À propos

Nous sommes Marion (Canard) et Quentin (Cochon). Nous voyageons depuis trois ans en Amérique du sud et en Asie. Embarquez avec nous pour suivre nos découvertes et aventures !

Au cœur des campagnes laotiennes

Entre villages fluviaux, pics karstiques et campagnes bucoliques, parcourons ensemble le nord du Laos. Avec à la clé une visite inoubliable... chez les éléphants !
Février 2024
10 jours
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Après notre superbe séjour à Luang Prabang, il est temps de découvrir ses environs. Pour notre première étape, nous partons visiter les grottes de Pak Ou, sises à flanc de falaises au bord du Mékong. La balade en bateau est tranquille. Sous un soleil de plomb, notre pirogue remonte le fleuve au milieu de très beaux paysages. De-ci de-là, on entrevoit des hameaux de maisons en bois. Des vaches et des chèvres gambadent en toute sérénité sur les plages. Au loin, des montagnes escarpées se dessinent. Les habitants font leur potager sur les rives.

Les chèvres se confondent avec les rochers...

Nous faisons un premier arrêt dans un village consacré à l’artisanat textile. Des familles y vendent de belles pièces colorées. On touche avec les yeux, ne voulant rien embarquer pour ne pas alourdir nos sacs à dos. Le patelin est clairement conçu pour les touristes et ne déborde pas d’authenticité. Néanmoins, c’est tout de même agréable de se balader au milieu des métiers à tisser, des pagodes et des maisons en bois. Autre spécialité : de l’alcool artisanal de riz dans des bouteilles qui contiennent des serpents, des scorpions, des grenouilles et d’autres joyeuses bébêtes. Brr…

J'appelle la SPA !

Retour au bateau pour poursuivre notre douce balade au fil de l’eau. Les pics karstiques se font plus hauts et nombreux désormais. Nous voilà face à une puissante falaise dans laquelle on distingue la grotte au sommet d’escaliers. Le cadre est vraiment superbe. Nous sommes agréablement surpris : malgré la fréquentation, on trouve au lieu une certaine sérénité. Les grottes abritent plusieurs centaines de statues du Bouddha (on espère que vous n’êtes pas lassés, car nous n’en avons pas fini avec le Bouddhisme !) La première grotte offre de belles vues sur le fleuve et nous impressionne par la grandeur de la cavité.

La deuxième grotte, un peu en contrebas, est tout en anfractuosités. Le moindre espace est rempli de statues de Bouddha de tous les formats possibles. On ne s’attendait pas à en voir autant. Vraiment, l’endroit est une belle découverte.

Le retour en bateau est l’occasion de profiter encore un peu du Mékong et de ses paysages bucoliques. Pourtant, au moment de faire demi-tour, on aperçoit un peu plus loin un giga-barrage. Il s’agit d’un grand chantier chinois, destiné à produire de l’électricité et ayant fait l’objet de sévères critiques sur les plans environnemental et social. Le gouvernement laotien et son grand frère chinois n’en ont cure. L’électricité produite est une source importante de revenus, car elle est vendue à la Thaïlande voisine plutôt que de servir aux Laotiens. De plus en plus de barrages sont construits sur le Mekong, perturbant les écosystèmes, déplaçant des villages entiers et impactant le fleuve en aval jusqu’à son delta au Vietnam...

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Le lendemain, nous gagnons Nong Khiaw, un petit village posé au bord de la rivière Nam Ou. C’est le point de départ de belles randonnées qui grimpent aux sommets des montagnes karstiques entourant le bourg. Le cadre est tout bonnement magique. Il règne une douceur de vivre dans ce village fluvial encore peu bétonné. En plus, nous prenons nos quartiers dans un bel hôtel avec vue sur l’eau.

Le soir même de notre arrivée, nous partons à l’assaut d’un premier pic qui conduit au point de vue de Nong None, sur les hauteurs du village. La montée se fait via un chemin exigeant et sous une forte chaleur. C’est une alternance de passages d’escaliers précaires taillés dans la roche ocre et d’escalades à l’aide de cordes.

Tous en haut !

