Carnet de voyage

Le Tour de France d'Armelle et Joseph

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Dernière étape postée il y a 1365 jours
Grands fans de vélo, nous partons en tandem sur les routes de France pour vivre l'aventure et mûrir notre projet de vie au gré des rencontres !
Du 27 mars au 30 septembre 2020
188 jours
Ce carnet de voyage est privé, ne le partagez pas sans l'autorisation de l'auteur.
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A la Garde (Toulon), depuis notre mariage fin 2018, on était bien, on était même très bien !

Mais petit à petit, Armelle a parlé d’aventure à Joseph, Joseph a parlé de crise écologique à Armelle, Armelle a entraîné Joseph dans sa passion pour la Rencontre et l’évangélisation et Joseph a entraîné Armelle dans sa passion pour la sobriété énergétique. Sa nouvelle vie de village a plongé Armelle dans l’écologie intégrale et le travail de Joseph, dans l’énergie-Biomasse, l'a poussé à aller encore plus loin! Puis Armelle a adoré pour la première fois de sa vie prendre soin de deux rangées de radis et Joseph s’est pris de passion pour la réparation de vélo dans notre 50 m². Armelle lui a lu avec emphase des témoignages de familles en mission rurale, Joseph lui a lu le Rapport du GIEC, elle lui a répondu « je vais à l’épicerie vrac », il a sourit, il a cité Jancovici et il s’est engagé chez les Shifters. Et ce n'est pas fini ! Avec une montagne de livres, d’articles, de vidéos, de conférences, Joseph a cherché à comprendre le monde et pourquoi il courait à sa perte, on a prié, on a rêvé d'un voyage à vélo. Et puis on nous a parlé d’un projet social-catho-écolo-rural et là, nous nous sommes rendu compte que nous avions des étoiles dans les yeux… tiens donc…

Du coup, Armelle a eu envie de plus de deux rangées de radis dans sa jardinière, une nuit Joseph a rêvé d’un grand atelier pour bricoler en paix, Armelle s’est imaginée dans un lumineux atelier de peinture dans la nature, et on nous a parlé d’éco-hameaux, on nous a parlé de vie en communauté, on nous a parlé d'entrepreneurs audacieux, on nous a parlé de… Bref on a eu envie d’aller voir sur place, on a eu envie d’aller voir de l’autre côté de la colline et Joseph a démissionné de son boulot.

Nous n’avons pas encore la chance d’avoir d’enfants, pas d’attache : c’est le moment ou jamais pour nous de faire un pas de côté! Et on partirait bien à vélo quelques mois, élargir notre horizon, vivre une expérience fondatrice en couple pour faire mûrir au gré des rencontres notre projet de vie.

"Ma chérie ! Viens voir j'ai trouvé un super tandem sur internet !"

Suite au prochain épisode !

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Le déménagement est prévu mi mars, les cartons se remplissent, un virus ravage la Chine.

Le préavis est posé, le vélo est acheté, l'itinéraire est fixé, le virus a atteint l'Italie.

Les adieux sont terminés, les cartons sont fermés, la maison est nettoyée, le virus a passé la frontière.

Annonce de Macron, déménagement demain, confinement après demain, ça va passer ma chérie !

Matin du déménagement, le loueur annule la location du camion, ça ne passe pas mon chéri.

Alors on rachète des vivres pour un mois, on ré-ouvre les cartons, le bail est rallongé et on annonce aux voisins que finalement… on reste ! Premier rebondissement d’une longue série !

Nous partions la fleur au fusil, forts des promesses de notre aventure, les voisins applaudissaient notre jeunesse audacieuse, les amis enviaient notre liberté et... ! Et nous voilà coupés en plein élan par le confinement...

L'incertitude vis à vis de la faisabilité de notre tour de France pointa son nez : est-ce que Joseph ne doit-il pas directement passer à l'étape recherche de boulot ? Alors tous les deux on ré-affirme l'objectif de ce périple : notre besoin de nous ouvrir de nouvelles portes avant de nous engager sur un chemin. Alors on continue !!

L'incertitude vis à vis de la responsabilité de notre situation nous titilla quelque fois : pas de patrimoine, pas de meubles, pas de voiture, plus de domicile, plus de travail, notre vie dans 20 cartons et nous sur un vélo. Est ce qu'on ne fait pas n'importe quoi ? Mais non, c'est ce que l'on veut pour rester libres de répondre à un appel du cœur pendant le périple, alors on continue !!

Et deux mois plus tard... Mon chéri ça y est j'ai re-loué le camion de déménagement ! ... Oui il y a toujours la limite des 100km et alors? (Toulon- l'Ile Bouchard - 886km)

Suite au prochain épisode !


Nous vous avions annoncé la trouvaille d'un super tandem : le carrosse de madame est avancé !

Merveille achetée chez Locapino près de Nantes. Igor s'est reconverti et est à plein temps pour vivre sa passion : location pour un weekend dans les châteaux de la Loire ou achat pour un tour de l’Amérique du Sud, il accompagne ses clients jusqu'au bout et s'occupe de tout. On vous le recommande les yeux fermés !

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Clac ! … Clac! Après le déménagement, premiers coups de pédale pour une boucle d'échauffement de 15 jours début juin!

« Joseph t’as oublié de rétrograder ! Ma chérie tu peux pédaler s’il te plaît ? Et là Armelle je vais où ? La prochaine à droite. L’autre droite mon amour !! Ah pardon c’était la suivante. Olalala c’est beau, on s’arrête ? Mais on vient de partir ma chérie ! Ça y est je suis trempée. C’est mort on ne fait pas demi-tour !! Olalala c’est beau, dommage qu’on passe aussi vite ! Zut j’ai oublié les fruits secs dans la sacoche…. oui celle tout en dessous. Olala c’est trop beau par ici ! Oh purée ce vent de face !!! T’avais vu le panneau « route inondée » toi ? Pause pipi ! Oups, mais je croyais qu’on était seuls sur ce chemin !!! Vas-y c’est tout droit. Ah non on arrive chez des gens. Joseph il y a un chien !!! Olalala c’est beau ! Bonsoir, on est un jeune couple et on cherche un endroit pour planter notre tente ! Ah ça c’est une vraie journée vélo où on est morts le soir ! Mon chéri on ne se refait plus JAMAIS ce genre de journée !!! »


Voici le premier tour d’essai effectué : le matériel est testé, approuvé ou renouvelé, les parents sont salués, les mollets sont musclés, les rôles sont dispatchés et le tandem « couché » s’est laissé apprivoiser. Ces 600 premiers kilomètres à travers nos chères régions natives des Deux Sèvres, de la Touraine et de l’Anjou ont formé une succession de petits sauts de puces où nous allions de déjeuners en goûters et de dîners en lits douillets. Et quel accueil ! Nous souhaitions grandir sur ce point là et nous voilà servis ! La tournée des amis et de la famille apporta son lot de réjouissances culinaires arrosés de vins locaux, mais aussi son lot de re-découvertes de choix de vie, d’itinéraires particuliers, de discernements quant à des changements de cap en famille.

