Carnet de voyage

Escapade en "Terre Verte"

8 étapes
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Comment imaginez-vous le Groenland ? Probablement blanc, froid, des banquises à perte de vue avec des ours polaires... Nous y avons découvert une toute autre réalité. Bienvenue en "Terre Verte" !
Juillet 2015
8 jours
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J1

Il n'existe pas de vol direct pour aller au Groenland, il nous faut transiter par l'Islande.

Tout d'abord 3h30 de vol, de Paris à Keflavik, aéroport international de l'Islande. Nous devons ensuite changer d'aéroport. Des bus sont présents en permanence à l’extérieur pour vous emmener où vous voulez dans la capitale. 1 heure plus tard, nous voilà à l'aéroport domestique de Reykjavik. Il nous reste alors 3 heures de vol pour arriver à NARSARSUAQ.

En arrivant sur la côte Groenlandaise, nous survolons d'immenses étendues blanches, la calotte polaire et ses glaciers immaculés, puis, soudain, les fjords apparaissent entourés d'un tapis de verdure. Nous voici en Terre Verte, traduction littérale de Groenland en danois.

En descendant sur le tarmac, nous sommes surpris par la douceur : 18°C et un soleil radieux !

On ne peut pas se perdre ici, le village de 145 habitants s’étend autour de l'unique route. Nous allons poser nos affaires à l'hôtel Narsarsuaq, seul hôtel du coin.

Nous partons ensuite faire une balade sur le mont Signalhøjen où l'on a une jolie vue sur les environs.

Il n'y a pas de grands arbres au Groenland. La végétation dépasse rarement le mètre. Les "forêts" résultent de plantations. D'ailleurs, en traversant celle située au pied du mont Signalhøjen, nous avons constaté que les arbres avaient encore leurs étiquettes !

Le saule arctique est l’un des plus petits arbres du monde et l’un des rares à supporter le climat glacial et sec du Grand Nord. Cet arbre nain ne dépasse pas les 20 cm de hauteur et ses branches rampent sur le sol. Ses racines, peu profondes, s’accommodent de la mince couche de terre souvent gelée de la toundra.


Nous suons à grosses gouttes. Le soleil tape et il n'y a pas un brin de vent ! Ce n'est pas vraiment l'image qu'on se fait du Groenland ! Nous redescendons vers le fjord. Nous voyons passer quelques icebergs. Ça nous met dans l'ambiance !

J2

Randonnée du jour : 20 km et 700 mètres de dénivelé, pour aller au glacier de Narsarsuaq, une langue glaciaire de l'inlandsis (la calotte polaire). Le temps est splendide, pas un nuage à l'horizon.

Nous passons par la vallée des Fleurs, qui porte effectivement bien son nom.

Le Groenland est la deuxième plus grande île du monde, après l'Australie. Avec une population de 57000 habitants, c'est le pays le moins densément peuplé au monde.

Le pays est recouvert à 85 % d'une importante calotte glaciaire, appelée inlandsis, laquelle constitue la plus grande étendue de glace après celle de l'Antarctique; elle atteint plus de 3000 mètres de profondeur en son point extrême. Aucun habitant de l’île n’habite sur la calotte, les villes et villages du pays se trouvant tous sur les côtes rocheuses recouvertes d'une petite végétation — la toundra — qui pousse dès la fonte des neiges. La partie habitable du Groenland — 15 % du territoire — correspond donc à une étroite bande côtière de 30 à 100 km de large, 200 km au sud-ouest de l'île où elle est accessible toute l'année à la navigation en raison de conditions climatiques plus favorables.

Devant nous se dressent 300 mètres de dénivelé assez raides. Des cordes installées aident les randonneurs dans certains passages.

Après la montée en plein soleil où on a eu TRÈS chaud, nous arrivons sur de petits lacs, comme à la montagne. On se croirait dans les Alpes !

Le glacier se révèle enfin, il est magnifique !

Nous nous installons face au glacier pour pique niquer. Nous sommes assaillis par les moustiques. C'est assez pénible. Grace à notre spray répulsif, nous ne sommes pas piqués sur les parties exposées (bras, visage). MAIS, nos habits ne sont pas traités... Du coup, les moustiques viennent nous piquer à travers nos vêtements, les sales bêtes ! Ils s'inviteront d'ailleurs aussi sur de nombreuses photos !

