Si à l’origine je prévoyais de rejoindre tranquillement Cusco depuis Lima par voie terrestre, je change mes plans afin de pouvoir assister à la grande fête inca du soleil : l'Inti Raimi, le 24 juin. Après quelques jours de visite à Lima, je pris donc un vol pour Cusco (1H10 pour parcourir quelques 1’000 kilomètres). Une fois décollé et percé le voile de nuages épais, je retrouvais enfin le soleil et une vue splendide sur la cordillère andine. On peut apercevoir quelques cimes enneigées, voir même le Machu Picchu si on est du bon côté de l’appareil. L’atterrissage à Cusco fut épique. Le pilote doit œuvrer entre les montagnes et négocier son virage rapidement pour se mettre face à la piste. La période du virage est très mouvementée, le tout dans une inclinaison abrupte. C’est fou comme on devient croyant dans ces moments-là, à prier Dieu, Ganesh, Allah tout puissant ou Yahvé !
Enfin, arrivée à Cusco, à pas moins de 3'300 mètres d’altitude, je commence à ressentir un mal de tête. Le chauffeur de taxi, très attentionné, me recommande ne pas faire trop d’effort, marcher très lentement et dîner léger pour cette première soirée en altitude; recommandations que j'applique très naturellement. Je suis accueillie chaleureusement par les propriétaires de la Guesthouse "Casa Rivero", Jackie et Carlos, qui m’offrent un « coca tea » (maté de coca) afin de faire passer le mal des montagnes.
Je me sens enfin arrivée en Amérique du Sud, dans une ville, certes très touristique, mais néanmoins très authentique. Ici, en plus de l'espagnol, on parle Quechua. Avant d’être une marque de grande distribution française, il s’agit bien d’une langue.
Visite de la ville
Avec ses quelques 430'000 habitants, Cusco se situe parmi les plus grandes villes péruviennes. La ville très animée offre de nombreux attraits : un très joli marché local (Marché San Pedro), un charmant quartier bohème (San Blas), de nombreux musées (Musée Inca, Musée du Machu Picchu, Musée régional historique, Coricancha/ Convento de San Domingo, Musée du chocolat, Musée pré-colombien …etc), ses multiples églises, quelques fêtes traditionnelles authentiques (Inti Raymi, Corpus Christi) et de nombreux vestiges incas à proximité.
Cusco- Sa Plaza de Arma et la statue de l'Inca, sa Cathédrale, ses ruelles pentues et ses écoliers en uniformeLe marché de San Pedro
Le marché de San Pedro est très un joli marché local. On y trouve du fromage de vache, de nombreux fruits avec possibilité de déguster sur place un délicieux jus de fruits, l’agua florida pour le mal des montagnes, des tablettes de chocolat en forte teneur en cacao et parfumée à différents goûts tel le maracuja (fruit de la passion), des légumes et notamment le maïs violet foncé qui est utilisé pour fabriquer la Chicha morada (sorte de jus de fruits sucré), de la viande, des feuilles de coca et bien évidemment tous les souvenirs typiques tel que les bijoux en argent, les vêtements et accessoires en poil d'alpaga et mouton. La légende urbaine raconte que le toit de ce marché fut conçu par Gustave Eiffel, comme dans certains autres marchés péruviens.
A noter, pour prendre ma charmante vendeuse de fromage en photo il m’en aura coûté quelques soles, pratique courante pour avoir le droit de prendre des photos.
Cusco- Marché San PedroLe Pérou peut être considéré comme le grenier du monde par la richesse de ses ressources naturelles : pas moins de 36 variétés de maïs, 15 variétés de tomates, 2'500 variétés de pommes de terre (sur 4'000 dans le monde), 150 variétés de patates douces, 650 espèces de fruits endémiques. Si nombre de nos légumes préférés d'aujourd'hui (la pomme de terre, le maïs, la tomate, l'arachide...) ont débarqués, entre le XVème et le XVIème siècle, en Europe mais aussi en Afrique (manioc, banane, cacao, patates douces...), on le doit aux conquistadores espagnols et aux explorateurs comme Christophe Colomb ou Magellan.
Concernant le maïs, il est présent au Pérou depuis des millénaires et constitue l'un des aliments de base de la cuisine péruvienne, considérée pour sa variété comme une gastronomie majeure au plan international. Il existe 36 variétés de maïs au Pérou, dont le célèbre maïs violet, variété unique au monde utilisée massivement dans la cuisine péruvienne depuis l'époque précolombienne. Ce maïs est consommé sous toutes ses formes : cuits en épi ou égrainé, grillé, sous forme liquide ("Chicha Morada") et en dessert ("Mazamorra"). Plus de 99% des exportations de cette variété sont destinées au marché japonais.
