Le 7 mars dernier, à l'heure où blanchit la campagne, je suis partie.
Je suis partie les yeux fermés
(Parce qu'il était beaucoup trop tôt)
Je suis partie sans savoir où j'allais
(Parce que j'ai décidé de ne pas lire l'itinéraire reçu par pdf)
Je suis partie, mais en bonne compagnie.
Ok, trève de poèsie du dimanche, il est temps de commencer à réellement vous raconter ma super aventure dans le fameux Outback.
Tout d'abord, parce que ces grandes étendues sont difficiles à appréhender sans contexte, je vous invite à regarder une carte de l'Australie (qui, maintenant que j'y pense, ressemble pas mal à un haricot blanc, non ?). À present, cherchez Adélaïde (dans le creux sud-est du coco). Vous y êtes ? Bon.
J"ai booké un tour pour aller vers le centre parce que, comme vous le voyez sur la carte, c'est loin. Avec Lene, toujours à mes côtés, on aurait pu relouer une voiture mais les routes du désert ne sont pas recommendées pour les noobs que nous sommes (outre la distance et les accidents de kangourous, la chaleur ne fait pas du bien aux moteurs des petites voitures de loc').
Un peu avant l'aube ce jeudi matin, nous montons donc dans un mini-bus en compagnie de 12 autres voyageurs (7 nationalités différentes) et notre guide Brendan. Je vous mets en avant-première une photo de présentation de tout le monde :
Jour 1
Ce premier jour, le lever de soleil se contemple donc depuis le bus, entre dernières siestes et premières conversations entre nous pour apprendre à nous connaître. Et déjà, super drôle : deux fille, Julia et Dutch-Vera, se reconnaissent pour avoir partagé un autre tour... 10 ans auparavant en Afrique du Sud ! De mon côté, je retrouve aussi Swiss-Vera, qui était une copine d'auberge à Sydney ! Le monde est ptit.
On roule déjà pas mal en ce premier jour mais Brendan commence déjà à nous raconter plein d'histoires et d'anecdotes sur le coin (mention spéciale aux "bodies-in-the-barrels" à Snowtown). Nos premiers courts arrêts, après juste une pause café sont à Wirrabara Silo Art et à Melrose, où on découvre notre premier (et pas dernier !) River Red Gum (tree) (Eucalyptus camaldulensis), alias ici The Brewery Tree. Puis vient notre première rando dans le Mount Remarkable National Park : Alligator Gorge. Et non, point d'alligator ici ! Par contre, je suis déjà en transe devant les roches, véritables parois rouges où poussent une végétation étonnamment verdoyante.
Après un rapide arrêt lunch à Quorn?, où on partage nos premiers wraps, direction les Ikara-Flinders Ranges ! C'est cette chaîne de montagnes qui est notre destination. On la découvre par une 2e rando qui nous mène à Arkaroo Rock, une superbe roche peinte par les aborigènes qui raconte l'histoire de la création de ce lieu (je vous laisse trouver l'image et interpréter ce que vous voyez).
C'est donc déjà les pattes pleines d'aventure que nous arrivons à notre premier campement dans la soirée : Willow Springs. Et il est temps de monter les t... Eh non ! Pas de tentes pour nous mais des swags, c'est espèces de sacs avec un fin matelas et grâce auxquels on va pouvoir dormir à la belle étoile. Et, vous vous en doutez, au milieu de nulle part comme ça, le spectacle est magique...
(Sans compter, bien sûr, qu'on a grave le swag dans nos swags)
Jour 2
Il a fait chaud, si chaud cette nuit ! Je ne pense pas avoir dormir plus de 4 ou 5h... Et pourtant je fais partie du groupe qui se lève après le premier, celui de ceux qui ont eu le courage de se (re)lever à 4h30 pour aller faire une rando dite difficile pour voir le lever du soleil... Mais je ne regrette pas, avec les autres lèves-tard on a repris le temps de papoter et préparé un bon ptit dej en attendant le retour des autres.
Et quand le groupe est réuni, on repart tous en rando ensemble, direction Wilpena Pound lookout.
Ici, Brendan nous en dit plus sur le River Red Gum qu'on trouve partout et dont le tronc a parfois la particularité d'être coupé et brûlé : c'est en fait une tradition annuelle du peuple aborigène de la région pour préparer des abris aux générations futures.
Je m'éclate pendant cette rando où on voit plein d'oiseaux, mais aussi des petits wallabys... Et de supers points de vue sur les montagnes !
