20 ans avant : Vintage West America!

Un carnet souvenir de l'ouest américain des années 90
Août 1994
4 semaines
1

Une fin d'année, c'est souvent l'heure des bilans, le moment des rétrospectives...Je me suis donc plongée dans mes souvenirs et le millefeuille des voyages passés.

25 ans, un peu d'argent en poche, quelques semaines devant moi, une amie dans les mêmes dispositions...

Où aller pour ce premier voyage en roue libre ?


To America, what else ?


Voici le parcours de ce circuit monté à une époque où le net n'existait pas...

Et où, comme nombre de voyageurs débutants, j'ai eu la folie des grandeurs.

T'as pas fait tout ça en un mois ????

Euhhhhhhh....si !

Mais promis, je le refera plus...

Rendez vous très bientôt au point de départ de cette expédition : Los Angeles !

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( Comment raconter un voyage d'avant hier ?

Les photos se sont empoussiérées comme les souvenirs...


Et puis, j'ai déjà les oreilles qui sifflent.

Ra....do.....teu......se.......


Bon, c'est sûr que pour les renseignements pratiques, ce qui suit n'est plus très à jour.

Mais est ce là l'essentiel d'un carnet de voyages ?)

2

Avant d'atterrir à Los Angeles, il faut déjà décoller de Roissy !


Les deux amies parviennent au comptoir d'une compagnie dont je vous tairais le nom.

(Le premier qui dit que je ne m'en souviens plus, sera débarqué au milieu du Désert de la Mort vers midi et sans une goutte d'eau ! )

Les agents de sûreté nous séparent alors et entament leur interminable interrogatoire.

Malgré un visa turc hautement suspect, je suis finalement déclarée apte au voyage et nous voilà installées dans une des rangées non fumeur de l'avion.

C'est pas parce qu'on fume qu'on a envie d'être enfumée...

Quelques cigarettes, un ou deux apéritifs (Je ne fume plus mais j'ai gardé quelques vices...), un ou deux repas plus tard, il est temps de remplir le formulaire d'entrée sur le sol américain.

Avez-vous le sida ?

Ben, j'en sais rien moi ! J'ai pas fait le test !

C'est quoi ces questions à la c.. ?

Agnès, tu te calmes et tu réponds non à toutes les questions !

Et sans ratures, ça vaut mieux...

Tu souris ensuite au monsieur qui tamponne ton passeport et tu laisses tomber tes remarques ironiques !

Euhhh, mon anglais est pas assez bon pour ça...

Ben, tant mieux !


Welcome to America...

3

Une bonne nuit de repos dans un quelconque motel des environs de l'aéroport et voici venue l'heure de se procurer l'engin qui nous permettra de parcourir l'Ouest Américain dans tous ses coins et recoins.

Le budget du voyage est serré. Nous avons donc réservé l'un des premiers modèles et j'en serai l'unique conductrice, mon grand âge m'évitant les coûteuses assurances supplémentaires.

Après, petit aux USA, c'est quasi un modèle familial pour le reste du globe !


Me voilà donc au volant d'un machin made in Détroit d'une élégante couleur bleu ciel dont la taille respectable se rapproche plus de celle d'une Laguna que de celle d'une Twingo...

Je prends mes marques, touche à tous les boutons.

Là où se trouve habituellement un levier de vitesse, trône un joystick qui se manoeuvre d'avant en arrière le long d'une artère parsemée de signes étranges : P R N D 1 2.

Késako ?

Je pensais que c'était tout simple une boîte automatique, qu'il n'y avait pas à réfléchir !

Et pourtant...

P comme parking, ok.

R comme rear, ok.

N comme neutral, ok.

D comme drive, ok.

Mais 1 et 2 ????

Je soupçonne une sorte d'aide à la reprise mais ne saurais jamais faire fonctionner le bidule correctement...

Quelques essais concluant sur le parking du loueur plus tard, je m'élance sur le dense réseau autoroutier de la cité des anges...


Je me faufile sur l'autoroute et vérifie que ma vitesse correspond aux normes en vigueur.

L'Amérique des années 90 est déjà moins permissive que la France des années 2020 en ce qui concerne le respect du code de la route alors il faut oublier les mauvaises habitudes encore tolérées sur le sol hexagonal...

Il sera ainsi étrange durant tout ce mois de ne jamais voir un véhicule doubler franchement un autre.

Le doubleur est à 0.005 miles en dessous de la limite, le doublé à 0.006.

Un ballet d'escargots...


Sortie Hollywood Bd en point de mire.

Je tourne, trouve un parking et me gare, découvrant là l'autre bizarrerie du continent : l'immensité des places de stationnement.

