À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis 2 ans, en sac à dos ou à bord de notre Combi, en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

L'incroyable Maranhão

De São Luis, splendeur décatie, à Atins, village les pieds dans le sable, en passant par l'irréel désert de Lençois Maranhenses et ses milliers de lagunes. Suivez nos pas dans cette incroyable région.
Août 2022
7 jours
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Nous voilà dans notre bus de nuit au départ de Bélem : c’est parti pour 16 h de voyage. Si Marion n’a aucune difficulté pour s’endormir n’importe où et n’importe quand, c’est une autre paire de manches pour Quentin qui tournera deux bonnes heures, dans toutes les positions, pour tenter de trouver une approche convenable. Les bus long-courriers au Brésil sont confortables. Les sièges sont assez spacieux et la plupart dispose d’une prise USB qui permet de charger le téléphone. Les arrêts sont suffisamment fréquents pour acheter à manger, et le wifi fonctionne sporadiquement à l’approche des gares. En revanche, la climatisation est activée au maximum, ce qui fait que la différence avec l’extérieur est parfois de 20°…

Kama-ZZZutra 

Après un trajet sans histoire, nous approchons de notre destination finale, la ville de São Luis. Les paysages ont changé depuis notre départ. Adieu la forêt touffue et permanente. Nous sommes plutôt en présence de collines sèches, ponctuées de-ci de-là de quelques palmiers ou champs. C’est caractéristique du Sertão au climat semi-aride. D’un coup, nous voyons défiler un gigantesque train de minerais, qui nous rappelle ceux du Minas Gerais. Notre route longe également des lignes à hautes tensions et un gigantesque pipeline, tandis qu’un port immense se dessine au loin. Ce sont en fait les minerais extraits près de 900 km plus loin, dans la plus grande mine de fer du monde, qui sont acheminés par voie ferrée jusqu’au port de São Luis.

Nous débarquons enfin et rejoignons le centre-ville. L’écrivain français Gilles Lapouge disait : « des décadences brésiliennes, je crois que celle de São Luis est la plus réussie ». Il nous faut bien y souscrire. Le centre est une étrange succession d’anciennes demeures, certaines parfaitement restaurées, d’autres complétement en ruine, qui se côtoient sans cohérence. L’UNESCO a classé près de 5 000 maisons, mais la plupart ne sont pas entretenues. En plus, comme nous arrivons dimanche, la quasi-totalité des musées sont fermés et les rues désertes, ce qui renforce l’impression d’abandon. À cela s’ajoute une très forte pauvreté particulièrement visible dans le centre-ville : des dizaines de sans-abris en haillons fouillent les poubelles, attendent à côté des restaurants pour récupérer les restes des clients, alpaguent pour demander non pas de l’argent mais de la nourriture. C’est l’endroit le plus pauvre que nous avons visité. Tout cela nous laisse sur un certain malaise.

São Luis, c'est ça... 
 ... mais aussi ça 

Nous déjeunons près du marché dans l’unique ginguette ouverte à cette heure. Après avoir longé un moment le fleuve, nous arrivons à la place Dom Pedro II. C’est l’un des rares endroits de la ville propre et restauré, voire pimpant : le décalage est frappant. Cette vaste esplanade abrite deux beaux palais : le palais des lions qui accueille le siège du gouvernement de l’État et que nous visitons, et le palais de la Ravardière. Oui, ça sonne français et c’est le cas. La ville de São Luis a en effet été fondée par les Français en 1612 : 500 colons sont envoyés par le seigneur de La Ravardière qui entendait y créer la « France équinoxiale ». Montjoie ! En fin de compte, la domination française sera de très courte durée (3 ans seulement). Il n’empêche que la ville porte toujours en elle les traces de ce passage, même furtif, et que son nom vient de Saint Louis, en l’honneur du roi français de l’époque.

En jonglant avec les horaires, nous parviendrons malgré tout à visiter le musée des traditions musicales de la région et celui de la gastronomie locale, qui exaltent le mélange des influences autochtones, africaines et européennes. Nous dégustons une glace et un Guarana Jesus (boisson locale très chimique…) dans une ruelle pentue avant de nous poser à un peu à l’hôtel.

