À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis 2 ans, en sac à dos ou à bord de notre Combi, en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

Aux alentours du volcan Osorno

Encore des volcans ? Mais oui ! Cette fois-ci dans la région d'Osorno, terre d'immigration de milliers d'Allemands au XIXe siècle. La Germanie au Chili, c'est dans ce carnet !
Décembre 2022
7 jours
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Nous voici dans la région du volcan Osorno, posé au pied de l’immense lac Llanquihue. Pour comprendre pleinement les lieux que nous allons vous présenter, il faut revenir rapidement sur leur histoire particulière.

Tout commence en 1845 : le président Chilien d’alors, Manuel Bulnes, entend « incorporer » les terres situées entre Valdivia et Concepción, à cette époque encore occupées par les autochtones Mapuches. Il lui faut pour cela attirer des populations pour coloniser la zone. Les Chiliens, qui gardent le souvenir de résistance mapuche, sont un peu rétifs… Qu’à cela ne tienne : le gouvernement fera appel aux étrangers. Sous la houlette d’intermédiaires européens, 200 familles d’Allemands sont alors invitées à venir s’installer. En échange de leur venue, le gouvernement leur cédera à chacun des terres et fournira des outils, des animaux, des semences… Quelques années plus tard, ce sont donc des milliers et des milliers d’Allemands qui ont quitté leur région natale, doublement frappée par la famine et par l’autoritarisme politique. Ils essaiment dans toute la région des lacs. Puerto Octay, Frutillar, Puerto Montt, Melipulli, Puerto Varas : les patelins poussent comme des champignons et nos braves Teutons modèlent le paysage. Les maisons sont des chalets en bois, identiques à ceux de Bavière, d’Autriche ou de Suisse ; les brasseries artisanales fleurissent ; on engloutit des strüdel et des kuchen ; des églises luthériennes au toit pointu se dressent désormais dans chaque ville… Même si aujourd’hui, l’hispanité est passée par là, on ressent encore à chaque coin de rue cette influence si particulière qui nous ramène sur le Vieux Continent.

 Ich bin ein chilenisch !
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Le lac Llanquihue est cerclé de petits villages. Nous voici au premier : Puerto Octay. Notre balade nous mène d’abord sur les hauteurs de la ville, pour une succession de panoramas.

En redescendant, on voit de nombreuses maisons typiques, dont l’une abrite le musée municipal, qui retrace avec détails l’histoire que nous venons de vous résumer. Pour la pause du midi nous mangeons dans une barraque en bois, monument historique aujourd’hui converti en restaurant. Cédant aux sirènes du localisme, nous y dégusterons du saumon (comment ?!), en ceviche pour Marion et à la planche pour Quentin.

La promenade digestive se fait le long du lac, très bien aménagé et devant lequel nous avons garé Olinda.

Enfin, nous terminons la journée en gagnant à pied une presqu’île de l’autre côté de la baie. De là s’offrent à nous des vues sur le volcan, le lac et le village au loin. Malheureusement il fait gris et la visibilité n’est pas optimale. Il pleuvra toute la nuit mais nous serons bien au chaud dans le van ! Le lendemain, le volcan se dévoilera un peu.

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Nous profitons d’une éclaircie pour rejoindre Frutillar, petite station balnéaire en face du du volcan Osorno. Notre déambulation nous confirme l’impression de la veille : église luthérienne, maisons en bois, pâtisseries… tout résonne d’une certaine germanité. Voulant nous imprégner, on avale quelques kuchen

Frutillar offre également un beau front de lac, sur lequel est posé un étonnant théâtre ! Inauguré en 2010, c’est la plus grande salle de concert ouverte au Chili depuis 60 ans ; elle peut accueillir des orchestres symphoniques et des opéras. C’est l’un de lieux artistiques les plus renommés du pays. Dommage, aucun spectacle n’est programmé ce soir-là.

 La vue depuis le théâtre !

Nous visitons le musée de l’Histoire de la ville, encore une fois consacré à l’immigration allemande. On peut admirer des anciennes machines agricoles, des reconstitutions d’habitations, une forge, un moulin…

Une très jolie jetée en bois s’avance dans le lac face au volcan. Nous nous y promènerons à plusieurs reprises pour jouir des différentes lumières sur l’eau. Nous dînons face au coucher de soleil. On s’enquille évidement encore un kuchen.

