À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis 2 ans, en sac à dos ou à bord de notre Combi, en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

La région de Nazca

Lignes gigantesques, cités en ruines et momies mystérieuses... Suivez-nous dans le désert de Nazca, berceau antique d’une étonnante civilisation.
Septembre 2024
7 jours
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Nazca. Ce nom, mondialement connu, nous fait rêver depuis que nous avons préparé ce second volet de voyage en Amérique du Sud. Nous avons hâte de voir de nos propres yeux les vestiges de cette civilisation mythique !

Depuis Arequipa où nous nous sommes laissés, il nous faudra plus de deux jours pour atteindre notre destination. La route file droit vers le Pacifique. Les paysages se font de plus en plus secs à l’exception de petites poches agricoles aménagées aux embouchures des fleuves. Puis, nous avalons des centaines de kilomètres de paysages côtiers avant d’enfin aboutir dans la région de Nazca.

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Nous commençons notre visite par le cimetière de Chauchilla, perdu en plein milieu du désert. Nous sommes accueillis par le gardien qui nous conseille de nous garer à l’ombre. Effectivement, ça cogne fort ici ! Le site est écrasé par le soleil cuisant. On est entourés de dunes de sable et de montagnes sèches.

Chauchilla est un des rares sites au monde où l’on peut voir des momies d’origine in situ, c’est à dire directement là où elles ont été trouvées. Pas de vitrines ici donc, mais simplement une cordelette pour ne pas s’approcher trop près. L’endroit est aussi réputé pour l’état de conservation des défunts. L’air extrêmement sec de la région a permis de figer dans le temps les momifiés. Les squelettes sont entiers, les tuniques encore complètes et les cheveux (coiffures tressées) intacts. C’est vraiment impressionnant, presque déroutant tant on se croirait devant des reconstitutions.

Cette nécropole aurait été utilisée d’abord par les Nazcas puis par les Huaris et enfin par les Ica-Chincas. Nous reviendrons évidemment sur ces autres civilisations plus tard. Malheureusement, le site fut aussi grandement saccagé par les pilleurs de tombes qui dérobèrent des céramiques et autres objets précieux qui étaient enterrés à côté des défunts…

Au voleur de momie !

Voilà pour notre première plongée dans la culture Nazca. Mais nous avons soif d’en apprendre plus : pour cela, nous poursuivons nos découvertes par la visite de Cahuachi, son ancienne capitale religieuse.

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C’est en plein cœur d’un des déserts les plus arides du monde que la civilisation Nazca vécut de l’an -200 jusqu'aux environs de l’an 800. Pendant près de 1000 ans, ce peuple développe une culture dont il faudra encore percer certains mystères. Au-delà des fameuses lignes tracées au sol, ils sont connus pour leurs superbes céramiques polychromes, leurs tissus aux motifs raffinés et leur pratique des têtes-trophées (têtes décapitées des ennemis portées en collier…)

Ce modèle existe aussi en boucle d'oreille, chère madame

A priori, les Nazcas vivaient dans des villages éparpillés dans cet immense désert, sans réel cœur politique mais plutôt autour de chefferies locales. Pas de capitale donc, mais ils avaient un centre religieux très important appelé Cahuachi.

Par une piste en très mauvais état au milieu d’un paysage minéral, nous débouchons sur le site. Nous arrivons en fin de journée, pile pour visiter le lieu avec les derniers rayons de soleil.

Le soleil se couche et le gardien s’en va. Nous nous retrouvons seuls sur le site. Après un bon repas dans Olinda, nous sortons prendre le frais. Nous sommes en plein milieu du désert, il fait nuit noire, les chauves-souris virevoltent autour de nous, la lune éclaire faiblement les ruines. On est mi-reconnaissants, mi-impressionnés de pouvoir jouir de ce spectacle nocturne… Nous nous endormons en espérant que nous ne cauchemarderons pas de momies ou de rites sacrificiels…

Le lendemain matin, nous « ouvrons nos volets » pour découvrir les ruines sous un grand soleil. Quel luxe de pouvoir petit déjeuner ici… et de recommencer la visite sans personne.

Ici, vivait à l’année essentiellement l’élite religieuse. Le peuple, lui, y venait en pèlerinage pour assister aux grands événements sacrés. Nous parcourons le parcours aménagé pour s’approcher des ruines. Malgré l’absence de panneaux explicatifs, on se laisse transporter près de 2000 ans dans le passé pour tenter de se figurer ce à quoi pouvaient bien ressembler les rites exécutés ici. Les chercheurs pensent que les gens défilaient de places en places en musique (on trouva des flûtes notamment) et que des sacrifices étaient organisés au sommet de certaines pyramides.