Au fur et à mesure que le temps passe, le centre historique s’anime. Les gens sortent véritablement en fin d’après-midi, les boutiques et les bars ouvrent leur porte. Ce qui semblait endormi s’éveille paradoxalement à l’heure où le soleil se couche. La musique devient omniprésente. Particularité de la ville : c’est ici le reggae qui domine. C’est en effet la musique la plus populaire de São Luis depuis des années, au point que ses habitants surnomment leur cité « la deuxième Jamaïque ». On trouve même un musée du reggae !

No Canard No Cry 

Le soir, nous dégustons une moqueca végératienne dans un centre-ville devenu à présent hyper-agité. En rentrant, on tombe sur une cérémonie afro-brésilienne à la sortie d'une église. Tambours et autres percussions donnent le rythme pour les participants qui, tous, dansent et chantent. Certaines mamas sont en tenue traditionnelle, un prêtre tout en blanc sortira jeter de l'eau bénite sur la foule. C'est un étonnant syncrétisme.

2

Grasse matinée oblige, nous partons tardivement pour une journée à Raposa. Après un trajet en bus municipal à travers l’agglomération puis ses alentours, nous voici au petit village situé à une trentaine de kilomètres de São Luis. Posé entre la mer et la mangrove, il est composé essentiellement de maisons sur pilotis d’aspect fragile. Il est réputé pour ses plages aux pieds d’immenses dunes de sable.

La marée est déjà basse à notre arrivée, nous ne pouvons donc plus rejoindre les dunes en bateau. Et à pied, cela est assez périlleux de traverser le sol limoneux envahi par des centaines de crabes, ce qui donne peu envie d’y tremper un orteil ! Tant pis pour les dunes, nous nous baladerons le long du rivage et ferons trempette juste en face. Toujours une étonnante vision que de tomber sur des bateaux posés au sol comme de gigantesques jouets.

Nous goûtons dans l'un des restaurants du front de mer la spécialité : la tourte aux crabes, faisant donc une nouvelle exception à notre régime végétarien… Le plat commandé s’avère tout bonnement gargantuesque. On fait donc emballer les nombreux restes. Avant de repartir, nous arpentons quelques ruelles du village où les stands de poissons sont nombreux.

C'est pour deux personnes ! Rien que la salade aurait suffi

Le soir, nous mangeons nos restes dans la chambre en mode pique-nique. On a englouti beaucoup trop de cette tourte aux crabes et nous sommes complètement écœurés. On n’en pince plus pour ce plat !

Et oui parfois nos soirées ressemblent à ça... c'est pas un resto 4 étoiles ! 

Demain nous partons vers Atins, une des portes d'entrée du merveilleux désert de Lençois Maranhenses.

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Nous quittons São Luis tôt le matin pour rejoindre Atins, un petit village en bord de mer difficile d’accès. En effet, le trajet durera toute la journée alors que nous ne sommes pas loin à vol d'oiseau (300 km à tout casser...). C'est donc parti pour un enchaînement de transports et pas mal d'attente ! Après un trajet en taxi vers la gare routière, puis 5 h de bus, nous arrivons à Barreirinhas, la ville porte d’accès d’Atins. Nous attendons plusieurs heures un 4x4, seul moyen de transport pour rejoindre Atins perdu au milieu du sable.

On profite de l’attente pour pour réserver un trek de 3 jours dans le désert des Lençois Maranhenses. Cela fait aussi plusieurs jours que l'on essaie de vendre nos hamacs achetés pour l'Amazonie. Ils sont en effet bien encombrants pour nos sacs à dos et surtout très lourds. Deux guides de l'agence où nous avons pris notre excursion pour le désert sont intéressés. Ils sont très emballés et il faut dire que vu le prix que nous leur proposons et l'état de nos deux beaux et grands hamacs quasi neufs, c'est normal. Voilà marché conclu, hamacs vendus ! Adieu petits hamacs, petits lits douillets durant la descente de l’Amazone (snif).