Des missions d’évangélisation en milieu rural aux déménagements au fin fond de la Bretagne, des reconversions professionnelles osées à l'ouverture d'un lieux de vie inter-générationnel, nos proches nous ont surpris et on vous détaille ces merveilleux profils variés la prochaine fois ! Il y a autant d’itinéraires que de personnes et nous retrouvons dans toutes ces rencontres l’envie d’oser tracer notre propre sillon.

C'est très beau tout ça, mais ... nous vous avions aussi annoncé quelques rebondissements post confinement ! Le dernier jour de vélo, pour arriver à l'écurie au plus tôt, nous avons doublé les kilomètres (avec les deux tiers en vent de face, les cyclistes compatiront..) et la cuisse d'Armelle n'a pas apprécié.

Bonjour docteur... oui un tour de France oui... et d'après vous ça met combien de temps à se réparer une petite déchirure musculaire ? ... Ah oui quand même !

Suspens et suite au prochain épisode !

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Publié le 15 août 2020

Notre convalescence de 15 jours à l’Ile Bouchard fut aussi frustrante que bénie ! Après cette première boucle de deux semaines d'aventure, nous nous apprêtions à transformer l’essai, à partir pour de bon sur la route pour quatre mois en totale autonomie et ! … et nous voici ENCORE une fois coupés en plein élan ! Le jeune couple libre et indépendant : le voilà confiné chez ses parents :)

On essayait de digérer la nouvelle, Armelle se concentrait pour guérir sa jambe et Joseph bouillonnait sur place. « On r’partira à vélo dans deux jours » qu’il disait! Et sa frustration grandissait… grandissait… Pour noyer son chagrin il se lança à corps perdu dans des réparations de vélo, et dans le rangement du garage, et ! … et se bloqua le dos !

Un malaise, deux malaises, une virée aux urgences et sa ptite femme qui prit soin de lui pendant 2 jours et 2 nuits ! C’était sûrement le meilleur remède pour se remettre en phase l'un avec l’autre. Plus unis qu’avant peut-être, mais si vous aviez vu le tableau ! Sur leur petit banc de messe, deux papi-mamie se mouvant lentement, très lentement, ne pouvant se baisser et ne pouvant se retourner. Belle-maman veillait sur eux ; on touchait le fond je vous dis ! Joseph, gendre obéissant, dû porter jour et nuit une peau de blaireau sur le dos, remède d’une voisine, merci Géraldine. En plus d’horrifier Armelle, ce blaireau poussa surtout le comique de situation à son paroxysme et nous pûmes enfin rire de notre malheur. Pas de jambe, pas de vélo. Pas de vélo, pas de tour de France. Pas de tour de France, … pas de tour de France ????? Nous avons quitté boulot et logement en fonction de ce tour de France, et tout tomberait à l’eau ? Nous sommes paumés. Qu’est ce qu’on fait maintenant ?

Peut-être changer notre fusil d’épaule et passer de l’action "la-tête-dans-le-guidon", à l’écoute dans l’Adoration* ? Alors nous sommes allés demander de l’aide au Seigneur et dans nos cœurs il nous a dit « confiance, confiance mes amis, continuez à venir passer du temps avec moi ! ». Ce n’est à première vue pas la réponse la plus efficace mais on a arrêté de nous précipiter, on a décidé de Lui faire confiance, on a re-choisis les trois étapes clés de notre tour et tant pis si c’est en avion qu’on doit y aller ! (« C’est une blague Joseph »). Et avec tous ces temps de prière, qui ont aussi reconsolidé notre couple, la suite du périple a commencé à se dessiner doucement, sereinement, différemment. En touchant nos limites, le Christ est venu nous montrer que quand nous sommes faibles, sans ressources et que tous nos plans tombent à l’eau, Lui peut TOUT pour nous (à condition qu’on s’en remette à Lui !).

L’horizon bouché ne nous paralysait plus et à défaut de pouvoir voir au loin, nous nous sommes ouverts aux rencontres dans notre kilomètre carré. Dont quatre premières visites inspirantes qui nous ont permis de rentrer plus en profondeur dans notre quête :

Jean-Régis et Géraldine, conseillère en alimentation et remèdes naturels*, ont quitté Paris avec leurs 4 enfants pour s’installer à l’île Bouchard*. Débordants de dynamisme et d’enthousiasme communicatif, ils ont à cœur la question éducative et souhaiteraient monter une école Laudato Si*. Entre les projets de théâtre et de permaculture, la joie de toute cette famille donne un souffle de jeunesse et d’espérance au village et à la paroisse! La liberté de ce couple face à un itinéraire tout tracé nous a fortement marqué.

