À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis trois ans en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

Carthagène des Indes

Surnommée « la Perle des Caraïbes », Carthagène est un haut-lieu de l’Histoire de la Colombie. Son centre colonial, ses murailles et sa forteresse témoignent de son passé glorieux.
Mai 2025
10 jours
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Hé oui. Nous savions tous que ce jour allait arriver.

Carthagène marque l’extrémité nord du continent et donc notre destination finale en van. C’est ici que l’aventure s’arrête pour notre fidèle destrier. Du moins, avec nous…

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Nous avions mis Olinda en vente il y a plusieurs semaines et, fait incroyable, la première touche fut la bonne ! Nous avons en effet été contactés par Marie, une jeune franco-espagnole qui vit en Argentine, et qui a eu un coup de foudre pour Olinda (comme on la comprend). Elle rêvait d’un grand voyage depuis plusieurs années et cherchait un véhicule pour cette aventure. Le van lui plaît tellement qu’elle l’achète à distance, sans même l’avoir visité et qu'elle est prête à venir le récupérer en Colombie. Dans les semaines qui suivent, nous échangeons pour régler les questions techniques de cette vente qui se fera en dehors du pays d'origine d'Olinda. Le rendez-vous pour la passation est pris pour début mai, sur la côte colombienne, dans la grande ville de Carthagène.

Nous avons réservé un hôtel avec parking pour être tranquilles pour finaliser les derniers détails

Dans l'attente de laisser à Marie notre petite Olinda, nous avons réservé un hôtel dans la ville pour pouvoir la vider et la nettoyer à notre rythme. Nous nous activons donc entre ménage et tri des affaires. Puis, nous donnons enfin rendez-vous à Marie. C’est donc ici à Carthagène que nous nous rencontrons pour la première fois Marie et qu'elle découvre enfin Olinda. Le coup de cœur est évidemment confirmé.

Évidemment, il faut rendre tout ça propre ! 

Pour finaliser la vente il nous faudra une dizaine de jours en tout. Nous vous épargnons les détails administratifs. Sachez juste que pour vendre une voiture chilienne en Colombie entre citoyens européens, c’est une série de paperasses à imprimer, à signer, à apostiller, à scanner, à transférer, à re-signer, à re-scanner, à re-transférer, ponctuée de passages chez le notaire. Heureusement, nous avons été aidés dans cette démarche par l’agence chilienne qui avait gardé Olinda pendant sept mois entre nos deux passages en Amérique du Sud. Il aurait été impossible de faire cette vente sans eux.

Après la première prise de contact pour faire découvrir à Marie la voiture, nous nous donnons rendez-vous sur un parking pour les tests de conduite et un long briefing. Nous avons préparé un petit classeur qui résume tout ce que nous avons appris sur Olinda pendant ces deux années à bord : fonctionnement du moteur, historique des réparations, des vidanges et des graissages, conseils d’entretien, liste des pièces détachées, liste des mécanos spécialisés en combi dans tous les pays traversés… Pour peu, on se transformerait presque en représentants des ventes pour combi. Marie peut prendre connaissance de tout ça à son rythme et tester le véhicule.

Au bout d'un peu plus d'une semaine de démarches administratives, nous recevons les papiers finaux. C’est officiel, Olinda ne nous appartient plus.

Dernier câlin... 

Il est temps de faire la passation et un dernier câlin à Olinda. Marie prend les clés et rejoint son hôtel à bord d'Olinda et nous rentrons en taxi. Ça y est nous sommes redevenus des voyageurs classiques ! Mais finalement ce n'est pas notre dernier au revoir. Comme l’hôtel de Marie n’a pas de place de stationnement, elle préfère laisser Olinda dans la cour fermée de notre hébergement. Durant une journée entière, nous aurons encore notre tuture sous les yeux. À chaque passage sur le balcon, on reste plantés en la regardant et en poussant de longs soupirs.

Le lendemain, Marie arrive pour prendre Olinda et commencer son périple... Un dernier vrombissement au démarrage. Une dernière manœuvre. Et Olinda disparaît bientôt. On entend encore un peu les pout-pout-pout si caractéristiques de son pot d’échappement, alors qu’elle remonte la rue, et puis plus rien.