Je deviens la reine du créneau, l'impératrice de l'épi !

Allons visiter le quartier !

Pour retrouver la voiture, c'est pas compliqué, il suffit de retrouver le dinosaure...

Nous pénétrons maintenant au coeur du territoire d'un étrange animal : la star.

Nous essayons tout d'abord de débusquer la bête dans ses lieux de plaisirs.

Rien !

Nous suivons alors les traces de son passage et remontons la longue piste...

 ...qui aboutit à sa bauge.

Toujours rien !

Dépitées, nous renonçons à notre safari et voguons vers de nouvelles aventures...

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Nos pas nous entraînent désormais vers un studio de cinéma.Enfin...Vers un parc d'attraction sur l'univers du cinéma : les studios Universal !

Tout y est :

Les belles américaines, Qui joue en première base ?, l'attaque du saloon, les folles nuits hollywoodiennes

Le décalage horaire fait alors son effet et la folle nuit s'achève rapidement sous la couette d'un hôtel du centre ville, coûtant certes seulement une poignée de dollars, mais bien mal situé !

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Aujourd'hui, nous décidons de tester les fameuses plages californiennes.

Un petit tour à Venice pour sourire en regardant passer les beautiful people en rollers, un petit tour à Malibu pour apercevoir un maillot de bain rouge, un petit tour à Santa Barbara pour y poser notre serviette...

Nous voilà en maillot quand un jeune homme s'approche.

Vous venez de quel pays ?

Comment savez-vous que nous ne sommes pas américaines ?

Vous vous êtes déshabillées sur la plage !

(Il nous faudra quelques instants pour saisir qu'il est très incongru dans la prude Amérique d'enfiler son bikini en se contorsionnant derrière sa serviette de plage.

Nous remarquerons heureusement à temps que le monokini est interdit ! ...)

Promis, la prochaine fois, nous irons nous changer dans les cabines prévues à cet effet le long de la plage !

La brigade des moeurs s'éloigne, nous prenons nos aises.

Si nous allions nous baigner ?

Deuxième erreur !!!

Nos orteils se recroquevillent dans une eau si gelée qu'elle nous fait regretter notre Normandie natale et, sous le regard goguenard d'une mouette,...

Nous renonçons aux joies de la baignade !

Nous apprendrons ultérieurement que l'été ne serait pas la saison la plus propice à ce genre de plaisirs.

Je vous laisse vous rhabiller en toute discrétion et vous rejoins à la prochaine étape, San Diego.

4

En attendant l'heure d'arriver à San Diego, j'ai faim et soif !C'est l'heure du petit déjeuner, non ?

Un délicieux roulé à la cannelle XXL, c'est à dire la taille standard, comblera à merveille les appétits.

Je m'apprête alors à commander un café lorsque la serveuse se lance dans la préparation dudit breuvage.

Une, deux, trois, quatre cuillères de café moulu, 2 litres d'eau...

Une goutte claire s'échappe du filtre suivie d'une autre.

La cafetière se remplit d'une eau légèrement teintée de marron....

Que voulez-vous boire ?

Euhhhhhhhhh...

Un thé, s'il vous plaît !


Pas de Starbucks au siècle dernier.

Pas plus de George s'écriant "What else ? "...

Quelques enseignes un peu plus haut de gamme proposent de l'expresso mais il faudra attendre San Francisco pour retrouver facilement le goût subtilement amer d'un bon petit noir !

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San Diego, San Diego 1 nuit d'arrêt, tout le monde descend !

Qui vient m'aider à monter la tente igloo ?

Ben oui, quoi !

Vous ne croyiez tout de même pas que le voyage se déroulerait en motel et 5 étoiles ?


Les employés du camping viennent aider les jeunes filles en détresse qui apprennent là le mot qui leur sera le plus utile durant ce séjour : hammer.

Va planter, toi, une sardine dans un sol dur comme du béton à la seule force de la tendre pulpe de tes petits doigts !

Nous admirons alors le résultat de nos efforts et décidons d'abandonner les lieux pour une petite promenade en ville.

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J'effectue un magnifique créneau quand le trottoir se décide à heurter mon pneu.Ou l'inverse...

Pfffffffffffffffffffffff.........................................

Pfffffffffffff.........................

Pffffff.............

Pff ?

Je crois que nous sommes bonnes pour un peu de mécanique.

Tu as déjà changé une roue, toi ?

Non...

Moi non plus !


Un coup d'oeil sur le livret technique et hop, allons-y !

Je soulève le bout de moquette qui tapisse le coffre et découvre ébahie un truc qui ressemble à une roue de Légo : une galette, chose alors inconnue sur le sol tricolore !

