À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis 2 ans, en sac à dos ou à bord de notre Combi, en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

Le grand retour

Et voilà, notre grande aventure s’achève. Pour ce dernier mois, nous traversons le nord de l’Argentine avant de rentrer au Chili pour retrouver nos premiers hôtes… et dire au revoir à Olinda.
Octobre 2023
4 semaines
1

Sortez le maté, nous voici de retour ! Pour la grande redescente du continent qui nous attend, nous souhaitons passer par la région de Cordoba que nous n’avions pas eu l’occasion de visiter la première fois dans ce pays.

Les premières heures en Argentine défilent sous la douce chaleur et les palmiers. Pour notre nuit inaugurale dans le pays, nous nous posons sur la place du village de Caimancito. Les plus attentifs se souviendront que nous nous étions arrêtés dans ce patelin trois mois auparavant. Et si ça ne vous dit rien, vous n’êtes pas à la hauteur des gamins du coin : eux se souviennent très bien d’Olinda et accourent dès notre arrivés ! « Les touristes français sont de retour ! Alors, comment était le Brésil ? Ha mais la dernière fois vous étiez garés un peu plus loin ! Vous avez pu visiter le Pantanal ? » Etc. Oui, messieurs-dames. Olinda est une petite célébrité ici.

Le lendemain, nous continuons notre pérégrination. Les collines tropicales s’estompent progressivement, remplacées par un horizon plat à perte de vue et des milliers d’hectares de monocultures. Nous traversons ainsi tout le nord du pays pendant plusieurs jours, nous arrêtant dans des petits villages pour passer la nuit, ou sur des bas-côtés pour le déjeuner. La route est une ligne droite sur des centaines et des centaines de kilomètres.

2

Cordoba la docte

Après plusieurs jours à rouler, nous atteignons enfin Cordoba. Il s’agit de la deuxième plus grande ville d’Argentine, qui a toujours entretenu une rivalité avec Buenos Aires. Peu visitée par les touristes, elle abrite pourtant les plus prestigieuses universités, centre de recherches ou maisons d’édition. Sa population étudiante est parmi la plus élevée du monde (12% tout de même) et elle est surnommée « la docte ».

C’est en effet ici que les Jésuites décidèrent d’installer la capitale de leur province. Les religieux y créèrent une université pour accueillir les prêtres qui allaient ensuite s’installer dans les multiples missions édifiées à l’époque. Pour assurer le financement du système et une nourriture en quantité suffisante, des estancias voient le jour. Dans ces lieux, les jésuites cultivent à grande échelle à l’aide d’esclaves et de la main d’œuvre autochtone.

Nous déambulerons toute une après-midi dans le centre-ville de Cordoba. Les restes de la grandeur passée sont notables mais restent en fin de compte assez minces et perdus au milieu des constructions modernes. Les quelques belles églises, places et rues ne suffiront pas à nous emballer outre mesure. Il faut dire que la grisaille rendra un peu tristoune la visite de ce grand centre culturel. Le timing n’était pas optimal non plus puisque lors de notre passage les monuments clés à visiter, notamment l’Université, étaient fermés, week-end oblige. Mais surtout, force est d’avouer que les grandes villes modernes, bruyantes et agitées, ne nous attirent plus. Peut-être sommes-nous devenus trop sauvages, mais il est clair que nous ressortirons lessivés de la balade.

La cathédrale et son intérieur chargé 
 Les bâtiments anciens et modernes s'entremêlent
 Les rues à buildings sont collées aux ruelles traditionnelles
L'église des capucins, la plus imposante de la ville 
 Devanture néogothique... et colorée ! 
Une salle supérieure permet de contempler la nef de haut... Original ! 
• • •

Jesus Maria, fleuron jésuite

Nous décidons de compléter la visite de la région par deux estancias. En arrivant à la première, répondant au nom très original de Jesus Maria, il est déjà tard et le site est fermé. On se gare dans le parc à proximité pour passer la nuit. Malheureusement, des jeunes poseront leur voiture juste à côté de nous à 3 h du matin, pour mettre du reggaeton à fond pendant une heure, malgré nos appels sonores et lumineux. Quentin hait le reggaeton plus que toute autre chose sur Terre.

