ! Si leur langue est assez proche du français ou de l’italien, leur état d’esprit s’en ressent aussi. Mais d’ailleurs, pourquoi les Roumains sont latins ? C’est vrai la question est plus que légitime, la Roumanie est entourée de pays slaves, Serbie, Bulgarie ou encore Ukraine, utilisant l’alphabet Cyrillique. C'est l'histoire qui nous permettra de percer ce mystère.

Un exemple parmi tant d'autres des drapeaux géants... 

Historiquement la Dacie fut conquise par l’empire Romain au IIème siècle de notre ère, mais n’y est restée que très peu de temps comparé à des pays comme la Croatie actuelle. Une raison avancée par des historiens et confirmée par des locaux avec qui j’ai eu la chance d’échanger ont avancés les propos suivants. Les Daces n’avaient pas un réelle culture très développé avant l’arrivée des Romains, c’est à ce titre que le latin et le mode de vie romain s’est très vite propagé. Une deuxième vision plus historique est la suivante. Les montagnes des Carpates regorgent de sel (j'ai moi-même visité saline ou lac salé), denrée extrêmement convoitée sous l'empire romain. Tellement convoitée qu'il deviendra monnaie d'échange au point que les légionnaires recevaient une solde en sel, un salaire...

Les tribus Daces ont donc compris tout l'argent et les bénéfices de faire du commerce avec Rome. Ce fut alors un accord gagnant-gagnant. Exploiter le sel, faire du commerce avec Rome, ne pas subir le sort des tribus massacrées etc. Mais pour faire du commerce plus facilement quoi de mieux que de parler la même langue, avoir la même coutume, bref tout simplement la même culture ? Comme dans beaucoup de fois dans l'histoire l'aspect économique a des effets incalculables et bien plus puissant que la simple volonté des puissants. Qui auraient crut que la guilde des mineurs de sels roumains d'il y a 2000 ans, en voulant se rapprocher de Rome commercialement, transformerait son pays en bastion du monde latin à l'est pour les siècles des siècles...

La possible faible culture locale a sans doute permit d’accélérer ce processus. D'ailleurs l'héritage du latin s'est maintenu de manière extrêmement longue en occident, 1200 ans près la chute de Rome, Newton expliquait la gravité, en latin... Ces acquis culturelles et linguistiques ont réussi à persister pendant des siècles grâce à la succession rapide des nations contrôlant la Roumanie, ne laissant pas le temps pour un changement complet et radicale de la culture. Ce qui explique la langue et culture de la Roumanie actuelle !

... au descendant de l'Empire Romain !

Dans un second temps, un phénomène de mise en valeur de ce passé latin et de cette époque de la Dacie roumaine fut mis en valeur et utilisé. En effet deux aspects sont présents. Le premier de pourquoi la Roumanie est resté un pays à base latine, ce que nous venons de traiter et le deuxième, pourquoi on voit des statues de louves partout, bref pourquoi le pays se rêve en César.

Historiquement la Roumanie a subi une première phase de « latinisation » à la fin du XIXème siècle. En effet le royaume nouvellement formé était entouré de pays d’orthodoxe et slave. La Roumanie a ainsi voulu faire connaitre son détachement vis-à-vis du monde slave mais également se rapprocher de la France, que dis-je, de la République Française. En cette fin du XIXème siècle la France figure comme la patrie des libertés absolus, cherchant à défendre les peuples de leur oppresseur. C’est à ce moment là que la Roumanie lance sa première phase de latinisation, pour devenir allié de la France, adopter une culture plus occidentale et moins slave et avoir une langue beaucoup plus proche. Ainsi de nouveaux mots latins remplacent des mots slaves. Les instances roumaines s’inspirent même de la France et reprennent à ce titre les départements, qui seront similaires à la taille d’un département français. Cette coopération triomphera lors de la première guerre mondiale, où la Roumanie rejoindra l'entente, faisant pencher la balance dans les Balkans. Le pays recevra alors la Transylvanie et la Moldavie, doublant alors son territoire.

Statue romaine, louve romaine puis statue du roi Décebale, dernier roi de Dacie 

Ensuite cette fierté d’être latin a subit un deuxième renouveau grâce à un certain Ceausescu. Ce dernier se rêvant en César romain a complétement changé la donne et a eu une influence culturelle très importante. Déjà il a imposé à ce que la première langue étrangère soit le français et non le russe, dans le but de se rapprocher encore plus des pays latins. Deuxièmement il a changé le noms de certaines villes en y rajoutant leur nom romain. C’est le cas de Cluj devenu Cluj-Napoca. Napoca étant le nom du camp de base d’une légion se situant à cette endroit. La grande route traversant les Carpates dans le sud du pays s’appelle la route transalpine. Mais cela va encore plus loin, dans toute ville de taille moyenne on trouve une louve allaitant deux petits enfants, Romulus et Rémus. On peut également admirer des colonnes ou des statues d’un autre temps. De nombreux musées sur le passé romain ont également été construits, toujours dans cette même idée. Des sites de fouilles absolument colossaux ont été ouverts.

Ce phénomène très intéressant me permet d’expliquer le Protochronisme, que j’avais déjà un peu survolé dans le blog. Il fait partie du concept de nationalisme culturel qui consiste à dire que les peuples nationaux descendent en ligne directe d’ancêtre antiques très prestigieux. Romains pour les Roumains, Gaulois pour nous ou Germains pour nos amis d’outre-Rhin. Ceausescu est en grande partie à l’initiateur de ce mouvement, par les constructions, les noms, les statues ou encore les armoiries où figurent deux aigles. Mais également les mentalités et cela est beaucoup persistant. Les programmes scolaires communistes et sans doute encore actuelle ont dû avoir une influence énorme car un grand nombre de roumains m’ont ressorti un discours digne d’un habitant nord-coréen ; nous sommes la Roumanie, fière descendant avec l’Italie de l’empire romain. Cocasse quand on sait que des pays comme la Tunisie ont été deux fois plus longtemps romain que la Roumanie.

On l’aura compris, la Roumanie est un véritable bastion de la culture latine à l’est. Même si sa langue était resté proche du latin par des faits historiques, le pays a tout de même était latinisé à partir de la fin du XIXème siècle. Nouveaux mots, modification de ses mœurs, le pays enjolive son passé sous domination romaine dans le but de se rapprocher de la France et de l’Italie, pays pouvant lui apporter soutient et partenariat. Bref comme il y a 2000 ans ! Le pays cherche a adopter la culture de l'occident latin qui pourra selon le pays, plus lui apporté que ses voisins slaves.

