Carnet de voyage

Etruscotour, un Grand Tour d'Etrurie

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J19
Dans la suite de l'Archéotour, découvrez l'archéologie et les merveilleux sites étrusques* en suivant le périple d'une jeune chercheuse en vadrouille ! *culture d'Italie préromaine
Août 2019
31 jours
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J19
J19
Publié le 4 novembre 2019

Aujourd’hui je continue ma descente vers le sud, j’ai rejoint Tatiana, doctorante slovaque en archéologie rencontrée cet été, elle m’héberge gracieusement chez elle et m’accompagnera dans mon périple de cette semaine. L’étruscologie est décidément une discipline internationale !

Nous décidons de commencer par Vetulonia. Pour y aller il faut traverser la plaine de Grosseto qui est en fait le fond d’un ancien lac, puis monter une petite route étroite entortillée jusqu’à son sommet où un petit village à retrouver son nom ancien : Vetulonia, ici s’élevait une antique cité étrusque. La mémoire de la localisation du site avait en effet été perdue. Grâce au travail d’un érudit du XIX ème s., Isodoro Falchi, Colonna di Buriano a retrouvé son nom en 1887.

On croise déjà des ruines sur le bord de la route, et les panonceaux « tombe etrusche » apparaissent. Il faut cependant ne pas se distraire et persévérer jusqu’au sommet où une large place devant le musée du même nom que notre savant permet d’admirer la vue. Derrière les lauriers roses en fleur et les jardins en terrasse, les collines moutonnantes de forêts descendent doucement vers la plaine littorale, un peu plus loin la mer bleuoit confondant son horizon avec le ciel.

Cité étrusque avec vue sur mer 

Mais cessons la propose et attaquons-nous aux Etrusques. Arrivées un peu trop tôt pour le musée, nous redescendons la route vers le quartier hellénistique qui le borde, les « Scavi della citttà » sur le Poggiarello Renzetti. Une voie faite de larges blocs arrondis, la via decumana, est bordée de murs en petites pierres sèches, on devine des pièces, des citernes sous les grilles, un ensemble de boutiques et entrepôts devaient bordée la voie à droite et à gauche plusieurs, puits, citerne et égouts formaient un quartier de gestion de l’eau. Plus bas, les plans se complexifient, et les maisons à une pièce cèdent le pas à de vastes domus, comme celle dite de Médée ; des terres cuites architecturales représentant le mythe de Médée y ont été retrouvées. Ou la domus des dolia (le dolium est un énorme vase de stockage). Des fouilles étendent la compréhension du plan de cette dernière d’année en année : espace de stockage, espace de vie, triclinium…

Scavi della città 

Retour au musée

Le musée est fascinant, comme souvent le monde funéraire prédomine, ce qui me va très bien puisque j’étudie les systèmes funéraires. Les types de Vetulonia sont assez différents de ce que j’ai pu voir en Etrurie interne ou méridionales : cercles d’incinération, cercle de pierre, « ripostigli degli stranieri » (dépôts des étrangers) … On suit l’évolution de la ville, des débuts villanoviens (IX ème s. BCE) à la conquête romaine entre expansion, et stagnation.


L’occupation commence au début de l’Age du Fer, on en connait surtout les nécropoles avec incinération en urnes biconiques ou urne cabane comme dans le sud. On y note aussi les dépôts d’étranger où dans un cercle de pierres avec une fosse centrale des objets uniquement importé ont été enterrés avec les dents du défunt. On sent à travers les tombes, un changement de société avec une différentiation sociale plus marquée (augmentation du nombre d’objet importée, tombes masculines à armes… La période suivante, l’Orientalisant, porte bien son nom car elle est marquée par des relations fortes avec l’Orient, les Etrusques en adoptent objets et idées. Les importations d’objets affluent de toute la méditerranée : Chypre, Egypte, Sardaigne, Grande Grèce, autres cités étrusques …

Après cette période prospère, la compétition avec la cité voisine de Roselle entraîne un déclin de Vetulonia. Le Vème siècle BCE est même pauvre en données. A l’Arx l’acropole, un dépôt de casques tous inscrit du même gentilice (Haspna) pourraient être le signe de l’apparition d’une nouvelle classe sociale ayant leur propre armée privée. De la période hellénistique, on connait le quartier d’habitation et de commerce vu plus tôt, mais aussi l’enceinte. En outre au III ème s. BCE, Vetulonia frappe des monnaies en bronze et en argent (VATL) signe de son indépendance alors même que Roselle est tombée sous la domination romaine en 294 BCE.

