Comme je l'ai évoqué plus tôt, nous sommes à la fin de la saison de migration des animaux. A cette période, le Kenya traverse une sècheresse, et les animaux migrent vers la Tanzanie afin d'y trouver de l'eau et de quoi brouter.
Lors de ce périple, ils doivent affronter une étape cruciale qui est la traversée de la rivière Mara. C'est un rendez-vous qui a lieu tous les ans, tous les habitants de la rivière y sont conviés.
Les enjeux sont tels qu'il peut se passer des heures, voire des journées avant que la traversée ait lieu. C'est les gnous qui prennent la décision de se lancer, tous les autres les suivent. Seulement le gnou est indécis, il connait les risques. Ils ne survivront pas si ils restent de ce côté de la rivière, et ils risquent leur vie à la traverser. Aussi ils peuvent commencer à s'engager en marchant tranquillement vers la rive, puis changer d'avis et faire brusquement demi-tour au galop, effrayant tout le troupeau.
C'est ainsi que nous passons 3h à attendre enfermés dans nos jeep, sous le soleil assommant, suspendus au va-et-vient des gnous sur le bord de la rivière.
Alors que nous allions abandonner et rentrer, le troupeau se décide.
Et c'est parti ! Une vague de gnous déferle soudain sur la rivière. Ils sont des milliers. Ils nagent, luttent contre le courant, et escaladent la rive d'en face. Ils sont tellement nombreux qu'ils marchent les uns sur les autres.
On peut voir que sur les 3 sorties de rivière que les bêtes empruntent, l'une d'entre elle est rapidement engorgée car la montée est trop escarpée et les gnous n'ont pas la force de se hisser jusqu'en haut. Ils paniquent, s'épuisent.
Les crocodiles en profitent, passent à travers le flux de bêtes et happent les plus faibles.
Les zèbres, plus malins, commencent alors à s'engager. Ils ont vu que la voie était ouverte, ils se faufilent dans la nuée de gnous pour échapper aux prédateurs.
Enfin, une fois en sécurité de l'autre côté, les premiers animaux reprennent leur route au pas, tranquillement.
Au bout d'une vingtaine de minutes, c'est terminé.
Une petite partie du troupeau n'a pas pu traverser, il est trop tard. Certaines sorties sont condamnées par les corps des bêtes mortes d'épuisement, la traversée est devenue trop exposée aux attaques des prédateurs. Peut-être tenteront-ils à nouveau leur chance une autre fois, ou alors ils feront partie de ceux qui resteront sur le territoire.
Beaucoup n'ont pas survécu à cette étape de la migration, mais cela fait partie de l'équilibre naturel du monde. La mort des uns permet aux autres de vivre. Assister à un événement pareil est un vrai privilège. Je me suis sentie si petite et en même temps si reconnaissante d'avoir pu être le témoin de ce phénomène orchestré par la nature, par les éléments ; un phénomène dans lequel chaque acteur a sa place et l'Homme alien à cet écosystème y reste complètement étranger.