Si ce n’était que moi et la Terre en parfaite santé, j’avoue que je serais déjà en train de pédaler. Mais voilà, le monde est malade et un aspect pour lequel je pensais passer à travers après le confinement de mai, c’est bien le COVID-19. Que je le veuille ou non, la pandémie mondiale que nous traversons et belle et bien présente. J’aurais aimé que tout soit terminé et que je puisse prévoir mon voyage sereinement, mais comme tout le monde je suis obligée d’adapter mes plans et aviser avec cette variable.
On va pas se mentir, ça sent pas bon. En bref, c’est la merde pour les voyageurs. Pour ce qui est de l’Espagne, pleins de questions surgissent sur la possibilité de m’y rendre ou non. Les frontières vont-elles fermer ? Devons-nous prévoir un confinement dans les prochaines semaines ?
À ce jour, rien ne m’empêche de partir, mis à part quelques papiers, je suis prête. J'ai besoin de quelques jours ajouter la variable covid à mon projet. Je ne m'attendais pas à une seconde vague. J'ai reporté de quelques jours le départ et suivi mon intuition pour savoir ce qu'il en était. Je pars ou pas ? Oui je pars, dans tous les cas. Maintenant, il va falloir faire preuve d'analyse et de bons sens car le covid il est là et j'y peux rien. J'ai la chance de ne pas être pressé par le temps, ça me permet de prendre quelques jours pour m'occuper de détails importants et partir sereine.
Revenir à l’essentiel
L’ensemble de ces questions résonnent toute la journée. J'hésite, j'écoute, je fais des recherches. Mon voyage sera potentiellement remis en cause à cause du covid et ça floute complètement la suite. Mais au fond, qu'est-ce que ça va changer que je sois en France ou en Espagne ? La situation est la même, tout aussi incertaine. Pour ce qui est des risques liés au voyage et au vélo, ils sont présents, n'importe où. Autant que lors de mes sorties d'alpinisme, d'escalade… Un bon nombre de chevilles potentiellement cassées. Je suis consciente des risques et connais mes limites, je ferais tout autant attention que ce soit en France ou en Espagne, mais je dois tenter l'expérience.
Bon Audrey, qu’est-ce que tu veux ? *
Je veux partir.
Ensuite, deuxième question…
Plus sérieusement je veux m’évader, prendre le temps de rouler à vélo. Vivre selon la saison et la journée. Avoir un rythme lent qui me permet de profiter de l’extérieur.
Le voyage à vélo permet de parcourir de longue distance assez rapidement tout en savourant les paysages et les lieux. Il est très facile de s’arrêter dès qu’on le souhaite. Un spot agréable pour manger, une plage calme, un rayon de soleil. Quelle liberté.
Transporter tout le nécessaire avec soi permet d’être autosuffisant pour plusieurs jours, en nourriture (avec le réchaud, le nécessaire de nourriture), logement (le matériel de camping, tente, matelas, duvet) et bien évidemment, de déplacement (le vélo pardi).
Le vélo est un moyen de transport qui favorise la rencontre, les gens se demandent ce qu’on a sur nos sacs, le poids que ça pèse. Ca intrigue et pousse l’autre à la convivialité. Je cherche ça d’une certaine manière.
Une autre de mes envies, c’est de faire ce voyage immergé dans la langue espagnole. Demander des renseignements, discuter, rencontrer des gens du coin et partager des moments et des expériences. Rien de plus. Je ne suis pas très adepte du tourisme urbain et des attractions en tout genre, ce qui m’intéresse ce sont les petits villages, les campagnes, les coins calmes. J’apprécie visiter des villes, les monuments, mais une journée me suffit pour découvrir les endroits.
Enfin, le must du must, je rêve de pouvoir rejoindre mes amies en Andalousie, passer du temps avec elles, redonner un peu de vie et de partage dans ce monde qui ressemble à un scénario de Black Mirror. Entre-temps, j’aimerais faire du volontariat dans une auberge de jeunesse, un hôtel, pour pratiquer la langue et travailler quelques heures en échange d’un couvert et d’un lit.