Balade au musée 
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Dans le cadre du PCR (programme commun de recherche) sur Alalia (Aléria – Corse), une jolie petite expo a été monté au musée. On y voit les interactions entre les phéniciens, les Etrusques et les Grecs en Sardaigne et en Corse. En 535 BCE eut lieu une bataille au large d’Alalia, comptoir étrusque en Corse, la victoire est dite étrusque mais les pertes sont lourdes. La muséographie nous replonge dans l’ambiance avec reconstitution de navires grecs, phéniciens, étrusques et le bruit des vagues et de l’activité des marins. Une exposition à Aléria devrait bientôt avoir lieu, l’occasion de découvrir les Etrusques en France !


A l'abordage ! 
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En allant voir le rempart (dont il ne reste que de petits morceaux par-ci, par-là), nous traversons les petites rues de Vetulonia, pavée avec des plantes en pot luxuriantes et des vieux divisant sur des chaises. Un bout du rempart un peu mieux conservé est indiqué de l’autre côté de la colline.

Rempart hellénistique de Vetulonia 

Puis direction les nécropoles !

Une petite strada bianca bordée de propriétés privées est censée mener aux tombes, les indications se font une peu rares et on craint de manquer une tombe. Le temps joue contre nous, nous n’en verrons que deux, le gardien après nous avoir sorties de la deuxième, a déjà fermé le tumulus Diavolino 2 … Une bonne occasion de revenir à Vetulonia !


Nous avons au moins pu voir la fameuse tombe tholos de la Pietreria.

Tombe della Pietreria 

Un grand dromos conduit à une chambre rectangulaire, un toit à pseudo-voûte est soutenue par un grand pilier en pierres sèches. Elle date du VII ème s. BCE. Elle est double : deux tombes à tholos sont superposées l’une sur l’autre ou plutôt la première s’étant écroulée, une deuxième fut construite au-dessus, un cas d’architecture assez unique. Elle était ornée de 8 statues dont la fameuse pleureuse visible à Florence. Elle est entourée d’un tumulus de 60m de diamètre autour desquelles des sépultures en fosse contenaient de riches dépositions. De là on voit la plaine du Grosseto avec la colline de Roselle, cité concurrente de Vetulonia, et la ville moderne de Grosseto. Avant il s’agissait d’une vaste lagune, les deux cités étrusques se faisaient donc ainsi face séparée par une vaste étendue d’eau.

vue sur Roselle et Grossetto 

De la Tombe du Belvedere, il ne reste que quelques murs nous donnant le plan : chambre centrales et trois petites cellae latérales.

Tomba del Belvedere 
J17àJ18
J17àJ18
Publié le 25 octobre 2019

Retour en Étrurie interne, l'Étrurie padane est bien loin. J'ai deux petits jours pour découvrir Volterra, cité étrusque, elle trône sur une hauteur surplombant les collines environnantes cultivées, érodées, qui prennent des formes abruptes et douces à la fois.

Sur la route vers Volterra 

Aujourd’hui la ville étrusque est enfouie sous les maisons médiévales et les palais. Au-delà des remparts, les petites rues (et le flux des touristes) me mènent à la place principale du Palais des Priori. Pas d’étrusques au programme aujourd’hui ou plutôt je manque l’ouverture du site... Je vadrouille donc dans la cité, à la découverte de son riche patrimoine.

Le Palais des Priori date du XIIIème, il ne faut pas se méprendre, les jolies peintures colorées qui l'ornent sont du XIXème siècle! On note tout de même au milieu une énième représentation de l’Annonciation du XIVème ).

Palais des Priori 

Son plus grand intérêt se trouve peut-être au sommet, dans la Torre Civica. Après une ascension sur un petit escalier, on se retrouve sous une lourde cloche de bronze (qui sonne toujours les heures et demi-heures, la montée est donc interdite à ces moments-ci). De là, la ville et ses toits orangés, les collines vertes et dorées s’offrent à notre vue. On peut même distinguer tout au fond la mer scintillante.