Si vous allez au Groenland, traitez bien vos habits. Le 5/5 fonctionne parfaitement, même sur les moustiques non tropicaux.

Pour la peau, nous avons testé le répulsif Centaura, produit vétérinaire, qui est incroyablement efficace, pas gras et tient toute la journée !

J3

Ce matin, changement de village. Nous traversons l'Eriks Fjord dans un petit bateau navette, destination Qassiarsuk où nous resterons 2 jours. On nous laisse sur le petit embarcadère.

Notre bateau navette, au complet avec 5 passagers. 

Nous nous rendons à pied à notre hébergement : une petite maison, attenante à une ferme. Chacun sa chambre, le reste est en communauté. Nous serons seuls le premier soir.

Notre petite maison dans la prairie. 

Les murs du salon sont tapissés de photos de famille.

Ce petit village d'une quarantaine d'habitants est riche d'histoire. C'est ici que débarqua Erik le Rouge, banni d'Islande, en 982.

Enfant, Erik le Rouge (nommé ainsi à cause de sa chevelure rousse), quitte sa Norvège natale pour l'ouest de l'Islande avec son père, exilé pour meurtre. Quand Erik le Rouge est à son tour proscrit d'Islande en 982, pour le même motif, il décide de partir en exploration à l'ouest, vers le territoire visible depuis les cimes occidentales de l'Islande. Il embarque avec sa famille et ses bêtes, mais les glaces flottantes l'empêchent d'approcher de la côte. Les bateaux contournent alors le sud du Groenland et débarquent à Qassiarsuk.

Durant 3 ans, ils érigent les premières constructions, élèvent leur bétail et explorent les régions environnantes à la recherche de terres fertiles.

Erik le Rouge revient en Islande en 986. Ses descriptions du territoire, qu'il nomme « Terre verte » , par opposition à la « Terre de Glace » Iceland, convainquent de nombreuses personnes en quête de terres plus habitables de se joindre à son expédition de retour.

Erik reste païen, mais sa femme se convertit au christianisme en même temps que la colonie devenait elle-même chrétienne. Elle fait construire une église dont il subsiste encore des vestiges. Les colons s'organisent politiquement sur le modèle islandais et Erik devient le chef suprême du Groenland, riche et respecté. Il y demeure jusqu'à sa mort vers l'an 1010.

Son fils, Leif Eriksson, est l'un des premiers Européens à avoir atteint l'Amérique du Nord vers l'an 1000, soit 5 siècles avant Christophe Colon !

Le thermomètre affiche 14°C. Le vent est frais, mais tant qu'on est au soleil, on est bien. Nous traversons le village.

L'école et l'église 

A la sortie du village, nous découvrons la reconstitution de la première église chrétienne et de la maison d'Erik le Rouge.

La 1ère église chrétienne. 
La maison d'Erik le Rouge, isolée du froid par la tourbe et son toit d'herbe. 

Nous continuons notre balade sur les hauteurs du village. Nous voyons de nombreux engins agricoles abandonnés au bord de la route ou rouillant dans les champs. Aucune pièce ne semble être récupérée. Autre curiosité, géologique cette fois, des roches en piles d'assiettes attirent notre attention. Les seules de ce type que nous ayons vues ici.


Au sommet de la colline trône la statue imposante d'Erik le Rouge.

Les gens ici sont très agréables. Ils nous saluent tous d'un geste de la main ou de la tête. Ils font des allées et venues avec leur quad sans but apparent...

Mais il n'y a pas beaucoup d'activité dans le village. On ne voit personne travailler aux champs ou pêcher. Il y a bien des fermes avec des engins agricoles mais rien ne se passe. Le seul magasin ferme à 15 heures. De quoi vivent les habitants ?

J4

Direction l'ouest pour une randonnée de 20 km, 700 m de dénivelé, jusqu' à Tasiusaq, au bord du Breddefjord pour contempler les icebergs qui viennent s'échouer dans la baie.

Au détour d'un col nous apercevons des icebergs au loin. Après une longue descente, nous arrivons au village. Nous le traversons pour aller nous poster au bord de l'eau.

Nous restons un bon moment à contempler le spectacle. De temps en temps, nous entendons un énorme craquement. C'est un iceberg qui se casse. Nous scrutons alors l'horizon pour le trouver. On en a vu ainsi plusieurs se rompre et se retourner. La partie bien bleue qui est sous l'eau (bleue car non oxygénée) se retrouve alors sur le dessus.