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Puerto Montt est la dernière grosse ville chilienne avant le début de la Caretera austral, la célèbre route qui descend le long de la Patagonie. Cette région est étendue et relativement déserte. Peu de chance d’y trouver autant de garages et de pièces détachées que jusqu’à présent. Avant de s’y engager, il est donc nécessaire de faire une révision complète du van pour s’assurer que nous partons dans les meilleures conditions. De plus, nous avons quelques bricoles à vérifier : notre indicateur de vitesse fait un bruit étrange une fois passés les 65 Km/h ; on voudrait s’assurer que l’essuie-glace est bien réparé ; et bien entendu faire notre première vidange d’huile. À voir également si on ne peut pas retirer les pompes à eau que nous n’utilisons pas.

Nous trouvons les coordonnées de Leonardo, un mécanicien spécialisé en combi. Quelques recherches sur Internet nous apprennent qu’il s’agit d’un ancien ingénieur piscicole, passionné de mécanique et qui a quitté son emploi pour retaper des vieux véhicules. Lorsque l'on prend contact, il nous propose de loger chez lui le temps de faire les réparations, ce que nous acceptons volontiers. Il nous accueille chaleureusement et nous montre avec fierté le mur de sa cuisine : des dizaines de touristes, venus faire réparer leur combi et ayant habité avec lui quelques jours, y ont griffonné des mots de remerciements depuis des années. – Vous aussi, j’espère que vous y rajouterez quelque chose ! Ce sera avec plaisir, mais aurons-nous le temps ? Nos bricoles ne devraient prendre que quelques heures… HAHAHA, pauvres fous que nous sommes, nous aurons évidement le temps car en fin de compte nous resterons cinq jours sur place !

En effet, si Olinda est globalement en bon état, Leo trouve aussitôt beaucoup de choses à régler. Des joints sont usés, des tuyaux sont encrassés, des fils sont déconnectés… Nous découvrons à cette occasion que nous pouvons en fait facilement remettre en état de fonctionnement le klaxon, les feux de route, le feu rouge arrière, la lumière sur le tableau de bord, les voyants… Toutes ces choses que les anciens proprios nous avaient dit ne plus être fonctionnelles et « difficilement réparables ». Vouais vouais vouais… et mon popotin c’est du kuchen…

 J'ai pas l'air, mais j'aide vachement !

Le temps de faire les travaux, nous sommes donc logés gratuitement dans une des chambres de la maison. Léo a en effet quatre enfants, qui sont maintenant grands et ont quitté les lieux. Comme il vit à présent seul, il apprécie la compagnie des touristes. En échange du gîte (avec douche chaude et toilette, le luxe !), le deal est de préparer la nourriture pour tout le monde à tour de rôle, car il n’y a pas que Léo sur place. Il travaille avec Pancho, un ancien client devenu assistant. Il y a également Nicolas, un jeune Chilien qui répare son combi et vit ici depuis plusieurs semaines. Au cours de notre séjour, nous serons rejoints sporadiquement par d’autres personnes, clients ou amis, pour un soir ou pour plusieurs jours. Ce sera une ambiance particulière : on aura l’impression d’être revenus en coloc’ !

Y'en a des combis dans le coin ! 

Nous sommes arrivés en fin de matinée, le déjeuner approche et c’est à nous de le préparer. Après quelques courses, nous concoctons une salade grecque, avec pain pita, houmous, caviar d’aubergine et verrines de pêche au yahourt. Horaire chilien oblige, le déjeuner se tiendra à 16 h ! Tout le monde se régale et nous profitons du reste de la journée pour trier nos photos et avancer le blog.

 La vie en communauté

À 22 h, alors que nous pensons passer à table, on se fait appeler : – chicos, il y a besoin d’aide ! Que se passe t-il donc ? Un couple de retraités chiliens vient d’arriver. Leur combi est en rade : il ne peut plus passer que la première vitesse ! Même pas de marche arrière. Pour se garer devant chez Léo, il va falloir pousser. Et nous voilà donc, en pleine nuit et dès notre arrivée, à pousser tous ensemble un combi dans la rue ! Quelle soirée atypique. Le dîner se fait avec les restes des uns et des autres, et en ajoutant une table à celle de la cuisine, devenue trop petite !

