Carnet de voyage

A l'aventure !

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Par CandC
Camille et Christophe en vadrouille autour du monde
Du 15 mars 2019 au 14 mars 2020
366 jours
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15 - 17 mars 2019

Nous sommes arrivés en pleine nuit dans l’aéroport le plus haut du monde ! L’altitude se fait sentir dès la descente (tête qui tourne, difficultés à respirer), mais ça s’est vite calmé. Après une bonne nuit de repos nous avons passé le premier jour à nous balader dans le centre de la ville. La Paz est une ville très escarpée, accrochée aux flancs d’immenses montagnes, et qui s’apparente à une sorte de marché géant. Partout dans les rues, des stands vendant absolument tout et n’importe quoi (nourriture, électronique et même fœtus de lamas à usage des sorcières aymara), tenus par des « cholitas », ces femmes andines portant jupons superposés, sacs en tissu traditionnel, chapeaux melons et ballerines. La balade est très agréable.

Le deuxième jour, nous prenons de la hauteur en empruntant le téléphérique qui relie les différents quartiers. C’est presque comme un réseau de métro, avec différentes lignes et des correspondances. Nous découvrons alors un panorama extraordinaire sur la ville, montagnes enneigées en toile de fond. Tout en haut, El Alto, une ville indépendante qui surplombe La Paz et où se tient 2 fois par semaine le plus grand marché aux puces d’Amérique du Sud. Après l’avoir traversé, nous terminons la journée à un combat de "cholitas", les mêmes que décrites plus haut mais qui pratiquent le catch entre elles ! Spectacle étonnant et très amusant.

Nous reviendrons à la Paz en fin de séjour en Bolivie, pour l’instant nous partons sur les rives du lac Titicaca, berceau de la civilisation inca !

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18 - 22 mars 2019

Nous arrivons le 18 mars à Copacabana, la principale ville qui borde le côté bolivien du lac (l’autre côté se situe au Pérou). Le trajet de 4h en bus depuis La Paz nous a fait traverser de jolis paysages et notamment des monts enneigés. Pour traverser un détroit vers le lac, notre bus a du monter sur un radeau géant - la débrouille à la Bolivienne.Le lac Titicaca est considéré comme le berceau de la civilisation inca et le lieu de naissance de leurs divinités principales : le soleil et la lune. Très impressionnant au premier regard : on dirait la mer Méditerranée, sauf que nous sommes toujours à 4000m d’altitude.


Copacabana

Après une journée à Copacabana, véritable repaire de rasta argentins, on prend la direction de l’Isla Del Sol, principale ile du lac. Aucun véhicule n’y circule et les habitants y vivent toujours de manière traditionnelle. Habituellement, l’île est bondée de touristes mais nous avons de la chance : nous sommes hors saison, il n’y a quasi personne. Nous passons deux jours à nous balader sur l’île et à profiter de ses points de vue extraordinaires sur le lac et les alentours, cordillère des Andes en toile de fond - les sommets enneigés qu’on peut contempler directement depuis notre lit ! L’une des plus belles vues qui nous ait été donnée de voir dans notre vie.




Isla del Sol

On a aussi profité du séjour pour nous régaler de truite sous toutes ses formes : elles pullulent dans le lac, c’est la spécialité locale. Avant de repartir, retour à Copacabana où nous tombons en plein milieu de la commémoration de la perte de l'accès à la mer de la Bolivie, suite à la guerre du Pacifique contre le Chili (19e siècle)



Nous repartons aujourd'hui pour un grand trajet jusqu’à Uyuni, d’où nous partirons pour une excursion de plusieurs jours dans le plus grand désert de sel du monde. Hâte de vous raconter !


C&C

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23 - 26 mars 2019


On nous avait pourtant prévenus : commencer par la Bolivie, c’était s'offrir les plus beaux paysages de la planète en guise d'ouverture. Mais impossible d’imaginer ce qui nous attendait pendant ces 3 jours d’excursion dans le désert bolivien. Un voyage fort en émotions auxquelles les photos ne rendront pas totalement justice… mais reprenons depuis le début ;) 








Nous rejoignons la ville d’Uyuni au terme d’une nuit dans le bus (super confort : les sièges s’incline comme des lits !). C’est une ville étrange, aux airs de far west, qui sert principalement de point de départ aux voyageurs pour explorer la région. Elle se situe en plein désert, sur les hauteurs de l’Altiplano - ce très haut plateau partagé entre la Bolivie, le Pérou et le Chili, à 4000m d’altitude en moyenne.



Nous partons le lendemain pour une excursion de 3 jours avec un super groupe : nous sommes 6 jeunes français / anglais / allemands aux âges et profils similaires, accompagnés de notre guide bolivien Edgar, et de son 4x4 Toyota. Direction le Salar d’Uyuni, immense désert de sel (une mer qui s’est asséchée il y a des millions d’années). L’immensité blanche permet de jouer avec les perspectives, et une partie du désert est inondée à cette partie de l’année. Une fine pellicule d’eau reflète le ciel, les montagnes à l’horizon et nos silhouettes. C’est surréaliste, et on s’en amuse bien en photo. Un peu plus tard, le coucher de soleil sur le salar nous offre des couleurs incroyables.




Nous passons la nuit dans un hôtel rudimentaire dans le désert, construit intégralement en sel. Le lendemain matin, nous partons pour le Sud Lipez, autre région désertique dans le Sud de l’Altiplano, près des frontières. Toute la journée, nous roulons sur des pistes cahoteuses (ambiance Paris-Dakar, d’ailleurs le rallye est passé plusieurs fois dans la région depuis 2016) et nous arrêtons pour observer des vues plus incroyables les unes que les autres :  Une ligne de chemin de fer traversant une vallée. Des lagunes colorées où se nourrissent les flamants roses. Des volcans roses.  Des troupeaux de lamas et d’alpagas sauvages. Un arbre de pierre fouetté par les vents. Des geysers de boue et de fumée. Nous en prenons plein les mirettes, le tout avec le vent glacial et incessant de l’Altiplano.

Nous finissons la journée dans un hôtel rudimentaire, mais qui nous offre une vue imprenable sur le lever de lune… Et en contrebas, des sources chaudes (35°) dans lesquelles nous nous baignons de nuit, sous les étoiles, alors que règne dehors un froid glacial. Pas de pollution lumineuse ici : la voie lactée s’étend très distinctement au dessus de nos têtes. Pas de photos, mais un souvenir mémorable, toujours avec notre petit groupe avec lequel nous avons bien rigolé.





Prochaine étape : Potosí, ville construite sur une mine d’argent, qui fut autrefois la capitale latino-americaine de l’Empire Espagnol avant de tomber dans le déclin le plus total… De nouvelles aventures !


C&C

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27 - 29 mars 2019


Retour en ville après l’immensité de l’Altiplano. On se balade dans le centre de Potosí, l’une des villes les plus hautes du monde (4070m d’altitude en moyenne), on découvre ses ruelles escarpées, son architecture coloniale, ses balcons, son marché, ses très nombreuses églises. La ville est bien plus tranquille que La Paz, il fait bon y flâner. 


Partout dans la ville, on peut apercevoir une immense montagne rouge : c’est le Cerro Rico (« montagne riche »). A l’intérieur, de l’argent, du zinc, du plomb et autres ressources minérales qui lui valent d’être exploitées depuis le 16ème siècle. Il renfermait même tellement d’argent que Potosí fut un temps la ville la plus peuplée du monde, attirant les chercheurs de fortune et arrosant en pièces d’argent l’ensemble de l’Empire espagnol. On fait d’ailleurs un tour à la Casa de la Moneda, immense bâtiment colonial où la monnaie fut frappée pendant des siècles - la visite est passionnante.


La cour de la Casa de la Moneda

L’autre moment fort de notre séjour à Potosí fut la visite des mines (toujours en activité) qui ont fait en leur temps la richesse de la ville. On n’y trouve plus vraiment d’argent, ou rarement, mais des milliers de mineurs continuent d’y descendre quotidiennement pour en extraire les autres minerais. On s’adresse à une agence tenue par les mineurs eux-mêmes ; seuls touristes ce jour-là nous partons en tour privé avec Betto. Il a 32 ans, vient d’une famille de mineurs et a commencé à y travailler à l’âge de 11 ans. Intelligent et drôle, il nous fait descendre dans l’un des tunnels en nous racontant son quotidien. D’un côté, c’est Germinal en 2019 : on croise quelques mineurs qui travaillent au piolet et transportent jusqu’à 8 tonnes de gravats par jour dans des brouettes, la plupart d’entre eux attrapent des maladies des poumons rapidement. De l’autre, c’est une histoire d’émancipation : les mineurs travaillent en coopératives et sont donc leurs propres patrons, ils s’organisent comme ils l’entendent, et peuvent gagner beaucoup d’argent… si seulement ils trouvent le bon filon. Ce fut donc une expérience très particulière, mais très intéressante, et notre guide Betto y était pour beaucoup - il nous a même montré le Tío, sorte de dieu protecteur de la mine, une statue souterraine au pied de laquelle chacun dépose des offrandes.


Adios Potosí, prochaine étape : Sucre.

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29 mars - 1er avril 2019



Sucre (prononcer « soucré ») est la capitale constitutionnelle de la Bolivie (comprendre, l’ancienne capitale). Elle est réputée pour être l’une des plus belles villes d’Amérique du Sud. On tombe vite sous le charme !

D’abord en découvrant la jolie petite cour de notre hôtel, très justement baptisé « La Dolce Vita ».


Ensuite en parcourant ses jolies rues blanches sous le soleil - nous sommes descendus en altitude (2.500m environ), il fait beau, les températures commencent à se réchauffer. La ville nous semble beaucoup plus familière que les précédentes, plus européenne. On visite un couvent sur les hauteurs, on traine sur la place principale, on grimpe en haut d’une Tour Eiffel miniature...


... mais surtout, on passe beaucoup de temps au marché central. Le lieu est immense, très agréable, on y trouve de tout - mention spéciale pour les jus frais, les salades de fruits gourmandes et les chirimoyas, délicieux fruit local. 

Passion fruits du marché


Dernière visite avant de repartir : le musée des arts indigènes où l’on trouve de superbes tissus. Chaque style et chaque motif portent une signification particulière.

Trois jours de balades et de lectures dans le hamac de l’hôtel : une halte reposante.

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2 - 4 avril 2019


Nous continuons à descendre en altitude jusqu’à Samaipata (1200m), un village dans les contreforts des Andes, à l’entrée de la jungle. Les guides le décrivent comme un village de hippies, et c’est vrai que beaucoup d’étrangers en sarouel y ont élu domicile. Le bus nous dépose aux aurores (3h du matin !) et nous rejoignons notre hostel. Là encore, on a de la chance, le lieu est en pleine nature, avec un restaurant en extérieur et un jardin où deux perroquets ont élu domicile. En plus les propriétaires sont très sympathiques et de bon conseil.


Arrivée aux aurores

Samaipata sera notre point de départ pour explorer le parc national d’Amboro et le site inca d’El Fuerte. Sur le chemin d’El Fuerte, nous rencontrons Benito, notre chauffeur de taxi, qui nous propose de jouer les guides le lendemain dans le parc national. En attendant l’excursion, on découvre le site qui servait à la fois de lieu de culte et de centre administratif aux Incas jusqu’au 15ème siècle, à l’arrivée des Espagnols. Un peu difficile de se projeter dans ces ruines, mais la balade est agréable et nous sommes seuls au monde.

Le lendemain, nous rencontrons au petit-déjeuner une touriste belge que son guide pour le parc vient de laisser tomber. On embarque donc Sarah avec nous, dans le taxi de Benito. Le chauffeur se révèle être un guide hors-pair, qui connaît le parc Amboro et sa végétation comme sa poche, grâce à son père. La randonnée de quatre heures nous mène d’abord au coeur d’une forêt de fougères géantes, dont certaines ont plus de 1000 ans, puis tout en haut d’une montagne : la vue est superbe. Seule la moitié du parc a été explorée à ce jour, il faut dire qu’on y croise des ours, des jaguars et autres serpents dangereux.

Sur le retour, nous nous arrêtons aux Cuevas, des cascades qui nous offrent notre premier bain du voyage ! On y rencontre une famille bolivienne qui nous invite à se joindre à eux pour quelques parties de « cuchillo » dans l’eau, un jeu de conquistador paraît-il. 

Nous repartons le soir même en taxi partagé pour la plus grande ville de Bolivie : Santa-Cruz-de-la-Sierra.

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4 - 8 avril 2019


Santa Cruz est la capitale économique de la Bolivie, la ville la plus peuplée ; elle est aussi très différente des villes que nous avons traversées jusque là. Un plan concentrique, des rues en quadrillage qui se ressemblent toutes, peu de points d’intérêts touristiques, et une population plus cosmopolite (on est près du Brésil). Il est censé régner une chaleur étouffante dans cette ville tropicale, mais nous arrivons un jour de pluie battante et il fait quasiment froid ! La première impression n’est pas la meilleure mais heureusement, nous avons des contacts sur place.



Une copine de Camille a grandi à Santa Cruz et nous rencontrons dès le lendemain deux de ses amis : Abraham et Soraya, qui nous accueillent comme des rois. L’occasion de les suivre au restau et de goûter sur leurs conseils toutes les spécialités du coin - dont des nuggets d’alligator ! On passe une très bonne soirée avec eux. Ils nous invitent même le lendemain à une fête qu’ils organisent (bon, on repassera sur la musique, mais c’était notre toute première sortie depuis notre arrivée en Bolivie !)


Quand le soleil revient, nous découvrons Santa Cruz sous un nouvel angle. A quelques mètres de notre hostel, la place principale fourmille à toute heure, les gens y traînent en famille sur les nombreux bancs, mangent de la street food, écoutent de la musique, l’ambiance est très agréable. On en profite pour monter en haut du clocher de la cathédrale au soleil couchant.



Le dimanche après-midi, nous nous éloignons du centre pour explorer les bords du Rio Pirai, un fleuve qui passe en bordure de la ville. C’est un dimanche typiquement bolivien : les familles se baignent dans le fleuve avant de s’installer pour boire, manger et écouter de la musique dans les dizaines de « cabanas » alentour. On boit une bière en plein milieu, face à la fanfare Banda Limon (les boliviens sont friands de fanfares, on en croise quasiment tous les jours. D’ailleurs, au moment où on vous écrit, on en entend une autre par la fenêtre !)

Fin de séjour à Santa Cruz le lundi, nous partons pour 18h de bus de nuit qui doivent nous ramener à notre point de départ, La Paz !

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9-14 avril 2019


Nous voici de retour à La Paz, capitale du pays, un mois après notre arrivée. C'est ici que nous passons notre dernière semaine bolivienne plutôt tranquille, dans une chambre d'hôtel charmante en plein cœur du centre historique et avec une vue magnifique sur les hauteurs de la ville.


Nous passons l'essentiel de cette semaine à explorer plus en profondeur la ville, sa gastronomie...

... et surtout à faire du reportage ! D'un côté notre série documentaire sur la fête et les scènes musicales dans le monde pour Radio Nova, de l'autre notre projet personnel d'aller à la rencontre des radios locales et communautaires à travers le monde.


Anibal (encore un ami d'Ira, la copine bolivienne de Camille) un DJ et organisateur de soirées nous sert de guide pour la première partie. Il nous amène notamment à une soirée dans la maison de l'artiste contemporain Mamani Mamani, un grand peintre bolivien qui se réapproprie et revisite l'imagerie et la tradition aymara. L'occasion de goûter aussi à un plat traditionnel de fin de soirée dans les rues de La Paz : du cœur de bœuf grillé avec une sauce cacahuète !

On suit aussi en reportage Maria Galindo, une journaliste de la radio féministe "Radio Deseo". Le sujet est passionnant (la situation des femmes en Bolivie est très alarmante) mais on passe un très mauvais moment avec elle. Elle est odieuse avec nous car "nous sommes des Européens", donc privilégiés, elle voit dans notre documentaire une démarche néocolonialiste (!) Et nous reproche de ne servir à rien contraiment à elle qui sauve des vies de femmes... C'est un peu dur à encaisser et il faut ravaler son égo mais ça fait un super reportage !

Seule visite de cette semaine : le Vale de la Luna, une vallée à la sortie de La Paz, totalement lunaire comme son nom l'indique !

Il est temps de rejoindre Rio de Janeiro, au Brésil, pour continuer notre périple. Fini le plateau andin, bonjour la chaleur et l'humidité tropicale. Fini l'espagnol que l'on commençait à bien maîtriser, bonjour le portugais ! Notre avion décolle à 4h30 du matin... Adios Bolivia, hasta luego.

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15 - 20 avril 2019


Enfin le soleil, la mer, la chaleur ! La communication en portugais s'avère vraiment difficile (et les Brésiliens parlent très peu espagnol et anglais). Nous sommes aussi un peu stressés par la sécurité à notre arrivée, car on nous a largement prévenus sur les problèmes de violence à Rio (spoiler : il ne nous est rien arrivé du séjour ! Tout s'est très bien passé !). Disons qu'à Rio, il y a quelques règles à respecter : rester dans des rues animées avec du monde, ne pas afficher de bijoux ou de biens de valeur dans la rue, prendre des taxis une fois la nuit tombée... Il y a en effet plus de 1000 favelas (les bidonvilles brésiliens) en plein cœur de la ville et d'importantes inégalités économiques.


Une fois intégrée cette question de sécurité, Rio est une ville absolument formidable. Une mégalopole extrêmement diverse, métissée, avec une vie culturelle intense, magnifique car construite au milieu de la jungle et des collines, le tout au bord de l'océan avec des plages à perte de vue.

Nous passons la première partie de notre semaine carioca dans un petit hôtel très sommaire mais extrêmement bien placé, à deux pas de la très chic plage d'Ipanema, à côté de la très célèbre plage de Copacabana (non, pas Copacabana en Bolivie, l'autre). Nous profitons de la plage, de l'eau de coco, et de grandes balades à pieds ou à vélo, en bord de mer, autour du lac ou dans la jungle (la forêt de Tijuca, dite la "petite Amazonie")...

Le centre ville de Rio n'a que peu d'intérêt (un mélange de Manhattan et de Barbès, entre grands building et vendeurs à la sauvette), si ce n'est pour sa cathédrale retro-futuriste, une pyramide de béton construite dans les années 60. Nous prenons le petit tramway jaune qui nous mène au quartier de Santa Teresa, le "Montmartre" carioca, un très joli quartier bohème coloré niché sur une colline.

Rio, c'est aussi (et peut-être surtout) la fête, la danse et la samba. C'est vraiment tous les soirs la fête de la musique dans les rues. Nous arpentons les rues de Lapa, le quartier festif, où le monde envahit la route pour danser au rythme des groupes en live qui sont installés devant chaque bar. Nous passons aussi notre samedi soir en compagnie de Bernard, (un brésilien ami d'un ami à nous), qui nous fait découvrir d'autres fêtes samba à même la rue. L'ambiance est incroyable : tout le monde danse et chante par cœur les standards de la musique brésilienne. Nous decouvrons également les plaisirs de la caïpirinha, LE cocktail national que l'on trouve partout pour quelques reals (même sur la plage. On a d'ailleurs oublié de vous parler de ces vendeurs ambulants qui vendent de tout sur la plage : caïpi, fromage grillé sur des mini barbecue, maillots de bains...). Cachaça, sucre et fruit au choix (on vous recommande fruit de la passion !)

En fin de semaine, on change d'hôtel pour opter pour une charmante auberge dans les hauteurs de Copacabana et dont la maison a été construite par le grand architecte Oscar Niemeyer ! La vue sur la baie est imprenable.

Pour mieux comprendre la complexité de Rio, nous decidons de prendre une visite guidée dans une favela. Sur les 1000 favelas de Rio, 40 sont pacifiées, c'était a dire contrôlées par la police. C'est dans la plus grande, Rocinha (100 000 habitants) que nous suivons notre guide pour une visite en toute sécurité ! Ces favelas pacifiées (essentiellement dans les zones touristiques au sud, et autour du stade de football Maracana) l'ont été au moment de la coupe du monde de football en 2014 et des jeux olympiques. Une unité spéciale de la police y fait un travail d'assistance sociale au-delà de sa mission de lutte contre la criminalité. On y découvre l'architecture anarchique, les raccordements sauvages à l'électricité, l'animation assez agréableques ruelles...

Nous ne pouvons bien sûr pas rater l'ascension (en train) au sommet du fameux Corcovado, pour découvrir le Christ rédempteur qui surplombe la ville de ses bras en croix, mais surtout pour contempler la vue panoramique sur toute Rio et sa baie. Au loin, l'autre sommet, le "Pain de Sucre". La meilleure façon de dire au revoir à Rio de Janeiro !

Le dimanche, nous prenons un bus puis un bateau pour la Ilha Grande, une île paradisiaque entre Rio et Sao Paulo !

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21 - 26 avril 2019


À la recherche d’une pause nature entre Rio et São Paulo, c’est à Ilha Grande que nous avons posé nos valises (enfin, nos sacs à dos) pendant une petite semaine. « La Grande Ile » - littéralement - se situe à une petite heure de bateau du continent.

Notre point de chute s’appelle Abraão. C’est le seul véritable village de l’île, une petite bourgade agréable aux nombreux bars et restaurants. Notre hôtel est quasi vide, nous avons pour seuls voisins les colibris qui y ont élu domicile !

Au programme de la semaine : plage et marches à travers la forêt tropicale. Aucun véhicule ne circule à Ilha Grande, c’est donc à pied et en bateau que l’on se balade, explorant chaque jour une nouvelle plage paradisiaque - l’île en compte des dizaines.

Le repos le plus total avant le retour dans la jungle urbaine !

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26 - 30 avril 2019


Après les plages paradisiaques, nous voici dans la jungle urbaine de São Paulo et ses 12 millions d’habitants… la capitale économique du pays, une ville réputée sans charme, symbole de la cité capitaliste sans histoire et sans patrimoine, un océan de buildings où les businessmen côtoient la plus grande misère.

On réalise sur place que cette ville tentaculaire s’articule surtout en quartiers radicalement différents - ambiance La City sur l’avenue Paulista, maisons richissimes dans Jardim, un poil plus glauque dans le centre laissé à l’abandon, très pauvre dans les favelas périphériques… Le tout relié par des autoroutes urbaines à côtés desquelles le périph parisien passerait presque pour un petit chemin bucolique.

Nous étions logés chez des amis dans les quartiers cools de Villa Madalena et Pinheiros. Street art, petites boutiques et bars branchés : les rues avaient quelque chose de très familier pour nous (beaucoup plus que Rio), comme un air de Brooklyn ou de Londres. On se verrait presque y vivre !

Découvrir la ville avec des Paulistanos lui donne forcément un tout autre goût. São Paulo est un vivier culturel probablement incomparable en Amérique latine. Alors nous maintenons le rythme d'un bon restaurant et d'un musée par jour !


São Paulo propose une offre pléthorique en termes de musées, notamment en photo, en art moderne et contemporain. Mention spéciale pour l’artiste Tarsila do Amaral, peintre qui fut l’élève de Fernand Léger à Paris et qui mêle le style de l’avant-garde européenne des années 20 à l’esthétique populaire brésilienne.

Nous goûtons aussi la gastronomie du quartier japonais Libertade ("Little Tokyo"), puisque la ville accueille la plus grosse communauté de Japonais installés à l'étranger.

Le dimanche, nous nous plongeons dans la délicieuse animation de l'Avenida Paulista, les Champs Elysées locaux, qui sont fermés à la circulation une fois par semaine et se transforment en immense marché artisanal et déambulation-spectacle sur plusieurs kilomètres. Les Paulistanos l'investissent massivement pour faire de la musique, du vélo et danser dans tous les sens.

Au final, nous avons adoré São Paulo !

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1er - 2 mai 2019


Dernière étape dans le Sud du pays avant de filer vers le Nordeste, sur les conseils de nos amis de São Paulo : Inhotim.

Comment qualifier cet endroit hors du commun ? À quelques dizaines de kilomètres de Belo Horizonte, au coeur du Minas Gerais (État industriel et agricole), Inhotim est le plus grand musée d’art contemporain à ciel ouvert du monde, et c’est bien réducteur de le présenter ainsi.

100 hectares de jardin botanique tropical, au milieu d’un parc naturel, parsemé d’oeuvres d’art monumentales, d’installations interactives et de pavillons magistraux qui font office de galeries. Il nous a fallu 2 jours pour explorer tout le parc. On se balade à pieds d’oeuvres en oeuvres, entre les palmiers, les cactus et les lacs artificiels. Juste génial.

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3 - 5 mai 2019


1h d’avion plus tard, nous voici à Salvador ! La capitale de l’état de Bahia et de l’immense région du Nordeste. Une ville très noire, marquée par la culture des esclaves arrivés d’Afrique à partir du 16e siècle pour cultiver principalement la canne à Sucre. On y pratique le candomblé, religion qui mélange catholicisme, croyances africaines et rites indigènes. La musique, la nourriture, les traditions y sont très spécifiques, mais c’est aussi une ville pauvre, tombée dans le déclin en même temps que le cours du sucre.

Le premier jour, nous parcourons le Pelourinho, quartier historique, ainsi nommé car s’y trouvait le pilori, lieu de punition publique pour les esclaves. C’est un quartier aux maisons coloniales multicolores et aux églises baroques surchargées, une sorte de quartier-musée façon Montmartre, néanmoins quasi désert quand nous le découvrons. On s'arrête devant un orchestre de percussions typique de la région, puis on grignote un acarajé, une sorte de sandwich à la crevette fait dans beignet de haricots : la street food locale est épicée !

Le Pelhourino est relié à la ville basse par un immense ascenseur public qu’on emprunte avant de profiter du coucher de soleil - c’est rare au Brésil où la côte est entièrement tournée vers l’Est, mais Salvador a une situation particulière, à la pointe d’une immense baie.

Le lendemain, direction la plage ! Sur la petite plage bondée, nous louons des transats comme tous les brésiliens le font, et observons le spectacle. Autour de nous, ça mange, ça boit, ça chante, ça danse, ça se chamaille pendant tout l’après-midi. On en oublierait presque de se baigner...


A Salvador, on aura aussi goûté un peu de l’ambiance nocturne : dans les bars et clubs de Rio Vermelho, quartier où se trouve notre hostel, groupes lives et DJs se relaient toute la nuit !

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6 - 12 mai 2019


Si on vous a parlé d’« île paradisiaque » à propos d’Ilha Grande visitée un peu plus tôt, il est l’heure de réviser notre jugement. Le véritable paradis, c’est à Boipeba qu’on l’a trouvé.

Une île sur laquelle on s’est retrouvés un peu par hasard : au départ, c’est Morro de São Paulo que nous visions (rien à voir avec la ville, cette jolie île touristique se situe dans la région de Salvador). Mais aucun hébergement ne semblait nous convenir... C’est alors qu’on a repéré sa voisine, l’île de Boipeba, décrite en trois petites lignes par notre guide comme un bout du monde difficile à atteindre. Trois lignes à peine, mais qui ont suffi à nous donner envie : on y réserve un hôtel pour deux nuits, et c’est parti !


Pour atteindre Boipeba, il faut en effet faire preuve de patience : d’abord un ferry depuis Salvador, puis un trajet en bus, enfin nous empruntons un tout petit bateau à moteur pour une bonne heure de trajet à travers la mangrove. Un superbe coucher de soleil et déjà l’impression de s’éloigner de toute civilisation... jusqu’à atteindre Boipeba.

Sur place, nous découvrons un village certes isolé, mais très vivant. À la nuit tombée, les habitants rentrent chez eux en taxi quad ou à cheval, les ados se retrouvent dehors pour écouter de la musique, les (nombreux) enfants jouent pieds nus dans les rues en sable (pas de goudron sur Boipeba), les familles se rendent à la messe évangéliste. Nous réalisons vite que nous sommes quasiment les seuls touristes. Impression confirmée quand nous partons le lendemain à l’assaut des plages ! Soleil, sable blanc et cocotiers : nous sommes seuls au monde sur des étendues de plusieurs kilomètres de long.