Quant à la pomme de terre, elle a vu le jour dans les Andes, à la frontière entre la Bolivie et le Pérou, où elle poussait à l’état sauvage. Les premières traces de culture que l’on a retrouvées datent d’il y a 7'000 ans. Seule culture résistant bien à la rudesse du climat péruvien jusqu’à plus de 3'000 mètres d’altitude, sur les abords du lac Titicaca, des communautés de chasseurs cueilleurs domestiquèrent les nombreuses espèces qui y poussaient.
Autre mets typique à noter le Cuy ou cochin d’Inde géant. Dans les Andes centrales, le cochon d’Inde, ou Cuy comme on le nomme au Pérou en référence à son couinement, domestiqué il y a près de cinq mille ans, est considéré comme un mets de choix. Dans la cathédrale de Cuzco, l’ancienne capitale de l’Empire Inca ainsi que dans le monastère San Francisco de Lima, des tableaux datant de la période coloniale dépeignent le Christ et ses apôtres se régalant d’un plat de Cuy rôti. Le rongeur est d’ailleurs quasiment toujours réservé au menu des jours de fête dans les Andes.
Ses musées
Parmi les nombreux attraits de Cusco, on pourra noter la multitude de ses musées. Les principaux musées sont le Musée Inka, le Musée du Machu Picchu, le Musée Pré-Inca, le musée régional historique et le musée du chocolat.
Le Musée Inca présente non seulement l’Empire Inca sous différentes facettes telles que les métiers du tissage, l’architecture, l’agriculture, l’apogée de l’empire mais aussi les périodes pré-Inca tels que le peuple de Nazca et de Pukara ( -400 av. JC), le peuple de Mochica (-100 av. JC), le peuple de Chankay (800 ap. JC), le peuple de Chimu (1'100 ap. JC).
Musée du Qoricancha et Musée Inca (cartes représentant l'empire Inca à son apogée)La célèbre tablette dorée, que l'on peut admirer dans le Musée du Qoricancha ou Temple du soleil, représente les cultes du temple du soleil au temps de l'empire Inca. On y retrouve les références à la Pacha Mama (terre mer), aux différents mondes (le divin, le terrestre et le sous-terrain), le soleil (Inti), la lune, la mer, l'arbre, le jaguar.
Quant au Musée du Machu Picchu, qui se trouve dans la magnifique demeure « Casa Concha », il présente le site du Machu Picchu grâce à des maquettes, la découverte en 1911 par le jeune historien états-unien Hiram Bingham alors âgé de 35 ans, la vie à l’époque de la cité du Machu Picchu, son agriculture en terrasse, le tissage, la métallurgie, la pratique de sacrifices humains et d’animaux, les objets en céramique.
Musée du Machu Picchu L'Empire Inca apparut au XIIIe siècle et disparut en 1532 après J.-C. Les Incas sont les contemporains des Mayas. Selon la mythologie, les incas descendent de Manco Capac, le premier roi inca. Inti, le dieu du Soleil, l'aurait fait sortir du lac Titicaca avec sa soeur Mama Ocllo, envoyé par Viracocha, le dieu créateur, pour apporter la civilisation aux hommes. Arrivés dans la région de Cuzco, la capitale du futur empire, les incas ne sont qu'une tribu parmi d'autres. Ce furent les rois Yahuar Huaca et Viracocha Inca qui étendirent la domination inca.
En 1532, des conquistadors espagnols, menés par Pizarro, débarquèrent. Les Incas, les voyant sur leurs chevaux avec des montures de fer qui brillaient au soleil, les prirent pour des dieux. Les conquistadors profitèrent de la situation et persuadèrent les Incas qu'ils étaient des dieux. Puis ils sortirent leurs armes et massacrèrent tous les Incas qui leur opposaient une résistance. Ils pillèrent tout l'or et toutes les pierres précieuses qui se trouvaient dans les villes. Il y en avait tellement qu'ils durent faire fondre l'or pour le transporter. Les Incas racontèrent aux conquistadors qu'ils avaient trouvé leur or dans une ville qui en était remplie. Ainsi est né le mythe de l'Eldorado. Aucun explorateur n'a jamais retrouvé trace de cette ville. Les conquistadors profitèrent de luttes internes entre les 2 frères héritiers du trône de l'Inca et le peuple fut bouleversé lorsqu'il découvrit après la mort de l'Inca que celui-ci pouvait être vaincu, compte tenu du fait qu'il pensait que l'Inca était le fils du Dieu soleil. Les espagnols ramenèrent aussi avec eux le choléra et la variole, 2 maladies qui tuèrent énormément d'incas.
