Moins de 48 heures avant de partir, le plan s'orientait vers un atterrissage à 17h et un bus à 21h pour un départ sans tarder vers le sud, le but étant de rejoindre Dakar en 3, maximum 4 jours.
Finalement, manque de bol, le site de la CTM ne me permettant d'acheter en ligne mon billet qu'avec un délai minimum de... 48h. Je dois passer une nuit à Agadir.
Les bonnes surprises peuvent commencer à s’enchaîner!
L'avion atterri comme prévu à 16h50, tout le monde descend sur le tarmac pour se rendre au terminal. Je vois quelques personnes prendre un papier... c'est une fiche de débarquement, je fais pareil... je me retourne pour demander un stylo au type derrière moi, il me répond en arabe, je lui parle en français, j'arrive à obtenir son stylo. Devant moi une très belle franco-marocaine me demande si j'ai entendu l'annonce concernant le retard à prévoir pour récupérer les bagages en soute... "désolé j'avais mon sac-à-dos en cabine".
Tout va bien jusqu'à ce que le type au stylo s'énerve contre un officiel qui fait passer 7 ou 8 personnes devant nous au passage douanier. Ils s'expliquent bruyamment, mon arabe rudimentaire me permet de comprendre que ces gens auraient payé pour bénéficier d'un fast-track... qui, ici, consiste simplement à les faire passer devant la 1ère file venue... celles d'à côté ne se font pas avoir. On attend donc, c'est long!
Je finis par passer, le douanier me demande ma destination, ce à quoi je réponds "Dakar" et mon adresse au Maroc, celle du airbnb booké la veille.
Je sors de l'aéroport, par mesure de sécurité, une zone tampon maintient à une vingtaine de mètre du terminal, les gens venus récupérer leurs proches ainsi que de nombreux chauffeurs de taxi. Je m'avance en essayant de repérer un bus qui va vers un hôtel pas trop loin de mon airbnb, les taxis réclamant au minimum 200 dirhams (30$) et là, je tombe sur Abdel, Rabera et Smaïn.
Loin de moi l'idée d'enjoliver la situation mais ça s'est VRAIMENT passé comme ça!
Je leur demande si ils peuvent m'indiquer le meilleur moyen d'aller au centre et en guise de réponse ils me proposent tout bonnement de m'emmener gracieusement!
S'excusant presque de me faire patienter, ils sont quand même là pour accueillir la sœur de Rabera venant de France, ils m'invitent à prendre un café avec une dégustation de pâtisseries... je crois rêver tellement ils sont aux petits oignons avec moi.
La sœur arrive et nous prenons la route, le courant passe bien, je leur explique mon trajet vers Dakar, ils m'offrent une carte SIM (les opérateurs en distribuent gratuitement à l'aéroport avec un peu de crédit + 1Go de donnée). C'est parfait, et j'hallucine encore un peu plus quand Abdel me demande où je loge ce soir. Oui, ils sont en train de m'offrir de dormir à la maison!!
Gêné par tant de gentillesse, je refuse mais j'accepte avec plaisir la visite du souk prévue pour demain. Je passe les détails, Abdel m'invite à boire un dernier café avec son cousin et me dépose au pied de l'immeuble du airbnb.
Je crois que je peux dire que je suis bien arrivé à Agadir.
J'arrive avec un peu de retard chez Saida et Charles. Adorables! On discute autour d'un bon thé à la menthe, les yeux de Charles s'illuminent quand il apprend que je vais traverser le Sahara par la route. Un projet qu'il souhaite réaliser depuis un moment. Chez eux, en plus du confort, on est traité comme à la maison et je commence à regretter de ne passer qu'une seule nuit ici.
Le bus est à 21h, ce qui me laisse le temps de visiter un peu plus la plage que j'avais arpenté les pieds dans l'eau la veille au soir. Les locaux, les expats de retour au pays et les touristes sont tous de sortie sur la promenade essentiellement la nuit quand la chaleur retombe.
il est 21h, j'embarque dans un bus moderne, propre et climatisé... La compagnie de transport CTM est un peu plus cher que les autres mais les conditions pour un trajet de 20h dans le Sahara sont réunies.
On prend la route. Je découvre que rouler la nuit incognito au Maroc c'est impossible... On passe par pas moins d'une dizaine de check-point policier. Le plus souvent un simple signe au chauffeur suffit pour passer, les autres fois, un policier monte dans le bus. Il me repère direct, mon style ne doit pas passer inaperçu... "passeport s'il vous plaît". Mis à part l'attente infligée à tout le bus, ça se termine toujours avec les 2 mêmes questions "destination?" et "vous occupez quel emploi?".