Désolés si on en fait trop sur les cocotiers

Et pour ne rien gâcher, à Boipeba, on mange bien !

On décide vite de prolonger le séjour pour rester une semaine entière. Au programme : balades, baignades, excursion en bateau, siestes dans des hamacs... - le paradis, on vous a dit.

Même les deux jours de pluie battante ne gâcheront cette semaine hors du temps !

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13 - 16 mai 2019


Nous continuons de remonter vers le nord du Brésil, et nous voici arrivés pour une courte étape de 3 jours à Recife, une ville immense qui est à la fois la capitale de l'État du Pernambuco et l'extrémité Est du pays. Cahotique et plutôt délabré, le centre de Recife ne présente pas d'intérêt particulier, malgré quelques restes d'architecture coloniale en mauvais état. Pour être tout à fait honnêtes, nous n'avons pas beaucoup aimé cette ville, où le piéton n'a pas vraiment sa place, et où la chaleur se fait écrasante. On la surnomme soit-disant la "Venise du Brésil", une réputation largement surfaite en raison de deux bras de fleuve formant une île au centre-ville et de quelques canaux qui sont pour l'essentiel des égouts à ciel ouvert offrant à la ville une odeur persistante.

Rhabillée pour l'hiver, Recife nous a néanmoins offert un agréable séjour, et nous avons trouvé de quoi satisfaire notre curiosité.

Son bord de mer (avec ses... récifes !) offre de très belles perspectives et vaut le détour, bien qu'il soit vivement déconseillé de se baigner en raison de la présence de requins.

Récife abrite aussi l'oeuvre monumentale et excessive d'un artiste obsessionnel, pour ne pas dire obsédé : Francisco Brennand. Fil d'un riche industriel, Francisco Brennand a réhabilité l'usine de céramique familiale en véritable musée consacré à son propre travail. Nous découvrons ainsi à l'Oficina Ceramica l'oeuvre d'un homme qui depuis près de 90 ans accumule les sculptures en céramiques aux références religieuses, mythologiques, mais surtout aux formes toujours très suggestives... Rassemblées dans son jardin, dans des galeries ou sous forme de véritables temples, les sculptures de Francisco Brennand forment un univers totalement loufoque qui questionne à sa façon "l'origine du monde".

Dernière étape de notre séjour en terre de Pernambuco : la ville voisine d'Olinda. Et là, c'est un changement d'univers complet. Bien qu'Olinda touche Recife (c'en est presque un quartier), nous sommes bien loin des immenses avenues déshumanisées et des gratte-ciel délabrés. Olinda est considérée comme un des joyaux du Brésil, et son architecture coloniale colorée est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Vallonné, la ville offre de très belles vues sur Recife, sa mer et ses récifes. On y trouve un très ancien couvent Franciscain, d'autant plus charmant qu'un peu en ruine. Les murs de son cloître, de ses chapelles et de sa sacristie sont recouverts de superbes azulejos, cette faïence baroque bleue portugaise où sont illustrées des scènes de la vie monastique et de la Bible.

Bien que, victime de sa beauté, Olinda soit devenue une "ville-musée" comme peut l'être Montmartre, ses ruelles ne nous en ont pas moins offert une escapade très agréable, si proche et si loin des tours defraîchies de Recife.

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17 - 22 mai 2019


Toujours plus vers le Nord : de Recife, nous avons rallié une autre grande ville, Fortaleza, qui sera notre point de départ pour rejoindre Jericoacoara.

Il y a 40 ans, Jericoacoara n’était encore qu’un tout petit village de pêcheurs difficile d’accès, perdu entre les dunes. Quelques hippies voyageurs le découvrent dans les années 80... jusqu’à ce que le Washington Post l’intègre en 1994 à son classement des 10 plus belles plages du monde. Depuis, Jericoacoara n’a plus rien d’un secret. Pour aller constater ça par nous-mêmes, un long chemin nous attend, dont la dernière partie se fait uniquement en 4x4, à travers dunes.


À l’arrivée, nous découvrons un village charmant quoique très (trop ?) touristique (on est bien loin de la paisible Boipeba!). Les ruelles sont en sable blanc, on y croise des buggys et des ânes sauvages, les restaurants et boutiques de touristes se succèdent, la plage très animée est parsemée de transats et bars à caïpis ambulants. Chaque soir, les touristes affluent sur une immense dune en lisière de village, la Duna Por Do Sol, pour admirer coucher du soleil. On y retournera chaque soir, pour un spectacle toujours différent.

Nous sommes en basse saison (il pleut régulièrement) et pourtant Jeri nous semble déjà bondé ! On réalisera pourtant vite qu’il suffit de 5 petites minutes de marche pour se retrouver loin de tout. La deuxième plage de Jeri est quasiment vide, à peine fréquentée par quelques surfeurs. En poussant encore plus loin, on découvre une succession de plages rocailleuses qui nous fait penser à la Bretagne, et on n’y croise absolument personne !

Le séjour sera aussi l’occasion de participer à une excursion dans les dunes alentours. Des lagunes d’eau de pluie s’y sont formées comme à chaque saison humide. On s’y baigne en profitant des toboggans, tyroliennes et autres hamacs immergés : un vrai parc d’attractions ! Les trajets se passent à bord d’un buggy, sensations garanties.

Mais pendant cette excursion se développe peu à peu un sentiment amer... Les touristes autour de nous - de riches brésiliens pour la majorité d’entre eux - sont happées par la quête de la meilleure photo Instagram et en oublient presque de profiter de la journée. Chacun fait la queue pour sa photo dans le hamac, sa photo dans la balançoire, sa photo devant le fameux rocher troué... Tout est tourné autour des réseaux sociaux et du divertissement, alors que nous sommes au sein d’un superbe parc naturel. C’est aussi ça que l’on découvre à Jericoacoara : un tourisme de masse à l’heure des réseaux sociaux, qui nous déplaît et nous met mal à l’aise... Mais qu’importe : les paysages n’en sont pas moins superbes et il ne faut pas chercher bien loin pour s’éloigner de la foule !

Prochaine étape : d'autres dunes de sable, mais beaucoup plus sauvages !

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23 - 25 mai 2019


Après quasi 2 semaines coupés du monde au fin fond de l’Amazonie (on vous racontera ça bientôt), il est l’heure de rattraper le retard accumulé sur MyAtlas !


Remontons donc le temps jusqu’au 23 mai. C’est à cette date que nous sommes arrivés à Barreirinhas, notre point de départ pour explorer les Lençois Maranhenses (littéralement, les draps du Maranhão, l’état où nous nous trouvons). Ce parc national brésilien fait partie des rares étapes arretées avant même notre départ. Un désert de sable blanc parsemé de lagunes d’eau de pluie, où Camille rêve de se rendre depuis bien longtemps.

Nous avions eu un premier aperçu d’un paysage dunes-lagunes à Jericoacoara, mais le site des Lençois n’a pas grand chose à voir avec le « parc d’attraction » qu’était Jeri (cf post précédent). Il se distingue déjà par son envergure : des dunes et des lagunes à perte de vue, sur 1500km2. Ensuite par son statut de parc national : les entrées sont contrôlées et le nombre de touristes limité. Ici, pas de toboggans géants mais un vrai souci de préservation de la nature.


Nous avons la chance d’arriver à la fin de la saison des pluies : les lagunes sont remplies à leur maximum. Chaque année, l’eau s’accumule pendant 6 mois avant de s’évaporer totalement pendant les 6 mois suivants. Le phénomène est rendu possible par la pierre imperméable qui se trouve sous le sable.

Les photos ne rendent pas justice à la beauté et à l’étrangeté de ce paysage. Toute la journée, jusqu’au coucher du soleil, nous nous sommes baladés de dunes en dunes et rafraîchis dans l’eau cristalline des lagunes. Un rêve !

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25-26 mai 2019


Une étape courte, malheureusement trop courte. Nous n'avions prévu qu'une nuit-étape dans cette petite ville proche des Lençois. Impossible de rester plus longtemps, car un avion nous attendait à Belém pour rejoindre Manaus, la capitale de l'État d'Amazonas. Dommage, car notre découverte de São Luis fut une très belle surprise, et nous aurions bien profité de son atmosphère si particulière quelques jours de plus...

São Luis est une petite ville coloniale dans l'État du Maranhão, hors des sentiers touristiques. Fondée par les Français (d'où son nom "Saint-Louis"), chose rare au Brésil, la ville est finalement tombée entre les mains des Portugais.

L'atmosphère si particulière de São Luis tient d'abord à son architecture : un centre historique colonial qui tombe en quasi-ruines, et où la végétation tropicale reprend le dessus sur les bâtiments. Si la végétation est si luxuriante, c'est parce que nous commençons à quitter la région du Nordeste du Brésil pour nous rapprocher de l'Amazonie, et cela se ressent de l'atmosphère moite de Saõ Luis. Mais cette décrépitude et ce combat de la nature pour reprendre ses droits donne à la ville un charme unique.

Entre deux bâtiments délabrés, on découvre aussi les fameux azulejos de la ville, ces carreaux de faïence portugais qui recouvrent les façades et contribuent à leur charme.

Saõ Luis, c'est aussi la capitale brésilienne du reggae ! Importé par des marins jamaïcains, la musique rythme la ville et retentit à chaque coin de rue. Cette ambiance décontractée et festive est aussi l'un de notre grands coups de cœurs : bien qu'en ruines et en marge de l'économie du tourisme, la ville vit et vibre. Il y a du monde partout sur les places et dans la rue : concerts et marché la journée ; concerts, danse et cachaça le soir...

Enfin, si notre cœur a flanché pour Saõ Luis, c'est aussi à cause de la maison d'hôte (la "pousada" en brésilien) où nous avons séjourné. Un ancien marin danois y a posé ses valises après des années à bourlinguer. Marié à une brésilienne, il a magnifiquement rénové une somptueuse demeure coloniale et nous a merveilledement bien accueillis. Cour intérieure avec piscine et arbres tropicaux, coursive en mezzanine autour de la cour, ornée d'un alignement infini de volets pour se protéger de la chaleur, lit à baldaquin. Nous étions les rois des tropiques !

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27 - 31 mai 2019


Une (nouvelle) nuit de bus plus tard… Nous voici aux portes de l’Amazonie ! Belém est la capitale de l’état du Para. Elle est située à une centaine de kilomètres de l’Atlantique, dans le delta de l’Amazone, là où l’immense fleuve rejoint l’océan. C’est une ville très humide : il y pleut tous les jours, sans exception, sur les coups de 16 ou 17h - juste avant le coucher du soleil. Pendant l’averse, les trottoirs sont inondés et toute la ville semble s’arrêter. La vie reprend à la tombée de la nuit, dans une atmosphère enfin rafraîchie, permettant aux habitants de se retrouver à même le trottoir autour de quelques bières et de street food locale.

Comme beaucoup de villes brésiliennes, Belém est assez défraîchie, ses immeubles semblent rongés par l’humidité. Mais son centre présente quand même quelques points d’intérêt et notamment son très bel opéra, le Teatro Da Paz, construit à la fin du 19e siècle par la bourgeoisie locale, qui a fait fortune sur le commerce du caoutchouc. Un bâtiment néo-classique très luxueux comme on peut en voir à Paris, sorti de nulle part en pleine Amazonie.

À Belém comme dans le reste de l’Amazonie, la nature est luxuriante. Deux jardins-zoos nous ont permis de nous familiariser avec la faune et la flore locale : oiseaux, jaguars, tortues, arbres étranges et plantes inconnues…

Pour s’échapper une demi-journée, il suffit de prendre un bateau taxi. En 15 petites minutes, nous voici arrivés à l’Ilha do Combu, une petite île du delta amazonien. Là, nous avons pu goûter le délicieux cacao produit localement et faire bronzette au bord de l’eau en profitant de la vue sur les immeubles de Belém.

Mais avant tout, notre séjour à Belém fut une expérience culinaire : la richesse de l’Amazonie, c’est aussi sa gastronomie ! Jamais nous n’avions goûté autant d’aliments inconnus en si peu de temps. Une balade dans le marché de Ver-o-Peso (l’un des plus grands d’Amérique Latine paraît-il) permet d’avoir un bon aperçu des étranges fruits, légumes et plantes consommés dans la région : Graviola, Muruci, Acerola, Cupuaçu, Bacuri, Tapereba. Le plus étonnant est peut-être le jambu, une herbe aromatique piquante à l’effet anesthésiant très particulier ! Apparemment, elle serait aussi consommée dans l’océan indien et notamment à la Réunion sous le nom de « brèdes mafanes ». Au Brésil, on la retrouve dans le tacacá, une soupe de crevettes au goût indescriptible, ainsi que dans la cachaça jambu que nous avons testée sous toutes ses formes.

À Belém, nous avons également goûté le pirarucu, un poisson géant de l’Amazone à la chair très tendre, ainsi que le fameux poisson frit accompagné d’une soupe d’açai. Considérée comme un « superfruit », cette baie violette au goût amer et aux grandes propriétés nutritives est très consommée par les indigènes.

Et comme Christophe n’avait toujours pas eu assez de jambu, il s’est offert avant de partir un risotto au canard assaisonné de l’herbe anesthésiante : le meilleur du Sud-Ouest et de l’Amazonie réunis !

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31 mai - 7 juin 2019


Nous arrivons en avion à Manaus, capitale de l'État d'Amazonas et immense ville de 1,7 millions d'habitants en plein cœur de l'Amazonie. Une ville curieuse, zone franche servant de camp de base pour le développement industriel en Amazonie. Et qui sera notre port de départ pour l'expédition en bateau sur le fleuve Amazone.

Entre deux préparatifs (notamment l'achat de nos hamacs, qui serviront de lit pendant les 7 jours de bateau), nous prenons le temps de visiter l'étonnant opéra de Manaus, le fameux Teatro Amazonas. Un bâtiment magistral et démesuré, une nouvelle folie de la bourgeoisie du caoutchouc, qui comme à Belém, voulait avoir son prestigieux opéra "à l'européenne" au milieu de la jungle.

Dès le lendemain matin, nous voici embarqués pour 7 jours à bord du M. Monteiro. 7 jours à contempler les rivages sauvages de l'Amazone (et apercevoir des dauphins !), à lire dans notre hamac ("Tristes tropiques" de Claude Lévi-Strauss s'avère tout à fait a propos), à jouer aux cartes et à faire de belles rencontres. Très peu de touristes à bord. Nous faisons connaissance avec les locaux (dans la mesure du possible avec nos compétences en portugais acquises ces deux derniers mois) et devenons amis avec le petit groupe de "gringos" présent à bord (Jane l'anglaise, Daniel l'allemand et Jovane le seul touriste brésilien !)

Nous installons nos hamacs au milieu de la centaine d'autres passagers. Pour la plupart, des hommes seuls qui vont travailler plusieurs semaines ou mois dans différents villages présents le long de l'Amazone, ou bien femmes seuls avec enfants allant rendre visite à leur famille tandis que leur mari est resté travailler à Manaus.

Sur le bateau, le temps n'existe plus, nous sommes coupés du monde, sans internet et sans téléphone. Les journées ne sont rythmées que par les repas servis collectivement à 6h, 11h et 17h !

Quelle ne fut pas notre surprise en revanche de découvrir que nous avions embarqué à bord d'un bateau évangélique ! Les évangéliques sont très présents au Brésil et font perdre du terrain à l'Église catholique. Ils ont notamment entrepris une grande campagne de prosélytisme en Amazonie et les différentes églises évangéliques sont désormais présentes dans le moindre petit village. Le bateau est pour eux un moyen parmi d'autres pour porter la parole du Christ. Résultat : distribution de livrets pro-famille et anti-péchés, messe tous les soir dite sur le bateau par le capitaine lui-même qui est aussi pasteur, alcool interdit à bord et passagers qui lisent la Bible à longueur de journée dans leur hamac. Un pasteur essaiera même de nous convertir... Bon courage !

Au bout de 5 jours de navigation sans escale, le bateau s'arrête quelques heures dans plusieurs villages afin de débarquer sa cargaison (toute la cale est réservée au fret de la marine marchande, en plus de transporter les passagers le bateau assure la livraison des marchandises le long du fleuve). Ces petites étapes nous permettent de découvrir ces villages amazoniens, à la fois si isolés (pas d'autre accès que plusieurs jours de bateau) et si vivants. Beaucoup d'enfants, de jeunes, de commerces, de bars et de vie dans les rues de São Paulo de Olivença, Santo António do Içá ou Jutaí. Une vitalité insoupçonnée.

Après 7 jours, nous arrivons à Tabatinga, ville brésilienne frontière avec la Colombie. C'est avec tristesse que nous descendons du bateau. Nous craignions de nous ennuyer, mais nous n'en avons pas eu le temps. Nous avons énormément apprécié cette déconnexion, ce quotidien hors du temps qui est devenu le nôtre le temps d'une semaine.

Fort heureusement, l'aventure amazonienne continue à terre, avec notre gang de gringos !

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Nos (quasi) deux mois brésiliens se sont donc achevés sur une lente traversée de l’Amazonie en bateau. Six jours qui ont aussi été l’occasion de prendre du recul sur nos impressions, de mettre un peu d’ordre dans ce que nous avons vu, observé, ressenti de cet immense pays. Contrairement à la Bolivie où nous nous sommes retrouvés presque par hasard, le Brésil fait partie des destinations que nous attendions particulièrement pendant ce voyage. Et pour confronter nos attentes à la réalité des choses, nous avons eu la chance de parcourir une bonne partie du pays, du Sud vers le Nord, jusqu’au fin fond de l’Amazonie.

À l’arrivée à Rio, ce qui nous a frappés en premier est presque un lieu commun : le métissage de la population. Toutes les nuances de peau coexistent et n’importe qui peut avoir l’air brésilien pour peu qu’il porte un short et des tongs. Le meilleur de ce métissage s’exprime probablement dans les arts : peinture, littérature, et surtout la musique, toutes les musiques, dont on ne se lasse pas ! La vie artistique brésilienne est foisonnante. Mais ce métissage qui n’existe probablement nulle par ailleurs ne doit pas cacher une autre réalité : plus on descend dans l’échelle sociale, plus les peaux sont sombres. Ce n’est pas dans les favelas que l’on croise les physiques d’européens, ni dans les beaux quartiers que vivent des familles les plus noires. Le mythe brésilien se heurte à la réalité sociale : de façon générale, plus tu es noir, plus tu es pauvre.

Car ce qui nous a frappé en second, c’est la violence des contrastes sociaux. Dans les villes, les riches sont bien plus riches que chez nous (ou l’affichent plus) et les pauvres bien plus pauvres. En ville, les quartiers aisés alternent avec les favelas, on passe d’un monde à l’autre en quelques rues seulement. Le soir, les jeunes des bidonvilles font les poubelles des riches, qui rentrent se barricader dans leurs immeubles avec barbelés électriques, vitres pare-balles et vigiles armés. Une obsession sécuritaire qui porte en elle beaucoup de violence et qui semble nourrir le crime (endémique au Brésil) autant que les inégalités sociales.

Les villes brésiliennes nous ont aussi fait réaliser la chance que nous avons, en France, de nous balader librement n’importe où et à toute heure, sans se poser de questions. C’est très loin d’être une réalité au Brésil : dès que la nuit tombe (souvent avant 18h), il est fortement conseillé de prendre le taxi pour se déplacer. À toute heure, il faut éviter d’emprunter une ruelle déserte. On ne peut pas prévoir de grande balade à pied d’un point d’intérêt à un autre sans risquer de se retrouver par mégarde au milieu d’une favela dangereuse. Plusieurs de nos rencontres brésiliennes nous ont raconté s’être fait dépouiller et braquer plusieurs fois - c’est pour eux presque la routine. Ne pas opposer de résistance, toujours avoir un peu de liquide à tendre à son agresseur... voici quelques unes des règles à suivre pour bien s’en sortir. Même si tout s’est très bien passé pour nous, nous nous sommes sentis contraints par toutes ces précautions à prendre et par le souci permanent de rester en sécurité.


Troisième observation : le Brésil est une « terre d’avenir » comme l’écrivait déjà Stefan Zweig il y a un siècle. Comme tous les pays du « Nouveau Monde », il regarde vers demain et se préoccupe peu du passé. Ainsi, dans certaines villes comme São Paulo, il ne reste aucun bâtiment ancien, aucun centre historique : à quoi bon préserver le patrimoine quand on a l’avenir à construire ? Tout est détruit au fur et à mesure pour reconstruire la suite. Et en attendant d’être remplacées par de nouvelles, les tours sont lentement laissées à l’abandon. Les villes brésiliennes passent ainsi « de l’extrême fraîcheur à la décrépitude, sans passer par l’ancienneté » pour emprunter les mots de Claude Levi-Strauss qui nous a accompagnés sur le bateau. C’est exactement ce qu’on a pu constater dans les forêts de buildings défraîchis de Rio, Sao Paulo, Recife, Salvador, Fortaleza, Bélem... Ça donne des villes souvent très moches, en même temps qu’un certain charme et une énergie particulière.

Mais on ne voudrait pas vous dresser un tableau trop négatif de ce pays qui nous a enchantés deux mois durant ! Du Brésil nous retiendrons d’abord l’exubérante nature : Ilha Boipeba, les Lençois Maranhenses, l’Amazonie nous ont littéralement coupé le souffle. Des paysages sauvages aux dimensions difficiles à appréhender pour les européens que nous sommes.

Nous retiendrons aussi la grande liberté des Brésiliens, leur ouverture d’esprit. L’homosexualité par exemple est bien mieux acceptée que chez nous : il est très courant de croiser des couples gays qui s’affichent, sans que personne n’y trouve à redire. Sans parler des mini shorts et strings sur la plage qui révèlent un rapport très libéré au corps et à la sexualité. Avec pour finir un sens de la fête et de la jouissance hors du commun.

Une société bien moins puritaine que la nôtre, en même temps que profondément religieuse. Ça peut paraître paradoxal, mais au Brésil on peut tout à fait parader en string l’après-midi et se rendre tous les soirs à la messe. Ce sera notre dernière observation : l’omniprésence des évangéliques dans le pays. Leurs églises sont partout, dans les quartiers riches comme dans les quartiers pauvres, du Nord au Sud et jusqu’aux plus petits villages isolés de l’Amazonie qui ont tous leur « Assemblea de Deus » ou leur « Igreja Pentecotista ». La foi s’affiche sur les tshirts et les casquettes des ados, sur des stickers collés sur les pare-brise des voitures, sur les tatouages...Une ferveur collective que nous avons pu voir de plus près pendant notre voyage en bateau car la compagnie de transport était évangélique !

Si la foi des brésiliens est le plus souvent compatible avec l’ouverture d’esprit citée plus haut, c’est aussi l’une des explications à l’élection d’un président d’extrême droite. La récente accession de Jair Bolsonaro au pouvoir s’explique en partie par le soutien des églises évangélistes. Ce qui explique que tant de Noirs et d’Indigènes aient voté pour cet homme ouvertement raciste, c’est la foi qu’ils partagent. Et ce n’est pas de très bon augure pour l’avenir de ce beau pays qu’est le Brésil....

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7 - 9 juin 2019


Le voyage en bateau nous offre une transition très douce du Brésil à la Colombie : à chaque escale, on entend un peu moins de portugais et un peu plus d’espagnol. Nous arrivons finalement à destination un vendredi matin. Le fleuve nous a mené à la triple frontière Brésil - Pérou - Colombie, où se trouvent trois villes amazoniennes qui n’en forment en fait qu’une seule : Tabatinga côté brésilien, Santa Marta côté péruvien, Leticia côté colombien. La circulation est libre entre les 3 municipalités : seul un panneau de bienvenue matérialise la frontière. À chacun de se rendre de lui-même dans un commissariat pour faire tamponner officiellement son passeport (ce que tout le monde ne fait pas évidemment... cette région si isolée reste une sorte de Far West avec ses propres règles.)

Malgré cette frontière inexistante, le contraste entre le côté brésilien et le côté colombien de la ville est saisissant. Et d’abord dans la musique, omniprésente dans cette région du monde : fini la samba et le funk brésilien, dans les rues de Leticia on entend partout de la salsa et du reggaeton ! La partie colombienne de la ville est par ailleurs beaucoup plus accueillante que la brésilienne. La cordialité des colombiens nous frappe immédiatement, et quel plaisir de retrouver l’espagnol et de pouvoir à nouveau tenir une véritable conversation avec les locaux ! Nous trouvons un hôtel avec notre groupe du bateau et profitons de l’effervescence de Leticia pendant toute la journée. Depuis le toit de l’hôtel, nous assistons à un superbe coucher de soleil sur le fleuve, qui nous rappelle une fois de plus à quel point les horizons américains sont plus larges que les nôtres.

Dès le lendemain, c’est parti pour une excursion avec une nuit dans la jungle ! Nous pensions avoir réservé une longue randonnée, finalement c’est plutôt un séjour culturel que nous offre notre guide Omar, lui-même natif amazonien qui nous initie aux cultures indigènes locales. Nous découvrons avec lui la maloca, lieu d’habitation traditionnel et communautaire de la région. C’est ici que nous dormirons, dans des hamacs. Il nous initie aux croyances et rituels de sa communauté avant de nous bénir à l’aide de fumée de tabac et de poudre de feuilles de coca.

Ce rituel est censé nous protéger contre les dangers de la jungle dans laquelle nous nous élançons ensuite pour une promenade de quelques heures. Et en effet la végétation luxuriante abrite un certain nombre d’espèces dangereuses, animales et végétales, que nous ne croiserons heureusement pas (ou de loin, comme cette grosse mygale et cet arbre à pics vénéneux). Omar nous apprend à traverser les cours d’eau en nous accrochant aux lianes ou encore à fabriquer un sac à dos de fortune avec les plantes de la forêt. En fin de journée, nous nous offrons une baignade pour nous rafraîchir : un moment magique de communion avec la nature !

De retour à la maloca, nous rencontrons le propriétaire des lieux. Ce vieux monsieur a longtemps été un représentant important des communautés indigènes colombiennes, mais après de nombreuses années à vivre en ville et à travailler à l’université, il a décidé de revenir à un mode de vie traditionnel. Sa vie est aujourd’hui des plus dépouillées : aucune possession physique (la maison où il nous accueille n’a d’ailleurs ni portes, ni électricité, ni eau courante), simplement les ressources de la forêt alentours et un bout de potager. Comme notre guide Omar, il se consacre à la préservation et au partage de sa culture. Les deux nous conteront les histoires de leur peuple et nous enseigneront des chants traditionnels jusque tard dans la nuit, à la lueur de la bougie.

Une dernière nuit en hamac et c’est malheureusement déjà reparti : un avion nous attend, nous quittons notre chère Amazonie pour la capitale, Bogotá !

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9 - 12 juin 2019


Quel contraste à l'atterrissage ! Nous retrouvons l'altitude des Andes (2500m dans la capitale colombienne) et les températures qui vont avec. Ici, il fait toute l'année autour de 15 degrés avec des giboulées plusieurs fois par jour ("Nous avons les 4 saisons dans une même journée", dit-on là-bas). La chaleur moite de l'Amazonie est déjà loin, son calme aussi : Bogotá compte 9 millions d'habitants.


Nous avons élu domicile dans le centre historique, la Candelaria : un quartier très agréable, où les maisons coloniales alternent avec de charmants bistrots et des fresques de street art (ici, le graffiti a été légalisé en 2011 après la mort d'un jeune, tué par la police alors qu'il tagguait). Partout dans la rue et dans les troquets, on vend des arepas, des galettes de mais typiques qui risquent fort de constituer la base de notre alimentation ces prochaines semaines...