Nous ne voyons qu’une infime partie de ce qu’était cet ancien centre cérémoniel nazca. Une quarantaine de pyramides étaient auparavant dressées et reliées les unes aux autres par des places et allées. Aujourd’hui, seules quelques-unes d’entre elles ont été restaurées permettant d’apprécier l’architecture typique en adobe. Autour, on distingue de nombreux monticules, autant de traces d’anciens bâtiments désormais ensevelis.

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Comment les Nazcas ont-ils pu se développer dans un environnement si désertique ? Grâce à leur maitrise des eaux, bien entendu. Ce peuple créa un système de canaux afin de diriger les eaux des fleuves andins vers leurs champs. Ces fleuves s’asséchant une partie de l'année, ils élaborèrent aussi des puits et des aqueducs pour puiser dans les eaux souterraines et ainsi disposer d'eau en continu.

Leurs constructions hydrauliques furent si bien pensées et construites qu’elles servent encore aujourd’hui ! Les villages autour de Nazca et du village de Palpa sont connus pour leurs oasis où sont produites des grosses quantités d’avocats, dates, mangues, agrumes, etc. Nous tomberons d’ailleurs en plein dans la saison des oranges, les étals au bord de la route débordant de ces fruits. Palpa organise même un festival de l’orange !

C’est d’ailleurs ce mélange inattendu de l’aridité extrême et d’oasis très verdoyantes qui nous a marqués dans la région. Nous avons parcouru des dizaines de kilomètres constitués à 100% de montagnes pelées et/ou de sable sans aucune trace de végétation, pas même un algarobo (arbuste caractéristique du désert) ou un cactus… Et, d’un coup, nous atterrissions sur un village verdoyant entouré de plantations d’agrumes et de fruits tropicaux. Nous avons pris un grand plaisir à admirer ces poches de verdure au milieu du minéral ; que c’est photogénique…

Nous tenons à constater le génie hydraulique des Nazcas. Nous partons donc visiter les aqueducs de Cantalloc, probablement leur ouvrage le plus ambitieux. Construits vers 100-200 après Jésus-Christ, il s’agit d’ouvertures dans le sol auxquelles les Nazcas donnèrent une forme de spirale grâce à des escaliers en pierre qui descendent jusqu’au fond. Ces trous peuvent atteindre jusqu’à 15 mètres de profondeur. Ces sortes de puits souterrains sont reliés entre eux par des canaux (eux aussi souterrains) qui acheminaient l’eau dans les zones les plus sèches du territoire. La forme particulière permettait au vent d’exercer une pression sur l’eau. C’est véritablement un site unique en son genre. Au-delà de la prouesse technique, nous sommes charmés par le lieu : les formations en pierre sont superbes et embellies par la présence d’arbres et de fleurs.

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Après avoir vu leur nécropole, leur centre cérémoniel et leurs aqueducs, place à leurs célèbres lignes ! Nous avons exclu le survol en avion pour des questions évidentes d’impact environnemental. Nous nous « contenterons » de grimper au sommet de plusieurs miradors naturels (collines) ou artificiels (tours) et d’une visite au planétarium pour en apprendre plus. Y sont justement diffusées des vidéos prises depuis les airs permettant de prendre conscience de la majestuosité de ces géoglyphes. Canard et Cochon vont tenter de vous résumer ce qu’ils en ont retenu !

Les géoglyphes de Nazca, aussi appelés lignes de Nazca, sont de très grandes figures tracées au sol par la civilisation locale tout au long de leurs centaines d’années d’existence (d’où des styles différents dans les motifs). Inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO, ces lignes s’étendent sur une immense étendue en plein cœur du désert.

Au beau milieu du désert, un mirador

Les motifs sont d’une grande variété. Les animaux sont probablement les plus célèbres : le fameux colibri, singe à la queue enroulée, baleine, chat, araignée ou encore lézard. Mais on a aussi des représentations de la flore (arbre, fleur, etc.) et de nombreuses formes géométriques (spirales, étoile, rectangle, trapèze…) Il y a également des représentations humaines qui ressemblent étrangement à des dessins d’enfant. Enfin, il y a un nombre conséquent de lignes immenses (longues et larges) qui tracent des directions, se coupent ou pointent vers une colline (probablement où étaient effectués des rituels). En grimpant au sommet de plusieurs miradors, nous pourrons observer ces fameux bonhommes mais aussi des baleines, un lézard, un chat, un crapaud, un arbre ou encore des lignes très larges semblables à des boulevards !