Ce n’est qu’en fin de journée que nous partons, installés sur les sièges extérieurs de la jeep. On commence par dégonfler les pneus en prévision des pistes de sable. Après quelques minutes, nous montons à bord d'un petit bac pour traverser une rivière. Ensuite c’est parti pour un long trajet sur des chemins très étroits, entourés de quelques arbustes secs. Le trajet, dans le sable, nous secoue énormément mais les vues splendides sur les prémisses du désert nous enchantent. On grimpe quelques immenses dunes de sable, parfois en s’y prenant à plusieurs reprises car la voiture n’a pas pris assez d’élan. On est admiratif du chauffeur !

Ca secoue et ça vente aussi ! 

Et puis surprise, notre chauffeur nous a fait faire un petit détour exprès pour admirer le coucher de soleil sur les lagunes qui se forment dans ce désert unique au monde. C’est magnifique ! Devant la beauté du lieu, nous sommes émus.

On continue à travers les dunes avec la lumière qui décline et colore les alentours. Les paysages sont irréels… Mais notre chauffeur s’arrête à plusieurs reprises, fait demi-tour, sort de la voiture pour se repérer (il fait nuit désormais). Ok, on est perdus manifestement ! On tâtonne un peu et puis il finit par retrouver le chemin vers Atins. Ouf !

Heu, c'est par où ?
Comment ne pas être ému ?! 

C’est ainsi qu’on arrive en début de soirée à notre hôtel après une longue journée qui nous a donné un sacré aperçu de ce que nous verrons par la suite en trek. Nous logeons chez une famille très sympathique qui a aménagé quelques chambres. Voilà du repos et un repas bien mérités.

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C’est parti pour une matinée découverte des environs. Atins est un village surprenant. Tout petit, il est composé de petites maisons agrémentées de pousadas, d’agences de tourisme et de quelques commerces et restos. L’ambiance y est particulièrement tranquille, loin du tourisme de masse. Il n’y a aucune route, juste du sable. Beaucoup de sable ! Il est difficile d’avancer à pied sans se fatiguer. Et puis, ça brûle sec ! Au bout de dix minutes de marche, nous avons déjà la voute plantaire et les orteils en feu, au point d’être obligés de courir jusqu’à l’ombre pour ne pas nous cramer davantage. Repos forcé pour les petons dès la première heure de marche. C’est que nous ne sommes pas des Hobbits, et nos petits piedspieds tout blancs et tout lisses ne sont pas habitués. À ce moment-là, on a un peu peur en se demandant si c’est la même chose pour le trek à venir dans le désert : on se voit mal tenir trois jours alors qu’on a déjà du mal à rester une heure sur cette véritable poêle à frire en pleine ville. Heureusement, au fur et à mesure que nous avançons vers la plage, l’air et le sol se font plus frais, grâce au vent. On traverse un charmant petit pont au dessus d'une rivière et ses abords marécageux.

Saute-cochon 

Comme depuis le début de notre voyage, les plages d’Atins se révèlent tranquilles et paradisiaques. On se baigne dans des eaux transparentes, face aux kite-surfs qui profitent de ce spot réputé. Le petit resto les pieds dans l’eau tout proche met à disposition des hamacs dans lesquels on se prélasse un long moment. Quelques frites de manioc, un peu de fromage grillé, et nous sommes repartis. Le retour à l’hôtel est un peu douloureux : le soleil ayant encore plus chauffé le sol entre midi et deux, il faudra chercher l’ombre en permanence pour que nos pieds ne grillent pas sur place ! D’aucuns diraient que ça sentirait presque la brochette de Canard et Cochon.

Nous avons réservé une petite excursion pour l’après-midi auprès de notre pousada qui fait également agence de voyage. Nous sommes chanceux : alors que ce type de tour à la demi-journée est assez prisé, nous serons tous seuls avec notre chauffeur. Après une petite pause chez nous, on monte en jeep pour se rendre à la Ponta do Mangue, à la bordure du désert.