 Le calme avant le reggaeton

Après une nuit pas reposante du tout, il est temps de visiter l’estancia. Cette dernière conjugue une chapelle sobre et élégante et plusieurs expositions : des salles retracent la vie quotidienne et la mission des Jésuites, tandis que nous pouvons admirer à l’extérieur toute une installation de vinification (le vin étant la principale production de cette estancia).

Nous terminons par déambuler longuement dans le parc, très agréable (il compte même un petit lac avec des canards). Malgré la grisaille, l’endroit appelle à la détente. Il n’y a pratiquement personne à cette heure-là, mais lorsque nous repasserons sur place dans l’après-midi, l’endroit sera envahi de familles venues pique-niquer, faire du sport ou jouer aux cartes autour d’un maté bien entendu.

• • •

Santa Catalina, estancia… privée !

Direction la prochaine estancia, à travers une route de terre toute cabossée. Le ciel se dégage et l’arrivée est magnifique. Seul problème, nous sommes dimanche et seule l’église se visite aujourd’hui, le reste de la propriété étant réservée à la famille. La famille ? Et oui, Santa Catalina possède une particularité : c’est la seule estancia jésuite privée du monde ! Après l’expulsion de la Compagnie en 1767, la propriété est cédée aux dominicains, qui se révèlent incapables de l’exploiter correctement, perdant hectare sur hectare au fil des années. Devant cette déconfiture, ils vendent le tout à un riche particulier qui se chargera d’entretenir les terres et les monuments. Et l’ensemble appartient à cette famille depuis ! Un accord a ensuite été trouvé avec le gouvernement : l’endroit se visite la semaine, et le week-end est réservé aux évènements privés. C’est dommage, mais l’endroit vaut tout de même le coup d’œil pour son cadre magnifique et sa devanture baroque.

3

La semaine suivante, nous continuons notre descente du pays. Nous comptons regagner le Chili au niveau de Santiago. Il nous faut pour cela descendre jusqu’à Mendoza en Argentine, une région que nous avions déjà visitée lors de notre premier séjour (mais si, rappelez-vous : les vignes, les dégustations de vin, la quête du filtre à air…)

Pendant plusieurs jours, nous oscillons entre grandes lignes droites au milieu des champs et routes sinueuses de montagne. Depuis notre retour dans le pays, on nous klaxonne souvent. Mais contrairement à la Bolivie, c’est ici pour nous saluer. Les Argentins sont fans de combi et font pouët-pouët à la moindre occasion. C’est agréable !

Chaque jour, on se pose à l’ombre de la place centrale d’un nouveau petit village. Les passants curieux et souriants viennent nous saluer ou nous proposer de l’aide, des enfants jouent tranquillement dans la rue, des petits vieux posés sur un banc à longueur de journée nous observent… On est bien contents de retrouver l’ambiance si détendue propre à l’Argentine. La température toujours clémente, et les jours qui s’allongent, ajoutent à la décontraction. Seul point noir au tableau : le retour des moustiques et mouches qui piquent ! À plusieurs reprises, nous laisserons entrer quelques spécimens dans le combi. Deux ou trois nuits seront passées à chasser au lieu de dormir…

Nous retrouvons également le peso argentin et son cours complètement dingo. Quand nous avions quitté le pays, un euro valait environ 400 pesos. À notre retour, il en vaut désormais 800… Du simple au double en trois mois à peine. C’est une bonne nouvelle pour nous, qui voyons notre pouvoir d’achat doubler… mais une catastrophe pour les Argentins qui voient le leur diviser par deux ! En tout cas, nous parlons ici du cours officieux, celui du « blue dollar », car le taux officiel n’a pas changé et reste particulièrement désavantageux pour les Européens : un euro pour 280 pesos. Sans parler du taux Western Union, qui lui à l’inverse, frôle les 980 pesos pour un euro. Vous n’avez rien compris ? C’est normal. Personne n’y comprend rien. La seule chose à retenir, c’est que les habitants souffrent terriblement de cette instabilité monétaire couplée à une inflation inimaginable (120% en un an) ! Pour notre part, nos cartes bancaires étant indexées sur le taux non officiel, le coût du voyage en Argentine ne nous revient pas cher du tout. Nous faisons un plein d’essence pour 20 euros (moins de 0,5 centimes d’euros le litre) et mangeons pour trois fois rien.