Avisant un office de tourisme en face, je vais y prendre quelques renseignements sur les nécropoles étrusques. Désespoir, plus aucune n’est visible au dire de la guide ! Il reste toujours l’acropole et ses temples étrusques ainsi que le théâtre et les thermes romains.

Et les remparts !

Volterra fut une cité fortifiée comme les autres cités étrusques, on en conserve que de rares traces. L’enceinte a la particularité d’être double, elle était d’abord sur le tracé actuel de la cité (au VI s. BCE) avant de s’étendre, signe de la prospérité de la cité à la période hellénistique. Dans le parcours de la muraille actuelle, il reste une porte étrusque célèbre pour les trois têtes sculptées qui l’ornaient, malheureusement en plus de 2000 ans, elles se sont totalement érodées et il est impossible de reconnaître les personnages.

Porte des trois têtes à Volterra 

Au cours du VIIème s. BCE, les divers sites villanoviens (âge du Fer) qui occupaient et entouraient la colline principale s’agglomèrent en une « ville » unique qui se concentre autour du sommet, le cœur de la cité, l’acropole. Il n’en reste que quelques murs de temple, le haut de la colline ayant été détruit pour faire place au XV ème s. à la grande forteresse. En outre, comme beaucoup de constructions étrusques, l’élévation des temples devait être en matériaux périssables : bois et argiles crues

Acropole 

La ville se "romanise" à partir du IIIème, mais lors de la guerre sociale (90-88 BCE), comme beaucoup de cités d’Etrurie, Volterra prend le parti des alliés et vaincue, subit de graves dommages, la ville n’est reconstruite qu’ à partir de l’époque augustéenne (dernier quart Ier s. BCE). De cette époque on peut admirer le théâtre romain. Il a été construit en contrebas de la cité, les gradins appuyés sur le relief.


Saut temporel !

Une fête médiévale se prépare, Volterra va plonger durant quelques jours dans l’ambiance des années 1398, saltimbanques, pages, danseurs et musiciens animent les rues de leur costume colorés, chansons et rires. Cela fait un ensemble joyeux étonnant au côté des vestiges étrusques !


Aujourd’hui l’acropole est de nouveau ouverte, je peux donc admirer l’entremêlement des fondations : temples du VI ème, temple du III ème BCE, églises médiévales… Les techniques de constructions (petite pierre jointées médiévales, gros appareil archaïque...) sont très différentes donc, il est facile de reconnaître les différentes phases, mais quel méli-mélo !

L'acropole de Volterra 

Finalement, contrairement à ce que m’avait annoncé l’office de tourisme on peut encore voir deux tombes !! c’est mieux que rien. Pour cela on passe la deuxième porte étrusque encore debout de Volterra, un peu plus bas. Deux tombes hypogées hellénistiques (fin IV ème s. BCE) de la nécropole du Portone en loc. Marmini ont une à plusieurs chambres et l’autre ronde ce qui est une forme très rare pour une chambre funéraire.

Pour les autres, le musée donne un petit aperçu.


Tombe hypogée à chambre ronde (IV-Ier s. BCE) 


Le musée de Volterra fait partie de ces musées pour érudits du XIX ème siècle avec de petites salles remplies d’objets du sol au plafond classé par types : une salle de vases communs à pâte claire, une salle de bucchero et de vernis noir, des salles de bronze… et au milieu de cet amoncellement une pièce vide à l’exception d’un objet : l’Ombre du soir . La statuette longiligne en bronze doit son nom a une ressemblance avec l’allongement des ombres dans la lumière vespérale, une silhouette étrangement similaire aux sculptures d’Alberto Giacometti.


Ombre du soir et typologie d'anses en bronze 
Musée Guarnacci 

Sinon, Volterra est aussi réputée pour ses urnes. Encore! on n’en a pas assez vues à Chiusi et Pérouse ! Le musée présente donc son lot conséquent, avec peut-être une plus grande diversité de type. Ces urnes destinées à recevoir les cendres du défunt, le représentent parfois dans la position du banqueteur, les hommes ont une patère (sorte de petite assiette creuse utilisée pour les libations) ou une corne à boire (rhyton) à la main et les femmes un éventail, tandis que la caisse est ornée de représentation d’éléments végétaux ou animaux, (scène de chasse) ou de bestiaires fantastiques ou encore de scènes mythologiques… La diversité est grande, et la particularité de Volterra est d’avoir des urnes en albâtre qui sont très finement sculptées. Nombres d’entre elles présentent des traces de peinture et dorure, vestige d’un éclat passé. L’apogée de cette production se situe à la fin du III ème s. BCE. Ces urnes se propagent aussi dans le territoire de la cité et la variation de cette production est un des marqueurs des changements de la cité : ainsi au milieu du Ier siècle BCE, les urnes disparaissent du territoire et ne sont présentes qu’à Volterra, montrant une mutation dans la gestion du territoire.