Des cultures minoritaires

Penchons-nous désormais sur les cultures et les peuples minoritaires des Carpates. Pour faire simple il y a 3 groupes. Le premier est l’ancien peuple dominant, les Hongrois. Ces derniers sont restés à plus de 90% suite au traité de Trianon. Ils se repartissent majoritairement en Ukraine et Roumanie. Ils sont en générale assez mal perçu par les autres communautés. Déjà, ils sont fortement associés au royaume de Hongrie qui les a oppressés pendant de longs siècles. De plus les Hongrois sont très fiers de leur passé et ne manquent pas de souligner que la Transylvanie devrait être rattaché à la Hongrie. La plupart vivent dans des villes ou régions composés à grande majorité de magyarophone, ce qui leur permet de recréer un bout de Hongrie chez eux. Lorsque l’on arrive dans ces zones « magyarophone » on change culturellement de pays. Les plats sont hongrois, l’écriture dans le vieille alphabet hongrois est présente dès que possible et on voit plus de fois le drapeau hongrois que roumain ou ukrainien. Ainsi cette première communauté, assez nationaliste s’intègre difficilement dans les montagnes, toujours perçus comme la puissance étrangère.

Carte tiré de : Hongroie de Roumanie, représentant les pourcentages de Hongrois par localité 

La deuxième minorité regroupe les population germaniques. Ces derniers se retrouvent en Slovaquie, Pologne et Roumanie. Leur déplacement correspond à plusieurs facteurs ; peuplement à l’est, exil dû aux guerres ou alors économique. En effet certains artisans allemands ont su faire valoir leur savoir faire dans différents domaines pour faire fortune à l’Est. Bois, métallurgie, construction ou encore agriculture ont motivés certains allemands à migrer. Cette communauté est très bien vue par les locaux. Ce ne sont pas des « dominateurs » comme les hongrois, mais plus des gens civilisés venus apporter leur savoir-faire.

Ce "cliché" sur l'allemand rigoureux, organisé et travailleur semble toujours persister. Un fait qui m’a beaucoup amusé et étonné en Roumanie est le suivant ; je demandais souvent au roumains ceux qu’ils pensaient de leurs politiques, l’immense majorités m’ont répondu que c’était des pourris, que les députés, les ministres ou encore les maires étaient tous plus mauvais les uns que les autres. J’ai alors plusieurs fois demandé : « et le président ? » et tous sans exception m’ont répondu : « ah non, lui il est allemand (comprendre de culture allemande) ! ». En creusant un peu les roumains semblent bien l’aimer, il a renforcé les liens économiques avec l’Allemagne, il fait preuve de rigueur dans le pays et rehausse un peu le niveau des autres politiciens.

Le dernier groupe, plus discret et controversé, regroupe les communautés tsiganes et roms. Ces communautés se répartissent essentiellement en Slovaquie, en Ukraine et en Roumanie. Ils ne sont absolument pas appréciés par les autres peuples. Ces communautés vivent exclusivement refermées sur elles mêmes. Elles ne sortent de leur village que pour aller au marché ou d’autres sorties mais ils travaillent depuis chez eux normalement. Couture, métal, meubles et cultures vivrières les occupent. Malheureusement ces communautés sont extrêmement pauvres. N’étant pas toujours déclarés, les enfants ne sont pas scolarisés et ne peuvent être admis dans les hôpitaux pour manque de papiers. Ils ne votent donc que très peu et comme une majorité de personnes s’opposent à elles, les politiques n’hésitent pas à les expulser de chez eux, à leur interdire des emplois (ce qui permettrait pourtant de les sortir de leur communauté) et à leur mener la vie dure, dans l'unique but d'être plus populaire aux élections. N’ayant pu échanger avec des tsiganes ou des roms mon avis se bornent à sur ce qu’on m’a raconté sur eux, ce qui est assez limité pour les analyser.

Photos de la culture Tsiganes lors du voyage 

Ces 3 cultures minoritaires occupent donc des rôles très différents dans le tableau de la région. Entre admiration et mépris ces communautés considèrent avant tout les Carpates comme leur maison. Il ne faut en revanche pas oublié que ces 3 communautés réunies restent très minoritaires, entre 5 et 10% selon les pays.

Ainsi les différences tant sur le point linguistiques que sur le point religieux sont minimes à l’échelle locale. Ces faibles différences permettent la cohabitation des peuples et l’unité de la région. Car même si ces cultures peuvent paraître différentes en extérieur on retrouve des similarités profondes dépassant largement le clivage slave/latin, nous faisant pleinement réaliser que nous sommes dans les Carpates et non ailleurs. En ayant eu la chance de vivre avec des hôtes dans les 4 pays des Carpates, j’ai pu constater et analyser le quotidien d’une dizaine de personne pour y trouver une multitude de similarité, un premier pays vers l'unité de la région !

25
oct

Mais quelles sont ces habitudes communes à toutes ces cultures ? La première est l’alimentation, indéniablement. Le petit-déjeuner est salé, nourrissant, généralement à base de pain et de charcuterie. Le repas du midi est souvent inexistant, on peut quelque fois manger un snack dans l’après-midi si l’on a faim. Le repas du soir commence toujours par une soupe, même en été. L’alimentation est très carnée de manière générale mais ne comprend pas de bœuf, trop chère et les éleveurs préfèrent vendre à l’export. Les mangeurs de tofu ou de soja sont quasiment inexistant. Le fromage n’en est pas un si l’on est français.

Un deuxième point commun est le réveil. Les habitants des Carpates sont des lèves tôt. Réveil entre 5 et 7 heures généralement. Un de mes hôtes en Slovaquie commençait son travail à 6 heures du matin. Ernest en Pologne se réveillait à 5 heures 30 pour parcourir 50 kilomètres lui permettant de tenir son poste à 7 heures. Roma à Oujgorod se réveillait vers 6 heures comme bien d’autres hôtes tout au long du voyage. Bien loin d’être anecdotique, ces exemples révèlent le décalage en terme d’habitude horaires entre l’occident et les Carpates. Ici on se lève tôt.

Ces petits exemples sont en réalité représentatifs de similarités bien plus profondes, d’une unité bien réelle. J’expliquerais les causes de l’unité de la région par 3 principaux facteurs, que j’analyserai en détail dans les prochains jours en me basant le plus possible sur les avis, les perceptions et les discussions recueillis au cours de ces 40 jours. Le premier unificateur commun de la région est le passé historique qui a permit aux habitants de s’entraider et de créer des liens forts. Le deuxième est la chrétienté. Oh oui bien-sûr quelquefois ce sont des orthodoxes ou des catholiques, mais il n’en reste pas moins que ce sont des individus religieux portés et animés par les mêmes valeurs, celle du Christ. Dernièrement un point que j’ai peut-être trop souvent oublié de raconter comme beaucoup d’entre vous me l’on fait remonter, mais dans les Carpates on se trouve dans les montagnes. Cela peut sembler anodin mais en réalité ça génère un véritable esprit des montagnes venant rajouter du ciment à l’édifice de l’entraide et de l’unité de la région.