 Le lendemain midi : Quentin, Nicolas, Pancho, Léo, le couple de retraités, Marion

Les jours suivants, nous faisons notre petite vie dans cette auberge espagnole. C’est l’occasion de laver du linge : nous étendons nos draps et nos slips dans l’atelier, au milieu des moteurs et des châssis ! On avance les sauvegardes en ligne des photos, on affine le suivi du budget… À chaque repas, nous écoutons les histoires de Léo, qui est un conteur hors-pair. On apprend qu’il travaillait sur l’île de Chiloé dans l’industrie du saumon. Face aux magouilles et pratiques néfastes pour l’environnement et la santé des consommateurs, il a quitté son travail. Il nous partagera à plusieurs reprises des anecdotes de cet ancien emploi : des histoires surnaturelles dont il a été témoin sur l’île de Chiloé ou dans les fjords de Patagonie, des séjours en Norvège avec des collègues, etc. On aura aussi droit à des histoires drôles concernant sa famille et d’autres « combinautes » venus chez lui. On vous précise au passage que Léo est de la famille de Violeta Parra, une des plus célèbres chanteuses chiliennes, et qu’il a nommé son combi en son honneur.

Skip spécial huile de moteur 

Dès qu’il travaille sur quelque chose, Leonardo nous explique le pourquoi du comment. On apprend beaucoup sur la mécanique du combi et on donne des coups de main à l’occasion.

Ca fait comme un vide 

Un beau matin, patatras, on découvre que notre système d’échappement est percé de part en part, d’où le bruit énorme de notre auto et la forte odeur d’essence. Léo propose initialement de le remplacer gratuitement par une pièce usagée, récupérée sur un autre combi. C’est ok pour nous ! Malheureusement, cette pièce est trop usée pour se souder à notre système. Alors, bien gentiment, notre mécano propose son propre système d’échappement, qu’il avait commandé pour son combi et qui a mis six mois à être livré ! Les clients sont prioritaires. Et nous voilà avec un pot et un catalyseur flambants neufs.

Ha oui, c'est mieux 

Léo retirera également les pompes à eau inutilisées, et changera notre plomberie qui avait des fuites. Le carburateur sera ajusté, le filtre à air soufflé, les joints de culasse et des fusibles remplacés, le parechoc arrière refixé… Bref, Olinda se refait une beauté complète au cours de ces cinq jours. Ce sera également quelque chose de voir notre moteur sorti du châssis et posé devant nous, avant de le nettoyer tous ensemble et de le voir replacé dans le combi !

 Vroup vroup

Pour info, l’ensemble des travaux sur ces cinq jours, main d’œuvre et pièces comprises, nous a coûté moins de 350 euros. On imagine facilement qu’en France, il aurait fallu ajouter un « 1 » devant.

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Olinda ayant été immobilisée plusieurs jours, nous avons occupé notre temps libre pour aller visiter les alentours. Les déplacements se faisaient en bus ou en taxi, nous ramenant dans notre « vie d’avant ».

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Nous commençons par le centre-ville de Puerto Montt. Ce dernier se révèle moche et sans intérêt. Les bâtiments n’offrent rien de beau, et tout le front de lac est en travaux. Nous trouvons le quartier résidentiel de Léo plus joli, avec ses petites maisons colorées et proprettes. Heureusement, quelques miradors sur les hauteurs nous permettent d’admirer les Andes et le début de la Carretera austral.

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Un autre jour, nous visitons Angelmo, minuscule port de pêche en banlieue de Puerto Montt. Nous pouvons y voir toute une tribu de gros loups de mer, qui attendent patiemment que les pêcheurs du coin leur distribuent les restes. C’est impressionnant de les voir d’aussi près !

Nous partons ensuite à la découverte de l’île Tenglo, juste en face. Après y avoir été débarqués à la rame par une mamie locale, nous arpentons cette petite île pendant deux heures. Ses sentiers alternent rapidement entre collines broussailleuses, prairies peuplées de vaches ou chevaux et plages désertes.

On déjeune au cimetière marin, avec une très belle vue sur la baie et au loin les montagnes de Patagonie. On réalise qu’on sera de l’autre côté dans deux semaines…

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Enfin, nous visitons un dernier jour la ville de Puerto Varas, posée au bord du lac Llanquihue comme ses voisines Frutillar et Puerto Octay. Nous trouvons la bourgade plutôt mignonne et agréable. Ses rues quadrillées, avec ses chalets et ses boutiques de trekking, lui donnent un air de petite Suisse.