Après un autre déj fait de wraps, nous sommes invités à une cérémonie de bienvenue dans la communauté aborigène à qui appartiennent ces terres, Adnyamathanha. Après une présentation de chacun, John nous donne qqs explications sur ses traditions ancestrales puis a fait un feu agrémenté de feuilles spéciales, rien que pour nous. C'était un chouette moment, super intéressant de pouvoir échanger avec un aborigène... Car c'est finalement assez rare d'avoir cette occasion !
Reprenons la route : l'arrêt suivant est le Cazneaux Tree, un arbre célèbre pour avoir été l'objet d'une photo en 1937 qui avait pour titre Spirit of Endurance et devenu véritable symbole d'adaptation pour la vie quoiqu'il arrive, vu comment cet arbre pousse dans des conditions difficiles.
Puis après un autre lookout sur les montagnes et une leçon de géologie dessinée sur les vitres du bus, on s'arrête à dans les Brachina Gorge, lieu connu pour abriter une colonie de wallaby à queue jaune (Petrogale xanthopus). On a pu en voir 2 mais mes photos sont en contre-jour et ne donnent rien, sorry pour vous.
Le dernier arrêt du jour est pour Ediacaran Golden Spike, lieu où l'on a retrouvé le plus vieux fossile attestant d'un être vivant multicellulaire, et qui a donné son nom à cette période (l'Édiacarien).
De retour au même camp que la veille, il est temps de cuisiner ! Et ce soir, nous allons faire des pâtes. Et quand je dis faire : oui oui, en partant de la farine et des œufs ! Ça a été bien drôle, surtout qu'on a cuisiné pour 25 personnes : un autre groupe de la même compagnie de tours nous a rejoint ce soir-là, l'occasion de faire un feu de camp et d'ouvrir quelques bouteilles de vin...
Et la soirée a été mouvementée puisque Mark, un de notre groupe, s'est soudain fait mordre par un centipède (classe des Chilopodes) ! Rien de grave, "juste" une grosse grosse grosse douleur pendant plusieurs heures... Mais ça nous a bien rappelé (piqûre de rappel, huhuhu) que la nature ici, c'est pas que des gentils papillons et des beaux oiseaux...
J'ai oublié de préciser mais : il fait chaudJour 3
Nous quittons aujourd'hui les Flinders Ranges pour une longue journée de route. Et cette fois, c'est moi qui suis devant ! J'ai donc l'honneur d'assister Brendan dans ses leçons de géologie, en dessinant de merveilleux schémas au feutre sur le pare-brise. Et puisque j'ai toujours 5 ans dans ma tête... Je commence aussi à gribouiller sur les autres vitres... Et même si mes dessins ressemblent vraiment à ceux d'une enfant de 5 ans, tout le monde a l'air ravi et me somme de continuer, un jour du trip résumé par vitre !
Si la route est longue aujourd'hui, c'est que nous allons encore plus au nord en empruntant l'emblématique Oodnadatta Track qui file à travers le désert à la fois plat à l'horizon et plein de bosses et cailloux sur la route. On s'arrête évidemment à plusieurs endroits dignes de 1000 poèmes lyriques (pas de panique, je me retiens) : Lyndhurst ochre quarry, le village de Marree pour un lunch assaisonné aux mouches, le très étrange Mutonia Sculptures Park, la partie sud du lac Eyre qui s'étend, ligne blanche à l'horizon, comme un mirage, les sacrées Wabma Kadarbu Mound Springs... Et nous voilà enfin à William Creek, hameau connu pour avoir l'un des plus vieux pubs au milieu de nulle part du monde. D'ailleurs, c'est là que nous devons aller dîner ce soir mais, surprise : il est fermé car tout le staff est occupé... À la fête du rodéo ! Et oui, on est tombé le jour du rassemblement annuel des cowboys du coin ! On arrive après les différentes compèt' mais à temps pour les remises de prix... Et les schnitzel preparés pour l'occasion ! C'est très drôle de se retrouver soudain au milieu de cette ambiance fête du village country, sous fond de coucher de soleil désertique... Après une mise aux enchères de tout un tas d'objets lié au monde de la ferme, la musique commence !
Je ne m'attendais vraiment pas à danser du Abba au milieu du désert avec un groupe d'inconnus mais que voulez-vous, la vie est pleine de surprises !
Jour 4
La fête ayant continué bien après notre départ pour nos swags, qui étaient juste de l'autre côté de la route, j'ai plutôt mal dormi. Mais il faut croire que je commence à m'habituer, car je suis à fond dans la nouvelle journée qui commence. Direction : la fascinante Coober Pedy !
À la fin du XIXe siècle, quand il n'y avait rien ici, des gars ont découvert des mines d'opal. Sentant le bon filon, ils ont commencé à exploiter la terre et construire un village avec les ressources à proximité... C'est-à-dire des pioches et des bâtons de dynamite. Et boum, voilà un village souterrain !