Un peu plus au Sud, la place Bolivar accueille la cathédrale de la ville et le Palais de justice, qui fut assiégé en 1985 par la guérilla communiste M-19, de mèche avec le narcotrafiquant Pablo Escobar. Difficile d'imaginer ces scènes de guerre en pleine ville quand on découvre le coin, si animé en ce dimanche après-midi, en particulier sur l'artère voisine baptisée Carrera 7. Longtemps déchirée par la violence des guérillas (dont les célèbres Farc) et des narcotrafiquants, la Colombie n'est sortie de la guerre civile que depuis quelques années. Mais grâce à une politique active, et un processus de paix qui semble tenir, le pays s'est énormément sécurisé ces dernières années et regarde vers l'avenir.

Le lendemain, nous partons à l'assaut du Montserrate, l'une des deux montagnes qui surplombe Bogotá et qui accueille une église en son sommet. On choisit de la grimper à pieds plutôt que d'emprunter le funiculaire ou le téléphérique. Résultat : une heure d'ascension sous la pluie, pour une arrivée dans le brouillard... Qui finira heureusement par se dissiper et nous laisser entrevoir l'immensité de la ville.

Le troisième jour, nous partons découvrir le chartier plus riche et moderne de Chapinero. Nous sommes très surpris de nous retrouver soudainement en plein New York ! Tout y est : les immenses avenues perpendiculaires, les buildings, la foule, les restaurants hors de prix et les briques rouges. Seules les enseignes en espagnol et les montagnes alentours nous rappellent que nous sommes toujours en Colombie.

Ce séjour à Bogotá s'achève sur une note plus locale avec la visite du musée Fernando Botero. Cet artiste, considéré comme le plus grand peintre colombien du 20e siècle, est reconnaissable à ses personnages aux formes généreuses voire exagérément grossies. Une œuvre accessible qui croque la société colombienne avec humour et tendresse. Il s'est aussi rendu célèbre en parodiant des œuvres fameuses, comme la Joconde.

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13 - 17 juin 2019


Après une nuit de bus depuis Bogotá, nous enchaînons avec une nouvelle métropole colombienne : Medellín et ses 2,5 millions d'habitants. Une ville chargée d'un imaginaire sombre et d'une histoire tragique, entre narcotrafic, attentats, assassinats et enlèvements - dans les années 90, Medellín était selon son taux d'homicide la ville la plus dangereuse du monde. C'est aussi la ville de Pablo Escobar, le trafiquant de drogue le plus riche de l'histoire, mais aussi sans doute le plus meurtrier. Pourtant, Medellín est aujourd'hui la grande fierté de la Colombie. Pacifiée et réhabilitée, elle est considérée comme la ville la plus moderne du pays : son métro et son architecture novatrice font office de modèles nationaux.

Mais le plus impressionnant à Medellín, ce sont les perspectives. Comme Bogotá, Medellin est dans les montagnes (à une altitude beaucoup plus basse - si à Bogotá c'est l'automne toute l'année, ici c'est le printemps tous les jours). Et n'importe quelle partie de la ville offre un point de vue magistral sur les chaînes de montagnes alentours, peu à peu grignotées par une expansion urbaine anarchique. Pour cela, Medellin est une des villes les plus impressionnantes qu'il nous ait été données de voir.

Nous sommes installés dans le quartier de Laureles, populaire, festif et authentiquement colombien. A quelques arrêts de métro, le centre historique l'est encore plus : bondé, il ressemble à un immense marché à ciel ouvert. Quelques jolis endroits comme la place Botero, parsemée de statues de bronze signées de l'artiste découvert à Bogotá, ou encore le jardin botanique, un havre de paix habité par de curieuses créatures en liberté...

Le centre présente aussi un visage plus sombre : de très nombreux SDF, souvent ravagés par la drogue bon marché, une prostitution très visible... Une misère violente qu'il est parfois difficile d'affronter du regard.

Mais comme toujours en Amérique du Sud, le contraste est au coin de la rue. Un peu plus au Sud, nous découvrons ainsi le "Poblado", quartier des riches et des gringos où se concentrent hôtels, bars tendance et restaurants chics. Une ambiance branchée aseptisée que l'on pourrait retrouver aussi bien à Londres qu'à Paris et qui ne nous séduit guère, malgré un délicieux cocktail dégusté sur place.

Pour mieux comprendre la ville, nous avons choisi de faire 2 tours guidés dans des "barrios", les favelas colombiennes, installées dans les hauteurs. Car c'est bien là que bat le cœur de Medellín.

Le premier s'appelle Moravia. Sur les conseils d'une amie d'amie colombienne, nous prenons Angela comme guide : une "leader communautaire" du barrio, qui connaît tout le monde et œuvre pour en améliorer les conditions de vie. Nous découvrons des familles qui vivent sur une colline... qui n'est en fait qu'une montagne de déchets. Pendant longtemps, le quartier a été une décharge à ciel ouvert et les familles les plus défavorisées n'avaient pas d'autre choix que de s'y installer, pratiquant le tri et le recyclage pour vivre. Aujourd'hui, l'herbe a repoussé par dessus les immondices, mais les fruits et légumes cultivés par les habitants, qui pour beaucoup vivent encore dans des habitations de fortune, sont contaminés. La mairie de Medellín voudrait expulser les habitants de Moravia y construire des immeubles de luxe. Les leaders communautaires mènent une lutte pour rester chez eux et obtenir une réhabilitation du quartier afin de le rendre moins insalubre.

Deuxième quartier que nous découvrons à l'aide d'une guide : la tristement célèbre Communa 13. Ce quartier pauvre longtemps tenu par différents gangs et guérillas a encore récemment (en 2002) été le théâtre de violents affrontements avec l'armée. Aujourd'hui désenclavée par l'installation d'un téléphérique et d'escalators urbains, la Comuna 13 est devenue l'une des attractions touristiques de la ville, grâce notamment à son street art. La balade dans ce quartier animé et coloré, un dimanche après-midi de beau temps, est des plus agréables.

Mais pendant ces deux visites, l'Histoire nous rattrape à travers les histoires personnelles de nos guides. L'une a vu son père et son frère assassinés le même jour. L'autre nous présente une dame qui a perdu son fils de 21 ans dans un règlement de comptes. La violence extrême qui a longtemps gouverné la ville continue de peser dans l'atmosphère. Ici, tout le monde a un parent proche tué par les narcos ou les paramilitaires. Tout le monde. Mais les habitants de Medellín sont courageux et resilients. Un très beau lieu rend d’ailleurs hommage à leur lutte pour la paix : la Casa de la Memoria, où nous passerons un après-midi à mieux comprendre l'histoire de la ville.

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17 - 20 juin 2019


Une semaine en altitude entre Bogota et Medellín nous a suffi : en manque de chaleur, nous décidons de rallier la côte caribéenne et son ciel bleu.

Carthagène est l’une des plus anciennes villes de Colombie, l’une des plus visitées aussi. Nous sommes immédiatement charmés par son centre colonial coloré aux ruelles bien entretenues, par ses remparts offrant une large vue sur la mer des Caraïbes et le soleil couchant, par l’animation nocturne du quartier voisin de Getsemani. En toile de fond, la ville nouvelle et des grands immeubles blanc éclatant.

Après deux jours dans l’étouffante chaleur de la ville, nous partons pour Playa Blanca, à une trentaine de kilomètres. Cette longue bande de sable blanc à l’eau turquoise est très prisée des touristes, qui y réalisent des excursions à la journée pour profiter de ses transats, matelas de plages et autres bar-restaurants. C'est dans l'un de ces bars que nous soutenons comme il se doit la sélection colombienne de football à la Copa America. Nous décidons de rester passer la nuit à Playa Blanca, et nous faisons bien : dès 16h, les hordes de touristes s’en vont et la plage est toute à nous. Le coucher de soleil nous offre une inoubliable lumière rosée qui baigne tout le paysage. Nous passons la nuit à la belle étoile, dans nos hamacs préférés.

Ressourcés, nous retournons à Carthagène pour prendre le bus de nuit vers notre prochaine destination : Minca.

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21 - 25 juin 2019


Après la chaleur écrasante de Carthagène, nous sommes allés chercher un peu de fraîcheur en altitude. Nous voici donc à Minca, petit village de moyenne montagne, à une quinzaine de kilomètres seulement de la côte caribéenne. 

A Minca, nous avons passé 4 nuits dans une très charmante cabane grande ouverte sur la nature. Le village offre de nombreuses balades alentours jusqu’à des cascades où il fait bon se rafraîchir. Minca se situe à l’orée d’une réserve naturelle où vivent de nombreuses espèces d’oiseaux tropicaux. On a donc pris les jumelles pour un tour d’observation au lever du jour, et aperçu plusieurs toucans au long bec coloré.

A 1h et demi de marche du village se trouve une finca (le nom qu’on donne aux fermes en Colombie) qui produit du café et du cacao. Nous la visitons le dernier jour et profitons de vues spectaculaires sur la région, avant de rentrer sous une pluie tropicale battante.

Chaque soir, les immenses hamacs-filets de l’hôtel nous offrent de magnifiques couchers de soleil pour l’apéro. Minca aura été l’escale la plus nature de notre séjour en Colombie, un havre de paix où on aurait bien passé quelques jours supplémentaires en compagnie de notre chat d'adoption pour la semaine : Dinero ! 

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26 - 27 juin 2019 


Surprise pour l’anniversaire de Christophe : il pensait rentrer à Bogotá, c’est finalement à San Gil que nous célébrerons ses 31 ans. Cette petite bourgade dans les montagnes du Santander est un lieu de ralliement pour les amateurs de sports extrêmes : rafting, canyoning, sauts en parachute... Le matin du jour J, nous nous dirigeons vers le canyon du Chicamocha, à 1h de route de San Gil. 250km de long, 1200m de profondeur et des conditions idéales pour les vols en parapente ! Le paysage est grandiose, une fois en vol nous oublions vite les sueurs froides d’avant décollage.

Nous passons la nuit dans une charmante petite cabane en bord de rivière, profitant ainsi de notre petite plage privée avant de passer la nuit bercés par le bruit de l’eau...

Après cette étape surprise, nous retournons à Bogotá pour nos derniers jours dans le pays. Au programme : un weekend festif pour finir de célébrer l’anniversaire de Christophe, le tout dans un super hôtel avec hamac et machine à pop corn dans la chambre !

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30 juin - 3 juillet 2019


¡ Bienvenidos a Mexico !

C’est par hasard que nous atterrissons à Cancún, capitale touristique de la région du Yucatán. On nous avait pourtant mis en garde contre cette péninsule du Sud-Est du Mexique et ses hordes de touristes américains attirés par le temps superbe et les offres all-inclusive. Mais Cancún est le seul aéroport mexicain entrant dans le cadre de notre billet d’avion « tour du monde » : pas le choix, il faut y aller.


Nous passons deux nuits sur place, le temps d’organiser la suite du séjour dans la région. C’est l’occasion de découvrir la « Zona Hotelera » de Cancún : une longue bande de terre s’avançant sur la mer, à une dizaine de kilomètres du centre-ville. Mais une fois sur place, difficile de trouver un accès à la plage : les immenses complexes hôteliers se succèdent et privatisent quasiment le littoral. Un peu plus loin, l’avenue principale de la zone hôtelière a des airs de Las Vegas avec ses enseignes à néons, ses discothèques et son Hard Rock café. Nous parvenons finalement à atteindre la plage et découvrons le panomara : un grand arc de cercle bordé d’immeubles de bout en bout. L’eau turquoise et le sable blanc nous laissent pourtant entrevoir ce qu’a pu être Cancún avant l’arrivée massive de touristes dans les années 80, quand le gouvernement mexicain a décidé de transformer le village de pêcheurs en village vacances géant. Nous repartons de Cancún mi dégoûtés, mi amusés par ce drôle de spectacle. On n’ose pas imaginer à quoi ressemble le coin lors du springbreak, les vacances de printemps des américains, pendant lesquelles des milliers d’étudiants en folie débarquent sur place...

Pour notre deuxième étape dans le Yucatán, nous décidons de donner une deuxième chance à la « Riviera Maya », la côte touristique de la péninsule, celle qui borde la mer des Caraïbes. Direction Tulum, station balnéaire à la réputation « hippie chic » à deux heures au Sud de Cancún.


Ici, pas de barres d’immeubles en bord de plage : à Tulum, les hôtels sont tout de bois, de paille et de draps blancs vêtus. Mais ce n’est que l’autre facette d’une même pièce : ici aussi ils sont une centaine à se succéder jusqu’à privatiser le littoral, ici aussi ils accueillent surtout des touristes américains, ici aussi ils sont tous semblables. Les cabanes faussement spartiates sont présentées comme « écologiques » alors que la clim y tourne toute la journée... Lorsque nous trouvons enfin l’accès à la plage publique, nous découvrons une invasion d’algues à l’odeur d’œuf pourri. La plage paradisiaque est bien loin, il est impossible de se baigner et les effluves sont toxiques. On apprendra plus tard que cela fait quelques années que le Yucatán fait face à cette catastrophe écologique qui est, pour la faire courte, une conséquence de la déforestation de l’Amazonie.

Heureusement, nous avons trouvé à nous baigner dans deux « cenotes » alentours. Ces « trous d’eau » existent par milliers dans tout le Yucatán, une péninsule toute plate au sol calcaire. Lorsque ce sol friable s’effondre, il donne à voir la nappe phréatique se situant juste en dessous. Les cenotes, avec leur eau cristalline d’un bleu intense, sont l’une des grandes attractions de la région et ont sauvé notre séjour à Tulum !

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4 - 15 juillet 2019

11 nuits dans la même ville : c’est notre plus longue étape depuis le début, et de loin. Nous prenons un peu de repos avant de rejoindre plusieurs de nos amis pour un mois. Et pour la première fois, on prend un Airbnb et non un hostel, histoire de se sentir vraiment chez nous !

Merida est une grande ville de 800 000 habitants, située dans les terres, à une trentaine de kilomètres des plages du Golfe du Mexique. C’est la capitale du Yucatan, fondée en 1542 sur le site d’une ville maya. On la surnomme « la ville blanche », non pas pour sa couleur, mais car les conquistadors espagnols s’y barricadaient pour éviter toute rébellion de la population locale (nombreuse à leur arrivée). Et pour la petite anecdote, elle se situe à une trentaine de kilomètres seulement du point d'impact de la météorite qui a fait disparaitre les dinosaures ! 


Contrairement à ce que le surnom de la ville pourrait laisser penser, les murs de Merida sont très colorés. Nous avons arpenté en long, en large et en travers le vaste centre historique : des rues en quadrillages bordées de maisons coloniales sans étages, des quartiers organisés autour de leur place principale et de leur église, et de nombreuses coccinelles vintage dans les rues. Il est très facile de se perdre à Merida, tant tous les coins de rues se ressemblent. La lumière du Yucatan est très crue, très blanche, donnant encore plus d’éclat aux couleurs des façades et faisant monter le thermomètre : 37°C l’après-midi. Heureusement, notre petite maison est traversée par un courant d’air rafraîchissant. Et le soir venu, derrière les portes façon saloon des « cantinas » de la ville, l’ambiance est endiablée !

Merida fut aussi notre point de départ pour explorer le versant moins touristique du Yucatan. Et tout d’abord les plages du Golfe du Mexique. Nous débarquons à Celestun, à 2h de bus, pour profiter d’une plage aux eaux certes moins turquoises, mais complètement déserte. Un peu plus loin, une colonie de flamands roses a élu domicile dans une lagune.

Deuxième excursion pour visiter les vestiges de l’ancienne cité maya d’Uxmal, où vivaient au Xe siècle environ 20 000 habitants. Nous sommes saisis par la beauté de ce vaste site, très bien rénové et offrant de superbes vues sur la jungle environnante. Il y a peu de monde et on a même le droit de monter sur certaines pyramides !

Aujourd’hui, les Mayas sont toujours là : c’est le nom qu’on utilise pour désigner les peuples amérindiens du Sud du Mexique, du Guatemala et du Belize. Ils sont nombreux au Yucatan, formant un large pourcentage de la population. Leur langue est toujours pratiquée par un million de locuteurs. A Merida, le grand musée du monde nous offre un aperçu de la civilisation ancienne et de la culture d'aujourd'hui.

Pour échapper à la chaleur de la ville, nous avons aussi visité plusieurs cenotes, ces fameux trous d’eau qu’on trouve par milliers dans la péninsule. Ceux de la région de Mérida sont souvent souterrains : au fond de grottes, une eau cristalline rendue bleue vif par la percée des rayons du soleil.

Dix jours plus tard, nous quittons Mérida requinqués et prêts à ouvrir une nouvelle page du voyage en compagnie de notre petite bande de français !

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16 - 18 juillet 2019


Après le Yucatán, c’est le Chiapas que nous allons explorer avec notre ami Renaud, qui nous rejoint pour un mois. Cet état du Sud du Mexique, frontalier du Guatemala, est à la fois l’un des plus indigènes du pays et l’un des plus pauvres - l’un allant souvent avec l’autre. Mais c’est aussi une région d’une immense richesse naturelle : ses montagnes verdoyantes accueillent un tiers de l’eau douce du pays ainsi qu’une jungle encore quasiment vierge : la Selva Lancadona.

Rendez-vous est donné à Palenque, où nous retrouvons Renaud au petit matin. Cette ville accueille l’un des ensembles de ruines mayas les plus importants du pays, la résidence de l'ancien seigneur Pakaal, sans doute l'un des dirigeants mayas les plus illustres. Le site, plus vaste que celui d’Uxmal, est aussi plus intégré à la végétation environnante. Il nous offre une balade toute aussi magique sur les traces de l’ancienne civilisation maya. Comme beaucoup de cités mayas, Palenque a été abandonnée dans des conditions troubles bien avant l'arrivée des colons espagnols. On estime que seuls 5% des ruines de l’ancienne Palenque ont été mis au jour, le reste est toujours enfoui dans la jungle tropicale. Mais ces 5% sont déjà bien assez pour nous occuper une demi-journée.

Le lendemain, nous montons à l’arrière d’une camioneta (une sorte de pick-up), le transport local, pour rallier les cascades Roberto Barrios, à 1h de Palenque. Le site, superbe, est constitué d’un enchaînement de bassins reliés par de petites chutes d’eau. Nous passons l’après-midi à profiter des piscines naturelles, des toboggans formés par les rochers et de la vue sur la nature luxuriante.

Ce séjour au Chiapas commence sous les meilleurs auspices ! Prochaine étape : trois jours d'aventure coupés du monde...

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19 - 21 juillet 2019


« Moins c’est touristique, mieux c’est » - vous vous souvenez de notre nouvelle devise ? Hé bien nous avons choisi de la mettre pleinement à exécution pour la suite de nos aventures dans le Chiapas.

Avides de solitude et de nature sauvage, nous décidons de partir camper quelques jours au bord de la lagune Miramar, décrite par notre guide comme « un joyau difficile d’accès ».

S’y rendre est déjà une aventure : une journée entière de transport sur des chemins de terre, à bord de vans fréquentés uniquement par les locaux et remplis au maximum de leur capacité. Village après village, nous nous enfonçons au cœur du Chiapas rural et indigène. Les panneaux nous l’indiquent rapidement : nous sommes ici en terres zapatistes, là où « le peuple commande et le gouvernement obéit » (nous reviendrons plus longuement sur ce mouvement révolutionnaire paysan dans un prochain article).

Au terme de ce long trajet, nous arrivons à Emiliano Zapata, petit village nommé d’après celui qui est le père spirituel du mouvement zapatiste. Ici, la vie est organisée selon les principes zapatistes : horizontalité, égalité homme-femme, autonomie alimentaire ou encore interdiction de consommer de l’alcool. La communauté administre l’accès à la lagune. Nous sommes accueillis par son chef, Arturo, qui nous indique où faire nos provisions pour les prochains jours et nous attribue une petite cabane où passer la nuit.

C’est le lendemain matin aux aurores que nous partons à pied en direction de la lagune. Deux heures de marche dans la boue nous attendent, particulièrement chargés avec les courses de la veille. La Laguna Miramar se mérite... Mais nos efforts en valent la peine : nous découvrons à l’arrivée un superbe lac encerclé de montagnes, à l’eau d’un bleu intense, frôlant les 30 degrés.

Au bord du lac est installé un site de camping rudimentaire où nous nous trouvons seuls, à l’exception de quelques jeunes hommes du village se relayant pour garder l’endroit. Nous installons nos hamacs et préparons le feu de camp qui nous permettra de nous nourrir pendant les prochains jours. Nous préparons le café et les pâtes avec l’eau du lac, ambiance Robinson Crusoé !

Chaque matin, nous sommes partis avec un guide pour une balade en barque sur le lac. La petite embarcation fendant les eaux en silence nous a permis d’observer les tortues marines et les singes hurleurs dont les cris lointains bercent nos nuits, de découvrir la statue d’un dieu maya retrouvée dans une grotte, de suivre notre guide dans la jungle, et de nous baigner dans des zones reculées aux eaux encore plus pures et colorées.

La deuxième nuit, deux duos de campeurs mexicains débarquent, troublant quelque peu notre tranquillité (et pour deux d’entre eux, tentant par tous les moyens de nous transmettre la parole de Dieu). Ce fut quand même l’occasion de partager un repas autour du feu, à base de tortillas, ces petites crêpes de maïs que les mexicains cuisinent sous toutes ses formes. Le lendemain matin, nous repartons à pied vers le village, reposés et prêts à retrouver la civilisation !

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22 - 23 juillet 2019

La ville de Comitán est une étape surprise dans notre voyage : repartis un peu trop tardivement de notre lagune, nous avons raté le mini bus pour la destination prévue à l'origine. Pas d’autre choix donc que de nous rendre pour la nuit dans cette ville du Chiapas dont nous ne savons absolument rien.

Ce sera une bonne surprise : nous décidons rapidement de changer nos plans pour y rester une nuit de plus. Si la ville ne présente pas d’intérêt touristique particulier, Nous sommes séduits par ses rues escarpées, ses jolies églises et sa place principale très vivante.

Ce sera une bonne surprise : nous décidons rapidement de changer nos plans pour y rester une nuit de plus. Si la ville ne présente pas d’intérêt touristique particulier, Nous sommes séduits par ses rues escarpées, ses jolies églises et sa place principale très vivante.

Nous repartons après 2 nuits pour la prochaine ville, celle-ci bien prévue au programme : San Cristobal de Las Casas, dans les hauteurs du Chiapas.

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23 - 26 juillet 2019


Capitale culturelle du Chiapas, San Cristobal de Las Casas est l’une des plus anciennes cités construites par les espagnols dans le Nouveau Monde (sa fondation remonte à 1528). Elle se situe à plus de 2000m d’altitude, avec en toile de fond plusieurs montagnes qu’on peut apercevoir depuis le centre historique. Comme Comitán, Merida et tant d’autres villes mexicaines, c’est une charmante ville à l’architecture coloniale colorée, organisée en quadrillage.

C’est aussi une ville « branchée » qui a le vent en poupe : depuis quelques années, de nombreux jeunes mexicains et étrangers viennent s’y installer pour profiter de sa vie culturelle animée, de ses petits cafés cosy et de ses bars à Mezcal, l’alcool d'agave (un cactus) à la mode dans le pays. C’est le cas de Marion, la fille d’une amie de la maman de Camille, que nous rencontrons dès notre arrivée et qui nous prodiguera de précieux conseils pour visiter la ville. Marion évolue dans les milieux militants de cette ville fortement marquée par le combat zapatiste. Elle nous invite dans la maison communautaire où elle vit avec... 30 colocataires !! Grâce à elle, nous découvrons plusieurs centres culturels engagés et participons à une émission de radio locale pour parler des gilets jaunes - en espagnol s’il vous plait.

Depuis San Cristobal, nous nous rendons au Canyon du Sumidero, à une cinquantaine de kilomètres de là. La visite s’effectue en bateau rapide sur la rivière qui circule 250m en contrebas du point culminant du canyon.

Deuxième excursion de notre séjour à San Cristobal : le village indigène de San Juan Chamula. Les tzotzils qui y vivent ont développé un culte très particulier, mélange de leurs croyances ancestrales et du catholicisme imposé par les espagnols. Il est possible d’entrer dans l’église du village pour assister aux rites qui y sont pratiqués, mais pas de prendre de photos (nous avons néanmoins trouvé sur internet deux photos de l'intérieur pour vous donner une idée de son atmosphère si particulière). À l’intérieur, pas de bancs ni d’autel, les fidèles sont assis par terre, regroupés par familles, en petits groupes, brûlant des dizaines de cierges à même le sol. Partout par terre, de l’herbe fraîchement coupée qui recouvrent complètement le carrelage de l’église. Contre les murs, des poupées de cire figurant les saints catholiques, disposant chacun d’un miroir permettant aux fidèles de se confesser face à leurs propres reflets. Et partout dans l’église, des centaines et des centaines de bougies brûlent, ajoutant à l’atmosphère mystique et enfumée du lieu. Les familles tzotzils viennent se recueillir mais aussi demander des solutions pratiques à leurs problèmes. Pour cela, elles font appel aux services des guérisseurs présents dans l’église et procèdent à des sacrifices. Nous avons ainsi vu un poulet se faire égorger pendant qu’une guérisseuse chantait un mystérieux cantique à l’oreille d’un bébé visiblement malade. Nous sommes ressortis de l’église saisis, quasiment hébétés par la force mystique et surréaliste du spectacle auquel nous venions d’assister. En plus de ce syncrétisme unique, les habitants de San Juan Chamula forment une communauté qui vit avec ses propres lois et institutions, résistant à l’autorité du gouvernement, qui les laisse tranquilles... Pour l’instant.

Après San Juan Chamula, nous avons poussé un peu plus loin jusqu’à un village d’un tout autre genre : Oventik, un « caracol » zapatiste. Mais comme on vous l’a promis, notre voyage en terres zapatistes fera l’objet d’un article spécial, à venir très bientôt !

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En traversant le Chiapas, État le plus pauvre et le plus indigène du pays, nous avons croisé la route d'un mouvement révolutionnaire paysan sur lequel nous souhaitons nous arrêter quelques instants : le zapatisme.

Nous en avions déjà entendu parlé (le mouvement a beaucoup fait parler de lui dans les médias occidentaux au moment des grandes mobilisations altermondialistes du début des années 2000), mais ce voyage nous a permis de mieux comprendre qui ils étaient, d'où ils venaient et comment ils vivaient.

Car toute une partie du Chiapas, la Selva Lancadona, est sous le contrôle de cette insurrection zapatiste et le gouvernement n'y a pas vraiment son mot à dire. Comme le dit leur slogan peint à l'entrée de tous les villages : "Ici le peuple décide et le gouvernement obéit".

Le mouvement zapatiste est né au milieu des années 1990 avec la création de l'EZLN (Ejercito Zapatista de Liberación Nacional - Armée zapatiste de libération nationale).

Le mouvement révolutionnaire, d'inspiration marxiste, se revendique de l'héritage d'Emiliano Zapata, un des héros de la révolution mexicaine avec Pancho Villa en 1910.

C'est un mouvement de paysans indigènes, réclamant le respect de leurs droits et de leur dignité. Soutenus par des intellectuels venants du nord du pays (dont le "Sous-commandant Marcos", un prof de philo qui deviendra le très emblématique et très médiatique leader encagoulé du mouvement), les paysans du Chiapas prennent les armes le 1er janvier 1994 pour occuper les bâtiments publics de plusieurs villes de la région, dont la plus importante : San Cristobal de las Casas. Depuis cette date, et au terme de plusieurs années d'affrontements avec le gouvernement, les zapatistes ont obtenu l'autonomie d'une partie du Chiapas, ont formé un gouvernement indigène parallèle et administrent plusieurs dizaines de villages.

Si nous avons pu observer leur présence partout sur la route notamment au travers des panneaux arborés dans les villages, nous avons été en contact direct avec les communautés zapatistes à deux reprises : la première lors de notre camping au bord de la Laguna Miramar, la seconde lors de notre visite d'Oventik à côté de San Cristobal de las Casas.