Nous déjeunons dans un restaurant au bord du lac, avec une vue imprenable sur le volcan. C’est le jour de la Coupe du monde de football, diffusée au même moment sur tous les écrans de l’établissement. D’ordinaire peu porté sur le foot, Quentin sera peu à peu absorbé par le match, pour finir complétement extatique jusqu’à la dernière seconde de cet affrontement qui se révèle finalement fou. La tragique séance de tirs au but manque d’avoir raison de ses nerfs, et il est un peu triste que l’équipe de France n’accroche pas de troisième étoile à son maillot. Pendant tout ce temps, Marion qui ne partagera pas l’émotion inopinée de Quentin, restera à admirer le volcan. En sortant du repas, plusieurs voitures d’Argentins défilent dans les rues avec des maillots et des drapeaux.

Chacun son truc 
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Aujourd’hui, nous quittons le mécano pour rejoindre le volcan Osorno que l’on voit en permanence depuis une semaine. Nous sommes un peu tristes car nous nous étions habitués à la vie avec Léo qu’on considérait un peu comme un "tonton chilien". Pour autant, nous avons très hâte de poursuivre l’aventure avec le van et retrouver la liberté folle que ce type de voyage permet. Avant de partir, on inscrit notre propre mot de remerciement sur le mur la cuisine !

Nos premiers kilomètres nous semblent étranges : on ne reconnaît pas le bruit du moteur d’Olinda. Depuis que l'on a un nouveau catalyseur et que le carburateur a été réglé, elle est bien plus discrète ! On s’entend même parler dans la voiture…

La route devient particulièrement belle à l’approche du volcan : on a de la chance car le ciel est en grande partie dégagé. Nous nous lançons sur la petite route qui sinue jusqu’à son sommet. Les pentes sont recouvertes de fleurs sublimées par les lumières du soleil déclinant. On va faire 8 kilomètres en seconde vitesse : c’est l’occasion de profiter pleinement de chaque nouveau point de vue sur le volcan.

Un peu avant d’arriver au sommet, on trouve un mirador qui donne sur le lac en contrebas. On décide d’y passer la nuit. Juste avant de dîner, on admire un magnifique coucher de soleil sur le lac. Nous ne sommes pas seuls : un petit renard gris semble très intrigué. Il s’approche prudemment, puis nous tourne autour pendant de longues minutes, s’avançant de plus en plus. Il est vraiment mignon avec ses petites oreilles et sa queue qui balance. Finalement, il repartira nonchalamment dans un bosquet.

Le lendemain, c’est sous un temps couvert que nous atteignons le « sommet ». Il s’agit en réalité du terminus pour les voitures. La suite de la montée se fait avec les télésièges. Il y a un vent phénoménal, on a du mal à ouvrir les portes de la voiture ! Les nuages recouvrant tout à partir de cet endroit, nous n’effectuerons pas le reste de l’ascension.

La redescente du volcan est sublime. En effet, du fait de la météo instable, des endroits très ensoleillés contrastent avec les montagnes sombres où l’orage menace. On a l’impression de contempler plusieurs paysages simultanément, ce qui ajoute à la féérie d’Osorno.

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Nous mettons les voiles en direction d’une vallée où coule le fleuve Petrohue, connu pour sa couleur bleu canard WC (coin) ! C’est sous un ciel sombre que nous arrivons au parc national Vicente Perez Rosales. Ce dernier offre plusieurs petits sentiers en bord de rive.

 En prime, on est tombés sur la mascotte des parcs nationaux qui fait sa tournée !

Le premier chemin donne sur les cascades et les rapides. Malgré l’absence de soleil, on est frappé de voir l’eau si turquoise. Avec la montagne enneigée derrière et les roches noires volcaniques autour, la couleur ressort encore plus.

Le second sentier mène au bord de la rivière ainsi qu’à une mini lagune. Malgré la pluie, les paysages restent photogéniques.

Après un dernier coup d'œil à la rivière, nous arpentons la forêt humide à travers la dernière randonnée du parc.

