Inde 2012, Tranches de vie

Quelques anecdotes d'un circuit de Delhi à Bombay en passant par le Madhya Pradesh, le Gujarat et Goa, voyage effectué durant la mousson.
Août 2012
4 semaines
1

Si vous avez cliqué sur ce post pensant trouver des renseignements pratiques sur l'Inde, passez votre chemin...

Si votre vision de l'Inde est du genre mystique, passez votre chemin...

Si vous préférez les images au texte, passez votre chemin...

Enfin, si vous êtes très premier degré, surtout ne lisez pas la suite !

2

Le décor : un temple hindou construit à l'endroit même où une goutte du nectar d'immortalité serait tombé du ciel...

Les personnages : 2 candides touristes légèrement narreux perdus au milieu de quelques centaines (milliers ?) d'indiens.

La météo : il pleut, il pleut bergère...

Passons aux choses sérieuses !

Délestés de leurs chaussures et de leurs sacs, nos 2 touristes s'engagent en faisant la grimace sur les chemins boueux du graal.

Le marbre et les pieds nus, c'est sympa quand le soleil brille mais nettement moins engageant quand la mousson a transformé le sol en un tapis gluant et froid de matières indéterminées...

Ouf, le parcours est désormais abrité

Mais c'est quoi cette foule !

Une sensation étrange étreint nos 2 candides, celle de se retrouver dans une queue de télécabine à Tignes aux vacances de février...

Et que je te pousse, et que j'essaie de te doubler par la droite, par la gauche, et que les enfants pleurent ou chahutent, et que je sors mon portable pour narguer les copains, et que je....

Il ne manque plus que l'odeur de la clope ou celle d'un pet délicatement lâché et l'illusion serait parfaite...

(Bon, soyons juste, il y a quand même une grosse différence : dans une queue de télécabine, personne ne me prête attention alors qu'ici j'ai quasi l'impression d'être à Cannes sur le tapis rouge)

10 minutes se passent, nos gaulois progressent...

Une cloche sonne et la foule de s'écrier en choeur : "Om", le premier d'une longue série.

Une ultime barrière reste à franchir et les fauves sont lâchés dans le saint des saints...

Merde, y a Papy qui bloque... Pourrait jouer dans un film de morts vivants, celui-là

L'obstacle contourné, la foule dévale les escaliers pour rejoindre le lieu béni des dieux...

Un amphithéâtre permet aux fidèles de suivre les cérémonies et d'enfin contempler le lingam sacré (pas de polémique...).

Quelques (gros) billets judicieusement glissés aux prêtres (pas de polémique...) et voilà les plus ardents croyants (pas de polémique..) sanctifiés...

Dis t'as vu le tapis jaune là-bas ? Qu'est ce que cela peut bien être ?

Nos 2 béotiens se rapprochent de l'objet de leur curiosité et s'aperçoivent bien vite qu'il serait temps pour eux d'aller chez l'ophtalmo...

Le tapis n'est pas de laine mais de gâteaux offerts à la bénédiction des prêtres.

Imaginez des centaines de boules jaunes déposées sur le sol...

La couleur est flatteuse mais l'abondance finit par écoeurer...

Allons donc respirer un peu d'air pur !

Le flot des fidèles indique le chemin à suivre pour se retrouver à la lumière du jour.

Mais que se passe-t-il devant cette dernière porte ?

Arghh, un prêtre distribue les fameuses boules jaunes...

Sauve qui peut...

Trop tard ! Personne ne peut y échapper...

Et voilà nos délicats bien malins avec le sirupeux gâteau dans la main....

Comment s'en débarrasser ?

Hors de question de le manger (beurk, l'a trainé partout...)

Hors de question de le jeter (Gros titre du 20 h de TF1 : 2 français lynchés pour un gâteau...)

Il n'y a plus qu'à garder cet encombrant présent...

Bon appétit !

3

A ne pas confondre avec le célèbre " Voyage avec mon Tatra ", film intimiste turc retraçant la 40760 ème et ultime épopée moyen-orientale d'un petit camion tchèque...*

La star : Une superbe Indigo blanche (comme son nom l'indique...), 35 chevaux sous le capot (je crois qu'il manque une virgule...) et dotée des équipements derniers cris (sur-équipée qu'ils disaient...) sans lesquels un voyage en Inde ne saurait être inoubliable...

