À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis 2 ans, en sac à dos ou à bord de notre Combi, en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

L’île de Con Dao

L’archipel de Con Dao est un endroit préservé, à l’ambiance décontractée et aux plages magnifiques. Un paradis sur terre, qui était pourtant un enfer il y a peu…
Mai 2024
7 jours
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Nous quittons la terre ferme du Vietnam. Direction le port de Can Tho pour embarquer sur un ferry. Quatre heures de navigation nous attendent, dont la moitié sur le Mékong et l’autre en pleine mer. À la clé, une île paradisiaque pour passer une petite semaine de détente. Comme souvent dans les transports, la clim’ est tellement forte à bord qu’elle nous oblige à changer de place plusieurs fois pour ne pas finir frigorifiés. Sur la dernière heure, ça tangue énormément ; on est secoués comme des quilles ! Plusieurs passagers sont malades et vomissent. On arrive finalement à quai, bien contents de retrouver le plancher des buffles.

Et surtout, à bientôt !

Avant de rejoindre notre hôtel, on s’arrête à la première gargote pour déjeuner. Comme la vieille dame qui prend la commande ne parle pas un mot d’anglais, on commande en désignant directement les plats sur la carte. Mais notre honorable hôte n’a pas ses lunettes et n’arrive pas à lire son propre menu ! On demande des patates douces sautées et une soupe à l’oignon, on se retrouve avec des épinards bouillis et un bouillon de bœuf…

Peu après, nous voici bien installés dans notre hôtel, sur les hauteurs de la capitale de l'île ! L’endroit est calme et confortable. C’est parti pour plusieurs jours alternant découvertes et détente.

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Con Dao est un archipel de 16 îles, autrefois connu sous le nom de Poulo-Condor. Si la zone semble habitée depuis la Préhistoire, elle entre dans l’Histoire lorsque les Anglais s’en emparent au début du XVIIIème siècle. Finalement, par un jeu d’alliance entre Louis XVI et le roi de Cochinchine, Con Dao devient une colonie française en 1789. Elle devait servir de piédestal à la conquête gauloise de la péninsule indochinoise. La Révolution met le projet en berne, puis la France se concentre sur la colonisation de l’Afrique du Nord dans les années 1830. Il faut attendre la prise de Saïgon en 1857 pour que Con Dao réveille l’intérêt des colonisateurs. En 1862, les Français y ouvrent l’un des bagnes les plus célèbres et les plus terrifiants de l’Histoire. Mais nous verrons cela un peu plus tard…

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Le village de Côn Son

De notre côté, on se balade à plusieurs reprises dans Côn Son, l’unique ville de l’archipel. Tout y est coquet et propre, contrastant sensiblement avec le reste du Vietnam. Rues en damier, maisons basses colorées, placettes et front de mer piéton rendent la visite très agréable. On sent que le gouvernement veut faire de l’archipel une vitrine pour le tourisme international, tout en le préservant de la bétonisation à outrance qui a déjà ravagé d’autres îles plus fréquentées. Les avenues fleuries et commerciales sont ornées de drapeaux communistes, un contraste étonnant.

Nous passerons également par le marché pour nous ravitailler en produits frais. Les soirées sont aussi l’occasion de profiter d’un climat plus respirable et de voir la ville s’animer. Les passants se pressent dans les nombreux restaurants, tous spécialisés dans les poissons et fruits de mer qui sont exposés dans d’immenses aquariums. De notre côté, nous avons trouvé un excellent restaurant végétarien dont on fera notre QG pour la semaine. Nous tomberons aussi sur un lieu qui propose de succulentes glaces à la coco servies directement dans la noix et saupoudrées de cacahuètes, un régal !

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Les plages urbaines

Pas besoin de s’écarter de la capitale pour trouver des plages paradisiaques ! De notre hôtel à la ville, le chemin se fait par une sublime baie bordée de pins. Au cours de notre séjour, nous irons souvent profiter de ce sable fin sur son fond d’azur. D'autant qu'en journée, la plage est déserte ! Nous sommes les seuls à braver le soleil cuisant.

Les habitants et les quelques touristes nationaux ne viennent se baigner que vers 17 h. Alors, petit à petit, la plage se remplit jusqu’au coucher du soleil. Nous tenterons l’expérience une soirée. Nous sommes les seuls touristes occidentaux : autour de nous, les gens se baignent, font de l’exercice sur la plage ou jouent au ballon. Marion se retrouve à l’eau au milieu d’un groupe de femmes qui discutent. Comme bien souvent, elles lui montrent son nez. Car oui, nous avons oublié de vous dire : depuis que nous sommes en Asie, les gens nous parlent régulièrement de nos nez ! Il faut dire que Canard et Cochon sont parés de grands pifs… Et ici, ils semblent complètement fans (eux) !

