Marajo a une dernière particularité : ce sont ses fazendas, immenses fermes principalement consacrées à l’élevage (buffles, chevaux, zébus…), et qui peuvent atteindre des milliers d’hectares. Plusieurs d’entre elles proposent des activités touristiques. Nous optons pour la fazenda São Jeronimo, dont le tour commence à 8h du matin.
Notre logeuse nous met en contact avec deux taxi-motos pour nous déposer à la ferme. C’est une première pour nous deux ! On grimpe à l’arrière du chauffeur et on s’accroche dans les virages et les dos-d’âne. Cette première balade nous permet déjà d’admirer une partie du paysage, la fazenda étant située dans les terres. Une fois déposés, nous sommes accueillis par le propriétaire. Il vit dans cette fazenda depuis toujours. Ce sont principalement des fruits qui sont récoltés ici. Les buffles sont peu nombreux, une dizaine qui ont tous leur petit nom et caractère nous dit-on !
On nous présente le programme de la matinée : d’abord une balade dans la forêt, avec des explications sur la faune et la flore. Ensuite, un tour de pirogue pour atteindre le bord de l’île. De là, nous traverserons une rivière à dos de buffle ! Puis ce sera une balade le long de la plage et au-dessus de la mangrove, avant de regagner l’entrée à nouveau à dos de buffle. Sacré programme en perspective.
La première excursion, avec notre petit groupe, est donc l’occasion d’en apprendre plus sur cet environnement. En fait, on retrouve beaucoup des informations que nous avait données notre guide à Alter do Chão. On reconnait même des arbres ou des plantes avant que le guide actuel ne nous en parle. Pendant la saison des pluies, la moitié de la fazenda est immergée.
Après avoir traversé cette jungle épaisse où le soleil peine à percer, nous débouchons sur une rivière. Tous en pirogue ! On remonte calmement la mangrove, admirant les racines semi-immergées, les oiseaux ou les troncs immenses. Comme lors de la balade dans la forêt enchantée, on pourrait rester indéfiniment sur cette barque. Mais nous voici déjà arrivés sur la plage, où les buffles nous attendent.
Cette fois-ci, tous en selle (bien qu’en réalité on les monte à cru) ! Après la moto-taxi du matin, c’est une nouvelle première expérience. Une fois tous posés sur nos fiers destriers, tanguant plus au moins selon l’habitude, nous nous enfonçons dans le sable mouillé puis dans l’eau. Petit à petit on s’éloigne du rivage et puis d’un coup, les buffles n’ont plus pied, ils se mettent à nager. On s’allonge alors sur leur dos et on s’accroche en formant un bourrelé de peau au niveau de la nuque de l’animal. Quelle étrange sensation de voir les buffles s’activer dans l’eau, de les entendre respirer fortement. La traversée ne dure que 15 minutes mais elle nous en parait bien plus !
D’autant que le buffle de Marion semble faire n’importe quoi. Même le fazendero (qui nage à côté) a du mal à le remettre sur le bon chemin. En fait, le buffle semble irrésistiblement attiré par Quentin. Il le pousse, le renifle, et tente même de lui grimper dessus, le faisant tomber à l’eau ! Voilà le pauvre Cochon qui remonte, un peu écrasé, sentant sur sa nuque le souffle chaud et humide de son nouveau copain, et tentant tant bien que mal de se tenir à l’écart des cornes. Finalement, la bestiole (à cornes, pas à groin) semble se ressaisir et nous parvenons à rejoindre le groupe de l’autre côté de la rivière. Le retour au point de départ se fait en pirogue, qui elle, ne tente de grimper sur personne !
Cochon a un nouveau copain Nous avons bien mérité une petite baignade accompagnée de noix de coco à siroter. Prélassement et décompression assurés à 100% dans ce cadre enchanteur. Nous longeons ensuite le littoral, complétement désert et tout aussi magnifique, sur près d’un kilomètre. C’est tout bonnement paradisiaque : on savoure ces instants, qui, on le sait déjà, resteront gravés dans nos mémoires.
Et glou, et glou, et glou ! Il est temps de regagner la ferme en traversant la forêt. La fazenda a fait construire ici une succession de passerelles en bois qui permettent d’enjamber la mangrove sans l’abîmer et de l’observer de très près. Nous n’avons jamais vu de racines aussi hautes et volumineuses. Certaines ressemblent parfois à des araignées géantes !
L'arbre de l'amour : deux troncs ont fusionnéEt puis, une petite clairière se dessine. Mais qui voilà donc ? Nous retrouvons nos copains à cornes pour la dernière partie du chemin. Hop, on a pris le coup de main et on grimpe dessus (cette fois-ci on a des selles). Aucun ne cherche un rapprochement inapproprié avec Quentin, on est tranquille ! La dernière demi-heure s’écoule paisiblement au rythme de nos montures. Et voilà, nous sommes de retour à la ferme. On descend et on dit au revoir à bubuffle. Cette matinée était vraiment incroyable du début à la fin.
