À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis trois ans en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

La région de l’Isan

Temple khmer, mer de lotus, campagnes typiques… la région méconnue de l’Isan, dans l’est de la Thaïlande, réserve quelques belles surprises au voyageur qui prend le temps de l’explorer.
Janvier 2024
7 jours
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Nous avons quitté le parc de Khao Yai pour nous enfoncer plus profondément dans l’Isan. Cette région, la plus pauvre de Thaïlande, couvre un tiers du territoire national pour un tiers de la population totale. Essentiellement agricole, les conditions paysannes y sont rudes du fait du climat très sec. La population, majoritairement d’origine lao, a été incorporée au fil des années par une politique volontariste du pouvoir central. Aujourd’hui, l’Isan s’ouvre un peu aux voyageurs étrangers, mais elle reste (encore) à l’écart des grands circuits touristiques. C’est l’occasion d’explorer une région authentique, qui réserve de belles pépites.

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Notre premier arrêt se fait dans la ville de Phimai, qui abrite le plus grand temple khmer du pays. Fondée au VIIIème siècle, elle connut un âge d’or quelques siècles plus tard lorsqu’elle devint un important centre relais de l’empire khmer, reliée par une prestigieuse route à Angkor, la capitale impériale. Plusieurs temples d’Angkor ont d’ailleurs pris pour modèle celui de Phimai. Au XIVème siècle cependant, la ville passe sous contrôle du royaume du Siam, ennemi séculaire des khmers, et Phimai retombe dans un certain anonymat.

Afin de nous immerger au mieux dans cette période particulière de l’Histoire, nous commençons par visiter le musée municipal. Malheureusement, celui-ci est fermé pour rénovation, et les expositions n’ont pas été déplacées dans un autre bâtiment. C’est dommage. Toutefois, « l’espace de stockage » est toujours ouvert aux visiteurs. Il s’agit d’un petit hangar dans lequel sont entreposés des fragments de linteaux et autres sculptures devant être restaurées. On admire donc quelques belles pièces. Seuls dans cet entrepôt, on a peu l’impression d’être Indiana Jones se baladant au milieu d’un déchargement.

Bon okay, on en rajoute... 

Après cela, direction le temple lui-même ! Autrefois entouré de douves, on ne retrouve qu’une des quatre portes qui cernaient la ville : la porte de la Victoire qui menait directement à Angkor. Alors que nous longeons le mur d’enceinte protégeant le sanctuaire principal, nous sommes déjà sous le charme du lieu. Les arbres en fleurs soulignent la beauté des ruines.

Le temple est majestueusement dressé au milieu de la cour. Il est entouré de divers bâtiments aux fenêtres ciselées. Sous une forte chaleur, nous approchons du sanctuaire principal, d’une rare finesse. Les linteaux sculptés représentent des fresques épiques. L’extérieur du temple est de tradition hindoue tandis qu’à l’intérieur on note une influence bouddhiste. Nous sommes vraiment impressionnés par la beauté du lieu ; c’est un avant-gout pour notre future découverte d’Angkor au Cambodge dans quelques semaines.

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Phimai compte un autre endroit étonnant : un arbre banyan géant, vieux de 350 ans. Sur le chemin, un plan d’eau carré nous rappelle qu’à l’époque la ville s’étendait jusque-là. Posé sur une île au milieu d’un étang, le cadre est on ne peut plus reposant. À la vue du figuier banyan, nous avons du mal à croire qu’il s’agit d’un seul et même arbre, tant il ressemble à une forêt entière. Nous déambulons le long de ses racines et ramifications. Incroyable vraiment !

L'île entièrement recouverte du banyan 
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Le soir, nous nous promenons dans le centre-ville pour profiter de l’ambiance de nuit. Un marché est dressé le long d’une avenue. Nous cheminons d’étals en étals au milieu des brochettes, des fruits, des soupes ou d’autres spécialités. Nous nous attablons à une gargote de rue pour déguster une excellente soupe aux nouilles. Un food-truck de crèmes glacées est garé à proximité : on termine donc notre journée par deux glaces à la maracuja.

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Le lendemain, nous enchaînons les transports jusqu’à atteindre le village de Ban Chiang, célèbre pour sa « mer de lotus ». Nous sommes accueillis à notre logis par une dame adorable et parfaitement anglophone. Nous avions réservé une chambre classique pour une nuit, mais il y a une belle surprise. Suite à un désistement, on nous offre un sur-classement de taille. Nous avons droit à un véritable palais, aux allures de manoir britannique.

 Lady Canard and Lord Cochon

On profite du lieu le reste de l’après-midi, avant de faire un tour à vélo. On observe le soleil qui se couche sur la campagne peuplée de buffles. Les abords du lac sont marécageux et abritent de nombreuses cabanes de pêcheurs.

Comme il n’y a rien pour dîner dans le coin, la propriétaire nous prépare un repas. On mange un excellent sauté de légumes accompagné de riz, tout en papotant avec elle. Nous apprenons que notre logeuse a étudié le marketing en Australie et qu’elle a énormément voyagé, notamment en Asie et en Europe. Sa cuisine est décorée de multiples souvenirs achetés en France, en Allemagne ou en Italie, et on comprend un peu mieux le style si européen de notre maisonnette.

