Sajama : au cœur de l'altiplano

Au programme de cette semaine sur les hauts plateaux : des villages typiques andins, le majestueux volcan Sajama, des lagunes et des lamas… le tout sous le soleil permanent de l’altiplano bolivien.
Août 2023
7 jours
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Nous quittons Oruro pour nous enfoncer plus encore dans l’altiplano andin. Nous retrouvons les paysages de puna que nous avions connus au nord de l’Argentine et du Chili. C’est par des pistes peu fréquentées que nous traversons des petits villages typiques, loin du tourisme de masse.

 On croise plusieurs églises en ruines en pleine pampa

Aujourd’hui, c’est la fête nationale bolivienne, qui commémore la déclaration d’indépendance signée le 6 août 1825. Pour l’occasion, c’est tout le pays qui est sur son 31 ! Voilà donc l’explication des innombrables fanfares que nous entendons depuis des semaines : les militaires et les écoliers révisaient pour ce jour. On espère qu’ils sont au point, vu le calvaire que ce fut pour nos oreilles… Des festivités célébrant l’indépendance ont lieu dans chaque patelin. Les habitants défilent, en musique, dans leurs plus beaux costumes. C’est l’occasion rêvée pour admirer à loisir les tenues traditionnelles autochtones.

 Des Quechuas
 Des Aymaras
Des écoliers 
 Le maire fait son discours
 Musique maestro !

Après un bon petit repas pris sur une placette en compagnie de trois enfants curieux d’Olinda, nous continuons notre route, comme toujours seuls au monde. Pour la première fois de la journée, nous tombons sur une autre voiture… qui est visiblement en panne. La batterie est morte et la famille attend depuis plus de cinq heures (quand on vous dit qu’on est seuls au monde). On embarque donc le mari jusqu’au prochain village.

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En fin de journée nous arrivons dans le gros bourg de Curahuara de Carangas qui est connu pour abriter la « chapelle sixtine des Andes ». Avant d’aller visiter cette splendeur, nous assistons aux festivités particulièrement hautes en couleurs ici. C’est vraiment la grosse fête ! Des centaines de personnes ont envahi les rues et la place : tous boivent de la bière en dansant sur le rythme des fanfares. Nous sommes les seuls touristes. On fait un peu tâche mais finalement on vient à notre rencontre et on nous offre de la bière. Nous apprenons que le défilé met à l’honneur les différentes communautés autochtones de toute la région. Certaines ont fait le déplacement depuis le Chili.

 Et surtout, la santé !

Après avoir fait un peu la causette, nous quittons l’effervescence de la place pour la visite de la fameuse église. Toute petite, elle date de 1610. L’extérieur est déjà très mignon mais il n’équivaut en rien à l’intérieur. L’intégralité des murs et du plafond sont peints, donnant un aspect très chargé mais aussi très riche. C'est vraiment superbe ! Les photos sont normalement interdites mais notre guide nous en autorise quelques-unes.

Nous déambulons dans le village en direction d’une autre église au sommet d’une colline. De là-haut on jouit d’une belle vue. À plusieurs reprises, et en cherchant des tombeaux pré-incas que jamais nous ne trouvâmes, nous croisons des cochons dans des minuscules enclos, les pauvres...

Groin les copains ? 

Nous regagnons le van et notons que la fête bat toujours son plein. Plus l’heure avance, moins les Boliviens sont policés ou pudiques : hommes comme femmes urinent voire vomissent en plein rue. De notre côté, nous voici dans Olinda pour passer une nuit qui sera glaciale…

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Aujourd’hui, nous roulons vers la frontière chilienne où se trouve le splendide parc de Sajama. Étant assez difficile d’accès en transport en commun, peu de touristes y font escale. On dit que c’est une véritable perle bolivienne. La route qui y mène nous donne déjà un avant-goût.

Le volcan Sajama, le plus haut sommet de toute la Bolivie, est perché à 6 540 mètres d’altitude. Parfaitement conique, il embellit tout l’horizon. Plus nous avançons, plus nous nous rendons compte de sa grandeur.

Notre premier arrêt se fait au seul village du coin, qui porte le même nom que le géant de pierre. C’est clairement l’un de nos plus beaux spots depuis notre aventure en van. Tout semble réuni autour de nous : montagnes enneigées, rivière, troupeaux de lamas, vieille église…

Côté pile 
 Côté face

Après un bon repas avalé face à cette vue dont on ne se lasse pas, nous partons à l’assaut du mirador Montecielo, à proximité du village. Pendant plus d’une heure, nous grimpons une colline avec en toile de fond le Sajama qui se dévoile à chaque pas plus immense encore… Nous cheminons à 4 550 mètres d’altitude : l’effort est intense mais la vue en vaut largement la peine. Le mirador Montecielo porte bien son nom : nous avons l’impression d’être sur le toit du monde. La forêt la plus haute de la planète pousse ici. Ce sont des petits queñuas aux teintes orangées qui égayent le chemin pierreux. De l’autre côté, les volcans jumeaux, Parinacota et Pomerape, sont aussi très photogéniques.