François, charpentier de métier, et Sophie de formation Agri, sont paysans boulanger*. Du blé au pain, de la charpente au moulin, leurs quatre enfants, éveillés à tout, ont plus de connaissances en ferme que nous deux réunis. Au cours du goûter à l’ombre d’un grand if, François nous partage ses réflexions sur la valeur du travail. Le travail est fait pour quelque chose de plus grand que notre seul épanouissement personnel : à travers la sueur et le labeur c’est un don de soi pour les autres. Il pointe du doigt les dérives du salariat qui dépossède l’homme de son travail. Lui est heureux d’avoir la main sur tout ce qu’il fait dans sa journée, sur son planning, sur ses outils, sur ce qu’il produit et ce qu’il vend. Comme l’oncle de Joseph, un éleveur que nous sommes allés visiter lors de la première boucle à vélo, ce couple fait le choix d’établir la quantité de travail et de limiter la taille de l’exploitation en fonction de la force de leur bras. Ils ne veulent pas céder au « toujours plus ». Ils cherchent par ailleurs à ce que leur ferme ne soit pas une "exploitation" ni de la création ni des hommes. "Nous demandons l'aide du Seigneur pour cela. Car, comme nous sommes pêcheurs nous tombons. Et dans notre chute cela nous arrive d'exploiter" nous confient-ils. « Tout vient de Dieu » : leur vraie force vient du fait qu’ils reçoivent tout de Dieu et du fait qu’ils reconnaissent que sans l’autre époux, ils ne pourraient pas accomplir ce qu’ils font au quotidien. C’était un témoignage bon à entendre :)

Julien, ancien directeur d’une association dans le secteur social et Mireya, professeur d’espagnol, ont de leur côté fait le pari, avec leur trois enfants, de quitter leurs deux boulots et une confortable vie sociale à Bordeaux. Tout cela pour s’installer au départ comme bénévoles au service d’un projet d’écologie intégrale* que lance la Communauté de l’Emmanuel* à l’île Bouchard. Leur conversion spirituelle et le douloureux constat de l’impasse écologique dans laquelle se trouve nos sociétés les ont poussés à chercher une sobriété de vie, qui passe par la réduction des revenus et des besoins. Cette expérience de pauvreté volontaire fût intensément riche pour leur famille en les poussant à être plus unis et créatifs. Leur audace pour vivre en cohérence avec leurs idées nous a marqué.

Pierre, Mathilde et leurs deux petits, ont trouvé une cohérence de vie en quittant les bureaux pour aller bourlinguer à l’autre bout du monde avant de revenir près de l’île Bouchard lancer leur propre maraîchage. Engagés à fond dans la paroisse après un itinéraire de vie un peu chaotique, ils semblent n’avoir peur de rien. On découvre avec eux une autre vision de la vie qui ne cherche pas à tout prix à « sécuriser l’avenir » mais à faire passer l’unité de vie en premier. Il n’y a pas dans leur mode de vie de segmentation du quotidien. Du potager à la table à langer, le travail est intégré à la vie familiale.


Le périple s'annonce enrichissant ! et déstabilisant 😀

« Allo Joseph ? Bonjour Papa, comment vas-tu ? Dis-moi, est ce que par hasard le Volkswagen serait-il disponible pour les quinze prochains jours ? »

On vous dévoile notre nouveau vélo à quatre roues au prochain épisode !

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Publié le 24 octobre 2020

Fin juin : nouveau tandem nouvelle routine ! Dépendre d'une voiture_ que nous n'avons pas_ organise tout naturellement les prochains mois sous forme de boucles régionales. Nous partions à vélo sans trop nous soucier de préparer les étapes, grisés par la liberté de la route. Et nous découvrons maintenant que ces nouvelles contraintes liées à la location ou à l'emprunt de voitures ont pour avantage de structurer efficacement notre itinéraire. Les parents de Joseph nous prêtent leur van pour quinze jours. Assez pour sillonner le sud-ouest à la découverte de familles, de projets et de belles régions méconnues !


Etape 1 : Le projet « Semer l’Espérance » – le Hameau de Ségus à 4km de Lourdes

Hier, un camp de vacances d’une communauté religieuse pour 300 jeunes ; aujourd’hui, une immense propriété à l’abandon ; demain, un lieu de vie intergénérationnel et deux hectares de maraîchage en permaculture. Voilà l’inspirant projet d’écologie intégrale que nous voulions découvrir près de Lourdes. La propriété devrait être achetée par un fond de dotation qui aujourd’hui propose à des porteurs de projets de s’installer dans les différentes maisons existantes du lieu. Deux jeunes frères maraîchers, conquis par la dynamique chrétienne et sociale du projet, sont en train de travailler un plan de mise en permaculture des prairies pour y installer une activité agricole diversifiée. Un deuxième projet est à l’étude : une jeune famille souhaiterait créer une petite unité de vie qui accueillerait plusieurs personnes âgées touchées par la solitude ou la pauvreté. Une autre maison sera dédiée à l’accueil de séjours de rupture ou de séjours de vacances pour les jeunes de la maison Dominique Savio (lieu de vie pour adolescents confiés par l’Aide Sociale à l’Enfance dans les Deux-Sèvres). La propriété serait parfaite pour accueillir des projets de foyers pour personnes handicapées ou foyer d’accueil et de vie pour jeunes adolescents confiés par l’ASE. Si vous connaissez quelqu’un qui connaît quelqu’un qui recherche un lieu magnifique dans les Pyrénées à 4km de Lourdes pour lancer un projet d’accueil de personnes fragiles, voici qui contacter ! Et si vous connaissez quelqu’un qui recherche un projet ambitieux d’écologie intégrale à soutenir financièrement, dites-lui de ne plus chercher !


Etape 2 : Au départ de Lourdes, un oncle éclairé nous conseille de faire étape dans un Monastère à Saint Pé-de-Bigorre chez les Petites Sœurs de Bethléem.

Le van est garé, la nuit tombe, la pluie mouille, la porte du monastère est fermée et nous partons explorer à la lampe frontale les environs. Un chemin de sous-bois plongé dans le noir nous emmène devant une petite porte qui se fait discrète. Le froid ? La curiosité ? Nous l’ouvrons. Et en un pas voici que nous quittons la froide obscurité de la forêt pour nous laisser envelopper dans la chaleur réconfortante d’une chapelle aux lumières tamisées. Nous nous laissons couler dans la douceur des arrondies et dans la lumière des enduits, dans le silence du mystère et dans l’encens d’antan. Chaque petit détail, forme, lumière, sont ici pensés pour faire plonger l’homme dans le silence de l’intériorité. Et au cœur de cette Beauté et de cette Paix qui nous envahit, Jésus, humblement exposé sur l’autel, nous attendait.