L'accès à la laguna était en effet administré par la communauté du village "Emiliano Zapata" (ça ne s'invente pas) où nous avons passé une nuit avant d'aller camper. Un village où il est une heure de moins que dans le village-jumeau San Quintin. Ici, on vit selon les principes zapatistes : vie communautaire intense, vente d'alcool interdite et administration d'un conseil indigène.

Car les principes du zapatisme sont l'égalité, l'horizontalité du pouvoir, l'autonomie alimentaire et le respect des droits des paysans, la reconnaissance des peuples indigènes et de leur culture, et... le féminisme. Un dernier point qui est peut-être l'un des plus importants. Les femmes ont une place majeure dans l'organisation zapatiste. Elles sont directement engagées dans le combat et dans la vie collective. Et très rapidement les communautés zapatistes ont pris des mesures d'égalité homme-femme. C'est pourquoi il est interdit de boire dans les villages, afin de réduire la violence domestique.

Notre deuxième contact direct est la visite du village Oventik, un "caracol" ouvert au public. En espagnol, "caracol" signifie "escargot", mais le mot désigne ici les communautés autonomes zapatistes avec leurs propres centres administratifs et politiques.

"Ouvert au public" signifie en fait que nous pouvons nous promener dans la communauté sous le contrôle un "guide" qui surveille nos faits et gestes. Toujours en conflit avec le gouvernement mexicain, les zapatistes restent extrêmement méfiants quant à la diffusion d'informations sur leur organisation concrète. Après avoir attendu un petit moment à l'entrée du caracol sous l'œil du vigile encagoulé (ici, on rejette la notion d'immédiateté et on fait attendre volontairement le touriste), notre "guide" vient nous chercher, le visage masqué du traditionnel bandana rouge. La visite nous permet de mieux appréhender le développement de leur organisation parallèle (hôpital, école....) et surtout d'admirer les magnifiques fresques murales représentants les principes fondateurs du mouvement et ses héros (Emiliano Zapata, Che Guevara, Sous-commandant Marcos... et le maïs !).

C'est aussi l'occasion d'acheter de l'artisanat local tout en soutenant la cause ! Si la présence de la guérilla peut inquiéter certains touristes (on parle de barrages sur les routes pour dépouiller les bus d'étrangers - chose que nous n'avons pas constatée par nous-même), l'exposition internationale de leur mouvement et l'image romantique de leur leader Marcos en attire d'autres et permet à la région de surfer sur un "tourisme politique" dont ils profitent eux-mêmes.

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27 juillet - 1er août 2019

Adios Chiapas ! C'est dans l'état voisin de Oaxaca que nous retrouvons le reste de notre petit groupe de copains : Laura, Barbara et Manon, des amies de Camille, nous rejoignent pour 10 jours. Oaxaca est, à l'instar du Chiapas, l'un des états mexicains les plus pauvres et les plus indigènes. Mais c'est aussi un état plus touristique : sa côte Pacifique offre de nombreuses plages et stations balnéaires.

Rendez-vous est donné à Mazunte, un charmant village à l'ambiance très relax, où se croisent pêcheurs, surfeurs et tortues marines venues se reproduire sur les plages. Nous logeons dans les hauteurs, dans une superbe maison ouverte sur l'extérieur et offrant une vue imprenable sur la forêt et la mer. Nous y passerons 3 nuits, alternant farniente sur les plages alentours où nous nous rendons en scooter, restaurants de fruits de mer et couchers de soleil enchanteurs depuis la Punta Cometa, le point le plus méridional de l'Etat. Les vagues du Pacifique, extrêmement puissantes, nous réservent quelques émotions fortes - on apprend vite à ne pas trop s'éloigner lors de nos baignades pour ne pas se laisser surprendre.

Pour les deux nuits suivantes, nous poussons jusqu'à Puerto Escondido, une ville balnéaire bien plus importante, située à une heure de route vers le Nord. C'est un peu le QG de Manon, qui habite à Mexico et s'y rend régulièrement le weekend. Puerto Escondido est très renommé pour le surf : dans ses quartiers bordant la plage, La Punta et Zicatela, il n'est pas rare de croiser de grands blonds aux cheveux décolorés, planche sous le bras, passant leur été à attendre la bonne vague (et ce n'est même pas un cliché !). Malheureusement, Puerto Escondido est pour nous trop grand, trop fréquenté, moins authentique et plus cher que d'autres plages précédemment visitées.. Heureusement, les vagues du Pacifique et les couchers de soleil ne nous ont eux, pas déçus !

Après ces 6 jours de détente à la plage, nous prenons le bus de nuit en bande pour rejoindre haut dans les montagnes la capitale de l'état : Oaxaca de Juarez.

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2 - 5 août 2019


La capitale de l’état de Oaxaca nous a rappelé San Cristobal par son architecture coloniale et sa situation dans une vallée cerclée de montagnes. Mais c’est une bien plus grande ville dont le centre historique fourmille en permanence. Y alternent marchés de nourriture et d’artisanat (beaucoup d’artisanat !), mezcalerias, cafés, librairies et jolies églises. De joyeux défilés traditionnels s’y tenaient le week-end où nous y avons séjourné, ajoutant encore à l’ambiance.

À quelques kilomètres de Oaxaca, le site archéologique zapotèque de Monte Albán, offre une vue à 360° sur les montagnes alentours. Ce voyage au Mexique nous a permis d’en apprendre beaucoup plus sur les différentes civilisations méso-américaines (dont nous n’apprenons pas grand chose de notre côté de l’Atlantique, comme si l’histoire du Monde n’avait était le fait que des Grecs et des Romains : Mayas, Zapotèques, Aztèques, Olmèques...). Nous vous en parlerons plus en détail dans le récit de notre visite du très riche musée d’anthropologie de Mexico City et du site majeur de Teotihuacan. Ici, un site Zapotèque donc, extrêmement différent de ce que nous avions pu voir jusqu’à présent (les sites mayas d’Uxmal et Palenque).

Un peu plus loin, les cascades de pierre Hierve el Agua. Cascades de pierre ? Oui, ici on dit que l’eau s’est pétrifiée et l’on semble voir les coulées d’eau figées en pierre. En réalité, les cascades sont quasi asséchées, ne reste que la roche de la falaise polie par l’ancien passage de l’eau. Au sommet de la cascade, la source forme des bassins d’eau chaude. Là aussi, un vaste panorama s’offre à nous, alors que nous faisons trempette dans ces drôles de piscines en roche.

Oaxaca est aussi la capitale du Mezcal ! Nous en profitons pour visiter un palenque, une ferme où l’on fabrique cet alcool à base d’un cactus : l’agave, dont les feuilles sont fumées puis pilées à la force d’un cheval avant double distillation. Un procédé qui confère au mezcal un goût très prononcé et très spécifique.

Une dégustation parfaite avant de reprendre le bus pour la plus grande ville du monde : Mexico City !

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6 - 20 août 2019


Après plus d’un mois au Mexique, ce n’est que maintenant que nous en découvrons la capitale, la plus grande ville du monde : Mexico City, ou comme on dit ici, Ciudad de Mexico (CDMX). La plongée dans un tout autre monde.

Nous atterrissons dans le très international et très hipster quartier de Roma Norte. Quartier d’ailleurs à l’honneur dans le récent film Netflix « Roma », du réalisateur mexicain Gustavo Cuaron. Roma Norte et le quartier voisin de la Condesa sont des havres de charme et de paix, nous rappellant presque New York, mais dont les rues seraient saturées d’une végétation luxuriante et tropicale. Partout, des cafés branchés, des restaurants d’auteur et des boutiques de vêtements stylés. Nous profitons de la vie locale, tout en voyant notre budget quotidien exploser : ici, les prix sont parisiens !

Nous découvrons également le Centro de Mexico, un vivier qui fourmille : musées, quartier d’affaires, rues commerçantes sans fin... Le Zocalo en constitue la place principale. On y retrouve le palais présidentiel, la cathédrale (qui est penchée car Mexico City a été construit sur un ancien lac) et le Templo Mayor, des vestiges archéologiques aztèques qui ont été retrouvés par hasard à la fin des années 70 !

La Ciudad de Mexico c’est aussi des incontournables, comme les tacos (qui feront l’objet d’un post spécial, car c’est peut-être l’une des choses les plus importantes de la culture mexicaine), ou comme la Lucha Libre ! Deux fois par semaine, tous les Chilangos (habitants de Mexico City) se retrouvent en famille pour assister aux combats-spectacle de ce catch à la sauce mexicaine. Ici, les luchadors sont de véritables stars. Leurs combats scénarisés sont absolument impressionnants à voir, ce sont de vraies performances d’acrobates. Avec en plus le charme du décorum mexicain, masques à paillette et personnages de brute latino. Le tout s’apprécie accompagné d’une Michelada (bière, sel, citron, piment et sauce anglaise Worcester) ou d’un Clamato (jus de tomate, bière, piment, sauce anglaise Worcester et jus de palourdes). C’est surprenant au début mais on finit par apprécier.


Autre incontournable : les Mariachis, ces petits orchestres traditionnels en costume. Ils sont partout au Mexique mais en particulier place Garibaldi à CDMX. Les Mexicains viennent en famille ou entre amis à la terrasse d’un bar, choisissent leur orchestre au milieu de la place, où des dizaines de mariachis attendent le chaland, et payent le groupe à la chanson pour qu’il leur joue les grands classiques. Certains sont virtuoses. Pour notre part, nous avons vraisemblablement mal choisi notre orchestre, qui avait certainement trouvé ses costumes mais n’avait pas encore appris à jouer de la musique. Un grand moment.

On peut également retrouver les mariachis le samedi soir, sur des barques sur les canaux de Xochimilco. C’est un réseau de canaux, tout au sud de Mexico, où les locaux viennent louer une grande barque à l’heure, se bourrent la gueule à grand renfort de bières, micheladas ou clamatos, et grignotent du maïs. Il y a tellement de monde que les canaux sont engorgés et les bateaux se bousculent. Une sacrée ambiance, très mexicaine.

Mais l’institution de Mexico qui nous a le plus scotchés est peut-être le Patrick Miller. Un nightclub hors de l’espace-temps. Un lieu magique et unique au monde. Ici, l’entrée coûte l’équivalent de 1,50 euros, et tout le monde rentre. Jeunes, vieux, pauvres, riches... La boîte de nuit a été fondée par le DJ du même nom (c’est un pseudonyme), devenu llégende à Mexico pour y avoir importé un style de musique très spécifique, le Hi-Energy. Un style kitsch, mélange de disco et de dance des années 90’s, qui dans tout le Mexique n’est joué que dans ce club et nulle part ailleurs. Le plus remarquable au Patrick Miller, ce sont les cercles de danse qui se forment dans le public. Et tout le monde y va, tout le monde se lâche et fait brûler le dancefloor quelque soit son niveau. On voit des mères de famille gigoter dans tous les sens, des vieillards tourner autour de leur canne, des danseurs de hip-hop... et bien sûr les Patricios, les fans de Patrick Miller, qui tous les vendredi enfilent leurs habits de lumière pour pratiquer le Hi-energy, danse survoltée et désordonnée. Bref, gros coup de cœur pour ce club mythique.



Côté culture, la Cuidad de Mexico, c’est aussi la maison-musée de l’immense peintre Frida Khalo. Nous avons visité la Casa Azul, où elle a vécu avec son compagnon le peintre muraliste mexicain Diego Rivera. Y sont exposées de nombreuses peintures, mais aussi les objets quotidiens et emblématiques du couple d’artistes. On en apprend plus sur leur travail, leurs relations tumultueuses, sur les problèmes de santé et la force de caractère de Frida Khalo, ou sa relation avec Trotsky... Il y a toujours quelque chose de particulier à pénétrer ainsi dans l’intimité d’un personnage aussi iconique. À noter qu’au Mexique, Frida Kahlo c’est comme la Tour Eiffel : elle est mise à toute les sauces, déclinée à l’infini.

Enfin, beaucoup d’Histoire à Mexico. Avec les visites de l’immense musée d’anthropologie et du site archéologique majeur de Teotihuacan. Le musée d’anthropologie est, comme le Louvre, impossible à faire en une journée. Nous nous sommes circonscrits au rez-de-chaussée, consacré à l’histoire des civilisations méso-américaines (nous nous occuperons de l’étage sur les cultures indigènes actuelles plus tard, à notre retour dans la capitale). Le musée est riche d’énormément de vestiges, offre de magnifiques reconstitutions et nous éclaire très bien sur les différentes civilisations dont nous avons vu des sites archéologiques.

Les Mayas, dont l’apogée se situe en 900 après JC, ont administré tout le Sud-Est du Mexique (Yucatan et Chiapas), ainsi que le Guatemala. Ce sont les deux premiers sites que nous avons visités, Uxmal et Palenque. Un peuple très savant, qui a décliné bien avant l’arrivée des Espagnols et dont les descendants composent aujourd’hui encore les peuples indigènes du sud-est du pays.

Teotihuacan est une civilisation à peu près contemporaine des Mayas, mais qui a administré le centre du Mexique actuel. Elle est fondatrice d’une grande partie de la culture aztèque qui va lui succéder, et qui est au cœur de l’identité mexicaine. Leur site archéologique est situé non loin de Mexico. Nous avons pu ainsi visiter ce site extrêmement étendu et impressionnant. On y trouve les célèbres pyramides de la lune et du soleil, ainsi que le temple de Quetzalcóatl, le dieu serpent à plumes. Nous avons visité le lieu quasiment seuls, au lever du soleil, ce qui lui conférait une atmosphère très particulière ....

Enfin terminons par les fondateurs de Mexico : les Aztèques. Beaucoup plus tardifs, puisque leur apogée se situe en 1400 après JC, soit juste avant l’arrivée des Espagnols, contre qui ils se sont battus. Ici, les Aztèques sont appelés Mexicas et étaient essentiellement un peuple de guerriers. Ce sont eux qui ont fondé Tenochtitlán-Mexico, l’ancêtre de la capitale actuelle. D’après la légende, ils devaient s’installer à l’endroit où ils apercevraient un aigle manger un serpent sur un cactus. Cela s’est passé ici. Et le symbole est désormais dessiné sur le drapeau mexicain.

Mexico est une ville diverse, riche d’histoire, de culture et d’un brin de folie. Et elle a pour nous tous confirmé le coup de cœur pour ce pays hors norme. Elle a aussi marqué la fin de notre aventure collective, nos amis ayant repris l’avion pour Paris et Montréal...

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12 - 14 août 2019

Courte escapade nature lors de notre séjour à Mexico-City, Tepoztlán se situe à une heure de bus au Sud de la ville, dans l’état de Morelos. Ce village préhispanique, surplombé par d’étranges falaises, nous enchante par ses petites rues pavées et fleuries ainsi que par les panoramas qu’il offre sur les montagnes environnantes.

Nous partons à l’assault de l’une d’entre elles, le Cerro del Tepozteco, sur laquelle se trouvent les vestiges d’une petite pyramide aztèque. Le chemin est abrupt mais nous nous amusons du courage des touristes mexicains, qui n’hésitent pas à se lancer dans l’ascension, peu importe leur âge ou leurs chaussures à talons. 300m de grimpette ininterrompue mais au bout la récompense : une superbe vue sur le village et les vallées environnantes.

Mais ce qui a véritablement fait de Tepoztlán une destination populaire, c’est le tourisme « ésotérique ». Le village, fortement marqué par les croyances et pratiques pré-hispaniques, se situe tout proche du lieu où serait né Quetzalcoatl, le dieu serpent à plumes, l’une des plus importantes divinités aztèques. Y règnerait toujours aujourd’hui une énergie et des forces particulières… Ainsi, dans la rue principale, les salons de divination, de massage, les cours de yoga et les centres de méditation se succèdent. Un peu mal à l’aise devant ce grand marché de la spiritualité, nous choisissons sur les conseils de notre logeuse de nous rendre dans le village voisin d’Amatlán pour nous initier à la pratique du temazcal.

Le Temazcal est une sorte d'équivalent mexicain du sauna. Un bain de vapeur pratiqué ici depuis des millénaires à des fins à la fois thérapeutiques et spirituelles. Nous n’en savons pas beaucoup plus lorsque nous arrivons sur place et découvrons que nous avons en fait rendez-vous directement chez quelqu’un ! Une famille indigène qui a construit son temazcal, sorte de hutte en terre cuite, directement dans son jardin, à quelques mètres de son poulailler. C’est le fils qui nous accueille et nous livre une rapide explication de cette traduction ancestrale, pratiquée dans sa famille depuis 4 générations. Le temazcal est en fait une métaphore du ventre de la mère : dans la chaleur et dans le noir, le participant revient ainsi à l’état foetal tout en rendant hommage aux divinités aztèques. La cérémonie sera en partie menée en nahuatl, la langue indigène locale.

Après nous avoir purifiés et demandé l’autorisation aux dieux de nous laisser entrer, nous pénétrons à reculons dans le temazcal. A l’intérieur, des pierres chauffées à vif réchauffent peu à peu l’atmosphère. Pendant une heure, notre guide nous fait prendre différentes positions, chanter des chants dédiés aux quatre éléments ou encore nous frotter la peau avec de l’argile, du miel et de l’aloé vera. Loin d’une partie de plaisir, cette session temazcal nous fera tester les limites de notre endurance à la chaleur : nous ressortons au bout d’une heure épuisés, quasiment décomposés (dommage, on n’a pas eu la présence d’esprit de prendre une photo de nos têtes à la sortie, c'était quelque chose !). Heureusement, nous poursuivons par un massage complet qui nous permettra de reprendre nos esprits en douceur…

Nous repartons le lendemain de Tepoztlán heureux d’avoir pu soutenir une famille qui défend cette pratique traditionnelle plutôt que de la dévoyer auprès des touristes. Mais surtout hyper détendus, prêts à rentrer en France pour notre ami Renaud, et nous deux à affronter la jungle urbaine une semaine de plus, en attendant notre départ pour la Basse-Californie.

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20 août - 4 septembre 2019

Non, nous ne sommes pas aux États-Unis ! La Basse Californie - Baja California en espagnol - est bien une région mexicaine. Il s’agit en fait de la longue péninsule se situant juste au Sud de la Californie américaine. Une péninsule presque aussi longue que l’Italie… Nous n’en parcourrons en fait qu’une toute petite partie, l’extrême Sud de la région, bien assez grand pour nous occuper deux semaines.

C’est à San José del Cabo que nous récupérons Ivo, notre van pour les prochains jours (vous comprenez plus tard son nom). Un superbe (et énorme !) Ford E150 blanc qui deviendra peu à peu notre maison. San José del Cabo forme avec Cabo San Lucas la région de « Los Cabos », sorte de Cancún californien où s’entassent les hôtels de luxe. Nous n’y restons que le temps de dévaliser Walmart pour nos affaires de camping, et nous voici sur la route. Du Sud de la péninsule, nous effectuons un cercle en remontant d’abord vers le Nord-Est, avant de retourner à notre point de départ par la côte Ouest.

Notre road-trip commence donc par la côte de la mer de Cortez, enserrée entre la Basse-Californie et le Mexique continental. « L’aquarium du monde » selon Jacques Cousteau, qui y navigua beaucoup et qui reste aujourd’hui une star locale. Une île a même été rebaptisée à son nom ! Le périple commence à Cabo Pulmo, une réserve naturelle aux fonds marins réputés, se prolonge ensuite à Los Barriles, station balnéaire dans laquelle nous découvrons l’omniprésence des américains dans la région. De très nombreux (et riches) retraités ont acheté des maisons dans le coin et s’adonnent à la pêche sportive. On s’amusera beaucoup de croiser, partout dans les dix jours à venir, cette population qui tranche au Mexique et qui donne à la région des airs d’États-Unis.

Mais la mer de Cortez, c’est surtout des paysages à couper le souffle, alliant montagnes désertiques, forêts de cactus et mer d’un bleu éclatant, le tout sous une chaleur écrasante. Un environnement hostile mais spectaculaire. Nous alternons les nuits dans le van et les nuits sous la tente à même la plage, tantôt complètement déserte comme à Punta Pescadero, tantôt bordée de grandes maisons vides comme à La Ventana. Car nous parcourons la Basse-Californie complètement hors-saison, presque tout est fermé, parfois jusqu’aux restaurants.

Nous nous sommes aussi aventurés à l’intérieur des terres, lors d’un crochet dans la montagne Sierra Laguna, afin de profiter de l’oasis de la ville de Santiago et des sources d’eau chaude El Chorro. Un environnement nettement plus foisonnant que ce que nous avions traversé jusqu’alors.

Tout au Nord de notre boucle, nous atteignons la plus grande ville de Basse-Californie du Sud : La Paz. Nous dormons au Nord de la ville sur la plage de Balandra, récemment élue « plus belle plage du Mexique », pour peu que cela signifie quelque chose… Elle nous offrira en tout cas un beau coucher de soleil et une superbe petite randonnée au réveil.

Pendant tout le voyage, on appréciera de vivre au rythme du soleil, nous couchant et nous levant (presque) en même temps que lui.

3 levers de soleil et un coucher,  à vous de les repérer 😉

La Paz est notre point de départ pour une excursion en bateau à Espiritu Santo. Cette île désertique et inhabitée est en fait un parc naturel où cohabitent de nombreuses espèces : pélicans, coraux, lions de mer, raies manta, ainsi que des centaines de petits poissons multicolores que l’on observe au masque et au tuba. Quant aux couleurs de l’île, entre l’ocre du désert et le bleu intense de l’eau, elles paraissent presque surréalistes. Une excursion qui nous permettra aussi d’observer de près de nombreux dauphins. On peut aisément comprendre pourquoi Cousteau est tombé amoureux de cette mer si particulière.

Suite de l’aventure vers le Sud à présent : de La Paz, nous rejoignons la côte Pacifique et la ville de Todos Santos. Ce spot réputé « hippie » présente une ambiance tout à fait différente des villes traversées jusqu’ici. Les vieux américains sont toujours là, mais ils sont plus détendus, presque bohèmes, tiennent des galeries d’art - rien à voir avec les les pêcheurs rednecks fréquentant l’autre côte. C’est d’ailleurs à Todos Santos que l’on trouve l’« Hôtel California », qui aurait donné son nom à la chanson des Eagles, rendant hommage à l’époque où les hippies américains ont commencé à fréquenter la région. Mais attention, une simple recherche sur internet nous aura permis de démentir ce mythe, largement entretenu par les propriétaires de l’hôtel mais démenti par le groupe de musique lui-même.

Le paysage de la côte Pacifique est très vert, c’est le retour des palmiers. Sans compter l’air de l’océan qui rafraîchit nettement cette côte, où les températures sont bien plus supportables. Enfin, les vagues du Pacifique offrent plusieurs spots fréquentés par les surfeurs : l’occasion pour Camille de prendre sa toute première leçon !

Concernant les Mexicains natifs du coin, leur pratique de la plage nous a pour le moins surpris. Nous avions déjà constaté, qu’étant un peuple très pudique, les Mexicains se baignaient pour la plupart entièrement habillés. Mais la spécificité locale, c’est le 4x4. En Basse-Californie, tout le monde roule en 4x4. Et bien, là-bas, on ne gare pas la voiture à côté de la plage… mais sur la plage ! Le dimanche, vous pouvez voir des dizaines de familles débarquer en 4x4 sur le sable, se garer au plus près de l’eau, sortir la tonnelle, la glacière, la table, les chaises et de quoi faire des tacos pour tout le monde.

Bien que, pour seul repas, nous ayons été souvent contraints de ne grignoter que de l’avocat sur des tortillas (camping sauvage oblige), ce roadtrip en Basse-Californie a aussi été un séjour gastronomique comme seuls les séjours au bord de mer en ont le secret. Quoi de meilleur que de bons produits de la mer extra frais ? Pour autant, nous n’avons pas pour autant fait d’infidélité aux sacro-saints tacos mexicains (vous en saurez plus dans le prochain article). Nous nous sommes littéralement régalés en abusant des tacos de crevettes à la plancha, de poulpe grillé, ou encore de marlin - un poisson fumé très proche de l’espadon.

Ces deux semaines de road-trip furent pour nous une sacrée aventure, au sens littéral du terme. Une aventure qui commença dès le premier jour par la découverte des routes de la région : pour atteindre les principaux points d’intérêt, il faut emprunter des chemins cahoteux et sableux, longeant la côte ou traversant le désert. On s’ensablera deux fois en deux jours et on en crèvera même l’un de nos pneus. A chaque fois, la gentillesse des locaux nous a permis de nous en sortir rapidement et sans encombres. On comprend mieux pourquoi tous les habitants de Basse-Californie se déplacent en 4x4, en buggy ou en quad.

Mais le pic de l’aventure fut atteint avec le passage de la tempête tropicale « Ivo », qui nous paralysa pendant deux jours à bord du van, coincés entre deux flaques d’eau intraversables (les photos ne permettent pas d’apprécier la profondeur - au-dessus du genoux), tout en ravageant le chemin de terre qu’il nous faudra emprunter pour nous sortir de là. Ivo - le van, désormais rebaptisé au nom de la tempête - ne nous décevra pas et nous permettra de traverser toutes ces épreuves, fier comme un 4x4 !

Une fois la boucle bouclée, c’est avec regret que nous avons mis un terme à nos aventures basse-californiennes pour reprendre l’avion pour Mexico, où nous passerons nos dix derniers jours dans le pays. Nous y fêterons aussi nos 6 mois de voyage, avant de nous envoler le 15 septembre pour un nouveau continent, direction l'Indonésie !

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On ne pouvait pas partir du Mexique sans faire un focus sur les tacos. Plus qu'un plat national, c'est une religion. Partout, et à toute heure, vous trouverez une taqueria pour vous nourrir. Partout, et à toute heure, vous verrez des Mexicains accoudés au comptoir ou debouts à même le trottoir dévorer leurs délicieux tacos.

Un taco, qu'est-ce que c'est ? Une petite tortilla (une galette) de la taille de la pomme de la main, garnie de viande. Un peu comme un mini kebab. Ils sont généralement servi par 3, mais les gourmands en mangent 5 !

Cela fait partie du quotidien des mexicains, dans toutes les régions où nous sommes passés, que ce soit le Yucatan, le Chiapas, Oaxaca, la Basse-Californie ou Mexico City. Pour quelques pesos seulement, c'est un repas rapide et souvent savoureux. Ils peuvent être servis au restaurant (certains grands chefs revisitent d'ailleurs ce classique) mais la taqueria est souvent à même la rue.

Au-delà du quotidien, le taco est une mythe collectif et un objet de fierté. C'est peut-être une des questions que l'on nous a le plus posées : "Vous aimez la cuisine mexicaine ? Quel est votre taco préféré ?" La plateforme Netflix a même lancé une série documentaire sur le sujet : les "Tacos chronicles" ! Un épisode, un type de taco, avec un ton excessivement élogieux.

Mais décortiquons ensemble un taco pour mieux le comprendre.


La tortilla

La base du tacos, c'est la tortilla, autrement dit la galette. Elle remplace l'assiette, elle soutient l'ensemble, elle est à la base de tout.

Et même au-delà du taco, au Mexique un plat sans tortilla n'existe pas. La cuisine mexicaine est riche et savoureuse. Mais dans sa grande diversité, il y a un invariant : la tortilla. De nombreux plats ne sont considérés comme différents que parce que la tortilla y est differente : tortilla chaude ou froide, souple ou croquante, frite, ouverte, pliée ou roulée... Cela donne les quesadillas, les tostadas, les doradas, les enchiladas... Autant de plats composés d'une galette et d'une garniture. Et quand le plat en question n'a pas lui même de tortilla (un poulet au molé par exemple - une sauce typique du sud du pays à base de cacao), et bien on vous sert toujours de bonnes tortillas bien chaudes dans un panier à côté.