C'est reparti pour des ascensions et descentes en 4x4 qui font grimper l'adrénaline ! Nous sommes assez proches du village mais c’est déjà le paysage typique de notre futur trek qui se dessine : des dunes et des lagunes ! Comme hier soir, nous sommes immédiatement soufflés par la beauté, l’immensité et l’intensité de la vue (d’ailleurs, nous nous excusons d’avance pour les nombreux superlatifs que vous subirez dans les prochains articles, mais croyez-nous, nous n’avions jamais rien vu de tel).

Puis nous faisons une première pause au niveau de lagunes pour nous baigner. Le sable est fin et frais (ouf !), les eaux des lagunes sont cristallines. Quentin tente de se rouler dans le sable pour atterrir dans l’eau, mais l’expérience n’est pas très probante.

Nous concluons la balade par une longue marche le long d’une ligne de crête pour admirer l’horizon, sablonneux à perte de vue, et le coucher du soleil qui colore allègrement les maigres reliefs.

De retour en ville, la soirée se fera dans un resto italien. Nous y dégusterons une pizza savoureuse mais outrageusement chère, suivie d’une petite glace pour faire passer l’addition. Atins n’ayant que peu ou prou d’éclairage public, nous regagnons notre hôtel avec notre lampe frontale, en évitant les racines, les trous dans le sable et les passages marécageux.

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Aujourd’hui, c’est le grand départ ! À 14 h, nous embarquons pour notre trek de 3 jours dans le désert. Dans l’attente, nous passons la matinée à avancer sur plein de petites choses habituelles (rédaction du blog, réalisations des dessins, gestion du budget, tri et sauvegarde des photos…). Pauvres fous que nous sommes, nous décidons de déjeuner à Atins. Rebelotte donc pour la partie improvisée de The Floor Is Lava sous les tropiques. La plupart des établissements n’ouvrant que le soir, nous tournons un peu avant de nous rabattre sur le premier comedor disponible. Le repas sera simple mais copieux. Retour à l’hôtel, comme d’habitude en jouant à Twister avec le sable.

C’est l’heure. Notre pick-up passe nous prendre. Les sièges à l’air libre étant déjà occupés, nous montons dans la cabine avec le chauffeur et le guide. Nous serons avec un groupe de six Brésiliens, que nous apprendrons à connaître au fur et à mesure du voyage : il s’agit de deux couples de sexagénaires de Santa Catarina (sud du pays) et de deux filles quarantenaires de Rio. Ils disposent, comme la plupart des Brésiliens, de l’étonnante capacité à faire du bruit quel que soit le contexte. Dès la première heure de route, c’est donc un enchaînement collectif de WOUHOUUUU !!! et de WAHAAAAA !!! à chaque franchissement de dune. Nous sommes un peu pantois devant cette volubilité, qui contraste assez singulièrement avec la sérénité du lieu.

Les vues depuis le 4x4 

Après plusieurs kilomètres à longer la mer au pied des dunes, notre chauffeur s’arrête au beau milieu de nulle part. Pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Nous sommes dans la partie dite « primitive » du parc : ici, plus aucune voiture et plus aucune activité possible à part la marche à pied accompagnée de guides certifiés. Tout le monde descend ! Depuis qu’on prépare le voyage, on attend ce moment avec impatience. Allez, c’est parti mon kiki pour 3 jours dans ce désert !

Notre point de départ 
 Notre groupe
En route, mauvaise troupe ! 

À peine posé le pied au sol, une sensation de liberté nous envahit. Autour de nous, des dunes à perte de vue avec seulement quelques arbustes par endroit pour casser la blancheur du lieu. Notre guide ouvre la marche et nous conseille de marcher pieds nus pour ne pas trop se fatiguer. On s’exécute. On est soulagé de sentir le sable doux et tiède, et non bouillantissime comme à Atins !

C’est parti pour 4 h de marche. Au bout de quelques minutes nous dévalons notre première grosse dune. On doit probablement avoir l’air d’imbéciles heureux à sourire niaisement et sautiller dans cette dune. Mais, il faut bien avouer que c’est très jouissif : nos pieds s’enfoncent profondément dans le sable et la pente donne une envie irrépressible de le faire en courant.