Le royaume de Hongrie : entreprise de pillage et de domination

Mais commençons par développer un des premiers leviers de cette unité, le passé historique commun. Pendant plusieurs siècles les Carpates ont vécu sous domination étrangère. On note en particulier le royaume de Hongrie (ou Autriche en Pologne) puis l’union soviétique et ses états satellites communistes. Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, la communauté hongroise est restée en grande partie et participe au melting-pot. Mais si on pourrait mettre en valeur le Goulash, la construction d’église catholique ou encore de routes par la Hongrie, cette vérité cache un aspect beaucoup plus dramatique, l’exploitation du territoire. Terres riches et convoités depuis l’antiquité, la Hongrie a tiré le maximum de profit de la région sans la mettre en valeur. Se contentant de développer uniquement le territoire de l’actuel Hongrie, c’est-à-dire les terres à majorité magyarophone.

Merveilles de Budapest 

Ma visite à Budapest (quelque peu improvisée il est vrai) m'a révélé cette facette que je n’avais peu soupçonné à l’époque. Comment expliquer que des villes comme Cluj, Bratislava ou encore Mukachevo n’est qu’une infime poignée de bâtiments classiques XIXème, tandis que les rues de Budapest (il en est de même pour Vienne) sont jonchées de palais, de somptueuses églises, d’assemblés, de banques et d’hôtels tous plus somptueux les uns que les autres ? Souvenez vous de la citation de l’ami de Narine ; « Les Tchèques ont construit plus en 20 ans que les Hongrois en 1000 ans, les communistes eux, ils n’ont rien construits ». Cette citation ne s’applique pas seulement à l’Ukraine, mais à l’ensemble des pays ayant subies la domination hongroise.

Reprenons l’exemple de Budapest. J’ai pu visiter le palais du parlement, symbole de ce propos. Le guide a longuement expliqué l’importance du royaume de Hongrie historique avant de détailler la provenance de chaque matériau qu’il prétendant d’origine hongroise (il voulait dire hongroise par contraste avec autrichien, au temps de l’Autriche-Hongrie), ce fut alors un choc. Le marbre provenait de Transylvanie, le bois de Slovaquie les draperies d’Ukraine… bref appart les pierres ou d’autres matériaux, la majorité provenait de territoires administrés par la Hongrie. Territoires qui n’avaient servit qu’à embellir la ville de Budapest au détriment de leur ville qui sont pour beaucoup des villes du moyen-âge et non du XIXème. L’exemple du palais du parlement est applicable aux autres grands bâtiments de la ville. On comprend alors les carrières, les scieries et les draperies dans tout le royaume travaillait pour la Hongrie magyarophone.

En France ou dans d’autres pays, une mine ou une usine est symbole de revenue pour la région. Ce qui signifie des villes avec une belle architecture, de jolies villages, des parcs, des activités de loisirs, des écoles… Dans les Carpates il n’en est rien. Prenons l’exemple des mines de sel de Turda en Roumanie et de Wieliczka en Pologne. Là, il n’y a que des maisons, modestes en plus. Même pas de belle mairie ou une architecture originale (construit du temps de l’exploitation de la mine par la puissance étrangère bien entendu). Comme si les autrichiens et les hongrois s’étaient occupés de miner et de ramener tout chez eux, sel et bénéfices.

Une des raisons possibles de l’explosion de l’empire Austro-hongrois est la mauvaise gestion des territoires non germanophones et magyarophones. Cette démarche de pillage et d’accaparation de toutes les richesses s’est finalement retourné contre cette empire qui disparut après la fin de la première guerre mondiale du fait du mécontentement très important de la population. Création d’un état tchécoslovaque, de la Pologne et retour de toutes les régions à majorité roumaines sous le giron de la Roumanie, tant de progrès pour les Carpates. Ces nouveaux états ont pu jouir d’une faible période de paix et d'indépendance après la domination austro-hongroise. Malheureusement cette liberté acquises fut de courte durée, 25 années plus tard ils tombaient sous l’influence d’une autre (super) puissance : l’URSS.

Le communisme, une domination controversée

"Depuis que Ceausescu est parti, c’est la misère, plus de travail, plus de maison" - Père de Botrand

Cette « domination » par l’installation de régimes communistes partout en Europe de l’Est est beaucoup plus controversé. En effet personne n’était « nostalgique » de l’Autriche-Hongrie et ceux qu’ils l’étaient sont retournés en Autriche ou en Hongrie en fuyant les pays nouvellement constitués. Pour le communisme c’est radicalement différent. Un roumain ne pouvait pas quitter comme cela son pays, déjà parce que les polices contrôlaient étroitement les frontières et deuxièmement car son pays c’était la Roumanie. Concept radicalement différent. Ainsi à la suite des traités d’après la grande guerre, les mécontents ont pu se contenter en retournant dans les pays mères, pour le communisme il n’y avait aucunes issues.

Vestiges du communisme; gare routière, HLM et multitudes de peintres autour d'une clôture 

Ensuite comme dans beaucoup de choses, chacun pense avant tout à son intérêt personnel et une situation semble meilleur si elle génère un environnement meilleur. C’est pourquoi le communisme est beaucoup plus sujet à controverse, du fait de son soutient beaucoup plus important de la population. Déjà on estime à 15% (Chiffre avancé par les historiens) le taux de la population complètement convaincu au communisme et à ses principes idéologiques. Ce chiffre semblables à l'ensemble des pays de l'Est justifie le possible maintient du régime. Une part non négligeable des habitants approuvent le nouveau régime totalitaire et ont adhéré à l'idéologie du prolétariat. Deuxièmement ils y a ceux qui soutiennent le communisme plus par intérêt et non par idéologie. Ce sont souvent ceux là les plus nostalgiques car bien souvent l'intérêt personnel prime devant l'idéologie.

Je vais alors prendre en exemple les discussions que j’ai eu avec plusieurs personnes au cours de mes 40 jours pour témoigner de cette controverse. Un papi qui me prit en Slovaquie regrettait le communisme du fait qu’il n’y avait pas de chômage à l'époque, tout le monde avait un travail près de chez lui. Aujourd'hui les jeunes slovaques fuient les campagnes pour les grosses villes afin d’y trouver un travail. Alors que du temps du régime communiste, ces derniers avaient un travail assuré dans le champ ou l’usine du village, n’étant ainsi pas forcé de s’exporter et de changer radicalement de vie.

