Con Dao ne compte pas que des plages de rêve et des randonnées superbes. Faisons une petite pause dans les photos de magazines pour vous parler d’une composante essentielle de l’histoire de l’archipel : le bagne.
Celui-ci fut ouvert par les Français en 1862. Il fut initialement conçu pour accueillir des prisonniers de droit commun et des opposants politiques. Les conditions deviennent rapidement épouvantables. À la chaleur tropicale s’ajoute la surpopulation, les maladies, les vermines et le manque de nourriture. Dès 1898, un rapport fait état d’un taux de mortalité de 70% !
Le bagne est aussi, et surtout, réputé pour ses « cages à tigres ». Des cellules minuscules où étaient enfermés les prisonniers. Incapables de se lever ou de bouger, plusieurs centaines deviendront paraplégiques, perdant l’usage de leurs jambes.
En 1954, suite à la fin de la guerre d’Indochine, le bagne passe sous contrôle du Vietnam indépendant… qui s’empresse de maintenir sa fonction. Les communistes et les dissidents y sont enfermés et « rééduqués ». Le pic de population est atteint lors de la Guerre du Vietnam, quand le gouvernement du Sud entasse un maximum de combattants communistes.
Finalement, la chute de Saïgon marque aussi la fin de cette administration pénitentiaire. En tout, 20 000 personnes seront passées par ce bagne.
Beaucoup de ces prisons ont été conservées quasi en l’état pour servir de lieu de mémoire. Régulièrement en nous baladant, nous réalisons que nous longeons les enceintes d’anciens bagnes. Certains, ouverts à la visite, permettent de se rendre compte de la brutalité qui y sévissait. À l’aide de mises en scènes de mannequins, on tente d’imaginer ce qu’était la surpopulation carcérale, la torture infligée, et la bestialité des cages à tigres. Nous avons été profondément marqués par nos visites : les îles de Con Dao, aujourd’hui paradisiaques, furent longtemps un véritable enfer…
La capitale de l’île est également célèbre pour le cimetière de Hang Duong, qui abrite les restes de nombreux combattants indépendantistes.
Nous avons voulu le traverser à plusieurs reprises mais avons toujours trouvé porte close. Nous tentons notre chance une ultime fois lors de notre dernière soirée sur l’île. Et nous avons de la chance : non seulement c’est ouvert, mais en plus une cérémonie s’y déroule. Des centaines d’habitants sont venus rendre hommage aux ancêtres tombés pour leur pays.
Des grands brasiers sont allumés et des familles entières sont venues avec des offrandes. On retrouve des bâtons d’encens et des fleurs, bien sûr, mais aussi d’étonnantes imitations en papier d’objets de la vie quotidienne : paquets de cigarettes, billets de banque, bouteilles d’alcool, uniformes militaires, miroirs, peignes… Une partie est déposée sur les tombes et le reste est consumé par le feu.
À plusieurs endroits, la foule est concentrée et fait sagement la queue pour honorer la mémoire des morts les plus emblématiques. C’est notamment le cas de la tombe de Vo Thi Sau, jeune fille devenue martyre nationale. Elle s’impliqua dès ses 14 ans dans la guerre d’indépendance contre la France. Elle fut arrêtée à ses 17 ans et exécutée. C’est la première fusillée par les colons français sur l’île de Con Dao.