En une demi-heure d’avion depuis Papeete, j’arrive sur l’île de Huahine, située à 170 kilomètres au nord-ouest de Tahiti, faisant partie des îles Sous le Vent et comptant quelques 6'075 habitants. Elle se compose de deux îles (Huahine Nui « la Grande » et Huahine Iti « la Petite ») reliées par un pont surplombant le chenal qui fait communiquer les baies de Maroe et de Port Bourayne. Huahine se compose de 8 villages, 4 sur la grande île (Maeva, Fare, Fitii et Faie), 4 sur la petite île (Maeva, Parea, Tefarerii, Haapu). Huahine signifie « femme enceinte » de Huah signifiant « Sexe de la femme » et « Hine », signifiant femme. Il s’agit d’une île ancienne, née de trois volcans distincts. Le point culminant de l’île est le Mont Turi (669 mètres), qui se localise sur la grande île (Huahine Nui). Les îles de Huahine possèdent de nombreux charmes : montagnes mystérieuses et élégantes, marae et vestiges archéologiques, lagons calmes et idylliques.
Visite de Huahine Nui
Je commence ma visite des deux îles par la ville de Fare, chef-lieu des îles de Huahine. Il s’agit d’un charmant petit village, sur la côte ouest, où se situe le cœur économique et administratif des îles : le supermarché Super U, une charmante poste aux couleurs tropicales jaune et bleu, des restaurants en bord de plages et les incontournables roulottes pour dîner. En me promenant dans le village le dimanche après-midi, je m’arrête pour visiter l’église et tombe sur la kermesse paroissiale qui anime la grande cour devant l’église. Les gens se sont mis sur leurs 31 : les femmes sont habillées de robes fleuries et coiffées de couronnes de fleurs multicolores. Le déjeuner se déroule sur fond de musique polynésienne, dont l’instrument principal est le yukulélé.
Balade dans le village de Faré un dimanche Puis je pars me baigner dans la petite baie de Fare et nager avec les poissons multicolores (tétrodon moucheté et Idole Maure), une murène pailletée de violet, et même des raies léopard, également surnommées « raie oiseau » en raison de la forme oblongue et proéminente de sa tête prolongée par un museau étroit.
Fare : Sa plage et sa faune sous-marineJe termine la journée sur la plage pour admirer par temps clair à l’horizon trois autres îles Sous le vent (de droite à gauche : Bora Bora, Tahaa et Raiatea) ainsi que la silhouette de la femme allongée enceinte sur la presqu’île de Fitii, qui fait échos au nom de l’île. L’île Huahine Nui et sa légende a inspiré l’histoire du dessin animé de Vaiana, connu sous le nom de Moana hors de l’Europe, car le nom de Moana est une marque déposée dans de nombreux pays en Europe. A l’exception près italienne, où l’héroïne ne s’appelle pas Vaiana mais Oceania, une célébrité du cinéma porno italien portant le nom de Vaiana. Quand pour les femmes, la silhouette du visage se révèle époustouflante de détails au premier abord (la paupière, le nez, la bouche), les hommes noteront plus facilement le dessin du bout des seins de la silhouette (les titis en tahitien) !
Vue de la plage de Fare sur les îles voisines et sur la presqu'île de Fitii Concernant cette silhouette de femme allongée, la légende raconte l’histoire d’une princesse et d’un amour interdit. D’un côté, la colline prend des airs de femme alanguie. Son visage, sa poitrine, son ventre rond porteur de vie, ses genoux repliés. La princesse Hotu Hiva est enceinte de son amant, le dieu Tane, qui quant à lui dévoile ses attributs sur la montagne de l’autre côté de la baie. Punie par les dieux, la femme fut changée en montagne, et l’île, qui ne formait qu’un territoire, fut séparée en deux par le dieu Hiro, dont on devine la pagaie dans une autre falaise. Huahine Nui, la grande ile, et Huahine Iti, la petite.