Voilà. Cette fois, c’est bel et bien fini. Olinda est partie vers de nouvelles aventures. On reste un moment sur le balcon à se regarder. Puis, sans rien dire, nous regagnons notre chambre.

Nous avons choisi de ne pas nous étendre ici sur ce que nous avons ressenti à ce moment-là. Nous préférons garder tout ça pour notre dernier carnet, qui sera un bilan de cette deuxième année en Amérique du Sud. Mais clairement une page se tourne...

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Dans Olinda nous avions accumulé quelques affaires. Nous n'avons pas envie de surcharger nos sacs à dos pour nos dernières semaines en Colombie. Vêtements, matériel artistique, peintures… essayons de vendre tout ça avant de quitter la ville ! Mais vous nous connaissez, Canard et Cochon sont loin d'être des négociateurs hors-pair.

Première étape : on descend avec le maximum d’objets dans le hall de notre hôtel. Les femmes de ménage nous ont vu trafiquer les derniers jours dans notre van, elles savent que nous venons de vendre notre maison-roulante. On leur expose donc le tout (jeans, T-Shirt, pull, peignoir, coquillages peints, peintures de Quentin…) et elles sont ravies ! « Vous avez raison, il ne faut rien jeter, tout ça peut encore servir, et les œuvres sont aussi très jolies, merci beaucoup pour tout ça ! » Et les dames emportent le tout sans autre forme de procès. On ne s’y attend tellement pas qu’on se retrouve comme des cruches, sans oser les rattraper pour leur dire que c’était à vendre et pas à donner…

Heu... et on vous fait un bon prix, bien sûr... 

Bon, pas de chance à l’hôtel ! Pour le reste, qui est essentiellement constitué du matériel artistique, nous allons en ville pour tenter de le vendre dans les nombreuses boutiques d'art. On embarque une quinzaine de bombes de peintures, des pinceaux, des outils, le porte-bracelets de Marion… Pour faire court, on est nuls de chez nuls. Nous n’avons pas vraiment idée des prix, et on propose (quand on y arrive) des tarifs visiblement ridicules. La plupart des objets partent gratuitement sur un malentendu, et le reste est bradé pour moins de dix euros. Nous aurons quand même la satisfaction de laisser le meilleur du matériel à un petit vieux qui tient un atelier de sérigraphie et qui semble presque ému de faire une si belle affaire.

Canard et Cochon businessmen, ce n’est pas pour demain. Mais peut-être que si nous revenons un jour à Carthagène, nous verrons une peinture de Quentin accroché à un mur…

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C’est l’heure des visites ! Mais avant, il faut revenir sur l’histoire si riche et si particulière de Carthagène des Indes, et du rôle qu’elle joua pour l’Empire espagnol.

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Si la zone est peuplée depuis longtemps par différents peuples autochtones, c’est en 1501 que les Espagnols « découvrent » la baie. La ville est officiellement fondée en 1533 par le conquistador Pedro de Heredia.

Dès 1550, Carthagène devient, par sa position stratégique, le pivot de tout le système colonial : elle est le port d’attache de la Flotte des Indes, en charge de l’envoi des ressources vers la métropole : des tonnes d’or et d’argent (notamment celles extraites de Potosí, rappelez-vous), mais aussi pierres précieuses, perles, produits agricoles (tabac, café, maïs, sucre…) Tout ce qui est produit en Amérique du Sud atterrit dans les quais de Carthagène avant d’être expédié vers Séville ou Cadix. On vous laisse imaginer la richesse des entrepôts ! Seul Veracruz, au Mexique et donc en charge de la production en Amérique Centrale, tiendra un rôle similaire dans le Nouveau-Monde.

C’est aussi une plaque tournante de la traite négrière. La main d’œuvre autochtone étant décimée par les maladies importées par les colons et tuée à la tâche des travaux forcés, très vite, les Espagnols font appel aux esclaves africains. Le port de Carthagène est donc aussi un port négrier où sont déportés des milliers d’esclaves qui sont ensuite répartis partout dans les colonies espagnoles.

Carthagène devient également le port d’attache de l’Armadille, la flotte militaire chargée de faire respecter le monopole commercial des Espagnols dans les Caraïbes. Elle tient d'ailleurs le rôle de forteresse et d’arsenal.