Les rois du pétrole 

En revanche, on retrouve également la cuisine argentine, qui n’est pas fameuse. Nous avons tiré les conclusions de notre précédent séjour : nous ne ferons plus de repas dans des restos classiques sachant pertinemment qu’en dehors des viandes, il n’y a aucun raffinement des plats. Nous nous laisserons tout de même tenter quelques fois par des établissements un peu plus cossus. L’occasion de découvrir par exemple une pizza choucroute-pruneau-roquette, étonnante mais excellente.

Mais notre addiction du séjour, ce sera les glaces Grido. Il s’agit d’une marque nationale qui dispose de succursales partout. Étrangement, nous n’en avions jamais goûtées lors de notre premier passage. Avec la chute du peso, les tarifs appellent au crime : un gigantesque cornet, recouvert de chocolat et d’éclats de cacahuètes, avec deux énormes boules et un nappage sucré nous coûte… moins de 1 euro ! Comment ne pas céder ? Les saveurs, particulièrement travaillées, font perdre la tête : dulce de leche aux morceaux de brownie, crème d’amande et de noix, chocolat blanc au caramel… On devient rapidement accros, planifiant même nos arrêts dans les villages qui comportent un Grido. On se rend compte qu’on a peut-être un problème le jour où nous nous garons dans un patelin où le Grido se révèle fermé et qu’il est trop tard pour en chercher un autre : on passe la soirée à ruminer en rêvant de glaces…

 99 centimes !
T'as la ref ? 

Un jour, nous serons quelque peu brusqués dans notre vie quotidienne si douce, réveillés par la police à 8 h du matin. Des voisins ont en effet signalé « un van suspect » garé à proximité d’une école, et une patrouille tambourine pour vérifier notre identité. Encore à moitié endormis, on ouvre. Les policiers procèdent à un contrôle rapide, écartant toute menace à la vue de deux gringos en pyjama. Décidemment, entre la musique intempestive, les moustiques vampires et les fonctionnaires zélés, nous n’aurons pas beaucoup dormi ces derniers temps…

Ha, le repos... 
4

Le voyage touchant à sa fin, il nous faut vendre Olinda… Nous avions déjà posté des annonces sur Internet depuis le sud de la Bolivie, ce qui nous avait fait mal au cœur. En revanche, comme ne nous sommes pas encore en haute-saison touristique, aucun acheteur ne n’est bousculé au portillon jusqu'à présent. Dans l’attente d’avoir des touches, nous décidons donc de rester en Argentine plutôt qu’au Chili : le coût de la vie y est bien moindre. Nous stationnerons plusieurs jours près de la zone frontalière dans les montagnes de Mendoza, une région que nous avions parcourue lors de notre précédent séjour.

Nous voici d'abord à Potrerillos. Le hameau est surtout intéressant pour sa situation géographique au milieu des Andes et au pied d’un lac artificiel turquoise. Nous passons plusieurs jours à osciller entre repos et balades sur les rivages. Quel spectacle paradoxal : d’un côté, des gens qui se prélassent le long d’une plage de sable ; de l’autre, des sommets enneigés et venteux.

• • •

En route de Potrerillos à Uspallata, Olinda se met à brouter et même à caler ! Zut de chez zut, nous n’en terminerons donc jamais ! Après toutes les opérations de réparation et de nettoyage, nous sommes d’un coup désespérés. Que peut-il bien se passer dans ce satané moteur, que tous les mécanos nous assurent opérationnel ?

Pas le choix, comme nous devons vendre Olinda, il faut qu’elle soit en pleine forme. Nous trouvons un spécialiste de combi en ligne et prenons rendez-vous pour le lendemain dans la ville de Mendoza. Pour résumer, il fera comme tous les autres. Nettoyage du carburateur. Test : ça broute toujours. Changement des tuyaux. Test : ça broute. Changement de la bobine. Test : ÇA BROUTE. Le mécano passe deux jours à tout tester et à s’arracher les cheveux. « Je ne comprends pas ce que vous avez ! Le système est propre, toutes les pièces sont impeccables. Il n’y a aucune logique ! La seule possibilité que je vois, c’est qu’un objet bloque la sortie d’essence depuis le réservoir ».

