Après neuf heures et demi de vol, avec un stop à Addis-Abeba en Éthiopie, j’arrive à 1H du matin au Caire, mardi 1er octobre 2019. Depuis l’avion, juste avant d’atterrir, je pouvais déjà apercevoir les lumières de cette ville tentaculaire de quelques seize millions d’habitants qui en fait une des dix plus grandes agglomérations mondiales. Lorsque j’arrive à mon hôtel dans le quartier Downtown, j’ai l’impression de franchir le seuil de l’immeuble Yacoubian (édifice fictif et titre du roman de l'écrivain égyptien Alaa Al-Aswany), un immeuble ancien plein de charmes de la grande époque du Caire, avec son mobilier d’époque, son ascenseur avec ses portes en bois et fenêtre, et sa large cage d’escalier. Des immeubles comme cela, il en existe beaucoup dans le centre du Caire.
Pour ma première balade au Caire, j’explore les environs du quartier Downtown pour me rendre jusqu’à la gare. Je me heurte aux difficultés pour traverser les routes, faisant face à une circulation anarchique et dense des différents axes routiers s’entremêlant et se chevauchant. Heureusement, mes différents séjours en Inde m’auront initié aux traversées de routes au trafic dense et peu régulé pour donner voie aux piétons. Dans les rues, je croise beaucoup d’hommes et très peu de femmes. Ils sont assis au café, en train de fumer la chicha, à s’activer dans les magasins. Au fur et à mesure que je déambule dans la ville, je me sens observée. Est-ce parce que je suis une femme, européenne, seule de surcroit ? Arrivée dans une rue du marché, je retrouve plus de mixité. Les étales, dont certaines tenus par des femmes, sont remplis de fruits savoureux, bien murs, appétissants (mangues, grenades, multitudes de dattes, pêches, fraises, melons, petits citrons, goyaves).
C’est surprenant de voir ces grands immeubles mélangeant les styles, plutôt néo-classique et même haussmannien, qui à une époque devaient former un centre bourgeois et moderne. Certains de ces immeubles sont tant bien que mal entretenus ; pour certains, ils sont tout délabrés, des amas de pierre, des pans de murs écroulés jouxtant le reste de l’immeuble encore sur pied. Ces vestiges du passé me font penser aux immeubles colorés de Cuba, ou alors ceux coloniaux laissés à l’abandon en Inde, souvenir d’une période plus faste et qui malgré tout restent habités.
Quartier de Khan El-Khalili
Après un délicieux déjeuner au restaurant Naguib Mahfouz Café (portant le nom du célèbre écrivain égyptien ayant reçu le prix Nobel de littérature en 1988), je pars à la découverte du souk Khan El-Khalili, où l’on trouve une multitude de souvenirs, des bijoux, de la verroterie, des chichas, des figurines en tout genre des personnages des dynasties pharaoniques, objets en marqueterie, de belles reliures du Coran, des œuvres en papyrus, des épices, et même très souvent des statuettes de la très célèbre chanteuse égyptienne Oum Kalthoum. On arrive à se perdre dans ce dédale de ruelles, parsemées de mosquées, d’échoppes, d’ateliers, de cafés, de boulangeries. Le pain égyptien soufflé est une œuvre en soi avec un système de four très particulier. On croise souvent les livreurs de pain, chargés d’un nombre incalculable de pains posés sur une planche, elle-même tenant sur la tête du cycliste en équilibre ! Tout un spectacle !
Mosquée El-Azhar
Après avoir quitté mes chaussures et enfilé ma djellaba synthétique type Kway format XXL, je peux partir à la découverte de la mosquée : sa grande cour de marbre blanc, ses rayons multicolores de Coran en reliure colorée, ses salles de lecture, de prêche et de discussions, où des hommes, des femmes de tout âge discutent ou écoutent attentivement les prêches. On peut croiser quelques touristes. J’écourte la visite, car je ne tiens plus sous le voile de la djellaba et de la capuche, subissant un effet de sauna, dans une chaleur avoisinant les 35 degrés dehors ! Je ne sais pas comment les femmes parviennent à tenir bon avec cette chaleur sous un tissu noir de surcroit.