Au sommet, le paysage est grandiose. Tout le village se dessine en contrebas, lové dans une boucle fluviale. Au loin, une mer de montagnes semble progressivement se confondre avec les nuages. Nous y admirons un joli coucher de soleil. Nous redescendons dans le noir, éclairés juste de nos lampes frontales.

Le jour suivant, nous nous levons à 5 h 30 pour assister au lever du soleil au sommet d’une autre montagne, le Phar Khew Lom. Le jour commence à se lever alors que nous traversons le village. Tout est dans la brume, donnant à l’endroit des airs mystérieux. Alors que le soleil pointe timidement le bout de son nez, des pics acérés se détachent des nuages. Ils semblent nous toiser de toute leur hauteur, et nous nous sentons vraiment petits. On transpire abondement tout en se faufilant au milieu des palmiers, des plantations de bananiers et des roches escarpées.

Après deux heures de grimpette matinale, nous arrivons au point de vue, certes après le lever de soleil mais tout de même avec une superbe lumière. Une mer de nuages stagne au-dessus de la rivière et se lève petit à petit. Le paysage est tellement envoûtant que nous resterons une heure et demie là-haut.

Droit devant, notre hôtel !
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Prochaine étape : le petit village de Muang Noi, un peu plus au nord. Pour y aller, il n’y a pas de route, il faut prendre le bateau. Dans la plupart des guides Muang Noi ne figure pas. Marion a découvert l’endroit en faisant des recherches sur des blogs de voyageurs. Ces derniers décrivent l’endroit comme encore relativement confidentiel et authentique, idéal pour ceux qui veulent tenter un « pas de côté » loin des grands circuits touristiques.

Pourtant, il faut admettre que les infos circulent vite. Au port, nous sommes déjà pas loin de cent personnes à faire la queue pour monter dans les pirogues. Les bateliers devront affréter six bateaux pour faire passer tout le monde. Arrivés au village, les packpackers débarquent pour regagner leurs pénates, souvent entraînés par les quelques rabatteurs qui guettent l’arrivée de chaque navire. Heureusement, tout ce petit monde se disperse rapidement, et l’endroit redevient assoupi.

Malgré tout, nous déchantons quelque peu : même en cherchant des endroits dits « isolés », nous serons forcément dans des lieux foulés par d’autres touristes en « quête d’authenticité ». Certes, nous sommes loin du tourisme de masse, que l’on peut par exemple retrouver sur les îles thaïlandaises. Ici à Muang Noi, pas de complexe hôtelier, pas de bitume, pas de voiture... L’ensemble reste rustique et les établissements touristiques ne détonnent pas dans le paysage. En réalité, nous sommes plutôt marqués par la disproportion : une centaine de touristes pour à peine 700 habitants. On entendra presque plus parler français ou anglais que laotien durant notre séjour.

C'est l'heure d'arpenter le village qui s'organise essentiellement autour d'une rue principale en terre battue. Touristes et habitants y déambulent au milieu des poules et des chiens. Nous grimpons aussi à un point de vue permettant d’embrasser la région du regard. Le nord du Laos, tout en rivières serpentant au cœur des montagnes abruptes, nous plaît vraiment beaucoup.

Quentin traversera aussi d’impressionnantes grottes. L’entrée ne paye pas de mine. Pourtant une immense galerie se dévoile : il faut presque quinze minutes pour arriver au bout, où se dresse un petit autel avec son Bouddha. Parfois, des chauves-souris virevoltent dans l’obscurité. Cochon aura la chance d’être complétement seul pour la visite, ce qui renforcera la solennité du lieu.

Dans le village, nous recroisons à plusieurs reprises Cathy et Sylvain, le couple de Français rencontrés en Thaïlande et à Luang Prabang. Ce fut l’occasion de passer une belle soirée ensemble, dans un resto indien. Entre le dahl de lentilles, le curry de coco et le naan, nous échangeons à bâtons rompus sur nos parcours et nos expériences de voyage.

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Aujourd’hui, c’est trekking. Nous prévoyons deux jours de randonnées dans les petits villages aux alentours de Muang Noi, avec une nuit chez l’habitant. On laisse donc nos gros sacs à dos à notre hôtel pour partir légers. Nous traversons des rizières asséchées, parsemées de fleurs violettes, de petits canaux d’irrigation et piétinées par des légions de buffles et de vaches. Les paysages sont vraiment beaux ; le tout a des airs d’Asie éternelle.