Ce sont des désirs ma foi simples, sans trop de chichis. À voir les informations à la télé, on peut avoir le sentiment qu’ils peuvent être compromis à la vue de la situation pandémique. Nous revivons le même scénario de mai et de cet angoisse médiatique se ressent une méfiance générale.
Et ensuite, qu'est-ce que tu sais ?
Je sais que ce n’est pas le meilleur moment pour partir, loin de là. J’aurais préféré ne pas vivre ce genre de situation et naviguer autour d’un virus. Je sais cependant qu’on est pas prêt de connaître des jours meilleurs sur les semaines, mois, années qui arrivent. Il va falloir vivre avec, garder ses distances, se laver les mains, porter le masques. Oui, ça fait peur. Mon but n’est pas de réduire la gravité de ce qu’il se passe, je suis consciente de la situation, des décès, hospit' en augmentation, de la surcharge des hôpitaux…
Mais à mon échelle, qu’est-ce que je peux faire, là maintenant ?
Attendre des semaines, des mois, des années d’ici que la situation se résorbe ? Attendre le printemps, peut-être que la situation sera meilleure ? L’avenir est incertain, d’autant plus avec les semaines et mois qui arrivent. En fait, on ne sait pas.
Nous sommes tous contraints à limiter nos interactions, revoir nos destinations de voyage, se contenter d’un endroit plus local. Honnêtement, en prévoyant l’Andalousie, j’ai anticipé les complications liées aux transports et le covid et je reste sur le territoire européen, frontalier à la France. Je n’ai pas à me soucier de la situation internationale, des visas, des passeports, ma carte d’identité suffit.
Ce que je sais pour le moment, c’est que j’ai le droit de circuler. Sur mon vélo, je considère être majoritairement seule, les contacts la journée sont bien diminués. Je n’aurais pas de rassemblements à plus de 6 personnes dans un espace clos, pas d'interactions à risque avec mes amis, mes grands-parents. Pas de risque au travail ni avec ma famille.
Se préparer, anticiper, et s’adapter
J’arrive à la partie où je réponds à des questions qui à force s’entre-mêlent dans ma tête. Des questions auxquelles il me semble avoir des réponses. Tout objectif d’un projet, qu’il soit professionnel ou personnel, doit pouvoir se définir comme “SMART”. Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporellement défini. En bref, je dois pouvoir répondre aux questions de bases Qui ? Quoi ? Où ? Comment ? Pourquoi ?
Mais avant tout, ce qu’il faut savoir, le nerf de guerre de toute gestion de projet… Pour tout objectif, il faut savoir ajuster et adapter le projet à tout moment. C’est clair, tout projet, aussi bien préparé qu’il soit, est voué à être modifié selon les conditions.
D’où l’intérêt de se préparer à toutes les éventualités mais il faut savoir qu’il est possible d’être face à des situations où il faut ajuster le projet. Ca fait partie du jeu.
Et enfin qu'est-ce que tu ne sais pas ?
Ce que je ne sais pas, oula, bien des choses pardi. comme un tout le monde, c'est comment la situation va évoluer en ville, en campagne, aux frontières, à l'étranger, en France comme en Espagne. Ca peut paraitre inconscient de partir ne sachant pas tout ça, mais je préfère tester et quitte à devoir revoir ou abandonner mes plans. Je n'ai rien à perdre puisque je ne suis pas partie, je ne suis pas pressée, je n'ai pas de travail qui m'attends, de charges à payer. Me voilà sur les routes et je jugerais chaque situation selon mes limites, mes besoins et mes obligations.
Je considère avoir préparé mon itinéraire, mes équipements, mon vélo. Je suis prête à toutes les éventualités. Et si besoin, je trouvais des plans B.
Si le gouvernement annonce un couvre-feu généralisé ?