Petit extrait du catalogue Tata :

- magnifique intérieur en tissu éponge blanc, produit hypoallergénique et traité anti-acariens

- climatisation 2 positions : glaciale ou polaire

- ceintures de sécurité hautement décoratives

- désodorisant aux senteurs artificielles des plus naturelles

- klaxon 3 tons : 100, 200 ou 500 décibels

- lecteur CD 3x100w avec sa compilation "Bollywood 2012"

en option :

- limiteur de vitesse

La guest star : R. chauffeur hindiphone (?) possédant un riche vocabulaire angrezi...

Les figurants : Deux inconscients francophones possédant un riche vocabulaire hindi...

Pour la compréhension de ce qui suit, je vous conseille de lire attentivement la notice...

En gras sont retranscrites les paroles de R. comprises par nos 2 bilingues.

En italique figurent les paroles de R. librement interprétées par notre fine équipe francophone.

Le souligné est réservé aux apartés des otages de la banquette arrière de Tata...

Je ne fournis pas le paracétamol...

Il est 9 heures, notre belle Indigo démarre dans une jolie fumée noire...

Les kilomètres s'enchaînent au rythme d'un dépassement toutes les minutes : un dromadaire, un bus, une vache, une moto et ses 10 passagers, un éléphant, un rickshaw, un troupeau de biquettes, un troupeau de pèlerins, une benz...

Tout à coup :

R. : "Toilettes Do minutes"

Et de rejoindre le fossé...

Bon, il faut dire que c'est l'endroit le plus propre où laisser sa nature s'exprimer en Inde...

3 vaches et 10 camions après, l'Indigo s'engage dans la petite (tout est relatif...) ville de I. dont nos acharnés du Guide Bleu veulent visiter tous les trésors, surtout ceux inconnus de R.

Au bout de 4 tours gratuits de la ville, R. se décide à demander sa route :

R. : " Baja, baja (à un vendeur ambulant) tu sais où ça se trouve le palais de truc machin ? "

Le vendeur : "aucune idée, mais je te conseille d'aller tout droit "

L'Indigo redémarre pour 100 mètres...

R. : " Didi (à une femme de la classe moyenne) c'est où le palais de tluc machin ? "

La femme : " Tu veux dire le palais de truc machin ? "

R. : " Oui oui tluc machin ! "

La femme : " C'est pas compliqué. Au premier Circle, tu tournes à left. A la statue de Ghandidji, tu tournes encore à left. Ensuite tu vas tout straight pendant do kilomètres "

R : " Thank you "

Let's go...

A. (Vous me reconnaissez...)30 secondes plus tard: Elle avait pas dit à gauche au rond point ?

Et R. de s'arrêter 10 minutes après devant un Indien en costume cravate, attaché-caisse et tutti quanti...

R : " Sir, vous connaissez le chemin pour le palais de maclin truc ? "

L'Indien : " Tu veux dire le palais de truc machin ? C'est pas compliqué. Au premier Circle, tu tournes à left. A la statue de Nehru, tu tournes à right. (A. : Pourquoi il dit à droite alors qu'il montre sa gauche ???) Après tu vas tout straight pendant five kilomètres . Là, t'es presque arrivé, il ne te reste plus qu'àààààààààà..."

A. : " Pourquoi, il repart alors que l'autre il a même pas fini de parler ???"

3 tours de statue de Nehru s'enchaînent puis R. se gare.

R. : " Five minutes "

Et R. sort de la voiture pour se diriger vers un petit restaurant.

R. : " J'ai 2 étrangers dans ma voiture. Ils veulent visiter le palais de tluc maclin. Si je n'y suis pas dans ek seconde, je peux dire adieu à mon pourboire !"

Les clients du restaurant : " T'as des étrangers (en se rapprochant de l'Indigo...)! Ils viennent d'où ? Pourquoi la Madame, elle a les cheveux si courts ? Ils font quoi ? Ils s'appellent comment ? (je crois bien qu'ils sont collés à la vitre de l'Indigo, là....) "

R. : " Nous venons de B. Ils ont visité C. D. E. ... Après on va à F. G. ... 3 minutes se passent...

Mais, c'est où le palais de Tlac machuc ? "

Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps...