Il est à présent temps de rouler jusqu’à Petrohue, dernière localité de cette route magnifique qui serpente le long du fleuve. Pour ceux qui souhaitent continuer plus loin et traverser les Andes pour rejoindre l’Argentine voisine, pas le choix : le bateau est nécessaire. De notre côté, comme nous ne changeons pas tout de suite de pays, nous ferons le chemin en sens inverse.

Nous atteignons le village en début de soirée. Il s’agit en réalité d’un minuscule hameau, organisé autour d’un rond-point et composé d’un hôtel, d’un camping, d’une supérette, d’un mini-musée et d’un port. Quelques maisonnettes complètent le tableau. On peut en faire le tour à pied en quelques minutes. On sent que nous avons atteint la fin de la route. Nous stationnons Olinda le long d’une gigantesque plage de sable noir, au pied d’une forêt touffue.

Nous arpentons la côte pendant plus d'une heure. Devant nous s’étend à perte de vue le Lac de tous les saints, que nous traverserons demain. On distingue au loin des montagnes abruptes, dont les sommets semblent fusionner avec les nuages. Le volcan Osorno se dresse quant à lui à l’arrière et semble nous lorgner en permanence.

Ce soir-là, le temps joue au yoyo : le vent souffle fort et on alterne les nuages noirs et les rayons de soleil. Tout cela rajoute du caractère au lieu, lui donnant un aspect mystérieux, quasi-mystique. Nous sommes seuls sur cette immense plage, entournés d’éléments naturels disproportionnés et soumis à une météo capricieuse. De temps en temps, un promeneur ou un bateau passe, mais nous retrouvons ce soir-là la sensation de solitude et de plénitude qui nous a marqués depuis le début de notre voyage. Petrohue est comme le bout du monde. Et nous l’avons enfin atteint.

Au dîner, Quentin est pris d’une crise de boulimie. Malgré le curry de riz/lentilles/carottes, déjà consistant, il dévorera plusieurs tranches de pain avec du fromage. Puis un brugnon, suivi d’autres tartines au fromage. Ensuite, du chocolat et des cacahuètes. Toujours pas rassasié, il s’engouffrera encore trois galettes de maïs à la confiture. Pas calé pour autant, il ira errer comme une âme en peine au « village », à la recherche d’un kuchen ou d’un strüdel, mais tout sera évidement fermé à cette heure-là. Pendant que Marion se demande s’il n’a pas attrapé un vers solitaire, votre couple de voyageurs se met au lit pour une nuit qui s’annonce… agitée.

En effet, le vent souffle sacrément fort et on aura un peu peur. Olinda fera krouik-krouik pendant plusieurs heures, tanguant comme un bateau. Canard parviendra à dormir malgré le froid qui lui tombe à l’occasion sur la tête par les trous d’aération, Cochon sera réveillé à plusieurs reprises par le balancement du van.

 Space Mountain
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Après cette nuit venteuse, nous nous réveillons tôt. En effet, nous voulons faire une excursion en bateau et les pêcheurs de la veille nous avaient indiqué que le port ouvrait à 7 h du matin. Pendant que Marion prépare un bol de céréales face au lac dégagé, Quentin va donc en ville pour acheter des billets. On va la faire courte : le port n’a ouvert qu’à 10 h, et de toute façon les billets s’achètent directement au bateau, qui part à 11 h 30. On aura donc finalement tout le loisir d’admirer Petrohue pendant encore quelques heures… Marion en profite même pour se couper les cheveux sur la plage.

C’est l’heure de la promenade ! On achète au passage une pâtisserie à un vendeur ambulant. Comme on est français, il nous interroge sur la Coupe du monde et notre équipe de foot préférée. On rétorque que dans notre région, c’est plutôt le rugby. Ha si si, yé connais : Clermonte ! Hé bé, cocorico ! Voilà ce qu’on appelle le rayonnement auvergnat.

C'est parti ! 

Notre excursion nous fait traverser le Lac de tous les saints, pour rejoindre le village de Peulla. Dès le départ, on est encore une fois soufflés par la beauté du lieu. D’autant plus que nous sommes chanceux : il devait pleuvoir mais nous aurons en fin de compte de longues éclaircies ! Pendant plus de deux heures, les paysages défilent : hautes falaises, cascades, forêts brumeuses, montagnes enneigées, et bien sûr tous les volcans du coin : Osorno, Puntiagudo, Tronador…

Les eaux sont quant à elles turquoises, à cause des dépôts de roches volcaniques accumulées pendant des millions d’années !