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Le lendemain, nous partons à 6 h pour la mer de lotus. Direction le petit ponton pour embarquer sur un frêle esquif. Il fait encore nuit noire lorsque nous commençons. Nous atteignons le milieu du lac pour assister au lever de soleil. L’astre se lève juste face à nous et révèle toute la beauté du lieu. Nous sommes entourés par des milliers de fleurs de lotus roses. Plus le temps passe, plus les lotus s’ouvrent. Des oiseaux virevoltent autour de la barque, d’autres sautillent sur les herbes et les mousses… C’est toute une vie qui grouille dans cet endroit qui semble pourtant si statique. Subjugués, nous passerons en tout plus de deux heures dans notre embarcation à profiter du calme propre au lieu.

Au retour, nous profitons encore un peu de notre palais, en nous disant que c’est un peu dommage de n’être resté qu’une nuit. Mais la suite de l’aventure nous attend : nous enchaînons sur un taxi, un songthaew et un bus jusqu’à la ville d’Udon Thani. De là, un nouveau bus nous attend, puis un autre taxi jusqu’à notre destination : une ferme dans laquelle nous allons rester une petite semaine.

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Vous le savez, lors de notre volontariat au Chili, nous avons développé le goût de l’éco-construction et du jardinage. Ça tombe bien, c’est justement ce que propose la Suwan Organic Farmstay, tenue par Suwan, une thaïlandaise passionnée de permaculture et Manu, son mari belge. Nous avons pris contact en amont pour réserver une semaine sur place. Comme le woofing n’est pas autorisé dans le pays, il s’agit plutôt d’un ferme-auberge qui propose à ses hôtes de participer aux activités quotidiennes. On se lève à 7 h pour une première session de travail. Petit-déjeuner de 9 h à 10 h avant d’enchaîner sur un deuxième round d’activités. Déjeuner vers 12 h et quartier libre jusqu’au dîner à 19 h.

Crédit photo : Suwan Organic Farmstay  

Nous voici prêts à plonger dans la ruralité siamoise pour quelques jours. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le lieu est superbe. Outre les bungalows pour accueillir les clients, on trouve un grand espace commun destiné aux repas, des jardins, des potagers, un étang, une rizière et des arbres fruitiers.

Côté animal, deux buffles se baladent sur la propriété, ainsi que Phen-Phen, une chienne qui a récemment mis à bas cinq adorables petits chiots. Ces derniers n’ont pas encore ouvert les yeux et on passe souvent les regarder dormir, gigoter et couiner. On apprendra le dernier jour que Phen-Phen n’est en réalité pas le chien des proprios, mais une chienne errante venue accoucher ici, et qui est finalement restée sur place !

Le père de Suwan avec ses deux buffles de compagnie 
 Crédit photo : Suwan Organic Farmstay 

Nous vivrons en semi-communauté avec une dizaine de touristes, majoritairement français. Certains sont là pour quelques jours comme nous, d’autres pour plusieurs semaines. Les soirées sont l’occasion de papoter sur les parcours des uns et des autres, d’échanger des expériences ou des conseils… Les repas sont aussi de bons moments de partage. Les dîners, préparés par Suwan avec les légumes du jardin, sont extrêmement savoureux. Nous aurons droit à du riz gluant, des currys aux épices, des légumes sautés, des nems croustillants ou encore des fleurs de courgettes pannées. Nous pensions perdre notre petit surplus de Noël en travaillant, mais en vérité nous estimons plutôt que nous avons pris !

Bref, parlons boulot ! À quoi avons-nous occupé nos matinées ? À construire, mon capitaine ! Manu bâtit en effet deux nouvelles maisons sur sa propriété : une pour de futurs clients et une pour des séances de yoga. Il faut donc mettre la main à la patte de Canard et Cochon. Manu est un autodidacte qui s’est formé en construction naturelle et entend utiliser au maximum la matière première locale. Nous participons donc à l’avancement des travaux.

La première étape, comme lors de notre précédent volontariat, consiste à créer la matière première. Nous extrayons, à coup de pioches ou de barres à mine, de la terre argileuse que nous mélangeons ensuite à de l’eau, du sable et à de l’écorce de riz (en Amérique du Sud nous utilisions de la paille à la place). Puis nous mixons tout cela (avec les pieds !) jusqu’à l’obtention d’une texture homogène. Voilà, notre matière première est prête. Nous replongeons dans nos souvenirs chiliens et nous revoyons presque un an en arrière découvrir l’adobe.

Crédit photo : Suwan Organic Farmstay (et oui, pas facile de prendre des photos les mains pleines d'adobe)
Dansons la capucine ! 

Ensuite, et c’est une nouveauté pour nous, nous avons fabriqué des briques à l’aide d’un moule. On remplit ce dernier jusqu’à ras-bord, en tassant bien. Il faut ensuite retirer le moule délicatement et laisser le tout sécher au soleil pendant plusieurs jours. Nous sommes étonnés de la rapidité de la réalisation.