Le chemin est évident, non ? 
 On vient de là-bas !

Sur la redescente, on croise des lamas qui déambulent dans une montagne de détritus et qui grignotent des restes carbonisés. Le village n’a manifestement pas mis en place un système de gestion des déchets adéquats, et tout semble finir dans cette décharge à ciel ouvert… Vu ce qu’ils mâchonnent, on espère que les camélidés ont l’estomac solide !

 Lama... de détritus
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Nous quittons le charmant village de Sajama pour nous rendre en voiture au départ d’une grosse randonnée. À bord d’Olinda, nous serpentons sur une piste. Plusieurs gués doivent être passés. À chaque fois, on sort du van pour évaluer la profondeur et vérifier qu’il n’y ait pas de vase. Ce sont les rivières les plus impressionnantes qu’on ait traversées.

Voyons voir... 
 Ok, on passe !
 Et plouf !

Le reste du chemin n’est pas plus simple : sable et pierres, le tout en montée continue sur une route étroite… Quentin doit sortir à plusieurs reprises pour remblayer des gros trous. Marion s’y reprendra à trois fois avant d’arriver à grimper une portion de route particulièrement pentue et accidentée… Ouf, nous voici enfin arrivés.

 On dirait qu'il fait un pâté de sable, mais en vrai Quentin a comblé la route pendant 20 minutes...

C’est parti pour la suite de l’aventure ! Nous sommes à 4 500 mètres d’altitude et nous allons monter à 5 000 mètres dans le but de voir deux jolies lagunes. La balade longe d’abord une vallée sur plusieurs kilomètres. Un petit pique-nique avalé au bord d’une rivière et nous voilà désormais avec un peu plus d’énergie pour gravir les énormes dénivelés jusqu’au sommet. La tisane de coca nous aide à supporter l’altitude et à tenir le rythme. Très vite les vues sont incroyables sur tout le parc de Sajama.

Tous au sommet ! 

On arrive enfin à la première lagune qui est en fait administrativement au Chili. Nous venons en effet de passer une frontière ; mais ici pas de douanier, juste un vent à décoiffer les lamas. Le lac Khasira, d’un bleu intense, est superbe. On s’accorde un peu de repos et une bonne tisane pour se réchauffer car à cette hauteur il fait sacrément froid !

 Gauche : Bolivie ; droite : Chili !

Une zone humide entoure la lagune. Au milieu des touffes d’herbe jaune s’écoule l’eau des glaciers. Il nous faut prendre garde où l’on met les pieds car certaines zones sont assez spongieuses. Par endroit, on remarque des plaques de neige. Pas de doute, nous avons passé la barre des 5 000 mètres d’altitude.

Nous remontons le long d’une cascade jusqu’à la deuxième lagune. Appelée Sorapata, celle-ci est tout aussi belle que la première. Nous sommes encore une fois seuls dans ces paysages sauvages et magnifiques.

 Avez-vous vu Canard ? 

Le retour au van nous paraîtra interminable. On peine à croire qu’on a grimpé tout cela à l’aller… Nous préparons un bon repas dans Olinda en espérant réchauffer un peu l’atmosphère… mais la nuit sera très difficile tant le froid nous saisira.

Olinda nous attend bien sagement 
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La nuit aura été peu réparatrice en fin de compte. Nous sommes donc heureux de retrouver le soleil. Après un petit déjeuner face à des geysers, nous allons les voir de plus près. Ils ne sont pas si actifs que ceux du Tatio au Chili mais ils sont tout de même très photogéniques.

Nous quittons ce petit endroit de paradis par la mauvaise piste empruntée la veille : c’est reparti pour la caillasse et les trous et même un croisement avec un autre véhicule… (ça passe de justesse… cf. la photo plus bas !) Rebonjour aussi les gués, sauf que, cette fois-ci, Olinda prend une véritable douche car les éclaboussures vont jusqu’au toit ! Avant de continuer plus loin dans le parc, il faut nous ravitailler en essence. Nous trouvons une dame qui vend du carburant en bidon. 10 litres feront l’affaire pour continuer l’aventure dans le parc.

Ça passe 100 fois... 

Après la grosse randonnée d’hier, nous rêvons de faire trempette dans les thermes du parc. Problème : pour y arriver, il faut encore traverser une rivière, sauf que cette fois le niveau de l’eau est vraiment très haut. On joue la carte de la prudence et on s’arrête donc juste devant le gué. C’est un endroit idéal pour casser la croûte !