Voici le palais de Truc machin :

Enfin... la statue la plus emblématique du palais de Machin truc...


* Ultime fut un peu prématuré...

4

Les occidentaux qui, comme chacun le sait, ne mangent pas à leur faim tous les jours ont inventé une cérémonie gastronomique du plus bel effet appelée "all you can eat " ou "all included" (version moins soft incluant une beuverie généralisée...).

Les indiens qui, comme chacun le sait, sont assis sur un gros tas de riz (Sud) et de chapatis (Nord) n'ont donc eu de cesse que de reproduire nos moeurs en proposant une vile copie de cette communion gustative : le thali unlimited...

Je vais aujourd'hui vous en expliquer le principe .

Avertissement : Attention, si votre escarcelle ne contient pas la mirifique somme de 100 roupies (80 si vous faîtes l'impasse sur le dessert...), n'entamez pas la lecture de cet épisode : vous ne pourriez vous le payer

Action : Le palais de Truc machin n'est qu'un lointain souvenir et les estomacs commencent à gronder...

Il est donc temps de vérifier si la petite adresse du G. L. recommandée par tous les guides et forumeurs est à la hauteur de sa réputation...

"C'est un restau ou une boîte de nuit ?" s'exclame A. devant la queue à l'entrée.

Heureusement, le videur a tout de suite reconnu la célèbre A. et s'empresse de lui trouver un bout de table.

Un bout de table qui lui faudra partager avec une famille indienne.

En 2 secondes apparaissent les assiettes : des espèces de moules à manqué (voir le dico pour les nuls en cuisine...) où se perdent 3 minuscules bols en fer blanc

Pas le temps de dire ouf et surgit un serveur qui dépose habilement une galette toute fine et des morceaux de polystyrène dans votre assiette (J'ai depuis appris que la galette s'appelait Papad, le polystyrène restant encore du domaine de l'inconnu...)

Lui succède un second employé chargé de remplir vos petits bols : et vlan une louchée de pommes de terre (Aloo en V.O.), une louchée de lentilles (le fameux Dhal) et une louchée de légumes en sauce (médium spicy qu'ils disaient...)

Un troisième gaillard vous amène les chapatis alors que la famille indienne vous désigne une assiette sur la table : les pickles et autres chutney

La grande bouffe peut commencer...

Et se renouveler puisque vous verrez réapparaître en un ballet minutieusement réglé le chargé des chapatis, le responsable du dhal, ou bien encore le préposé au polystyrène...

C'est pas tout cela mais j'ai soif, pas vous ?

2 cruches vous font de l'oeil sur la table.

L'une contient un breuvage hautement toxique (voir épisode 4) appelé H2O par les chimistes, l'autre une désaltérante boisson issue du pis d'un animal sacré : le babeurre.

Le ventre plein, la soif étanchée, vous pensez le repas fini...

Mais, comme dans toute bonne maison, le banquet s'achève sur un digestif : un chocolat, une liqueur ou plus inattendu (celui ici servi)... une plâtrée de riz

Cadeau bonux :

La version deluxe (et carnivore) de l'unlimited thali...

A plus tard pour de nouvelles aventures...

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Très logique après l'épisode 3, non ?

Cet épisode est sponsorisé par les dragées Fuca et le papier Q. (25 R le rouleau en version de base, 56 R en version triple épaisseur...)

Musique...

Qui dit bon appétit dit thali

Qui dit thali dit bactéries

Qui dit bactéries dit e-colis

Alors on ch....

Ok, je sors...

Erratum : J'ai confondu les dragées F. avec les merveilleuses pilules Tiorfanor, amies de tout voyage en Inde

Fin de l'interlude scatologique.

6

La diffusion en mondovision de l'épisode 4 a déclenché une multitude de protestations de la part des officines dont le gagne pain est de vous vendre quelques jours ou quelques semaines de rêve au pays des Maharajas...

J'ai donc reçu la proposition suivante : Diffuser un épisode "carte postale" en échange d'un crore de roupies...

Comme je suis légèrement vénale, j'ai accepté.

Cette tranche de vie sera donc bisounours, sans paroles et pleine d'images...

Si quelqu'un a des idées pour le placement de mon crore de roupies...

