Vous le savez, lors de notre volontariat au Chili, nous avons développé le goût de l’éco-construction et du jardinage. Ça tombe bien, c’est justement ce que propose la Suwan Organic Farmstay, tenue par Suwan, une thaïlandaise passionnée de permaculture et Manu, son mari belge. Nous avons pris contact en amont pour réserver une semaine sur place. Comme le woofing n’est pas autorisé dans le pays, il s’agit plutôt d’un ferme-auberge qui propose à ses hôtes de participer aux activités quotidiennes. On se lève à 7 h pour une première session de travail. Petit-déjeuner de 9 h à 10 h avant d’enchaîner sur un deuxième round d’activités. Déjeuner vers 12 h et quartier libre jusqu’au dîner à 19 h.
Crédit photo : Suwan Organic Farmstay Nous voici prêts à plonger dans la ruralité siamoise pour quelques jours. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le lieu est superbe. Outre les bungalows pour accueillir les clients, on trouve un grand espace commun destiné aux repas, des jardins, des potagers, un étang, une rizière et des arbres fruitiers.
Côté animal, deux buffles se baladent sur la propriété, ainsi que Phen-Phen, une chienne qui a récemment mis à bas cinq adorables petits chiots. Ces derniers n’ont pas encore ouvert les yeux et on passe souvent les regarder dormir, gigoter et couiner. On apprendra le dernier jour que Phen-Phen n’est en réalité pas le chien des proprios, mais une chienne errante venue accoucher ici, et qui est finalement restée sur place !
Le père de Suwan avec ses deux buffles de compagnie Crédit photo : Suwan Organic Farmstay Nous vivrons en semi-communauté avec une dizaine de touristes, majoritairement français. Certains sont là pour quelques jours comme nous, d’autres pour plusieurs semaines. Les soirées sont l’occasion de papoter sur les parcours des uns et des autres, d’échanger des expériences ou des conseils… Les repas sont aussi de bons moments de partage. Les dîners, préparés par Suwan avec les légumes du jardin, sont extrêmement savoureux. Nous aurons droit à du riz gluant, des currys aux épices, des légumes sautés, des nems croustillants ou encore des fleurs de courgettes pannées. Nous pensions perdre notre petit surplus de Noël en travaillant, mais en vérité nous estimons plutôt que nous avons pris !
Bref, parlons boulot ! À quoi avons-nous occupé nos matinées ? À construire, mon capitaine ! Manu bâtit en effet deux nouvelles maisons sur sa propriété : une pour de futurs clients et une pour des séances de yoga. Il faut donc mettre la main à la patte de Canard et Cochon. Manu est un autodidacte qui s’est formé en construction naturelle et entend utiliser au maximum la matière première locale. Nous participons donc à l’avancement des travaux.
La première étape, comme lors de notre précédent volontariat, consiste à créer la matière première. Nous extrayons, à coup de pioches ou de barres à mine, de la terre argileuse que nous mélangeons ensuite à de l’eau, du sable et à de l’écorce de riz (en Amérique du Sud nous utilisions de la paille à la place). Puis nous mixons tout cela (avec les pieds !) jusqu’à l’obtention d’une texture homogène. Voilà, notre matière première est prête. Nous replongeons dans nos souvenirs chiliens et nous revoyons presque un an en arrière découvrir l’adobe.
Crédit photo : Suwan Organic Farmstay (et oui, pas facile de prendre des photos les mains pleines d'adobe)Dansons la capucine ! Ensuite, et c’est une nouveauté pour nous, nous avons fabriqué des briques à l’aide d’un moule. On remplit ce dernier jusqu’à ras-bord, en tassant bien. Il faut ensuite retirer le moule délicatement et laisser le tout sécher au soleil pendant plusieurs jours. Nous sommes étonnés de la rapidité de la réalisation.
Crédit photo : Suwan Organic Farmstay Allez, c’est parti pour faire des murs ! Nous passons en effet quelques jours plus tard à la maçonnerie. Nous allons poser nos briques dans le pavillon du fond du jardin, avec l’aide de Manu et de volontaires plus expérimentés. Le mur est déjà bien haut : nous sommes heureux d’apporter nous aussi notre pierre (enfin brique) à l’édifice. Nous apprenons donc à poser les briques, vérifier les niveaux et cimenter à l’aide d’adobe. Brique, enduit, brique, enduit, jusqu’à épuisement des stocks ! Nous trouvons ce travail très satisfaisant. Surtout, comme lors de notre précédent volontariat, nous sommes étonnés de la simplicité de l’éco-construction : tout repose sur quelques matériaux seulement et tout peut se rattraper en cas d’erreur. C’est tout de même très pratique et sacrément écologique !
Un autre jour, nous travaillerons sur ce même pavillon mais pour finaliser les murs. En gros, une fois les briques empilées, il faut recouvrir le tout de crépis d’adobe pour obtenir des murs les plus droits possible. Un travail minutieux qui exige d’acquérir le bon geste pour bien lisser la couche d’enduit.
Crédit photo : Suwan Organic Farmstay Ha, ça c’est un mur porteur, ma bonne dame ! Enfin, nous retrouverons la sensation si gratifiante découverte au Chili du fignolage des murs. Pour cela, nous préparons une mixture identique à la première, à laquelle nous rajoutons de la chaux pour renforcer l’imperméabilité. Et zou, les pieds dans la gadoue une nouvelle fois. Nous appliquons ce mélange sur un mur déjà construit pour corriger les effritements, les trous ou les irrégularités. On colmate, on fait sécher, on ponce, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’état du mur soit satisfaisant. L’opération est à renouveler autant de fois que nécessaire. Petite astuce découverte ici : on peut ajouter du savon à base d’huile d’olive pour rendre le mur encore plus imperméable (ce qui s’avère bien utile en Thaïlande à la saison des pluies). Cela est inspiré de la méthode du Tadelack, développée au Maroc et qui est utilisée pour la construction des hammams notamment.
Crédit photo : Suwan Organic Farmstay Enfin, lors d’une autre matinée, nous avons aidé au jardin en plantant des bananiers et des cacaotiers. Suwan suit le principe de la permaculture. Elle a fait ce choix après avoir eu des problèmes de santé. Elle travaillait auparavant dans une ferme conventionnelle où elle épandait régulièrement les pesticides. Des plaques rouges purulentes sont apparues sur ses bras puis son visage. Elle a décidé de tout quitter sans pour autant abandonner son lien intime à la terre. C’est ainsi qu’est né le projet de la ferme. Suwan est une passionnée et une grande travailleuse. Tous les jours, nous la voyons s’activer dès le petit matin. Elle développe et teste diverses techniques en permaculture et agro-foresterie. Peut-être reviendrons-nous et constaterons à quel point nos bananiers et cacaotiers ont poussé !
Crédit photo : Suwan Organic Farmstay Notre semaine à la ferme est terminée ; nous en sommes sortis ressourcés. Surtout, nous sommes heureux d’avoir découvert ce beau projet et d’avoir rencontré des gens qui cherchent à prendre soin de la terre et développer leur autonomie.