La mosquée Al-Azhar, fondée en 970, est une des plus anciennes mosquées du Caire et le siège de l'université al-Azhar, la plus ancienne université islamique encore active au monde après Quaraouiyine au Maroc et l'université Zitouna en Tunisie. Elle a été fondée lors de la conquête de la ville par les Fatimides et leurs troupes composées de Berbères Kutama.
Spectacle de Tanoura
Rendez-vous à 18H15 devant le Palais El-Ghuri pour faire la queue et pouvoir ainsi s’installer au premier rang pour admirer le spectacle de Tanoura qui commence à l’heure, à 19H30, et se termine vers 21h. Il vous en coutera 82 livres (l’inflation est bien présente, le Routard 2018/2019 indiquait un tarif de 30 livres égyptiennes). Les musiciens, chanteurs et danseurs sont époustouflants. Certains semblent rentrer en transe. Chronomètre en main, ils vont tourner pendant plus de 25 minutes et ils réussissent à s’arrêter net.
La tanoura est la danse traditionnelle égyptienne, qui tire son nom de la jupe colorée que porte le danseur. Le danseur de tanoura dispose d'accessoires (tambourins, parasols) avec lesquels il exécute différentes figures. Dans l'esprit, la tanoura est d'abord une danse festive, exécutée en Égypte lors de shows, concerts, festivals, ou à l'occasion de mariages. C'est un art qui se transmet de père en fils. Elle ne revêt pas la quête mystique de la samā‘ des derviches tourneurs de l’ordre mevlevi (ordre musulman soufi fondé au XIIIème siècle en Turquie).
Musée Egyptien
Je pars à la découverte du musée égyptien, qui se trouve à deux pas de la célébrissime place Midan El-Tahrir, Place de la révolution. Celle-ci apparaît si tranquille au regard de ces images diffusées à travers le monde en 2011, lors de la révolution arabe. Le musée égyptien est établi dans un bel édifice de couleur brique, orné de statuts égyptiennes à l’entrée. Construit sur les plans de l'architecte français Marcel Dourgnon, au cœur du Caire moderne, il fut inauguré le 15 novembre 1902, après cinq ans et demi de travaux.
A savoir, le musée comporte deux expositions permanentes : une générale et les salles des momies. Pour voir l’exposition générale, il vous en coutera 150 livres et le double si vous allez voir les momies. Prévoir de l’eau, car il fait une chaleur étouffante dans le musée et rares sont les salles qui sont équipées de ventilateurs ou d’air conditionné. Franchement, je déconseille d’aller voir les momies ; la visite est macabre, certains visiteurs poussent le vice jusqu’à prendre des photos alors que dans cette partie elles sont interdites. Les sarcophages ont été profanés et les corps momifiés sont exposés au public dans quel but : historique ou scientifique ?
Le musée qui se compose de deux niveaux (rez de chaussée et 1er étage) est relativement grand. Il faut compter environ trois heures pour le visiter et se replonger dans nos souvenirs scolaires du collège. Le rez de chaussée est consacré à la sculpture (statues, stèles, sarcophages, bas-reliefs…) classée chronologiquement de la période prédynastique à l’époque byzantine. On notera la beauté des statues représentant assis Rahotep et son épouse Nofret, en calcaire peint. Il s’agit d’un couple de courtisans dans une attitude figée exprimant la dignité et l'autorité. Les yeux sont en quartz opaque et cristal de roche. Mais aussi de la Triade de Mykérinos encadré de deux déesses, représentant Mykérinos encadré par Hathor et par la personnification d'un nome d'Égypte. Mykérinos porte la couronne blanche de la Haute-Égypte, la barbe cérémonielle et le pagne plissé chendjit.
