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3 participants
5 jours et 4 nuits au cœur de la forêt Guyanaise, le long de la rivière la Comté.
Août 2018
5 jours
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Nous voilà partis. Avec Bruno et son neveu Shepson (contact : Qimbe Kio, je recommande !!!), on doit remonter la Comté en cette première journée sur une centaine de kilomètres. En pirogue. Déjà ça pose le décor ! Il fait un temps magnifique, et sur le chemin on en prend déjà plein les yeux : martins pêcheurs, toucans, des tortues dont on a l'impression qu'elles nous attendent avant de plonger... C'est juste trop beau.

On déjeune sur un tout petit banc de sable et on apprécie les petits plats que Tchia, la femme de Bruno, nous a préparés pour cette expédition. Ce premier déjeuner annonce la couleur : on va bien manger pendant 5 jours ! Alors qu'on est repartis depuis peu, vers 14h et aux 3/4 du chemin, on arrive devant un énorme arbre qui nous barre la route...

Il est complètement déraciné et doit dépasser de l'eau d'au moins 70cm ! Certes Bruno a déjà passé quelques obstacles au cours de la journée mais celui là est d'un autre calibre ! Lui-même n'en revient pas : "En 30 ans c'est la première fois que ça m'arrive !!" Il faut réfléchir vite à une solution car la nuit va vite arriver et il faut faire le bivouac, ce qui prend au moins 2h, surtout pour des débutants comme nous... Après quelques minutes de réflexion, il décide qu'on va s'arrêter bivouaquer ici, et qu'on essaiera de passer le bateau le lendemain matin. En effet, un léger passage est dégagé du côté des racines, mais il est très étroit, il n'y a quasiment pas d'eau et il faudrait vider intégralement le bateau pour le tirer dehors !

AH !  

Et alors qu'on s'apprête à débarquer toutes les affaires, touques, hamacs, glacières, une énorme averse nous tombe dessus. On est pas du tout habillés en conséquence et on est vite trempés. Le coin où on va dresser le bivouac n'est pas le plus accueillant du monde, déjà parce qu'il est très fourni en végétation, il est difficile d'évoluer dedans, et ensuite parce que très vite le sol se transforme en terrain de boue géant !! On s'en met partout, on est dégueulasse et ça dure pendant tout le dressage du camp !! On se débrouille à peu près pour mettre nos bâches, nos hamacs, mais le sol est pas vraiment praticable... Un peu de feuilles de palmier permettent de ne pas trop glisser au moins ! Le repas chaud fait du bien ! Avec le ti-punch pour se réconforter. Quelle première journée !! On s'endort avec les singes hurleurs et les grenouilles...

La cuisine de luxe 
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On se lève tôt, on a déjà perdu du temps avec ce tronc qui nous barre la route ! Il faut tout de suite rassembler les affaires et les placer en amont de l'arbre, sur la berge. On est direct dans la boue, de bon matin ça réveille ! Puis on s'attaque à faire passer la pirogue de l'autre côté. Bruno a déjà fait une bonne partie du boulot la veille en tronçonnant des racines et en les plaçant en rondins pour former un passage hors de la boue.

Passage du monstre 

On a réussi ! Il a fallu hisser le bateau hors de l'eau (à vide il pèse environ 200 kg) en veillant à ne pas abîmer le moteur. Beau travail d'équipe ! Et le soleil est de retour, on peut reprendre la route (enfin plutôt la rivière) sereinement. Enfin en espérant qu'il n'y ait pas d'autres imprévus de ce calibre ! Après un stop déjeuner au carbet des gendarmes, qui nous semble grand luxe comparé à la nuit très sommaire qu'on vient de passer, on arrive à Saut Brodel. Ici c'est vraiment magnifique. On est à la lisière de la réserve naturelle des Nouragues, et devant Saut Brodel est impressionnant : un bruit de rapides incessants, un fort débit d'eau, de gros rochers qui affleurent. La forêt aussi change. Sur le chemin on a pu apercevoir de superbes ibis verts, des iguanes sautant dans l'eau à notre approche (bizarre pour des iguanes d'ailleurs), quelques singes, et un 4x4 abandonné dans la végétation depuis 50 ans !