On prend conscience de l’immensité du désert pas après pas. Il fait en effet 270 km de long sur 25 km de large ! Et sa particularité est qu’il regorge… d’eau ! En fait, durant les 6 mois de la saison des pluies, il y pleut énormément, plus qu’en Écosse c’est vous dire ! L’eau s’accumule donc et finit par former des milliers de lagunes dans les creux argileux des dunes de sable. Ce qu’on pourrait prendre pour un mirage dans un autre désert est ici bien réel : de l’eau à perte de vue.

 Photo du drone de notre compagnon brésilien. Muito obrigado Kenko !

Et pas n’importe quelle eau : on se croirait tantôt aux Caraïbes, tantôt en Grèce ! Les lagunes prennent divers tons : du bleu foncé pour les plus profondes au vers émeraude en passant par le turquoise pour les autres. Bref, c’est tout bonnement magnifique ! C’est ainsi qu’on enchaîne les photos et les vidéos. À chaque nouvelle dune franchie, une nouvelle lagune, différente de la précédente, ou un autre point de vue encore plus beau ! On espère que nos photos rendent hommage à cette beauté si singulière.

Après plusieurs kilomètres, notre guide nous propose une pause baignade dans une des lagunes. C’est un bonheur immense que de plonger dans cette eau douce particulièrement chaude. On explore la lagune et on multiplie les photos sous tous les angles possibles !

C’est ainsi que, rafraîchis, on repart sous le soleil de plomb pour nos derniers kilomètres de la journée avant d’arriver à notre point de chute pour la nuit. Heureusement, le vent permet de ne pas cuire sur place et nous avons beaucoup d’eau dans nos sacs à dos. Les dunes et lagunes s’enchaînent à nouveau. On traverse aussi des lagunes qui sont déjà partiellement ou complétement asséchées. Le sable y est mou, voire mouvant, parfois même piquant du fait des plantes. On fait une nouvelle pause baignade dans une lagune aux eaux très sombres et dont le sol est rempli de végétation : étrange sensation que d’évoluer là-dedans !

Le soleil décline. La végétation se fait plus fréquente et puis d’un coup, une sorte de grosse touffe verte pointe le bout de son nez au milieu du sable. Nous apercevons l’oasis de Baixa Grande où nous allons passer la nuit. Avant de s’y rendre, nous admirons le coucher du soleil au sommet d’une immense dune qui domine une lagune arrondie et la rivière qui rentre dans l’oasis. C’est tout bonnement sublime.

 Oasis is good !

L’arrivée à l’oasis est marquante. Dans ce coin – on ne peut plus isolé – vivent quatre familles. Les maisons sont en feuilles de palmier et rondins de bois. Les animaux sont omniprésents autour de nous : canards, poules, chèvres, cochons font leur vie. On prend possession de nos quartiers : des hamacs au milieu d’autres, posés juste à côté des grandes tablées qui font office de réfectoire. L’oasis accueille en effet tous les touristes qui font, comme nous, un trek de plusieurs jours. En attendant le repas on discute avec un couple de Français d’une cinquantaine d’années qui a beaucoup voyagé : on échange nos ressentis sur le Brésil et d’autres pays. Puis c’est l’heure du repas. Tiens, ne serait-on pas reparti pour du riz, haricots rouges, pâtes ? Mais si bien sûr, youpi ! Après une rapide douche, nous voilà au lit dès 20 h 30. Demain on se lève tôt pour partir à l’assaut des dunes à la fraîche et assister au lever du soleil.

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Dring ! Il est 4 h du matin, nous quittons nos hamacs sans faire trop de bruit pour celles et ceux qui partiront plus tard. On prend un frugal petit déjeuner dans l’oasis. Comme nous sommes prêts avant les autres, notre guide nous dit de prendre de l’avance et d’aller observer les étoiles en attendant le reste de notre groupe. On s’équipe de nos lampes frontales et on part donc à l’assaut d’une petite colline. En sortant de l’oasis, on tombe sur des chevreaux trop mimi qu’on caresse et des canards qu’on laisse tranquilles. En haut de la dune, on se retrouve seuls dans un silence absolu et on admire les étoiles. Puis, nous voyons au loin des lumières : nos amis brésiliens arrivent.