On continue la route, souvent endormi, quand ce n'est pas le cas, je n'oublie pas de contempler le Sahara. J'en ai pris plein les yeux! Le hic quand tu fais ce trajet en bus, c'est que tu voudrais t’arrêter pour toucher, prendre des photos mais tu ne peux pas alors tu as les yeux grands ouverts face à des décors incroyables.
Samedi 5, 16h, on est à Dakhla. L'entrée de cette presqu'île est magnifique. Des spots de kite-surf et des camps grand luxe. Je m'attends à du très lourd dans la ville... et je suis déçu.
La recherche d'un hôtel pour passer la nuit est compliquée et mes demandes d'infos sont moins simples qu'à Agadir... Bien que les locaux ne parlent pas souvent français ou anglais ... on arrive à communiquer suffisamment pour que je comprenne que l'homme de Dakhla préfère m'envoyer à droite ou à gauche pourvu qu'il me donne une réponse plutôt que d'assumer ne pas savoir m'indiquer la rue de l’hôtel que j'avais préalablement identifié.
Je trouve finalement une chambre à 8€ la nuit, sans intérêt, pour me reposer un peu. Une fois douché, je prends un café et discute avec un prof de français qui a toujours vécu là. Il m'explique qu'il existe un trajet en bus jusque Nouakchott avec la compagnie Supratours, il m'indique l'agence où je me rends sans tarder. Le prix, 410 dirhams, c'est raisonnable. départ demain matin 8h.
Les bus de supratours sont moins récents que ceux de la CTM, la clim, elle, est toujours là pour rendre la traversée du désert irréelle.
Dans le bus entre 2 contrôles policiers je rencontre Oumar, un jeune malien en thèse de droit des affaires à l'université francophone de Marrakech... et fan du PSG. Il va aussi à Nouakchott pour aider aux préparatifs du mariage d'un pote. Même dans le désert on parle du transfert de Neymar à 222 M€!
Après 6h de trajet on est donc venu à bout du Sahara...pour la partie marocaine.
Avec Oumar on fait équipe pour faire la traversée du poste de sortie de Guerguerat à pied. Un minibus 7 places est censé nous attendre après la frontière, au niveau du no man's land qui sépare le Maroc de la Mauritanie. Le départ est prévu pour 15h.
Le problème c'est qu'il est presque 15h et les douaniers sont en pause... on attend donc en disposant nos passeports en file pour ne pas perdre notre place sous un soleil de plomb.
Un peu moins d'1h d'attente et les douaniers se remettent au boulot pour commencer à servir ceux qui ont lâché leur petit billet...
Il est presque 16h quand on finit par récupérer nos passeports tamponnés. Le minibus nous a attendu... ouf de soulagement!
Le no man's land entre le Maroc et la Mauritanie est une petite bande démilitarisée de 1 ou 2 km où traditionnellement des véhicules militaires se font face avec des véhicules des nations unies au milieu. Je n'ai vu que les véhicules des UN.
On arrive à la frontière d'entrée en Mauritanie. Depuis le début de mes préparatifs, c'est ce passage qui m'inquiète le plus. Entre les infos contradictoires obtenues sur le net, le consulat de Mauritanie à Paris qui ne semblait pas vouloir me confirmer quoique ce soit et les modalités de demande de visa qui pourraient m'envoyer à Rabat... j'ai tout misé sur la véracité de cet article pour venir jusqu'ici.
On arrive donc au poste frontalier. Des types viennent vers nous pour échanger des ouguiyas contre dirhams ou euros. 1 euro vaut 12 dirhams et près de 450 ouguiyas sur ce marché parallèle. Finalement hormis la lenteur propre aux douanes du continent, quelques regards sur le seul passeport non africain qui se présente et des négociations sur la valeur en euros des dirhams que j'avais en poche, le passage se fait sans trop d'encombre.
L'étape que j'anticipais comme la plus galère étant passée, je commence à sourire tout seul dans le minibus en mode "comment je gère trop bien, tout se passe à merveille"... Jusqu'à la 1ère halte-prière.
On s’arrête au milieu de nulle part, près d'une petite cabane juste à peine aménagée pour permettre aux croyants de faire leurs ablutions pour la prière. Oumar, fatigué par ce long trajet, pionce tranquille au fond du minibus et moi je sors me dégourdir les jambes histoire de prendre quelques photos.
