Puerto Montt est la dernière grosse ville chilienne avant le début de la Caretera austral, la célèbre route qui descend le long de la Patagonie. Cette région est étendue et relativement déserte. Peu de chance d’y trouver autant de garages et de pièces détachées que jusqu’à présent. Avant de s’y engager, il est donc nécessaire de faire une révision complète du van pour s’assurer que nous partons dans les meilleures conditions. De plus, nous avons quelques bricoles à vérifier : notre indicateur de vitesse fait un bruit étrange une fois passés les 65 Km/h ; on voudrait s’assurer que l’essuie-glace est bien réparé ; et bien entendu faire notre première vidange d’huile. À voir également si on ne peut pas retirer les pompes à eau que nous n’utilisons pas.
Nous trouvons les coordonnées de Leonardo, un mécanicien spécialisé en combi. Quelques recherches sur Internet nous apprennent qu’il s’agit d’un ancien ingénieur piscicole, passionné de mécanique et qui a quitté son emploi pour retaper des vieux véhicules. Lorsque l'on prend contact, il nous propose de loger chez lui le temps de faire les réparations, ce que nous acceptons volontiers. Il nous accueille chaleureusement et nous montre avec fierté le mur de sa cuisine : des dizaines de touristes, venus faire réparer leur combi et ayant habité avec lui quelques jours, y ont griffonné des mots de remerciements depuis des années. – Vous aussi, j’espère que vous y rajouterez quelque chose ! Ce sera avec plaisir, mais aurons-nous le temps ? Nos bricoles ne devraient prendre que quelques heures… HAHAHA, pauvres fous que nous sommes, nous aurons évidement le temps car en fin de compte nous resterons cinq jours sur place !
En effet, si Olinda est globalement en bon état, Leo trouve aussitôt beaucoup de choses à régler. Des joints sont usés, des tuyaux sont encrassés, des fils sont déconnectés… Nous découvrons à cette occasion que nous pouvons en fait facilement remettre en état de fonctionnement le klaxon, les feux de route, le feu rouge arrière, la lumière sur le tableau de bord, les voyants… Toutes ces choses que les anciens proprios nous avaient dit ne plus être fonctionnelles et « difficilement réparables ». Vouais vouais vouais… et mon popotin c’est du kuchen…
Le temps de faire les travaux, nous sommes donc logés gratuitement dans une des chambres de la maison. Léo a en effet quatre enfants, qui sont maintenant grands et ont quitté les lieux. Comme il vit à présent seul, il apprécie la compagnie des touristes. En échange du gîte (avec douche chaude et toilette, le luxe !), le deal est de préparer la nourriture pour tout le monde à tour de rôle, car il n’y a pas que Léo sur place. Il travaille avec Pancho, un ancien client devenu assistant. Il y a également Nicolas, un jeune Chilien qui répare son combi et vit ici depuis plusieurs semaines. Au cours de notre séjour, nous serons rejoints sporadiquement par d’autres personnes, clients ou amis, pour un soir ou pour plusieurs jours. Ce sera une ambiance particulière : on aura l’impression d’être revenus en coloc’ !
Nous sommes arrivés en fin de matinée, le déjeuner approche et c’est à nous de le préparer. Après quelques courses, nous concoctons une salade grecque, avec pain pita, houmous, caviar d’aubergine et verrines de pêche au yahourt. Horaire chilien oblige, le déjeuner se tiendra à 16 h ! Tout le monde se régale et nous profitons du reste de la journée pour trier nos photos et avancer le blog.
À 22 h, alors que nous pensons passer à table, on se fait appeler : – chicos, il y a besoin d’aide ! Que se passe t-il donc ? Un couple de retraités chiliens vient d’arriver. Leur combi est en rade : il ne peut plus passer que la première vitesse ! Même pas de marche arrière. Pour se garer devant chez Léo, il va falloir pousser. Et nous voilà donc, en pleine nuit et dès notre arrivée, à pousser tous ensemble un combi dans la rue ! Quelle soirée atypique. Le dîner se fait avec les restes des uns et des autres, et en ajoutant une table à celle de la cuisine, devenue trop petite !
Les jours suivants, nous faisons notre petite vie dans cette auberge espagnole. C’est l’occasion de laver du linge : nous étendons nos draps et nos slips dans l’atelier, au milieu des moteurs et des châssis ! On avance les sauvegardes en ligne des photos, on affine le suivi du budget… À chaque repas, nous écoutons les histoires de Léo, qui est un conteur hors-pair. On apprend qu’il travaillait sur l’île de Chiloé dans l’industrie du saumon. Face aux magouilles et pratiques néfastes pour l’environnement et la santé des consommateurs, il a quitté son travail. Il nous partagera à plusieurs reprises des anecdotes de cet ancien emploi : des histoires surnaturelles dont il a été témoin sur l’île de Chiloé ou dans les fjords de Patagonie, des séjours en Norvège avec des collègues, etc. On aura aussi droit à des histoires drôles concernant sa famille et d’autres « combinautes » venus chez lui. On vous précise au passage que Léo est de la famille de Violeta Parra, une des plus célèbres chanteuses chiliennes, et qu’il a nommé son combi en son honneur.
Dès qu’il travaille sur quelque chose, Leonardo nous explique le pourquoi du comment. On apprend beaucoup sur la mécanique du combi et on donne des coups de main à l’occasion.
Un beau matin, patatras, on découvre que notre système d’échappement est percé de part en part, d’où le bruit énorme de notre auto et la forte odeur d’essence. Léo propose initialement de le remplacer gratuitement par une pièce usagée, récupérée sur un autre combi. C’est ok pour nous ! Malheureusement, cette pièce est trop usée pour se souder à notre système. Alors, bien gentiment, notre mécano propose son propre système d’échappement, qu’il avait commandé pour son combi et qui a mis six mois à être livré ! Les clients sont prioritaires. Et nous voilà avec un pot et un catalyseur flambants neufs.
Léo retirera également les pompes à eau inutilisées, et changera notre plomberie qui avait des fuites. Le carburateur sera ajusté, le filtre à air soufflé, les joints de culasse et des fusibles remplacés, le parechoc arrière refixé… Bref, Olinda se refait une beauté complète au cours de ces cinq jours. Ce sera également quelque chose de voir notre moteur sorti du châssis et posé devant nous, avant de le nettoyer tous ensemble et de le voir replacé dans le combi !
Pour info, l’ensemble des travaux sur ces cinq jours, main d’œuvre et pièces comprises, nous a coûté moins de 350 euros. On imagine facilement qu’en France, il aurait fallu ajouter un « 1 » devant.