En Pologne, le conducteur qui me permit de rejoindre Cracovie était plus mitigé. Certes le régime communiste avait développé la ville, construit des usines, ouvert des mines mais à quel prix ? Polices politiques, liberté d’expression inexistante, pénurie alimentaire… le système capitaliste lui permet d'avoir les avantages de l'ancien régime sans les inconvénients selon lui. En Ukraine c’est le système de santé qui manque terriblement. Comme me l’a expliqué la mère de Roma le système de santé soviétique, gratuit, était assez efficace avec des médecins de qualités ne s’occupant pas uniquement de donner des médicaments. Les médecins avaient une réelle expertise, ce qui manque aujourd'hui. De plus aujourd’hui, la médecine s’est capitalisée, on trouve des pharmacies à tous les coins de rues, chacun applique la médecine comme il l’entend et cette situation anarchique a pour victime le peuple ukrainien, bien moins soigné car beaucoup de personnes n'ont pas les moyen de s'y rendre contrairement à avant.

Monuments à la gloire de l'armée rouge à Bratislava, Oujgorod, Koust et Vienne 

En Roumanie le père de Botrand m’expliqua le drame des mineurs de Baia Mare. Une énorme mine employait des milliers de mineurs, faisant vivre femme et enfants. A la chute du communisme ces derniers ont perdu leur emploi car il était plus intéressant de miner en Chine. Pire que de perdre leur emploi, ils ont perdu leur lien social et ils ne se considèrent plus utiles à la société comme avant. Pour ces gens là, le manque de liberté et les pénuries alimentaires n'étaient rien comparé à un emploi et à avoir une vie de famille épanoui. De l’autre côté pour les entrepreneurs comme la personne qui m’a emmené à Cluj, le communisme entretenait des fainéants et interdisait les chefs d’entreprises innovants qui selon lui génèrent la richesse d’un pays. Le nouveau système lui a permit de créer son entreprise et de faire fortune.

Pour résumer le bilan du communisme dans les Carpates, on peut dire que la principale motivation de chacun est le travail. Les gens aux chômages préfèreront souvent la pire dictature pour avoir un emploi et un statut social qu’un pays où tout est permit, un pays de liberté mais où ils ne se sentent pas épanouis et ont le sentiment d’être des ratés de la société. C’est souvent les propos avancés par les pro-capitalistes actuels pour justifier les nostalgiques du communismes, le système n’était pas exigeant et l’on pouvait être épanoui dans la société tout en étant lamentable au travail, ce qui n’est plus possible dans une société compétitive régis par des lois de marché. De plus les gens comparent les avantages et inconvénients ce chaque situation et leur idéologique se résume à celle défendant le plus leur intérêt.

Si on se focalise sur la région plus montagneuse des Carpates, le communisme y est plus regretté. Fermeture de nombreuses lignes de bus et de train par un facteur 4 en 30 ans, multiplication des kilomètres pour pouvoir accéder aux soins qui plus est payant, fermeture car non rentable de petites usines… De plus que les campagnes étaient moins touchées par les pénuries alimentaires comme les grandes villes. Cependant les quelques macdonalds et applestore des grandes villes avoisinantes auront vite convertis la grande majorité des habitants des Carpates à la société de consommation et au monde capitaliste.

L'UE : Nouvelle puissance dominatrice ?

Date d'adhésion des pays à l'UE. Carte du mouvement européen 

On pourrait faire une ouverture en s’inspirant de l'actualité. L'Union Européenne s'impose comme nouvelle instance de domination dans la région. La Slovaquie, la Pologne et la Roumanie font partie de cette instance mais la Transcarpathie par l’intermédiaire de l’eurorégion et de son europhilie, y participes un petit peu. Bien sûr les financements européens permettant de développer le tourisme, de refaire des routes ou encore des écoles, ce qui fait beaucoup d’heureux certes. En revanche certains aspects sont plus sujets, encore une fois à controverse.

Les lois du marchés sous prétexte de liberté pillent des pays comme la Roumanie ou la Pologne à plusieurs niveaux ; du point de vue de ses ressources et de sa main d’œuvre. Je vais alors synthétiser les vingtaines d’avis que j’ai reçu en faisant du stop de travailleur de l’est venant travailler à l’ouest. Le chauffeur routier polonais est payé 5 fois plus en Allemagne ou en France que chez lui. Quel est son intérêt à rester chez lui pour être payé une misère ? Le carreleur roumain qui rénovait des maisons à Saint-Tropez était payé 10 fois le salaire minimale roumain. Comment refuser ? Mais quel est l’envers du décor ? Vie de famille inexistante, marginalisation par les français et allemands critiquant que ces gens là prennent leur travail, condition de travail digne du XIXème siècle…

Le carreleur dormait en sac de couchage dans sa maison qu’il retapait tandis que certains chauffeurs routiers roumains se relayent à deux pour se permettre de rouler 24 heures sur 24. « Il n’y a pas un quota d’heures pour les poids-lourd ? » demandais-je naïvement. « Oui sur les 38 tonnes mais sur ce modèle il n’y en a pas, je peux rouler comme je veux sur celui-ci ». Propos inquiétant, esclavage des temps modernes ? Des salaires exorbitant font supporter des conditions de vies extrêmement difficiles pour les habitants de l’Est et recrée en quelque sorte un esclavage volontaire, les travailleurs sont devenus esclave de l’argent.

Carte du salaire minimum en Europe en 2015, tirée de Eurostat 

De plus on peut parlait du pillage de ressources. Les hectares de forêts sont 8 fois moins chère en Roumanie qu’en Suède, encourageant les entreprises à venir déchiffrer ailleurs plutôt que chez eux. Comme on le voit l’Union Européenne sous couverture d’ouvrir ces pays anciennement communistes aux lois du marchés leur a-t-elle été bénéfique ? Bien sûr l’entrepreneur vous dira que oui mais pour le routier ou le carreleur c’est un oui partagé qui a un goût d’amertume. C’est à ce titre que certains regrettent l’ancien temps, une époque plus simple, avec moins de pression sociale, une système de santé, d’éducation et de transport gratuit. Le chauffeur routier effectuant près de 1000 kilomètres par jour pour gagner un bon salaire et se payer un iPhone est il plus heureux que son père qui travaillait à la mine et profitait simplement d’un bistro avec ses collègues après le travail ?

Le mécontentement contre l’UE et ses instances gronde également comme c’est le cas en Pologne actuellement, le gouvernement polonais n’admettant par le fait que l’UE puisse avoir un droit de primauté devant le droit polonais. Principe contraire au système westphalien décrétant que chaque état est maître et souverain chez lui. Le gouvernement polonais et de manière générale beaucoup de polonais n’admettent pas que les technocrates de Bruxelles puissent avoir leur dernier mot dans les affaires judiciaires. Ce soulèvement de Varsovie fait écho à de nombreux pays d’Europe centrale et de l’est, comme notamment la Hongrie qui défend fermement la Pologne.

