Il y'a un an, jour pour jour, je quittai l’île de la Réunion pour rejoindre la Suisse et entamer mon périple vers l'Albanie.
C'est très paradoxal. Depuis mon retour, je ressens un besoin viscéral de voir apparaître ce voyage dans le rétroviseur, clore le chapitre de cette aventure de presque une année ( dont 7 mois à la Réunion). Tourner la page voir même, fermer ce bouquin et en prendre un autre. Un livre plus simple à lire, plus enthousiasment, plus positif, plus facile à comprendre et rempli de sérénité, un livre à l'image de ce que m'a appris ce voyage.
Malgré tout, il est douloureux d’écrire cette dernière étape, de me replonger dans ce qui n'a pas toujours été fluide, de me remettre face au monticule d'émotions que j'ai ressenti pendant mon périple.
Aujourd’hui, devant cette page blanche je me sent enfin prêt. Les quelques notes prise en Albanie afin d’être précis dans mon récit me sautent au visage. Tous ces souvenirs resurgissent , de vraies montagnes russes émotionnelles.
Et au fait, pourquoi l'Albanie ? C'est suite au visionnage d'un documentaire que je me suis intéressé à cette destination. On y voyait des paysages magnifiques. Ce pays du Sud des Balkans, frontalier à la Grèce, situé entre mer adriatique et montagnes alpines n'est pas encore touché par le tourisme de masse. Comme s'il sortait de terre et se dévoilait pour la première fois, le pays qui a vu naître Mère Thérésa s'offre aux yeux du monde après 40 années de dictature.
A 1500Kms de la Suisse et après avoir traverser 7 pays, me voilà donc en Albanie le « Pays au 170 000 blockaus ». (Ce n'est pas une faute de frappe, 1 blockaus pour 16 habitants ! L'ancien dictateur Enver Hoxha voulais même en construire 750 000 pour se défendre contre une éventuelle attaque nucléaire ! Le temps lui a manqué mais il a quand même réussi à ruiner son pays). L'entrée en Albanie se fait via des plaines désertiques, entourées de montagnes et de lacs, un « no man's land » évitant de simplifier la fuite de la population vivant sous dictature. Mon premier souvenir, c'est cette charrette, tirée par un âne sur ce que nous appellerions un chemin en France mais faisant office de route nationale en Albanie. j'entrais dans un autre monde, sans aucun doute !
Je fais escale à Shkoder. Cette ville du nord ouest de l'Albanie est connue pour son lac et son château fort du XIVe siècle. Je retiens de ces premiers jours en Albanie la difficulté que j'ai à me faire comprendre. Fini l'anglais, je dois me servir de mes mains et de mon maigre forfait internet ! Forfait grâce auquel je peux montrer une photo de Babe (ce cochon devenu berger) au boucher du coin de la rue pour avoir de quoi cuisiner un sauté de porc. Je réussi également à prendre un RDV chez le coiffeur, une jolie coupe pour seulement 280 Leks, soit 2€30. L'Albanie est un pays très pauvre. Le salaire moyen est de 380€.
A ce moment du voyage, je commence à me sentir vraiment fatigué, depuis quelques jours je ne suis plus en mesure de prendre ce qu'on me donne, plus en mesure de donner non plus. Je suis tombé de nouveaux malade à Sarajevo et ça ne passe pas ! Je ne fais plus de rencontres, je n'ai plus envie de me lever le matin.
Je décide d'aller me ressourcer dans les montagnes. Je réserve une chambre à Theth, petit village Alpin situé à 2500m d'altitude. Le Kanun, une loi qui régit les règlements de compte et à laquelle se référent toujours certains clans des territoires du nord ne me fait pas changer d'avis.
Après 3h00 de route et de lacets incessants, le minibus s’arrête ! Le chauffeur fais demi-tour ouvre les portes et m'invite à regarder à l'horizon. Il tente de me montrer du doigt la maison dans laquelle j'ai réservé une chambre. Elle doit se trouver à 3kms au moins et il n'existe aucune route pour s'y rendre. Mais rien de plus simple, il faut traverser la rivière sur un ponton en bois de palettes instable, passer à travers champs en faisant attention aux vaches, ânes et autres cochons qui s'y trouvent, bref un vrai parcours du combattant pour un mec comme moi qui ne veux plus vivre d'aventures. A mon arrivée , je vous passe les détails, mais l'accueil n'est pas à la hauteur de mes attentes, la bâtisse dans laquelle je dois séjourner est encore en rénovation, 2 serbes sont en train de préparer du ciment pour y reboucher les trous béants du mur de la chambre que j'ai réservé. Il fait très froid, il n'y a pas de chauffage, j'ai faim, il y'a effectivement des trous dans le mur de ma chambre ! Tous les Rakis du monde (eau de vie de vin aromatisée a l'anis) que l'on me force à boire n'y ferons rien si ce n'est me décider à rentrer en France.
Retour à la civilisation. Cette fois-ci, j'ai fais appel à un taxi 4X4 pour rejoindre la ville la plus proche afin de pouvoir aller prendre un bus pour Tirana, la capitale Albanaise. Je ferais la première partie de ce trajet aux cotés d'une Allemande cinquantenaire trop bavarde à mon goût et d'un agneau dépecé placé délicatement dans le coffre ! (et oui!!!) la deuxième partie de ce voyage sera toute autant désagréable. Je vais attendre le départ de mon bus pour Tirana pendant des heures (Ah oui, bon à savoir ! En Albanie, les bus ne partent que lorsqu'ils sont pleins... Et vraiment plein! Tant que personne ne se retiens à ton épaule pour éviter de chuter sur le mec qui se tient devant lui dans l'allée centrale, le bus ne part pas! ) Ce sera mon dernier souvenir Albanais.
J'ai quelques regrets, j'aurais aimé passer plus de temps en Albanie mais les ressources physiques et mentales me manquaient.
Ce voyage à été douloureux. Je pense avoir vécu plus de moments de doutes, de questionnements, d'interrogations que de moments heureux mais j'ai appris énormément sur moi et je rentre plus fort.
Je suis fier du chemin parcouru. Je rentre plus serein, plus confiant et en ayant conscience de mes capacités à m'adapter, à rencontrer, à trouver des solutions face aux problèmes rencontrés sur la route, ma route (et ils sont nombreux!) ma capacité à relativiser les tracas du quotidien et à contrôler mes réactions face aux défis de la vie, à accepter cette vie, telle qu'elle est et non telle qu'elle devrait être. Catherine Testa dit que "les gens ne font pas que changer, ils deviennent". Cette expérience fait que je deviens qui je suis.
Je compte bien repartir. Je suis d'aillleur toujours en voyage, la vie est un voyage !
Si je dois tirer une leçon de ce challenge c'est que tout est possible dans la vie. Il suffit de le décider ! N'attendons pas de tout avoir pour profiter de la vie, nous avons déjà la vie pour profiter de tout.
Une étape / un son: