Le ciel menace puis craque. Nous allons prendre les eaux à Lourdes.
Durant ce premier demi-siècle d'existence, j'ai eu l'occasion d'assister à de nombreuses représentations du kitsch religieux mais plutôt lors d'échappées lointaines : tous les temples indiens, le temple Cao Dai de Tay Ninh, l'appropriation du christianisme par les descendants des civilisations précolombiennes, la tonitruance d'un office au Brésil, la surexposition à la dorure des églises sud américaines...
Je ne pensais pas retrouver un spectacle d'une telle intensité en France. J'avais tort.
J'attachais, jusque là, à cette ville plus le nom de Douste-Blazy que celui de Bernadette. Mais une gamine semble avoir volé la vedette au cardiologue. Plus rentable, sans doute...
Les visions de l'ingénue ont en effet transformé la bourgade assoupie aux pieds des Pyrénées en une juteuse foire aux miracles drainant des millions de pèlerins.
La commune possède maintenant la deuxième capacité hôtelière de France après Paris et biberonne au sein de Soubirous.
Elle n'est pas la seule d'ailleurs.
L'église et les marchands du temple ne sont pas prêts à lâcher les bénéfices engendrés par l'enfant star et vendent son nom et ses bienfaits à toutes les sauces.
La visite débute à peu près sobrement le long d'une vaste allée menant à une double basilique.
Des étals proposent alors de modestes cierges pour quelques euros puis une ultime boutique sort le grand jeu.
Je me demande bien quels péchés il a fallu commettre pour penser s'en tirer avec un cierge de 70 kilos... Je me demande également quelle tête ferait l'employé si mon offrande n'était que de 50 euros... Un conseil, ce n'est pas un ordre après tout.
Prochaine étape : la grotte. Une longue queue s'échappe de la cavité, je fais l'impasse.
Station suivante : les bains. Pas de chance, c'est complet côté dame. Une autre fois, peut-être ?
En face de ces lieux, de grands stands couverts abritent les flammes de l'enfer. A bien y regarder, je crois qu'il s'agit plutôt des achats des pèlerins qui partent en fumée... Tiens en voilà deux d'ailleurs lourdement chargés !
La femme installe joyeusement l'objet de sa dévotion puis l'allume. Croyante mais pas tout à fait insensée, elle n'a pas acheté la version officielle mais a préféré les prix cassés des marchands de souvenirs situés à l'extérieur du sanctuaire...
Nous les laissons à leurs prières et regagnons l'esplanade du rosaire.
Un petit tour à l'intérieur des différentes églises, rien de particulier hormis une forêt d'ex-voto.
Une voix nous signale alors qu'une cérémonie aura lieu à 1700 dans la basilique souterraine. Si nous voulons la visiter, c'est donc maintenant ou jamais. Jamais, ça serait dommage. C'est le clou du spectacle...
Pas par son architecture tenant plus d'un gymnase que d'une cathédrale de Rouen magnifiée par un Monet mais par son immensité. Souterrain, ce lieu de culte peut accueillir 25 000 personnes sur 12 000 m2. Moins qu'un stade de foot mais impressionnant tout de même !
La nef se remplit peu à peu de cheveux blancs et gris.
Les futurs miraculés sont emmenés chacun sur son identique charrette puis alignés tels des voitures à l'embarcadère d'un ferry.
Les officiants papotent en attendant que retentissent les trois coups. L'un d'entre eux se prend en selfie...
Une musique, un chant, les prêtres se mettent en branle.Nous nous éclipsons.
Je vous aurais bien ramené une vierge sous la neige, des bonbons à l'eau Lourdes, une vierge façon gourde, un chapelet, une magnifique horloge avec Bernie en toile de fond mais j'ai oublié ma carte bleue.
Je me rattraperai un autre jour...