Etape 3 : Après cette escale apaisante, nous faisons étape à Pau pour déjeuner avec un oncle et arrivons le soir même à Oloron-Sainte-Marie chez Guillaume et Clothilde.

Après avoir quitté la banque pour se reconvertir comme couvreur, ils ont décidé de quitter Paris avec leurs deux jeunes enfants pour voyager en famille à l'étranger avant de s'installer dans cette jolie petite ville du sud-ouest à deux heures de leurs deux familles. Après avoir quitté un gros poste de logistique dans l'agroalimentaire, Clothilde se pose aussi la question de la reconversion pour être en cohérence avec le rythme familial qu'ils désirent. Aujourd’hui ils sont en train d’acheter un grand corps de ferme à rénover dans la campagne d’Oloron. Nous avons été marqués par leur sobriété de consommation, par le fait qu’ils choisissent de baisser leurs revenus, par leur capacité de changement de vie et de métier et enfin, par leur grande liberté pour tracer le chemin qui leur ressemble. Ce qui les motive à se détacher d’une voie toute tracée c’est la question du sens et de la justice dans leurs boulots respectifs ainsi que la recherche d’une qualité de vie et d’un équilibre familial qui leur paraît primordial. Cet équilibre passe pour eux par passer du temps avec leurs enfants pour bricoler, cultiver, travailler de ses mains et prendre le temps au grand air… Et qui sait, de repartir en famille dans un van à l’aventure :)


Etape 4 : Pistonnés par une chère amie, nous débarquons le lendemain midi à l’Abbaye de Maylis pour rencontrer le Père Cyril.

A la lecture de l’encyclique Laudato Si en 2015, cette abbaye bénédictine a décidé de valoriser ses terres avec des projets agro-écologiques. Chèvres, moutons, cultures de sarrazin et abeilles ont fait leur apparition en plus du potager, du verger et de leur légendaire culture de la « tisane de Maylis ». Pour notre plus grand bonheur, le Père Cyril, l’archétype du moine plein de bonhommie et très cultivé, a passé son après-midi à nous partager ses dernières découvertes et ses trésors d’agriculture. Emerveillés devant le mystère du comportement des abeilles nous en avons profité pour déguster sa quinzaine de miels différents. Si vous y passez, notre coup de cœur est pour le miel de Bourdaine ! La découverte du monde de l’agriculture à travers les yeux du Père Cyril a aussi sa part dramatique : un monde agricole de plus en plus pauvre, des revenus de misère à l’hectare, des agriculteurs prisonniers d’un système d’investissements et de mécanisation obligatoires… Au cours de notre voyage nous rencontrons dans chaque région des problématiques agricoles très différentes.


Etape 5 : Le lendemain, nous découvrons le Lot-et-Garonne ainsi que la grande maison en cours de rénovation de Solène et Vianney.

Ce couple qui a quitté Nantes pour Agen pour ensuite s'installer dans la campagne de Nerac est dans une recherche de qualité de vie au vert afin d'offrir du « bon » à leurs deux jeunes enfants. Au milieu de leur verger, de leur potager, de leurs poules et de leurs chèvres, ils sont comblés par la découverte de la vie rurale, par la solidarité entre voisins et par les amitiés intergénérationnelles qui se créent. Vianney est juriste à Agen et Solène, future institutrice, est en reconversion après une école de commerce. Ils nous ont partagé leur questionnement sur la réduction des revenus dans le couple, des conséquences heureuses et des peurs que cela peut engendrer. Nous avons été marqués par la beauté de ce qu’ils avaient déjà réussi à aménager dans leur maison et leur grand jardin. Ils nous ont fait découvrir l’excellente terre de la région qui s’est du coup spécialisée dans la semence. Nous découvrons peu à peu quelques facettes inconnues du monde de l’agriculture. Notamment les procédés d’enrobage préventifs et systématiques des semences utilisées dans l’agriculture. Ces traitements chimiques aux couleurs acidulées visent à lutter contre les maladies et les agressions, non sans dommage sur la santé du vivant.

Etape 6 : Après avoir inauguré la toute nouvelle chambre d’amis de Vianney et Solène, nous avons rejoint la très belle propriété des parents de Diane, une amie d’école.

Ils ont, depuis des années et pendant tout leur temps libre, rénové cette maison en ruine. Nous étions émerveillés devant le fruit de tout ce travail de patience, de chinage, et de fait-main. De la pigmentation des enduits aux boiseries, des fresques aux placards encastrés, tout est fait par eux, et la majorité des matériaux utilisés est chinée. Les volumes de la maison, les allées boisées, l’emplacement de chaque arbre ont été pensés et la recherche du Beau dans les moindres détails réjouit profondément l’œil qui aime à contempler !


Etape 7 : Après cette belle découverte du Gers, nous rejoignons Paul et Manon dans le bordelais.

Ce couple a décidé de quitter Bordeaux pour la banlieue puis pour la campagne à Saint-Selve. Ils sont en recherche d’un bon cadre de vie notamment pour que leurs trois jeunes enfants apprennent à se débrouiller dans la nature. C’est important pour cette famille de retrouver le temps de bricoler, de cuisiner, de passer du temps avec les enfants pour leur transmettre le goût de la musique, du sport, de la connaissance des animaux de la forêt voisine, etc. Manon est entrain de monter un cabinet d’ergothérapie en libéral dans le village voisin et les enfants viennent d’être scolarisés à l’Ecole des Bois. Au programme cours académiques le matin et ateliers pédagogiques l’après midi (arts, menuiserie, sport, cuisine, philosophie, langues vivante, escrime, soins aux animaux etc.). Nous avons été très marqués par leur accueil souple et attentif, où bien recevoir et bien nourrir ses invités avec les produits du coin est religion :)


Etape 8 : Après deux jours dans les vignobles bordelais, nous rejoignons la Charente Limousine découvrir « Les Jardins de la Roussie ».