Toujours plus d'urnes ! 

Volterra a une production céramique propre : la figure rouge étrusque dont on reconnait les losanges sur le col des kelebes (IV-III ème s. BCe) et le vernis noir imité du vernis noir grec, il s’agit d’une production de qualité très noir avec des reflets bleutés, des reliefs (parfois volumineux) décorent les vases. (IV ème s. BCE). On retrouve cette production bien au-delà du seul territoire de la cité

Vases à figure rouge de Volterra  + vernis noir (atelier Malacena)

Et encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de mobilier et de vestiges à développer !

Musée de Volterra - vrac 
J16
J16
Publié le 25 août 2019

Une ville étrusque entière ! et fouillée en plus! C'est un cas d'école, un modèle ! Même pour l'histoire de la recherche, Marzabotto est importante, ici en 1871 c'est ouvert le congrès de Bologne (congresso internazionale di antropologia e archeologia preistoriche).

Sur un plateau au-dessus de la vallée du Reno, encaissée entre les montagnes couvertes de forêts, surgit le site étrusque de Marzabotto. Surgit est un bien grand mot, car on n'en voit plus que les fondations en galets qui percent tant bien que mal l'herbe envahissante. Le cadre est magnifique, décidément les Étrusques ont toujours bon goût pour choisir leur emplacement ; emplacement stratégique qui plus est ! Le site fonctionne comme la porte d'entrée de l’Étrurie padane et contrôle les flux arrivant d’Étrurie interne et tyrrhénienne.

plateau de Marzabotto 
 Marzabotto

Le site n'a été altéré par aucune réoccupation ultérieure, juste par les labours (et la grande route). Le plan entier de la cité est donc lisible. Et surprise, c'est un magnifique plan hippodaméen. C'est à dire que les rues forment des quartier régulier rectangulaire de même taille.

Marzabotto 

En déambulant sur le site, l'herbe foulée dégage une bonne odeur de menthe. Comme toute ville, elle a ses quartiers artisanaux, ses habitats, sans doute boutiques et autres, ses temples, son agora (à voir car en cours de fouille), et ses nécropoles. Tout cela a été renseigné au cours de nombreuses décennies de fouilles, et le matériel peut être admiré au musée du site.

On compte deux nécropoles étrusques et une nécropole celte. Au Nord, elle compte 170 tombes et à l'Est 125 , majoritairement faites en caisson de travertin, originellement ses caissons sont enterrés et signalés par un cippe en surface. On compte aussi quelques fosses recouvertes de galets et des incinération en petits puits (pozzetto).

A la porte Est, l'une d'elle attend:

Porte Est et nécropole 

La phase étrusque durerait du VIème siècle au milieu du IVème siècle, au moment de l'installation des Celtes dans le nord de l'Italie.

On trouve deux phases d'occupation. A partir du milieu du VIème siècle avec des fonds de cabanes, mais cette phase reste peu connue, et à partir 500 BCE qui marquerait la réorganisation de la ville suivant le plan actuel. Au passage on connait son nom grâce à une inscription : Kainua.

Au centre même de la ville, on a trouvé un galet marqué d'une croix parfaitement dans les axes des deux rues orthogonales majeures de la cité. Pour avoir cherché dans une autre cité étrusque ce genre de centre symbolique, qui serait la trace d'une fondation et du tracé rituel de la cité (mundus) , je m'attendais à quelque chose d'assez spectaculaire, mais pas à ce petit galet informe d'une vingtaine de centimètres... Même la croix est un peu effacé. Néanmoins il est là, parfaitement placé au centre de la cité marquant le croisement des deux rues principales.

Les rues sont pavées de galets et bordées d'égouts, délimitant les quartiers dont les structures en matériaux périssables devaient s'élever sur des fondations en dur (en gros galets).