Si un couvre-feu est annoncé tout d’abord dans les grandes villes comme Barcelone, Valence, Grenade, Malaga, il y a des probabilités pour qu’il s’applique seulement à partir de minuit jusqu’au matin. Pour les bars et restaurants, j’avoue qu’une petite bière me fera bien plaisir. Mais encore une fois, j’ai la possibilité de l’acheter en grande surface, tout comme la possibilité de prendre une pizza à emporter, on s'adapte. Et puis après les heures à pédaler, autant dire que je compte rapidement dormir pour me reposer car les journées seront chargées.
Si j’attrape le covid ? Si j’ai des symptômes ?
Même en voyage, je vais devoir porter mon masque quand je serais descendue de mon vélo. J’ai un gel hydroalcoolique pour le lavage de main régulier. Dans une journée, je compte être de 8h à 16h en moyenne sur mon vélo. Pas plus de contact possible avec un être humain qu’un salarié devant son poste de travail.
Pour les pauses repas, je devrais faire des stocks de plusieurs jours en supermarché pour avoir la possibilité à n’importe quel moment de me faire à manger (pain, fromage, féculent, conserves, sauces…). Pas plus de risques de contact qu’une personne qui va faire ses courses hebdomadaires. Idem pour acheter un sandwich en boulangerie.
Pour le soir, avec mon matériel de bivouac, je pourrais trouver des emplacements de campings afin de garantir la sécurité de mon vélo, demander aux locaux ou au réseau de couchsurfing / warmshowers si je peux planter ma tente dans leur jardin, trouver des auberges de jeunesse ou hôtels (avec le peu de touristes en ce moment, je sens que je serais bien tranquille et tant mieux). Pas plus de contact que des personnes partant en week-end ou en escapade à Annecy.
Si je ne trouve pas d’endroit où dormir ?
Il est possible de trouver des alternatives, garder les distances de sécurité et trouver des lieux en sécurité pour dormir. Je prévois d’abord de demander de dormir chez l’habitant avec le réseau warmshowers. Dans le cas où les personnes sont frileux à m’héberger à cause du covid, il me semble faisable de demander un bout de jardin où planter ma tente ou un garage pour être abritée.
Si j’ai un problème mécanique ?
J'aurais toujours avec moi le nécessaire de réparation notamment en cas de crevaison (pompes, rustines, chambre à air de rechange, bombe anti-crevaison, démonte pneu). Si un problème quelconque surgit, j’ai un multitool qui me permet de visser, serrer n’importe quel vis de mon vélo. Petit plus, mon vélo étant un b’twin de chez Decath, j’ai la chance de pouvoir aller dans leurs magasins et en cas de gros problèmes, ils auront la possibilité de changer une pièce. Ils existent une cinquantaine de magasin tout au long de ma route, pratique !
Si je me fais mal ? Si je n’arrive pas jusqu’en Andalousie ?
Alors au moins j’aurais tenté, je serais partie. Je ne veux pas ressentir de regret peut-être de la déception de ne pas avoir fait plus. Je n’ai pas de contraintes, de délais, d’obligations. Si je dois rouler quelques temps en France et rentrer avant le froid. Si telle solution est plus faisable, alors go. Si telle solution est plus safe, alors go. Mais je dois au moins tenter.
Si les frontières se ferment ? Si le gouvernement espagnol annonce un confinement dans la région où je me situe ?
Si je me vois dans l’interdiction de passer la frontière espagnole, je devrais revoir mon itinéraire. Continuer en Occitanie et vadrouiller quelques semaines dans le sud de la France. L’aventure est partout, et si je ne peux pas me rendre en Espagne, où si je suis obligée de rentrer. Au moment venu, je rentrerais. Il faut en moyenne 24h pour revenir en France en train, c’est hyper rapide.
Dans le cas où je suis proche de l’Andalousie, j’ai la possibilité de terminer mon périple et d’aller chez mes amies. Si un confinement s’annonce, je pourrais le passer avec elles. Si selon elles, la situation est trop compliqué, je pourrais aller faire un volontariat et passer le temps dans un lieu. Un peu comme la semaine de wwoofing que j’ai faite fin septembre.