Jean-Emmanuel et Claire Poumailloux, maraîchers bio, ont lancé cette micro-ferme en permaculture dès leur mariage, il y a six ans. A leur table, avec les woofers de la semaine, ils nous parlent de leur aventure familiale. A commencer par la belle rencontre entre Claire, professeur d’histoire à Paris, et Jean-Emmanuel, passé par la maintenance industrielle, la rénovation de bâtiment, des années de séminaire et de théologie, puis missionnaire au Brésil, rédacteur, charpentier et enfin maraîcher. Les discussions sont riches de leurs histoires passées et de leurs personnalités, de la foi qui transcende leur projet de vie et de leur expérience concrète depuis 6 ans, pleine de galères et de joie profonde.

Ils nous partagent aussi leurs réflexions sur la place du travail dans la vie, le travail de la terre, le fait d’ancrer son travail dans un territoire, comment ne pas exploiter la terre et être dans une attitude juste vis-à-vis de la création et des biens qu'elle donne. Nous notons précieusement leur volonté d'œuvrer à la Création en mettant à son service l'intelligence de l'homme pour la rendre encore plus belle et fertile.

Après s’être ennuyé dans un emploi de bureau et s’être cassé le dos en tant que charpentier, Jean-Emmanuel est persuadé que l’homme est fait pour avoir une activité diversifiée dans laquelle il peut trouver sa joie. Dans leur quotidien aussi intense que varié, il n’y a pas de segmentation. Ils rénovent leur maison pierre par pierre, gèrent les enduits, cultivent leurs légumes, veillent sur leur tout jeune verger, lisent des histoires à leurs trois jeunes garçons, récoltent les blettes, cuisinent des broyés du Poitou pour le goûter des petits et des travailleurs, creusent des marres, travaillent leur topo pour les journées paysannes, amènent les garçons à l’école, accueillent des woofers, transforment leurs produits en bocaux, livrent les tomates fraiches aux restaurateurs des environs, vendent leurs conserves au gîte de la voisine et avec tout ça, ils prennent le temps d’inviter à dîner ce jeune couple curieux qui fait un "pseudo tour de France" en pseudo vélo :)

Dans chacun de ces domaines nous sommes marqués par leur liberté d’oser. Ils tentent, échouent, réessayent, développent leur côté intuitif et sont heureux du résultat tout en essayant de l’améliorer saisons après saisons.

A tous les jeunes qui veulent monter leur activité maraîchère, ils n’hésitent pas à leur faire prendre conscience qu'il est compliqué de s’y retrouver financièrement.

De l'expérience de Jean-Emmanuel dans les favelas du Brésil à la condition des maraîchers d’aujourd’hui, l’injustice sociale les touche profondément. En choisissant de descendre d’un échelon social, ils assument le fait de ne pas mettre prioritairement de l’argent de côté pour permettre à leurs enfants d’intégrer de grandes écoles. En effet, leur niveau de vie et leur mode de vie familial leur permet de mettre en priorité ce qui leur paraît fondamental pour l’avenir : la transmission entre les parents et leurs enfants de la vision et du sens de la vie, de la valeur du travail et de la terre, d’un savoir-faire et d’un quotidien unifié.

Ce qui anime profondément Claire et Jean-Emmanuel c’est l’ancrage dans ce territoire qui leur est donné. Faire avec la qualité de la terre, s'intéresser aux coutumes des gens de ce pays, les fêtes, les rituels, les rythmes de travail, les recettes qui varient la cuisine des légumes qui poussent plus volontiers dans la région etc. Il ne s’agit pas de vivre comme avant, mais de s’approprier la culture de la région, c’est-à-dire l’ensemble des manières de vivre mises en place par l’homme pour s’adapter à son environnement particulier.

En s’ancrant sur ce territoire, ils sont du coup marqués par les dégâts du changement climatique qui, déjà, modifie en profondeur les paysages. Notamment les chênes qui dépérissent les uns après les autres à cause de la sécheresse alors qu’ils sont l’emblème de cette région.

Cette dernière étape qui clôture notre boucle du Sud Ouest, nous laisse repartir avec plein de réflexions en tête qui font écho à toutes les rencontres qui ont précédé. Après avoir laissé aux Poumailloux le dernier livre d’Arthur et Blandine de Lassus (qui éclairera tous ceux qui se posent des questions sur l’état du monde et sur notre mise en mouvement personnelle :)) nous faisons étape chez des amis à Poitiers avant de rendre avec regret ce cher Van Volkswagen aux parents de Joseph. Retour à Bressuire-city !

"Si on va au mariage de bidule ici et qu'on loue une voiture à partir d'ici, on peut passer chez les machin qui habitent là, donc peut s'inscrire une semaine dans cet éco-lieu après avoir téléphoné à truc pour demander si on peut visiter son projet le matin, comme ça pour le déjeuner on rencontre les bidules et le soir on fait étape chez ce couple, ça nous permettra de rencontrer les machins qui vivent par là et de découvrir cet artisan et comme ça, deux jours après on peut être chez les trucs.

4ème boucle programmée, il n'y a plus qu'a trouver une voiture mon amour !"

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Publié le 18 décembre 2020

Chers lecteurs, les articles qui vont suivre vont être beaucoup plus succincts du fait de la prochaine fermeture du site internet qui héberge notre blog de voyage. Nous avons donc jusqu’aux vacances pour vous conter la suite du périple, ensuite, nous pourrons partager à ceux qui le souhaitent la version pdf !


Mais revenons à nos moutons…

Mi juillet, après quelques jours de pause chez les parents de Joseph pour préparer la suite du voyage, nous atterrissons pour trois jours près de Niort afin de participer à une retraite spirituelle avec la Communauté de l’Emmanuel. Les rassemblements habituels de milliers de personnes à Paray-Le-Monial étant impossibles, ce sont des petites sessions régionales qui ont vu le jour et qui nous ont permis de découvrir de nouvelles personnes très inspirantes pour notre périple. Sans doute que le thème de la retraite, « construire le monde de demain à l’école de Laudato Si », a facilité les échanges en profondeur sur ce qui nous animait pendant ce voyage !

Nous avons été invités à donner un témoignage de couple sur les thèmes de « ralentir » et de « sobriété ». Ce travail nous a permis de plonger plus en profondeur sur ce que l'on désirait vivre et sur l'engagement que cela représentait dans nos vies.


1. L’ARCHE DU GUENVEZ

Les batteries du cœur sont rechargées et la voiture de location est trouvée. Nous nous élançons donc au fin fond de la Bretagne près de Quimper pour vivre 8 jours de chantier participatif au sein de la ferme du Guenvez.