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La pagode de Van Son

À quelques minutes de scooter de la ville, on trouve la jolie pagode de Van Son. Nous nous y rendons une après-midi. L’endroit ne manque pas de charme : il faut grimper un grand escalier en pierre qui débouche sur une terrasse fleurie. La pagode en elle-même affiche un style résolument chinois, mais nous y retrouvons comme d’habitude des éléments bouddhistes. Des pèlerins déposent des bâtons d’encens et des offrandes de fleurs de lotus. Mais ces dernières restent rarement en place longtemps : des macaques se précipitent pour les dévorer dès que le pénitent a le dos tourné !

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En 1993, le gouvernement vietnamien a classé Con Dao comme parc national. Étendu sur 40 000 hectares, il abrite 135 espèces animales, 882 espèces végétales et des récifs de coraux. Comme mentionné précédemment, l’archipel veut éviter les écueils d’autres îles, dont la popularité a conduit à une bétonisation forcenée avec moult hôtels, casinos et restaurants. Ici, passé le village, on retrouve des littoraux (relativement) préservés qu’on suit le long d’une seule et unique route.

Aujourd’hui, nous partons pour une belle randonnée. Après une grimpette en scooter sur les hauteurs de l’île, nous posons le bolide à l’entrée du parc.

Le chemin est bien balisé à travers une épaisse forêt. On sent que nous sommes loin de la mer : adieu le petit vent frais. On transpire gaillardement jusqu’au terminus. Nous débouchons sur une plage de galets déserte qui offre une jolie vue sur le large ! Après nous être reposé les mollets et rafraîchis, nous faisons demi-tour.

Après cette bonne balade, il fait faim : on file à notre resto végé préféré. Smoothie à la noix de coco et à la cacahuète, nems, curry… tout y est excellent et on s’en met plein le bec/groin !

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Tous en scooter pour rejoindre la partie sud-ouest de l’île ! Que de beaux paysages sur la route. Qui plus est, celle-ci est en excellent état, rendant la conduite plaisante. On multiplie les arrêts photos pour immortaliser la beauté des plages. Vraiment, qu’il est agréable de disposer de son propre véhicule et de ne pas dépendre des transports en communs. On commence à (re)prendre goût à cette sensation de liberté.

Nous voici arrivés à ce qui était autrefois le principal port de l’île. Depuis peu, la plupart des ferries accostent dans l’embarcadère flambant neuve de Côn Son. Néanmoins, l’agitation ne manque pas ici : quelques gros bateaux débarquent des passagers et des petites barques s’égrènent dans la jolie baie. Notre objectif de la journée : rejoindre l'îlot de Hon Ba pour une randonnée au sommet de la montagne d’où l’on jouit d’une superbe vue, dit-on. Un employé du port nous renvoie sur un pêcheur, qui nous fait traverser contre une obole. On s’installe dans la cabine, qui fait office de pièce à vivre et de cuisine.

Direction l'îlot en face !
La pièce à vivre de la barque du pêcheur 
Notre taxi s'en va et nous laisse sur cette superbe plage

Encore une fois seuls au monde, nous commençons l'ascension du pic. La route est longue et fatigante, mais toujours aussi belle. Au cœur de la forêt, on profite de la majestueuse végétation et de sa population bigarrée : lézards, musaraignes, écureuils… c’est tout un petit écosystème qui détale à notre arrivée.

Et puis, quelle vue au terminus ! Toute la baie s’étend à nos pieds. On peut admirer aussi bien la mer, la montagne, et le trafic des navires en contrebas.

Panorama

La descente est nettement plus facile. On profite de la plage déserte pour se rafraîchir un bon coup. Le pêcheur de l’aller revient nous rechercher, mais c’est marée basse ! En nous faisant de grands signaux au loin, on comprend qu’on va devoir marcher vers des rochers plus loin pour que le tirant d’eau soit assez profond pour pouvoir embarquer !

On retrouve notre scooter au quai. La nuit commence à tomber et nous offre une fois n’est pas coutume un sublime coucher de soleil.

Il nous faut retraverser l’île pour gagner la maison. Vroom ! Mais régulièrement, on voit d’étranges formes aériennes nous frôler avec des cris stridents. Des dizaines de chauves-souris nous tournent autour. Marion ralentit et klaxonne espérant éloigner les bêtes qui volent vraiment près de nous. Après plusieurs kilomètres dans ces conditions, Marion est de plus en plus stressée car le nombre de chauve-souris ne faiblit pas… Quentin la rassure en lui disant qu'elles calculent bien leur trajectoire et vont forcément nous éviter. Quand tout à coup, l’une d’elles percute justement le bras de Canard ! Un mouvement brusque de surprise manque de nous faire choir… Pas rassurés du tout, on roule à deux à l’heure tout le reste du trajet pour éviter le drame. Au bout d’une demi-heure, les lumières de la ville se dessinent enfin. Les vampires ailés rebroussent chemin. Ouf, tous au resto pour se remettre de nos émotions !

Batman Begins
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Con Dao ne compte pas que des plages de rêve et des randonnées superbes. Faisons une petite pause dans les photos de magazines pour vous parler d’une composante essentielle de l’histoire de l’archipel : le bagne.