Visite des alentours de Cusco
Afin de visiter la plupart des sites autour de Cusco et de la Vallée Sacrée, il faut au préalable acheter le « Bolleto turistico », billet d’entrée touristique globale. Il englobe de nombreux sites et musées dont Tambomachay, Pucapucara, Qenqo, Saqsayhuaman, Ollantaytambo, Pisac, Moray, Chinchero, le Musée régional et même un spectacle de danses traditionnelles.
Je pars pour une visite d’une demi-journée des principaux sites incas de Cusco et de ses environs. On démarre avec la visite du Qoricancha, temple du soleil pendant la période inca qui a été converti en Couvent de San Domingo par les colonisateurs. Le guide assure la visite en langue espagnole. Sa connaissance historique n’a d’égale que son débit de paroles. J’ai du mal à le suivre alors qu’il essaye de donner le maximum d’informations en peu de temps. Il souligne le fait que le Coricancha, désormais Couvent de San Domingo, s’est retrouvé la propriété du Vatican sur la base d’une règle de propriété après deux ans d’usufruit. Il précise qu’aujourd’hui, les touristes locaux péruviens déboursent donc 15 soles, qui vont directement dans les poches du Vatican. Le guide met en avant les talents d’architecte des Incas, qui construisaient des édifices antisismiques et nous montre quelques-unes des principales caractéristiques de l’ingénierie civile inca : l’inclinaison des murs (entre 8 et 13 degrés, la base des murs étant plus large que le sommet afin d'en améliorer la solidité et la résistance aux tremblements de terre) et l’assemblage de pierres pour édifier des murs sans mortier apparent. De même que dans le film « Carnets de voyage » de Walter Salles, il distingue les murs édifiés par les Incas et ceux par les « Inca-paces » (incapables en espagnol) en parlant des murs réalisés par les colonisateurs espagnols.
Puis nous partons vers le site de Tambomachay, le temple de l’eau datant de 1350. Le guide nous explique que la société inca avait développé une ingénierie hydraulique très avancé. Au vingtième siècle, ce site était considéré comme source de fertilité pour les femmes souhaitant avoir des enfants. Le site suivant est Pucapucara, qui offre une vue splendide de la vallée et des sommets (notamment le Mont Ausangat, s’élevant à plus de 6'370 mètres d’altitude). Quant au site de Quenko, il s’agit d’un important sanctuaire aux autels sacrificiels de lamas et alpagas, mais aussi un site de momification. On y trouve la représentation des trois mondes : Le Ciel, le Terrestre et le Sous-terrain, auxquels correspondent respectivement le Condor, le Puma et le Serpent.
Tombomachay et Qenqo Sacsay'huaman
On termine la visite par le site le plus imposant, le site de Sacsayhuaman, caractérisé par ses blocs cyclopéens, symbolisant la tête d’un puma, animal sacré dans la tradition inca. Il s’agit du plus grand site de monolithe. Plus de 20'000 ouvriers travaillèrent pour construire ce site, en utilisant le système de percussion pour sculpter ses monolithes. Le plus grand monolithe mesure six mètres de haut pour cent-vingt-huit tonnes.
Site de Sacsay'huaman Construite par l'inca Pachacutec vers le milieu du XVe siècle, à la suite de l'attaque de Cuzco en 1438, elle fut finalement achevée par les incas qui suivirent (Tupac Yupanqui, Huayna Capac). Il s’agirait d’une forteresse inca ou un centre religieux dédié au soleil et à d'autres dieux incas, située à deux kilomètres de la ville de Cuzco. Elle a la forme d'une tête de puma, animal sacré dans la tradition inca.
Spectacle de danses traditionnelles andines
A noter le Bolleto Turistico inclut l’entrée pour assister au Centre des arts natifs de Cusco, à un spectacle de danses traditionnelles andines. Le « Centro Qosqo de Arte Nativo » est le premier regroupement de musique et danses folkloriques du Pérou. Fondé en 1924, autour de 70 artistes, son répertoire actuel compte plus de 60 danses andines et des centaines de mélodies traditionnelles. Toutes les danses et musiques présentées sont originaires de la région de Cusco. Certaines, comme le « carnaval cusqueño » remontent à des siècles. Toutes les danses sont interprétées par des hommes et des femmes aux rôles, costumes et accessoires bien définis. Chaque danse raconte une histoire, une légende et exprime un sentiment ou une idée précise.
