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Cette journée de randonnée, en plein milieu de semaine, n'était pas vraiment prévue. Mais quand j'ai vu la météo annoncer 30cm de neige entre le lundi et le mardi et prévoir une journée de grand soleil le mercredi, je n'ai pas hésité longtemps et, encouragé par Claire, j'ai posé une journée de "repos". Une fois n'est pas coutume, Météomédia a vu juste, et c'est sous un soleil éclatant que je prends la route pour Sutton, une petite ville située à 1h30 à l'Est de Montréal.

L'inconvénient de rouler vers l'Est, le matin... Même avec des lunettes de soleil, on a rapidement les yeux qui pleurent... 

J'arrive sur place vers 9h, sors mon sac du coffre et me pose la question traditionnelle: raquette ou crampons? 90% du temps, les crampons de randonnées sont suffisants et bien plus agréables à porter que des raquettes, mais les 10 autres %, les raquettes sont tout à fait nécessaires et celui qui ne les a pas emportées le regrette amèrement... Je préfère jouer la sécurité, tant pis pour le poids supplémentaire, je chausse les crampons et installe les raquettes sur le sac au cas où. Il ne faut pas oublier que le Round Top (nom du sommet) se situe environ 600m plus haut et qu'il est tombé une belle couche de neige la nuit précédente.

Mieux vaut regretter d'avoir pris les raquettes, que regretter de ne pas les avoir prises!

(proverbe ... de moi)

L'ascension débute et je suis dans le bain immédiatement. Le profil de la randonnée est clair, les 5 premiers kilomètres ne sont, à peu de choses près, que de la montée. Il fait environ -15 degrés au départ, mais une fois encore, avec un chandail manches longues en mérinos et une légère doudoune en duvet, le froid ne se fait pas sentir. Au contraire, il faut jouer avec l'ouverture de la veste pour éviter au maximum de suer, ce qui avec ces températures, pourrait être dangereux plus tard.

Je suis encore relativement bas en altitude (400m à peu de chose près), mais la nature montre déjà son beau manteau blanc et c'est avec un vrai plaisir que j'attaque la montagne.

Les feuillus laissent petit à petit la place aux sapins. Avec la neige sur leurs branches, ceux-ci semblent avoir agencé un abri pour protéger un animal (ou un randonneur) en cas de mauvais temps...

Quand la nature te montre comment créer  une tente naturelle! 

Un premier lac se présente. Il est légèrement à l'écart du sentier principal et la piste qui y mène est vierge de toute trace. Je n'ai pas vu le moindre randonneur pour le moment et marcher ainsi sur une neige immaculée est un vrai plaisir.

 Le lac Vogel. Pas une trace!

Je rejoins le sentier principal et poursuis ma route jusqu'au lac suivant, le lac Spruce. C'est, classiquement, l'endroit que nous choisissons pour pique-niquer quand nous venons ici avec les enfants en été. Le lac est assez grand, très joli et une belle avancée rocheuse permet de se chauffer au soleil. Aujourd'hui, l'ambiance est très différente et avec la neige et l'eau gelée, difficile de distinguer où se termine la terre et où commence le lac.

L'inconvénient de randonner seul est que personne n'est là pour tenir l'appareil photo... Je ruse en accrochant le cellulaire à un arbre et en lançant une vidéo. Arrivé à la maison, je n'aurai qu'à extraire la photo que je souhaite.

 Au moins, je ne suis pas gêné par les autres promeneurs!

Une fois le lac Spruce dépassé, la pente s'accentue nettement et j'atteins rapidement des altitudes un peu plus intéressantes. La quantité de neige augmente et les sapins ressemblent de plus en plus à des fantômes. Avec le soleil et le ciel d'un bleu profond, c'est féérique.

Mieux vaut ne pas être allergique au blanc! 

Le sentier serpente de manière régulière, et avec le soleil en face, chaque virage offre une encore plus belle vue que le précédent.

Encore un effort, le sommet n'est plus loin. Un beau rocher à "escalader" et je devrais y être. Tiens! Il y a une corde fixée au sol. Quelle drôle d'idée d'installer cette corde si bas... En fait, je me souviens être venu en été. Cette corde au sol est en réalité une main-courante installée à hauteur de hanche pour faciliter la dernière partie de l'ascension. Il faut croire qu'avec 1m de neige, l'installation est moins utile...

Le sommet est atteint! Les arbres sont figés dans leur carcan de glace, c'est magnifique.

Il ne faut pas louper la marche, sous peine de se retrouver 50m plus bas.

La plupart des gens qui viennent au sommet font demi-tour et redescendent par le même chemin. Je décide, quant à moi, de poursuivre la randonnée vers un autre lac à quelques km de là. Le sentier est encore moins emprunté que le précédent et les traces de moins en moins marquées. Je sens que je ne vais pas tarder à chausser les raquettes...

La piste à suivre ressemble à un couloir délimité de part et d'autres par les arbres enneigés et parfois, même le plafond est là.