À cette heure-ci, la température est clémente, c’est respirable. C’est ainsi qu’on part pour cette deuxième journée. Assez vite, nous n’avons plus besoin des lampes frontales du fait des premières lueurs du soleil. On s’arrête au sommet d’une dune pour observer le lever de ce dernier. L’horizon se pare de multiples couleurs. Le spectacle est fini, il est l’heure de continuer tant que le soleil n’est pas encore trop brûlant.

 Salutation au soleil 

Nous sommes étonnés de la variété des paysages : parfois ce sont des dunes de sable à l’infini, parfois une forte concentration de lagunes aux couleurs différentes, parfois des arbustes au loin. On parcourt d’anciens points d’eau asséchés, on s’enfonce dans des sables mouvants, on s’immerge jusqu’aux genoux, on sautille dans les herbes épineuses… On croise aussi des animaux : une chèvre, un cochon ou une vache au loin ! Quentin répète toutes les demi-heures « C’est grand » et Marion « C’est beau ». Bref, on est complètement babas.

Comme nous sommes un petit groupe, on est vite éloignés les uns des autres en fonction de nos rythmes et des arrêts photo des uns et des autres. Ainsi, on se retrouve très souvent complètement seuls à deux ou trois dunes des autres. Notre guide, lui, est toujours très, très loin devant ! Parfois on le distingue à peine ! Quant aux autres groupes qui font également le trek, nous ne les retrouvons qu’aux oasis ou parfois durant les pauses baignade ; mais globalement les guides sont attentifs à s’éloigner les uns des autres pour pouvoir expérimenter pleinement la sensation de solitude et plénitude qu’offre ce désert.

Vers 8 h du matin, il commence à faire chaud et cela fait quatre heures qu’on marche. Une trempette dans un cadre enchanteur est bien méritée.

On se demande tout au long du trek comment notre guide se repère. D’autant que tous les trois ans environ, les paysages changent par la force du vent qui déplace des dunes, en crée de nouvelles et en détruit d’autres. La réponse du guide « Ben je viens ici depuis des années, je suis amoureux de ce lieu. J’y viens même sur mon temps libre. Donc je le connais. » Okay, c’est tout !

Pour notre guide c'est facile... 
 ... nous on a plus de mal à se repérer

Des arbustes se font plus fréquents, on se dit qu’on va bientôt arriver vers l’autre oasis de ce désert : Queimada dos britos, où vit cette fois une trentaine de familles. À nouveau, l’arrivée est forte en émotions. On traverse d’abord une rivière avec de l’eau jusqu’à la taille. Puis on rejoint le village à proprement dit, où les maisonnettes sont éloignées les unes des autres. Des adultes vaquent à leurs occupations dans leur jardin ou se reposent dans leurs hamacs, des enfants jouent dans des bassines d’eau. On traverse un pont fait de bric et de broc pour atteindre la maison de la famille qui nous accueillera pour la nuit. Ils sont installés dans un cadre enchanteur au bord de la rivière de l’oasis. C’est très agréable et fleuri. On se sent vite chez nous. Nous choisissons nos hamacs et lisons jusqu’au repas.

Ce dernier, composé de l’éternel trio spaghetti-riz-haricots (non en vrai cette fois on a eu aussi des patates douces et même un dessert !), est l’occasion de mieux connaître notre groupe. On en apprend plus sur la vie de nos compagnons et sur leur région natale de Santa Catarina. Ils nous lancent quelques mots en français et on leur en apprend d’autres. Marion mange juste derrière une cane qui couve son œuf. On fait une sieste jusqu'à 16 h, confortablement installés dans notre hamac.

 Des canards et des cochons ! On est chez nous !