Ici des camps ont déjà été installés, l'endroit est donc déjà un peu préparé et c'est plus facile d'y évoluer. On installe tranquillement le bivouac, où on va rester 2 nuits. Donc il faut que ce soit bien ! Ce qui est bien au moins en bivouac, c'est que chacun a son petit espace, on profite juste des bruits de la forêt la nuit et pas du désagrément de certains ronfleurs (ils se reconnaîtront...) En fin de journée, on pose un filet et surtout trois lignes en aval du saut, pour pêcher l'Aymara, le plus gros poisson carnassier de Guyane. Pendant le dîner, à nouveau la pluie, mais on est à l'abri. Une fois la nuit tombée, on va relever les lignes et... 2 aymaras ! Dont un de près de 7 kilos et 80 cm. En pirogue, on voit aussi un petit serpent dans un arbre (et tant mieux qu'il soit dans l'arbre !), un caïman et d'énormes grenouilles rainettes, celles qu'on entend la nuit.

Saut Brodel et le camp 5 étoiles 
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La nuit a été bien meilleure sur ce bivouac de Saut Brodel. Le fort bruit de l'eau n'était même pas dérangeant, au contraire ça berce ! Ce matin, on s'équipe avec des combinaisons pour aller descendre la Comté dans l'eau, en mode Canyoning mais sans les canyons. Mais avant ça, il faut marcher un peu ! On grimpe une colline en forêt et au passage, Bruno nous présente quelques arbres de cette partie de forêt. Beaucoup de fougères, certaines avec d'énormes épines, des Wacapou, Angéliques... Il y a des milliers d'essences en Guyane, trop pour que je me souvienne de l'application de chacune. Mais en tout cas c'est toujours aussi beau. On croise à un moment un nid de genre de guêpes, des "mouches sans raison", qui portent bien leur nom ! Cette marche avant de se mettre à l'eau est passionnante, Bruno connaît vraiment tout. Et la descente de la Comté dans l'eau est vraiment sympa ! On ne pense pas trop aux Aymaras qui pourraient traîner dans les zones d'eaux mortes, quoique... (hein Papa !)

Quelques unes des plantes rencontrées en chemin 

L'après-midi, la pluie fait son retour. Cette fois, on est préparés et habillés en conséquence avec nos super capes du Puy du Fou ! On part sur l'autre rive à la recherche de cœurs de palmiers. A peine arrivés de l'autre côté, on tombe nez à nez avec 3 véhicules laissés là depuis une quinzaine d'années. Un pick-up, un bulldozer et un camion. Un ancien chemin d'orpaillage illégal ou un vieux passage pour rejoindre la piste en construction (et qui doit rejoindre le village isolé de Saül) un peu plus loin ? Je ne suis plus sûre de ce que nous a dit Bruno. En tout cas, les gens qui sont passés ici ont laissé beaucoup de saloperies... Des bouteilles en verre, du métal... Et ont visiblement mangé des fruits, car des bananiers ont poussé ici. Ils n'ont pourtant rien à faire ici ! Et aussi un citronnier avec le plus gros citron que j'ai jamais vu, plus de 10 cm de diamètre. On le cueille pour plus tard.

On arrive finalement, après une descente un peu casse gueule, surtout avec la pluie, dans une zone de mangrove. Avec la pluie qui tombe fort, c'est carrément des mares qui se sont formées dans cette cuvette. C'est là que Bruno trouve des palmiers et en récupère quelques uns pour le soir. Une fois rentrés et "séchés" (on l'a très rarement été), on prépare le repas. Enfin plutôt Bruno le prépare ! Avec les cœurs de palmier, il fait une salade, accompagnée d'une sauce chien, à base de citronnelle, de ciboulette et de persil. C'est un délice. En plat de résistance, le premier aymara sous forme de ragout, et parfumé au citron cueilli un peu plus tôt. Personnellement je ne suis pas hyper fan mais ça change, c'est vraiment typique. Encore une belle journée !