Spectacle de danses traditionnelles andines au Centre des arts natifs de CuscoLa fête Inti Raymi, chaque 24 juin
Inti Raymi, la fête du soleil (en langue Quechua : Inti–Soleil et Raymi–fête ou cérémonie), est à l’origine une cérémonie religieuse Inca en l’honneur de l'Inti, père soleil. Il marque le solstice d'hiver dans les pays andins de l’hémisphère Sud. Le centre de la cérémonie est la forteresse de Saqsaywaman (à deux kilomètres de la ville de Cuzco), le 24 juin de chaque année. Il existait en réalité deux fêtes du soleil, le wawa inti raymi (fête du Soleil enfant) au solstice d'hiver, et le capaq inti raymi (fête du grand Soleil) au solstice d'été. La célébration la plus importante est celle du soleil naissant, on y célèbre la renaissance du Soleil pour un nouveau cycle, le début de l'année Inca. Héritage de ce Dieu soleil, la monnaie péruvienne s'appelle "sol" depuis 1991, soleil en espagnol, et a succédé à la monnaie Inti.
Cette fête indiquait le début de l'année ainsi que l'origine mythique de l'Inca et durait 9 jours durant lesquels avaient lieu danses et sacrifices. Le dernier Inti Raymi en la présence de l'empereur Inca s’est tenu en 1535. Il a été par la suite interdit en 1572 par le vice-roi Francisco de Toledo étant considéré comme une cérémonie païenne contraire à la foi catholique, mais a cependant continué à être célébré clandestinement. En 1944, une reconstitution historique de l'Inti Raymi est organisée à l'initiative de Faustino Espinoza, sur la base des chroniques de Garcilaso de la Vega, lesquelles se référent aux seuls aspects religieux de la cérémonie. Depuis cette date, la cérémonie annuelle est à nouveau un événement public et de grand attrait touristique dans la ville de Cuzco.
Fête de l'Inti Raymi dans Cusco et Sacsay'huamanDeux événements se déroulent durant le jour de l'Inti Raymi. Le matin, une parade avec accès gratuit a lieu jusqu'à la Plaza Del Arma, où les locaux et les touristes étrangers affluent tôt le matin (dès 7H00) pour assister au spectacle qui débute vers 9H30 et dure environ deux heures. Puis, s'ensuit un spectacle payant, de 13H30 à 18h (jusqu'à 156 USD pour certaines places) sur le site historique de Sacsay'huaman. Les locaux, eux, grimpent dans les vallées environnantes afin d'apercevoir le spectacle théâtral, sorte de reconstitution historique accompagnée de danses et chants pendant toute l'après-midi. Les processions représentent les quatre suyos (région de l'empire inca). On peut y apercevoir "l'Inca" et sa femme.
Quelle tristesse de voir que le spectacle de l'après-midi n'est plus désormais un spectacle pour "le peuple", mais pour les riches uniquement, vu le prix exorbitant des places!
Cérémonie du Corpus Christi
A quelques jours d'intervalle avec la grande fête d'Inti Raymi, Cusco reste animée grâce à l’effervescence des célébrations du Corpus Christi dans les différents quartiers de la ville. Des statues de saints et de vierges en provenance de différents quartiers arrivent en procession jusqu'à la cathédrale pour saluer le corps du Christ, représentée par l'hostie consacrée gardée dans le magnifique ostensoir en or massif qui se trouve dans la cathédrale. Les cortèges sont accompagnée de fanfares, danseuses et selon les quartiers se terminent par l’embrasement de grandes structures décorées de pétards.
Procession des saints et défilé de danseurs et fanfares dans les différents quartiers de la ville Le Corpus Christi est la cérémonie catholique dédiée au corps et au sang du Christ présents dans l’eucharistie, qui se fête le jeudi 60 jours après Pâques. C’est le vice-roi Francisco de Toledo qui a instauré ce rituel en 1572, pour supplanter les vénérations de momies héritées des Incas. Selon la tradition de Cusco, la veille de la fête religieuse, les quinze saints de la ville descendent de leur hôtel pour se réunir autour du Seigneur des Tremblements qui n’est autre que la représentation de Jésus en croix la plus vénérée en Amérique latine.