Alors la tortilla, c'est une galette de quoi ? De maïs souvent, de blé parfois. Au Mexique, le maïs est un élément central de l'alimentation, et ce depuis bien longtemps. Les Aztèques vénéraient Chicomecòatl, déesse du maïs, mais aussi de la fertilité. Quant à la guérilla zapatiste, le maïs fait également partie de son imaginaire et de son iconographie, et pour cause : la culture du maïs est au cœur de la vie paysanne et constitue un moyen, non seulement de subsistance, mais aussi d'émancipation. Il y a donc de grandes chances que la tortilla de votre taco soit de maïs. Mais dans certaines régions, comme la Basse Californie (plus proche des États-Unis), c'est le blé qui l'emporte. Et dans les bons établissements, on vous laisse le choix : "maiz o harina ?"

La viande

La tortilla n'est rien sans la viande qui l'accompagne. C'est elle qui détermine le type de taco que l'on mange.

Trouver un taco sans viande ? Un sacré défi pour les végétariens, comme nos amis Renaud ou Barbara. Les mexicains sont très carnivores. Et quand vous demandez dans une taqueria s'ils peuvent vous en proposer une version végétarienne, bien souvent ils ne comprendront même pas le sens de votre question. Notons néanmoins deux exceptions à cette règle : Mexico City et les bords de mer.

La Ciudad de Mexico et ses quartiers branchés proposent bien évidemment une offre variée de tacos réinventés à la sauce végétarienne et vegan : imitations de viande au soja, créations aux champignons...

Du côté de la plage, ce sont les tacos de fruits de mer qui nous ont enchantés. Que cela soit dans l'Oaxaca ou en Basse Californie, une de nos plus belles expériences culinaires au Mexique resteront les tacos de crevettes à la plancha, de poulpe grillé et de poisson fumé.

En dehors de ces deux cas très précis, un taco est à la viande, et la viande détermine le type de taco.

"Al Pastor", c'est le roi. Le taco ultime. Le meilleur pour nous et pour beaucoup de Mexicains. C'est une viande de porc marinée aux épices, grillée à la broche, accompagnée d'avocat, de coriandre, et de morceaux d'ananas. On l'appelle parfois le "kebab mexicain" (au détail prêt qu'il s'agit de viande de porc). La comparaison n'est pas absurde, puisque les broches en question et la technique de cuisson ont été importées par une immigration libanaise du début du 20e siècle.

En dehors du "Al Pastor" et son incroyable équilibre sucré-salé, il y en a pour tous les goûts : Carnitas (toutes les parties du porc -intégralement- mijotées, coupées en petit morceaux, grillées et mélangées), Guisado (sorte de ragoût), Chicharron (couenne de porc grillée), Cecina (viande de bœuf hachée marinée et épicée), Cochinita pibil (effiloché de porc en sauce), Longaniza (chorizo), Campechano (deux viandes : chorizo + bœuf)....

Chaque région a sa spécialité (dans le Michoacan ce sont les carnitas, dans le Yucatan ce sont les cochinitas...), et chaque taqueria de CDMX défend ses couleurs.

Les plus audacieux trouveront aisément des tacos à l'oreille, à l'oeil, au cerveau, ou à la langue.

La sauce

Une des spécificités d'une bonne taqueria, c'est la qualité et la quantité des sauces proposées.

À 99% piquantes, les sauces doivent proposer une large gamme de piments, du plus doux au plus fort, du plus vert au plus rouge. Guacamole, salsa roja, salsa verde, habanero, jalapenos, chipotle... il y en a pour tous les palais. Sans oublier le traditionnel citron vert et le "pico de gallo", un accompagnement composé de tomates, d'oignons, de piments très similaire au rougail tomate réunionnais (pour les connaisseurs).

Voilà, vous savez (presque) tout sur les tacos. Non, cela n'a rien à voir du tout avec les fajitas Old el Paso. On en a mangé beaucoup, vraiment beaucoup, en deux mois et demi. On a failli s'en lasser. Mais finalement, cela va beaucoup nous manquer.

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17 - 22 septembre 2019

Cancun - Dallas, Dallas-Tokyo, Tokyo-Jakarta : c’est au terme de 31h de voyage que nous posons notre premier pied en Asie, prêts à affronter un tout nouveau continent (enfin, après une bonne nuit quand même...). Nous ne nous attardons pas dans la capitale Jakarta, réputée surpeuplée et désagréable, et prenons dès le lendemain le train pour celle qui est considérée la capitale culturelle de l’île de Java : Yogyakarta. Une journée entière sur les rails, pour nous familiariser en douceur avec les paysages qui seront les nôtres pour les prochaines semaines : rizières émeraudes et volcans en toile de fond.

Avant de poursuivre, un petit mot de l’Indonésie, pays qui se démarque du reste de l’Asie du Sud-Est en plusieurs points. Déjà car il s’agit d’un immense archipel comprenant plus de 15.000 îles, dont une quinzaine de grandes îles (nous commençons par Java, qui n’est pas la plus grande d’entre elles mais qui a dominé historiquement le reste du pays). Ensuite car il s’agit d’un pays musulman, le plus peuplé du monde avec ses 264 millions d’habitants. Enfin car c’est le seul de la région à avoir vécu pendant des siècles sous domination hollandaise (malgré des velléités britanniques, portugaises et françaises).

Notre parcours : l'Est de Java puis les îles de Flores et Lombok 

Dès notre arrivée sur place, Yogyakarta nous étonne par son alliance très fluide entre tradition et modernité. Nous sommes bien en Asie : la circulation chaotique, les hordes de deux roues et de tuk-tuk, l’effervescence permanente de la ville sont là pour nous le rappeler. Mais Yogyakarta regorge aussi de petits cafés et restaurants stylés, de galleries d’art alternatives et de street art à en faire pâlir les métropoles occidentales. Ses petites rues encombrées de végétation sont très agréables à parcourir à pied : dès que l’on quitte les grands axes, on est surpris par le calme de ses différents quartiers. C’est notamment le cas du Kraton, quartier historique construit autour du palais du sultan, qui se présente comme un dédale de ruelles à peine assez larges pour laisser passer un deux-roues.

Au cœur du Kraton se trouve donc le palais où vit toujours le Sultan local (un titre aujourd’hui principalement symbolique). C’est l’une des principales attractions de la ville. Lors de notre visite était donné un spectacle de danse traditionnelle où un danseur costumé et maquillé évolue au son du gamelan, un orchestre de gongs typique du pays.

Yogyakarta est aussi la capitale du « batik », un tissu imprimé selon une technique à la cire. Chaque motif a une signification, chaque tissu est pensé pour une occasion, une fonction ou un rang particulier. Et si le batik vous fait penser aux tissus « wax » africains, c’est pour une raison très précise : à la fin du XIXe, des soldats ghanéens furent envoyés en mission en Indonésie par l’administration coloniale néerlandaise. Ils en ont ramené la technique d’impression du batik javanais, qui s’est vite popularisée dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Nous avons mis plusieurs jours à esquiver les pièges à touristes pour nous procurer un joli batik de qualité, parfois difficile à repérer au milieu des imitations. Car là se situe pour nous la grande nouveauté : les coins touristiques d’Asie du Sud-Est sont de véritables royaumes de l’arnaque à touristes ! Si vous demandez votre chemin dans la rue, on vous conduira au mauvais endroit ou on vous affirmera systématiquement que le lieu que vous cherchez est déjà fermé, toujours dans le but de profiter de votre portefeuille. Le seul tuk tuk que nous avons emprunté a fait semblant de nous emmener à destination, pour en fait tenter de nous vendre une autre attraction touristique. Il faut donc sans cesse déjouer les mensonges et tenter de se renseigner par soi-même, car on ne peut pas compter sur les locaux pour avoir des renseignements fiables. Après l’incroyable honnêteté des mexicains, ça nous fait tout bizarre... Mais par rapport à l’Amérique Latine, le côté positif est la quasi absence d’insécurité : ici, vous risquez de vous faire avoir, mais pas enlever ou agresser à la nuit tombée. À Java, les crimes violents sont quasi inexistants. Et si les locaux vous mentent, c’est toujours avec le sourire et une grande sympathie. De quoi nous faire relativiser.

Yogyakarta fut aussi notre point de départ pour deux excursions en scooter en dehors de la ville. La première au temple hindou de Prambanan (avant l’arrivée de l’Islam à partir du XIIIe siècle, l’archipel était mi hindouiste, mi bouddhiste), consacré à la divinité suprême Shiva.

La seconde à Borodubur, temple bouddhiste considéré comme l’un des joyaux d’Asie du Sud-Est. Nous avons choisi de le visiter au lever du soleil, nous levant à 4h pour l’occasion. On ne l’a pas regretté : l’arrivée du jour sur ce monument aux 400 bouddhas et presque autant de stupas (ces cloches de pierres disposées tout autour) est absolument magistrale. Le sommet du temple nous offre une vue à 360• sur la campagne environnante, tropicale et embrumée. Le tout au son de l’appel à la prière des mosquées du village voisin... Dommage que nous ne soyons pas tout à fait seuls : des hordes de touristes se sont eux aussi levés aux aurores, en quête du selfie parfait. Nous tentons comme nous pouvons d’en faire abstraction pour profiter du moment.

De retour à Yogyakarta, nous concluons notre séjour par une attraction typique de la ville : les bling bling cars ! Tous les soirs, les locaux se retrouvent sur la place Alun-Alun pour conduire ces voitures à pédales en forme de coccinelles ou de combi Volkswagen, décorées à grand renfort de guirlandes lumineuses et chacun doté de leur propre soundsystem. Un loisir un peu absurde mais très drôle et très photogénique, parfait pour dire au revoir à Yogyakarta !

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23 - 26 septembre 2019


l'Indonésie, c'est 15 000 îles, mais aussi 150 volcans actifs. Le pays est situé sur la "Ceinture de feu" du Pacifique, un ensemble de failles tectoniques qui ont rendu tristement célèbre le pays par de nombreux séïsmes, tsunamis et éruptions volcaniques.

Mais la "Ceinture de feu" offre également l'un des principaux attraits de l'archipel : l'ascension de ses nombreux et spectaculaires volcans. Nous nous sommes donc lancés à l'assaut de deux sommets de l'île de Java, qui ont rempli leurs promesses : le Mont Bromo et le Kawah Ijen.

C'est le micro-village de Cemoro Lawang qui nous sert de camp de base pour le Bromo, après de nombreuses heures de transports pour le moins épique depuis Yogyakarta. Encore et toujours, il faut déjouer les pièges qui nous sont tendus à chaque étape (vous demandez la gare routière, on vous emmène devant une agence touristique hors de prix...), mais nous commençons à être rôdé et l'exercice relève pour nous de la routine. Une nuit courte dans une chambre d'hôte des plus sommaires : nous devons nous réveiller à 2h45 pour entamer notre ascension, afin de voir le lever du soleil sur le volcan. Une heure et demi de marche dans la nuit, à la lumière de notre frontale, pour atteindre le point de vue de King Kong Hill qui surplombe le volcan et sa "caldeira", une vaste mer de poussière volcanique qui l'entoure ainsi que les autres cratères environnants (le Batok, le Semeru...). Vers 5h du matin, quand le soleil pointe enfin le bout de son nez, nous découvrons le paysage spectaculaire qui nous entoure.

Après une courte sieste, nous repartons en fin de matinée pour attaquer le cratère lui-même. Il nous faut pour cela traverser la Caldeira à pieds, foulards sur le nez afin de se protéger de la poussière volcanique en suspension. Nous découvrons aux pieds du volcan plusieurs temples hindous. En effet, si 90% de l'Indonésie est musulmane, la population locale, les Tenggers, est une minorité hindouiste réfugiée dans la région depuis des siècles. Le Bromo est pour eux un volcan sacré, à qui ils vouent un culte en jetant des offrandes dans le cratère. Après 1h30 de marche, nous atteignons la crête, et pouvons admirer les fumerolles, le paysage lunaire qui nous entoure et la statue du dieu éléphant Ganesh posée au bord du gouffre.

Le lendemain, une nouvelle journée de transports nous attend pour rejoindre Banyuwangi, notre point de départ pour l'ascension du Kawah Ijen.

Une nouvelle fois, la nuit sera courte : cette fois-ci, c'est à 23h30 que notre réveil sonne ! Car il nous faudra atteindre le fond du cratère avant le lever du soleil, afin d'observer un phénomène quasi unique au monde.

Nous embarquons donc vers minuit pour une heure de route de montagne jusqu'aux pieds du volcan. 1h30 d'ascension nous attend, sur un sentier pentu et très glissant à cause de la poussière volcanique au sol. Arrivés au sommet, il faut encore 30 minutes de marche pour descendre dans le cratère, avec cette fois-ci un masque à gaz sur le nez. Le volcan crache une épaisse fumée sulfurique toxique.

Le soufre du mont Ijen est réputé comme étant le meilleur de toute l'Indonésie. Des dizaines de mineurs descendent donc toutes les nuits dans le cratère - sans masque, eux - pour ramasser 60 à 80 kilos de soufre chacun, qu'ils remontent dans des paniers en osier et revendent une bouchée de pain à l'industrie pharmaceutique et cosmétique (6 000 roupies le kilo, soit moins de 40 centimes...).

C'est donc au milieu de ces travailleurs aux conditions extrêmes que nous effectuons notre descente. En bas, le spectacle est surréaliste. Nous sommes à deux pas de la cheminée de soufre qui crache son épaisse fumée, et un tapis de flammes bleues s'étale sous nos yeux. Un phénomène observable uniquement ici et en Islande, et qui disparaît sitôt apparus les premiers rayons du soleil ou même les soirs de pleine lune.

Une fois le phénomène observé, nous ne nous attardons pas dans le ventre ardent de la terre (la fumée a tout de même tendance à piquer les yeux et la gorge malgré les masques), et nous entamons notre remontée sur la crête afin d'attendre le prochain spectacle : le lever du soleil. Encore une fois, c'est progressivement que le paysage qui nous entoure va se révéler. Un paysage à couper le souffle, sans doute l'un des plus beaux depuis le début de notre voyage.

Tout autour de nous, des chaînes volcaniques et une mer de nuages baignée de lumière. Et en dessous de nous, l'immense cratère, la cheminée fumante aux pieds de laquelle nous étions descendus il y a quelques heures seulement et surtout l'immense lac sulfurique qui rempli le cratère. Un lac bleu turquoise qui pourrait presque nous tenter pour une baignade, fortement déconseillée puisqu'il s'agit du lac le plus acide du monde ! Au milieu du lac, des îlots de soufre jaune. Jaune et mauve, comme la fumée, la roche et tout ce qui nous entoure. Ajoutez à cela le bruit et l'odeur... (en fait, le silence absolu, et l'odeur d'œuf pourri qui va imprégner nos vêtements pour les prochains jours !). Le spectacle nous subjugue et nous restons au sommet plusieurs heures, avant d'entamer la longue et difficile redescente, ponctuée de glissades dans la poussière. Nous sommes de retour au parking plus de 7h après l'avoir quitté ! Il est l'heure de prendre un bon petit déjeuner et de reprendre la route vers notre prochaine étape : l'île de Florès.

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27 - 30 septembre 2019


Deux petites heures de vol vers l’Est plus tard, nous voici arrivés sur l’île de Flores, ainsi nommée par les anciens colons portugais car la beauté de l’île équivalait à leurs yeux à celle d’une fleur.

Notre porte d’entrée à Florès est donc Maumere, la principale ville de l’Est de l’île. A peine descendus de l’avion, nous ressentons le changement d’ambiance et de culture : ici, les habitants sont catholiques à 85% et parlent d’autres langues. Ils ont la peau sombre et les traits bien différents des javanais - on dira même à Camille qu’elle a l’air d’une locale. La ville de Maumere n’ayant pas d’intérêt particulier en soi, nous posons nos valises une trentaine de kilomètres plus à l’Est, chez un couple germano-indonésien et leur petite fille de 3 ans. Il s’agit d’un « homestay » (un séjour chez l’habitant, comme ça se fait beaucoup dans le pays) à même la plage. Nous logeons dans un petit bungalow à quelques mètres seulement de l’eau bleue et du sable noir, région volcanique oblige.

Florès est une île particulièrement réputée pour ses fonds marins, et nous en avons rapidement fait l’expérience. Le lendemain de notre arrivée, un bateau de pêcheur vient nous chercher directement au homestay pour nous emmener explorer les eaux de la baie de Maumere au masque et au tuba. Car ici, nul besoin de faire de la plongée pour observer des champs de coraux multicolores et des centaines d’espèces de poissons tropicaux : le « snorkeling » comme on l’appelle en anglais suffit largement. On aurait voulu vous rapporter quelques images de cette extraordinaire exploration sous-marine, mais faute d’appareil photo étanche il faudra vous contenter des ces vues prises de l’extérieur de l’eau... qui ne sont pas mal non plus !

Seule ombre au tableau de cette journée en bateau : les milliers de déchets plastiques jonchant la plage de l’île de Puau Babi, où nous nous arrêtons pour déjeuner. Les quelques pêcheurs qui y vivent dans le plus grand dénuement voient leur habitat complètement pollué par ces détritus amenés par le courant. Globalement, les Indonésiens ne sont pas du tout éduqués au respect de leur environnement et jettent au sol tout ce qu’ils ont à jeter. Les conséquences, nous les avons tristement observés sur cette plage qui aurait pourtant pu être l’image absolue du paradis.

Le sable est jonché de déchets

Notre deuxième expérience forte à Maumere fut une fête de famille ! Conviés par notre hôte à la communion de son petit cousin, nous avons été accueillis à bras ouvert par la famille et les villageois venus célébrer l’événement. La fête dure quasiment 48h, au son d’un immense soundsystem installé dans le jardin, qui crache de la musique à un niveau sonore bien au delà du raisonnable. Ce fut l’occasion pour nous de découvrir l’amour des habitants de Florès pour le reggae, et en particulier pour le chanteur ivoirien Alpha Blondy, qui tourne en boucle dans chaque maison, dans chaque bar, dans chaque bus. Décidément, on est déjà bien loin de Java.

Après 4 nuits à l’Est de l’île, nous entamons un périple vers l’Ouest, qui nous emmènera à l’autre extrémité de la Trans-Flores Highway, principale route de l’île : 700km de lacets à travers montagnes, volcans et rizières.

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1er - 10 octobre 2019


L'île de Florès est traversée d'Est en Ouest (ou d'Ouest en Est, c'est selon), par la Trans-Florès, une route serpentant dans les montagnes et qui permet de relier Maumere (notre dernière étape) à Labuan Bajo (notre prochaine).

C'est donc dans le sens Est-Ouest que nous avons emprunté cette route accidentée, mais sublime, alternant paysages volcaniques, rizières verdoyantes et littoral spectaculaire.

La route est si escarpée et les lacets si rapprochés qu'il faut environ 5 heures pour parcourir la petite centaine de kilomètres qui sépare chacune de nos étapes. C'est donc en prenant notre temps, en 10 jours, que nous avons traversé l'île, en bus public comme ci-dessous ou en voitures partagées comme le veut ici la pratique.

À chaque étape, 1 ou 2 jours sur place nous ont permis d'explorer la campagne et les hauteurs environnantes. En moto pour ravir Christophe ou en scooter pour satisfaire les envies de conduire de Camille.

Notre première étape nous emmène à Moni. Un village de rastas, qui sert de camp de base pour le volcan Kelimutu. Cette fois-ci, nous nous épargnons le lever du soleil, pour arriver un tout petit peu plus tard, quand les premiers rayons taperont déjà sur le lac. C'est donc au petit matin que nous enfourchons notre scooter pour un trajet baigné de lumière. Arrivés au sommet, nous découvrons le Kelimutu et ses trois lacs sulfuriques. Trois lacs de teintes différentes, qui changent sans cesse de couleurs, de façon imprévisible en fonction des mouvements de ses sédiments. Pour nous, le Kelimutu offrira deux lacs en nuances de bleu et un lac marron. Le Kelimutu est un volcan sacré pour les Lio, l'ethnie locale, qui y pratiquent des rituels en hommage aux ancêtres. C'est en effet dans ces lacs que les âmes des défunts sont supposées se réfugier.

Sur le chemin du retour, nous profitons de notre scooter pour nous détendre dans deux sources d'eau chaude en plein milieu des rizières en terrasse.

Après Moni, direction Ende, ville portuaire où nous dégustons du poisson fraîchement péché, grillé au barbecue face à la baie, et nous découvrons les habitations traditionnelles du village de Wolotopo. De vastes huttes de bois à l'intérieur extrêmement sombre, que se partagent 5 familles. Nous y sommes accueillis par les petits vieux du village, avec qui on communique par signes et éclats de rire puisque personne ne parle un seul mot d'anglais !

Un peu plus loin, c'est à Bajawa que nous nous arrêtons pour quelques jours de séjour nature dans les montagnes : trekking, nuit en tente de luxe avec vue, baignade en cascade et sources d'eau chaude. Nous faisons aussi de belles rencontres chez Gilles, un Québécois installé ici depuis 20 ans avec sa femme indonésienne, qui a installé un centre d'écotourisme où il travaille au développement local avec les communautés alentours. Grâce à son travail, c'est chez lui que nous avons le plus échangé avec la population, puisque les gens du village apprennent l'anglais et se forment peu à peu à l'accueil de touristes - condition sine qua non pour que la communauté perdure et que la jeune génération reste sur place.

C'est aussi au départ de Bajawa que nous visitons Bena, village traditionnel Ngada (il y a plus de 30 ethnies, cultures et langues qui cohabitent sur Florès). Ici, on fabrique de l'ikat, les tissus traditionnels de l'île, et le christianisme se mêle à l'animisme local dans un synchrétisme particulier. On prie la vierge à l'église en même temps que l'on sacrifie des buffles sur des menhirs au centre du village avant d'en exposer les cornes devant chaque habitation.

130 kilomètres plus loin, à Ruteng, ce sont les superbes rizières qu'il ne faut pas manquer. Notamment les rizières dites en "toiles d'araignée", la spécificité locale. Si nous avons trouvé les toiles d'araignée un peu sèches et sans grand intérêt, en revanche, les alentours de la ville nous ont offert de sublimes points de vue sur les rizières en terrasse.

Enfin, dernière étape d'une nuit avant de rejoindre Labuan Bajo : une retraite nature et bio chez Sten Lodge, des maisonnettes traditionnelles en pleine forêt, de la cuisine maison avec légumes du jardin.

Mais surtout, le lieu est enfin à l'écart du vacarne incessant de la Trans-Florès ! Car ici, la circulation ne cesse jamais et les Indonésiens ont tendance à abuser du klaxon, y compris la nuit, et à faire gronder les moteurs de leurs scooters dès 4h30 du matin. 10 jours sur la Trans-Florès, c'est en prendre plein les yeux, mais aussi (et beaucoup trop) plein les oreilles !

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10 - 15 octobre 2019

Après 10 jours sur la route, nous atteignons finalement notre destination finale : Labuan Bajo, la ville la plus occidentale de Flores, mais aussi la plus fréquentée, nombre de voyageurs ne s’aventurant pas plus loin sur l’île. Labuan Bajo, ville sans charme ni points d’intérêts particuliers, est avant tout le seul port d’entrée vers l’archipel des Komodo, une réserve marine naturelle réputée qui propose certains des meilleurs spots de plongée sous-marine au monde. Ainsi, le village de pêcheurs et sa superbe baie sont devenus en quelques décennies un hub touristique sans équivalent dans la région. Dans la rue principale se succèdent des dizaines, voire des centaines de restaurants occidentaux et d’agences de plongée. Ici, les touristes sont australiens, américains ou encore chinois, là où sur le reste de Flores nous ne croisions quasiment que des français. Quant aux prix, ils sont facilement multipliés par deux.

C’est à Labuan Bajo que nous avons choisi de faire renouveler notre visa indonésien, initialement prévu pour un mois. Des démarches administratives qui ont duré plus longtemps que prévu pour cause de bug dans le système informatique, et qui nous ont immobilisé sur place pendant 6 longs jours...

La superbe baie de Labuan Bajo, sa rue principale et.... son centre administratif d'immigration

Comment s’occupe-t-on pendant une semaine à Labuan Bajo, si on n’a pas les moyens de payer une sortie en mer ? On commence par profiter de la variété de restaurants, qui nous ont bien fait plaisir après 3 semaines à ne manger quasiment que du nasi goreng (riz frit) et du mie goreng (nouilles frites), les deux plats nationaux - la cuisine indonésienne n’est pas mauvaise mais assez monotone... On loue un scooter dans l’espoir de trouver une plage propre dans les environs de la ville - mission quasi impossible - avant de se rabattre sur les piscines des hôtels chics de la ville (en buvant quelques verres au bar, on peut en profiter sans pour autant payer le prix de la chambre - autant vous dire qu’en une semaine, on a fait le tour de toutes les piscines de Labuan Bajo). On profite chaque soir des incroyables couchers de soleil sur la baie, finalement le principal atout de la ville, avant de se diriger vers le marché des pêcheurs nocturne, pour de délicieux fruits de mer et poissons caramélisés au barbecue.

Il n’empêche que 6 jours plus tard, notre visa enfin en poche, nous sommes bien contents de quitter Labuan Bajo et Flores vers de nouvelles aventures.

Bonus : attention, risque de tsunamis
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16 - 19 octobre 2019


C'est en bateau que nous quittons Labuan Bajo et Flores. Un bateau qui va nous emmener jusqu'à l'île de Lombok, en 3 jours et 3 nuits.

Une "croisière" au confort sommaire, puisque nous dormons sur des matelas à même le pont, mais qui nous permet d'explorer le Parc national de Komodo, ses centaines d'îles, ses plages, ses fonds marins et... ses dragons.

La première journée nous emmène en effet sur les îles de Rinca et de Komodo, où il est possible d'observer les célèbres varans, plus connus sous le nom de "Dragons de Komodo". D'énormes lézards qui mesurent jusqu'à 3 mètres de long, courent jusqu'à 20 km/h et tuent leur proie d'une simple morsure tant leur salive est concentrée en bactéries nocives. Les Komodos sont carnivores et même cannibales, puisqu'ils mangent leurs propres petits, contraints de se réfugier dans les arbres pour survivre. La plus grande prudence est conseillée, les Komodos sont agressifs et ont un comportement imprévisible, en plus d'être attirés par l'odeur du sang. Même si quelques accidents sordides sont déjà survenus avec des touristes imprudents en quête du selfie le plus spectaculaire, la plupart des Komodos pouvant être observés sont "apprivoisés" : suralimentés pour les rendre innovensifs, ils font plutôt peine à voir tant ils sont amorphes. Mais nous avons eu la chance assez exceptionnelle de croiser la route de deux dragons sauvages en pleine querelle pour un point d'eau.

Le voyage n'a pas été de tout repos, puisqu'à deux reprises nous avons du nous lever dans la nuit pour gravir des collines afin de profiter du lever de soleil. Notamment sur la magnifique Padar Island, rendue célèbre dans la région par sa forme de "papillon".

Non loin de Padar, nous faisons escale sur une plage rose, dont l'étrange couleur est due à de fines particules de corail rouge qui viennent se mêler au sable.

Le reste de nos escales est essentiellement destiné à plonger au masque et au tuba afin d'observer poissons, coraux et fonds marins, dans des eaux si bleues qu'on se croirait dans un fond d'écran Windows. Comme d'habitude, pas de photos sous-marines pour nous ! En revanche, nous pouvons vous proposer quelques images des nombreux dauphins, très joueurs, qui ont accompagné notre bateau pendant de longues minutes.

Nous avons aussi eu largement le temps de profiter des longues heures de navigation pour lire et nous reposer sur le pont, tout en profitant des superbes paysages et couleurs de l'archipel indonésien. Un rythme qui nous convient bien et n'était pas sans nous rappeler nos 7 jours sur le bateau amazonien !

3 jours de navigation plus tard, nous posons le pied sur la terre ferme de Lombok, notre dernière étape indonésienne.