La prière effectuée par tout ce petit monde, on reprend notre place quand un mauritanien me dévisage avec un regard plein de défiance. Je le salue pensant qu'il cherche à me parler. "Salam alikoum" et je n'obtiens qu'un geste de la tête pas très bienveillant. Voyant que le mec reste silencieux mais continue ses mouvements de tête en ma direction, je lève les mains, l'air de dire "tout va bien" même si dans ma tête ça sonnait plus comme un "wesh keskya!?".
Au final le type, dans la cinquantaine, nous interroge Oumar et moi, "muslim?" Ce à quoi on peine à répondre vu qu'on est les 2 seuls de la bande à pas avoir prié. Là s'en suit un petit questionnaire sur notre nationalité. En répondant "canadien" pour l'un et "ivoirien" pour l'autre, on s'achète un peu la paix et on acquiesce sans polémiquer pendant le discours sur les liens supposés entre Shakespeare, Napoléon et l'Islam. Bref un mauritanien bien informé... 😀
Je zappe la partie où pendant que j'essayais de dormir le type se foutait de mon crane rasé en arabe pensant que je ne captais rien de ce qu'il racontait à son acolyte dont la ressemblance avec l'apprenti du film l'inspecteur Tahar me faisait bien marrer intérieurement.
On passe encore par quelques check-point avant d'arriver tardivement à Nouakchott. Je ne vais pas mentir, de la Mauritanie je n'ai retenu que le Sahara, toujours aussi majestueux, pour le reste, entre le duo de rigolo du minibus, la pollution et l'état de délabrement de la capitale... j'ai pas vraiment kiffé.
Nuit passée à l'auberge Sahara, petit déjeuner à base de nescafé, tartines et confiture expédié, j'embarque vite dans un taxi pour choper le minibus dont le départ serait à 11h pour Rosso poste frontière qui jouit d'une réputation à faire pâlir la pire des institutions...
Le minibus de 11h est sur le départ et déjà plein, le chauffeur de taxi m’emmène en râlant vers un autre spot. Il estime que c'est une course supplémentaire. On marchande constamment et à la différence du Maroc, ici c'est fait dans la mauvaise humeur. Maroc 1 - Mauritanie 0.
Je finis par attraper un autre minibus qui part à 12h, pour 2500 ouguiyas. C'est l'équivalent d'un Lille-Paris pour 5,95 euros. Par contre la route c'est l'équivalent de l'avenue papineau à Montréal... y'a des cratères partout et les véhicules zigzaguent à vive allure. Ça secoue et y'a pas la clim... le trajet le plus difficile jusqu'ici.
15h environ, on arrive au poste de Rosso. Tout ce que j'ai lu à son propos s'avère exact. C'est un bordel sans nom, où des transitaires se bousculent pour "t'aider" à faire les démarches. En vrai ils cherchent juste à te prendre du pognon d'une manière ou d'une autre. Attention je ne dis pas que c'est malhonnête! Pour ceux qui cherchent à passer des véhicules ça a sûrement du bon vu les mains à graisser de ci de là... mais pour moi et mon sac à dos, j'ai juste eu à prendre à la rigolade les tentatives d'extorsion du douanier qui voulait que je déclare des sommes fictives du fait que j'avais une carte de crédit et l'équivalent de 100 euros en Franc CFA en poche.
Après environ 2 heures d'attente à faire la conversation avec les jeunes transitaires qui m'expliquent leur réalité. Ils hallucinent de voir des Occidentaux voyager en sac à dos et pouvoir passer d'un pays à l'autre sans trop de problèmes là où eux ne connaissent que des refus de sortie du territoire... Certains pensent qu'on serait payé par l'état pour pouvoir voyager comme ça, plusieurs mois sans travailler.
On traverse le fleuve Sénégal qui fait office de frontière naturelle entre le Sénégal et la Mauritanie, qui ne m'aura pas agréablement surpris.
Le poste frontière d'entrée sur le territoire sénégalais est tout aussi bordélique. Mais un bordel où chacun tient bien son rôle. Encore une fois, en sac à dos, sans véhicule, j'en serai sorti assez vite si je n'avais pas rencontré Bibi. Un Franco-sénégalais parti de Nantes pour vendre sa Peugeot 307 au Sénégal. Il m'a raconté toutes les difficultés qu'il a rencontré pour se rendre jusqu'ici. Il était au départ avec un groupe de personnes qui a fini le trajet seul quand Bibi est resté bloqué plus de 24 heures à Rosso côté mauritanien... Bref il me propose de m’emmener gratuitement à St-Louis où je prendrais un bus pour arriver à Dakar en soirée.