Dans les années d’entre-deux-guerres, Lanza del Vasto, un artiste et philosophe italien récemment converti au christianisme, part en Inde rejoindre Gandhi. Non pour fuir l'Occident ou dépasser sa foi chrétienne mais pour entendre l'écho contemporain du Sermon sur la Montagne. Il y découvre la révolution de la non-violence. Gandhi l’invite ensuite à retourner en occident créer des « arches » de paix. A la fin de la seconde guerre mondiale, ce projet d'une vie communautaire devient, dans le désastre d'une société faite de violences, comme l'Arche de Noé dans le Déluge. Dans ces arches, des personnes apprendraient à développer leur vie intérieure et à vivre ensemble afin de mettre en pratique la non-violence dans tous les pans de leur vie et d’en rayonner autour d’eux. Les Communautés de Lanza del Vasto fleurissent dans les années 60 et comptent parfois jusqu’à 200 compagnons par arches. Il y a une dizaine d’années, trois familles qui vivaient au sein d’une de ces arches ont décidé d'en fonder une nouvelle qui renouerait avec les fondements d’origine. A savoir : le travail des mains pour vivre et l’enracinement chrétien comme base pour ensuite s’ouvrir aux autres religions. (Excusez le résumé très sommaire alors que cette histoire est infiniment plus riche..)

Aujourd’hui, ces trois familles ont été rejointes par un célibataire et trois autres jeunes familles qui sont en cours de discernement. Tous les compagnons ont un statut d’agriculteurs et vivent grâce aux revenus de leur maraîchage, de leurs cultures, de leur pain et de leurs œufs.

  1. Nous avons été marqués en plein cœur par la découverte de la non-violence. Ne pas répondre au mal par le mal. Nous l’avons reçu comme une réponse concrète et tellement actuelle. Un entraînement à mettre en œuvre dans notre vie, à nous qui cherchons à imiter le Christ.
  2. Nous avons été aussi bousculés par la découverte de leur quotidien relié à la réalité concrète : me nourrir, me loger, m’habiller. Ces hommes et ces femmes font (presque) tout à la main selon le principe de subsidiarité : ils font ce dont ils sont capables, et, ce qui est au-delà de leurs moyens, ils le font faire au plus local. Ils savent travailler la terre, le bois, le métal, la pierre, le cuir, la laine, etc, et recherchent partout la Beauté, celle qui adoucie l’ascèse de la Sobriété. Ils construisent pour que ça dure.

Joseph s’est rendu compte combien il avait soif de travailler de ses mains et Armelle a réalisé que sa sensibilité artistique à la recherche du Beau n’était pas superflue mais vitale pour vivre la Sobriété.

Participer avec une quinzaine de personne à leur chantier de construction de logements a été le meilleur moyen de rencontrer une belle diversité de personnes très engagées « écologiquement ». Écologiquement entre guillemets car c’est un mot incongru à l’Arche de Guenvez. Nous avons ouvert grand nos cœurs et nos oreilles et voici quelques enseignements avec lesquels nous repartons de l’Arche de Guenvez : simplifier sa vie, apprendre à vivre le moment présent, rechercher le Beau et le savoir-faire manuel, combattre le mal par le bien, choisir avec liberté et audace de suivre la voie du cœur plutôt que la voie du monde.


2. CONSTRUCTIONS BOIS

Après 8 jours sous la tente et sous la pluie, nous avons grand besoin de confort ! Nous dénichons alors sur airnbn une ravissante petite cabane sans eau ni électricité entièrement faite à la main. Joseph qui a travaillé le bois toute la semaine est trop heureux d’échanger avec le propriétaire sur sa gestion de la forêt, la coupe des arbres, la fabrication des planches, le choix des espèces et leurs usages, mais aussi sur l’exploitation des forêts qui devient de plus en plus intensive. Cet homme qui a fait toute sa carrière dans le bois a réalisé son rêve et s’est construit un chalet. Aujourd’hui désabusé, il contemple combien les plantations, les traitements, les coupes, le séchage, tout cela industrialisé à outrance, ne fait plus du bois un matériau de confiance et son chalet, après seulement 2 ans, vieillit très mal. Ce couple a à cœur de protéger la vie de leur domaine forestier et nous racontent l'histoire et la raison qui se cache derrière chaque fossé, buttes ou haies conçues par l'homme. Il nous détaille la richesse de ces techniques qui, chez eux, grâce à la force de caractère de l'ancien propriétaire, ont eu la chance de survivre au plans de remembrements.


3. FAB LAB A CONCARNEAU

Nous avions à cœur de profiter de ce tour de Bretagne pour rencontrer le Low-Tech Lab à Concarneau. Au Low-tech Lab, ils emploient le terme « Low-tech » pour qualifier des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : utile, accessible, durable. Le Low-tech Lab s’est donné pour mission de dénicher, tester et partager ces solutions avec le plus grand nombre pour contribuer à l’émergence de modes de vie, de production ou de consommation plus sobres, plus respectueux et plus résilients, in fine à l’avènement d’une société plus soutenable et surtout, plus désirable !

Programme enthousiasmant. Malheureusement ils sont en vacances et nous découvrons à la place le «Fab Lab » de Concarneau. Les Fab Lab sont des ateliers de fabrication numérique, ouverts à tous. Par la mise à disposition de multiples machines et outils, ils veulent favoriser l’acquisition et la transmission des savoirs-faire et permettre à chacun d’apprendre à créer, à produire sois-même et à partager ses compétences. Ce Fab Lab est volontairement implanté en cité pour mêler les publics et donner une chance à tous d’acquérir des compétences.


4. ARCHE DU CAILLOUX BLANC

Une nuit de plus dans notre cabane, une visite de plus de la belle ville close de Concarneau, une étape de plus dans ce riche coin de Bretagne ! Nous voici pour une journée d’immersion au sein d’une Arche de Jean Vanier. Cette communauté de L'Arche Le Caillou Blanc accueille chaque jour une quarantaine de personnes ayant un handicap mental. Les trois quart de ces personnes vivent avec des accompagnants dans les trois foyers de la communauté au sein du charmant petit village. A pied ou à vélo, les personnes de l’Arche rejoignent chaque jour l’atelier artistique ou l’ESAT composé d’un atelier de menuiserie et ébénisterie, d’un pôle cuisine pour la confection d’une soixantaine de repas par jour ainsi que d’un pôle jardin/ espace verts (entretien chez des particuliers, bûcheronnage et vente de bois de chauffage).