Puis je pars à la découverte du nord de Huahine Nui, en enfourchant mon vélo. Premier stop : le Marae Fare Potee dans le district de Maeva, où se trouve un petit musée du marae historique. Un marae est un lieu sacré qui servait aux activités sociales, religieuses et politiques dans les cultures polynésiennes précédant la colonisation. Maeva, était la capitale de fait des temps anciens de Huahine. Avant l’arrivée des européens, le village de Maeva et ses alentours comprenant les abords du lac Fa’una-Nui ainsi que la colline de Mara’irea, constituaient les lieux de résidence des familles ari’i de Huahine. D’après la tradition orale, il y eut 8 familles dominantes issues d’une même lignée et toutes implantées dans cette partie nord de Huahine-Nui. Chaque chef de ces unités siégeait sur le marae de Matai’rea-rahi sur la colline de Mata’irea où un ensemble unique de vestiges fut découvert.
Je m’arrête ensuite au niveau du pont pour observer les parcs-pièges à poissons ("aua i’ a") qui se situent dans la partie du canal la plus proche de la lagune. Les poissons entrent à marée montante et descendante avant d’être capturés avec des épuisettes. Ils auraient été construits en des temps reculés, lorsque régnaient les huit chefferies à Maeva. Dix-Huit de ces pièges dateraient de cette époque et auraient fonctionné jusqu’au début du XIXème siècle, plus ou moins entretenus du fait des rivalités entre les descendants des huit chefferies qui les exploitaient. Ils ne furent réellement restaurés que vers 1880 lors des règnes de Te-ha’apapa et de Teuhe qui se les approprièrent. L’établissement progressif de l’administration française à partir de 1890 entraîna le passage du lac et de son rivage dans le domaine public. Les pièges furent laissés à la disposition des habitants mais l’entretien du dispositif ne fut pas effectué correctement et il se détériora. Aujourd’hui, les pièges sont de nouveau opérationnels.
Maeva : son mare , ses pièges à poissons et sa plage Je continue la balade en prenant le sentier, bordé d’un côté par l’océan pacifique et de l’autre côté par la lagune, en passant près de l’aéroport. Sur le chemin du retour, je m’arrête à la galerie de coquillages qui fait également office de bijouterie « Motu Tresor ». Frank, le bijoutier et savant guide passionné de coquillages me présente les principales pièces de sa magnifique collection, comprenant plus de 500 espèces (Bijouterie Motu trésor). Je découvre alors que parmi les mollusques avec coquille, certains sont venimeux tel le cône tueur (par exemple les Marmoreus, Aulicus et Tulipa). Carnivores, ils utilisent pour capturer leurs proies, un véritable dard venimeux. Le venin assez proche du curare dans sa composition chimique, entraîne en atteignant les centres nerveux une paralysie totale ou partielle quasi-immédiate. Il ne reste plus au prédateur qu’à ingérer sa proie immobile en l’engloutissant dans sa trompe dilatée.
Collection de coquillage dans la Galerie de Coquillage/ Bijouterie Motu Trésor Pour ma troisième journée sur l’île, j’ai réservé un tour-croisière sur une journée, avec la compagnie Poetaina Cruisepour faire le tour quasi-complet des deux îles en pirogue. Au programme : snorkeling, rencontre avec les anguilles sacrées aux yeux bleus de Faie, arrêt à la ferme perlière et déjeuner "à la polynésienne". L’animatrice, Maruia, accompagnée du capitaine et du chanteur et joueur de Yukulélé, s’est avérée être une guide et animatrice fantastique grâce à ses talents de chanteuse, danseuse et communicante hors-pair. Quelle chance, il fait un soleil radieux pour cette journée de découverte de Huahine !
On passe en pirogue sous le pont reliant les deux îles pour atteindre Faie, village où se trouve les fameuses anguilles sacrées aux yeux bleus. Notre guide a apporté quelques sardines pour les attirer et les faire sortir de leurs cachettes dans le lit de la rivière. Elles sortent petit à petit. Grâce aux rayons de soleil qui percent la végétation, on arrive à voir leurs yeux bleus. Elles se laissent toucher mais gare à celui qui présente ces doigts un peu trop près de leur gueule ! Puis, on repart alors pour visiter la ferme « perlière » ultra touristique qui s’avère être plus une boutique de perles et de poteries. Les explications sont très sommaires et on nous oriente rapidement vers la boutique.