Tant qu'on marchait, ça allait mais maintenant que nous sommes à l'arrêt, nous ressentons vraiment le froid ! Le vent est glacial et le soleil tarde à arriver. J'empile tout ce que je peux !

Nous repartons par le même chemin, le soleil nous gratifie enfin de quelques rayons.

J5

Nous partons de Qassiarsuk pour nous rendre à Inneruulalik où nous dormirons ce soir. 11 km de marche sous la grisaille et la pluie.

Depuis 4000 ans, le Groenland est habité par des peuples inuits de l'Arctique. Les Vikings se sont installés dans la partie sud inhabitée, à partir du X° siècle. Les colonies nordiques ont disparu à la fin du XV° siècle. Au début du XVIII° siècle, la Scandinavie et le Groenland ont repris contact l'un avec l'autre, et le Danemark a établi sa souveraineté sur l'île.


Le Groenland constitue désormais un territoire du Danemark, doté depuis 2009 d’une autonomie renforcée. Cela signifie qu'il dispose de son propre parlement, de son gouvernement et de sa fonction publique. Les parlementaires groenlandais peuvent donc adopter leurs lois particulières. Le chef de l’État demeure la reine du Danemark.


Nous voyons très souvent passer des hélicoptères. En fait, il n’existe que très peu de routes reliant les villes les unes aux autres. Aussi, les moyens de transport les plus usités sont le bateau et l'hélicoptère.

Nous arrivons à Inneruulalik sous la pluie. Le cadre est magnifique malgré le temps maussade.

En revanche, notre hébergement nous a réservé quelques surprises étonnantes. Là encore il s'agit d'une maison dans une ferme à se partager entre touristes. Nous seront seuls, il faut dire qu'il n'y a pas foule par ici !

Déjà, pour pouvoir entrer dans la maison, il faut passer sur une planche, inclinée à 45°, et reposant sur des parpaings. Le bois est mouillé, ça glisse donc terriblement. Il faut s'entraider pour ne pas tomber.

Les fenêtres n'ont pas de joints donc l'air froid passe. De toute façon, la fenêtre du salon est cassée et colmatée avec un gant en laine et un bout de sopalin. L'évier fuit bruyamment. Les chambres sont des cimetières à mouches. La porte des WC/douche ne ferme pas et les fils électriques sont apparents...

Il fait un froid de canard. Il n'y a qu'un petit radiateur électrique dans le salon pour toute la maison. On a allumé le four pour chauffer un peu. La poignée nous est restée dans la main !

S'ils veulent recevoir des touristes, il va falloir faire quelques efforts ! Heureusement, on a une superbe vue sur les glaciers du fjord.

Vue de la cuisine 

Nous nous reposons un peu puis sortons au bord de l'eau pour voir de plus près les icebergs.


Ça fait désormais 5 jours que nous sommes au Groenland et deux constatations s'imposent :

1/ Quand travaillent-ils ?

On voit plein de machines agricoles (tracteurs) mais elles sont toujours à l'arrêt. Personne ne travaille dans les champs, pas de pêcheurs en vue, pas d'ouvriers, pas de marchés,... Les villages sont comme morts, à part les quads et les 4x4 qui passent souvent. Mais que font-ils ? Ce soir, nous logeons dans une ferme, il y a des hangars, des tracteurs, des chevaux, mais on ne voit personne. Ça fait bizarre.

2/ Il y a des détritus de partout : engins agricoles en fin de vie tout rouillés laissés ici où là, bidons rouillés, couches, flacons vides, emballages,... La nature est un dépotoir à ciel ouvert. Quel dommage !

J6

Nous quittons la maison à 10h30 pour nous rendre au bord du rivage où un bateau taxi doit nous récupérer pour traverser le fjord. Nous arrivons au bord de l'eau, c'est marée basse, il y a beaucoup de rochers et on se demande comment le bateau va accoster. Ben...comme il peut !

Nous longeons les icebergs. Il faut faire très attention, car la partie émergée représente 1/10ème du volume total. Il est difficile d'imaginer à quel point un iceberg est gros à la seule vue de ce qui émerge. Deux risques majeurs : la coque du bateau accroche la partie immergée ou l'iceberg se retourne.

On en profite pour demander au pilote de quoi vivent les gens car on ne les voit pas travailler. Par ici, ils élèvent des moutons. A cette époque, ils sont dans les pâturages. En septembre, ils iront aux abattoirs pour la viande.