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Mais parallèlement à ces belles découvertes, Marion commence à avoir mal au ventre. Pour le déjeuner, nous nous arrêtons au petit village de Ban Na. Le patelin abrite des ateliers de tissage et nous prévoyions un atelier dans l’après-midi pour apprendre à tisser (on est censé s’affairer pendant quatre heures pour ensuite repartir avec son étoffe). Avant cela, on s’attable à une gargote avec vue sur les rizières.

Malheureusement, avant la première bouchée, Marion s’éclipse pour vomir. Deux poules qui passaient par là accourent pour se régaler de la bouillie tiède. À table, alors que le repas est servi, impossible d’avaler quoi que ce soit. Tout ce que le pauvre Canard avale ressort une demi-heure plus tard… y compris l’eau ! Étant donnée la situation, on annule le tissage et on prend une chambre sur place pour que Marion essaie de dormir un peu.

Au moins, ce n’est pas perdu pour tout le monde…

La douleur et la fatigue ne passent pas. Après avoir attendu plusieurs heures que la situation s’améliore, le constat est sans appel : la randonnée c’est terminé. Marion a besoin des médicaments qui sont restés dans nos gros sacs à dos. Problème : elle est incapable de marcher jusqu’au village. Fort heureusement, un service de tracteur propose de ramener les touristes à la ville. On grimpe dans la remorque de l’engin agricole.

L'amour est dans le pré

Nous sommes de retour à Muang Noi, mais la situation empire. Au moment de descendre du tracteur, Marion n’arrive plus à bouger. Elle sent une paralysie l’envahir : ses mains, ses bras puis ses jambes se contractent furieusement. Quentin porte Marion jusqu’à notre hôtel. La voyant arriver dans ce piteux état, la propriétaire la fait s’installer sur une chaise au niveau du restaurant. Canard peut enfin prendre son médicament contre la gastro, ce qui va la soulager assez rapidement. En revanche, les crampes sont toujours bien là… La propriétaire de l’hôtel et sa famille essayent de débloquer Marion pendant plusieurs heures : thé aux herbes, massages, serviettes chaudes, baume du tigre…

Rien à faire, Canard est complétement bloquée. Pour vous dire, il est même impossible de lui ouvrir les mains tant elles sont contractées ! Au bout de trois heures on commence un peu à paniquer. La proprio envoie Quentin trouver un médecin. Malheureusement, c’est la veille du Têt (le nouvel an lunaire) et le village est en fête. Le centre de santé est fermé, la pharmacie également et le personnel médical est éclaté au milieu des festivités qui débutent. Quentin erre de lieu en lieu à la recherche de quelqu’un.

La propriétaire passe différents appels et arrive finalement à contacter une dame qui possède des notions de médecine, qui accourt. Verdict : Marion est en déshydratation sévère. Entre tout ce qu’elle perdu en fluide, et son incapacité à boire durant toute la journée, il ne doit plus rester beaucoup d’eau et de sels minéraux dans son corps, d’où les crampes de l’enfer. Il lui faut boire au plus vite deux litres de solution de réhydratation. C’est immonde mais ça semble faire effet, couplé à des cachets contre la diarrhée et les vomissements. Au bout d’une heure, Marion parvient à déplier progressivement ses bras et ses jambes. Un peu plus tard encore, elle arrive enfin à libérer ses mains. Ouf !

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Avec tous ces soucis, il est déjà plus de 21 h. Quentin déguste une bonne pizza ; Marion en mâchonne péniblement une part. Comme nous n’avions pas prévu de dormir là, il n’y a plus de chambre privée disponible, nous dormirons dans le dortoir de notre logeuse. Heureusement, une seule fille sera présente avec nous.