26
oct

On l’aura compris, tous ces évènements historiques ou ces puissances étrangères allant contre la volonté des habitants des Carpates, ont forgé un destin commun à tous ces peuples qui se sont senties unies afin de surmonter ces épreuves. Cela a eu pour principale conséquence de forger un esprit et une mentalité commun à tous les habitants de la région et cela indépendamment des frontières. Comme indiqué avant, les préoccupations du berger roumain ou de l’ouvrier slovaque sont bien plus proche qu’entre l’ouvrier slovaque et le banquier de Bratislava. Un deuxième vecteur d’unification de la région est la religion chrétienne. En effet c’est la religion de quasiment 100% des croyants de ces différents pays. Pour beaucoup de moines ou de curés avec qui j’ai eu la chance de discuter, les différents courants comme catholique et orthodoxes ne sont pas très important, ce qui compte c’est d’avoir la foi en le Christ, peut importe si l’on est de tel ou tel courant du christianisme.

Cette crèche dans la saline de Turda illustre bien ce point d'unité des religions chrétiennes

Une certaine gentillesse envers les autres...

Je souhaite commencer cette partie par une anecdote que je n’avais pas raconté dans mon blog. Souvenez-vous, le 17ème jour, n’avais pas de logement et grâce à la gentillesse de la paroisse j’avais réussi à trouver un toit. Lors du coup de fil passé par le moine, ce dernier alors encore au téléphone me relaya deux questions pour savoir si je pouvais passer la nuit. La première était si j’étais vacciné contre le COVID, la deuxième si j’étais chrétien. J’étais à l’époque en Pologne, pays où 90% des croyants sont catholiques, pourtant la question du moine n’était pas de savoir si j’étais catholique mais bien chrétien. Belle preuve d’unité de la région, certes en Pologne on est catholique et en Roumanie on est orthodoxe mais partout on est chrétien.

Je peux à ce titre continuer de partager mon expérience personnelle, beaucoup de personnes qui m'ont ouvertes leur porte spontanément faisaient partie de ces fervents croyants. Rappelez vous la maman de Dominico qui avaient des croix accrochés partout dans son salon. Botrand était quant à lui engagé dans se paroisse protestante avec sa famille tandis que le moine Raspoutine était de foi orthodoxe et n’a pas hésité 10 secondes pour me secourir de la pluie sans compter toutes les voitures avec un petit chapelet qui m’ont prise. Bref des personnes passionnément religieuses qui m’ont toutes accueillis à bras ouverts.

Chez  la grand-mère d'Oana et salle de prière dans le monastère en Pologne

Cette forte base de chrétiens a pour conséquence que l’idéologie chrétienne, ses messages et ses valeurs sont véhiculés partagés par la majorité des habitants des Carpates que l'on soit en Ukraine ou en Slovaquie. L’entraide, le partage et le don de soi même à un inconnu, m’ont grandement aidé tout au long de mon périple. On pourra noter que le taux de croyant est d’autant plus fort qu’on se trouve dans la campagne profonde.

On peut aussi souligner quelques initiatives qui sont communes à toutes les religions. Ainsi installer des immenses croix aux sommets des montagnes fera plaisir à un chrétien de manière générale. On n’ira pas discerner s’il s’agit d’une croix catholique ou une croix orthodoxe. Sans doute que la célébration des fêtes religieuses ou d’autres évènements de la sorte continue à resserrer les liens entre les différents courants du christianisme. La crèche dans la saline de Turda en est un bon exemple.

Quand l'unicité fait l'unité

La particularité religieuse de la région est avant tout la religion gréco-catholique. Ce courant du christianisme se caractérise comme faisant partie de l’église catholique (à ce titre ils reconnaissent la primauté du Pape) mais suit le rite byzantin, à contrario de l’église catholique romaine qui suit le rite latin. Ce rite byzantin est également partagé par l’Église orthodoxe, ce qui permet le partage d’édifice religieux comme dans la communauté des Lemkos. A titre d’information on baptise cette religion gréco-catholique du fait que la langue liturgique principale soit le grec ancien.

Collection d'églises en bois gréco-catholique des 4 pays du voyage ! Que de ressemblance

Cette religion a un système de subdivision assez différent de la religion catholique classique, dite romaine. On notera qu’ils font partis de ce qu’on appelle les chrétiens d’orient (tandis que le nom anglais, plus juste est catholique de l’est, moins beau mais plus précis). A ce titre ils sont répartis en différentes Églises, comme l’Église d’Ukraine ou de Roumanie qualifiés de gréco-catholiques. L’église arménienne fait également partie des Églises d'orient mais le terme gréco-catholique n’est pas employé. Ce terme de gréco-catholique semble alors s'appliquer à ce qu'on appelle les chrétiens d'orients des Carpates et des pays alentours. L’église d’Ukraine est par exemple redivisé en un système de région mais chaque église peut suivre des rites et avoir un système de découpage comme bon lui semble.

Ce que l’on peut retenir est que la majorité des gréco-catholique des Carpates (et donc du monde) se trouve en Ukraine. Ces derniers bien que très nombreux en Roumanie et Pologne il y a un siècle ont subies des conversions de la part de l’église orthodoxe et catholique, venant baisser drastiquement leur nombre de fidèle. En revanche la politique anti-religieuse de l’union soviétique n’a pas engendré une conversion des fidèles à une autre religion, ce qui explique un nombre de près de 4 millions de fidèles aujourd'hui en Ukraine.

Sur les cartes ci dessous ce phénomène est bien mise en valeur, les gréco-catholiques en Roumanie sont devenus une minorité. C'est tout le contraire de l'Ukraine où les Catholiques (composés à grande majorité de gréco-catholiques) sont encore majoritaire dans certaines régions, et en particulier à l'Ouest de l'Ukraine, dans les Carpates. Je n'ai pas réussi à trouver des cartes similaires pour la Pologne et la Slovaquie car ces dernières regroupent tous les catholiques, romains et grecques. Or les Catholiques romains étant largement majoritaires, cela ne fournit pas de réelle information sur les gréco-catholiques.

Carte tiré de Wikipédia et de Ukrstat 

L’architecture des églises gréco-catholique est aussi particulière. Comparable aux églises en bois debout, certaines n’utilisent aucune pièces de métal. Il est à noter tout de même la très grande proximité entre les 4 églises alors que plusieurs centaines voir milliers de kilomètres les séparent. Levier important de l'unité, l'unité architecturale. Les églises sont d’apparence assez chétives, pas très grande et leur forme est caractéristiques. Un grand clocher surplombé d'un bulbe, un préau donnant sur une première salle puis une deuxième salle, plus basse sous plafond mais plus large. C'est là que l'office est rendue. Le nombre de fidèles pouvant être accueillis étant assez faibles, les idées développés en première partie s’applique pour permettre aux croyants de vivre leur foi à l'église.