Faie et ses anguilles sacrées - La ferme perlière de Huahine Sur toutes les îles de Polynésie, on retrouve des boutiques et stand de vente de perles noires de Polynésie. Le secteur de la perliculture en Polynésie s'est développé à partir des années 80-90 et a très vite créé une pénurie de greffeurs qualifiés. Les exportations de perles brutes au premier rang des exportations polynésiennes sont passées de 86 kilos en 1980 à environ 10 tonnes en 2003, pour une valeur de 85 millions d’euros. Cette activité, essentielle d’un point de vue socio-économique génère environ 5'000 emplois dans plus de 800 fermes productrices réparties dans 30 îles et atolls.
Pour rappel, la greffe perlière consiste à introduire un nucléus et un greffon à l’intérieur de la gonade (glande sexuelle) d’une huître. Le nucléus est une bille de nacre fabriquée à partir de la coquille de bivalves d’eau douce provenant du Japon et du Yang-Tsé Kiang en Chine, mais aussi du Mississipi pour la perle noire de Tahiti. Le greffon est un morceau du manteau interne d’une huître saine. 30% des mollusques opérés meurent des suites opératoires, 30% des greffons introduits ne recouvrent pas correctement le noyau de nacre, un tiers des huîtres seulement donneront des perles de culture commercialisables.
Puis on reprend la pirogue pour aller jusqu’au motu Murimahora où l’on s’arrête pour déjeuner « à la polynésienne ». En effet, la table et les chaises sont installées au bord du lagon, les pieds dans l’eau. Pour compléter l’expérience locale, au menu : thon blanc cru au lait de coco et dessert à base de banane et noix de Coco râpée, mangue, pastèque : un vrai délice !
La Balade en pirogue et le déjeuner à la polynésienneAu cours de l'excursion, on s'arrête à deux reprises pour faire du snorkelling. Le premier endroit de snorkeling se situe en face du motu Vaiorea : une eau cristalline et des poissons multicolores à perte de vue et notamment poissons perroquet, bénitiers aux couleurs bleu électrique, poisson Peau de citron, poisson Papillon.
Snorkeling près du motu Vaiorea Le deuxième arrêt de snorkeling se situe dans le jardin de corail du motu Murimahora. On peut y admirer de nombreux concombres de mer, coraux violet et blanc, coquillage aux sept doigts, poissons multicolores comme le poisson Labre échiquier.
Snorkeling dans le jardin de corail de Murimahora Huahine Iti
Puis je me transferts dans la petite île (Huahine Iti), dans le village de Parea. Le temps changeant est devenu pluvieux et des bourrasques de vents agitent les palmiers et la mer. Un brouhaha résonne la nuit. Une des alternatives par temps maussade dans les îles reste le squat dans un hôtel de luxe, avec vue sur la baie, tout en sirotant une bière ou déjeuner. Je m’en fus donc au « palace » voisin, le Mahana, qui plus est, disposait d'une bonne connexion wifi.
En allant me balader, je m’arrête devant un attroupement qui n’est autre que le convoi officiel du concours organisé dans toute la Polynésie française « J’embellis ma commune ». Le jury, constitué de représentants des différentes îles de Polynésie, vient découvrir et noter la création du district de Parea : un magnifique endroit boisé, offrant un panorama incroyable sur le lagon. Une très belle initiative au sein de la Polynésie ! De nombreux habitants du district sont également venus découvrir l’endroit, et tout ça, toujours sur un fond de musique, le yukulélé, n’étant jamais très loin.
Inauguration du site de Parea dans le cadre du concours "J'embellis ma commune" Balade à vélo jusqu'au point de vue panoramique de Parea Raies pastenagues et décors du restaurant Chez Tara A noter, qu'il est possible de se faire faire un massage traditionnel "Taurumi" Chez Tara. Le massage, « Taurumi » en tahitien, fait partie intégrante de la culture polynésienne. Au sein des familles, il y a souvent un membre plus doué qui devient le masseur de la famille. Les gestes et techniques sont généralement transmis par un grand-parent ou un oncle. Le taurumi est généralement pratiqué par un Ta’hua. Le taurumi peut être une activité « dangereuse », ainsi les anciens considèrent qu’il faut être formé et surtout investi par le mana’ pour pouvoir exercer. Le massage polynésien traditionnel est un massage thérapeutique. Il est fait pour soigner les maux physiques, psychologiques, conscients et inconscients. A l’origine, le Tahu’a ne se fait pas rémunérer.