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(Aucune signalétique pour les mineurs...)

8 heures d'avion, c'est long !

Quelle surprise nous réserve donc l'I.F.E. de notre Paris Delhi ?

Tiens, un film indien !

Ca va nous mettre dans l'ambiance...

Et puis 3 heures 48 minutes 25 secondes, ça va au moins nous amener jusqu'à Téhéran, non ?

Quelques réglages plus tard, le masala movie illumine notre écran miniature tandis qu'une musique inconnue s'échappe des oreillettes made in China fournies par la compagnie aérienne à ses malheureux passagers de la classe éco.

Le fils prodigue revient au pays...

C'est la liesse au village !

1ère chanson...

La belle voisine, sa copine d'enfance court le retrouver.

2 ème chanson...

Aparté : Il va sans dire que le jeune homme est riche et viril (plus il y a de poils mieux c'est....) alors que la jeune fille n'a pour dot que sa peau blanche et ses yeux clairs...

Le drame ne tarde pas à éclater : ils s'aiment alors que leur union est impossible.

5 ème chanson...

La jeune fille sacrifie son amour à son sens du devoir et accepte d'épouser un riche vieillard.

10 ème chanson...

Notre Roméo noie son chagrin dans l'alcool et les putes.

Nouvel aparté : J'en ferais bien autant là (je parle de l'alcool)...

Allez un petit coup de sonnette à l'hôtesse pour profiter de l'open bar !

20 ème chanson...

Roméo est devenu une épave (moi aussi...).

Il retrouve le palais de sa Juliette et meurt dans ses bras tandis que je commence à sombrer dans ceux de Morphée...

Ultime aparté : Prévoir 3 paquets de mouchoirs pour les sentimentaux, une paire de boules quies pour les délicats de la trompe d'eustache et un autre film pour les amateurs de baisers torrides et de scènes dénudées...

8

Version sonore :

Une journée à B., que faire ?

Une mosquée ? Un petit tour de pédalo sur le lac ? Une promenade au musée d'Art Tribal ?

Il crachine, alors le pédalo tombe à l'eau... Dommage !

Je dis dommage parce qu'un pédalo-dragon rouge à tête bleue, j'en rêvais depuis mon premier club Mickey à Palavas...

Jouons donc la mosquée et le musée à pile ou face !

Petite digression : Un vrai challenge pour un touriste occidental ce jeu de pile ou face !

Pourquoi, me direz-vous ?

Il faut une pièce pour jouer à pile ou face...

Et obtenir une, deux ou cinq roupies, c'est pas gagné !

Je ne parle même pas d'une rareté comme la 50 paisas...

C'est tout de même bizarre qu'il n'y ait jamais de monnaie pour les riches étrangers.

Le verdict de la roupie est tombé : le musée a gagné !

Nous voilà donc partis sur les sentiers de ce musée en plein air...

Une maison traditionnelle, une reconstitution de temple, une exposition de poteries....

Et tout d'un coup : RHHHHHHHHHAaaaaaaaaaaaaaaouuuuuuu

Merde, c'est quoi ça ???

T'as entendu ???

Ca recommence...

RrrrrrrrrrrrrrrrrHaaaaaaaOuuuuuuuuuuuuu

On dirait un feulement de tigre !

RRRrrrrrrrHHHHHHHHHHHaAaoUUUUUUUUUUUUUU

Tu crois qu'il a faim ???

Ca vient d'où ?

Rhaouuuuuuuuuuuuuuu

Alors qu'une petite suée perle au front de nos aventuriers, les dents s'entrechoquent, les genoux aussi...

Une observation rapide du terrain conclut à l'absence du sympathique félidé jaune à rayures noires...

Nos deux détectives un peu pétochards trouvent alors la solution de l'énigme : "Y'a pas un zoo à côté ?"

Et de continuer leur visite au tempo du ronron de ce bel animal...

A défaut de tigres, vous vous contenterez du dragon...


Version muette :

Mes genoux cagneux et un temps toujours maussade ont eu raison de mes velléités sportives du jour.

Je laisse donc la grimpette de la colline sacrée aux courageux ou aux fauchés et choisis d'emprunter la télécabine qui m'emmènera, si ce n'est au soleil, à coup sûr au septième ciel.

A l'arrivée, je me crois transportée au Mont Saint Michel ou bien encore à Lourdes.

Les marchands du temple ont envahi les derniers mètres à parcourir !

Et une statue de Parvati qui clignote...Et un Ganesh en pierre à savon véritable...Et un hologramme de Shiva...Et un camion de pompier... (Non, non, il n'y a pas erreur, il en faut pour tous les âges ! )

Du classique, quoi !

Puis, au milieu de toute cette quincaillerie, surgit celui que vous attendez tous : le seigneur de la jungle.

Il apparaît d'ailleurs en plusieurs exemplaires à raison d'un spécimen par boutique : couché, debout, la langue pendante, l'air féroce, l'oeil qui louche, le poil miteux...

Derrière lui un splendide paysage qui tient plus de la Suisse que de l'Inde met en valeur sa superbe.

Trouvant ces animaux bien calmes et ces paysages bien étranges, je me frotte les yeux et me rapproche du touchant spectacle...

Ne voulant concurrencer les professionnels oeuvrant sur les lieux, je n'ai pas pris de photo.

Mais un habile (Le premier qui fait une remarque reçoit un carton rouge.) montage effectué à postériori vous donnera un aperçu de ce que je découvris...

Censuré/Photo montage tigre /Censuré

Une jolie peluche sur fond bucolique n'attendant qu'un indien pour LA photo souvenir.


Version nature morte

Le tigre ne remercie pas :

Les chasses du temps du Raj dont vous pourrez observer les vestiges aux murs des palais des Maharajas et autres Nababs...

La corruption, fléau de l'Inde moderne.

Et surtout la médecine traditionnelle chinoise...

9

Cet épisode est dédié aux bonnes âmes, aux doux rêveurs pour qui l'indien n'est que spiritualité...

Après un dur périple sur le siège arrière de la Tata, je ne rêve que du moelleux d'un transat au bord de la mer...

Ça tombe bien, le voilà !

La tête bien calée, les doigts de pieds en éventail, je décide de commencer le livre qui sommeille au fond de mon sac depuis l'atterrissage à Delhi...

Une page, deux, dix, cent...

Aravind Adiga : Le Tigre Blanc

Et mes mains referment l'iconoclaste récit.

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... tout le monde il est gentil "

Cet épisode est dédié à tous ceux qui n'associent le mot bonheur qu'avec le mot argent...

Après un dur périple sur le siège arrière de la Tata, je ne rêve que du moelleux d'un transat au bord de la mer...

Ça tombe bien, le voilà !

La tête bien calée, les doigts de pieds en éventail, je décide de commencer le livre qui sommeille au fond de mon sac depuis l'atterrissage à Delhi...

Une page, vingt, cent, cinq cents...

Dominique Lapierre : La cité de la joie

Et mes mains referment le larmoyant récit.

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(ou plutôt l'anti-intouchables...)

Minuit cinq à Delhi, je sors de l'Impérial...

Le Spice Route a tenu ses promesses, le 1911 aussi.Un petit peu de marche pour regagner la chambre d'hôtel ne nous fera pas de mal !

Le luxe s'éloigne, la chaussée se déglingue...

Tiens, une silhouette sur le trottoir ! Ne marchons pas dessus...

Je contourne le corps par la tête,(Il est bizarre son oreiller...)Mon conjoint par les pieds.(Pauvre gars, il lui manque une jambe...)

Et de découvrir l'usage non prévu par la faculté d'une prothèse...

Je referme ce triste chapitre sur un autre livre à dévorer...

Marc Boulet : Dans la peau d'un intouchable

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La mise en ligne de l'épisode 10 a agité la planète web...

Extraits choisis :

Bernard, homme d'affaires belgo-monégasque : " Je possède 35 milliards d'euros. Il y a 5 milliards de pauvres dans le monde. Partager ma fortune reviendrait donc à donner 7 euros par crève-la-faim. Cela ne changerait pas leur vie mais beaucoup la mienne. C'est pourquoi, je choisis de tout garder..."

Roselyne, retraitée de l'industrie pharmaceutique : "Il aurait pas besoin de vaccins vot' pauvre gars ?"

Serge, polémiste émérite exilé au Puntland : " De quoi se plaint-il, il lui reste une jambe !"