Marion se couche soulagée de l’amélioration. Toutefois, en pleine nuit, elle se réveille pour une double vidange du démon, qui aura probablement réveillée notre compagne de dortoir. C’est vraiment gênant, et nous décidons pour le lendemain de louer une chambre à part entière. Et c’est tant mieux, car c’est au tour de Cochon de tomber malade. Il se contentera d’une petite tourista et coupera court aux complications qu’a connues Marion. Nous sommes tous les deux complétements crevés et passons la journée à comater, passant du lit aux toilettes, des toilettes au lit. Quand on repense que nous n’avons pas été malades une seule fois en Amérique du Sud…

Le lendemain, nous sommes suffisamment opérationnels pour quitter Muang Noi en bateau et continuer notre route. Quel dommage de n'avoir pas pu explorer davantage les campagnes environnantes, nous initier au tissage ni dormir chez l'habitant comme prévu initialement. Ce sont les aléas du voyage...

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Nous avons rendez-vous aujourd’hui au Centre de conservation des éléphants (ECC). L’endroit se gagne par un petit bateau traversant un lac entouré de forêt. À peine arrivés, nous avons déjà la chance de voir un éléphant se baigner. Nous prenons nos quartiers dans un magnifique bungalow qui surplombe l’eau. Un cadre bucolique à souhait !

La vue de notre bungalow

Quelques mots sur cette initiative privée qui fait un travail formidable. L'objectif de l'ECC est de récupérer des éléphants captifs, venant des cirques, des circuits touristiques ou de l’industrie du bois, pour en prendre soin. Le Centre s’occupe d’eux pour tenter de transformer d’anciens prisonniers en futurs troupeaux heureux. La finalité est en effet de les relâcher dans la nature.

Le déjeuner est justement l’occasion d’en apprendre plus en visionnant une courte mais instructive vidéo. Le Laos compte environ 800 éléphants. Le Royaume du million d’éléphants est loin derrière… Sur ces 800, la moitié est captive. Les femelles étant assez âgées, on ne compte que 2 naissances pour 10 décès. À ce rythme, l’espèce s’éteindra d’ici 20-30 ans dans le pays.

C’est pourquoi l’ECC mène un travail crucial : il s’agit de sauver un maximum d’éléphants de la captivité et de faire en sorte qu’ils se reproduisent. La structure travaille avec des mahouts (un cornac par éléphant), des vétérinaires et des volontaires internationaux. Les 34 éléphants présents sur le site, tous d’anciens captifs, réapprennent à vivre en communauté et sans travail forcé, dans une belle forêt de 6 000 hectares. Ici, les éléphants ne sont pas amenés aux voyageurs comme c’est généralement le cas dans les nombreux « camps d’éléphants » en périphérie des villes touristiques du Sud-Est asiatique. Là c’est à nous de venir les voir dans leur habitat naturel, que l'ECC contribue aussi à protéger.

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Allez, c’est l’heure des visites ! Première halte à l’espace « nurserie » au bord du lac. Deux mamans viennent boire, avec leur bébé respectif, âgés de deux et trois ans. Ces deux derniers sont particulièrement surveillés par l’équipe. En effet, ce sont les seuls petits qui ont survécu jusqu’à présent. Tous les autres sont malheureusement morts, ou bien dans le ventre de leur mère, ou bien peu après la naissance. Une situation qui rappelle les fausses-couches et les morts subites du nourrisson, deux drames qui touchent aussi les humains et qui nous rapprochent de nos cousins pachydermiques… Ces tristes informations sont compensées par les mouvements vraiment mignons des éléphanteaux, un peu maladroits, et par leurs touchants barrissements. Le Centre fait tout son possible pour prendre soin de la santé de ces bébés car il en va de l’avenir de l'espèce au Laos.

Après cette première rencontre, nous suivons trois femelles en train de manger des quantités astronomiques de végétaux. Quelques chiffres qui donnent le vertige : un éléphant consomme quotidiennement 10% de son poids, soit environ 300 kilos de nourriture ; ayant un mauvais système digestif, il n’absorbe que 40% de ce qui est ingéré ; mangeant par conséquent environ 17 heures par jour et faisant ses besoins jusqu’à 20 fois ! Les trois mastodontes devant nous engloutissent les bananiers entiers sous nos yeux ébahis. Qu’elles sont agiles avec leur trompe. D’ailleurs, nous n’en revenons toujours pas, saviez-vous que cet organe comporte à lui seul 150 000 muscles ?