En conclusion les Carpates sont chrétiennes ce qui influence grandement les comportements et agissements de la population, suivant bien plus des valeurs chrétiennes plutôt que des valeurs républicaines comme chez nous. Cette différence de valeurs se ressent largement dans les mentalités des habitants de la région. Les montagnes ont également la particularité d’accueillir un conglomérat d’églises catholiques orientales, regroupés sous le nom de gréco-catholiques. Ces derniers vivent dans les zones les plus reculés et pratiquent leur culte dans des églises en bois debout.

27
oct


Abordons désormais la dernière partie du raisonnement, après quoi je répondrai directement à la fameuse question : Les Carpates : Frontière ou trait d’union ? Cette dernière partie tentera de montrer en quoi l’unité des Carpates, sa culture et son esprit est presque plus fort que la culture du pays en question. En effet les spécificités propre à la région comme l’influence de la religion gréco-catholique ou les vestiges du royaume de Hongrie ont créés un héritage commun aux habitants de cette région et à eux uniquement. Cette appartenance aux Carpates est mise en valeur dès que possible par des régions un peu indépendantiste ou en quête de plus d’autonomie de la part du pouvoir, établie dans une capitale qui semble bien lointaine, derrière les Carpates.

L'esprit de la montagne

En plus du socle religieux commun aux habitants de la région, se dégage également des valeurs de montagnards (ou plus largement campagnards) qui viennent rapprocher les personnes, même si elles ne vivent pas dans le même pays. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la campagne dégage un état d’esprit commun. Voilà pourquoi un habitant (sans forcément prendre un agriculteur) de la campagne de Meurthe et Moselle s’entendra sans doute mieux avec quelqu’un qui vit également loin des villes dans le sud ou l’ouest de la France plutôt qu’avec quelqu’un vivant en plein centre ville de Nancy (et encore moins avec un ouvrier messin). Simplicité, tranquillité, non stress dues aux villes permettront à ces gens de se comprendre et de s’entendre mieux, en générale bien entendu. Rajouter à cela une vie dans le même massif montagneux ainsi que d’autres spécificités et vous comprendrez l’unité et la force de la région.

Une certaine idée des montagnes... 

Si l’on reprend l’introduction géographique sur les Carpates, on se rend compte que ces dernières ne comportent pas un très grande nombres de grosses villes, villes dépassant les 100 000 habitants à contrario du fort maillage de villes de l'ordre de 10 à 20 000 habitants, permettant la forte densité relative des Carpates comparé à d'autres régions. Bien que la région des Carpates soit assez dense, en termes d’habitants au kilomètre carré, ces derniers ne se répartissent pas dans des grosses villes mais on assiste à une succession de petites villes peuplant la campagne et la montagne. C’est ainsi qu’en vivant dans le même environnement géographique que les habitants des Carpates s’entendent si bien. La citation du roumain du Lac rouge va dans ce sens : « J’habite à 100 kilomètres de la Serbie et de la Bulgarie mais les Carpates sont ma maison, je me sens mieux dans les Carpates Polonaises à 1000 kilomètres que chez les serbes ou les bulgares ».

Les Carpates possèdent aussi des merveilles naturelles qui elles ne connaissent pas de frontières. Cascades, lac de montagne, saline, forêt d’un autre temps, pics montagneux, animaux sauvages… tout ce patrimoine vient consolider et rapprocher les habitants qui ne se sentiront que très peu dépaysé en allant dans un autre pays mais en y trouvant des paysages qui se ressemblent, avec des gens ayant une même mentalité tout en mangeant les mêmes plats. Ceci est peut à l'origine du fait que de nombreux slovaques ou polonais aillent en vacances en Roumanie et en particulier en Transylvanie. Les habitants des Carpates sont également très fière de cet patrimoine naturel et on les comprend. Les lacs et les montagnes font souvent dire qu'on est bien dans les Carpates et que cette région est magnifique.

Les Carpates, foyer de nombreux lacs ! 

L'identité des Carpates : Nouvelle arme pour plus d'indépendance ?

Cas de la Transcarpathie

On peut désormais s’intéresser à l’importance de tout ce patrimoine culturel aujourd’hui. En effet il est très utilisé par la Transcarpathie et la Transylvanie, en quête d’indépendance ou de plus d’autonomie. Comme j’ai pu m’en apercevoir lors de mon voyage la Transcarpathie est profondément europhile. En effet depuis la nuit des temps cette région est tournée vers l’Europe occidentale, ce qui est logique du fait qu’elle se trouve à l’intérieur de l’arc carpatique. Cependant depuis la fin de la seconde guerre mondiale l’URSS a récupéré cette région et son centre de gravité est désormais tourné vers l’Est, ce qui ne plait pas aux habitants. Ce mécontentement est d’autant plus grand depuis 1991 et la chute du communisme octroyant plus de liberté d’expression.

Dans cette province on vit mal la domination de Kiev qui n’essaye pas trop de se faire aimer en retour. En effet des régions comme le Donbass sont bien plus rentables que cette pauvre région perdue dans les montagnes. Les terres agricoles y sont moins fertiles qu’ailleurs et les usines ont fermées en 91 pour leur grande majorité. C’est à ce titre que beaucoup d’Ukrainiens vont travailler en Pologne. Mécontente de l’état Ukrainien, la région le fait savoir en rappelant sans cesse les glorieuses pages de son histoire, comme l’appartenance à la république tchécoslovaque lors de l’entre deux guerres.

PIB/habitant en Roumanie et Ukraine, selon la banque mondiale 

La Transcarpathie fait également les yeux doux à l’union européenne. Eurorégion, drapeau européen flottant un peu partout, facilité douanière, tout est fait pour se rapprocher de Bruxelles et s’éloigner de Kiev. Cette état esprit est largement rependu parmi la population locale, à vrai dire sur ma petite semaine en Ukraine je n’ai rencontré qu’une personne fermement opposé à l’UE (et encore ses motivations étaient plus que douteuses : prix de l'alcool et limitation de vitesse). Tout les autres voient en elle un sauveur, permettant de mettre de la rigueur dans les affaires, de supprimer la corruption et de permettre un décollage économique. Un argument avancé plusieurs fois est l’exemple de la Roumanie qui possédait un PIB/habitant inférieur à l’Ukraine après la guerre froide, mais dont celui-ci est aujourd’hui 3 fois plus élevé. Beaucoup d’Ukrainiens de Transcarpathie veulent connaître le même décollage économique, quitte à se détourner de Kiev ou encore de Moscou.

