Après une bonne nuit de sommeil, Marion a récupéré. Notre chauffeur de taxi nous attend devant l’hôtel. Il s’appelle Ramon et est très sympa ! Nous discuterons bien tout le long de la journée et aurons même droit à un arrêt surprise au retour. Pour l’heure, il est temps de rejoindre le Paraguay ! Comme nous sommes dimanche, le ferry qui permet de traverser la frontière, à savoir le fleuve Parana, est fermé. Il nous faudra donc rejoindre la capitale régionale, Posadas, à 1h30 de route pour emprunter le pont international. A l’inverse de San Ignacio, village assoupi, Posadas est une grande ville qui nous fait immédiatement penser à New York, en toute modestie. Son centre-ville, planté de multiples gratte-ciel au bord de l’eau, a des airs de Manhattan. Le passage sur le pont international s’avère rapide dans notre sens. En revanche, en sens inverse, des centaines de voitures et de camions s’étalent sur des kilomètres : depuis quelques années, le coût de la vie est trois fois plus élevé au Paraguay qu’en Argentine ! Chaque jour, des centaines de Paraguayens passent la frontière pour faire le plein d’essence, de courses et d’autres biens de consommation. Nous serons malheureusement dans cette fameuse file au retour…
Pour l’heure, et après avoir encore roulé pendant une petite heure, nous voici enfin devant la mission Santísima Trinidad de Paraná, au Paraguay. En attendant notre guide, Ramon nous fait goûter son maté dans sa "bombilla" (oui, comme tout Argentin, il en boit tout le temps et n’importe où). Nous voilà enfin partis pour la visite du site.
Trinidad est la plus vaste des 30 missions jésuites qui ont été construites à l’époque. Les ruines sont encore une fois impressionnantes et nous font remonter dans le temps. On essaye de s’imaginer tant bien que mal ce qu’on nous décrit : la mission s’étendait sur 14 hectares, avec des habitations séparées entre les jésuites qui avaient le « chauffage », les hommes guaranis et les femmes/enfants guaranis. A son apogée, la mission comptait 5000 habitants (le maximum établi par les jésuites) et 30 000 vaches ! Tout autour de l’église et des maisons se trouvaient la place centrale, les ateliers, le potager et les pâturages. Ici les bâtiments principaux sont agrémentés de colonnes romaines. Le point d’orgue (si on ose le jeu de mots) de la visite de l’église est la frise d’anges jouant divers instruments de musique – les jésuites utilisaient beaucoup l’art pour glorifier Dieu et « intégrer » les guaranis. Un petit musée retrace également l’histoire de la mission et les travaux de restauration : on y trouve des vestiges des typiques têtes d’anges aux traits guaranis mais à la chevelure européenne, étonnant syncrétisme.
Direction la deuxième mission, celle de Jesús de Tavarangue. Cette dernière est plus petite que les autres, mais les superstructures sont mieux conservées. En effet, il s’agit de la mission la plus récente, qui n’a même pas eu le temps d’être achevée avant l’expulsion des jésuites en 1767. Ici la ruine de l’église est très belle avec des arches particulièrement travaillées, typiques de ce pueblo-ci. La vue est dégagée sur les vallons paraguayens qui forment un ensemble paisible, ressemblant parfois à une campagne anglaise jalonnée de palmiers.
Nous nous arrêtons manger dans le village de Hohenau. Ramon nous apprend que Joseph Mengele, le docteur-boucher nazi, s’est caché dans cette ville pendant un moment après avoir fui l’Europe !
Le repas se fait dans un comedor local pour un repas « au kilo ». Heureusement pour nous, beaucoup de plats sont végétariens et on peut déguster différentes spécialités : des haricots en sauce, les incontournables patates sautées ou un assortiment de légumes frais. Surtout on goûte les excellentes « soupes paraguayanas », qui sont d’origine guaranie : ce sont des sortes de pain de maïs au fromage et oignons. Nous échangerons beaucoup avec notre chauffeur durant le repas, notamment sur les conditions de vie des guaranis (Ramon a même appris quelques mots de leur langue en travaillant avec certains dans les champs de canne à sucre), ou sur sa propre enfance (dans une petite maison en pleine forêt sans eau courante ni électricité, dont il garde de très bons souvenirs).
Bien rassasiés, il est temps d’affronter le passage frontière ! Si le passage est rapide vers le Paraguay, on atterrit effectivement dans l’épouvantable file du coté argentin. Nous restons au quasi-arrêt sur le pont international pendant plus d’une heure. Et ça cogne sec dans la voiture. Anecdote amusante : quand nous arrivons au niveau du poste argentin, Ramon nous apprend que son fils est au même niveau, mais dans la file inverse ! Ce dernier va passer ses vacances scolaires au Paraguay avec des copains. Il a 19 ans et étudie les sciences politiques, à l’image de vos serviteurs, et la coïncidence amuse bien Ramon. Alors que nous avons quasi-quitté cette maldita frontière, une voiture force le contrôle douanier, déclenchant les alarmes et l’arrêt complet du processus. On est bon pour 30 minutes de plus… si près du but !
Sur cette photo on roule, mais croyez nous c'est bientôt fini !Alors que nous rentrons, nous sommes collés par un camion rouge qui nous klaxonne. Quid ? C’est le frère de Ramon, qui nous dit coucou ! Peu après, notre chauffeur nous propose de nous arrêter à la mission argentine de Santa Ana, sur notre chemin. Ce n’était pas au programme, on accepte volontiers cette gentille proposition. On prend 30 minutes pour admirer les ruines, très éparses mais bénéficiant de la belle lumière du soleil couchant. Chose étonnante : l’ancien cimetière de la mission est aujourd’hui le cimetière municipal.
Ramon nous dépose devant notre hôtel au terme de cette longue (et internationale !) journée de visite. On se pose un peu avant de ressortir pour arpenter San Ignacio de nuit et dîner dans un restaurant en face des ruines. On commande « deux hamburgers aux galettes de riz et oignons caramélisés, patates sautées et assortiment de légumes ». On se retrouve avec deux galettes tout court, dix frites mal décongelées et une demie conserve de macédoine pas égouttée. On manque d’éclater de rire pendant tout le repas. C’est aussi ça, « l’aventure » …