Ho misère… ça fait tilt !

Quand nous avons acheté le van aux anciens proprios allemands, ces derniers enfonçaient un chiffon entre le bouchon du réservoir et le tuyau pour éviter des reflux. Nous avions gardé ce système précaire, dans l’attente d'installer un nouveau bouchon plus étanche. Mais quelques jours à peine après l’achat, ce fameux chiffon avait tout bonnement disparu ! On avait alors supposé qu’un pompiste avait oublié de le remettre lors d’un plein.

Le mécano se glisse sous le van et détache la durite du réservoir : « chicos, j’ai trouvé… » Des bouts de tissu bloquent complétement la sortie d’essence. Il tente pendant 15 minutes de tirer sur ce chiffon mais il ne parvient pas à le sortir dans son intégralité. Il va falloir tomber le moteur pour vider le tank et le nettoyer en profondeur… Comme le mécano en a pour plusieurs heures, on part faire un tour avant de revenir dans la soirée.

Alors, vous avez pu sortir le chiffon ?

Oui et j'en ai même sorti deux !

Maldito ! Le mécano nous présente deux chiffons, l’un complétement abîmé qui était dans le tuyau d’admission d’essence, l’autre en très bon état qui gisait au fond du réservoir. Ils bloquaient le système sporadiquement depuis presque un an.

On revoit toute notre vie mécanique défiler : les nettoyages de carburateur, les changements de pièces, les coups de stress à La Paz dans les montées… Tout ça pour ça ! On est tellement sonnés qu’il nous faudra deux glaces Grido chacun pour accuser le coup ! Mais au moins, nous avons résolu le grand mystère d’Olinda. Et depuis ce jour : plus de calage, plus de broutage, plus rien.

En revanche, le mécano nous annonce qu'il entend un bruit caractéristique d'un vilebrequin usé. Il a un jeu important qui risque d’endommager d’autres pièces centrales du moteur. « Impossible de savoir combien de temps votre moteur actuel peut tenir, cela peut être 3 semaines comme un an, mais je me dois de vous le dire ». Aïe, voilà qui n’était pas prévu. Étrange, les autres mécanos ne nous en avaient jamais parlé auparavant ; mais il faut dire que nous avons beaucoup roulé ces dernières semaines en peu de temps. Olinda a déjà fait plus de 25 000 kilomètres avec nous… Histoire à suivre !

• • •

Nous gagnons Uspallata cette fois sans souci. Il s’agit du dernier village avant le passage frontière. Nous y stationnons quelques jours, le temps d’organiser notre retour au Chili et en France. C’est en effet ici que nous achetons nos billets de retour, non sans une grande tristesse. Au 23 octobre, décollage de Santiago : le compte à rebours est lancé.

Les derniers jours en Argentine s’écoulent au rythme pépère de la vie locale. En revanche, nous n'avons toujours aucune touche pour Olinda ! Et il est impossible de différer notre départ : nos assurances arrivent à échéance et nous avons plusieurs démarches importantes à effectuer en France. Nous avons donc pris contact avec une agence chilienne spécialisée dans les vans. Juan Pablo, le patron, est un ancien voyageur (il a parcouru le continent en combi lui aussi !) qui aide désormais les touristes dans l'acquisition de véhicules, leur aménagement ou leur revente. Ses tarifs sont corrects par rapport aux services rendus et le feeling passe bien. On enclenche donc la procédure : dans quelques jours au Chili, nous irons chez un notaire lui donner le pouvoir de vendre notre petite Olinda.

5

Il est temps de quitter l’Argentine. Nous nous mettons en route vers le col des Libérateurs, le passage frontière à 4 000 mètres d’altitude qui traverse les Andes pour rejoindre le Chili. On dit que la route est magnifique. Effectivement, dès que nous commençons à nous enfoncer dans les montagnes, le paysage devient sauvage et grandiose. Nous nous faufilons au milieu des sommets blanchis. Partout autour, la neige et la glace semblent menacer de se déverser sur le chemin. C’est une magnifique conclusion pour quitter l’Argentine.