Nous rejoignons le matin l’équipe qui travaille en cuisine. Charlottes sur la tête, fous rire incessants et belles discussions avec ces personnes porteuses de trisomie 21 à l’humour ravageur. Nous assistons ensuite à leur réunion communautaire hebdomadaire où chacun arrive à prendre la parole et à s’exprimer en confiance. Nous rencontrons alors le couple qui porte cette Arche : le beau témoignage de vie de Nicolas et Charlotte qui se sont engagés ici depuis leur mariage. 17ans et 7 enfants plus tard, ils sont toujours aussi heureux d’être à leur place et absolument pas saturés par leur engagement.


5. LES LEGUMIERS DE ROSCOFF

Après un déjeuner avec les anciens collègues de Joseph sur un chantier en Bretagne et un goûter sur les plages de Roscoff avec Sœur Myriam, cette petite sœur de Saint-Jean et amie de la famille Billaud nous propose de nous loger chez un de ses amis paroissiens : Vincent. Du même âge que Joseph, Vincent a décidé d’habiter la maison de famille à Roscoff pour ré-apprendre à faire par lui-même et à simplifier sa vie au maximum. Du maraîchage, quelques poules, quelques chèvres, un verger, il arrive à approvisionner sa famille des alentours. Vincent tente, réussi, échoue, mais surtout, sans ordinateur ni internet, il explore la richesse d’un autre mode de vie ancré dans le réel du simple moment présent. Il gère le grand jardin transformé en véritable mini-ferme, il travaille comme jardinier quand ses finances le nécessitent, la mer à 2 pas il part naviguer un peu chaque jour et passe ses longues soirées d’hiver à apprendre le piano.

Nous découvrons la composition des paysages très spécifiques de ce pays du Léon. Sur la côte, la terre est particulièrement riche et le climat particulièrement doux. Depuis des siècles, les légumes de Roscoff sont donc connus pour être en avance sur la saison normale et tirent les prix vers le haut. Les habitants de Roscoff ont toujours tiré profit de cette richesse et il reste encore des centaines de parcelles de champs qui structurent la ville. Vision assez étrange que tous ces champs au cœur des rues d’habitations. Dès le Moyen-âge, ils ont délaissé les petites fermes personnelles qui nourrissent chaque famille, pour privilégier les monocultures (lin, blé, artichaut, etc). Ce ne sont donc pas des maraîchers mais bien des légumiers. Certains légumiers passés au Bio restent sur cette logique de cultures intensives qui s’étendent parfois sur une centaine d’hectares.


6. L'EXODE URBAIN DES JEUNES COUPLES

Après une vraie journée de pause méritée sur les belles plages paradisiaques de Bretagne, nous continuons notre route vers Saint Malo pour continuer notre chapelet de belles rencontres !

Nous sommes accueillis les bras ouverts par Bichka, une grand-mère de remplacement et amie de Toulon en vacances en Bretagne. Son fils, qui a roulé sa bosse, nous rappelle à point nommé de veiller à garder notre liberté par rapport au regard du monde, de veiller à être nous-mêmes pour ne pas nous laisser enfermer dans un stéréotype de vie qu’on attendrait de nous. Ça fait toujours du bien à entendre ! Nous partageons une très bonne discussion sur le thème de « sécuriser sa vie ».

Nous retrouvons ensuite ses petits enfants, Marin et Priscille, des amis qui ont décidé de quitter la région parisienne pour la campagne de Rennes avec leurs deux petits. Ils sont en recherche d’un mode de vie plus « Laudato Si » et explorent de nouveaux itinéraires moins pré-tracés qui conviennent mieux à leur famille.

Le lendemain, nous rejoignons Claire et Alexis, un autre couple d’amis que l’on savait déjà en quête d’une vie plus en cohérence avec Laudato Si mais qui nous ont bien surpris en nous partageant leurs idées de projet de vie ! Nous leur partageons nos dernières découvertes de maraîchers qui se sont lancés dans l’aventure et discutons NaproTechnologie avec Claire. C’est une aide médicale pour les couples en espérance d’enfant afin de favoriser une conception naturelle, avec un accompagnement personnalisé. Nous avons de notre côté commencé ce parcours médical et Claire, étant sage-femme, se pose la question de devenir un jour formatrice.


Le même jour, nous retrouvons Christine et Martin, un autre couple d’amis installé à Saint-Nazaire avec leurs trois enfants, que nous avions initialement prévu d’aller rencontrer sur notre itinéraire à vélo. Nous avons pu échanger sur les questions de sécurité financière et de choix d’un travail manuel peu rémunérateur. C’était très intéressant d’observer aussi les limites que peut rencontrer une famille dans ses désirs de simplicité de vie.


Nous quittons le thème de l’exode urbain un court instant pour rencontrer dès le lendemain un autre modèle de couple inspirant : Aude et Gabriel qui vivent dans une colloque de l’APA à Paris avec leurs 3 enfants. Ces colloques font cohabiter des personnes qui étaient à la rue, et des jeunes pro.

Dans la diversité de tous ces profils familiaux, nous contemplons le fait que chacun est vraiment appelé à trouver son chemin propre et à oser l’emprunter. L’engagement social, en plus de l’engagement professionnel et familial de ce couple, nous permet de nous réinterroger sur le type d’engagement qui nous attire en couple.

Accueillis généreusement à déjeuner dans la belle maison familiale de leurs parents, nous gravons dans le roc de nos mémoires combien l’homme peut être sensible et marqué par l’accueil et la Beauté d’un lieu et d’une famille. C’est vraiment précieux.