Je sors l'engin, le cric et le desserre boulons quand un sauveur s'arrête et vole à notre secours.

Il n'y a pas à dire, les américains sont serviables !

En 5 minutes, l'affaire est pliée. Il ne restera plus qu'à récupérer une vraie roue le lendemain dans une des stations du loueur...

(Bon, le problème, c'est que je ne sais toujours pas changer une roue...)

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Je bavarde, je bavarde et toujours pas de San Diego...

Quelques vieilles pierres nous rappellent le passé espagnol de la ville mais le présent n'est jamais bien loin.

(Je m'aperçois que le Sushi était déjà à la mode aux USA en 1994... )

Nous finirons notre balade en bord de mer,

Admiratives devant ce magnifique gréement.

5

Un coup de fil en France m'apprend que j'ai réussi le concours de la fonction publique passé avant le départ.

Allons fêter cela autour d'un verre !

Nous nous installons au bar et commandons deux Cuba libre.

Le serveur nous inspecte de la tête aux pieds et nous demande une pièce d'identité.

Pourquoi ?

Je dois vérifier votre âge ! La consommation d'alcool est interdite au moins de 21 ans !

Sont serviables mais ils ne plaisantent pas avec la loi, ces américains...

L'achat de cigarettes fut, en revanche, un jeu d'enfants.


Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui ?

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Avant de poursuivre notre route, nous faisons un stop dans une succursale du loueur pour remplacer la galette.

L'employé regarde la voiture et s'exclame :

Nous n'avons plus de modèle de cette catégorie.

C'est pas grave, je vais vous surclasser !

Euhhhh...

Nous, on venait juste pour changer la roue !

Il est apparemment plus facile de changer la voiture...


Nous repartons donc avec un modèle encore plus imposant, une magnifique Chrysler Le Baron vert bouteille avec commande de la boîte automatique au volant.


Je vous retrouve dans un certain nombre de kilomètres,

Et dans un nouvel état !

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Autant Los Angeles comme San Diego ne m'ont pas laissé un impérissable souvenir, autant la visite du Grand Canyon restera gravée dans les quelques neurones qui peuplent mon cerveau et dans les quelques fibres musculaires (myocytes si vous préférez...) qui galbent mes mollets.

Je vous propose tout d'abord d'admirer la vue depuis le bord de la faille,

Avant de faire quelques pas en direction du fond du gouffre. Dis, va falloir remonter tout ça ?

Ben la prochaine fois, je réserve un mulet !

Exténuées, nous regagnons notre point de départ et décidons de jouer les filles de l'air...

Le biréacteur s'élance dans l'azur et ondule.

Etonnée de ne pas entendre ma très loquace amie depuis le décollage, je me retourne et constate sa blancheur.Je lui propose de contempler le canyon par delà le hublot,

Elle me demande quand son supplice se termine...

N'oubliez pas le cachet contre le mal de mer !

6

L'avionnette touche terre, nous tanguons jusqu'à notre camping.

Une bonne nuit de sommeil pour se remettre des tours de looping et nous filons vers notre prochaine étape : le Nouveau-Mexique.


Nous déambulons bientôt dans les rues de la vieille Albuquerque.

Je me demande rapidement pourquoi l'adjectif "nouveau" a-t-il été accolé au mot Mexique...

Santa Fe nous propulse ensuite au pays des cowboys, des chevauchées fantastiques et des indiennes.

Bizarre !

Moi qui adore les bijoux en argent, je ne me souviens absolument pas d'avoir fait une razzia sur ces étals !

Quelques miles supplémentaires et nous découvrons la petite ville de Taos.

Les santiags, ceinturons, stetsons et autres lacets de cravate étant hors de portée de nos plates bourses, nous allons déposer un cierge dans l'église du Old Pueblo

Espérant ainsi empocher le pactole lors de notre prochain séjour à Las Vegas.

Je peux déjà vous révéler qu'hélas nos prières furent vaines.

Peut -être est-ce en contemplant ce ciel...


... que j'ai définitivement cessé de croire en dieu ?

(Qu'est ce qu'il ne faut pas trouver comme texte quand on n'a plus de mémoire...)

7

Je tourne les pages de l'album et quitte Taos pour Durango, petite bourgade du Colorado, célèbre pour son fameux train à vapeur,

Train que nous aurons seulement le loisir d'admirer faute de temps...

Nous nous consolerons autour d'un verre et d'un concert de blues,

Avant de regagner le luxe du lit moelleux qui nous attend dans le dortoir de l'auberge de jeunesse des lieux.

C'est bien le camping mais faut pas abuser !

8

Au matin, nous découvrirons les ruines des maisons troglodytiques des indiens Anasazis, nichées sous les falaises du proche canyon de Mesa Verde.