Puis, notre guide nous propose d’aller se baigner dans une lagune proche de l’oasis et d’y voir le coucher de soleil. Sur le chemin se trouvent de nombreux anarcadiers : on déguste donc plusieurs fruits de noix de cajou. On se prélasse ensuite plusieurs heures dans l’eau. On part explorer, seuls, les alentours. Quentin a un coup de foudre pour un endroit entre plusieurs arbustes. Il s’y projette et s’y voit construire sa petite maison et faire son petit jardin ! Et juste après, on voit un gros cochon au museau ensablé dévaler une dune, serait-ce un signe ?

Retour à l’oasis, douche puis repas (tiens ? Cette fois en plus trio habituel on a droit à une petite salade de crudités et à une délicieuse omelette aux légumes). Avant d’aller se coucher, on lève les yeux au ciel : la voie lactée est parfaitement visible depuis l’oasis ! Ça promet de beaux rêves…

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« Bom dia ! Vamos » nous susurre notre guide. Il est 2 h du matin et il nous faut déjà nous lever car nous avons beaucoup de kilomètres à faire aujourd’hui, et comme toujours, plus on en fait sans le soleil mieux c’est. On avale un petit déjeuner, on refait nos sacs et nous voilà prêts, équipés de nos lampes frontales. On traverse l’oasis qui est assez étendue. Après avoir quitté les petits chemins, nous arrivons sur les prémisses des dunes mais ici il y a des pierres coupantes sur lesquelles on peut vite se faire mal : les lampes nous sont donc bien utiles sur ce passage.

Puis nous retrouvons le sable : on se déchausse et on éteint les lumières. On va marcher ainsi dans le noir pendant plusieurs heures. Nos yeux s’habituent petit à petit. La lune et les étoiles nous éclairent. C’est une sensation unique. Hier déjà, nous avions l’impression de vivre quelque chose d’incroyable mais là c’est encore plus fort. Nous sommes hypnotisés par la beauté du ciel : on ne cesse de lever les yeux. D’ailleurs notre première pause après deux heures de marche est pour admirer la voute céleste. Une personne de notre groupe a une application qui permet de connaître les étoiles et planètes en présence, c’est fort utile !

Alors que le soleil va bientôt se lever, notre guide nous fait passer à travers plusieurs lagunes. C’est encore une fois magique à vivre : avancer dans l’eau dans le noir quasi complet sans savoir ce qu’il y a devant nous, ni sous nos pieds ! Après plusieurs traversées, parfois avec de l’eau quasi jusqu’à la taille, c’est l’heure d’un nouveau lever de soleil. On fait face à la lagune qu’on vient de traverser et qu’on va découvrir petit à petit que le soleil se lève.

La lagune que l'on vient de traverser de nuit 

Comme à chaque fois, on est hallucinés par la beauté du lieu mais aussi… par les poses-photos que font nos amis brésiliens. On profite de cet article pour vous dire que depuis que nous sommes au Brésil, on est ahuris par les clichés que font les locaux : en général, ils font 50 fois de suite la même photo dans des poses qui ne sont absolument pas naturelles. C’est un enchaînement de duckfaces, cambrures outrageantes, regards au loin, mises en scène… Et cela concerne tout le monde, pas besoin d’être le kéké du coin ! D’ailleurs, une des filles de notre groupe nous a gentiment proposé de nous prendre en photo, et ça n’a pas loupé : elle nous a demandé de nous mettre dans une posture pas spontanée du tout pour nous (de ¾, enlacés, regardant l’horizon…) : on a eu du mal à ne pas rire !

Bref, c’est pas tout mais c’est qu’on a encore pas mal de marche en perspective ! Cela fait déjà quatre heures que l’on trottine et il nous en reste encore autant. On repart donc à l’assaut de nos dunes et lagunes. On commence un peu à fatiguer. Il faut dire que la marche dans le sable est tout de même assez éprouvante physiquement : on s’enfonce à chaque pas et c’est encore plus fort dans les montées de dunes, parfois particulièrement pentues ! Heureusement, à chaque fois on a droit ensuite à une belle redescente en courant et c’est toujours aussi agréable !