L’après-midi, nous nous rendons donc à pied aux bains. C’est très bien ainsi, car nous pouvons admirer les centaines de lamas et surtout des alpagas qui ont des vraies têtes de peluche ; dommage qu’ils soient si peureux…

Au loin se dessinent des maisonnettes. Nous voici arrivés aux bains ; nous sommes seuls, pour changer. On barbotte plus d’une heure dans cette eau, parfois tiède, parfois chaude, pour se reposer et relaxer les muscles. C’est vraiment agréable après ces journées de gros effort physique.

Le vent froid se lève malheureusement en fin d’après-midi et ça devient difficile de sortir du bain ! On finit par prendre notre courage à deux mains pour s’extraire.

 "On sent le froid ?"

De retour au van, le vent est tombé et il fait encore doux. On grignote quelques restes et on se couche, alors que le mercure commence à chuter.

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Comme toujours, la nuit a été glacée. Heureusement, le soleil commence à taper sur la carrosserie. Seule solution pour se réchauffer : enlever les rideaux isolants et laisser pénétrer le soleil dans le van. La vitre fait effet de serre. Ah, ça fait du bien ! Qui plus est, nous sommes émerveillés par la vue depuis le lit : des volcans, une rivière et des lamas à gogo. Vraiment, quelle chance ! En plus, ce matin, c’est le luxe : nous faisons la vaisselle à l’eau tiède. Et oui, l’eau des thermes coule jusqu’au gué que nous aurions dû passer.

Direction notre dernière visite du parc : la lagune Huayna kota. On engage Olinda sur la petite route de terre, régulièrement secoués par la pierraille. Sur le chemin, nous croisons deux promeneurs. On s’arrête à leur niveau pour savoir où ils vont. Comme ils se rendent au même endroit que nous, nous les embarquons. Il s’agit d’un couple israélo-allemand qui voyage depuis sept mois en Amérique du Sud. On papote bien sur le trajet, malgré les secousses et le bruit du moteur. Nous les déposons à la lagune et entamons de notre côté un grand tour à pied.

Hé oui, il faut ouvrir et fermer les portes pour éviter la fuite des lamas !

La lagune est le paradis des flamants roses. Des dizaines d’entre eux prennent le soleil les pieds dans l’eau, et s’envolent à notre approche. Leur vol est vraiment majestueux, surtout avec le volcan en fond. Les montagnes qui se reflètent dans l’eau nous rappellent les paysages du désert d’Atacama, visité avec Martine et Claude.

Lors de notre balade, nous croisons un petit vieux avec deux chiens. Il vient spontanément nous faire la causette. Il surveille son troupeau de lamas, que l’on aperçoit gambader un peu plus loin. En effet, le berger nous apprend que des pumas, et même des renards (!) attaquent régulièrement les bêtes. Or, la vente de viande et de laine de lama est la source principale des revenus des habitants du parc de Sajama. Aucune culture n’est possible : chaque nuit les températures chutent drastiquement et gèlent tout. Le vieil homme nous confie que même les patates et la quinoa n’arrivent pas à pousser ici.

De retour auprès d’Olinda, nous voyons dans le sable un grand « thank you » que les autostoppeurs ont laissé devant le van avant de partir. C’est bien gentil ! Nous déjeunons sur place avec encore une fois une vue quatre étoiles. En revanche, le soleil est puissant à cette altitude, le cagnard nous assomme un peu (Quentin attrapera même un petit coup de chaud, oups). Les écarts thermiques entre le jour et la nuit sont vraiment hallucinants dans cette région !

Nous roulons jusqu’au village de Tumapari, petit hameau oublié des touristes. Il comporte pourtant une très belle église et des maisons typiques avec toit de chaume et murs d’adobe. Un habitant nous fera une visite guidée du centre d’interprétation où sont exposés des métiers à tisser et des animaux du parc empaillés.

Au moins, ceux-là, ils se laissent approcher... 
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Il est temps de quitter ce magnifique parc qui nous a enchantés du début à la fin. Après une heure de piste étroite et poussiéreuse, nous rejoignons la route goudronnée qui mène à La Paz. Comme nous sommes encore loin de notre destination finale et que la nuit tombe, nous nous garons sur un bas-côté, devant trois étonnantes tours de pierre. Il s’agit de chullpas, des tombeaux pré-incas qui sont posés là depuis des siècles. Après une nuit glaciale (oui oui, encore et toujours), nous nous en approchons pour jeter un œil à l’intérieur : les squelettes sont encore là ! Brr

Oups, désolés ! 
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Il est temps de finir notre route. La capitale bolivienne nous attend. Direction La Paz ! Nous allons découvrir une cité sens dessus-dessous et la circulation routière la plus chaotique de toute l’histoire de l’Humanité.


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