Nous sommes là bien loin des paillettes de Los Angeles...

Allez !

Fini de rêvasser au sujet des civilisations disparues !

Le tour de rafting réservé sur les rapides de la rivière Colorado débute bientôt...

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Moab, Moab, berceau du rafting, tout le monde sur le radeau pneumatique !

L'histoire s'arrêtera là.

Pas plus de souvenirs que de photos...

Arches, à la place, ça vous irait ?

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Le ciel est plombé ce matin. Nous nous promenons sans enthousiasme au milieu des arches de pierre dont la couleur ne flamboie pas sous les rayons d'un soleil absent...

Pas de photos non plus, donc.


Un jingle pub en remplacement ?

9

La Le Baron avale une bonne partie des kilomètres qui nous séparent de Grand Téton avant de s'échouer sur le parking d'un petit motel quelconque à la tombée du jour.

Une télé trône dans la chambre.

Pourquoi ne pas l'allumer et découvrir le paysage audiovisuel local ?

Une série débute.

J'essaie d'en suivre l'intrigue en maudissant l'incompréhensible accent américain...

(Comment ça, mon niveau d'anglais pourrait aussi être mis en cause ? )


J'ai enfin compris les premiers dialogues que, vlan, une immense pizza dégoulinante de fromage surgit sans prévenir sur l'écran !

Les italiens ont à peine le temps de s'indigner du détournement de leur patrimoine national qu'un cornet de frites molles nargue le Nord et la Belgique...

Heureusement s'invite alors un avocat qui me promet une montagne de billets verts si j'ai la chance de glisser sur le sol disjoint de la salle d'eau du motel.


La série continue.


Taco bell, Avocat, Mc Donald's, Coca...


La série continue.


Avocat, Pepsi, KFC...


La série continue.


Un Mars et ça repart ?


Sans moi !

Bonne nuit...

10

Bienvenue au...

Nous quittons la chaleur et l'ocre pour le vert des sapins et la fraîcheur d'un courant d'eau.

Au milieu de ce paysage alpestre, se dresse, altière, la silhouette évocatrice de Grand Teton.

Pas très facile à porter, ce nom, dans un pays où ses jumeaux féminins ne doivent jamais être dévoilés...

11

Un saut de puce et nous changeons de parc et d'ambiance...

La rivière Snake serpente au fond du canyon.

A moins que cela ne soit la Yellowstone ?

Des orgues basaltiques strient l'escarpement, les molécules d'hydrogène et d'oxygène résistent à la chute.

Périodiquement, la terre a ses vapeurs,

Tandis que l'eau se fait Caraïbes,

Ou ferrugineuse...

Un peintre sous acides a pris la terre pour palette,

Puis a délaissé ses pinceaux.

Le silice se bassine terrassant le flanc des collines.

Au milieu de ce paysage étonnant, détonant hier comme demain, déambulent sans crainte bisons et wapitis alors qu'une sentinelle guette la prochaine éruption de ce supervolcan !

12

A la belle lumière d'un astre déclinant, les deux demoiselles décident de rédiger quelques mots d'amour à l'intention de leurs damoiseaux d'alors restés au pays...

Je regarde mon amie s'emparer d'une feuille blanche avec enthousiasme, feuille qui se remplit aussi vite que la mienne reste vide.

Son regard se perd à l'horizon, elle sourit.

Le stylo victime d'un intense suçotement reprend bientôt le chemin du papier.

Une rature puis les mots reprennent leur course folle jusqu'en bas de page.

Elle me regarde, rigole puis continue sa prose au verso du feuillet.

Enfin, elle pose le bic et plie son billet doux.

Qu'a-t-elle bien pu raconter ?


Je prends la plume à mon tour et emplit le vide de ce sobre message trop bien codé :

Il fait très beau.

Gros bisous

Agnès


Ne comptez pas sur moi pour vous servir de nègre pour compter fleurette à votre aimé(e)...

(Je vous jure que je reprends de suite le scannage de mes photos...)

13

Après avoir gâché du papier en écrivant 5 mots, je gâche de la pellicule en immortalisant - en ont-ils besoin ? - les Saints des Derniers Jours.

Dieu que cette ville manque de sel ! Et pourtant...

Nous ne nous éterniserons pas plus d'une nuit en ces lieux.

Tabernacle, qu'est ce qu'on se morfond chez les mormons !

(Je crains d'avoir encore perdu une poignée de lecteurs...)

14

Les nuages s'amoncellent au dessus de la Chrysler puis un tonitruant orage éclate.

Bryce Canyon va-t-il tomber à l'eau ?

La dernière goutte de pluie s'écrase sur le pare brise lorsque nous franchissons l'entrée du parc.