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19 - 29 octobre 2019


3ème et dernière île de notre séjour en Indonésie, Lombok fut avant tout pour nous une étape farniente. Point de visite exhaustive comme à Florès, nous avons décidé de nous sédentariser pour 10 jours ou presque dans le Sud de l’île, réputé pour ses plages et ses vagues

Pour les 5 premières nuits, nous avons dégoté sur Airbnb une superbe maison perchée tout en haut d’une colline, à l’architecture d’inspiration sasak - l’ethnie locale. Un havre de paix avec vue lointaine sur la mer où nous avons pu pleinement nous ressourcer en lisant, cuisinant, écrivant, travaillant (mais pas trop quand même).

Chaque jour ou presque, nous sommes partis à dos de scooter pour explorer les plages des environs. Elles ne nous ont pas déçus (malgré les éternels déchets plastiques qui semblent décidément inévitables en Indonésie…). Mention spéciale pour les plages de la péninsule d’Ekas, plus difficiles d’accès et donc encore vierges et sauvages. Nous y étions seuls au monde.

Nous partons ensuite pour 2 nuits dans le village de Tetebatu, situé en altitude sur les pentes du mont Rinjani, le deuxième plus haut volcan d’Indonésie, qui occupe une très grande partie de Lombok. Une zone verdoyante qui contraste énormément avec le Sud aride, où nous avions passé les premiers jours - l’île souffre d’une longue sécheresse, cela fait près d’un an qu’il n’a pas plu, les paysages sont cramés par le soleil et de nombreux incendies se sont déclarés. Mais grâce à plusieurs sources d’eau douce, les environs de Tetebatu sont restés luxuriants. Nous nous sommes longuement perdus dans les superbes rizières alentours, guidés par notre hôte Hir qui nous a fait partager son quotidien et celui des gens du village.

Mais la plage nous manquait déjà, et nous retournons dans le Sud de Lombok pour terminer notre séjour. Cette fois-ci à Kuta, une petite station balnéaire fréquentée par les surfeurs, qui nous a rappelé par certains aspects - et avec bonheur - les plages mexicaines du Oaxaca. L’atmosphère de Kuta nous a beaucoup séduits, mais elle risque de changer dans les années à venir car le gouvernement indonésien souhaite en faire un nouveau fleuron du tourisme. Les immenses resorts commencent déjà à sortir de terre, et la péninsule d’Ekas, si sauvage, devrait bientôt suivre le mouvement. Nous sommes heureux d’avoir pu profiter du Kuta cool et charmant avant l’arrivée prochaine du tourisme de masse.

Avec ces 10 jours à Lombok, nous terminons notre séjour en Indonésie heureux, bronzés et reposés, prêts à nous envoler pour le Vietnam - direction Hanoi !

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30 octobre - 3 novembre 2019

Notre nouvelle aventure vietnamienne commence dans le nord du pays, à Hanoï, la capitale. Une ville frénétique, bruyante, où la marée de scooters ne s'arrête jamais. Ça crie, ça klaxonne, ça double sur les trottoirs. Et pourtant une ville pleine de charme qui nous a très rapidement séduite.

Nous avons passé nos deux premiers jours à flâner dans les ruelles de la vieille ville en attendant l'arrivée de Claire, l'amie de Camille, qui nous a rejoints pour 10 jours.

Une découverte agréable, sous le soleil (qui va rapidement nous faire défaut par la suite), avec un beau coucher de soleil en prime sur l'un des lacs de la ville

La vieille ville d'Hanoï est un marché géant, où les étals se déversent le long des ruelles étroites autrefois réparties par corporations. On y trouve de tout : crevettes ou poissons séchés, artisanat et surtout beaucoup de produits de contrefaçon ! Nike, Adidas, Chanel, Gucci... Le Vietnam est le paradis de la contrefaçon et vous y trouvez toutes les grandes marques pour à peine quelques euros. Mais avec parfois de légères fautes d'orthographe !

L'arrivée de Claire signe aussi celle de la pluie. Mais munis de nos superbes capes, nous ne se laissons pas démonter et nous allons découvrir la nouvelle ville, également appelée "quartier français" en raison des nombreuses constructions coloniales datant de l'époque de l'Indochine. Un quartier beaucoup plus chic, qui s'étend autour du "lac de l'épée restituée". La légende dit que le lac abrite une tortue dorée géante aurait donné - puis récupéré - l'épée qui a permis au pays de se libérer du joug chinois. Le lac était en effet l'abri d'une vraie tortue géante deux fois centenaire, malheureusement pour nous morte en 2016. Un temple construit sur un îlot au centre du lac lui rend hommage.

La visite du quartier officiel nous rappelle en revanche que nous sommes bien dans un régime communiste à parti unique, sur le modèle chinois : parlement du peuple, siège du parti communiste, et surtout mausolée d'Ho Chi Minh, père fondateur de la nation et de l'indépendance vietnamienne. À l'instar de Lénine (dont une statue trône près du palais présidentiel), la dépouille d'Ho Chi Minh est conservée et exposée au public. On pénètre en silence dans le bâtiment, gardé tous les deux mètres par des soldats en uniformes. Ici pas le droit de parler, de prendre de photo, ni même de s'arrêter de marcher. Le corps est remarquablement conservé sous un cube en verre, entouré de 4 gardes, dans une ambiance très solennelle, le tout surmonté de l'étoile vietnamienne et du symbole communiste : le marteau et la faucille. Une hérésie quand on sait que le humble Ho Chi Minh avait demandé dans son testament a être incinéré pour que ses cendres soient dispersées sur tout le Vietnam. C'était sans compter sur le parti communiste qui a détruit son testament afin d'instrumentaliser son image et de construire un véritable culte de la personnalité.


Après le mausolée, nous avons pu admirer la très belle et très modeste maison en bois sur pilotis qu' "Uncle Ho", comme on l'appelle, a fait construire pour y habiter. Une demeure à son image, lui qui refusait le faste du palais présidentiel.

Non loin de là, nous visitons la citadelle impériale, ancienne demeure des empereurs construite au XIe siècle (et plutôt mal conservée). Le site a par la suite été utilisé comme quartier général de l'armée vietnamienne pendant la guerre du Vietnam contre les États-Unis, ce qui nous a donné l'occasion de pénétrer dans d'anciens bunkers communistes.

Autre souvenir de l'époque impériale : le Temple de la Littérature, sorte d'université où furent formés des siècles durant les futurs notables du pays. Selon les principes de Confucius, on y enseignait aussi bien l'Histoire que les mathématiques ou la géomancie, une science occulte qui consiste à lire l'avenir en jetant des cailloux. Le lieu, ponctué de lacs recouverts de nénuphars, est un havre de paix dans le brouhaha d'Hanoï.

Le Vietnam, c'est aussi une religion unique au monde, et Hanoï nous en a donné de beaux échantillons à travers ses nombreuses pagodes. Les vietnamiens pratiquent une religion populaire nationale, mélange de bouddhisme, de taoïsme chinois, de confusianisme, de croyances dans les divinités de la nature, le tout agrémenté de différents apports comme l'adoration du Christ ou encore de personnages historiques comme Victor Hugo. Et n'hésitent pas à leur laisser de drôles d'offrandes.

Cette première semaine à Hanoï était enfin une découverte gastronomique (qui pour être honnêtes nous a fait du bien après un mois et demi de riz frit et de nouilles frites en Indonésie). La cuisine vietnamienne est légère et subtile, faite de bouillons et d'herbes (menthe, coriandre...). Nous nous sommes régalés avec les Bun Cha, Bun Bo, soupes Phò et le traditionnel Bánh my : un sandwich à la viande grillée et à la coriandre dans un pain baguette ! Un héritage de la colonisation française...

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4-5 novembre 2019

Après 5 jours à Hanoï, nous avons cassé notre tirelire pour nous offrir l’un des incontournables du Nord du Vietnam : une croisière sur la baie d’Halong. Deux jours et une nuit pour naviguer dans un paysage plein de mystère, sur les eaux calmes d’une baie parsemée çà et là de géants de pierre calcaire.

Ces karsts, comme les appellent les géologues, sont selon la légende nés du souffle d’un dragon venu défendre les vietnamiens contre l’envahisseur chinois. Lors d’une attaque navale, il cracha des milliers de joyaux qui, lorsqu’ils atteignirent l’eau, se transformèrent en rochers empêchant la flotte chinoise d’attaquer. La baie compte quasiment 2000 îles karstiques aux dimensions variables, sculptées en permanence par les vagues, le vent et la pluie. En 2006, l’érosion a eu raison de deux karsts qui se sont soudainement effondrés, rappelant au pays que la baie d’Halong est un paysage en constante évolution.

Les croisières sur la baie se veulent très chic. Notre bateau en bois blanc a fière allure. Rien à voir avec nos hamacs d’Amazonie ou nos 3 nuits sur le pont en Indonésie : cette fois-ci nous avons une cabine pour 3 et à chaque repas se succèdent 6 ou 7 plats (plus prétentieux que véritablement délicieux). En fin de journée, un barman est là pour préparer des cocktails.

Pendant ces deux jours de navigation, à part boire et manger, nous avons pu nous livrer à différentes activités. La plus belle : une balade en kayak au soleil couchant. La plus drôle : une soirée karaoké comme les vietnamiens en raffolent (ce sera la première d’une longue série). La plus drôle (bis, surtout à regarder Christophe faire) : une séance de Tai Chi, lent art martial chinois, sur le pont du bateau au petit matin. Et enfin celle qui nous servira pour la suite : un cours de cuisine pour apprendre à préparer les banh cuon, ces crêpes de riz au porc que les vietnamiens dégustent au petit déjeuner.

Mais surtout, nous avons profité de ces deux jours pour contempler encore et encore et sous toutes ses coutures la majestueuse baie d’Halong.

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6 - 8 novembre 2019

Nous quittons la baie d'Ha Long d'à peine quelques kilomètres pour nous mettre au vert sur l'île de Cô Tô. Une ancienne zone militaire fermée au tourisme il y a encore quelques années, devenue destination balnéaire pour les vietnamiens du Nord. On comprend très vite en arrivant que l'île n'est pas encore sous les radars du tourisme international (aucun menu n'est par exemple traduit en anglais), en revanche les infrastructures abandonnées montrent qu'en pleine saison les locaux s'empressent de rejoindre Cô Tô. Sauf que nous sommes en hiver, et que l'île est donc déserte.

Une île pour nous tout seuls et des scooters, on ne demande pas mieux. Nous faisons le tour de l'île, de falaises en plages et de plages en port. Tout en passant bien sûr saluer "Uncle Ho", sa statue et sa pagode.

Malheureusement, comme nous en avons désormais l'habitude en Asie, une plage sur deux est un dépotoir des plus déprimant. À quoi bon trier ses déchets quand la moitié de l'humanité ne voit même pas le problème de jeter un congélateur sur une plage déserte ?

Mais Cô Tô a tout de même emporté notre cœur pour son authenticité et son hospitalité. On dit que les vietnamiens sont fermés et peu avenants. On a sans doute pu le constater à Hanoï, mais sur cette île, le rare touriste étranger est accueilli les bras ouverts et le verre levé. Nous avons ainsi été gracieusement invités à fêter un mariage devant lequel nous ne faisions que passer. Nous avons eu également l'occasion d'améliorer notre pratique du karaoké, un divertissement élevé au rang d'art dans le pays. Il n'est pas un bar sans son système de karaoké, et les vietnamiens passent littéralement leurs soirées à chanter, en famille, entre amis ou tous seuls, sans aucun complexe.

Cô Tô, ce fut enfin pour nous une sortie en bateau vers la "petite île de Cô Tô", plus préservée car non habitée. Ce qui nous a donné l'occasion de sortir les hameçons à bord du bateau, afin de cuisiner ensuite à la plage le fruit de notre pêche : petits poissons frits, ou poisson bouilli à l'ail, au gingembre et au piment.

Après ce détour à Cô Tô, nous prenons la direction de Sapa et de ses rizières mondialement connues avant que Claire ne nous quitte.

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9-10 novembre

Sapa, située dans les montagnes du Nord-Est à 1650m d’altitude, est avec la baie d’Halong l’incontournable du Nord du Vietnam. Ses rizières en terrasses dévalant les pentes des montagnes sont la principale raison de son succès. En vérité, le lieu est fréquenté par les occidentaux depuis quasiment un siècle : attirés par son climat tempéré, les colons français en avaient fait un lieu de villégiature chauvinement surnommé « les Alpes tonkinoises ». Aujourd’hui, ce sont des centaines de milliers de touristes qui y débarquent chaque année.

L’expérience Sapa commence à la gare de Hanoï. Mais que fabriquent donc ces centaines d’Occidentaux à la queue leu leu devant le quai, tous les soirs vers 21h ? Ils font partie, comme nous, de ceux qui ont choisi de rallier les rizières en train-couchette, moyen de transport ancien et pittoresque, particulièrement populaire parmi les touristes.

Nous arrivons à Sapa au petit matin et découvrons cette ville où tout semble construit pour les touristes, vietnamiens comme étrangers. Heureusement, inquiets du côté « Disneyland » de Sapa, nous avons choisi de séjourner à Tan Van, un village situé à une quinzaine de kilomètres et déjà au milieu des rizières, dans l’espoir d’éviter les foules (pari réussi !)

Nos deux jours dans la région furent voués à de longues randonnées dans les rizières, que nous n’avons malheureusement pas découvertes sous leur meilleur jour : la faute à la période de l’année (le riz étant récolté fin août, en novembre les champs vert émeraude ont laissé place à des jachères boueuses) mais aussi à la chape de brouillard qui s’est abattue sur la région pendant tout le séjour.

Mais qu’importe, ces longues balades furent tout de même très agréables et nous ont offert un aperçu de la vie des ethnies minoritaires qui peuplent la région. Notre guide elle-même était issue des Dao (prononcer Zao), peuple arrivé de Chine au XIIIe siècle. À Sapa on trouve aussi des H’mông, eux aussi d’origine chinoise dont l’installation est bien plus récente (XIXe siècle). À chaque ethnie, ses traditions, ses croyances et son habit traditionnel. Des tenues très colorées qui nous ont parfois rappelé les tissus boliviens. Pour ces communautés encore très pauvres, l’arrivée massive des touristes est à double tranchant, à la fois opportunité économique et menace sur leur environnement et leurs modes de vie particuliers.

Ce séjour à Sapa marque aussi la fin du séjour de Claire au Vietnam. Nous nous séparons sous un ciel bleu (forcément) : elle retourne à Hanoï pour prendre l'avion alors que nous continuons notre périple vers le Nord, direction Ha Giang !

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12 - 17 novembre 2019

Nous concluons notre exploration du Vietnam par l'extrême-Nord du pays : la province d'Hà Giang, à la frontière avec la Chine. Une région montagneuse longtemps fermée aux touristes mais devenue aujourd'hui, pour les amateurs de deux roues, l'une des plus belles régions à explorer au monde. Nous avons donc parcouru plus de 400 kilomètres de lacets en 5 jours, au départ de la ville qui a donné son nom à toute la province.

Et en 5 jours, nous en avons pris plein la vue. Les perspectives sont à couper le souffle, les points de vue vertigineux, chaque passage de col découvre un nouveau paysage plus impressionnant que le précédent. Les paysages sont tantôt foisonnants de vert, tantôt parsemés de roche noire. Les rivières qui y coulent forment des canyons monumentaux. Mais la spécificité de la région, comme dans la baie d'Ha Long, ce sont les formations karstiques, ce phénomène d'érosion calcaire qui a produit au fil des millénaires des étendues infinies de monts plus ou moins pointus. Le plateau karstique de Dong Van est ainsi le point d'orgue de la boucle du Ha Giang.

Qui dit hiver dans les montagnes vietnamiennes, dit froid (ça faisait longtemps que nous n'avions pas sorti nos doudounes !) et un beau temps pas forcément au rendez-vous. Le spectre de la pluie a pesé tout au long de notre boucle, le nez rivé sur les prévisions météos alarmantes. Au final, nous avons évité les vraies pluies, et avons même pu profiter d'une ou deux belles journées ensoleillée.

Tout au long de la route, nous avons croisé comme à Sapa les ethnies minoritaires du Nord : H'mong, Dao ou encore Tay (venus de Thaïlande). Depuis des siècles, les habitants du Hà Giang ont appris à composer avec un environnement hostile : relief vertigineux, isolation du reste du pays (la première route date des années 60), sol pierreux quasiment infertile... La roche, omniprésente, est devenue la matière première de leur quotidien, permettant de fabriquer maisons, meubles, clôtures, et même d'organiser des terrasses où un peu de terre est versée pour parvenir à cultiver du maïs ou du chanvre. Ces peuples ne profitent pas encore beaucoup des retombées du tourisme qui se développe depuis quelques années et vivent toujours dans un grand dénuement. Ainsi, les femmes continuent de remonter chaque jour, à pieds, d'interminables kilomètres de routes pentues, portant sur leur dos l'équivalent de leur poids.

Enfin, nous avons poussé la route jusqu'à ce que les vietnamiens appellent le "Pôle Nord", le point le plus septentrional du pays, où la jeunesse d'Hanoï vient célébrer avec fierté son patriotisme en arborant des t-shirts rouges à étoile jaune. Depuis ce point, nous pouvons observer au coucher du soleil les montagnes chinoises de l'autre côté de la rivière. Nous nous sommes même aventurés jusqu'aux barbelés de la frontière, sans oser les franchir et passer du côté chinois (un jeu répandu parmi les voyageurs) de peur de finir dans une geôle à Pékin.

Des barbelés marquant la frontière... Et un coucher de soleil sur les montagnes chinoises

Après cette boucle fatiguante mais mémorable, nous prenons une journée de repos à Hanoï, avant d'attaquer une étape surprise pour fêter l'anniversaire de Camille !

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19-22 novembre

Un pays de plus ! En voilà un qui n'était pas prévu. Et pour cause : c'était une surprise pour l'anniversaire de Camille. Nous embarquons en avion à l'aéroport d'Hanoï pour une destination mystère... Siem Reap ! Siem Reap ? La ville du Cambodge qui sert de camp de base pour explorer les temples d'Angkor, site archéologique de 400 km2, plus vaste complexe religieux du monde, avec 40 temples hindouistes et bouddhistes, constituant l'ancienne capitale de l'empire Khmer entre le IXe et le XV siècle. L'empire Khmer a dominé la péninsule indochinoise sur toute la période, avant de décliner sous le coup de rivalités avec ses voisins (Chams, Thaï, Siamois...), et de voir ses frontières réduites à celles de l'actuel Cambodge. Aujourd'hui encore, on parle du Cambodge comme du "Pays des Khmers", qui constitue l'ethnie très largement majoritaire dans le pays, et dont la seule langue officielle est le khmer.

Nous n'allons pas explorer ces temples n'importe comment, mais à vélo ! C'est ainsi qu'après une première journée de repos au bord de la piscine, nous attaquons dès le lendemain le vaste site perdu au milieu de la forêt à coups de pédales : nous aurons parcouru 55km à vélo dans la journée !

Première étape : Preah Khan, le temple le plus éloigné que nous attaquons de bon matin. Un complexe monastique bouddhiste en cours de rénovation, composant un véritable labyrinthe de couloirs et de cours. C'est très agréable de s'y perdre et de voir comment au fil des siècles la nature a repris ses droits et des arbres géants ont pris racine sur les murs du temple.

Deuxième étape : direction Angkor Thom, l'ancienne cité royale de l'empire Khmer. Un carré fortifié d'environ 3km de côté, entouré de douves et composé de plusieurs temples et palais. Le temple monumental du Baphûon se dresse au sommet d'une colline artificielle et représente sur l'un de ses murs un gigantesque bouddha couché. Enfin, le Bayon, ancien temple central de la cité royale, constitue l'un des points d'orgue de cette visite, avec ses 216 visages géants ornants 54 tours. L'enceinte du temple est elle-même recouverte de plusieurs kilomètres de bas-reliefs représentants scènes de la vie quotidienne et heures de gloire de l'empire Khmer.

Nous enchaînons avec le temple peut-être le plus célèbre au monde : Angkor Wat, le mieux préservé, le plus vaste et l'emblème du Cambodge qui figure même sur son drapeau. Angkor Wat représente le mont Meru, la maison des dieux dans la mythologie hindoue. S'il est censé être le plus impressionnant, c'est aussi le plus fréquenté et par conséquent ce n'est pas forcément celui qui nous aura le plus marqué.

Le soleil commence à décliner, et il nous reste tout juste le temps d'un dernier temple : Ta Prohm, un temple littéralement envahi par la nature au milieu de la jungle. C'est d'ailleurs ici qu'a été tourné le film Tomb Raider avec Angelina Jolie ! Nous sommes enchantés par son atmosphère si particulière, son calme au cœur de la forêt, et ces nombreux (très nombreux) arbres géants ayant réussis à pousser à même la pierre.

Parce que nous avions encore les mollets chauds le lendemain, nous avons profité de notre dernière journée à Siem Reap pour explorer la campagne cambogienne à bicyclette, direction le lac Tonlé Sap. Le Tonlé Sap est le plus grand lac d'Asie du Sud-est, et il possède une particularité : en saison sèche, le lac se déverse dans le fleuve Mékong, alors que pendant la période humide, c'est le Mékong en crue qui se jette dans le lac, faisant varier sa superficie de plusieurs kilomètres carrés. En découle une autre spécificité : les villages flottants, qui dérivent sur le lac au rythme des crues et décrues.

Nous longeons donc la rivière de Siem Reap, traversant marchés et villages sur un chemin de terre battue, puis des champs de lotus en fleurs. Plus on se rapproche du lac, plus les terres sont marécageuses et les constructions sur pilotis deviennent la norme. Nous ne savons pas exactement quelle est la taille actuelle du lac, jusqu'où pourra-t-on aller en vélo. Quand nous atteignons enfin le lac, une route surélevée nous permet de traverser un premier village flottant de pêcheurs. Mais rapidement la route sombre dans les eaux. Pour continuer, il faut un bateau.

Nous rebroussons chemin pour déjeuner sur de jolies cabanes sur pilotis au-dessus des champs de lotus. (Il faudra que l'on vous parle de la délicieuse gastronomie khmère !)

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23 - 26 novembre 2019

Après Angkor et ses temples, c’est à Phnom Penh que nous atterrissons au terme d’une nuit de bus à couchettes. La capitale cambodgienne nous séduit immédiatement par son calme (relatif, comparé aux autres grandes villes asiatiques traversées), par sa végétation tropicale et par le Mékong, ce grand fleuve qui la traverse avant de finir sa course dans le Sud vietnamien. Pour ne rien gâcher, Christophe a réservé une chambre dans un superbe hôtel offrant une vue à 360 degrés sur la ville - depuis la piscine, on se croirait presque à New York.

À Phnom Penh, les gratte-ciels se mêlent harmonieusement aux toits pointus et dorés des nombreuses pagodes bouddhistes. C’est ici que réside le roi du Cambodge, dans un palais tout d’or vêtu qui trône à quelques encablures des quais du Mékong. On trouve aussi quelques restes de l’occupation française, comme le marché central, abrité sous un grand bâtiment art deco aux murs et à la coupole crème. Pour aller d'un point à un autre, c'est le tuk-tuk la plupart du temps... ou le bateau quand on s'offre une croisière sur le Mékong !

Le Phnom Penh d'aujourd'hui est encore fortement marqué par la violence de son Histoire récente. Après des années de guerre civile au Cambodge, les Khmers rouges de Pol Pot prennent le pouvoir en 1975. Leur première décision : vider les villes de leurs habitants, qui sont envoyés dans des camps de travail aux quatre coins du pays. Pour fonder une nouvelle société communiste sans classes, commence alors un processus d'élimination des ennemis du peuple, au premier rang desquels bourgeois, artistes, intellectuels et citadins de tous bords. 1,7 millions de cambodgiens périront en à peine 4 ans de régime Khmer rouge : près de 20% de la population. Aujourd'hui dans la capitale, la prison centrale S21 est devenue un musée du génocide. 20 000 personnes y furent torturées et exécutées. Un lieu de mémoire dont la visite est éprouvante.

Mais Pnomh Penh regorge aussi de petits cafés, bars et restaurants de qualité ! Pendant 3 jours, on s’est régalés de la délicieuse gastronomie khmère, proche de la thaïlandaise que l’on connaît mieux en France. Nos plats préférés : l’amok, poisson au lait de coco cuit à la vapeur dans une feuille de banane, et le bœuf lok lak, servi accompagné d’une sauce sel-poivre-citron. Nous avons aussi goûté aux cuisses de grenouille à la khmère ! Mais c’est dans un bistrot tout ce qu’il y a de plus français que nous avons fêté l’anniversaire de Camille. Tataki de thon, magret de canard et bouteille de vin : retour à Paris le temps d’une soirée.

Pour conclure cette belle semaine cambodgienne, nous nous sommes livrés à une activité que les khmers adorent : une séance photo en habits traditionnels. Au terme d’une bonne heure de maquillage et d’habillement, nous passons devant l’objectif, guidés dans nos poses par l’œil expert du photographe. Un moment incroyable et 6 photos récupérées le lendemain, souvenirs mémorable de cet anniversaire cambodgien !

Il est temps de reprendre le cours normal du voyage : le 26 novembre, nous nous envolons pour Bangkok.

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29 novembre - 10 décembre 2019

Vous allez nous détester, vous qui nous lisez à Saintes, Dijon, Paris ou ailleurs. Mais croyez le ou non, nous qui sommes partis un an, au bout de 8 mois de voyage nous voici épuisés et en cruel besoin de vacances... dans les vacances !

Organisation, temps dans les transports, nomadisme permanent, adaptation systématique à un nouvel environnement, une nouvelle langue, de nouvelles coutumes... Si le voyage est stimulant, formateur, qu'il aère l'esprit et ouvre de nouveaux horizons, il est aussi énergivore. Voyager, c'est tout sauf se reposer !

Il y a même un phénomène de lassitude qui s'installe : on s'habitue à tout, même aux paysages les plus spectaculaires ou à l'étrangeté d'une culture. À force d'enchaîner, de voir tant de choses sur une si courte période, il est parfois difficile de tout assimiler et de réaliser ce que l'on vit au quotidien. Nous avons besoin de pauses pour que notre cerveau digère ces expériences qui ne s'arrêtent jamais. Et pouvoir ainsi nous émerveiller à nouveau.

Sans compter toutes les tâches que nous nous sommes nous même fixées et qui s'accumulent quand on ne prend pas le temps de s'arrêter : carnet de bord quotidien, reportages, et même l'écriture de ce MyAtlas !

Après avoir donc bien baroudé en Indonésie un mois et demi durant, après avoir quadrillé le nord du Vietnam, et après une semaine anniversaire des plus intenses au Cambodge, il était temps pour nous de poser un peu nos sacs à dos. C'est pourquoi nous avons abordé la Thaïlande comme une étape de repos et de transition avant de reprendre la route en Afrique du Sud. Une étape qui commence par 10 jours de vacances sur l'île de Ko Phayam, où notre plus grosse inquiétude sera de savoir quelle plage essayer aujourd'hui ou quel restaurant tester ce soir.

Ko Phayam est souvent présentée comme l'une des dernières îles préservées de Thaïlande, un joyau qui ne restera pas bien longtemps secret. C'est vrai que nous sommes bien loin des destinations phares thaïlandaises, comme Pattaya ou Phuket, véritables temples de la consommation pour touristes de masse en quête de fête, de massages bon marché, voire de sexe tarifé. Ko Phayam n'est pas pour autant une île déserte, mais plutôt un îlot de hippies où les bars, restaurants et cabanes en bambou rivalisent de charme et s'intègrent harmonieusement avec une nature encore foisonnante.

Les voitures n'ont pas leur place sur l'île, nous avons donc à notre plus grand bonheur loué un scooter pour circuler de plage en plage. Une nouvelle plage par jour dans une "tentative d'épuisement du lieu" à la Georges Pérec : voilà notre objectif pour ces 10 jours. Objectif rempli : bien que minuscule (on fait le tour de l'île en à peine une heure de scooter), Ko Phayam nous a offert chaque jour de nouvelles surprises et découvertes, dont les calaos bicornes, sortes de toucans à la tête surprenante et animal-symbole de la Birmanie voisine.