Le chat
Des humains et un animal marin
Un arbre et derrière des lignes très larges
Un crapaud

Les lignes ne furent découvertes qu’en 1927 lorsque la zone fut survolée. En effet, du sol, on peut passer à côté sans s’en rendre compte. Les formes ne se découvrent qu’en prenant de la hauteur. Elles furent tracées au sol par une technique simple : les Nazcas retiraient les cailloux (noircis) pour laisser apparaitre le sol de gypse (plus clair), créant ainsi des lignes dessinant des motifs. Étant donné la taille gigantesque des géoglyphes, on se demande comment les gens purent dessiner de façon si juste sans pouvoir prendre de recul. Ils utilisèrent vraisemblablement le principe mathématique dit de « coordonnées projetées » consistant à réaliser le motif souhaité sur un quadrillage, puis, à le reproduire en grandeur nature à l’aide de piliers de bois et de cordelettes. Cela vous parait déjà très fort ? Sachez qu’en plus chaque dessin fut exécuté d’une seule ligne ! Les vidéos animées du planétarium nous ont permis de prendre conscience de cette énième prouesse !

Le plus incroyable est enfin leur état de conservation. Comment ces lignes simplement tracées au sol ont-elles pu résister au passage des siècles ? La réponse réside dans le climat exceptionnel de la zone. Souvenez-vous, le climat sec a parfaitement conservé les momies de Chauchilla. Et bien pour les lignes, c’est pareil. L’absence de pluie d’abord, mais aussi l’absence de végétation au sol couplé à la forte chaleur créé une sorte de coussin d’air protecteur au ras du sol. Enfin, le gypse agit un peu comme une colle et aide à maintenir le tout. En résumé, les éléments naturels n’ont quasiment pas détérioré les créations nazcas, au contraire. En réalité, les lignes furent surtout abîmées par l’Homme qui établit quelques bourgades, s’amusa à faire de la jeep dans le désert et construisit des routes sans forcément savoir que par là-même il empiétait sur certains motifs, voire les effaçait… Le plus célèbre exemple, que nous aurons l’occasion de constater en montant au sommet d’un mirador, est le lézard coupé en deux par la route nationale.

A gauche, la queue du lézard, à droite, le début de son corps.
...et ici le reste. Les dessins sont tellement grands qu'on n'arrive pas à capturer l'ensemble !

De nombreux personnes tentèrent de percer le mystère de ces lignes. Les lignes de Nazca suscitèrent un engouement certain et furent à l’origine de nombreuses théories, des plus sérieuses au plus farfelues… On vous passe donc les théories de pistes d’atterrissage pour soucoupes volante pour nous concentrer sur celles plus crédibles. Une femme, notamment, dévoua sa vie à l’étude de ces géoglyphes : la mathématicienne et astronome allemande Maria Reiche. Elle recensa les motifs un à un en arpentant des heures durant le désert jusqu’à un âge très avancé. Constatant que certaines figures pointaient vers des astres en particulier ou s’alignaient avec le soleil au moment des solstices, elle pencha pour un calendrier astronomique géant. Toutefois, cette thèse est aujourd’hui caduque.

Les archéologues et historiens penchent plutôt pour des utilisations rituelles. On pense que les gens auraient pu suivre les lignes comme indicateurs conduisant aux sites cérémoniels importants (sommet de collines, capitale religieuse de Cahuachi). Certains disent aussi que les gens pénétraient en file indienne dans les motifs et y dansaient/chantaient/jouaient de la musique. Comme les motifs sont constitués d’une seule ligne, cela permettait de suivre un seul chemin (une seule entrée et sortie possible). Les spécialistes doivent encore étudier ces géoglyphes et tous les vestiges possibles de cette civilisation pour mieux en comprendre la(les) fonction(s).

Ces motifs sont très anciens d'où un style différent notable
Une baleine mangeant un orque

Jusqu’à récemment, plus de 300 géoglyphes avaient été répertoriés et étudiés. Ce fut le fruit d’un travail fastidieux de recherches au sol couplées à des survols. Puis, ont été utilisés des systèmes de drones et de radar. Mais, à la fin du mois de septembre 2024, quelques jours à peine après notre passage, 430 nouveaux motifs furent découverts d’un coup grâce à l’intelligence artificielle ! Une équipe japonaise a en effet utilisé cette technique pour repérer plus facilement les endroits susceptibles d’abriter des motifs au vu des découvertes antérieures. Plus de 800 figures sont donc aujourd’hui cataloguées. Mais combien encore en reste-t-il à découvrir ?