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Direction l’hôpital (le seul du Laos), pour en apprendre plus sur la santé des éléphants. On nous fait une présentation détaillée des contrôles médicaux des pensionnaires : vérification du poids, détection d'éventuelles infections ou problèmes digestifs, soin des pieds, coupe des ongles… Ici, des vétérinaires prodiguent les éventuels soins après avoir consulté les mahouts qui connaissent mieux que quiconque leur animal. Ce sont eux qui vont partager aux scientifiques de précieuses informations : l’éléphant a-t-il bien mangé ? Ses selles sont-elles normales ? Son comportement est-il inhabituel ? Nous verrons d’ailleurs une femelle faire un passage rapide à l’hôpital, pour nettoyer un œil infecté. La véto lui verse du sérum physiologique, puis lui applique une compresse. Finalement comme pour un humain, à un détail près : il aura fallu un demi-litre de sérum !

Des biologistes font également régulièrement des prises de sang pour étudier plus en profondeur les hormones liées à la reproduction et celles liées au stress. Un travail passionnant que nous raconte une jeune biologiste espagnole. Nous découvrons que les mâles connaissent périodiquement ce qu’on appelle le « musth ». Pour simplifier, disons qu’ils ont une poussée de testostérone et d’autres hormones, les rendant agressifs (cela peut durer de trois semaines à deux mois). Dans ces cas, l’ECC préfère les isoler pour éviter des affrontements voire une mise en danger des éléphanteaux.

La visite se poursuit par un long moment autour des enjeux de reproduction. Pour sauver les éléphants du Laos, il faut compter sur de nouvelles naissances. Or, nous découvrons que c’est un véritable parcours du combattant ! Les femelles du Centre sont âgées et donc moins fertiles (ménopause à 50 ans, tiens encore comme les humains…) La fenêtre d’ovulation est terriblement courte (trois jours… tous les trois mois !) La grossesse dure deux ans. Une femelle doit ensuite attendre trois ans avant de pouvoir retomber enceinte. De l’autre côté, les mâles, en tant qu’anciens captifs, ont pour l’immense majorité été drogués à la progestérone pour annihiler leur période de rut et de musth, durant laquelle ils sont improductifs. Ils doivent donc retrouver un cycle naturel et leur libido. En présence de femelle, la plupart n’ont pas le réflexe de copuler !

C’est pourquoi, mahouts et biologistes travaillent main dans la main pour favoriser les naissances. Si tous les voyants sont au vert, que copulation il y a et que la grossesse arrive à son terme, d’autres problèmes se posent. L’accouchement est toujours très délicat. La taille du nourrisson peut l’empêcher de sortir. La morphologie de la mère suppose en outre un énorme travail de poussée. Certains bébés restent bloqués et doivent être sortis manuellement, car une césarienne est impossible sur un éléphant (tous les organes tomberaient).

Et la suite n’est pas plus réjouissante. En plus des risques de décès liés aux infections courantes chez les nourrissons, se pose un autre problème. Les femelles, toutes d’anciennes captives, n’ont pour la plupart jamais vu d’éléphanteaux de leur vie, et ne savent pas toujours comment s’en occuper. Comme chez les humains, ce genre de choses s’apprend grâce à l’expérience du groupe. Certaines mamans représentent donc un danger pour leur propre progéniture : elles peuvent être trop vives et les blesser, ne savent pas les faire téter, ne vérifient pas leur santé… Le travail du Centre est aussi d’apprendre aux femelles à devenir des mères.

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Alors que nous essayons d’assimiler toutes ces informations, nous nous dirigeons vers le lac. C’est encore l’heure d’un bon bain pour les femelles qui le veulent. Deux d’entre elles passent un long moment dans l’eau, à jouer ensemble. Nous sommes gratifiés de barrissements impressionnants. Quel bonheur de les voir si épanouies sachant la vie qu'elles ont eue avant.