Arrivées au premier point de vue, un très timide rayon de soleil tente de transpercer la chape de plomb.

Les dentelles de pierre façonnées par l'érosion n'en demeurent pas moins fascinantes.

Les éléments ne sont, par ailleurs, pas plus tendre avec le minéral qu'avec le végétal...

Les sentiers ne sont que boue.Il faudra revenir une autre année, à une autre saison sans doute, pour profiter de toutes les beautés de ce lieu.

15

Tout va bien, la tente est restée au sec ! Les provisions semblent, en revanche, avoir subi les assauts d'un affamé...

Pas de feu, pas de bouteille de blanc au frais, une tente microscopique...Je voyageais à la dure en ces temps-là !

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Reprenons la route...

Le bitume traverse un interminable village.

Les maisons s'espacent, s'espacent, s'espacent.

J'accélère, j'accélère, j'accélère...

Je conduis nonchalamment, un oeil sur la route, les deux oreilles attentives au plaisant bavardage de mon amie.

Un son disgracieux à deux tons s'insinue dans la conversation.

Je regarde dans mon rétroviseur et aperçoit un véhicule de police toutes sirènes hurlantes et tous feux allumés lancé à pleine vitesse sur l'asphalte.

Je distingue alors un fusil à pompe sur le tableau de bord.

Quel dangereux criminel ces agents poursuivent-ils ?

Je regarde la route devant moi : déserte à des miles à la ronde.

S'insinue enfin dans mon cerveau l'idée que mon véhicule pourrait être l'objet de cette poursuite...


Je stoppe et me gare sur le bas côté.

Le véhicule de police s'arrête à quelques mètres derrière le notre.

Deux gaillards chapeautés et armés sortent de la voiture et s'approchent précautionneusement de la Chrysler.

En voyant la tête effarée et en entendant l'horrible accent français de la délinquante (en herbe...), ils se détendent.

Mais l'un garde toujours sa pétoire à portée...

Je comprends que j'ai commis l'irréparable en franchissant la limite autorisée d'une poignée de miles.

Je tente la négociation mais en vain.

L'homme remplit la contravention.

Très détaillée cette contravention...

Nom, prénom, date de naissance, adresse.

Soit.

Taille, Poids...

Euhhh, sont aussi chargés de faire une étude sur la morphologie des contrevenants ?

La vitesse d'une Chrysler serait proportionnelle à la carrure de ses passagers ?

J'ai dû me mélanger les pinceaux entre livres et kilos, pieds et centimètres, l'officier se marre...

100 kilos pour un mètre ou 20 pour deux ?


Quelques dizaines de dollars changent maintenant de mains puis c'est le moment d'une photo souvenir difficilement arrachée aux incorruptibles agents !

Vous ne la verrez pas cette photo...

Cristina a raison. Le legging, c'est une horreur !

Coupé aux genoux, encore plus...


A très bientôt à Las Vegas !

17

Qu'écrire sur Las Vegas ?

Un univers où le kitsch...

Se marie... (Je cède à la facilité.)

Au mauvais goût.

Enfin, pas toujours !

Une occasion en or de découvrir mille lieux en un seul ?

Et puis le soleil se retire et la ville explose des lumières,

Qui s'affichent sur le strip

Attirant le chaland

Vers ses jeux sans...

Bizarrement, je retournerais volontiers à Las Vegas.

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Souvenirs, souvenirs...Future collection archéologique plutôt !

Billet d'avion, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Attila)

Boarding pass, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Attila)

Voucher pour prestations hôtelières, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Attila)

Carte d'accès aux espaces naturels subsistants, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Attila)

Ticket de tramway, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Attila)

Menu carné, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Attila)

Paysage terrestre, XXème siècle de l'ère pré-COP 50, Anonyme (Collection Mundzuk)

Je ne sais pas si j'ai bien fait de retrouver ma malle à trésors...

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La nuit fut courte.Quelle idée aussi de courir les casinos jusqu'à 3 heures du matin...

Pour notre défense, il faut avouer que se promener sur le strip un après midi d'été tient de l'exploit : plus de quarante degrés, un soleil de plomb et des kilomètres de goudron à parcourir.

Passé minuit, en revanche...

J'inspecte le porte monnaie, il me reste quasi tous mes dollars.

Les cocktails offerts aux joueurs semblent ne pas m'avoir fait perdre la tête !

Mais je n'ai pas gagné non plus...

Le voiturier me tend maintenant les clés de la Chrysler.

Let's go to Death Valley !

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La route s'enfonce dans la vallée de la mort, le mercure atteint des sommets.

Le photographe accablé de chaleur tente une sortie hors de son cocon climatisé...