Un très bel exemple réside dans ces quelques clichés du quartier tchécoslovaque à Oujgorod ci dessous. Tout y est fleuri et les bâtiments dénotent largement avec le reste de la ville, on ne se croirait pas en Ukraine ! Sur la façade de l'école les inscriptions sont toujours en Tchèque tandis que le drapeau européen flotte devant le palais de justice (1ère photo) au côté du drapeau ukrainien. La ville met en avant cette période de son histoire pour créer un net contraste avec le gouvernement ukrainien actuel, signifiant clairement qu'il préférerait redevenir tchécoslovaque plutôt que de rester ukrainien. Ce qui est recevable, comment se sentir citoyen d'un pays qu'on vient récemment d'intégrer ? Et dont pendant des milliers d'années la culture de l'ancienne nation était à bien des égards différente...

Oujgorod 

Cas de la Transylvanie

En Transylvanie aussi le mécontentement gronde, bien que moins violemment qu’en Ukraine. Les dirigeants de Bucarest (sauf le Président qui est de culture allemande, bien entendu) sont souvent critiqués car trop corrompus et détournant l’argent de l’Europe. Ils se plaignent que le peu d’argent utilisé utilement va pour le développement du tourisme sur la mer noir. Il est vrai que c’est un domaine bien plus rentable que les distilleries de Perinka ou les arbres fruitiers de Transylvanie. La grande majorité des touristes non Roumains en Transylvanie sont des Hongrois, des Polonais ou encore des Slovaques. Tandis que la mer noir attire des touristes venant de toute l’Europe.

Certaines fois c’est le pouvoir abusif de l’église dérange. Le père de Botrand l’expliquait ainsi : « Dans les villages, le prêtre est plus puissant que le maire, dans les villes, l’évêque est plus puissant que les députés ou sénateurs ». Situation d’autant plus épineuse que beaucoup ne personnes très religieuses s’en accommodent fortement. Cette situation est d’après mes hôtes moins vrais en dehors de la Transylvanie. Premièrement le Nord de la Transylvanie est composé exclusivement d’Orthodoxes, contrairement au sud et aux régions roumaines où les minorités catholiques ou protestantes sont plus importantes. A ce titre la toute puissance de l’église orthodoxe est bien moins présente dans ces autres régions.

Fin de la Transylvanie et des Carpates aux abords du Danube 

Même si les avis divergent concernant ou non la position de l’église le constat est le suivant. Les fervents croyants demandent plus d’autonomie afin que l’église puisse continuer de construire cathédrales et monastères car pour eux les financements sont détournés ou freinés par Bucarest. Pour les non partisans de cette église puissante ils souhaiteraient également plus d’autonomie afin de pouvoir mieux contrôler et mieux gérer ces excès. Comme quoi les deux partis arrivent à s’entendre sur ce point, il faut plus d’autonomie vis-à-vis de Bucarest, une nouvelle fois l'identité des Carpates parle.

A ce titre, quelque soit les opinions théologiques de mes chauffeurs ou de mes hôtes, tous étaient très heureux à ce que je voyage exclusivement en Transylvanie. « Les gens sont plus sympas, plus chaleureux, ce n’est pas comme à la capitale » me disait-on. Lorsque je demandais si ce n’était pas grave de passer autant de temps en Roumanie sans visiter Bucarest, j’ai toujours reçu la même réponse, comme quoi je faisais bien car c’était ici que se trouvaient les plus belles choses à voir de Roumanie.

De la même manière que je l’avais observé en Écosse, le patrimoine et la culture de ces différentes régions sont utilisés pour mettre en avant leur appartenance aux Carpates et ainsi se détourner de leur pouvoir respectif. Les nombreuses manifestations de cette appartenance aux Carpates sont là pour montrer une seule chose : « Nous sommes peut-être Ukrainien ou Roumain, mais nous sommes des Carpates avant tout ! ».

1
nov

Certains géographes affirment que certains fleuves sont frontières tandis que d’autres sont des bassins de vie. L’exemple le plus frappant est le contraste entre le Rhin et le Rhône. Lorsque l’un dresse la frontière entre le monde germanique et le français, la vallée du Rhône est une merveilleuse source de vie tant le nombre d’habitants résidant dans les environs du fleuve est important.

L’on pourrait être tenté de faire le même rapprochement pour les chaînes de montagnes mais je ne vous apprendrai rien en disant que la vérité n’est absolument pas binaire. Strasbourg ne fait elle pas parti des 10 plus grosses villes françaises ? Pourtant elle ne se trouve qu’à quelques encablures du Rhin. Tandis que le Rhône fut pendant près de 150 ans, au XVIIIème et sur une partie du XIXème siècle, la frontière entre la France et le royaume du Piémont. De grand fleuve comme le Danube sont également inclassifiables : 4 capitales européenne se trouvent sur ses berges tandis qu’il délimite la frontière entre de nombreux pays des Balkans et d’Europe centrale. Si les fleuves ne sont quasiment jamais uniquement à la frontière et bassin de vie, il est bien possible qu’il en soit de même pour les montagnes…

Les Carpates ne font pas exception à la règle. Même si territorialement elles agissent comme frontière entre de nombreux états, le bassin de vie drainé par une forte culture locale provoque un fort contraste et viennent apporter du moulin à la question fleuve de cette étude ; frontière ou trait d’union. De mon point de vue la notion de frontière étatique est radicalement différente de la frontière culturelle qui qu’intéresse ici. L’unité très forte, la culture commune, les habitudes, les mentalités et modes de vies de ses habitants sont tant de raison rendant difficile de tracer une frontière en plein milieu de la chaine de montagne.

Différents types de frontière... 

En revanche je ne comptais plus les gens qui m’expliquaient que derrière les montagnes les gens étaient différents, qu’ils n’étaient pas comme eux et qui se sentaient mieux à l’étranger mais dans les Carpates que dans leur pays mais à un endroit totalement différent. Sans faire appel à des raisonnements de haute logique on comprend donc bien qu’une frontière se dessine quelque part, mais où est elle alors ?

On peut alors légitimement penser que les Carpates coupent deux mondes, l’un plus tourné vers l’occident quand l’autre semble plus tourné vers l’Orient. Ce qui par d’autre mots peut se résumer à la séparation entre l’Europe centrale et l’Europe de l’est (dans une mesure où l’on définit l’Europe jusqu’à l’Oural). J’entends par Orient, l’Est en générale. En toute honnêteté les différences entre les Polonais de Cracovie, les Ukrainiens de Ivano-Frankivsk et les Roumains de Bucarest sont toutes aussi importantes. Cependant le ressentiment que j’ai eu tout au long de mon voyage est le suivant : l’arc intérieur carpatique est très tourné vers l’Ouest. L’unité de la région contraste alors avec les deux univers (en englobant le monde de l’Est) qu’elle sépare. Se pourrait-il alors que les Carpates soient à la fois frontières et trait d’union ?