(Je résume, hein)
On visite la Umoona Opal Mine & Museum, qui est aussi notre lieu de dodo : cette fois on ne déroule pas les swags mais on dort dans un dortoir creusé directement dans une colline !
Mais attendez, ce n'est pas encore l'heure de dormir : on passe voir Josephine's Gallery and Kangaroo orphanage, une gallerie d'artistes aborigènes locaux qui sert aussi d'orphelinat pour les petits kangourous. On rencontre ainsi Sugar, 5 mois, qui apprend tout juste à sautiller !
Cet aprem, c'est free time. Enfin, Brendan propose une activité que tout le monde accepte de faire : la visite de Crocodile Harry's Underground Nest. Crocodile Harry, c'etait un duc letton un peu trop sympa avec les nazis pendant la guerre, et qui a fui en Australie pour échapper à la justice américaine. Là, il est devenu chasseur de crocos puis est venu dans le désert installer sa maison "bézodrome". En effet, charmant, Harry acceptait tout le monde et ça se savait... Sa maison est un vrai hommage, avec des strings et des dessins évocateurs partout, très rigolo à visiter !
De retour au village, petit jeu de cartes puis pizzeria, où Brendan nous a préparé un super quizz sur tout ce qu'on a déjà vécu ensemble.
Et le soleil se couche, le village s'endort...
Jour 5
Aujourd'hui est notre plus grosse journée de route, environ 770 km ! D'ailleurs, même le bus semble s'en apercevoir : une des roues du trailer à l'arrière commence à s'effilocher... Oopsie, arrêt en urgence sur le bord de la route pour que Brendan change la roue. Le lieu, ma foi très pittoresque, est sûrement l'un de mes plus beaux pipi-nature !
Ce jour-là on traverse la frontière entre Southern Australia et Northern Territory et on lunch sur une aire d'autoroute avec des émeus. On apprend tout, tout tout tout des aventures de James Cook et, quand on arrive le soir à notre camp de Kings Creek Station, surprise : il y a une piscine ! Le plouf est bien mérité.
C'est aussi dans ce camp que, dans l'évier à côté de nos swags, on trouve une redback spider (Latrodectus hasselti), jolie bestiole dont la morsure te tue en 48h, le temps de bien détruire tes organes.
La nuit étoilée, toujours aussi belle, a aussi été ponctuée de cris de dingos plus ou moins lointains. Apparemment certains en ont vu sur le chemin aux toilettes mais moi pas, snif !
(Si vous ne savez pas à quoi ressemble un dingo faites comme moi : google !)
Jour 6
Réveil très tôt encore ce matin... Nous partons tous en rando-lever-de-soleil à Watarkka National Park !
Ce parc abrite le Kings Canyon, et la rando commence donc de nuit : non seulement c'est un chouette spot de coucher de soleil, mais si on s'y prend trop tard... Il fait si chaud que ça en devient dangereux. Les rangers ne déconnent pas ici, ils demandent à ce que tout le monde ait au moins 3L d'eau, et la première partie de la marche est une colline tellement hardcore qu'elle est appelée la heart-attack hill !
Bon, de nuit, ça a été, j'ai pas trouvé ça si dur... Mais en effet, vu comment la température a augmenté quand le soleil s'est levé (déjà 38°C à 10h...) j'imagine les malaises sur la pente...
Toujours est-il que j'ai adoré cette rando et ce parc, voir le soleil se lever sur la vallée en bas, les reflets des rochers dans les flaques de pluie récente, la méditation en bas dans le Garden of Eden, et ce rouge, ce rouge lisse et doux partout autour...
On rentre au camp pile le temps d'un dernier plouf dans la piscine et d'un super brunch, puis c'est reparti !
Dans le bus, Brendan nous annonce soudain une triste nouvelle : pour les 2 prochains jours, nous serons à Yulara, terre des communautés aborigènes Yankunytjatjara et Pitjantjatjara, qui sont très stricts sur qui a l'autorisation de guider les groupes... Et Brendan ne possède pas ladite accréditation. Cette nuit sera donc la dernière avec lui, et on va retrouver, pour la suite du voyage, Emily, qu'on avait rencontrée lors de la soirée pâtes du Jour 2 ! (Vous suivez ?)
Nous arrivons donc à Yulara dans l'après-midi, village-à-touristes par excellence car il n'y a que des hôtels, un camping, une piscine, un magasin et qqs boutiques souvenirs. On décide de faire une surprise à Brendan pour son départ : une carte postale que tout le monde signera pour lui dire merci au cours du dernier dîner ensemble.
Mais avant cela, on reprend le bus... Et on va voir Uluru !