Nous lui faisons part de notre étonnement de voir des motoneiges neufs, des tracteurs laissés n'importe comment dans les champs ou les chemins.

Le gros problème au Groenland, ce sont les très nombreuses subventions accordées par le Danemark. Du coup, les habitants ne prennent pas soin du matériel et ne se donnent pas de mal... Ainsi, les transports en hélicoptères sont subventionnés par l'état. Les gens préfèrent un trajet en hélico plutôt qu'en bateau car ça leur revient moins cher avec les aides. Mais c'est moins écologique, c'est le contribuable qui paie et ça ne permet pas de développer l'économie locale.

Le Danemark est très généreux avec le Groenland, et ne veut surtout pas s'en séparer car il espère bien trouver des sources de pétrole ou de minerais qui lui permettraient de s'enrichir.

Le bateau nous dépose à Itilleq. Nous continuons à pied sur Le Chemin Des Rois, pendant 4 km.

Nous arrivons à IGALIKU, un très joli village au bord du fjord.


Nous galérons un peu pour trouver l'auberge de jeunesse où nous resterons 2 nuits, car même si le village est petit, il n'y a aucun panneau indicateur !



Après nous être posés un peu le temps de manger, nous repartons pour nous balader dans les environs.

Nous rencontrons un petit passereau insectivore migrateur, le traquet motteux, occupé à nourrir sa progéniture.

J7


Pour cette dernière randonnée au Groenland, une marche de quasi 20 km nous attend. Direction le nord, le lac 90 et le plateau où nous aurons une vue magnifique sur le glacier Qôrqup Sermia et l'embouchure du Qooroq Fjord où se déversent les icebergs provenant du glacier.

A la saison froide, la neige tombant sur l'inlandsis s'accumule sans fondre. Sous l'effet de son propre poids, elle se transforme très lentement en glace tout en s'écoulant vers les bords. Ce processus est très lent, de l'ordre de milliers d'années. La glace, au niveau de la côte, forme de véritables fleuves se déversant dans la mer.

On a du mal à se représenter la tailles des icebergs. Le passage d'un bateau de pêche reconverti au tourisme nous fait réaliser que les morceaux que nous voyons sont en fait énormes !

Nous voici à l'embouchure du Qooroq Fjord, avec le glacier Qôrqup Sermia au fond. C'est grandiose, c'est calme : la nature dans toute sa splendeur !

Ici, les icebergs proviennent du glacier Qôrqup . L'hiver quand le fjord est gelé et pris dans les glaces, les icebergs s'accumulent en bas du glacier car ils ne peuvent pas s'écouler. En juin, quand le fjord est libéré des glaces, les icebergs s'y déversent alors en masse. En juillet/ août, il y en a beaucoup moins.

Cette année, l'hiver a été très long. C'est seulement maintenant que les icebergs sont libérés. On a donc beaucoup de chance d'en voir car habituellement à la mi-juillet, il n'y en a pas tant.

L'hiver, le fjord est totalement gelé et les habitants peuvent rouler en 4x4 dessus, mais depuis 5 ans, ce n'est plus le cas à cause du réchauffement climatique.

Pour le retour, nous ne prenons pas le même chemin. Nous restons sur le plateau où il n'y a pas de sentier et naviguons à vue. Du hors piste bien agréable !

J8

Notre séjour au Groenland touche à sa fin. Nous repartons d'Igaliku à pied pour rejoindre Itilleq. Le temps est gris et nuageux. L'iceberg d'avant hier est toujours là. Les tracteurs continuent de rouiller dans les champs...


Le bateau bus arrive à l'heure exacte. Les horaires sont toujours respectés, c'est bien appréciable ! Nous naviguons à travers les icebergs pour la dernière fois.

Nous débarquons à Narsarsuaq et nous rendons directement à l'aéroport. ! A l'enregistrement l'hôtesse nous note sur un papier au stylo le numéro de nos places dans l'avion ! Comme il reste de nombreuses places vacantes, nous prenons chacun un hublot. Et c'est reparti pour le spectacle de la Terre vue du ciel.

Nous atterrissons à Reykjavik, en Islande. Après une nuit passée à l'hôtel, nous partons en bus pour réaliser le trek du Landmannalaugar. Mais ça, c'est une autre histoire !

Amoureux des grands espaces et de la marche, le Groenland vous attend !