Et s'en retourne illico au frais !

Je ne sais quel liquide abreuve ces sillons...

Mais il ne coulera pas aujourd'hui.

La promesse d'une piscine requinque les voyageuses qui n'osent imaginer traverser ce four dans les conditions du passé !

Je vous laisse, j'vais piquer une tête sous la nuit étoilée...

La route qui permet de quitter la vallée prend de l'altitude, le moteur chauffe.Je surveille donc l'aiguille indiquant sa température.Quand elle frôlera le rouge, il faudra éteindre la clim'...

10 minutes plus tard, je coupe l'air frais.

10 minutes après, 40 dans l'habitacle...

L'eau bue ressort aussitôt par tous les pores de la peau transformant les T shirts en serpillères.

Quand est-ce qu'on arrive au sommet ?

Alléluia, nous redescendons enfin !


Je réenclenche le divin zéphir...


Une station service.Si nous allions acheter une boisson fraîche ?

Je me laisse tenter par une bouteille de Snapple, mon amie par un Coca.

Elle se dirige donc au comptoir et commet l'erreur du débutant en oubliant que small signifie déjà large...

Le serveur s'empare d'un immense gobelet qu'il remplit d'une montagne de glaçons puis du décapant à bulles.

Nous repartons maintenant, l'une avec son demi litre, l'autre avec son litre et demi...


Tu veux du Coca ?

Non, merci...

20

T'es sûre que tu veux pas de Coca ?


Nous sommes au milieu des séquoias et te voilà encore à m'emm.... avec ton Coca ?

Tiens, y a une place pour se garer !

Allons admirer ces superbes géants de pied en cap.

Mais qu'est ce que tu fabriques à trimbaler ce gobelet ????

Euhhh, Agnès, t'es vraiment sûre sûre pour le Coca ?


La suite est censurée...

21

C'est le milieu de la nuit, un bruit me réveille.Ça gratte, ça grogne tout autour de la tente.Je me souviens alors de toutes ces pancartes plantées à tous coins de parcs prévenant de se méfier d'une peluche griffue.


Un ours qui voudrait du Coca fouillerait donc nos poubelles ?


Peu rassurée, je réveille mon amie.

Nous sommes maintenant deux à trembler...

L'animal tarde à décamper mais finalement se lasse.

Nous nous rendormons.


Au matin, nous apprendrons l'identité du coupable : Monsieur Putois, sympathique animal qui, pris de panique, se défend en répandant une charmante odeur dont il tire son nom.


Nous avons bien fait de ne pas le déranger...


(Un lecteur me fait remarquer que, comme nous n'avons pas vu l'auteur du tapage nocturne, il aurait tout aussi bien pu s'agir de Madame Putois. Parti pris sexiste ? Peut-être...)

22

Vous êtes prêts pour une visite express de Yosemite ?

Trop tard !

Notre carrosse est parti...

Un peu d'escalade à la place ?

Euhhh...

Sans moi !

23

Nous franchissons la Sierra Nevada pour nous ruer vers l'or.

Oups !

Je crains qu'il ne soit trop tard...

Le filon est épuisé, Bodie part en ruines.

Nous déambulons dans la ville fantôme,

Ses maisons, ses églises, ses saloons.

La Baronne observe ce drôle d'engin mais n'ose déchoir.

Les voyageuses dénichent les cuisines mais point de Chateaubriand...

A Sacramento, peut-être ?

24

Un village, une envie de... se poser, un café.

Nous pénétrons dans le saloon et nous nous installons au comptoir.

Les clients ont l'oeil vissé sur un grand écran qui diffuse un programme familier.

Le Tour de France...

Le barman vient prendre la commande, remarque notre accent.

Nous devenons la mascotte de l'étape au fin fond de l'Ouest, la tournée sera offerte.


Non, ce n'était pas du Coca !

25

Sacramento, capitale de l'Etat de Californie, 15 minutes d'arrêt ?

Nous retrouvons Lucky Luke et Hell on Wheels sur les quais de cette ville terminus.

Quelques maisons pionnières subsistent au bord de la rivière, à usage des touristes, de leurs restaurants et de leurs magasins de souvenirs.

Pour découvrir l'Amérique d'aujourd'hui, il suffit de se gratter le nez

En levant les yeux vers le ciel !

26

Je n'ai toujours pas dégusté mon Chateaubriand...


Ici, peut-être ?

Ici est un All you can eat d'une zone commerciale.

Ici ne coûte que quelques dollars et pullule sur le sol américain comme le braai en Afrique Australe.

Ici permet de rassurer les Européennes enrobées sur la finesse de leur tour de taille...


Une famille est attablée.