Crédit photo : Suwan Organic Farmstay 

Allez, c’est parti pour faire des murs ! Nous passons en effet quelques jours plus tard à la maçonnerie. Nous allons poser nos briques dans le pavillon du fond du jardin, avec l’aide de Manu et de volontaires plus expérimentés. Le mur est déjà bien haut : nous sommes heureux d’apporter nous aussi notre pierre (enfin brique) à l’édifice. Nous apprenons donc à poser les briques, vérifier les niveaux et cimenter à l’aide d’adobe. Brique, enduit, brique, enduit, jusqu’à épuisement des stocks ! Nous trouvons ce travail très satisfaisant. Surtout, comme lors de notre précédent volontariat, nous sommes étonnés de la simplicité de l’éco-construction : tout repose sur quelques matériaux seulement et tout peut se rattraper en cas d’erreur. C’est tout de même très pratique et sacrément écologique !

Un autre jour, nous travaillerons sur ce même pavillon mais pour finaliser les murs. En gros, une fois les briques empilées, il faut recouvrir le tout de crépis d’adobe pour obtenir des murs les plus droits possible. Un travail minutieux qui exige d’acquérir le bon geste pour bien lisser la couche d’enduit.

Crédit photo : Suwan Organic Farmstay  
Ha, ça c’est un mur porteur, ma bonne dame ! 

Enfin, nous retrouverons la sensation si gratifiante découverte au Chili du fignolage des murs. Pour cela, nous préparons une mixture identique à la première, à laquelle nous rajoutons de la chaux pour renforcer l’imperméabilité. Et zou, les pieds dans la gadoue une nouvelle fois. Nous appliquons ce mélange sur un mur déjà construit pour corriger les effritements, les trous ou les irrégularités. On colmate, on fait sécher, on ponce, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’état du mur soit satisfaisant. L’opération est à renouveler autant de fois que nécessaire. Petite astuce découverte ici : on peut ajouter du savon à base d’huile d’olive pour rendre le mur encore plus imperméable (ce qui s’avère bien utile en Thaïlande à la saison des pluies). Cela est inspiré de la méthode du Tadelack, développée au Maroc et qui est utilisée pour la construction des hammams notamment.

Crédit photo : Suwan Organic Farmstay  

Enfin, lors d’une autre matinée, nous avons aidé au jardin en plantant des bananiers et des cacaotiers. Suwan suit le principe de la permaculture. Elle a fait ce choix après avoir eu des problèmes de santé. Elle travaillait auparavant dans une ferme conventionnelle où elle épandait régulièrement les pesticides. Des plaques rouges purulentes sont apparues sur ses bras puis son visage. Elle a décidé de tout quitter sans pour autant abandonner son lien intime à la terre. C’est ainsi qu’est né le projet de la ferme. Suwan est une passionnée et une grande travailleuse. Tous les jours, nous la voyons s’activer dès le petit matin. Elle développe et teste diverses techniques en permaculture et agro-foresterie. Peut-être reviendrons-nous et constaterons à quel point nos bananiers et cacaotiers ont poussé !

Crédit photo : Suwan Organic Farmstay   

Notre semaine à la ferme est terminée ; nous en sommes sortis ressourcés. Surtout, nous sommes heureux d’avoir découvert ce beau projet et d’avoir rencontré des gens qui cherchent à prendre soin de la terre et développer leur autonomie.

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Direction désormais Nong Khai, la dernière ville thaïlandaise avant le Laos. Nous nous promenons le long du cours d’eau qui marque la frontière : le Mékong. C’est la première fois que nous apercevons ce célèbre fleuve. Une balade piétonne a été aménagée en surplomb, fréquentée par les habitants comme par les touristes.

Tous les samedis ça s’anime encore plus car le marché de nuit s’y installe. Ça tombe bien, c’est aujourd’hui ! On passe deux heures à déambuler au milieu des stands. On retrouve la profusion alimentaire mais aussi de vêtements, d’artisanat, de bazar en tout genre et de salons de massage en extérieur. On y grignote plusieurs spécialités : du durian (ce fameux fruit au goût d’orange/oignon), un gâteau gluant violet à base de noix de coco et de riz, de la glace à l’avocat, une patate fourrée aux épinards mais avec une sauce sucrée, et des boulettes de fromage saupoudrées d’algues. Tout cela forme un mélange détonnant qui surprend nos papilles !

Bon par contre, on a fait l'impasse sur les assiettes d'insectes ! 
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Le lendemain, il est déjà l’heure de quitter la Thaïlande, après trois superbes semaines de visite. Notre second séjour dans ce pays nous a autant enchantés que le premier. Entre le patrimoine colossal, la forêt tropicale, la nourriture délicieuse et les gens adorables, tout le monde a de quoi trouver son bonheur au Siam.

Nous prenons un bus qui nous fait traverser le « pont de l’amitié » jusqu’à la frontière laotienne. Le Mékong est sous nos pieds. Devant nous, c’est un nouveau territoire qui s’annonce : nous entrons au Laos, le « royaume du million d’éléphants » !