Le soir même nous sommes accueillis chez notre dernier « jeune-couple-de-Bretagne-en-exode-rural» ! Louis-Marie et Ombeline et leur petite fille ont aussi quitté Paris coûte que coûte pour tenter l’aventure dans la campagne de Rennes. Ils se sont installés au milieu des champs dans un petit hameau composé de 2 autres familles et font un véritable test pour voir si ce mode de vie leur convient. Louis-Marie nous partage son bonheur de redécouvrir la sérénité du salariat dans une PME après des années d’auto-entrepreneur dans la rénovation du bâtiment. Ombeline nous confie de son côté son désir de s’installer plus près d’un village ou dans une petite ville pour ne plus être obligée de prendre la voiture pour le moindre déplacement. La position assez isolée du hameau ne lui convient pas vraiment. Après une bonne discussion avec Louis-Marie sur sa vision de la responsabilité du père dont la première mission est de nourrir sa famille, nous nous quittons sur la récolte de leurs petites tomates-cerise irrésistibles et gorgées de vie !


7- PROJET D’ECO-HAMEAU EN VENDÉE

Après 2 semaines à parcourir la Bretagne, nous rallions la côte vendéenne pour retrouver deux familles d’amis qui travaillent ensemble sur un projet d’éco hameau.

Stan et Béa, (enceinte presque jusqu’au cou :) cherchent à ancrer leur famille dans un territoire pour y travailler, construire du lien social, être en mission pastorale et vivre en fraternité avec d’autres familles en recherche de simplicité de vie. Grande école de commerce puis consultant, Stan n’a pas tardé à se reconvertir en menuiserie. Il s’est formé à la technique et est aujourd’hui enseignant dans une MFR (Maisons Familiales Rurales qui dispensent des formations par alternance et par apprentissage de la 4ème à BAC+5). Il a l’objectif de monter un jour un atelier d’insertion par le travail du bois. Ils nous partagent leur fonctionnement par étape : s’ancrer quelque part, y trouver un travail et construire sans pression financière un projet de vie en fraternité avec deux autres familles. Pour ce projet, ils se rendent compte que les priorités des trois couples ne sont pas les mêmes et essaient de composer avec.

Nous retrouvons ensuite un de ces couples : Raphaël et Claire, (enceinte presque jusqu’au cou :) et leurs deux petites filles. Claire est journaliste et Raphaël a décidé d’arrêter son travail de commercial dans le but de faire par lui-même ce qu’il faisait faire grâce à l’argent qu’il gagnait. En plus de s’occuper de leurs enfants, il a rénové et agrandi leur maison et s’occupe de l’entretien de jardins de maisons secondaires. Il a pour projet de s’installer en maraîchage et élevage de poules et de chèvres.


8- UN AUTRE ECO-HAMEAU EN PROJET

Après 2 jours sur la côte, nous nous enfonçons un peu plus dans l’arrière pays pour retrouver Angélique et Étienne et leurs trois enfants. Ils nous accueillent chez leurs parents avec qui ils sont en « cohabitation volontaire ». Ce couple d’amis a pour objectif de vivre en collectif. Depuis quelques années ils se forment, rencontrent d’autres éco-lieux et construisent peu à peu leur propre projet. Ils ont notamment passé six mois dans une Arche de Lanza del Vasto en Isère, et étaient venus chez nous il y a deux ans pour nous raconter cette expérience marquante de vie en communauté. Ils recherchent aujourd’hui des familles qui ont une spiritualité chrétienne pour fonder un éco-hameau ensemble.


9- LA VIE DE VILLAGE !

Nous vous avions bien dit que la mini-session de la communauté de l’Emmanuel nous avait permis de rencontrer de nouvelles personnes pour notre périple ! Nous sommes donc accueillis dans le charmant petit village de Maillezais chez François-Xavier et Aude et leurs 5 enfants. François-Xavier a démissionné d’une belle carrière toute tracée à Paris et ils viennent de s’installer dans leur ex-maison de vacances en plein marais poitevin. Après Paris, Aude est séduite par cette vie de village qui est à la bonne échelle pour l’éducation de leurs enfants. École à 100 mètres, école de musique, bibliothèque, etc. Ils font tout à pied, ou en barque ! Nous avons découvert en pagayant dans les étroits canaux, ces enchanteresques marais qui longent les manoirs et forment la magnifique « Venise Verte ». Leur maison et son immense jardin sont un vrai paradis de verdure. Ils s’essayent au potager, au verger, aux cabanes, au compost, et au milieu, les enfants totalement autonomes qui s’occupent des heures entières rien qu’en jouant avec une corde à nœud suspendue à un arbre. François-Xavier qui aime aller à la rencontre des gens, commence à bien connaître tout l’écosystème de leur village et peut ainsi dénicher les voisins artisans pour rénover leur maison. Nous avons aussi voulu garder en mémoire leur accueil si simple, spontané et généreux.


10- L’ANCIENNE VIE A LA FERME

Sur le chemin du retour à Bressuire, nous faisons une dernière étape dans la ferme de Guy et Marie, des grands oncles et tante de Joseph. Le décor est le même qu’il y a 50 ans. Même le petit rituel du verre de vin pour le goûter est toujours au rendez-vous chez ces anciens fermiers. Ils sont tout émus de nous dépeindre leur vie d’avant. Guy nous raconte que la vie d’agriculteurs à l’époque était « possible et vivable » parce qu’ils se regroupaient. Chaque famille avait sa mini ferme pas loin des autres, pas loin du village. Ils mettaient en commun le matériel, les journées de moisson, etc. Marie estimait qu’ils avaient une véritable vie sociale, une vraie vie familiale et spirituelle, car tout était lié. Leur fils a aujourd’hui repris la ferme et ils le voient se tuer à la tâche et courir partout pour assumer toujours plus d’hectares sans avoir les moyens de se payer un ouvrier agricole. En repartant de chez eux en voiture, nous essayons de visualiser les distances qui permettaient à Marie de nous dire qu’ils n’avaient jamais besoin de voiture : « il y avait un magasin de vêtement dans le village d’à côté et la Grande Foire une fois par mois dans la petite ville de l’autre côté ».


Sur ces charmantes images d’Épinal, nous bouclons enfin cette quatrième boucle en arrivant à Bressuire après 17 jours de vadrouille et plus d’une soixantaine de personnes rencontrées en Bretagne et en Vendée !