Notre séjour a aussi été notre première immersion dans l'incroyable gastronomie thailandaise. Curry rouge, curry vert, curry massaman, salade de papaye, porc sauté au basilic... On s'est régalés avec cette cuisine riche en lait de coco et en piment. Sans parler de cet incroyable dessert qu'est le "mango sticky rice" (mangue au riz gluant et au lait de coco).

Nos papilles étaient tellement ravies que nous nous sommes offerts un cours de cuisine avec un chef thaï. Nous avons choisi 4 plats à apprendre sur la carte du restaurant, et nous pourrons donc vous concocter en rentrant une salade de boeuf thaï, un curry vert aux crevettes, du porc sauté à l'ail et au poivre, ainsi qu'une soupe de poulet au lait de coco. Et bon appétit bien sûr !

Pour les 15 prochains jours, on poursuit le repos dans un cadre beaucoup plus urbain, dans la capitale Bangkok !

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11 - 24 décembre 2019

Changement d’ambiance radical pour la deuxième partie de notre repos thaïlandais : c’est dans la tentaculaire Bangkok que nous avons passé nos 15 derniers jours dans le pays. Avec ses quasi 20 millions d’habitants, la capitale thaïlandaise est de loin la plus grande des métropoles traversées depuis notre arrivée en Asie. C’est aussi une ville bien différente de celles où nous avons séjourné jusqu’ici. Véritable New York thaï au coeur ultra moderne et développé, Bangkok est parsemée de gratte-ciels, de centres commerciaux, d’autoroutes urbaines et de métros aériens ; c’est une ville cosmopolite où sont installés de nombreux expats venus d’Europe et d’Amérique pour y faire du business.

Commençons par l’aspect de la ville qui nous a le moins séduits : Bangkok est un véritable un temple de la consommation. Au coeur de la ville, le quartier de Siam se compose de dizaines de centres commerciaux dernier cri. Locaux et touristes s’y pressent à toute heure, empruntant les plateformes qui permettent de circuler de l’un à l’autre sans jamais poser un pied dans la rue (et sans jamais quitter les zones climatisées, il faut dire qu’ici il fait très, très chaud). Les boutiques de luxe s’enchaînent, les prix des restaurants sont souvent supérieurs à ceux pratiqués en Europe (une aberration quand on connaît le salaire moyen en Thaïlande, l’équivalent de 400€ par mois). Nous avons eu un bon aperçu du quotidien des habitants favorisés de Bangkok en logeant dans l’un des nombreux « condos » de la ville : des immeubles ultra modernes, ultra sécurisés, avec piscine et salle de sport, qui poussent comme des champignons dans les quartiers d’expats et sont tous des copies conformes standardisées. Un sentiment de malaise nous a parfois pris dans cette mégalopole où l’argent est roi et les considérations écologiques inexistantes…

Mais on ne voudrait pas vous dresser un portrait trop noir de Bangkok ! La capitale thaï a aussi su nous surprendre et nous charmer. Lorsqu’on s’éloigne un peu des buildings, les vieux quartiers de la ville présentent un tout autre visage, de ruelles entrelacées entrecoupées de « klongs », un réseau de canaux se jetant dans le fleuve Chao Praya. Bangkok est une ville de marchés : flottants, nocturnes ou chinois, de nourriture ou d’habillement, les étals sont à tous les coins de rue. Et les options de street food sont inépuisables.

La Thaïlande est un pays bouddhiste à 95% et Bangkok ne fait pas exception. Dans cette capitale futuriste, les temples centenaires ont toujours droit de cité, leurs flèches dorées côtoient les gratte-ciels dans un vrai mélange des genres. Nous avons particulièrement adoré le Wat Pho, l’un des plus vastes temples de la ville, construit à la fin du 18ème siècle. Il abrite un superbe Bouddha couché doré, mesurant 43m de long pour 15m de haut. Une statue très impressionnante qui représente Bouddha sur son lit de mort, sur le point d'accéder au parinirvâna - en bouddhisme le stade ultime de l’éveil, qui met fin au cycle des réincarnations.

A Bangkok comme dans toute la Thaïlande, devant chaque immeuble ou presque se dresse une petite « maison des esprits ». Chaque jour, les thaïs la remplissent d’offrandes censées satisfaire les génies protecteurs qui y sont installés. De la même façon, dans chaque habitation ou presque est affiché un portrait du roi, que la population vénère comme un dieu. Monarque constitutionnel, le roi n’exerce théoriquement pas le pouvoir mais bénéficie d’une grande influence politique et spirituelle. Après la mort de l’ancien souverain en 2016, c’est son fils Rama X qui a été couronné en mai 2019. Une personnalité sulfureuse au train de vie dissolu, d’ailleurs longtemps reluctant à monter sur le trône, mais qui a finalement trouvé sa place dans tous les foyers thaïs et sur tous les murs de la ville.

Autre tradition à laquelle il est difficile de couper lorsqu’on séjourne dans la capitale : le Muay Thaï, autrement dit la boxe thaï ! Une discipline bien plus violente que la boxe anglaise ou française car tous les coups (ou presque) sont permis, jusqu’aux coups de coude et de genoux. Nous avons assisté à une série de combats dans les locaux de la chaîne de télé Channel 7, qui en accueille tous les dimanches. Là aussi la tradition est bien présente : chaque combat commence par une danse rituelle et les rounds sont accompagnés en musique par un orchestre live. Le public parie en direct sur l’issue de l’affrontement, l’ambiance est folle dans les tribunes, nous avons adoré. Au point que Christophe s’est offert quelques jours plus tard un cours d’initiation qui lui a valu quelques courbatures…

Enfin, lorsque le besoin de s’échapper de la grande ville s’est fait sentir, nous avons pris la direction de Bang Kachao, élue « meilleure oasis urbaine d’Asie » par le magazine Time (décidément, il existe des classements pour tout et n’importe quoi). Cette zone protégée du développement urbain est nichée dans un coude de la Chao Praya, sur l’autre rive du fleuve. Une minute de traversée suffit pour l’atteindre et se retrouver en pleine forêt tropicale. A Bang Krachao, les maisons comme les routes sont sur pilotis et des temples bouddhistes se cachent dans chaque recoin. Nous avons passé une demi journée à parcourir la zone à vélo, pour un bol d’air frais avec vue privilégiée sur la skyline de Bangkok !

La fin de nos 15 jours à Bangkok marque aussi la fin de notre séjour thaïlandais. 9 mois ont passé depuis notre départ, il est temps désormais d’attaquer un nouveau continent et la dernière ligne droite de notre voyage : le 24 décembre, nous nous envolons pour l’Afrique du Sud !

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25 décembre 2019 - 8 janvier 2020

Une drôle d'étape pour entamer la page africaine de notre périple, la dernière de cette année de voyage. Drôle d'étape car première approche d'un pays à part et difficile à appréhender. Drôle d'étape car assez largement consacrée à faire du reportage. Mais aussi parce que si l'Afrique du Sud est une destination touristique pour ses safaris, ses parcs nationaux et sa côte, Johannesburg est assez peu visitée, et encore moins 15 jours durant.

Plus grosse ville sud-africaine, Johannesburg est aussi réputée comme étant la plus violente. Il faut dire que la concentration de misère et les tensions raciales laissées par l'apartheid y sont particulièrement fortes. L’ambiance y est très spéciale et ne met pas nécessairement à l’aise - d’autant plus que nous arrivons le matin de Noël, dans une ville complètement déserte. D'un côté, les Blancs, qui ont fui le centre-ville après la fin de l'apartheid, pour se barricader dans des "suburbs" (banlieues, qui là bas n'ont pas le même sens que chez nous) surprotégés par des barbelés, grillages électrifiés et sociétés de sécurités privées (nous étions nous-même logés dans le branché et agréable suburb de Melville, l’un des rares endroits « mixtes », où se croisent classes moyennes blanches et noires). De l'autre, les Noirs, abandonnés pour beaucoup à leur sort, et ghetthoïsés dans les townships et dans un centre-ville délabré. Ajoutez à cela l’organisation d’une ville tentaculaire incompréhensible pour nous autres européens, le fait qu'absolument personne ne se déplace à pied, et que sans voiture il est impossible de faire quoi que ce soit (à moins de prévoir un budget Uber conséquent !).

Comment dans ce contexte réussir à appréhender la ville ? Comment rester en sécurité sans pour autant sombrer dans la paranoïa ?

Fort heureusement, nous avions prévu de faire plusieurs reportages sur place, ce qui nous a permis de rencontrer beaucoup de locaux et ainsi de mieux comprendre la vie et la culture locale, et donc d’apprécier notre séjour. Nous avons ainsi rencontré de nombreux acteurs de la scène musicale électronique sud-africaine : une scène vivante, dansante, populaire et essentiellement noire. À lire prochainement dans le magazine musical Tsugi et dans les pages du quotidien Libération !

Nous avons aussi pris le temps de visiter l’excellent musée de l’apartheid, un lieu de mémoire et d’éducation extrêmement riche. Munis de nos tickets d’entrée tirés au hasard (un « white » pour Camille et un « non-white » pour Christophe) nous pénétrons dans le musée par deux entrées séparées, afin de vivre l’expérience à travers le regard de chacune des communautés. De 1948 à 1996, les Blancs (alliance d’Afrikaners - descendants des premiers colons hollandais - et d’Anglais) ont imposé en Afrique du Sud un régime raciste de séparation des populations basé sur la couleur de peau. Un registre catégorisait l’ensemble de la population, les Blancs étant les mieux lotis, suivis des Indiens (nombreux en Afrique du Sud, notamment à Durban sur la côte de l’Océan indien), des « Colored » (les métis), et enfin des Noirs, majorité de la population la plus opprimée et sans aucun droit. Ces derniers sont parqués dans les townships des grandes villes et dans des régions qui leurs sont réservées appelées des « bantoustans ». Le musée décrit avec de nombreux documents la mise en place de ce régime qui fut la honte de l’humanité, le quotidien des populations, les révoltes et résistances, et il rend largement hommage à « Madiba », autrement dit Nelson Mandela, le résistant emprisonné 27 ans de sa vie, le père de la république sud-africaine post-apartheid et le premier président de la « nation arc-en-ciel ».

Nous avons entraperçu à Johannesburg ("Joburg" pour les intimes, ou même "Jozi") ce que nous allons pouvoir observer de plus près lors de notre périple d'1 mois autour du pays : il y a deux Afrique du Sud, deux pays, deux réalités. Celle du pays le plus riche d’Afrique, avec de bonnes infrastructures, de bonnes routes et une culture très anglo-saxonne. Et celle d’un pays ravagé par la pauvreté, le sida, mais aussi riche de 13 langues différentes (du Xhosa au Zulu, en passant par le Soto) et d’autant de cultures à découvrir.

Nous reviendrons en fin de voyage passer quelques jours à Johannesburg avec un regard nouveau, une meilleure compréhension du pays, des contacts sur place et au programme : la fin de nos reportages, une collaboration avec une radio locale et la découverte des townships avec nos nouveaux amis !

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8 - 9 janvier 2020

Ce 8 janvier fut un jour un peu particulier, puisqu’après 1 mois et demi relativement posés en Thaïlande puis à Johannesburg, nous reprenons l’itinérance. Au programme, un road trip de 3 semaines à travers l’Est de l’Afrique du Sud. Dans le coffre de notre petite Polo grise, un tente, un réchaud et des sacs de couchage qui nous permettront d’explorer le pays à moindres frais - l’Afrique du Sud étant de loin le pays le plus cher depuis le début du voyage. 

Première étape dans la région du Mpumalanga, au Nord-Est de Joburg. Au fur et à mesure de la route, nous entrons en pays afrikaner, une face de l’Afrique du Sud qui nous avait jusqu’ici échappé. L’ancien Transvaal - son nom sous l’apartheid - est peuplé de fermiers blancs qu'on appelle les Boers et qui tirent de leurs ancêtres hollandais une langue particulière, l’Afrikaans. Il s’agit d'une population profondément rurale et marquée par le mythe du « Grand Trek » : au milieu du 19e siècle, les Boers fuyant la domination anglaise de la colonie du Cap ont migré en convois vers l’intérieur du pays. Peu à peu, ils occupèrent des terres encore inexplorées par les Blancs. Ajoutez à cela les grands espaces, la nature hostile, la découverte d’or dans la région à la fin du XIXe siècle et vous obtenez un tableau rappelant la conquête de l’Ouest, où les Indiens seraient remplacés par des Zoulous et les bisons par des lions et autres éléphants. Cet épisode historique occupe une grande place dans l’identité afrikaner (dont le nationalisme fut à l’oeuvre pendant tout le régime d’apartheid). 

Nous débarquons donc en pleine campagne dans le camping Op-i-Plaas, tenu par une famille afrikaner qui, malgré la présence dans le débarras, entre deux trophées de chasse, d’un drapeau de l’Afrique du Sud de l’apartheid, s’avère très accueillante. Nous découvrons à cette occasion LA spécialité culinaire afrikaner : les biltongs, des morceaux de viande séchés et épicés absolument délicieux, que nous adoptons immédiatement pour tous nos futurs pique-niques. Là aussi on est en pleine mythologie du Grand Trek puisque la technique de séchage a été mise au point par les trekkers pour conserver la viande pendant leur voyage ; mais le succulent biltong a depuis su séduire tous les sud-africains. Autre passion culinaire nationale que nous découvrons ici : le braai, nom local du barbecue, pratiqué par tous sans aucune distinction de couleur de peau !

Mais si nous avons fait notre premier stop dans la région, c’est d’abord pour nous rendre au Blyde River Canyon, le troisième plus grand canyon au monde. Celui-ci se situe à la frontière entre l’immense plateau d’altitude du Highveld (1500m), où se situe Johannesburg, et la plaine de basse altitude du Lowveld, qui court à travers le Mozambique jusqu’à l’Océan Indien. Ce « grand escarpement » a donné lieu à la formation du canyon, que nous découvrons sous un ciel gris. Il est surplombé des trois « rondavels », ces rochers circulaires dont la forme rappelle celle des habitations locales éponymes.

Autres lieux d’intérêts le long de la « Panorama route » qui court du canyon jusqu’au village afrikaner de Graskop : le site Bourke’s Luck Potholes, qui forme en fait le tout début du canyon, ainsi que la cascade Lisbon Falls. Mais la pluie s’en mêle et nous force à écourter la balade. Ici en Afrique du Sud, c’est l’été, mais c’est aussi la saison des pluies, et on ne s’en doute pas encore, mais notre petit trip camping va en faire les frais dans les prochaines semaines…

En attendant, nous prenons la route encore plus vers l’Est pour nous rendre au parc Kruger, l'une des plus grandes réserves animalières naturelles d’Afrique, située à la frontière du Mozambique.

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10 - 12 janvier 2020

Plus grande réserve animalière d’Afrique du Sud, le parc Kruger couvre près 20 000km2 - une superficie comparable à la taille d’Israël. Etabli à la fin du XIXe siècle, c’est aussi l’une des plus anciennes. Sa particularité : le parc se visite en voiture en totale autonomie, avec une seule consigne : ne jamais descendre du véhicule !

Nous arrivons aux portes du Kruger sous un ciel désespérément gris, mais quelques minutes plus tard à peine, les premiers animaux viennent nous distraire de nos soucis de météo : zèbres, girafes et éléphants nous observent passer depuis le bord de la route ! C’est une sensation assez indescriptible que celle de sillonner entre les animaux sauvages, de les observer vivre en liberté. Souvent, un troupeau traverse la route, nous forçant à nous arrêter pour le laisser passer, émerveillés. 

Nous passerons les prochains jours à sillonner les routes du Kruger, avalant les kilomètres dans un paysage de savane infinie, à une vitesse maximale autorisée de 50km/h (en pratique nous roulons la plupart du temps au pas, afin de mieux repérer les bêtes sauvages). En trois jours, nous avons croisé le chemin de dizaines d’espèces : tortues, impalas (beaucoup d’impalas), autruches, nyalas, gnous, crocodiles, hippopotames, hyènes, babouins, phacochères…

Mais le grand jeu pour tous les visiteurs du Kruger, c’est de croiser la route de ceux qu’on surnomme les « Big Five » : éléphant, rhinocéros, buffle, lion et léopard. Si nous n’avons pas vu de rhino et à peine entraperçu un léopard, ce sont les lions qui nous ont offert le moment le plus inoubliable de notre séjour au Kruger. Réveillés à 4h du matin pour maximiser nos chances de repérer les fauves plutôt matinaux, nous tombons le deuxième jour sur une famille endormie, que nous observons avec quelques autres voitures se réveiller à la lumière des phares, avant de prendre la route lentement, en file indienne. Devant l'avancée des lions au pas, les autres animaux de la savane s’enfuient en courant dans le soleil levant, impalas et zèbres sentant leur présence menaçante. Pas de scène au chasse au programme, mais la sensation d’avoir croisé la route de forces de la nature, qui n’auraient fait qu’une bouchée de nous si elles l’avaient souhaité !

Enfin, au parc Kruger, nous avons découvert la passion des sud-africains blancs pour le camping. Le camping, oui, mais sans sacrifier le confort : ils débarquent suréquipés avec des tentes immenses, des chaises et tables pliables, des tonnelles, des 4x4 avec tente de toit intégrée et même parfois des fours et paraboles télés ! Autant vous dire qu'avec notre mini tente premier prix, nous avons piteuse allure...

Nous quittons le parc Kruger en mettant cap vers le Sud. Mais pour rallier la côte de l'Ocean indien, il nous faudra d'abord traverser un petit pays coincé entre l'Afrique du sud et le Mozambique, pas tout à fait prévu au programme : le Swaziland.

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15 - 16 janvier 2020

Un pays bonus, un pays express, une étape d'une nuit improvisée sur la route entre le parc Kruger et la côte sud-africaine de l'Ocean Indien : nous avons déplié notre tente au Swaziland. Ne l'appelez d'ailleurs plus ainsi, depuis 2018 le roi du Swaziland (une des dernières monarchies absolues au monde) a décidé de remplacer le nom colonial du pays par eSwatini, soit le royaume des Swazi en langue Swati.

Le eSwatini est un tout petit royaume d'à peine 62 000 habitants, coincé entre l'Afrique du Sud et le Mozambique. On l'a traversé du Nord au Sud en à peine 200 km, puisque c'était le chemin le plus court pour rallier la côte. Un poste frontière et deux tampons plus tard, nous quittons donc le territoire sud-africain pour 24h.

C'est dans le parc national de Malolotja que nous établissons notre campement pour la nuit. Une très belle réserve naturelle faite de monts verdoyants et remplie d'animaux sauvages moins effrayants et dangereux que ceux du Kruger : ici les antilopes et les zèbres paissent en paix. Et c'est donc à pied lors d'une belle randonnée que nous allons découvrir ces paysages tout droit sortis d'un fond d'écran Windows 95.

Le lendemain matin, nous revoici en voiture direction l'Afrique du sud et l'Ocean indien !

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17 - 22 janvier 2020

De retour en Afrique du Sud, c’est vers la mer que nous nous dirigeons, avides de quelques jours de farniente sur la plage (même si la météo en décidera souvent autrement).

Nous commençons tout au Nord de la côte de l’Ocean indien, près de la frontière Mozambicaine. Mais pour atteindre Sodwana Bay, notre premier point de chute, il nous faut d’abord traverser la brousse. De longues heures durant, nous conduisons sur une piste de terre rouge, priant pour la survie de notre petite Polo. C’est notre première rencontre avec l’Afrique du Sud noire rurale, qui offre un visage du pays encore complètement différent de ceux traversés jusqu’alors.

Du Mozambique jusqu’à la ville de Durban, nous sommes dans la région du KwaZulu-Natal, qui doit son nom au peuple qui l’habite : les Zoulous. Il s’agit de la principale ethnie en Afrique du Sud, et donc de la langue comptant le plus de locuteurs (avant le Xhosa, l’Afrikaans puis l’Anglais). Le royaume zoulou a été fondé au début du 19e siècle par Chaka, figure tutélaire du peuple, qui mena de nombreuses batailles victorieuses contre les Anglais et les Boers. Aujourd’hui encore, il existe un roi zoulou dont l’influence est grande au sein de la communauté - son rôle traditionnel est d’ailleurs reconnu par la constitution sud-africaine.

Nous avons descendu la côte en quelques jours depuis Sodwana Bay jusqu’à Durban. Une côte qui s’urbanise au fur et à mesure de notre avancée vers le Sud : aux immenses dunes sauvages de Sodwana Bay succèdent d’abord la petite ville touristique de St Lucia (fameuse pour ses hippopotames qui se baladent en centre-ville à la nuit tombée), puis les banlieues balnéaires de Durban, avant la métropole elle-même. Une succession infinie de plages sur plusieurs centaines de kilomètres, qui se prolonge encore bien au Sud de la ville, sur la « côte sauvage ».

Mais c’est à Durban que s’arrête notre exploration de la côte. Une ville à la culture locale très particulière, considérée comme la capitale de la communauté indienne d'Afrique du Sud. La troisième métropole du pays est en effet majoritairement peuplée de zoulous (68%) et d’indiens (20%), une population arrivée à partir des années 1860 pour travailler dans les plantations de canne à sucre de la région. Durban est ainsi la ville la plus indienne en dehors d’Inde ! Cette culture très spécifique se déploie notamment dans le domaine culinaire avec les Bunny Chow, un curry indien servi à l’intérieur d'un pain de mie.


Si Durban est, comme Johannesburg, réputée pour être plutôt dangereuse, nous avons apprécié son centre-ville animé, son marché indien Victoria Street Market ainsi que son front de mer, sorte de Miami décrépit fréquenté par la classe moyenne noire.

Après notre visite de la ville, nous quittons le littoral pour rejoindre les montagnes du Drakensberg !

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21 - 22 janvier 2020

« Les montagnes du Dragon », c’est ainsi que l’on pourrait traduire Drakensberg, le nom donné par les Afrikaners à la plus grande chaîne de montagnes d’Afrique du Sud. Après une semaine sur la côte de l’Océan Indien, nous rallions l’intérieur des terres pour découvrir son fameux « Amphithéâtre » de pierre.

La route menant au départ de la randonnée est déjà une aventure en soi. Nous roulons, quasi seuls au monde, sur des lignes droites infinies traversant d’immenses plateaux d’altitude, parfois ponctués de lacs. Tout autour de nous, la végétation est verte et rase - très peu d’arbres dans ces régions - jusqu’aux lointains sommets rocheux. La définition même des grands espaces.

Nous attaquons la randonnée de bon matin. Seuls marcheurs ce jour-là, nous découvrons le panorama d’abord embrumé, qui s'éclaircira rapidement jusqu'à s'étirer à perte de vue. Chaque instant de la marche nous gratifie de nouveaux paysages grandioses, et on ne se lasse pas de se retrouver, régulièrement, pris à l’intérieur d’un nuage avant de redécouvrir notre environnement infini.

Au bout d’une heure et demi de marche, nous atteignons le moment que nous redoutions… Pour atteindre le sommet du Sentinel Peak et ainsi découvrir l'Amphithéâtre, il nous faut emprunter de longues échelles métalliques qui courent le long de la falaise. Une montée vertigineuse quelque peu impressionnante… Mais alors que nous hésitons à nous lancer, nous faisons une rencontre inattendue. Quatre adolescents sont là, trois garçons et une fille à l’allure de bergers, emmitouflés dans de grandes couvertures. Ils nous abordent, mais compliqué de communiquer car ils ne parlent pas un mot d'anglais ! Nous ne comprenons pas tout à fait la raison de leur présence dans ces montagnes, mais on rigole tous ensemble de cette difficulté à se parler. C’est alors qu’ils nous font signe de les suivre, nous montrant la voie la plus simple à emprunter pour arriver à bout des fameuses échelles. En quelques minutes, et après quelques sueurs froides, nous voici au sommet !

On apprendra plus tard que nous sommes tombés par hasard sur un groupe de bergers du Lesotho, pays dont la frontière est à quelques kilomètres à peine et où nous ferons d’ailleurs escale juste après. Les jeunes des villages partent vivre 6 mois dans les montagnes pour faire paître leurs bêtes. Nous découvrons d’ailleurs quelques vaches, ainsi que leurs chevaux, en atteignant le plateau d’altitude formé par le Sentinel Peak. A 3000m, un lieu magique, recouvert de hautes herbes traversées de ruisseaux. Il offre surtout deux incroyables vues : d’un côté, les Tugela Falls, deuxième plus haute chute d’eau du monde (948m) ; de l’autre, la gigantesque falaise de l’Amphithéâtre, 1200m de haut sur 5 kilomètres de long. Nous nous trouvons en fait en son sommet, seuls (et minuscules!) face à l’immensité.

De retour à notre camp de base (après la délicate redescente des échelles…), nous apprenons qu’une émeute s’est déclenchée à Phuthaditjhaba, la ville voisine. Les routes sont bloquées, impossible de repartir ce soir : nous nous retrouvons coincés une nuit de plus que prévu dans la montagne. En attendant que les choses se calment, on en apprend plus sur la situation : ce township noir est victime d’un problème récurrent dans l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, à savoir une mauvaise gestion de l’eau. La mairie corrompue n’a pas réglé ses factures et les habitants sont privés d’eau courante depuis plusieurs années. La veille, un enfant de 8 ans s’est noyé dans la rivière en allant remplir son seau. Une tragédie qui a déclenché la colère des habitants, et qui n’est pas sans rappeler un scandale éclaboussant les plus hauts sommets de l’Etat - en 2018, le président Jacob Zuma a été contraint de démissionner, impliqué dans une vaste affaire de corruption.

Le lendemain, nous quittons comme prévu les lieux pour continuer notre exploration des montagnes du Drakensberg, en traversant à nouveau une frontière pour entrer au Lesotho !

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22 - 23 janvier 2020

Toujours plus de tampons sur nos passeports ! Nous décidons de prolonger notre exploration des montagnes du Drakensberg en poussant au-delà des frontières du Lesotho, minuscule monarchie entièrement enclavée dans l'Afrique du Sud. L'idée fut excellente, puisque ces 24 heures dans le "Royaume dans le ciel" auront été un des plus beaux moments de notre périple sud-africain.

Si le pays est ainsi surnommé, c'est parce que c'est le seul pays au monde à se situer intégralement au-dessus de 1500 mètres d'altitude. Et le Lesotho tient sa promesse. Nous avons véritablement découvert un royaume magique perché dans le ciel...

Pénétrer dans le royaume du Lesotho, c'est s'enfoncer hors du temps. En traversant le pays du Nord au Sud, nous avons découvert des paysages à couper le souffle faits de monts verdoyants et de minuscules villages composés de quelques "rondavels", l'habitat circulaire traditionnel.

Nous avons posé notre tente pour une nuit à Semonkong, un village reculé au centre du pays. Ici ne vivent que des bergers qui, emmitouflés dans leurs grosses couvertures, montent fièrement leur cheval pour garder leurs bêtes. De vrais cow-boys africains, qui donnent à l'atmosphère quelque chose de très cinématographique. C'est donc à cheval que nous avons randonné toute l'après-midi, accompagnés de notre guide, à travers ces plateaux d'altitude, à la découverte de la spectaculaire cascade de Maletsunyane et de son canyon.

Les photos des bergers sont tirées d'un livre

La mondialisation et le temps semblent s'être arrêtés aux frontières du Lesotho. Quand à nous, nous poursuivons notre route, direction l'extrémité Sud du pays et la ville du Cap !