La grand'rue 
Plateia ou rues avec caniveaux et passages pour piétons 

Au nord, sur une terrasse plus élevée, coupée aujourd'hui du site par la route, au milieu des bois, on trouve l'acropole avec les restes de 4 temples.

L'acropole 

Mais ce ne sont pas les sels temples de Marzabotto, à la périphérie, on trouve un petit sanctuaire de source du Vème siècle. Et dans le maillage de la ville, un temple est dédié à Tina.

Temple de Tina 
J15

Aujourd'hui, on fait une excursion un peu lointaine, je vais passer deux jours en Etrurie padane, c'est à dire la région nord de l'Italie qui a vu l'expansion étrusque au début du VIIIème siècle BCE.

De l'autre côté des Apennins, nous partons à la découverte de Bologne !

Dans la première moitié du VIIIème siècle, trois villages villanoviens se regroupent formant une proto-ville (c'est ce qu'on appelle un synœcisme): Felsina, aujourd'hui Bologne !

Ce détour, loin de l’Étrurie tyrrhénienne que je connais, me tenait particulièrement à cœur.

Je me plonge donc dans l'ambiance bolognaise...ou presque ! En ce 15 août, la ville est désertée ! Je suis chanceuse, Bologne est réputée être un four en été, mais il fait (relativement) doux ce jour-là.

Le cœur de la ville, seulement peuplée de touristes est Piazza magiore, LA place. On y trouve la mairie (le beau palais d'Accursio), la basilique San Petronio, et bien d'autres palais !

La piazza 


Néanmoins ma visite de Bologne n'est pas seulement motivée pour la beauté de la ville, je dois aller voir les collections étrusques du musée. Un peu comme Florence, le musée centralise les objets importants de la région. Mais...en arrivant j'apprends que la collection étrusque est encore fermée et rouvrira qu'en octobre ! Frustration !


Il y a bien sûr d'autres collections archéologiques à voir : celle égyptienne, le lapidaire romain, la préhistoire de la région...

Les Égyptiens achèvent mon blues en me montrant des poteries qui ressemblent beaucoup à celle qu'on trouve en Étrurie, mais elles sont 1000 ans plus vieilles ou presque !



A la fin des collections préhistoriques, quatre vitrines présentent Felsina, la Bologne étrusque. Derrière, dans la pénombre, on devine la suite de la collection étrusque... inaccessible!

La fondation traditionnelle de Bologne est 900 avant JC, mais le synœcisme des villages n'a lieu qu'au VIIIèe siècle BCE, au cours de ce siècle, on observe une organisation et une complexification de de l'espace proto-urbain jusqu'à une claire planification urbaine au VIème siècle BCE.

plan et reconstitution du village de "cabanes" d'après A. Zannoni 

Les habitats évoluent de la "cabane" maison en matériaux périssable (bois, terre crue) à une seule pièce, à des maisons plus complexes organisées autour d'une cour avec des fondations en pierre et des toit de tuiles.


La ville compte aussi des sanctuaires, comme celui de Villa Cassarini du VIème siècle BCE qui semble être le premier lieu de culte public de la ville. De ces pratiques religieuses on retrouve des dépôts votifs avec des statuettes et divers objets de bronze.

Statuettes retrouvées au sanctuaire de Villa Cassarini : prieur, Aplu (Apollon) à la lyre, Héraclès 

Nous connaissons bien les outils en métal du VIIème siècle BCE, grâce à un dépôt de 1438 bronze et 3 fers (soit 1418 kg de métal!) : le dépôt de San Francesco. Ce dernier a été retrouvé par A. Zannoni en 1877 : un dolium* était rempli d'outils agricoles, d'outils du travail du bois et de l'os, de la métallurgie, mais aussi des armes (surtout des haches), des parures (fibules*), des fragments, des lingots de matière première, des scories et déchet de fusion. Ce dépôt est interprété comme une réserve de matière première.

Le dépôt de San Francesco (du moins un aperçu) 

Petit supplément céramique :

Petit aperçu du mobilier de la cité 

J'erre ensuite sous les portiques-rues de la ville, flânant, porté par l'émerveillement des petites détails et des imposants et magnifiques monuments de la cité.