C’est aussi l’occasion de faire une pause à une ultime attraction : le pont de l’Inca. Il s’agit de diverses couches de sédiments qui forment un pont naturel. L’endroit, à la base sauvage et isolé, est peu à peu devenu une attraction touristique et les boutiques/restaurants ont poussé à proximité. Un hôtel de luxe a même été bâti sous le pont en 1925 ; chaque chambre avait accès aux eaux thermales. Les ruines de l’hôtel sont devenues une nouvelle attraction à photographier. C’est à la fois triste et révélateur…

Après cette pause, nous poursuivons l'ascension du col. La neige se fait de plus en plus présente mais heureusement les routes sont parfaitement dégagées. Que les paysages sont beaux !

 Vous devinez la route entre les montagnes ?

Nous voici enfin au poste-frontière. Bien loin des petites administrations de Bolivie ou d’Argentine, nous retrouvons ici le côté démesuré des contrôles chiliens. Un immense bâtiment, semblable à une usine, se dresse au beau milieu des montagnes enneigées. La file est déjà grande pour pénétrer dans ce monstre froid, et nous attendons presque trois heures.

Les douanes chiliennes sont particulièrement strictes : il est rigoureusement interdit d’entrer dans le pays avec tout produit d’origine animale ou végétale, et gare à ceux qui voudraient passer en douce un pot de miel ou un saucisson. Problème : avec la chute du peso, des centaines de Chiliens font le déplacement chaque jour pour faire leurs courses de l’autre côté de la frontière. On trouve particulièrement saugrenu de grimper à 4 000 mètres d’altitude pendant une journée entière exprès pour ça… Et effectivement, devant nous, il n’y a que des grosses voitures, blindées de packs de bières, de cubis de vin, de bouteilles de lessives… et du PQ ! Mon Dieu, nous n’avions jamais vu autant de papier-toilette au mètre carré ! Certains véhicules en sont tellement remplis que ça grimpe jusqu’au plafond. Que ça nous fait rire ! La douane inspecte de fond en comble chacune des voitures. Avec le chargement, on vous laisse imaginer le temps que ça prend.

Bref, après cette attente interminable, c’est enfin notre tour. Les douaniers nous font ouvrir chaque placard, chaque sac et chaque boîte. Contrairement à leurs collègues limitrophes, ils sont relativement peu émerveillés par Olinda et se concentrent sur leur besogne. On nous confisquera un fond de lentilles et un reste d’ail. Allez, circulez, il n’y a (plus) rien à voir.

 On a des têtes de contrebandiers ?

La route n’est pas terminée. Il nous faut à présent descendre par les « caracoles », une célèbre succession de virages. On s’arrête à plusieurs reprises pour photographier cet endroit étonnant. On raconte que lors du premier confinement chilien, jusqu’à 4 000 camions se sont retrouvés bloqués sur cette route du jour au lendemain ! On peine à imaginer ce lieu avec un tel chaos.

Nous avons quitté les montagnes, pour retrouver les grandes routes propettes du Chili. C’est le début du printemps, et ici tout est incroyablement vert. On retrouve les forêts continentales et leurs fleurs colorées. Pour notre première nuit, nous nous posons dans le petit village de Quilpué. On y mange deux completos, le sandwich national qui nous avait accompagné lors de nos premiers mois avec Olinda. Ça faisait longtemps !

6

Pour ces derniers jours au Chili, nous décidons de terminer par où nous avons commencé. Avant de gagner les grandes villes, nous repassons donc par la petite vallée de Colliguay, qui fut notre premier point de chute au Chili.

Nous retournons en premier lieu à Agua Madrina, où nous avions effectué un volontariat d’un mois. C’est ici que nous avions appris à construire des murs en adobe, à défricher de la ciguë ou à composter au marteau-pilon. Contact pris avec Gabriel, le propriétaire, nous sommes attendus pour découvrir les avancées depuis notre départ. On laisse Olinda en bas de la propriété et on grimpe pour trouver cinq volontaires, occupés à extraire de la terre à coup de barre à mine. Voilà qui nous replonge dans nos souvenirs… Peu après, Gabriel apparait et tout ce petit monde en profite pour faire une pause. On raconte rapidement notre voyage, nos découvertes et nos ressentis. Gabriel nous trouve beaucoup plus détendus et souriants que la première fois ! Il faut croire qu’un an en Amérique du Sud, ça vous change un homme (enfin, un canard et un cochon).