De ces centaines de géoglyphes, Canard et Cochon en auront vu bien peu ! Pourtant, cela restera gravé dans nos mémoires. On ne vous cache pas que nous avons été émus de pouvoir observer de nos propres yeux les motifs que nous avions vu auparavant uniquement en reportages ou photos… On ressort de ces visites avec plus de connaissances sur ces lignes mais encore beaucoup d’interrogations. Affaire à suivre !

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Autant les vestiges sont impressionnants, autant la ville de Nazca en tant que tel n’a rien d’intéressant, hormis de bons restaurants. Nous séjournerons donc plutôt directement sur les parkings des sites ou dans les oasis aux abords des villes. Nous passerons par exemple plusieurs jours devant un champ d’avocatiers près des aqueducs puis deux jours dans un camping à la sortie du village. Ce sera l’occasion de prendre une bonne douche chaude et de se relaxer au bord de la piscine. Nous y croisons un couple de Français, parti des États-Unis et qui descend le continent avec ses trois enfants. Comme toujours, on est surpris par la maturité des bambins qui apprennent énormément en voyageant.

Nous visiterons aussi le site de Paredones, juché sur une colline en fin de ville. Il s’agit d’un ancien centre administratif inca. Les bâtiments sont plutôt bien conservés et nous plongent dans les années 1400-1500, au temps où ce peuple conquit une immense partie de l’Amérique du Sud, créant ainsi l’un des plus vastes empires du monde. Mais les Incas, chers lecteurs, seront pour un autre blog !

Enfin, nous grimperons le Cerro Blanco, la plus haute dune de sable du Pérou ! Au bout d’une piste de gros cailloux, nous laissons Olinda pour nous attaquer à la grimpette des 800 mètres de dénivelé. Autant dire qu’avec la chaleur de gueux et le sable, nos mollets ont quelque peu souffert ! Mais l’effort physique valait le coup. De là-haut, nous dominons le désert de Nazca et prenons conscience de son immensité tout comme de sa beauté.

Tous au sommet !

Par endroit nous tombons sur des restes de céramique ! Le site fut clairement utilisé par les Nazcas comme lieu de rituels… On se la joue donc archéologues en herbe à dégoter les plus impressionnants vestiges…

Cochompollion, regardez celui-là !

Après tout ce sable, nous sommes bien contents de retrouver l’herbe tondue par les moutons au camping !

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Avant de quitter la région, nous passons voir la cité perdue de Huayuri. Nous arrivons en fin de journée sur le site. Nous passerons donc encore une fois la nuit seuls au milieu du désert et face à l’une des plus grandes cités de la région…

Le lendemain, on petit déjeune en compagnie du gardien, tout heureux d’avoir un peu de visite (le site est peu fréquenté). On lui offre un thé et on cause, apprenant que ce monsieur a eu le privilège de travailler aux côtés de la célèbre Maria Reiche !

Le soleil commence à taper, nous décidons d’aller visiter les ruines. Comme à notre habitude, nous sommes seuls. Huayuri fut une cité occupée à partir de 1300 par les Ica-Chinca puis par les Incas. Elle est située au cœur d’un encaissement dans les montagnes désertiques. Elle est ainsi parfaitement cachée des ennemis potentiels. À l’époque, la cité était fortement peuplée. Les ruines sont plutôt bien conservées et nous transportent une fois encore dans le passé.

Difficile à distinguer en photo tant l'univers est minéral ...
... mais c'est bien une immense cité encaissée dans la vallée !
Observez comme les bâtiments furent construits à même les parois rocheuses

En sortant du site, nous passons devant un huarango millénaire. Les huarangos sont des arbres qui poussent lentement et puisent l’eau jusqu’à 50 mètres de profondeur. On les trouve dans les régions arides. Nous en avions vu l’an passé dans le parc de Talampaya ou encore dans les vallées désertiques Calchaquies en Argentine (là-bas ils étaient appelés algarrobos). Nous les retrouvons ici, sauf que le spécimen face à nous est gigantesque ! Il a connu la civilisation qui vécut dans la cité de Huayuri… mais il est aujourd’hui en train de mourir.

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Il est temps de quitter cette région, terre de mystères et d’imagination. Nous repartons avec plus de questions que de réponses, mais toujours avec de belles images en tête. À présent, nous partons vers Paracas au cœur de paysages époustouflants, nous n'en avons pas fini avec le désert péruvien !