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* fibule : épingle à nourrice antique en plus travaillée, sa forme nous aide souvent à déterminer la chronologie.

* dolium : très grand vase de stockage, il est en terre cuite assez grossière. Et il est vraiment énorme !

J14
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Publié le 22 août 2019

Florence est une fondation romaine, la ville étrusque la plus proche est Fiesole. Sur la rive opposée de l'Arno (ce fleuve est traditionnellement la frontière de l’Étrurie), sur une haute colline se dresse aujourd'hui un petit village dominé par un cloché. De son passé étrusque peu de vestiges restent ; le parc archéologique est surtout constitué de structures romaines : un théâtre, des thermes, et un temple.

L'ensemble fut construit au Ier s. BCE, et est abandonné à partir du IVème siècle de notre ère. On trouve également une nécropole lombarde (Longobardi) à l'emplacement du parc archéologique.

Le théâtre s'adosse à la colline; grande cavea donnant sur la scène où des pièces de théâtre sont encore jouées aujourd'hui.

Théâtre romain de Fiesole 

On descend les gradins, contourne l'orchestre, traverse les ruines du mur de scène, et à notre droite se trouvent les thermes. Trois arches marquent le paysages, autour de grands murs, bassins se croisent, et laisse le visiteur à un jeu amusant : la lecture du plan et la reconnaissance des fonctions des pièces :

Thermes romains de Fiesole 

Piscine (facile !), ces canaux en L doivent être les latrines, s'il y a des fours et des hypocaustes (système de chauffage par le sol romain), la caldarium doit se trouver au-dessus, à côté le tepidarium (pièce tiède) puis le frigidarium...

On rebrousse chemin, et un petit bout de voie romaine mène à la zone des temples.

Ici se superposent temples étrusques du VIème siècle avec réaménagement du IVème siècle et temple romain du Ier siècle BCE.

Aire sacrée de Fiesole : étrusque et romain emmélés 
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Pour voir la suite du site, il faut sortir des sentiers battus du parc et aller explorer la ville.

Sous la crypte de l'église, on trouve les vestiges du forum romain. Il y a même une petite place qui a été réaménagé en fonction des vestiges d'une domus romaine.

A travers les grilles de la crypte, murs et base de colonne  / Domus romaine au cœur de la ville

Puis dans un petit terrain vague entre deux maisons, deux tombes construites étrusques résistent à l'expansion urbaine.

Tombes du IVème s BCE, Via Bargellino

Et surtout en contre-bas de la ville, on peut admirer un large mur d'enceinte, il date de la fin du IVème s. BCE. Les blocs sont gigantesques (jusqu'à 2m! ) et empilé plus ou moins régulièrement.

Muraille étrusque de Fiesole 
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Il y a bien sûr un musée, pas très grand (mais j'ai dû y passer trop de temps la gardienne me regardait vraiment bizarrement à chacune de ses rondes comme si s'intéresser aux objets des vitrines était une anomalie !)

On en retient des céramiques de l'age du Fer et quelques tessons de l'Age du bronze attestant d'une occupation ancienne du site.

impasto de l'age du Fer et moule de l'age du bronze 

Mais aussi les stèles funéraires avec des représentations de banquet, typique de Fiesole et son territoire au VI - Vème s. BCE. Elles sont en grès. Et il y a aussi cette belle stèle représentant un homme avec lance et hache, d'après l'inscription, il s'agit de Larth Aninies.

Stèles funéraires de Fiesole

Et quelques terres cuites et objets provenant du temple (datant du IV-IIIème s. BCE). Une petite chouette en bronze pourrait indiquer un sanctuaire dédié à Menerva équivalent étrusque d'Athéna.

Terre cuite et bronze  hellénistique de l'aire sacrée de Fiesole 
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Il faut bien sûr profiter de la hauteur pour aller jeter un œil sur la plaine de Florence.

Florence vue depuis Fiesole 
J9àJ13
J9àJ13
Publié le 21 août 2019

Jour 9

Florence n'est pas une ville étrusque, mais comment l'éviter ? C'est une capitale de la culture et une ville musée, et en tant que telle, les originaux des chefs d'oeuvres étrusques se trouvent bien souvent là : la chimère d'Arezzo, l'arringatore de Cortone, le vase François (pour les plus connus).

Mais on ne pouvait faire QUE le musée nationale d'archéologie et ignorer le reste de la ville.