On accompagne ensuite les mahouts qui ramènent les animaux en forêt pour la nuit. Il faut les attacher tous les soirs, cela pour plusieurs raisons. Premièrement, pour les empêcher de partir. Un éléphant sans contrôle se dirigera souvent vers les zones habitées, ravageant les cultures. C’est une catastrophe pour les habitants du coin, qui n’hésitent pas à tirer sur les intrus ! L’un des éléphants du Centre a des trous dans les oreilles, résultat de précédentes escapades. Deuxièmement, pour les protéger. En effet, un éléphant libre peut quitter la zone de surveillance, et devenir la proie des braconniers : aujourd’hui encore, les défenses sont très recherchées pour confectionner les objets de luxe qui partent en Chine, et des animaux sont mutilés ou tués chaque année.

Nous sommes arrivés. On dit bonne nuit aux éléphants, quoi que cela ne soit pas très pertinent : ils ne dorment que trois à quatre heures par nuit !

Les mahouts et les mamouths !
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Pour terminer la journée, nous grimpons dans un kayak pour faire un tour de lac. Le coucher de soleil est splendide, notre plus beau en Asie ! Notre petite excursion nous ouvre l’appétit, et nous dînons avec les autres voyageurs : riz gluant bien sûr, mais aussi soupe à la noix de coco, sauté de légumes et salade fraîche.

L’une des volontaires, française, nous parle du festival annuel des éléphants, qui se tient justement en ce moment-même dans la ville toute proche de Sayabouri sous l’égide du gouvernement. Durant un mois, des centaines de mahouts débarquent dans ce village avec leur animal. L'évènement est l’occasion d’échanger avec d'autres mahouts, de faire vérifier la santé de sa bête, mais surtout de participer à des parades, des défilés et des expositions touristiques (comme leur faire jouer de l’harmonica !) Le côté « bête de foire » est mis en avant dans toute sa splendeur. L’avis de notre guide est tranché : ce « festival » est une horreur, qui encourage les pratiques néfastes nuisant à la santé des éléphants. Mais l’ECC est obligé d’y participer. En effet, la moitié de leurs animaux appartient au gouvernement. Le Centre en profite pour sensibiliser les festivaliers dans l'espoir de faire évoluer les mentalités et les pratiques.

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Le lendemain, après le petit-déjeuner, nous suivons un mahout en forêt qui va retrouver son éléphant. Sur le chemin, il coupe un bananier entier, qu’il emporte sur son épaule : « une petite friandise », nous précise-t-il ! Tous les matins, il offre à son éléphant un petit quelque chose (bon c’est plutôt toujours énorme, vu la taille de la bête !) Nous retrouvons donc l’une des femelles rencontrées hier. Elle dévore goulûment son cadeau, avant de se mettre en route pour la nurserie où elle retrouve deux copines.

Tenez, ces quelques fleurs
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Notre dernier arrêt se fait à l’espace de socialisation. L’endroit est grand, et pour notre part, nous sommes dans une petite tour d’observation pour ne pas les déranger. C’est un moment essentiel de la journée durant lequel les éléphants sont tous ensemble et peuvent donc interagir comme bon leur semble. Les éléphants sont des animaux sociaux par excellence. Ils ont besoin du contact régulier de leurs semblables pour être en bonne santé. Tous les jours, les mahouts les laissent ici plusieurs heures pour qu’ils créent des sympathies et des dynamiques de groupe. L’idée finale est de générer un esprit de troupeau pour les relâcher à plusieurs.

On reste longtemps à les regarder, et nous constatons effectivement des différences de caractères. Certains restent dans leur coin, tandis que d’autres interagissent à coup de trompes et de barrissements. Les mamans et leur petits passent également un bon moment au bord de la mare. Un à un, les pachydermes regagnent tranquillement la forêt. Nous les voyons disparaître dans les feuillages à tour de rôle. On aimerait rester encore des heures…

Mais, le séjour au Centre s’achève. Ce fut deux jours riches en enseignements et en émotions. D’un côté, nous sommes vraiment heureux d’avoir pu observer de si près la vie quotidienne de ces adorables pachydermes et de les savoir bien plus heureux ici que dans leurs anciennes vies de captivité. De l’autre, nous sommes préoccupés pour l’avenir des éléphants au Laos, qui pourraient disparaitre d’ici peu.

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Le nord du Laos nous a beaucoup plu : montagnes, fleuves et campagnes forment un tout d'une grande beauté qui respire la sérénité. Nous nous dirigeons désormais plus au sud, pour réaliser la célèbre boucle en moto de Khammouane !