Évidemment, face à tant de richesses amassées, la Perle des Caraïbes devient la cible de toutes les convoitises. Durant plusieurs siècles, elle subit de nombreuses attaques de pirates et de corsaires, dont le Français Robert Boal en 1543 et le célèbre Anglais Sir Francis Drake en 1586.

Mais la ville connaît surtout deux batailles majeures. En 1697, la France lance l'expédition de Carthagène : avec le soutien de Louis XIV, le corsaire Jean-Bernard de Pointis arme une flottille pour prendre la cité espagnole. Son génie tactique aboutit à une victoire totale : les forces espagnoles sont écrasées, la ville pillée, les fortifications détruites et le butin colossal. C’est un traumatisme pour la couronne d’Espagne, qui se voit forcée de signer le traité de Ryswick : contre la restitution de la ville (ou du moins ce qu’il en reste…) la France obtient la partie ouest de l'île de Saint-Domingue, qui deviendra la colonie d’Haïti.

Une autre expédition n’aura pas ce succès. En 1741, dans le cadre d’affrontements au long cours avec l’Espagne dans les Caraïbes, l’Angleterre charge le vice-amiral Edward Vernon de faire le siège de Carthagène. Des opérations amphibies sont menées pendant trois mois pour tenter de faire plier la ville. C’est un échec total pour les Britanniques : ils perdent 50 navires et 18 000 hommes, et sont rapidement contraints de se replier jusqu’en Jamaïque. Carthagène gagne à cette occasion le surnom de « Cité Héroïque », dont elle se vante encore aujourd’hui.

Avec les guerres d’indépendance de la Couronne Espagnole, Carthagène perd son rôle stratégique. Elle sera encore le témoin de nombreux évènements, notamment lors des troubles internes qui suivent les révolutions sud-américaines. Mais son âge d’or est derrière elle. Elle s’assoupit alors que les centres de pouvoirs se déplacent progressivement à l’intérieur des terres. Il faut attendre la fin du XXème siècle pour que son potentiel touristique soit redécouvert… et rapidement exploité !

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La visite du musée naval retrace merveilleusement l’historique de la construction des défenses, mais surtout la chronologie et la stratégie des nombreuses attaques que subit Carthagène.

Le château Saint-Philippe, que nous allons bientôt visiter 

Une partie est également consacrée à la marine moderne, mais il faut reconnaitre que l’imagination galope beaucoup plus vite au pied d’un vieux galion qu’en face d’un sous-marin. Quentin, qui vibre aux grandes légendes de l’âge d’or des Sept Mers, peut rester des heures devant une maquette ou un plan...

Cochon est peut-être né quelques siècles trop tard... 
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Forte de cette histoire, Carthagène affiche logiquement un patrimoine exceptionnel. D’ailleurs, elle est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984.

Nous déambulons des heures dans le centre-ville délimité par les remparts, qui déborde d’imposantes bâtisses, de balcons en bois, de portes cyclopéennes, de vieilles églises, de jolies places…

À l’inverse des villes modernes latino-américaines souvent sans âme, sans charme et sans harmonie architecturale, ici la cité est véritablement un petit bijou. Les rues colorées et fleuries nous mènent vers des places toutes plus somptueuses les unes que les autres. Canard passe son temps l’appareil photo dans la main, à tenter d’immortaliser la beauté de Carthagène.

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C'est aussi à Carthagène que Marion fête ses 35 ans. Pour marquer le coup, nous déjeunons dans un bon resto, dégustons une excellente glace et terminons par un petit gâteau à l’hôtel !

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Même si nous sommes envoutés par la beauté de cette ville, on ne serait pas objectifs en faisant l'impasse sur une autre réalité. La forte fréquentation touristique a eu tendance à faire disparaître la vie locale de l'hyper centre. Les belles rues sont remplies de bars à la mode, de restaurants chics, de boutiques de luxe ou d'agence de voyages, et nous n'avons pas l'impression de croiser beaucoup de véritables habitants. C'est sans doute la rançon du succès...

Enfin, si Carthagène est un haut-lieu du tourisme, c'est aussi pour de mauvaises raisons. La ville est malheureusement réputée pour son trafic sexuel et de drogue. Si personne n'a l'outrecuidance de nous proposer des relations tarifées, Cochon sera quand même abordé par un margoulin, déguisé en vendeur de souvenirs, qui lui proposera de la cocaïne avec insistance (il le suivra pendant dix mètres, tout de même...) Quentin se sent profondément insulté, il a une tête de toxico ou quoi ?