On se balade ensuite pour constater les progrès dans les différents chantiers : la nouvelle maison en terre sur laquelle nous avions travaillée est presque terminée, un four à pain a été construit sur le relief que nous avions défriché, le poulailler a changé de place, les canaux d’irrigation sont toujours présents même s’ils auraient besoin d’un petit coup de pioche… On serait bien restés un peu plus pour retrouver cette ambiance à la fois rude par tout le travail à abattre et enrichissante par tous les apprentissages possibles, mais nous avons un autre rendez-vous à honorer !

Nous sommes en effet attendus chez Josefina et Seva, qui ont été les premiers à nous accueillir dans ce nouveau pays. Nous les retrouvons chez eux, où ils ont eu la gentillesse de nous inviter pour quelques jours avant notre départ. Quelle sensation étrange, un peu comme un retour à la maison ! Nous sommes à nouveau reçus comme des membres de la famille. Josefina et Seva sont en pleine forme, toujours souriants. On retrouve également les chats fans des gratouilles, et les chiens qui ont changé (le vieux Rey, un peu diminué, passe désormais ses journées allongé, tandis que le chiot Tin-Tin est devenu un grand gaillard toujours aussi foufou).

 Les quatre mousquetaires !

C’est avec beaucoup de tristesse que nous apprenons le décès, il y a quelques jours à peine, de Diego, le cousin de Josefina. Nous avions eu la chance de le rencontrer lors de notre volontariat à Agua Madrina. Gabriel et ses volontaires viennent en effet régulièrement donner des coups de main à ce voisin. Avec nos compagnons d’alors, nous avions passé la journée à travailler dans sa propriété. Pour nous remercier, il nous avait offert des planches en bois de sa création (Diego était un artisan ébéniste). Nous rentrerons en France avec ces cadeaux pour faire vivre la mémoire de son œuvre. Avec Josefina, nous sommes passés saluer Liz, la veuve de Diego.

 Diego, artiste au grand cœur (merci Philippe pour la photo)

Durant notre séjour, nous donnons des coups de main à la maison de nos hôtes : couper les lavandes, déblayer du bois ou des encombrants, retirer les orties du jardin, cuisiner… On retrouve la vie saine et simple de notre premier séjour à Colliguay. Chaque repas est l’occasion de raconter notre folle année. Nos anecdotes et rencontres amusent ou émerveillent Josefina et Seva. Ils nous partagent également les moments forts de leur année. Josefina revient ainsi sur les terribles incendies qui ont eu lieu et toutes les actions d’entraide qui en sont sorties renforcées, sans parler des nouveaux projets pour mieux faire face en cas de prochain épisode.

Un matin, il est déjà l’heure de partir… nous disons adieu à Josefina et à Seva. Leur aide et leur gentillesse, du début à la fin, auront vraiment fait la différence dans notre périple. Le vieux Rey, sentant l’ambiance, jappe tristement alors que nous nous éloignons, et même le foufou Tin-Tin a la mine basse. Canard et Cochon, de leur côté, ont du mal à retenir leurs larmes…

• • •

Nous quittons Colliguay en admirant une dernière fois la vallée verdoyante. Nous voici à présent en pleine cambrousse, à plusieurs kilomètres de la première habitation. Nous sommes chacun perdus dans nos pensées, un peu tristes. Heureusement, Olinda a prévu une dernière surprise pour nous changer les idées : d’un coup, notre câble d’accélérateur se rompt et la pédale ne répond plus. Panique à bord et arrêt en plein virage sur une montée. Impossible désormais d’avancer. Nous sommes coincés au milieu de nulle part !

Bon, au moins nous n’avons pas le temps de nous appesantir. Une première voiture s’arrête, puis d’autres. Finalement, une demi-douzaine de bonhommes vient pour pousser Olinda jusqu’à un bas-côté assez stable. Parmi eux, l'un a des notions de mécanique. Il nous bricole le moteur pour continuer notre route : il bloque manuellement l’accélérateur sur une vitesse depuis le carburateur. Olinda peut repartir, à 15 kilomètres/heure, pour atteindre une ville. Marion reprend le volant. Nous sommes officiellement la voiture la plus lente du continent, mais au moins on avance…

Pour s’assurer que notre vieux tacot ne s’arrête pas en montée, Quentin saute à plusieurs reprises, en pleine marche, pour aller pousser. Dès qu'un plat est atteint, il doit revenir en courant et bondir dans l’habitacle, puisque Marion ne peut pas s’arrêter. Encore une première pour nous... Quelle aventure burlesque !