Jésus, apprenti charpentier en quête d'absolu : " Heureux...... (La suite est de l'hébreu pour moi...) "

Le service commercial de Mondodo : "J'ai le plaisir de vous annoncer que notre société, émue par votre récit, a décidé d'offrir à ce brave homme un magnifique ensemble d'oreillers! Il pourra venir les retirer à notre usine de Shanghai le jour qu'il lui plaira."

Jean-Luc, producteur prématurément décédé : " Pffff ! C'aurait fait un putain de sujet pour une de mes émissions votre histoire ! "

François (ou Jean-François peut-être...) : " Tout ça, c'est de la faute à Hollande ! "

A plus tard...

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Avertissement :

Déborah Kerr et Burt Lancaster ne vont pas se rouler dans les vagues.

Ursula Andress ne se trémoussera pas en bikini.

Pour une fois, le ciel est bleu, le soleil brille.Un temps idéal pour visiter le grand Temple de S. édifié au bord de la mer d'Arabie...

La Tata se faufile entre ses trop nombreuses soeurs et trouve une petite place au fin fond de l'immense parking.

Nos deux incroyants se demandent dans quel piège ils sont encore tombés ! La Kumbh Mela, c'est l'année prochaine !!! Et puis, c'est pas ici ???

Ils ont complètement oublié que c'est l'anniversaire de Krishna...Et qui dit anniversaire, dit fête et qui dit fête dit indiens en goguette même si le Temple est plutôt consacré à Shiva...

Devant le flot multicolore des croyants, il est plus sage de renoncer.

Et si on allait contempler l'océan à la place ?

Sitôt dit, sitôt fait...

- Au fait, tu as pris la crème solaire ?

- Oui

Et de sortir la protection magique...

Grave erreur !Un attroupement se forme...

- Qu'est ce que vous faites ? (Je traduis pour les lecteurs hermétiques à la langue de Shakespeare surtout dans son interprétation locale...)

- Ben, on met de la crème solaire !

- De la crème solaire, c'est quoi ????

- Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais notre peau est toute blanche...Alors si on ne met pas ce produit, on devient tout rouge...

- Ah c'est vrai ça, vous êtes blanc comme des navets ! Et de partir en fou rire... Nous, on n'a pas besoin de cela ! Ça sent bon !

- Vous voulez essayer ?

Et hop, une petite giclée de crème solaire pour le Monsieur !

La famille se rapproche...

Et la femme de tremper son doigt...Et le fils de se tartiner le front...Et la fille de...

C'est à nous de rigoler...

Allez, au revoir !

Bon, ce n'est pas tout cela, mais elle est où la plage ?

La voici...

J'offre un tour en dromadaire au millionième lecteur de ce carnet...

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Je laisse l'Everest ou le Mont-Blanc aux professionnels de la grimpette...

Le camp de base : Une jolie villa début de siècle (le précédent...) transformée en guesthouse.

L'équipement : Un petit sac à dos renfermant le kit de survie suivant : de l'eau, des biscuits, quelques roupies, un guide et un appareil photo.N'oublions pas non plus la crème solaire...

La cordée : 2 sportifs du dimanche plus entraînés au lever de coude qu'au step.

Il est 16 00, nous arrivons au camp de base. Il est temps de choisir la voie que nous emprunterons demain :

- la voie Sumeru du nom de l'hotel sis à son pied : environ 3500 marches en pente douce...

- la voie Vijay Vilas du nom de notre guesthouse : environ 2700 marches en pente raide...

Je rappelle à nos amis parisiens qu'il ne leur faut grimper que 704 marches pour arriver au deuxième étage de la Tour Eiffel...

La voie Vijay réunit donc rapidement tous les suffrages : une tour de moins à grimper, ça ne se refuse pas !

Un bon repas de sucres lents (le dhal, bien sûr...), une bonne nuit de sommeil, et voilà nos deux athlètes d'attaque !

Les marches s'enchaînent, les jambes deviennent lourdes...Le T Shirt dégouline alors que le souffle se met au diapason du doux bruit d'une forge...

Tiens, un petit banc...Et si on faisait une pause...

Quelques bancs plus tard, un indien, puis 2, puis 10... rattrapent et dépassent la cordée sous les applaudissement d'une mangouste et d'un couple de perruches !