Ecaillage du poisson et collection printemps-été Puy du Fou 
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Après deux jours et deux nuits à Saut Brodel, on va reprendre la pirogue. On se serait presque étalés dans ce bivouac, il faut rassembler toutes les affaires ! Ici il y avait un espace pour tout. Un espace nuit bien délimité pour chacun, une grande clairière pour la cuisine, avec un bel espace pour le feu, et même une "salle de bains" avec une petite zone sans courant au bord de l'eau ! On redescend la rivière, direction le carbet des gendarmes, qui sera notre dernier bivouac. On s'installe vers midi, finalement ici c'est le grand luxe ! Un toit, un plancher, une table en bois... On a été du bivouac le plus spartiate au plus propre ! Enfin, propre, tout est relatif... Les gendarmes ont une notion personnelle de la propreté, ils ont laissé pas mal de déchets là aussi. Enfin, au moins ici on est bien installés.

Hôtel 5 étoiles 

On part déjeuner en forêt, Bruno veut nous montrer un coin où il venait lui-même avec ses enfants, une petite crique avec des toboggans naturels. On emprunte la piste de Saül avant de s'enfoncer dans le sous-bois jusqu'à cette petite crique qui serpente entre les arbres. A un moment, elle se déverse en petites vasques et en mini cascades où l'on peut se laisser glisser. C'est vraiment un super coin, et il faut connaître pour y accéder ! On se sent vraiment privilégiés de voir et de profiter d'endroits comme ça. C'est d'ailleurs une réflexion que je me suis faite tout au long de cette expédition. On entend depuis 4 jours rien d'autre que le bruit de l'eau, des oiseaux, et des animaux... Aucun bruit de l'activité humaine, c'est à la fois reposant et très étrange de se dire qu'on est si loin de la "civilisation". Mais ça fait beaucoup de bien.

On se pose donc ici pour déjeuner, un délicieux poulet boucané acheté au marché avant le départ par Tchia. C'est vraiment un moment génial, on profite ensuite de la crique pour se baigner dans l'eau pure. C'est l'occasion pour moi de me rincer les cheveux dans une eau propre ! Et le soleil brille en ce quatrième jour, c'est tellement agréable ! Certes il ne perce pas beaucoup à travers la végétation très dense qui nous entoure, mais c'est mieux que d'être sous la pluie...

Bon les photos sont un peu floues mais c'est tout ce que j'ai pu prendre dans l'eau ! 

Une fois rentrés en fin d'après-midi au carbet, la pluie fait son retour, mais pas grave on est à l'abri. Bruno nous fait le deuxième aymara au barbecue, en mode boucané sous des grandes feuilles de palmier. D'aspect on dirait presque une côte de boeuf ! Et au goût c'est juste délicieux... Toujours avec cette bonne sauce chien. Bruno se réserve la tête du poisson, sa partie préférée ! Je lui laisse volontiers...

Menu du jour : Aymara boucané 

Dernier temps fort de la journée : une marche nocturne en forêt ! Une fois rassasiés, on part avec nos frontales pour une balade qui s'annonce passionnante. Et un peu stressante pour ma part, je n'ai qu'une peur : croiser un serpent ! On prend à nouveau la piste de Saül puis on coupe par un layon que Bruno a dégagé dans l'après-midi. Dégagé est un bien grand mot parce que la fin du chemin est carrément encombrée de fougères et autres lianes et je suis vraiment pas sereine à ce moment là ! Mais avant ça, on avance et on regarde attentivement à la lumière de nos frontales. Parce qu'on est venus observer une chose en particulier : des araignées. Et des grosses tant qu'à faire ! La nuit, on peut mieux les repérer grâce à leurs yeux qui brillent, quelle que soit leur taille. Et ça nous sourit, puisqu'on en voit de toutes les couleurs et toutes les tailles. Bruno en prend quelques unes dans la main (inoffensives bien sûr !) comme cette araignée scorpion sur la première photo ci-dessous. On voit aussi une belle mygale dans son terrier (cf photos de droite). En tout cas cette balade fait relativiser ! Bien que je n'aie pas peur des araignées, on trouve d'un seul coup celles qu'on peut croiser en métropole tout à fait insignifiantes ! En rentrant, mes craintes de croiser un serpent se réalisent avec un gros truc rampant blanc qui traverse le layon à quelques mètres devant moi. Heureusement il est passé trop vite pour que j'ai eu le temps de le voir clairement. On notera la magnifique chute de Maman au retour au moment de traverser le petit bras d'eau dans une cuvette et entouré de boue, un beau viandage en règle !!