Remonte, remonte !  

Finalement, on atteint une zone habitée avec du réseau Internet. Par sécurité, nous décidons de nous arrêter ici, car poursuivre nous engagerait sur une nationale. Olinda posée bien à plat, on contacte un mécano spécialisé en combi à Villa Alemana, à quelques kilomètres d’ici. On est dimanche et on doute que quelqu’un répondra. Réponse du mécano dans la minute qui suit la réception du message : « Bonjour. J’arrive tout de suite, envoyez moi votre localisation » ! 30 minutes plus tard, voici Patricio, qui nous change le câble en un rien de temps. Il en profite pour ajuster notre embrayage, et jeter un œil sur le moteur. Il confirme le diagnostic du garagiste de Mendoza : nous avons un bruit inhabituel, probablement dû à l’usure du vilebrequin. La décision est prise : pour vendre Olinda, il faudra faire rectifier le moteur.

Seul problème : cela peut prendre des semaines, et nous quittons le pays bientôt. Nous contactons aussitôt Juan Pablo de l'agence Overandes, qui se chargera de la vente pour nous. On lui explique la situation, en lui demandant si un mécano peut travailler sur Olinda et lui apporter le van après notre départ : « aucun problème, c’est même une très bonne idée : un moteur rectifié sera un excellent argument pour la vente ». Ouf, tout semble bien se goupiller malgré les rebondissements de dernière minute.

Nous prenons donc rendez-vous avec le mécano Patricio dans quelques jours. Nous avons encore en effet besoin du van pour nous rendre à Viña del Mar pour dire au revoir à d’autres personnes.

7

Nous nous rendons en effet à Viña pour saluer une dernière fois Bernardita, qui fut notre marraine chilienne, et son compagnon Ramon, qui nous a grandement aidés dans l’acquisition d’Olinda. Nous revoici chez eux un an quasi jour pour jour après notre première rencontre. Quel plaisir de les retrouver et de partager avec eux nos nombreuses histoires. Comme à Colliguay, c'est un peu le sentiment d'être de retour à la maison : nous avons nos marques dans le quartier et dans la ville. Pas besoin de GPS pour nous orienter et nous reconnaissons les magasins où nous avons acheté une grande partie de notre matériel.

Nous profitons également de notre passage à Viña pour nous rendre à Merci, le resto français de la ville. Nous y avions déjeuné à plusieurs reprises l’année dernière et étions restés en contact avec Philippe et Martine, leurs sympathiques propriétaires. C’est l’occasion de déguster une dernière fois leur excellent menu, prémisses de nos retrouvailles culinaires imminentes avec la France. Philippe vient nous tenir compagnie et nous sommes bien contents d’échanger avec lui une dernière fois. Martine et les enfants sont déjà rentrés en France : ils comptent en effet vendre le restaurant pour retourner en Bretagne, après onze ans d’aventures au Chili. On croit pouvoir affirmer que le pays va perdre 10% de sa richesse gastronomique d’un coup !

Nous nous accordons aussi un petit tour de plage. Le soleil, le sable et les palmiers risquent de nous manquer.

• • •

Question van, c'est maintenant que tout se joue, à quelques jours de notre vol. Nous rencontrons enfin en personne Juan Pablo de l'agence Overandes. Depuis Viña del mar, nous nous rendons dans la ville voisine de Quilpué pour effectuer les démarches notariales pour la vente d’Olinda.