A 7 h 30, on a l’impression qu’il est midi, le soleil est déjà chaud et on a faim. Heureusement on s’enfile des snacks qu’on s’était emportés pour retrouver un peu d’énergie. Nous faisons une première pause dans une lagune qui abrite des arbres morts, rajoutant du cachet au paysage.

Direction ensuite une autre petite merveille naturelle. Les couleurs de l'eau y sont incroyables. C’est vraiment paradisiaque. Sauf peut-être les centaines de petits poissons qui viennent nous grignoter les peaux mortes du corps : on a droit à un fish spa gratuit !

Les paysages traversés cette dernière journée sont encore plus beaux. On pourrait penser que le trek est monotone mais il n’en est rien : les vues ne se ressemblent jamais et les lumières changeantes apportent de nouvelles perspectives. On ne s’en lasse pas. Ces longues heures à arpenter le désert sont l’occasion de clarifier sa pensée et surtout de vivre le moment présent. On a la sensation de se sentir vivre, de vivre pleinement.

L’arrivée au village de Betania signe la fin du trek : il y a une rivière orangée à traverser, au loin un homme qui se lave dans le fleuve et des enfants qui jouent dans l’eau. Nous sommes heureux de prendre un repas copieux et de nous poser dans les hamacs à disposition à côté de l’unique resto du « village ».

Puis on quitte notre groupe qui va continuer par un autre chemin. Pour notre part, on va rentrer sur Barreirinhas. Pour cette fin de journée, on rejoint d’autres personnes qui font une excursion à la demi-journée et retournent ensuite en ville. On retrouve les 4x4… et le monde. Adieu les espaces infinis, adieu la solitude.

On fait une bonne pause dans une belle lagune où Marion discute avec les autres femmes, très sympathiques. Puis c’est l’heure de la désormais classique pause pour le coucher du soleil au sommet d’une immense colline. Comme c’est la dernière fois qu’on est dans ce désert, on en profite : on dévale la dune joyeusement, on la remonte difficilement ; Quentin fait des sauts dans le sable. Les Brésiliens, eux, prient en se tenant la main face au soleil.

On retourne à notre 4x4. Le désert s’arrête et on l’on retrouve les routes goudronnées. On change de véhicule pour rentrer à Barreirinhas et ce retour va s’avérer on ne peut plus folklorique ! Comme le chauffeur nous dit qu’il va y avoir beaucoup de vent et que le trajet va durer 1 h 30, il nous conseille de tous monter dans la voiture et non sur les sièges en extérieur. On se retrouve donc à 5 sur la banquette arrière et ça secoue… Marion écrase Quentin et se cogne la tête au plafond ! On finit par craquer au bout d’une demi-heure. On va s’installer en extérieur même si on nous prévient « qu’il va y avoir énormément de vent ». On se dit qu’avec nos pulls ça fera l’affaire. Heu, non pas du tout ! À 60 km/h en fait ça souffle vraiment fort. On s’abrite donc en se mettant dans des positions improbables et toutes inconfortables : un coup la tête sur les genoux pour être abrités par les sièges de devant, un coup carrément allongés au sol, un coup en position fœtale… En plus ça secoue énormément, donc on s’agrippe fortement ! Avec le vent puissant, impossible de garder les yeux ouverts, surtout pour Marion qui porte des lentilles : elle fera tout le trajet les yeux fermés. Cela aurait pu être horrible et éprouvant, mais en fait on trouve cela tellement typique et incroyable qu’on en rit sur le coup, et toujours aujourd’hui en y repensant. Sacrée aventure !

Nous voilà arrivés en ville, on pose le pied au sol, tiens ce n’est plus du sable… (snif) et l’on rejoint notre petit hôtel. Un petit burger enfilé, histoire de changer un peu d’alimentation, et nous voilà déjà au lit : c’est qu’on s’est levés à 2 h du mat’ et parcouru 14 km en plein désert aujourd’hui ! On est tristes de se dire que le trek – d'un total de 60 kilomètres – est fini mais on n’en revient pas de ce qu’on vient de vivre ces derniers jours. Tout était incroyable, presque irréel. En un mot : inoubliable…

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