Nous déjeunons à la fazenda. En entrée, on nous offre un bol de turu cuisiné comme un ceviche. Il s’agit d’un animal qui ressemble à un gros ver de terre mais qui est en réalité un mollusque local, qui s’incruste dans les bois morts des mangroves, et qui a la consistance d’une huître. On goutte par politesse, mais il faut bien avouer que le goût et la texture nous écœurent assez. Heureusement, nous enchainons sur un « risotto de la forêt » : c’est un riz rouge accompagné de noix de coco fraîches, d’ananas grillé et de noix du Para concassées. C’est excellent, copieux et raffiné en même temps. On nous offre également une petite mousse du fruit tropical, le bacuri, pour finir sur une note sucrée.
Il est temps de quitter la ferme. Nos chauffeurs de moto-taxi repassent nous prendre et on négocie avec eux qu’ils nous déposent sur les deux plages du nord de l’île. Sur le chemin, nous traversons la fazenda do Bom Jésus, très différente de la première. Ici, pas de jungle ou de plage, mais à perte de vue des plaines semi-inondées, ponctuées de gigantesques arbres et peuplées de chevaux, de buffles, de grues et de flamboyants ibis rouges. C’est un paysage magnifique, qui nous fait plus penser à une savane africaine qu’à l’Amazonie.
Arrivés à destination, c’est encore une autre merveille qui s’offre à nous : la plage de Ceu totalement déserte. Bien que nous soyons sur une plage fluviale, l’océan se fait sentir : la marée basse a créé des bancs de sable et quelques bateaux de pêcheurs colorés se retrouvent posés sur le sol. On passe deux bonnes heures à arpenter la plage, multiplier les points de vue pour les photos et barboter. Comme à Alter do Chão, nous prenons soin de bien trainer des pieds dans l’eau pour ne pas se faire piquer par les raies qui, ici, ont un poison assez redoutable.
On rejoint à pied la plage de Caju Na et ses cocotiers biscornus dont les racines sont dans des petits trous d’eau. Un bras de rivière se jette dans le fleuve. Au loin des pêcheurs rentrent en barque.
C’est l’heure de retrouver nos chauffeurs. Ils nous proposent de nous arrêter à plusieurs endroits de la fazenda pour observer les animaux et le coucher de soleil. Ils ont l’œil ! Au-delà des ibis rouges qu’on repère assez facilement, ils nous montrent plusieurs caïmans dont seuls les yeux dépassent des étendues d’eau. Le chauffeur de Marion a repéré un bébé caïman sur une rive et s’en approche très près en moto jusqu’à que ce dernier, effrayé, replonge dans l’eau. Au loin des chevaux, zébus, buffles, grues et autres oiseaux font leur vie tranquillement sans se soucier de nous.
Le soleil décline et commence à faire scintiller les points d’eau, c’est encore plus beau avec cette luminosité. On s’arrête près d’un majestueux arbre pour observer le coucher de soleil. Des gros nuages (qui se multiplient, signe d’une pluie à venir) viennent donner encore plus de cachet à l’endroit. Le paysage est envoûtant. Nous sommes seuls au milieu de cette immense fazenda, jusqu’à ce qu’un fazendero vienne nous saluer à dos de cheval et coiffé de son chapeau de cow-boy.
Nos guides nous racontent que la fille du proprio de la fazenda s'est mariée sous cet arbre il y a quelques années !Le ciel se charge et s’assombrit de plus en plus. On nous dit qu’il faut partir avant que la nuit tombe trop. C’est reparti pour un tour de moto. Une goutte, puis deux. Et finalement la saucée ! A l’amazonienne, comme lors de la dernière fois. On est complétement trempé en quelques secondes. En plus, à moto, les gouttes fouettent encore plus fort. Impossible même de garder les yeux ouverts, on s’abrite comme on peut derrière nos chauffeurs. A l’entrée de la ville, ces derniers s’arrêtent au poste-essence pour s’abriter. La pluie semble s’arrêter, puis reprend de plus belle, plusieurs fois de suite. Tant pis, on ne va pas y passer la nuit. Profitant d’une énième accalmie, nos chauffeurs repartent. Heureusement, la pluie s’arrête complétement quelques minutes avant notre arrivée.
"Alors, ces vacances ?"On nous dépose devant notre hôtel. Nous n’avons plus un centimètre carré de vêtement sec, mais c’était vraiment une sacrée expérience. Un petit tour au supermarché, un repas, une douche chaude, et on se couche bien fatigués mais tellement heureux. C’était véritablement une journée mémorable, typique du début à la fin…