Le père, la mère, la petite fille.

J'avais jusqu'ici observé que le poids des Américains était inversement proportionnel à celui des Asiatiques mais je n'avais pas imaginé que la mal et la sur bouffe pouvaient ainsi ravager la silhouette d'une enfant.

27

- Flashback -

Los Angeles, une française peu douée pour les langues, un téléphone...fixe bien sûr... pire à pièces !

Hearst Castle est au programme de la fin du voyage et il est préférable de pré-réserver ses entrées.

Je compose le numéro indiqué sur mon guide, une voix électronique me souhaite la bienvenue.

Jusque là, tout va bien.


Une longue phrase se terminant par un chiffre crépite dans mon oreille.

Puis une autre.

Hep! Pas si vite ! J'ai rien compris, moi !

J'entends alors Operator, dial four...

J'enfonce désespérément la touche 4.


Trop tard...


Deux essais après, j'ai enfin un interlocuteur qui, malheureusement, débite son laïus à la vitesse d'un employé pressé par ses objectifs.

J'arrive à endiguer le fleuve de paroles, à comprendre les disponibilités et les prix.

Va pour le mardi 02 août à 14 h 00 !

Reste à épeler mon nom.

Je m'apercevrais début août qu'apprendre le Alpha Bravo Tango Charly ne serait pas une mauvaise idée...

L'employé au guichet d'entrée retrouvera-t-il ma réservation ?

Nous le saurons un autre jour.

---/---

Je vais au kiosque d'entrée chercher nos tickets.J'épelle mon nom.En vain...

J'essaie avec le numéro de la réservation.

Bingo !

Je récupère alors les 2 blancs seings sur lesquels s'affiche mon pauvre nom tout écorché.

Quelques instants plus tard, la visite commence.

Bienvenue à Xanadu ! Euhhh... Hearst Castle.

Un peu mégalo, le William Randolph, non ?

J'avoue cependant avoir un faible pour la piscine d'hiver.

Les yeux pleins de paillettes, nous reprenons ensuite la jolie route longeant le Pacifique, destination Carmel...

28

Carmel by the sea

C'est sûr, la mer est là. La plage aussi.Mais pas les degrés !

Une carte postale de rêve en doudoune...

Et je ne vous parle même pas de la nuit sous la tente !

C'est là qu'on regrette l'ours en peluche et la bouillotte de ses jeunes années.

A défaut, une douche brûlante, un jean, trois Tshirt et le seul pull emporté feront l'affaire comme réchaud avant de se jeter sous la mince couverture...

T'as mis combien de paires de chaussettes, toi ?

2 !


Bonne nuit...

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Carmel by the sea

Pour une poignée de dollars, nous avons fait développer nos rouleaux.Nous cherchons maintenant un nid douillet pour contempler nos photographies en fumant quelques cigarettes.

Las, l'homme au cigarillo ne l'était qu'à l'écran et sa ville a déjà banni de tous ses intérieurs publics l'addictive substance.

Après avoir fait chou blanc dans quelques bars, nous nous résignons donc à nous cailler encore un peu plus et échouons sur une terrasse...

Je compatis avec les fumeurs d'aujourd'hui.

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Carmel by the sea

... N'est pas qu'une plage, un cow boy et nos premières américaines en bigoudis.

C'est aussi une terre d'évangile, une mission,

Dont la sérénité ne semble guère être troublée par la frénésie du monde d'aujourd'hui.

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Encore !

J'ai beau éplucher mon album, je n'y trouve qu'un seul animal.

En plusieurs exemplaires, mais toujours de la même espèce.

Le voici !

Heureusement que je n'ai pas choisi mon avatar en revenant des Etats-Unis...

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17-mile drive nous entraîne vers le petit port de pêche de Monterey.

Une légère brise hérisse les plumes et les poils de toute une ménagerie impatiente de s'emparer de quelques sirènes... euhh... sardines.

Nous nous retirerons avant l'hallali.

17-mile drive nous entraîne vers le petit port de plaisance de Monterey.

Un autre monde !

Quoique...

Serais-je revenue à la case départ ?

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Je m'installe une dernière fois au volant de la Chrysler, Pacifique sur la gauche durant 120 miles et un pont.

Je fais alors demi tour et me gare.

Le ciel est bleu, le brouillard aux abonnés absents.

Je mitraille.

Qui d'ailleurs n'a pas compulsivement appuyé sur son déclencheur ici ?

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Nous faisons nos adieux à La Baronne et c'est parti pour une virée semi-piétonne dans les rues de San Francisco.

Tiens...Un café italien.

Je scrute par delà la vitrine et aperçoit une rutilante machine à expresso.

La promenade s'interrompt...