Cette célèbre montagne est sacrée et plusieurs choses sont interdites à photographier, mais il y a plusieurs lookouts installés exprès pour pouvoir l'observer dans le respect des traditions aborigènes. Et celui où nous allons ce soir est parfait pour... L'apéro ! Et beaucoup beaucoup de photos, évidemment.
Jour 7
Ça y est, je suis une morning-person maintenant : je n'ai aucun mal à me lever avant l'aube pour un 2e lever de soleil à la suite ! Ça fait tout bizarre de dire au-revoir à Brendan : je crois que, en plus du côté difficile de quitter un ami, on se rend tous un peu compte que c'est vraiment le début de la fin... Mais on s'entend aussi très bien avec Emily et il faut continuer à profiter de chaque instant !
Nous roulons dans le parc jusqu'à un lookout qui permet de voir le soleil se lever sur Uluru et la chaîne rocheuse Kata Tjuta. C'est ensuite vers cette dernière qu'on se dirige pour notre rando du jour.
Mais Kata Tjuta est un site hautement sacré et il nous a été demandé de ne pas faire de photos. Vous allez donc me croire sur parole : c'était magnifique. Comme d'habitude, un mélange de roches rouge à presque escalader au milieu d'arbres endémiques qui ajoutent un peu de vert avant de monter vers un ciel bleu-bleu-bleu. Et les mouches, et la chaleur, bien sûr, mais qu'importe, on profite. Moi qui adore prendre des photos, je ne me suis pas du tout sentie frustrée car on a vraiment le sentiment d'être dans un lieu unique, précieux, au cours d'un moment unique, précieux.
On a ensuite été visiter le Uluṟu-Kata Tjuṯa Cultural Centre tenu par la communauté, dans lequel il n'est pas non plus permis de prendre des photos. Il y a là un petit musée, des galleries d'art et des boutiques, le tout dans une architecture qui rappelle les roches et l'ondulation des serpents de la création. J'ai pu observer des artistes peindre ces œuvres si émouvantes dont j'ai déjà rempli le blog...
Après un retour au camp pour un nouveau wrap-lunch, piscine time! On chill dans l'eau tout l'aprem, ce qui fait un bien fou avec la chaleur qu'il fait (39-40°). Notre dernière activité de la journée est le coucher de soleil sur un autre lookout près du camp, et je ne suis pas la seule à sentir, déjà, la nostalgie des dernières nuits, celles qui sont belles et tristes et qu'on ne veut pas voir finir.
Oui, il y a une mouche sur mon front. Oui, j'ai avalé des mouches pendant ce séjour. Non, je ne veux pas en parler davantage.Jour 8
Dernier jour, dernier lever de soleil dans le désert ! C'est encore un nouveau lookout et on ne se lasse pas des couleurs qui changent sur le rocher... Quand le soleil est bien rond et jaune, on se rapproche du site sacré et Emily nous guide à travers la grande rando qui fait le tour de Uluru, nous racontant des Creation stories et traditions qui sont liées à certaines parties.
L'une des choses importantes à savoir est que, pour ces communautés aborigènes, une histoire se raconte 1- uniquement par un membre de la communauté ou qq'un accrédité par eux, comme Emily ; 2-uniquement devant le lieu où l'histoire s'est passée. Je n'en dirai donc pas plus. Il n'est pas non plus permis de faire des photos partout car des cérémonies ont toujours lieu à certains endroits...
Malheureusement on n'a pas eu le temps de faire tout le tour, juste les 2 tiers je dirais, car... On est grave ric-rac.
En effet, le voyage est sensé terminer à 11h et nous sommes 3 à avoir un avion depuis l'aéroport de Yulara à 13h, il faudrait donc être là-bas avant midi... Et il faut retourner au camp, rouler les swags, refaire les sacs... Et bien sûr donner un big hug d'au-revoir à tout me monde. Tout cela se fait dans la précipitation, mais ce n'est peut-être pas plus mal : après la solennité et la splendeur d'Uluru je me sens à fleur de peau, un peu trop d'émotions supplémentaires et je fonds en larmes comme l'enfant de 5 ans que je suis. Les au-revoir sont émouvants (surtout avec Lene), certes, mais trop rapides, trop plein d'adrénaline, trop bousculés pour les (grosses) larmes.
Cette expérience a été dingue. Les paysages, bien sûr, la culture, l'histoire et les sciences, mais aussi, surtout, toute l'ambiance avec le groupe. J'ai mis 300 ans à écrire cet article et c'est sans doute le plus long depuis le début de mon voyage, mais jespère que c'est assez plaisant à lire. J'aurais pu développer mille autres détails... Un jour, peut-être.
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Chanson à avoir dans la tête :
You're so vain - Carly Simon