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28 janvier - 1er février 2020

Quel bonheur que d'atterrir dans la ville du Cap, ou Cape Town comme on l'appelle ici. Cape Town est l'une des plus grosses villes d'Afrique du Sud, également la plus septentrionale puisque comme son nom l'indique, elle est installée au l'entrée de la péninsule du cap de Bonne Espérance. Mais Cape Town est aussi sans doute la plus belle et la plus agréable des villes d'Afrique du Sud. Et l'on comprend très vite pourquoi elle est l'épicentre du tourisme dans le pays.

Tout d'abord, Cape Town est réputée pour être la grande agglomération la plus sûre d'Afrique du Sud, en comparaison avec Johannesburg ou Durban. C'est la seule ville où il est possible de se promener à pied dans le centre en toute sécurité. Et quel bonheur de flâner de boutiques en boutiques (nombreuses) et de restaurants en cafés (tout aussi nombreux), que ce soit au cœur de la ville où l'architecture mélange buildings et bâtiments coloniaux charmants, ou sur le Waterfront, ce port industriel réhabilité où il fait bon se promener le soir venu.

On pousse la promenade jusqu'au quartier coloré de Bo-Kaap, où les façades des maisons ont été peintes pour célébrer l'abolition de l'esclavage. Le quartier est encore celui des "Malais", les descendants des esclaves musulmans.

Mais Cape Town, c'est aussi et surtout un cadre d'exception, qui n'est pas sans nous rappeler Rio de Janeiro : la mer, la montagne et la ville réunies en un seul et même lieu.

La mer d'abord, avec l'Océan Atlantique qui vient se jeter sur les magnifiques plages de sable blanc à l'intérieur même de la ville, et qui continuent à l'infini jusqu'au Cap de Bonne Espérance.

Les montagnes ensuite, majestueuses, omniprésentes car visibles depuis n'importe quel quartier de la ville. C'est peut-être la première la chose que l'on remarque en arrivant ici. Et notamment le symbole de la ville : la Table Mountain, cette montagne plate qui surplombe Le Cap et sur laquelle, certains jours, une nappe de nuages à l'aspect liquide semble se déverser lentement. Mais Le Cap ne se contente pas de la très majestueuse Table Mountain pour nous impressionner : "Lion's Head" ou encore les "12 Apôtres" sont autant d'autres sommets qui donnent à la ville son charme si particulier.

C'est avec un couple d'amis rencontrés dans le Drakensberg (Enoch, un Sud-africain de Cape Town, et Léonie sa copine allemande) que nous explorons les plages du Cap et que nous gravissons le sommet de Lion's Head pour le coucher du soleil. Une montée périlleuse avec à la clé un panorama à 360° sur la ville, ses plages et la Table Mountain. Sans oublier cette incroyable lumière dorée du couchant, qu'on retrouve chaque soir et qui ne gâche rien au spectacle.

Enfin, Cape Town est une ville d'art et de culture, avec notamment son Zeitz Museum, musée d'art contemporain africain installé dans d'anciens silos à grains sur le Waterfront. C'est dans ce bâtiment industriel grandiose que nous avons visité une large retrospective de l'artiste contemporain sud-africain mondialement connu William Kentridge.

Mais tout cela fait aussi de Cape Town une ville à part, qui ne reflète pas la réalité du pays : un ville plutôt blanche, assez riche, où les villas de bord de mer sont la propriété quasi exclusive d'Européens. Cape Town est celle que l'on appelle ici la "Mother City", la mère de toutes les villes, car c'est la première citée construite par les Blancs, avant que ces derniers ne partent dans leur "Grand Trek" à la conquête des territoires de l'intérieur. C'est donc assez logiquement la plus occidentale.

Après 5 jours dans la ville du Cap qui a conquis nos cœurs, nous mettons les voiles sur la côte, direction la péninsule du cap de Bonne Espérance et la "Garden Route".

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2 - 8 février 2020

La route des jardins ou « Garden Route » en anglais : ce surnom désigne une portion de la côte sud-africaine, enserrée entre les montagnes du Western Cape et l’Océan Indien. Cette région prisée des touristes s’ouvre à environ 400km à l’Est de Cape Town, et se termine 350km plus loin dans la grande ville de Port Elizabeth. Au programme : réserves naturelles protégées, routes scéniques et plages sauvages.

Malgré son nom, la Garden Route n’est pas vraiment connue pour ses jardins mais plutôt pour ses paysages de forêts, inhabituels en Afrique du Sud. Les régions que nous avons traversées jusque-là présentent en effet toutes une végétation très rase avec très peu d’arbres.

Malheureusement, pendant notre semaine sur la Garden Route, le beau temps fut rarement au rendez-vous. La pluie, pourtant rare dans la région, n’a pas cessé de reporter sine die nos ambitions exploratoires. La semaine de plage et de randonnées s’est ainsi transformée en semaine de repos dans les auberges de jeunesse où nous plantions notre tente. Avec à la clé, plusieurs belles rencontres qui ont tout de même su enchanter notre séjour. Et entre deux averses, nous avons pu profiter des paysages sauvages au volant de notre petite voiture.

Mais avant rejoindre la Garden Route, nous nous sommes offerts un détour par la très célèbre péninsule du Cap de Bonne-Espérance, qui se déploie au Sud de Cape Town. Nous n’avons malheureusement pas pu atteindre l’extrémité en soi du Cap, refusant de payer 50€ simplement pour accéder au point de vue (on vous a quand même déniché une photo du Cap vue du ciel sur Internet !). Si le Cap de Bonne-Espérance est connu pour être l’un des points de passage les plus compliqués pour les navigateurs à cause du vent et du brouillard, il est temps de rétablir une vérité : contrairement aux croyances populaires, il ne s'agit pas de la pointe Sud de l’Afrique, et n’est pas non plus le point de rencontre des océans Atlantique et Indien. Ce double titre revient au Cap des Aiguilles, à 200km à l’Est sur la même côte. Un cap malheureusement pour lui beaucoup moins spectaculaire et qui se fait ainsi voler la vedette.

Mais les autres paysages de la péninsule nous ont largement contentés et ont su nous enchanter : plages d’un blanc immaculé, océan Atlantique déchaîné, brume d’écume flottant dans les airs, maisons en bois blanc très anglo-saxonnes et mouettes par centaines. Une ambiance très « Océan Atlantique Nord » qui nous ferait presque oublier que nous sommes en Afrique.

La péninsule abrite également la petite ville de Simon’s Town, où a élu domicile une colonie de pingouins africains, à quelques dizaines de mètres seulement des premières habitations ! Une attraction qui attire chaque jour des centaines de touristes.

C’est depuis la ville de George, en plein milieu de la Garden Route, que nous reprenons l’avion vers Johannesburg. Nous passerons y une dernière semaine pour terminer les reportages entrepris lors de notre premier séjour (à lire le 22 février dans le cahier musique de Libération, dans le numéro d’avril du magazine Tsugi et dans la prochaine édition de Jazz News).

C’est donc ainsi que se terminent nos quasi deux mois sud-africains, un pays qui rejoint directement le top 3 de nos pays favoris et restera comme l’un des plus beaux souvenirs de notre voyage. Direction maintenant le Sénégal, notre ultime étape avant Paris !

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15 - 20 février 2020

26 février - 3 mars 2020

Johannesburg - Douala - Lagos - Lomé - Dakar : c’est au terme de 3 escales que nous arrivons finalement dans la capitale sénégalaise. Un vol qui a un goût particulier puisque nous atterrissons là dans le dernier pays de notre grand voyage. Finir ici notre périple, c’est aussi un choix symbolique puisque Camille y puise une partie de ses origines : son père est Sénégalais mais elle n’y est pas retournée depuis plus de 16 ans !

Dakar se situe sur la péninsule du Cap-Vert, qui constitue la pointe la plus occidentale du continent africain. Nous y passons deux séjours d’une semaine, logés grâce à la tante de Camille dans un bel appartement du quartier de Ngor, au Nord de la ville, tout près de l’océan. Nous passons aussi beaucoup de temps chez sa grand-mère, dans le quartier de Sicap Liberté 3. Une villa à la porte toujours ouverte où la famille élargie se retrouve quotidiennement, y compris le papa de Camille actuellement sur place, et son petit frère David qui nous rejoint depuis la France lors de notre deuxième semaine sur place. Notre séjour dakarois fut ainsi l’occasion de très nombreuses retrouvailles et de longues palabres autour d’un thieboudienne (riz au poisson) ou d’un poulet yassa.

Entre deux moments en famille, nous entreprenons de visiter la capitale. Nous sommes très vite frappés par ses rues sableuses : Dakar fait partie du Sahel, le Sahara n’est pas si loin. Le sable grignote le sol et les murs, conférant à toute la ville de très jolies couleurs pastel : bleu passé, beige, ocre, le tout baigné dans une lumière très blanche. Seuls les grands axes sont goudronnés et après 2 mois en Afrique du Sud, pays le plus riche du continent, aux infrastructures développées, nous avons la sensation d’arriver réellement en Afrique. Pour nous déplacer dans mes embouteillages montres de la ville, nous utilisons les nombreux taxis jaune et noir - le plus souvent des Renault 19 ou 21 des années 90, aujourd’hui en piteux état. Mais le moyen de transport le plus populaire, ce sont les « cars rapides » aux peintures vives, remplis à ras bord et affichant fièrement au dessus de leur pare-brise « bon voyage », « merci maman », « hamdoulilah » (Dieu merci, en arabe) ou encore le nom d’un marabout.

Le centre-ville de Dakar est une fourmilière en perpétuelle agitation, où les touristes sont très (un peu trop ?) sollicités et où l’on trouve de nombreux marchés. Accompagnés de Seynabou, une cousine de Camille, nous nous rendons au marché Sendaga pour acheter du « wax », tissu coloré typique de l’Afrique de l’Ouest. Ses motifs sont dessinés à la cire, tout comme le batik, son cousin indonésien. On en ressort avec de belles trouvailles et surtout, de quoi nous faire tailler des tenues sur mesure, comme en ont l’habitude les sénégalais, friands de beaux costumes confectionnés chez le tailleur !

Mais le charme de Dakar réside surtout dans l’omniprésence de la mer. Il fait bon se balader le long de ses corniches ; déambuler au pied du colossal Monument de la Renaissance Africaine ; flâner sur l’une de ses nombreuses plages. Notre préférée : la petite mais très agréable plage des Mamelles et ses bars animés. Au Nord de la ville, la plage de Yoff offre une ambiance très différente, bien plus populaire avec ses pirogues de pêcheurs colorées et ses matchs de foot sur le sable.

Nous avons adoré nous balader dans les ruelles calmes et colorées de l’île de Ngor, un havre de paix atteint en 5 petites minutes de traversée en pirogue. Restaurant les pieds dans l’eau, baignade dans une eau limpide, bougainvilliers roses sur les murs, quelques artistes et surfeurs pour parfaire le tableau. Plusieurs personnalités comme France Gall ou le chanteur Akon y ont d’ailleurs acheté des maisons.

Entre deux plages et deux marchés aux tissus, Dakar prend des allures de capitale culturelle, même hors période de la fameuse biennale Dak’art, principal rendez-vous de l’art contemporain africain. Nous avons ainsi visité la maison du grand sculpteur sénégalais Ousmane Sow, artiste de renommée internationale mort en 2016. Largement célébré en France, Ousmane Sow a été le premier artiste noir à entrer à l’Académie française des beaux-arts. Sa très belle maison, qu’il a lui-même conçue, héberge de nombreuses sculptures, dont ses séries sur les peuples africains, et ses hommages aux grands hommes.

Dakar nous a frappée par l’omniprésence de la religion. Nous sommes dans un pays à 95% musulman où l’islam est partout, de l’appel régulier du muezzin aux chapelets de prière dans les mains des passants. L’islam pratiqué au Sénégal est particulier car il s’organise en confréries - par exemple les tidjanes ou les mourides - dirigées par des cheikh, personnages très respectés qui ont fondé différentes écoles de pratique. En dessous des cheikh viennent les marabouts (à ne pas confondre avec les charlatans du même nom) ou serignés, qui assurent la médiation entre la règle venue d’en haut et les fidèles.

L’islam sénégalais est traditionnellement ouvert et modéré. La religion est très prégnante dans le quotidien et marque profondément la société et ses traditions. Son influence est même visuelle et culturelle : on la retrouve dans les vêtements des hommes, comme le traditionnel yere wolof qui rappelle les djellabas du Maghreb, ou dans la salutation quotidienne, le fameux « salam aleikoum » et les nombreux termes arabes qui ont rejoint le langage courant. Sans parler de l’ataya, le délicieux thé à la menthe sénégalais, qu’on nous a servi en toutes occasions. Quand l’Afrique Noire prend des airs de Moyen-Orient…

Pour finir, nous avons profité de notre séjour dakarois pour poursuivre notre projet documentaire sur les radios locales. Nous avons ainsi suivi le travail d’Oxy-jeunes FM, une antenne communautaire lancée en 1999 à Pikine, banlieue populaire de la capitale. La radio y est très écoutée car elle apporte une information de proximité (et en plusieurs langues, notamment en wolof) à une population défavorisée, souvent peu éduquée voire analphabète. De jeunes journalistes stagiaires y font leurs premières armes avant d’évoluer vers de plus grands médias. Nous avons été impressionnés par le sérieux et la qualité de leur travail, malgré un manque criant de moyens et de matériel de base. A noter également : la sur-représentation des femmes dans les équipes, une bonne chose dans une société qui reste relativement patriarcale.

Vous l’aurez compris : ces deux semaines à Dakar ont été bien remplies ! Mais entre les deux séjours, nous nous sommes offert une pause plus au calme en partant en direction de Saint-Louis, tout au Nord du Sénégal.

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21 - 23 février 2020

Notre première escapade hors de Dakar nous emmène dans la ville de Saint-Louis, tout au Nord du Sénégal, près de la frontière mauritanienne. Saint-Louis est une ville à part : cette ancienne capitale de l'Afrique occidentale française se situe sur une île coincée entre la Langue de Barbarie et le continent ; c'est une cité d'histoire et de culture, ainsi que le berceau de la famille de Camille désormais installée à Dakar. Avec Dakar, Gorée et Rufisque, Saint-Louis fait partie des 4 cités sénégalaises à disposer d'un statut spécial du temps des colonies : tous les habitants de ces 4 villes ont obtenu en 1916 la citoyenneté française. C'est ainsi que Khadissatou Sow, la grand-mère de Camille, est née Française.

Notre escapade commence par une aventure de transports comme seul le Sénégal sait en offrir : 11h pour parcourir 250km, c'est notre record absolu en un an de voyage ! Il nous a d'abord fallu attendre plus de 3h que le minibus de 14 places soit rempli par 19 passagers. L'état du véhicule ne nous a ensuite pas permis de dépasser les 60km/h. Sans compter les 5 arrêts par la police refusant de nous laisser repartir et le petit détour chez un réparateur automobile !

Le cœur de Saint-Louis se situe sur l'île de Ndar, une bande de terre entourée par le fleuve Sénégal et reliée au continent par le fameux pont Faidherbe, qui fut gouverneur de la colonie. C'est ici que nous logeons, dans une ancienne bâtisse coloniale comme il y en a tant à Saint-Louis. C'est cette architecture qui donne son charme à la ville. Une architecture coloniale malheureusement peu entretenue et qui tombe bien souvent en ruines. Les ruelles ensablées n'en sont pas moins charmantes, entre mosquées, pirogues et chevreaux en liberté attendant l'heure de passer à la casserole.

Le sud de l'île abrite néanmoins quelques beaux bâtiments rénovés et transformés en musées. Le principal est un musée de la photographie (le MuPho), car Saint-Louis revendique la paternité de la photo d'art ouest-africaine. Il était en effet de tradition pour les habitants de la ville d'aller se faire tirer le portrait en costume dans un studio. On y trouve exposés aussi bien des pionniers comme Oumar Ly, de grands noms sénégalais contemporains comme Omar Victor Diop et des nouveaux talents de la photographie ouest-africaine.

De l'autre côté de l'île se trouve la Langue de Barbarie, une bande de sable de quelques centaines de mètres de largeur, qui s'étend sur 40 km du Nord au Sud depuis la Mauritanie. C'est sur ce morceau de sable coincé entre l'Océan Atlantique et le fleuve Sénégal que sont installés les villages de pêcheurs Guet-Ndar et Ndar-Toute. Nous y poussons la balade et découvrons une autre face de la ville, vivante et animée, mais surpeuplée, misérable et insalubre. Au bout du village : la plage sauvage qui mène en quelques kilomètres à peine à la Mauritanie.

Mais 30 km au Sud de Saint-Louis, la Langue de Barbarie se fait sauvage puisqu'elle devient un parc naturel protégé, abritant de nombreuses espèces d'oiseaux. Nous y prenons une excursion guidée en pirogue, une agréable demi-journée faite d'observation des cormorans, balbuzards et autres hérons cendrés. Nous nous baladons sur la Langue de Barbarie elle-même, passant en quelques centaines de mètres de la lagune à l'océan. Malheureusement, et malgré la protection de la zone, les déchets restent un problème criant comme dans le reste du pays où la brousse ressemble parfois à une décharge à ciel ouvert. Mais le plus grave est sans doute le trou de plusieurs kilomètres qui se creuse dans la Langue, suite à une erreur humaine. Les autorités y ont fait creuser un canal afin d'éviter les crues à Saint-Louis. Une ouverture qui ne cesse de s'agrandir, menaçant l'existence même de la Langue.

Après ces quelques jours à Saint-Louis, nous empruntons le "taxi-brousse" collectif pour rejoindre Lompoul et son désert de sable !

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24 - 25 février 2020

Après 2 jours à Saint-Louis, nous décidons de nous accorder une étape supplémentaire avant de retourner à Dakar. C’est alors que nous revient en mémoire le fameux « désert sénégalais » dont nous a parlé à table un cousin de Camille... Un mini Sahara accessible rapidement et l’opportunité de dormir au calme entre les dunes : c’est l’occasion que nous cherchions.

Il s’agit en fait du désert de Lompoul, une étendue de dunes de sable de 18km2, située à mi-chemin entre Saint-Louis et Dakar, non loin de la côte atlantique. Pour nous y rendre, nous montons à bord des éternels taxis 7 places jusqu’à Kébémer, ville depuis laquelle l’équipe du camp nous prend en charge en 4x4. Nous découvrons en arrivant sur place les tentes mauritaniennes colorées et confortables où nous passerons deux nuits.

Deux nuits et une journée complète pour faire l’expérience des difficiles conditions de vie dans le désert ! Pendant tout notre séjour, le vent souffle fort sur les dunes, soulevant tellement de sable dans les airs que nous n’avons pas pu voir le soleil. Sans compter qu’à la mi-journée, sans ombre nulle part, la chaleur se fait suffocante : 42 degrés dehors, peut-être encore plus sous notre tente. Heureusement, le camp dispose de douches salvatrices pour se rafraîchir !

Ces conditions extrêmes ne nous ont pas gâché le plaisir de passer du temps dans le désert. Balades à pieds et à dos de dromadaire, lecture, farniente et bons repas : une journée de repos complet qui nous a fait un bien fou !

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4 - 5 mars 2020

Nous avons profité de notre deuxième séjour à Dakar pour nous offrir avec le papa de Camille et David une nuit sur un incontournable du Sénégal : l’île voisine de Gorée. Cette île classée au patrimoine mondiale de l’UNESCO fut occupée dès 1444 par les européens : Portugais puis Hollandais et Anglais se succèdent, avant l’installation définitive des Français en 1785. Ils en firent l’une des « quatre communes » du Sénégal, avec Saint-Louis, Rufisque et Dakar, dont les habitants avaient, comme vous le savez, droit à la nationalité française.

Si Gorée est tristement célèbre, c'est surtout pour son rôle dans la traite négrière. L'île de Gorée était en effet l'un des principaux "centres de transit" des esclaves en Afrique de l'Ouest. Les esclaves y étaient rassemblés et triés avant d'embarquer pour les Amériques. Le lieu est donc hautement symbolique pour tous les afrodescendants, à l'instar des Antillais qui ont offert à Gorée une statue symbole de liberté.

La Maison des esclaves, où étaient emprisonnés ces hommes condamnés à l'exil forcé, a aujourd'hui été transformée en lieu de mémoire. Construite en 1776, c'est un beau bâtiment colonial dont le calme tranche avec les souffrances qu'il a abritées. À l'étage, les appartements des Européens, et au rez-de-chaussée les cellules séparées des hommes, des femmes, des enfants et des "récalcitrants". Au fond du couloir, une porte sur la mer d'où l'on embarque sans retour.

Mais Gorée, c'est aussi une île magnifique, calme et agréable, entre plage de pêcheurs, maisons coloniales de charme aux couleurs ocre et vue sur la pointe de Dakar. Quel bonheur de flâner dans ses ruelles fleuries, notamment au soir tombé quand les hordes de touristes ont quitté l'île et que ne reste que ses habitants et les quelques locataires d'une nuit comme nous.

Avant de conclure la soirée sur un bon poisson grillé, on improvise un foot de rue au soleil couchant avec deux gamins de l'île. C'est décidemment le sport national, pas une place, une plage ou un terrain vague n'échappe aux matchs quotidiens.

Prochaine et dernière étape de ce voyage : les îles du Sine Saloum, à 150km au Sud de Dakar.

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5 - 9 mars 2020

Une dernière escapade avant le grand retour à la maison. Nous nous rendons avec David à 150km au Sud de Dakar, près de la frontière gambienne, dans les îles du Sine Saloum.

Ici, les fleuves Sine et Saloum se rejoignent en un grand delta plongeant dans l’Atlantique, formant au passage des centaines d’îles. C’est sur celle de Niodior que nous élisons domicile. Pour l’atteindre, nous rejoignons d’abord le village de pêcheurs de Djiffer et sa plage couverte de centaines de pirogues colorées. De là, nous empruntons la grande pirogue collective pour une heure de traversée.

Le Sine Saloum n’est plus dans la zone du Sahel : nous découvrons des paysages bien plus verts que dans le reste du Sénégal, où l’eau est omniprésente. Le delta est un véritable labyrinthe marécageux fait de bolongs, des canaux d’eau salée serpentant au milieu de la mangrove. Ces bras de mer, qui entrent profondément dans les terres, se remplissent et se vident au rythme des marées. Un écosystème protégé qui abrite de nombreuses espèces d’oiseaux mais aussi de coquillages. La pêche aux coquillages est l’activité principale des femmes de la région, notamment le ramassage des huîtres de palétuviers, qui s'accrochent aux racines de la mangrove.

Nos 3 nuits à Niodior, nous ont permis de sillonner les alentours. Le premier jour en pirogue, à travers la mangrove, jusqu’à l’île voisine de Diogane. Nous découvrons un petit village très isolé, ensablé, au sol jonché de coquillages. Comme à Niodior, très peu d’hommes dans ce village où beaucoup laissent femmes et enfants sur place pour tenter l’aventure en France ou en Espagne, mais beaucoup d’enfants ! Au cours de cette balade en pirogue, nous avons notamment eu le loisir de ramasser les fameuses huîtres de palétuviers et de les déguster braisées directement à bord de l'embarcation. Après cette visite, nous atteignons la pointe de Jaklonsa pour une après-midi de plage à observer les dizaines de dauphins présents dans la zone. Le lendemain, nous optons pour une balade à pied à travers les bolongs jusqu’à l’île non habitée de Guior, où des singes ont élu domicile. 

Plusieurs rencontres notables pendant notre séjour à Niodior, une île isolée qui n’attire pas vraiment les touristes classiques. Chez Karim et sa famille, qui tiennent la seule maison d’hôtes du coin, nous étions 9 invités à partager les repas. D’abord un groupe de scientifiques brestois venus étudier les coquillages de la région et travailler avec la population à l’élaboration de techniques de pêche durables. Ensuite Aliou, un éducateur sénégalais ayant vécu 7 ans au Venezuela, qui travaille auprès de jeunes français en difficulté, envoyés au Sénégal pour un séjour « de la dernière chance ». Michel, médecin français venu participer à la construction d’un centre de santé. Et enfin, Mara, notre guide pour ces 3 jours, qui nous a longuement enseigné la préparation de l’ataya, le thé sénégalais, à boire en trois tournées - le cérémonial étant aussi important que le verre de thé lui-même !

Après ce séjour à Niodior, nous regagnons Dakar pour y passer les tous derniers jours de notre grand voyage. 

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14 mars 2020

Quel drôle de retour après 1 an d’aventure ! Dans un contexte de crise mondiale du coronavirus, nous regagnons nos pénates parisiennes à deux jours seulement du début du confinement en France. Nous voici brutalement de retour dans notre maison, une colocation à 7 que nous n’avons pas quittée depuis notre atterrissage. Comme si le temps s’était suspendu, comme si nous n’étions pas encore autorisés à reprendre notre vie normale. On se rassure en se disant qu’on a, par pur hasard, exercé un sens aigu du timing. Que si l'épidémie s'était déclenchée pour notre départ ou pendant notre voyage, elle aurait mis à mal tous nos plans. Et qu’après tout, après un an de vadrouille, rester à la maison quelques temps n'est pas un mauvais programme. Défaire les valises, se reposer, faire le bilan et se réinstaller, voilà ce qui nous attend pour les semaines à venir. Comme un sas de décompression entre le voyage et la réalité.

C'est donc avec un vol Dakar-Madrid-Paris que notre aventure d’un an a pris fin. Trois aéroports et deux avions : forcément, nous avons pris nos précautions !

Nous avons voyagé très exactement 365 jours, traversé 12 pays sur 3 continents, rédigé 70 étapes de ce carnet de voyage virtuel, noirci au stylo les pages de 13 journaux tenus au quotidien.

On a tenté de se mettre à une dizaine de langues différentes - avec plus ou moins de succès, rencontré 5 radios dans le cadre de notre projet documentaire, participé à 2 croisières, publié 3 articles dans la presse, shooté une trentaine de pellicules photo. On a appris à ralentir le rythme du voyage, à s’accorder des pauses pour mieux s’immerger quelque part (d’ailleurs on se demande désormais comment on a pu envisager, autrefois, découvrir un pays en 15 petits jours).

Nous sommes devenus des professionnels de la négociation et du déjouement d’entourloupes. 12 mois et 0 mésaventures, rien de plus qu’une petite tourista ! 12 mois et un nombre incalculable de moyens de transport : bus, 4x4, buggy, camion, taxi-brousse, minicar, bateau, scooter, moto, cheval, dromadaire, radeau, tuk-tuk, pédalo, canoë, pirogue, parapente…

Au sujet des transports, il y a une statistique dont nous ne sommes pas fiers : les 32 vols que nous avons pris au cours de l’année. A l’heure où certains décident de ne plus prendre l’avion pour limiter leur empreinte écologique, c’est beaucoup, beaucoup trop. Cette année aura été l’occasion d’observer de nos yeux, aux quatre coins du monde, les ravages de l’activité humaine sur la nature. Comment concilier voyage et respect de l’environnement ? Cette question, qui a grandi pays après pays, restera une vraie préoccupation pour nos futures vadrouilles.

Il est encore bien trop tôt pour dresser un bilan ou tirer des conclusions. Il nous faudra des mois, peut-être des années, pour digérer tout ce que nous avons vécu, pour en comprendre les conséquences sur nos vies. Mais déjà des moments inoubliables se dégagent : la traversée de l'Amazonie en bateau, le roadtrip en van en Basse-Californie, les volcans indonésiens, la boucle en moto dans le Nord du Vietnam, la séance photo khmère, la rencontre avec les animaux sauvages d'Afrique du Sud ou encore notre traversée express du Lesotho. Brésil, Mexique, Afrique du Sud : certains pays nous ont marqués plus que d’autres, et il nous tarde déjà d’y retourner.

C'est tout maigres et tout bronzés que nous achevons notre aventure d'un an ! Un voyage qui nous a transformés, un peu physiquement, mais surtout de mille façons qu'il nous reste encore à identifier. En attendant de vous raconter tout ça de vive voix, on vous laisse avec un selfie avant-après, pris juste devant chez nous, le matin du départ et celui du retour, comme pour boucler la boucle.

THE END.