Durant nos déambulations dans la capitale, nous sommes d’emblée marqués par deux influences fortes : l’influence française et l’influence communiste. Ces deux éléments, absents de la Thaïlande voisine, font vraiment sentir un changement d’ambiance dès le premier jour.
Au XIXe les Britanniques et les Français colonisent l’Asie du Sud. La Birmanie tombe sous le joug anglais tandis que la France étend sa domination sur les actuels Cambodge, Vietnam et Laos, qui seront regroupés sous le terme d’Indochine. De 1893 à 1954, le Laos est donc sous Protectorat français. Ces soixante ans de présence ont eu un impact, fort culturellement, qui se ressent encore aujourd’hui. On note ainsi des vestiges d’architecture coloniale dans l’hyper-centre. Mais c’est surtout visible au niveau de la langue française qui est encore sur les panneaux de rue, le nom des bâtiments, les explications touristiques… Nous avons croisé également un nombre important de boulangeries, qui exposent des croissants, pains au chocolat et baguettes. Des boutiques proposent des confitures de Provence, du Cabernet-Sauvignon ou du camembert de Normandie. Les Laotiens semblent consommer de la charcuterie, et on ne compte plus le nombre de clubs de pétanque que nous avons croisés. Certains Laotiens parlent encore le français, nous permettant d’échanger quelques mots avec certains. Nous avons même eu droit à des remarques comme quoi « nous étions autrefois le même pays », ou « the same great union » pour les anglophones. Étonnant.
Une de nos premières visites sera le monument Patuxai. Il s’agit d’un superbe arc-de-triomphe construit au milieu d’une gigantesque avenue surnommée « les Champs-Élysées laotiens ». Le parallèle avec la France est évident. Patuxai, qui signifie « porte de la victoire », rend hommage aux laotiens tombés lors des affrontements pour l'indépendance du pays, effective en 1954. Face à cet imposant monument, nous nous faisons la remarque qu’à l’école, on nous a peu parlé du Laos. Les quelques cours sur la colonisation française insistaient surtout sur le Vietnam. Nous devrons donc faire quelques lectures pour mieux comprendre le tout.
Pour la petite histoire, le Patuxai a été construit grâce à un don américain : les États-Unis avaient en effet offert une importante quantité de ciment pour construire l’aéroport de la ville, mais le régime a finalement préféré tout utiliser dans ce monument, lui valant le surnom loufoque de « piste d’atterrissage verticale » !
C’est justement en arpentant les alentours du Patuxai, que nous notons très vite également l’influence communiste. Si ce régime est plus souple que ses compères marxistes, certains éléments nous rappellent où nous nous trouvons. L’exemple le plus flagrant est celui des fameux « Champs-Élysées ». Dans les faits, cet endroit ressemble à une énorme quatre voies, lardée de bâtiment officiels où flottent des drapeaux rouges. Les alentours du Patuxai sont impeccables et déserts, donnant à l’endroit un petit air de Corée du Nord. En déambulant, on retrouve un peu partout la faucille et le marteau.
De temps à autre, des énormes panneaux de propagande glorifient l’armée ou le peuple. Nous avons malheureusement oublié de les prendre en photo sur le moment, mais ça donnerait à peu près ceci :
Mais là où nous ressentons le plus l’influence du régime communiste, c’est au musée national. Le bâtiment, sacrément imposant de l’extérieur, est bien moins convaincant à l’intérieur. Les étages et les salles sont quasi-vides. Quelques expositions, bien maigres, retracent, avec des feuilles jaunies, l’Histoire du pays. Une petite salle s’attache à montrer quelques objets du quotidien. Deux-trois statues semblent s’être égarées à droite à gauche. En somme, on est surpris de voir si peu de pièces dans un si grand immeuble. On peine à croire que nous sommes au musée principal du pays…
C’est surtout au dernier étage que le musée semble avoir mis le paquet : nous entrons dans la salle consacrée à l’histoire récente. L’accent est mis sur la colonisation du pays par la France et sur la guerre du Vietnam, qui a grandement impacté le pays. C’est notre premier séjour dans une dictature communiste, et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela se ressent sur le discours officiel. L’Histoire du Laos est contée de manière extrêmement binaire (les gentils versus les méchants). Chaque panneau déroule son discours sans remise en contexte. On a l’impression de lire des fiches de propagande, voire des adaptations romancées destinées à des enfants.
La colonisation française est évidemment très longuement abordée. Des tableaux représentent systématiquement les Français en train de découper des enfants à la machette, de violer des femmes, d’écraser des Laotiens sous leurs botte ou de les jeter du haut d’une falaise. Les feuillets jaunis ne tarissent pas d’effroi pour nous décrire : méchants, agressifs, impérialistes, bourreaux, cruels, etc. De même, le champ lexical des combattants indépendantistes et communistes est assez tranché : braves, patriotiques, courageux, fiers, sans peur… Loin de nous l’idée de nier les atrocités commises par les colons à l’époque (qui ont notamment imposé la « corvée » pour réaliser de grands travaux d’aménagement du territoire) mais la manière dont tout cela est abordé est franchement ridicule.
Mais il ne faut pas y voir là une aversion exclusive pour la France : le même traitement est appliqué aux Américains, mais également aux Birmans et aux Siamois ! Le Laos a en effet été régulièrement confronté à ses turbulents voisins. Birmans et Siamois sont aussi représentés comme torturant, violant, empalant à volonté… et comme systématiquement pleutres et fuyards quand les Laotiens contre-attaquent. Vraiment, permettez-nous de douter de l’objectivité du discours officiel.