L’on pourrait affirmer que les Carpates sont « Trait d’union » de part leur unité et de toutes les choses que nous avons listés auparavant : l’ensemble de la chaine de montagne est profondément uni du fait de nombreux facteurs. D’autre part la frontière culturelle entre les deux Europes étant assez douce l’hypothèse de Carpates on ne serait positionner précisément la frontière dans les montagnes. Les Carpates, un royaume (dont les délimitations reste encore à définir) en plein milieu de l’Europe venant faire le lien entre deux mondes que tout oppose. Cette grande région aurait qui plus est sa propre culture, sa propre religion (avec les gréco-catholiques) et surtout sa propre identité, véritable envie d’indépendance dans certaines régions.

Car on ne se lasse pas de les revoir... 

A ce titre la frontière se trouverait au pied des Carpates, de l’autre côté de l’arc carpatique. Elle se trouve de l’autre côté de la chaine de montagnes du simple fait que comme on l’aura compris, la région des Carpates est profondément europhile et tourné vers l’Europe. Les salariés travaillant dans d’autres pays ou la communauté hongroise allant souvent en vacances en Hongrie, permet à la région de maintenir ses forts liens avec l’Ouest du fait d’un très important flux humains entre les Carpates et l’Europe de l’Est, tandis que ce flux est comme qui dirait bloqué derrière les montagnes. Je m’explique : les Hongrois ne vont souvent qu’en Transylvanie et la part de travailleur ukrainien travaillant à l’étranger est bien plus importante en Transcarpathie.

En revanche, si la frontière que nous essayons de définir d’un point de vue conceptuel et d’un point de vue géographique, se trouve de l’autre côté des Carpates et non dans les Carpates, on aboutit mathématiquement au fait que les Carpates ne sont pas un lieu de frontière. Au sens où la frontière viendrait couper la région. En effet la frontière que nous cherchons à trouver, ne se trouverait pas dans les Carpates mais bien en dehors. C’est cette même frontière qui viendrait faire la frontière avec les Carpates et les autres régions nationale. Ainsi la petite frontière entre les Carpates et les autres régions de Roumanie, d’Ukraine et de Pologne serait en réalité une frontière bien plus puissante, plus importante, la véritable frontière entre les deux mondes que nous venons de voir. Les Carpates ne se définissant alors plus comme la région la plus à l’Est de l’Europe Centrale et non plus comme le lieu de partage des deux Europes. Concept radicalement différent.

J’espère avoir été claire avec mon explication. Cette thèse comme quoi les Carpates ne seraient que trait d’union et que cette fameuse frontière se trouve au delà et non dans les Carpates demande bien sûr de nombreuses vérifications. N’étant pas allé de l’autre côté de la chaine de montagne en Ukraine et que très peu de fois en Roumanie, cette affirmation est plus une hypothèse, qui pourrait être confirmé par un autre voyageur (pourquoi pas d’un Zellidja ?) traversant les montagnes perpendiculairement à la ligne de crête.

Ce processus ou protocole pourrait être très intéressant en se focalisant sur plusieurs points allant de la vie de tous les jours, aux habitudes alimentaires, à la culture, à la nature des fêtes locales, à l'importance de la religion, importance de la culture nationale... En comparant tout ces critères ainsi qu'en échangent longuement avec des personnes de toutes la strate sociale on pourrait être plus à même de différencier les habitants des Carpates à travers ces pays.

Lors de son parcours le voyageur pourrait analyser les différences faibles ou fortes entre les différents comtés (toutes les 20 kilomètres par exemple) d’un point de vue culturelle mais surtout d’un point de vue des mentalités (car oui c’est également un des points fondamentaux des habitants des Carpates). En repérant la zone où les changements sont les plus importants on pourrait décréter que la frontière se trouve dans cette zone. Ainsi ce test permettrait d’affirmer ou non cette théorie.

Le royaume des Carpates, avec en pointillé les fleuves et rivières frontières

Mon expérience de traversée de la chaine de montagne, en Pologne (lors de l’ascension du Ryzy et de l’exploration de la campagne environnante) et en Roumanie (avec la rencontre du moine Raspoutine) confirme tout de même l’hypothèse de la grande unité des Carpates et que cette frontière ne se trouve pas dans les montagnes mais plus loin. L’arrivée des premières grosses villes me parait être un bon point rupture. C’est en tout cas ce qui m’a frappé en Pologne et en Roumanie lorsque j’étais de l’autre côté de la chaine de montagnes. Déjà que la mentalité des Carpates n’y que peu présentes dans ces villes, elles font aussi office d’intermédiaire entre un monde de montagnards et de campagnards des Carpates, qui se meurent dans les faubourgs, et un monde emprunt à une forte culture nationale différentes à bien des égards de la culture transnationale des Carpates.

Ainsi compte tenu des informations actuelles et des recherches qui ont été effectués avant, pendant et après ce magnifique voyage, les Carpates sont pour moi un magnifique trait d’union en Europe, assurant une certaine transition entre l’Europe Centrale et plusieurs Europe de l’Est; tant les changement du Nord au Sud de l’autre côté des Carpates sont importants. La fameuse frontière tant recherché pourrait se trouver au-delà, sur l’autre versant des montagnes roumaines, ukrainiennes et polonaises, là où commencent les premières villes, venant faire la frontière entre les Carpates et les autres régions nationale, mais surtout ces mêmes villes dressent la frontière entre deux Europes…

Prêt pour repartir vers de nouvelles aventures... 

J’espère vous avoir témoigné mon grand intérêt pour cette région absolument passionnantes. Malheureusement je pense vous avoir raconté tout ce que je sais ou que j’ai appris sur cette chaine de montagne, du moins ce qui était utile à mon thème. C'est ici que s'achève le récit et l'étude de ce voyage à travers les Carpates. J'ai pris le choix de faire une étude plus globale afin de démontrer l’unicité, l’unité et les caractéristiques culturelles de la région. Contrairement en Écosse je n’ai pas dressé une longue liste avec des explications sur l’ensemble des monuments et des sites visités. J’ai considéré ici qu’ils agissaient comme des éléments permettant de soulever ma curiosité sur tel ou tel sujet. Leur symbolique, signification et sens à cet endroit précis des montagnes, tout en essayant de les inclure dans un tout, trouvant le plus possible des similitudes, me semblait plus pertinent. Il aurait été passionnant de décrire et d’analyser le marché tsigane, la campagne ukrainienne ou la mise en valeur des forêts slovaques, mais cela m’aurait pris bien trop de temps et les articles au jour le jour s’en sont déjà un peu chargés.

Sachez que les Carpates me fascinent encore et que dans un petit coin de ma tête je garde l’idée d’y retourner un jour pour répondre à ses quelques questions sans réponses ...