Un marin nous fait la visite commentée et nous révèle plusieurs curiosités locales. Par exemple, notre bateau appartient à une compagnie fondée par le premier guide touristique de la zone ! Au début du XXe siècle, ce monsieur a effectué une première traversée du lac avec un groupe de Français, et l’expérience a tellement plu qu’il a créé une société, aujourd’hui encore exploitée par son arrière-petit-fils.

En passant devant une île isolée, on remarque une singulière maison ronde. Encore une idée du fondateur : il désirait une maison qui tournerait en même temps que le soleil tout au long de la journée. Il fit venir des maçons et des ingénieurs pour tenter de réaliser ce rêve, qui n’aboutira finalement jamais…

Déambulant allégrement sur le pont, nous sommes invités à passer la tête dans la cabine du capitaine. Revêtant sa casquette, nous pourrons même tenir la barre à tour de rôle ! Et yohoho !

Nous arrivons à Peulla, de l’autre côté du lac. Si Petrohue avait déjà un air de bout du monde, ce patelin là n’a rien à lui envier. L’endroit est étrange. Il semble complétement isolé et silencieux, avec seulement un minuscule quai et une petite route qui continue vers l’Argentine. Pourtant, en s’y enfonçant, on trouve différentes administrations, dont les douanes, un énorme atelier mécanique qui semble abriter des poids-lourds, et plusieurs gigantesques hôtels de luxe. C'est en effet l'un des plus beaux passages sur la frontière Chili-Argentine ! Un « bout du monde » finalement très fréquenté…

Délaissant la route principale, nous nous engageons dans une petite randonnée, qui nous conduit au cœur de la forêt humide, jusqu’à une série de cascades. La pluie est finalement arrivée, et la déambulation prend des airs de balade dans la jungle. Elle se conclut en traversant un étonnant petit cimetière sylvestre. Après une pause au village, nous retournons au quai.

Bien fatigués, nous nous assoupissons durant le voyage de retour. Approchant de la plage, on peut remarquer de très loin Olinda, petite perle rouge sur son banc de sable noir.

Le repas se fera au van, en profitant encore une fois des magnifiques lumières qui colorent le paysage. Vraiment, quel endroit splendide et inspirant. On pourrait y rester encore des jours sans se lasser. Mais il est temps de repartir : une nouvelle étape nous attend.

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On laisse dernière nous la région d’Osorno. Nous faisons le plein et remplissons nos deux bidons de secours. En effet, le prix de l’essence ira malheureusement crescendo jusqu’à la fin de notre séjour au Chili. Nous achetons enfin notre roue de secours (celle que nous avions hérité des Allemands était en très mauvais état).

On profite de notre passage par Puerto Montt pour repasser chez Leo le mécano. On y recroise le couple de Chiliens qui reviennent justement de Chiloé : on échange donc les bons plans. Côté mécanique, on récupère un nouveau bouchon de réservoir d’essence pour ne plus avoir de débordements. Léo nous coupe aussi le fil qui permet d’indiquer la vitesse et le kilométrage à l'origine de notre bruit saugrenu. On roulera désormais sans connaître notre allure mais on ne devrait pas avoir d’amende car, comme vous le savez, Olinda est un vrai escargot ! Il nous faudra aussi dorénavant penser à compter le kilométrage « à la main » pour les prochaines vidanges et notre suivi personnel. Enfin, on fait réviser notre carter : Léo change un joint et resserre les fixations. Voilà, normalement tout est prêt. Décollage !

 Mais à qui sont ces pieds ?

L’île de Chiloé, on en rêve depuis la préparation du voyage. Véritable petite nation insulaire, c’est une terre empreinte d’une forte mythologie, à la fois maritime et sylvestre. On dit que ses paysages grandioses rappellent parfois l’Irlande ou la Bretagne, et que sa population est composée de marins farouchement indépendants. Nous roulons jusqu’à atteindre le Pacifique. Devant nous se trouve l’embarcadère pour quitter le continent, dans lequel nous nous engouffrons.

C’est la première fois qu’Olinda monte sur un ferry, nous avons une petite émotion. Les portes se referment, les moteurs de bateau se mettent en marche... prochaine destination : Chiloé.

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