Bon, je commence à avoir vraiment du mal à progresser avec mes crampons et décide de mettre les raquettes. Il y a, selon moi, 3 intérêts principaux à leur utilisation:

  • sécurité: quand le sentier est en pente descendante et qu'on profite de la neige pour courir, emporté joyeusement par son élan, on peut être amener à regretter de ne pas avoir mis les raquettes, au moment où le pied s'enfonce subitement de 30 cm et que le genou se met à se plier dans le mauvais sens...
  • confort: certes, marcher avec des raquettes peut être fatigant, mais parcourir plusieurs km en s'enfonçant jusqu'aux mollets (voire jusqu'aux cuisses) un pas sur trois, est carrément épuisant.
  • courtoisie: lorsqu'on randonne et qu'on enfonce régulièrement le pied dans la neige, des trous se créent un peu partout sur le sentier et rendent celui-ci relativement désagréable pour les randonneurs suivants (surtout si le sentier gèle entre temps). Marcher avec des raquettes annule presque totalement cet inconvénient et laisse derrière soi un sentier beaucoup plus lisse.
D'excellentes raquettes légères et munies d'un très bon système de fixation : Louis Garneau Black Everest.
Très mal agencée cette forêt. Il faut carrément ramper maintenant, pour passer. 

À l'approche du lac Mohawk, je décide de le contourner par le Sud, histoire d'atteindre la roche Abénakis qui offre un beau panorama sur le sommet que j'ai quitté il y 1h. Apparemment, je suis le premier à faire ce choix depuis un certain temps car il n'y a plus la moindre trace au sol. Je ne vois même pas le sentier et dois chercher les pastilles de couleurs sur les arbres qui délimitent le parcours. À chaque marque jaune, je m'arrête et ne repars que lorsque j'ai identifié le signe suivant. Il n'y a pas une grande distance à parcourir pour atteindre le rocher, mais c'est épuisant.

Il n'y a que mes traces derrière moi. 
 En fait, j'exagère, il y a d'autres traces, mais pas sûr qu'elles me servent beaucoup. Un joli lièvre est passé par là.
Le but est proche, mais ces derniers mètres sont les plus difficiles. 

J'atteins enfin le rocher Abénakis et la récompense vaut largement la sueur.

 Le rocher immaculé, au loin le Round Top.
Juste pour le fun, presque la même photo prise l'été dernier. 

Encore environ 800m en pleine forêt avant de retrouver un sentier balisé et d'atteindre le lac Mohawk.

Je suis déjà venu à deux reprises sur les bords de ce joli petit lac au cours de l'été précédent dont une fois avec les enfants. Il n'est pas très difficile d'accès (environ 1h30 en choisissant bien le stationnement de départ), mais comme la montée est tout de même bien prononcée, ce n'est pas le sentier le plus utilisé par les randonneurs, même en plein été. Nous y avions pique-niqué et profité longuement de l'eau (baignade, pêche à l'épuisette....).

Une nouvelle vue de l'été dernier (vous l'aurez compris...). 

Aujourd'hui, je découvre un lac radicalement différent et me permets même d'économiser un peu de distance en coupant directement à travers l'étendue d'eau (recouverte de glace et de neige bien sûr...).

Je ne suis pas spécialement misanthrope, mais l'absence totale de randonneurs renforce encore le côté magique de cette sortie.

L'Homme qui sort du bois. 
 Seul, seul, seul!

L'endroit, en plein soleil et parfaitement abrité du vent, est idéal pour une pause lunch. Je sors sandwich et soupe Miso (il fait tout de même ben ben frette!).

Après 4h de marche dans la neige, ce break est bien apprécié!

L'heure tourne, il est temps de reprendre la route car l'arrivée n'est pas tout prêt... Le chemin est principalement descendant à présent et la progression est plus rapide. Cependant, il est encore nécessaire de chercher les marques sur les arbres, car la plupart du temps, le sentier n'est pas visible.

L'utilisation de l'application AllTrails est bien pratique puisque je peux télécharger la carte à l'avance et l'utiliser ensuite même en mode avion. Je m'en sers à présent comme un GPS pour me guider lorsque je perds les carrés jaunes de vue.

Une fois arrivé tout en bas du domaine, je dois reprendre un dernier bout de sentier pour remonter d'une centaine de mètres de dénivelé et atteindre la chute du Pékan (et le stationnement). Cette partie montante après la longue descente me scie littéralement les jambes et me paraît bien difficile.

Dernière portion de sentier et la chute au bout. 

Ayé, fini! Je suis bien fatigué, mais extrêmement satisfait par cette fantastique randonnée (environ 16 km pour 800m de dénivelé positif). J'avais de grandes attentes et je n'ai vraiment pas été déçu. Heureusement, j'avais prévu une bouteille d'eau dans la voiture, car ma poche à eau est complètement gelée...

Je reprends la voiture pour rentrer à la maison et devinez quoi... Ce matin, je roulais vers l'Est avec le soleil dans les yeux, donc logiquement, cet après-midi, je roule vers l'Ouest avec ... le soleil dans les yeux.