Après le petit-déjeuner à 7h30, un taxi doit nous déposer au début du trek, qui se situe déjà à 30 minutes de route du village. Pas de groupe cette fois-ci : nous sommes seuls avec Ty pour cette excursion. Il n’y aura ni touristes étrangers ni brésiliens (ouf, on aura peut-être enfin droit au silence éternel des espaces infinis !). Dans notre 4x4 qui secoue, Ty nous annonce qu’il a énormément plu ces derniers jours, et que plusieurs des gués que nous allons traverser seront probablement inondés. Ça pose le décor. Dernier ballotage, puis la voiture s’arrête. Tout le monde descend. C’est parti…
Yolo !!Le trek commence devant une rivière. C’est le premier gué… complétement sous l’eau. Impossible de passer, même en sautant sur les rochers. Il nous faut enlever les chaussures et retrousser les pantalons pour traverser. Brr, elle est fraîche ce matin. Comme il y aura deux autres rivières à traverser, nous continuons pieds nus. On se dit qu’après l’Amazonie, il n’y a pas grand risque à marcher ainsi ici (spoiler : effectivement, tout se passera bien, à part Marion qui a glissé dans la boue !).
Mille-et-une pattes Après avoir remis les chaussures, nous entamons une montée à travers une petite forêt. Un papillon monarque, bleu électrique, nous tiendra même compagnie pendant de longues minutes. La végétation diminue petit à petit, pour laisser place à des rochers. La pente s’adoucie. La vue se dégage. Le vent souffle. Nous voici sur le plateau.
A gauche, une mule qui se cache dans la forêt ! Nous profitons de cette quiétude pour échanger avec Ty. Ce dernier a suivi en France une formation de médecin-ostéo, qu’il n’a pas validé, ne se reconnaissant pas dans les manières d’enseigner. Il a ensuite voyagé dans le monde et appris sur le tas beaucoup de choses, notamment la naturopathie et les langues. Il est venu au Brésil en tant que touriste avec un copain il y a 15 ans et n’est jamais reparti. Ouvert d’esprit et très cultivé, nous discuterons au cours de ces 3 jours de tous les sujets possibles : histoire, santé, ésotérisme, politique, spiritualité, écologie… Nous aurons également des échanges intéressants sur notre propre projet et nos motivations, étant lui-même « hors sentier » depuis de nombreuses années.
Les nuages sombres dans le ciel rendent l’endroit un peu austère mais lui ajoutent du caractère. On est saisi tout de suite par la beauté du paysage qui s’offre devant nous : un immense plateau avec au loin des montagnes et chapadas. Les teintes de vert dominent mais sont ponctuées par quelques éclats de couleurs des fleurs. Plus l’on avance plus l’on a la sensation que le paysage s’étire devant nous toujours plus grand. On voit tellement loin depuis ce plateau, c’est impressionnant !
Après avoir longé le plateau au fur et à mesure que les nuages se dispersent, il est temps de faire la pause baignade-piquenique ! Nous nous arrêtons au « rancho », cabane en adobe qui sert d’abris aux muletiers de passage. Nous sommes en effet sur un sentier de mules, utilisé depuis l’époque de la ruée aux diamants, et aujourd’hui toujours en fonction pour ravitailler les habitants de la vallée du Pati. Aucune voiture ne peut y accéder : tout se porte à dos d’homme ou d’animal ! Alors que nous mangeons nos sandwichs et nos snacks, notre guide se baignera dans la rivière. « Elle est fraiche ». Sans blague ? On passe notre tour pour cette fois. On continue de monter après le repas.
Nous sommes tout en haut d’un autre plateau, et la vue est encore plus impressionnante. Nous profitons pleinement des espaces infinis autour de nous. Cette marche dans ces paysages où l’horizon semble si loin nous font penser au Seigneur des anneaux. C’est avec la mélodie des films en tête qu’on continue de parcourir des kilomètres et kilomètres.
La vue à gauche... ... et la vue à droite On brave la gadoue (qui n’a pas séché depuis ce matin) pour atteindre le mirador do Pati : on aperçoit presque toute la vallée, avec au loin, minuscules au milieu de cette immensité verte, quelques toits de taule qui émergent : ce sont les rares maisons qui servent aujourd’hui d’abris aux touristes. Seules quelques familles vivent encore ici. Pourtant, Ty nous raconte qu’au siècle dernier, la vallée était couverte de plantations de café. Un village complet, avec église, cimetière et commerces avait même poussé ! Mais toutes les constructions étant en terre et en bois, les traces ont quasiment disparu. Seul vestige de cet autre temps, l’église qui a été restaurée, et dont le timide clocher tente bravement de percer la canopée. Etrange sensation que de contempler cette zone, qu’on peine à imaginer autrement qu’aussi déserte qu’aujourd’hui. C’est encore une manifestation des cycles d’histoire du Brésil, qui alternent splendeur et décadence, comme toutes ces villes coloniales que nous visitons depuis deux mois…
Les petites taches vertes sont les traces des anciennes plantations de caféAu loin dans la vallée de droite : notre point de chute pour la nuit (on a encore quelques kilomètres !) Notre hameau nous attend derrière la "petite" collineIl est l’heure de quitter le plateau pour rejoindre notre hébergement au fond de la vallée. Des vautours et des aigles tournent autour de nous, alors que le soleil se couche. Peut-être nous guettent ils… Il faut dire que la descente est raide, et qu’un pas de travers pourrait nous précipiter dans le vide ! Heureusement, tout se passera bien. Nous croisons un groupe de guides qui revient d’une conférence qui se tenait vers l’église (et dont le sujet, nous annonce Ty, était « le métier de guide » et les premiers secours. Voila des gens qui savent allier la théorie et la pratique).
Nous finissons la route de nuit, avec les lampes frontales et des lucioles. Notre petit hameau se dessine dans le noir. Nous sommes reçus par la famille, et avons droit à une chambre rien que pour nous deux ! On s’étire, on se douche (eau glacée), et on se dirige vers le buffet du soir. Le croirez-vous : on est bien content d’avoir du riz et des haricots pour se réchauffer ! On complète par des patates douces, des œufs et un peu de verdure. A 20h30, on se couche avec de belles images plein la tête.