Quand est-ce qu'on arrive ?

Un coup d'oeil sur une marche soulage nos traîne-la-patte : 2400 est la marque laissée en souvenir par un grimpeur avide de données chiffrées...

Une dernier effort et le nirvana apparaît !

Un océan de temples jaïns surplombant la plaine...

Nos fringants vainqueurs du mont Shatrunjaya se retournent alors pour contempler la vue...


Mais leur regard est vite attiré par ceci :

Et merde ! Il va falloir redescendre maintenant

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Cet épisode est sponsorisé par les intolérants de diverses obédiences qui, à cause d' obscurs principes religieux plus que par souci de santé publique, interdisent la consommation de ce merveilleux composé chimique appelé C2H5OH...

Deux petites secondes !

Il faut que je me serve un p'tit verre de Romanée Conti avant de pouvoir vous raconter le cauchemar que fût (c'est le cas de le dire...) cette traversée du Gujarat (J'avais dit pas de noms, mais là, faut bien dénoncer..) !

La bière et le cabernet-shiraz coulaient à flots...Quand soudain, changement d'ambiance !

Tata entrait au pays de Gandhi où contrairement à celui de Candy on ne s'amuse pas trop...(Enfin où les viandards et les pochtrons ne s'amusent pas trop...)

Adieu Kingfisher et Sula...Bonjour Lait Ribot et Aquafina...

Après un jour de ce régime, nos deux oenologues ont la langue pendante.Il faut trouver une solution...Vite, le guide !

Gujarat...Alcool...Prohibition...

Tiens, regarde là ! Cet encadré !

Liquor Permit

"bla bla..étrangers bla bla alcool bla bla autorisation bla bla hotel bla bla magasin..."

Alléluia !!!

Et nos deux assoiffés rejoignent le lieu de perdition où leur sera délivré le précieux sésame...

La porte s'ouvre sur une boutique de 10 m2 tenue par 5 indiens.Les cartons de bouteille s'entassent dans tous les coins alors que sont exposés les divers breuvages disponibles : Whisky, Gin, Vodka, Whisky, Whisky, Whisky, Vin, Bière, Whisky, Whisky, Bière, Bière et encore, vous l'avez deviné, du Whisky !

Je prononce alors les mots magiques, ces mots les plus beaux de la langue anglaise, liquor et permit...

Un passeport, un billet de 100 roupies, une attestation de séjour et l'affaire est dans le sac !Y'a plus qu'à remplir le caddie...

- 3 bières, s'il vous plait !

- Ça va pas aller...

- Comment ça ?

- Le permis vous autorise à acheter et consommer de l'alcool pendant un mois mais il faut que vous achetiez au moins 6 bouteilles à la fois...

(Merde, nous qui voulions profiter de cet intermède gujarati pour nous mettre à la diète, c'est raté ! )

Nos intempérants ressortent alors de l'Empire du Malt avec les litrons hypocritement dissimulés dans un sac noir...Et replient précautionneusement le divin sésame !

(Franchement, vous me voyiez boire du Pacific ou du Champomy...)

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Je ne sais pas si vous êtes déjà entré dans une église catholique mais le spectacle y est digne du pire film d'horreur...

Un mec crucifié, des démons aux pattes fourchues, des hommes et des femmes précipités dans les flammes, un gars transpercé de flèches, des scènes de tortures...Sont un peu maso, ces gens-là !

Je ne sais pas si vous êtes déjà entré dans une mosquée mais le décor y est comme qui dirait un peu dépouillé...

Quelques tapis, des chandeliers, une petite niche, quelques arabesques...L'huissier semble être passé avant vous....

Je ne sais pas si vous êtes déjà entré dans un temple hindouiste mais le changement d' ambiance est radical !

Des éléphants, des scènes de danses, des musiciens peuplent les murs...Et au milieu de toute cette joyeuse bande apparaît la plus belle création des Dieux :

La Femme...


Je comprends mieux pourquoi certains mettent en avant la toute puissance de la spiritualité indienne...

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Episode 14 " Easy Rider "

" Je n'ai besoin de personne en Royal Enfield " dit la chanson.Peut-être, mais moi je n'ai pas de permis moto...Je me contenterai donc d'un scooter Honda Activa.