On se gare dans une petite rue du centre. Marion se rend à pied au notaire pendant que Quentin reste dans le van. Canard se charge de toute la paperasse. La démarche sera étonnamment rapide et simple. Pendant ce temps, le proprio de la maison devant laquelle nous sommes garés est sorti : « ho, la belle voiture ! » Il papote avec Quentin : « vous êtes Français ! J’ai réalisé un exposé sur Champollion à la fac ! » et de raconter toute sa vie universitaire et des milliers d’anecdotes. Il offre à Quentin un ancien magazine sur Paris… et un tableau représentant Valparaíso ! C’est inattendu et bien gentil. Décidemment, Olinda attire des sympathies n’importe où. Mais on réalise que c’est bientôt fini…

Avec Juan Pablo, nous gagnons ensuite le terrain de l'agence pour une visite. De nombreux vans sont entreposés dans une belle propriété. Juan Pablo, ayant lui même voyagé en combi, on est rassurés de laisser notre bébé à un connaisseur. D'autant qu'il y a d'autres combis sur place. Olinda se fera des copines...

Pour le grand nettoyage du van, nous sommes garés en face de l’immeuble de Bernardita, devant une petite maison. Le proprio du lieu passe la tête dehors : « ho, quelle belle voiture ! » et nous voilà à papoter longuement de notre voyage. On nous propose au passage de l’eau ou tout autre chose dont nous aurions besoin. Et puis l'homme réalise : « mais attendez, vous étiez garés précisément ici il y a un an ! Je me souviens de votre combi. On vous a vu partir et on vous a klaxonnés pour vous souhaiter bonne chance. Alors ça y est, vous avez terminé ? Quel voyage extraordinaire que ce fut ! » Et il nous offre une excellente bouteille de vin : « un cadeau pour votre départ, vous la boirez en France ! » Le surlendemain, de bon matin, alors qu’on continue le nettoyage, les volets s’ouvrent et nous avons droit à un « bonjour les voisins, comment allez-vous ? » Vraiment, on sera tombés sur des gens adorables jusqu’au dernier moment !

Un grand vide...  
• • •

Le dernier jour, nous disons au revoir à Bernardita et Ramon. Sur le coup, nous avons oublié de prendre des photos, quel dommage ! Encore merci à eux pour leur aide, leur disponibilité et leur accompagnement. En partant, émus, nous glisserons à Bernadita « tu as été notre marraine administrative, mais surtout de cœur ».

Nous conduisons Olinda une ultime fois pour nous rendre au garage. On retrouve Patricio, pour échanger sur les modalités de suivi des travaux sur Olinda. Tout cela réglé, c’est lui qui nous dépose au terminal de bus… dans notre van. Dernière balade dans notre bébé…

Le prochain bus pour Santiago part dans dix minutes. Cette fois, c’est la bonne. Il faut dire au revoir à Olinda. Ce n’est pas le genre de fin de nous imaginions. On pensait la vendre à un petit couple avec des étoiles plein les yeux, et la regarder s’éloigner en pleurant comme des madeleines. Mais nous n’avons même pas le temps d’être tristes. Et puis, l’histoire n’est pas vraiment finie : nous allons suivre tout ça depuis l’Europe. En attendant, nous laissons Olinda entre de bonnes mains : deux amoureux des combis, un mécano spécialisé et un gérant consciencieux. Olinda se refera une santé complète, puis stationnera dans une belle propriété, au pied des montagnes et entourée de copines.

Olinda, merci pour tout. Nous n’avons jamais regretté notre choix et tu as auras finalement été la plus belle partie du voyage. Au revoir ? Adieu ? À bientôt ? Au fond, qui sait…

 Tu seras bien là-bas, pépète...

À bord du bus, on peut apercevoir Olinda sur la file de gauche alors que Patricio regagne son atelier avec ! On la mitraille un dernier coup, avec un petit pincement au cœur. Nous passons les derniers jours dans un appart-hôtel du centre de Santiago, à faire du tri dans nos affaires, préparer notre retour et laisser défiler nos souvenirs.

8

Nous voici à l'aéroport, devant notre porte d'embarquement... Alors, c'est fini ?

Pas tout à fait ! On ne pouvait pas vous laisser sans un bilan de cette année extraordinaire. Mais pour revenir sur ce séjour, ces découvertes et toutes ces rencontres, il faut plus qu'un petit paragraphe glissé entre la poire et le fromage.

Alors, rendez-vous dans le prochain (et dernier) carnet pour la conclusion des aventures de Canard et Cochon en Amérique du Sud !

• • •

Suivez toutes nos aventures ici :

https://www.myatlas.com/CanardEtCochon/les-aventures-de-canard-et-cochon