Notre ferry est censé appareiller à 11h du matin, mais on nous a conseillé d’arriver dès 7h pour avoir de bonnes places ! En effet, ici on dort en hamacs et il faut idéalement s’installer sur le pont du milieu (bar-musique sur le pont supérieur, bruit des machines sur le pont inférieur), pas trop à l’avant (vers les escaliers), pas trop à l’arrière (vers les toilettes et le réfectoire), pas trop sur les côtés (à cause de la pluie et du vent, comme il n’y a pas de fenêtre) … et pas trop sur le ferry tant qu’on y est ? T’avais qu’à prendre l’avion !
Bref, nous arrivons à 8h30 (hého, c’est qu’on a randonné dans la jungle la veille, nous, m’sieur-dame !). Heureusement, deux bonnes places s’offrent à nous dans le carré central. Les voisins nous aident à ajuster la hauteur de nos hamacs en nous montrant comment agencer les fils. Et nous voici dans notre minie-maison !
A bord du navire, ce sont essentiellement des locaux (beaucoup de familles et quelques couples) qui voyagent pour rejoindre leur village ou rendre visite à des proches (plus quelques touristes qu’on repère vite). Certains font visiblement leurs achats à Manaus : plusieurs personnes transportent des téléviseurs, des ventilateurs, des stocks de nourriture… Et tous sont globalement chargés comme des mulets. A côté nos deux sacs à dos et nos deux gros sacs semblent ridicules !
Une fois installés, il n’y a plus qu’à attendre plusieurs heures le départ du bateau. On fait d’abord le tour du ferry pour connaitre un peu mieux notre nouveau chez nous pour les prochaines 32 heures. On a les différents ponts : le pont supérieur duquel on jouit d’une belle vue sur la ville et le port, le bar, le réfectoire, les sanitaires et les cales avec les camions et marchandises. On se pose dans nos hamacs qui s’avèrent très confortables et on assiste, assez abasourdis, à l’agitation qui règne sur le bateau de bon matin : les gens arrivent et s’installent, font des va et viens sur les ponts, des enfants jouent par terre et d’autres sont derrière leurs écrans, et puis des dizaines de vendeurs crient pour tenter de vendre des chips de bananes, des fruits, des jus, des repas… Sachant qu’on est parti pour deux jours de bateau et qu’on a lu que les repas étaient assez basiques, on fait quelques réserves de nourriture. On profite aussi de l’internet, étant encore à quai, pour appeler les parents avant la déconnexion qui s’annonce durant la descente de l’Amazone.
On embarque aussi trois camionsAprès avoir mangé nos repas sur le pont face à la ville, on largue enfin les amarres avec une heure de retard. On monte d’emblée sur le pont supérieur pour admirer la ville depuis le fleuve. Manaus s’éloigne devant nous, c’est immense. Nous sommes impressionnés par son port qui n’en finit pas et qui est rempli de centaines de containers, de grues et de gros cargos.
Et puis les rives deviennent sauvages, on a quitté la mégalopole. Très vite, nous allons assister à un spectacle surprenant et inoubliable : la rencontre des eaux du Rio Negro (eaux noires) et du fleuve Solimoes (oranges). Sur 15 kilomètres, les deux eaux, aux températures et densités différentes, ne se mélangent pas et forment une véritable fracture. Notre bateau navigue entre les deux, c’est magique. Et puis le mélange se fait petit à petit et c’est ainsi que nait l’Amazone. On est en train de réaliser un de nos rêves depuis qu’on prépare ce voyage : descendre ce fleuve mythique !
On regagne nos pénates et on se repose : un peu de lecture et beaucoup de flânerie à simplement observer le paysage. Marion passera plus d’une heure sur un banc plongée dans ses pensées et à scruter du regard les rives. Ici le fleuve est très large alors on distingue parfois à peine les rives ! Mais il n’empêche que la magie opère : au loin de la forêt à perte de vue et de-ci de-là des pirogues de pêcheurs, des maisons sur pilotis. Le soleil décline, c’est l’heure d’admirer un magnifique coucher de soleil.
A 19h pétantes on se dirige au réfectoire pour le dîner. A 19h50 les lumières du bateau s’éteignent : extinction des feux ! A 21h après un premier arrêt pour embarquer d’autres passagers, on se couche. C’est notre première nuit au milieu de la forêt amazonienne. La nuit sera calme, pas de bruit à bord, un léger vent pour nous bercer. Après quelques tentatives de positions diverses et variées dans les hamacs, nous voilà plongés dans un sommeil profond.
Bananas ! Sucos ! Bolos ! Nous sommes réveillés par les cris des vendeurs qui viennent de monter à bord depuis le port où nous venons d’accoster. Il est 6h. On achète des gâteaux à la patate douce et des pains au fromage pour la journée puis on file dans la queue pour prendre notre petit-déjeuner composé de riz au lait, café, gâteaux, pain au lait.
La journée sera une fois de plus consacrée au repos : on lit, on somnole, on regarde défiler le fleuve … bref, on glande et ça fait du bien ! A 11h, c’est déjà l’heure du déjeuner, et nous retrouvons notre inaltérable assortiment riz-spaguetti-haricots rouges. Petite sieste. Les heures passent. On observe aussi la vie quotidienne des gens : des ados font leurs devoirs, une fille se fait tresser des nattes, des enfants jouent avec les déchets au sol, les femmes défilent aux sanitaires pour se doucher et embaument le pont d’odeurs de gels douche et de shampooing… Le balancement des hamacs nous berce. Le temps nous parait long mais tranquille, on ne s’ennuie pas. On est un peu nulle part aujourd’hui, comme si ce bateau pouvait naviguer encore pendant des siècles. Finalement, nous atteindrons Santarem à 19h30.
SantaremAlors que nous remballons, un Brésilien avec qui nous avions un peu causé nous informe que le navire était en réalité à moitié plein d’où le trajet assez calme et confortable selon lui. Nous, on trouvait que les hamacs étaient tout de même très proches les uns des autres… Mais ce n’est rien en comparaison de ce qu’on vivra dans le second bateau quelques jours plus tard où nous tournerons à plein régime et redécouvrirons le sens du mot « promiscuité ».
Après avoir débarqué, nous passerons la nuit dans un petit hôtel excentré, assez délabré. Le quartier est quasi-désert : on trouvera quand même un troquet pour grignoter des frites et quelques beignets au fromage, avant de regagner nos pénates. Aux toilettes, Quentin hurle quand une énorme cucaracha lui tombe dans le slip en prenant le rouleau de PQ. Ce n’est pas encore un aventurier...
Bob Morane contre tout cafardDemain on quitte Santarem pour le village d'Alter do Chao sur les rives du fleuve Tapajos. On dit que ses plages sont parmi les plus belles du Brésil, voire du monde...