Arachnides en tous genres 

C'est la dernière nuit avant de rentrer à Cacao, et malgré le confort supérieur de ce dernier campement, la nuit est pour ma part la pire que j'ai passée du séjour. Merci à Papa d'avoir ronflé toute la nuit ! En effet, avec les hamacs tous alignés et à touche touche, on a tous pu profiter de la respiration plus ou moins bruyante de chacun ! Mais ça fait partie du voyage !

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On se réveille une dernière fois en forêt avant de rentrer à Cacao. Une longue journée de pirogue nous attend, aussi on ne tarde pas et on part de bon matin. Surtout qu'en redescendant la rivière, il va falloir à nouveau passer le tronc échoué en travers de l'eau ! Bruno espère que la pluie tombée en quantité ces derniers jours aura fait un peu monter le niveau de l'eau et nous aidera à passer le bateau plus facilement qu'à l'aller. Il fait pour l'instant très beau et on arrive rapidement à l'arbre en question. Et les espoirs de Bruno se sont révélés fondés, puisque l'eau a légèrement monté, ce qui laisse un passage beaucoup plus aisé ! Il faut quand même tirer le bateau le long du tout petit filet d'eau, mais on a déjà pas besoin de vider l'intégralité des affaires à terre, et ça nous fait gagner un temps fou ! En 20 minutes on est passés et on continue vers Cacao.

Maintenant qu'on a passé cette difficulté en avance, on va pouvoir prendre notre temps sur le retour. On s'arrête ainsi piquer une tête au niveau de la "roche fendue", qu'on peut même escalader. On prend ensuite une grosse pause déjeuner sur des rochers plats à côté d'un ancien carbet de Bruno. Vers 14h, la pluie revient à nouveau. Et de quelle façon !!! On voit littéralement un rideau de pluie avancer vers nous, puis reculer. Puis avancer à nouveau et s'arrêter au dessus de nos têtes au moment où on reprend la pirogue ! On a juste le temps de mettre nos capes pour éviter d'être trop trempés, même si avec le vent et la force de l'averse, on ne peut pas trop lutter... On s'en rappellera de cette pluie !

Une fois la pluie calmée, on fait plusieurs stops où Bruno nous montre d'autres endroits dont il a le secret : une ancienne distillerie de bois de rose avec de vieilles machines encore là, et le plus gros arbre qu'il ait jamais vu (tu m'étonnes !). Un énorme fromager d'un diamètre d'environ 2 mètres. Les racines elles-mêmes sont gigantesques et celles qui tombent de ses branches ont la taille d'un arbre. C'est impressionnant, on se sent ridiculement petit. On voit la puissance de la forêt ici.

Fromager taille XXXXL 

Après ce dernier arrêt, on est presque arrivés au village, et Bruno en profite pour nous faire un petit cours d'histoire du Cacao : l'esclavage, le bagne, les Hmong et l'agriculture... C'est passionnant et c'est à l'image de Bruno. Il nous a partagé toutes ses connaissances et son amour de sa région et de sa forêt pendant 5 jours et je m'en souviendrai longtemps. On s'en souviendra tous longtemps j'espère, tant cette expédition était intense en découvertes et en dépaysement. C'était à coup sûr (pour ma part mais pour tout le monde je pense) l'une des expériences les plus folles que j'ai pu vivre !