Celui-ci fut ouvert par les Français en 1862. Il fut initialement conçu pour accueillir des prisonniers de droit commun et des opposants politiques. Les conditions deviennent rapidement épouvantables. À la chaleur tropicale s’ajoute la surpopulation, les maladies, les vermines et le manque de nourriture. Dès 1898, un rapport fait état d’un taux de mortalité de 70% !

Le bagne est aussi, et surtout, réputé pour ses « cages à tigres ». Des cellules minuscules où étaient enfermés les prisonniers. Incapables de se lever ou de bouger, plusieurs centaines deviendront paraplégiques, perdant l’usage de leurs jambes.

En 1954, suite à la fin de la guerre d’Indochine, le bagne passe sous contrôle du Vietnam indépendant… qui s’empresse de maintenir sa fonction. Les communistes et les dissidents y sont enfermés et « rééduqués ». Le pic de population est atteint lors de la Guerre du Vietnam, quand le gouvernement du Sud entasse un maximum de combattants communistes.

Finalement, la chute de Saïgon marque aussi la fin de cette administration pénitentiaire. En tout, 20 000 personnes seront passées par ce bagne.

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Beaucoup de ces prisons ont été conservées quasi en l’état pour servir de lieu de mémoire. Régulièrement en nous baladant, nous réalisons que nous longeons les enceintes d’anciens bagnes. Certains, ouverts à la visite, permettent de se rendre compte de la brutalité qui y sévissait. À l’aide de mises en scènes de mannequins, on tente d’imaginer ce qu’était la surpopulation carcérale, la torture infligée, et la bestialité des cages à tigres. Nous avons été profondément marqués par nos visites : les îles de Con Dao, aujourd’hui paradisiaques, furent longtemps un véritable enfer…

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La capitale de l’île est également célèbre pour le cimetière de Hang Duong, qui abrite les restes de nombreux combattants indépendantistes.

Nous avons voulu le traverser à plusieurs reprises mais avons toujours trouvé porte close. Nous tentons notre chance une ultime fois lors de notre dernière soirée sur l’île. Et nous avons de la chance : non seulement c’est ouvert, mais en plus une cérémonie s’y déroule. Des centaines d’habitants sont venus rendre hommage aux ancêtres tombés pour leur pays.

Des grands brasiers sont allumés et des familles entières sont venues avec des offrandes. On retrouve des bâtons d’encens et des fleurs, bien sûr, mais aussi d’étonnantes imitations en papier d’objets de la vie quotidienne : paquets de cigarettes, billets de banque, bouteilles d’alcool, uniformes militaires, miroirs, peignes… Une partie est déposée sur les tombes et le reste est consumé par le feu.

À plusieurs endroits, la foule est concentrée et fait sagement la queue pour honorer la mémoire des morts les plus emblématiques. C’est notamment le cas de la tombe de Vo Thi Sau, jeune fille devenue martyre nationale. Elle s’impliqua dès ses 14 ans dans la guerre d’indépendance contre la France. Elle fut arrêtée à ses 17 ans et exécutée. C’est la première fusillée par les colons français sur l’île de Con Dao.

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Histoire de ne pas terminer sur ce sombre chapitre, retour aux belles photos ! Cette fois, nous allons explorer la côte nord. Comme d’habitude, la route le long du littoral est splendide. Plus on s’éloigne, plus c’est sauvage. On s’arrête à plusieurs reprises pour profiter du paysage.

Nous voici sur la plage de Dam Trau. Sa forme circulaire la protège des vagues et la rend très agréable pour une baignade. Les familles du coin et les touristes viennent profiter de son sable blond pour se prélasser. Canard et Cochon se joignent à l’ambiance générale.

Dam Trau a une particularité : elle est située au pied de l’aérodrome. Alors que nous sommes dans l’eau en train de barboter tranquillement, nous entendons un vrombissement. C’est sacrément impressionnant de voir l’avion si près de nous se préparer à l’atterrissage dans un boucan d’enfer, et disparaître aussitôt de l’autre côté de la végétation !

Pardon, c'est flou 

On reste sur place jusqu’à la tombée de la nuit, pour profiter du coucher de soleil. Une fois encore, celui-ci est extrêmement photogénique, non ?

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Notre semaine à Con Dao est terminée. L’île est vraiment un petit joyau qui rassemble des montagnes verdoyantes, des plages cristallines et du patrimoine historique. La chaleur tropicale fut atténuée par l’air marin, les baignades quotidiennes et les nombreux smoothies à la coco. Nous aurions pu rester encore plusieurs jours à profiter du calme du lieu mais il est temps de regagner le continent. Nous sommes en effet attendus à Ho Chi Minh, la bouillonnante capitale économique du pays. Nous vous donnons rendez-vous dans la prochaine étape des aventures de Canard et Cochon en Asie… qui sera aussi la dernière !