San Francisco a pourtant de très bons atouts pour détourner l'intoxiquée de sa drogue.

Mais quasi 30 jours sans un petit noir, c'est par trop inhumain !

Mes doigts s'emparent fébrilement de l'anse délicate et portent la tasse à mes lèvres.

L'odeur quasi oubliée de l'arabica se propage dans mes narines et enivre mon cerveau.

Le brûlant breuvage réveille mes papilles puis cascade dans mon gosier...

On la fait maintenant cette balade ?

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Un petit tour en tramway ?

Un petit tour en Chine ?

Un petit tour en Espagne ?

Un petit tour chez les hippies ?

Un petit tour en musique...

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Castro street, indique une pancarte.

San Francisco serait-elle Fidel ?

Les deux amies réalisent alors que l'ambiance serait plus gay que cubaine.

Et que la prude Amérique l'est finalement moins que la dévergondée Europe au vu de ce qui s'affiche dans cette vitrine, une spécialité pourtant nommée french letter...

Je rappelle aux plus jeunes d'entre nous qu'à l'aube des années 90, la fine protection en latex était cantonnée dans les arrières salles des pharmacies ou coincée entre le coricide et le mercurochrome dans les rayons des supermarchés.

L'acheteur murmurait alors sa demande à l'employé(e) ou se dépêchait de déposer la petite boîte pourtant discrète au fin fond de son caddie sous le flacon de shampooing et le biactol.

Nous entrons maintenant dans la très honorable boutique et découvrons l'infinie variété des possibilités offertes par ce produit, star unique de ces lieux.

Ne souhaitant pas m'aventurer plus loin sur ce terrain glissant, je conclus donc ce souvenir par l'achat de quelques souvenirs...

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Sans transition aucune, quelques photos du plus emblématique building de la ville.

La Transamerica Pyramid !

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Aujourd'hui, nous voguons outre baie, Sausalito en point de mire.N'ayant pas pris de photo du ferry, je la remplace désavantageusement par celle-ci...

Un regard sur la sinistre prison d'Alcatraz,

Et l'engin nous dépose à terre.Une courte promenade nous permet de rejoindre la curiosité des lieux, un très surprenant quartier d'habitations flottantes.

Je suppose que toutes ces embarcations ne quittent plus leur amarre,

Pour la plus grande joie des voyageurs !

Sur le chemin du retour, je me laisse tenter par l'achat d'un autre souvenir,

Mais j'abandonne l'idée en apprenant que l'engin n'existe qu'en blanc. (C'est salissant le blanc, non ? )

C'est donc les mains vides que nous rallions...

... notre port d'attache !

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Dernière soirée sur le sol américain...Si nous allions en boîte ?

Le réceptionniste de l'hôtel s'enquiert de nos âges - quelle manie ! - avant de nous indiquer le nom d'une rue où nous devrions trouver notre bonheur.

Parées de nos plus beaux atours, c'est à dire de ce qu'il reste après bientôt 5 semaines de vagabondage, nous nous dirigeons vers ce lieu de perdition.

Le videur de la première boîte nous inspecte de la tête aux pieds.

Le jean et le t shirt ne sont apparemment pas le dress code des lieux. Nous n'entrerons pas...

De la deuxième boîte s'échappe un son à faire fuir lions, lionnes et lionceaux.

Nous passons notre chemin...

Une musique typiquement américaine s'échappe alors d'une porte grande ouverte.

De la country, pourquoi pas ?

Nous entrons.

Pas de videur, personne au vestiaire.

Nous continuons sur notre lancée jusqu'au bar où nous nous installons.

Je jette alors un oeil sur les lieux.

Un beau parquet, des messieurs sortis tout droit d'un western, chapeau inclus...

Mais où sont les dames ????

Mon amie m'indique que la serveuse est bien une dame et qu'en cherchant bien, il y en a une ou deux autres dans l'assemblée...

Notre présence ne semble pas déranger la gay assemblée, la musique est sympa, l'ambiance aussi, nous restons.

Commence alors une scène jamais revue depuis...

Les cow boys s'alignent sur plusieurs rangs et entament un square dance magnifiquement millimétré.

Pas sûre que John Wayne aurait apprécié...Bonne soirée !

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Le moment est venu de refermer l'album photo, de débrancher la fabrique à souvenirs.

Mais il nous reste encore un dernier lieu à découvrir.

Vous devriez savoir lequel car il manque cruellement dans ce carnet et offre un magnifique clap de fin...

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Puisque personne n'a trouvé l'étape manquante, la voici...

Le cow boy chevauche avec sa belle,

Tandis que s'étale le mot...

Je vous remercie d'avoir suivi ce carnet jusqu'ici !