Un coup de fil à M. Da Cruz, et voilà le superbe engin livré à l'hôtel !

Le soleil brille, le ciel est bleu.Il est donc temps d'appuyer sur le starter pour filer sur les étroites routes goannaises...

Tiens, pourquoi on n'y voit plus rien tout d'un coup ?C'est très joli ce beau ciel noir sur lequel se découpent les palmiers, mais moi je n'ai pas pensé au parapluie...

Vite, tous aux abris !

Le grain passe, la serviette de plage se transforme en serviette de bain...

Nous visitons successivement un abribus, une cabane de chantier et l'auvent d'une gargote...

Une éclaircie opportune nous permet alors de distinguer la silhouette pansue d'un policier indien.

Récapitulons donc nos atouts...

- Le permis de conduire international : c'est bon !- Le scoot à plaques jaunes : c'est bon !- Les papiers du véhicule : c'est bon !- Le casque sur la tête (Les cheveux dans le vent, certes mais juste le bout des cheveux...) : c'est bon !

20 mètres, 10 mètres, 5 mètres... Victoire !

Euh, il lève pas le bras, là ?

La Honda s'arrête, le visage du policier s'illumine...

- Votre permis !

Une page se tourne, puis un autre...Un doigt pointe alors la case fatidique !

- Vous n'avez pas le droit de conduire le scooter ! Le A n'est pas coché.

- Bla Bla, France, OK, Bla Bla, Da Cruz, OK, Bla Bla...

- Non, en Inde, il faut le permis. C'est 1200 roupies !

- 1200 !!!!!!!

...Je tairai ici les dessous de cette sordide affaire pour n'en dévoiler que la conclusion...

- 200 roupies d'accord, je vais vous les chercher.

Un examen attentif du porte monnaie indique rapidement à nos deux motards que les billets de 500 pullulent mais que les petites coupures se font rares...

Un billet de 100, deux billets de 20, un billet de 10...

- Euh, 150 roupies, ça ira ?

Grand seigneur, le représentant de la loi dédaigne les miettes et ne se salit les doigts qu'avec le billet vert...

18

Mon totem me bassinait depuis le début du séjour pour que nous allions rendre visite à ces cousins...

J'ai donc réservé un mini Jungle Plan au pays des lions !

Le parc est fermé pour la mousson et seuls 16 kilomètres carrés de jungle sont offerts à la curiosité du voyageur...

Ici, point de Chico, de Toy ou de Defender ! Seuls les bus électriques (... ) peuvent circuler.

A 20 dollars le ticket, je commence à regretter le bush africain...Mais bon, tentons tout de même l'expérience !

Dûment munis de notre sésame pour la fournée de 08H41, nous nous dirigeons, accompagnés d'un naturaliste de l'hôtel, au point de rendez-vous.

Un haut parleur crachote bientôt l'annonce tant espérée : " Le bus de 08h41 partira du panneau 3 ! "

C'est l'hallali qui a sonné...

Notre guide nous rassure : " Ne vous inquiétez pas, je vous ai réservé les meilleures places ! "Il tend alors au préposé nos deux tickets parmi lesquels je surprends un portrait de Gandhi tout verdoyant...A nous les premières loges aux côtés du chauffeur !

Le bus démarre et s'engage dans la savane gujarati...

Comme partout, les premières à se montrer sont les antilopes...

Le naturaliste se lance dans ses explications tout en surveillant du coin de l'oeil le chauffeur...(Laisse aux étrangers le temps de prendre leurs photos et sous le bon angle en plus !)

Il se retrouve vite submergé de nouveaux clients : les autres passagers qui profitent de sa gracieuse présence pour poser de multiples questions...

Le bus redémarre, notre traqueur ouvre l'oeil ! Une tape sur l'épaule du chauffeur, un coup de frein et le roi des animaux apparaît. Et comme par hasard, pile poil dans l'axe de mon lumix...

L'excitation monte parmi les passagers. Les enfants se précipitent aux fenêtres en criant, les parents s'emparent de leur portable ou de leur caméra pour immortaliser l'instant !

Malheureusement, l'heure tourne et il est temps de quitter de Clarence.

Un chacal plus tard...

La sortie s'annonce.

Place au bus de 09h41 !