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Bien sûr, nous faisons le tour des fameux remparts ! Construits sur deux siècles, qu’ils sont imposants. Pensez-donc : 11 kilomètres de longueur (dont 8 sont encore debout !), 15 bastions, des dizaines de canons… Cette œuvre colossale, initiée par le gouverneur Pedro de Acuña dès 1595, devait protéger la Perle des Caraïbes des innombrables attaques. Aujourd’hui, c’est une agréable promenade qui alterne les vues sur la mer, les toits de la vieille ville, ou les gratte-ciels à l’horizon. Du haut de ces pierres, quatre siècles nous contemplent.

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Vous avez été impressionnés par la taille des murailles ? Vous n’avez encore rien vu ! Il est temps de se rendre dans la plus grande forteresse jamais construite par les Espagnols en Amérique : le château de San Felipe de Barajas.

Ce dernier a été bâti sur une colline, emplacement stratégique, qui permettait de contrôler tous les accès à Carthagène, que ce soit par terre ou par mer. Comme toutes les fortifications, il a connu plusieurs évolutions. Si le site original date de 1536, l’essentiel (dont le fortin) fut édifié entre 1639 et 1675. Des batteries supplémentaires de canons sont ajoutées en 1763 et un réseau de souterrains en 1769.

Au-delà de ses 63 canons, de ses murailles d’une épaisseur phénoménale et de son emplacement ingénieux, San Felipe présentait une stratégie de défense originale : chaque batterie de canons était dirigée vers l’extérieur… mais aussi vers les autres batteries. Pour envahir le château, il fallait donc prendre le contrôle de toutes les batteries simultanément, sous peine de se voir pilonner immédiatement ! Mission impossible pour les assaillants ; ce qui explique que la forteresse n’a jamais été prise.

En 1821, devenu inutile suite à l’indépendance du pays, le château est abandonné, avant de retrouver des couleurs au XXème siècle à des fins touristiques. C’est aujourd’hui un symbole de Carthagène.

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Nous avons hâte de découvrir cette merveille. Nous observons d’abord l’imposante forteresse de loin. L’édifice est vraiment gigantesque, et de forme saugrenue, comme un empilement de plusieurs couches de briques et de pierres.

Imposant ! 

Nous voici au pied de ce géant. C’est sous un soleil cuisant que nous entamons notre déambulation le long des remparts. En faire le tour nous permet de prendre véritablement conscience des proportions de l’édifice : les murs sont incroyablement hauts et larges !

Du sommet, la vue est splendide. Encore une fois, quel étonnant spectacle, typiquement sud-américain, de voir s’enchaîner les murailles de pierre, des maisons basses colorées et au loin une ligne d’horizon bardée d’immeubles.

Nous continuons notre pérégrination en nous enfonçant dans les fameux tunnels qui servaient de ligne de défense et d’évacuation. Nous sommes étonnés de leur longueur et c’en est presque oppressant. Au bout de l’un des souterrains, la lumière s’arrête et on ne sait plus si nous devons continuer ou rebrousser chemin. Quand l’eau croupie devient trop haute, nous comprenons qu’il est temps de faire demi-tour…

Oups, pardon ! On ne voulait pas déranger... 

La visite se termine par le minuscule fortin posé au sommet du château. C’est étonnant de voir une baraque aussi petite pour un monument si grand. L’endroit est aujourd’hui reconverti en boutique qui vend des souvenirs.

Vraiment, que cette visite était impressionnante !

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Entre son histoire très riche, son centre préservé, ses murailles imposantes et son château si massif, on peut dire que Carthagène des Indes mérite largement sa réputation.

Notre séjour ici s’achève. C’est avec un gros pincement au cœur que nous quittons la Perle des Caraïbes… en bus. Nous voici redevenus des piétons alors que notre fidèle destrier roule vers de nouvelles aventures.

Mais évitons de nous appesantir, d’autant que ce n’est pas encore l’heure du bilan. Les aventures de Canard et Cochon en Colombie ne sont pas tout à fait terminées. Pour preuve, nous retournons à présent dans les terres pour apprendre l’agroforesterie dans un volontariat et nous finirons notre découverte du pays par sa capitale Bogotá.