En soirée, c'était le plan idéal et ça m'aurait permis d'arriver en respectant le délai de 4 jours que je m'étais fixé initialement. Sauf que les douanes ici, c'est elles qui ont le dernier mot et comme bibi "passe" une voiture, ça ne peut pas se faire facilement alors on attend... j'appelle Miguel à Dakar pour le prévenir de mon arrivée tardive sans pouvoir garantir une heure précise.
C'est bon, on peut passer, il est 21h quand on sort de là. J'informe mon ami que je vais passer la nuit à St-Louis et que j'arriverai mardi 8.
Avec l'euphorie et surtout la fatigue, on se rend compte après une heure de route qu'on ne va pas dans la bonne direction...
Minuit, on arrive enfin à St-Louis! Bibi connait bien la ville, il y a étudié. Il me dépose chez Marie-josée où je n'attends qu'une chose... prendre une bonne douche! La chambre est à 12000 Fcfa la nuit et le lieu est plutôt propre et beau.
Avant de me coucher et vers les minuit et demi, je rencontre Cheick, ancien rastaman et propriétaire d'un petit resto. Je suis son dernier client et comme on sympathise bien, il m'offre de l'accompagner dans le petit bar d'un pote d'enfance, Jeannot.
Je viens d'arriver et le Sénégal est à des années lumière de ce que j'ai ressenti en Mauritanie. On boit des bonnes Flag bien fraîches jusqu'à 3h du matin. Cette bande de vieux potes habitués des lieux est vraiment cool... on reprend un taxi, s'échange nos coordonnées, Cheick m'a indiqué où prendre le bus direction Dakar dont le départ est à midi.
Je suis bon pour une bonne nuit de sommeil!
Lendemain, réveil difficile et tardif, je prends le taxi... il me reste 20 minutes avant le départ du bus. On arrive à temps, je monte les escaliers qui font office de bureau de vente... Pas de bol, le bus est plein, le suivant aussi, je dois revenir le lendemain matin à 8h. Je m'apprête à partir à la recherche d'un minibus quand le vendeur me rappelle... le client juste après moi était là pour échanger son billet. Il était censé partir à 15h, je continue sincèrement de me dire que j'ai une sacrée bonne étoile depuis que j'ai posé les pieds au Maroc.
En attendant le départ de 15h, je patiente en déambulant dans la ville de Saint-Louis, connue pour être la 1ère capitale coloniale du pays. Bon j'ai pas eu le temps de la visiter mais il parait qu'elle est bien sympa.
Il est 15h moins le quart, j'embarque dans le bus, il est climatisé!! Sans regarder je m'assois sur un siège inoccupé... les gens montent, le bus se remplit, un type vient vers moi et me montre son ticket, "28... c'est ma place je crois" je m'excuse et m’apprête à bouger quand je sors le ticket de ma poche... ah bah j'ai le 27 😀, le mec, sympa, me dit "bon tu peux rester contre la fenêtre si tu veux". Je suis totalement halluciné par ces concours de circonstances...
20h, mardi 8 août. ça m'a pris 5 jours au lieu de 4 pour arriver. J'ai l'impression que ça a duré plus longtemps. Je suis à la fois clairement dans un autre monde, avec un autre rythme mais en même temps je ne me sens pas étranger...
Arrivé à Dakar, Miguel et son adorable épouse Fatou m'ont accueilli comme si je faisais parti de la famille. Un immense merci d'ailleurs à vous 2 et à ta famille Fatou! (N'oublie pas de m'envoyer les photos prises avec ton cell 😉)
J'ai commencé le séjour à Dakar par prendre photo sur photo et je me suis considérablement calmé. J'essaie maintenant de vivre à la Sénégalaise, peinard! Je vais quand même vous partager comment Dakar ça envoie du très lourd!
Ici, l'Ile de Gorée, à couper le souffle... n'est-ce pas?
L’île de Gorée, sa belle architecture coloniale, en fait... c'est l'héritage de son rôle de plateforme dans le commerce triangulaire de la traite négrière.
Grâce à Fatou, on a rendu visite à sa famille aux quatre coins de la ville. Et progressivement j'ai posé mon appareil photo. Malheureusement je ne peux pas vous montrer les Thiéboudiène et autres Yassa au poisson braisé ou au poulet mais je peux vous montrer ceci en guise de conclusion.
Depuis le départ de Fatou et Miguel, dimanche dernier, je suis dans un airbnb bien sympa chez Maïrama et son fils Mathieu jusqu'au 10 septembre. Date de mon vol pour Oran.