Le premier étage est largement consacré à Toutânkhamon (né vers -1345, mort vers -1327) est le onzième pharaon de la XVIIIe dynastie (Nouvel Empire). Selon les dernières études génétiques, il est le fils d'Akhenaton et de la propre sœur de ce dernier.
Au premier étage, se trouvent également les deux salles des momies royales, la salle consacrée aux bijoux royaux, des plaques de calcaire appelées Ostraca servant de brouillon par les artisans qui décoraient la tombe de Ramsès IV dans la vallée des rois. Les salles de trésor de Toutânkhamon comprennent son masque funéraire (masque d'or avec incrustations de pierres semi-précieuses et de verre coloré pesant 11 kg), sa chambre funéraire, son sarcophage intérieur (110kg), le coffre à vases canope, son trône, son lit, la statue d’Anubis (Dieu Chacal), la statue du Ka de Toutânkhamon. Cette statue du Ka représente Toutânkhamon dans une posture de marche. Il tient dans son poing droit une massue à décor d'écailles, et de sa main gauche une longue canne garnie d'une ombelle de papyrus. Le pagne est orné d'un devanteau empesé projeté en avant, qui porte une inscription évoquant le dieu souverain accompli, le ka royal et Osiris. Il est représenté avec les oreilles percées, le ventre bombé et les jambes minces, héritage du style amarnien. Les sourcils et le contour des yeux sont soulignés à la feuille d'or. La statue est réalisée en bois bitumé et bronze doré.
Les croyances de l’au-delà des dynasties pharaoniques dans l’Egypte antique, étaient très fortes, en témoignent les rites funéraires très complexes : le processus de momification, le masque du visage et des mains, les quatre vases canopes déposés près du sarcophage et destinés à recevoir les viscères embaumés du défunt. Chaque vase était associé à un génie (un des « quatre enfants d'Horus »), une déesse et un point cardinal, et son rôle était de protéger les organes qu'il renfermait : Le foie (le génie Amset à tête humaine ; la déesse Isis ; Le Sud) ; L'estomac (le génie Douamoutef à tête de chacal ;La déesse Neith ; L'Est) ; Les poumons (le génie Hâpi à tête de babouin (cynocéphale) ; la déesse Nephtys ; le Nord), les intestins (le génie Kébehsénouf à tête de faucon ou d'épervier (hiéracocéphale) ; La déesse Serket ; L'Ouest). Le coeur, lui, restait dans le corps momifié. Quand à Anubis, dieu funéraire et de la momification, il tenait le rôle de guider les morts vers l'autre monde et de les introduire auprès des juges pour la pesée des âmes.
Ponctuellement, on peut apercevoir une pancarte d’explication en trois langues au lieu de deux habituellement : arabe, anglais et le français en plus, témoignant de l’influence française dans le passé.
Jardin El-Azhar
Alors que beaucoup de sites touristiques ferment plus tôt les jours de week-end (vendredi et samedi), je me dirige vers le parc Al-Azhar, qui ferme à 22h. L’entrée du parc coûte 20 livres égyptiennes (soit quatre fois plus que le prix indiqué sur mon routard récent 2018/2019). Les prix ont généralement été multipliés par 2 au minimum. Cet immense parc, se situant légèrement en hauteur, offre une très jolie vue sur la ville du Caire et notamment sur la Cité des morts. Avec une telle chaleur (une trentaine de degrés en ce début d’automne, début octobre), je profite de cet espace vert, havre de paix et de tranquillité, pour déambuler à l’ombre des allées du parc, parsemé de fontaines et jeux d’eau et où se trouvent de bons restaurants. Le parc est d’autant plus animé qu’il s’agit du week-end ; les familles cairotes et des couples viennent s’y promener, profiter de l’ombrage et des terrains de jeux pour les enfants. Représentant un élément quelque peu exotique dans ce décors familial local, on m’invite pour faire des selfies avec la famille et les enfants. La communication est toutefois assez limitée, car je ne parle pas arabe et eux très peu anglais.