Voici une balade-photos à travers la ville :

Duomo, Palazzo vecchio, ponte vecchio ... 

et nous faisons un petit détour par le musée de l'Académie comme tous les touristes, nous venons saluer le David callipyge de Michel Ange !

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Jour 13 

(oui gros saut dans le temps, j'avais besoin de repos, de faire mes comptes, et d'organiser un peu la suite du voyage, puis de rédiger quelques articles...) mais un élément perturbateur majeur m'a un peu gênée, voyez plutôt :




Donc, retour à Florence pour se dédier cette fois-ci à l'archéologie !

En route donc pour le musée national d'archéologie de Florence !

Il fait une chaleur étouffante dans ce musée, les grande baies vitrées de l'étage font serre... mais qu'importe ! Le musée recèle des merveilles archéologiques et je vais de vitrine en vitrine en m'extasiant. La première partie est consacrée aux élites étrusques dans le territoire allant de Populonia à Vulci, comprenant donc les cités de Populonia, Vetulonia, Vulci, et les sites secondaires de Casale Marritimo, Marsiliana d'Albegna, Magliano in Toscano, et Pitigliano. Pour cela, le mobilier des tombes particulièrement riches est présenté, permettant au passage certains approfondissement sur le banquet, la toilette. Pour une première immersion étrusque, c'est parfait ! Gardez en tête cependant que les Étrusques ne sont pas seulement des princes, et que ces nécropoles luxueuses nous donnent qu'un reflet biaisé de la réalité.

La tombe des Eventails de Populonia

Parmi les encensoirs venant de Vetulonia, la vaisselle de banquet en bronze, les nombreuses importations, les bucchero, on peut admirer les éventails en bronze et panoplies militaires.

La tombe del Duce à Vetulonia

Si on doit retenir deux chses de cette tombe de la fin du VIIème s. BCE, le kyathos (tasse) en bucchero avec un grifon en relief et une longue inscription en étrusque sur le pied, et l'urne en argent décoré au repoussé de griffons. On aurait dû l'appeler tombe des griffons !

 Griffon²

Et le petit vase sarde en forme de bateau :

Bon vent de Sardaigne ! 

La tombe del littore de Vetulonia

On y trouve les restes en bronze d'un char et ces magnifiques petites pièces d'orfèvrerie. Admirez la maîtrise de la technique de la granulation

il est l'or ! 

Marsiliana et ses tombes

Cercle aux ivoires, Marsiliana d'Albegna , nécropole de Banditella (675-625 BCE) 
Cercle de  la fibule, Marsiliana d'Albegna, nécropole de Banditella (deuxième quart VIIème s BCE) 
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Puis vient la collection des bronzes, où l'Arringatore (orateur) et la chimère d'Arezzo ont une place de choix !

Des Etrusques de bronze 

La statuaire en pierre a elle aussi sa pièce, au milieu d'urnes funéraires en forme de maison ou sculptées de Chiusi, Pérouse ou Volterra, quelques pièces importantes de la sculpture étrusque sont présentes :

Des Etrusques de pierre 

Le musée contient encore beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de collections (monnaies, camées et intailles, collection égyptienne, romaine, grecque... mais la moitié est fermée car trop peu de visiteurs viennent et ils n'ont plus les moyens de garder tout ouvert en même temps. Donc la suite des collections étrusques se trouvent inaccessibles... Fort heureusement, la gardienne qui m'explique cela est adorable et m'obtient l'autorisation d'une petite visite privée pour au moins aller voir la pièce maîtresse de ces collections, celui qui est appelé le roi des vases : le vase François !

Me voici donc en tête avec cet immense cratère à volute attique à figure noire :

Le Vase Francois 

Il date d'environs 565 BCE et a été retrouvé par Alessandro François (d'où son nom) en 1845 à Chiusi dans une tombe princière de la nécropole de Fontorella. Le vase est composé de 7 registres figurant 270 personnages dont 131 sont nommés), on y retrouve des épisodes de la guerre de Troie liés à Achille, mais aussi de la mythologie avec le mariage de Thétis et Pélée (les parents d'Achille). Sur le pied, on voit les pygmées chevauchant des béliers combattre les grues.

Je passe en coup de vent dans les autres salles, mais il y a encore beaucoup à voir !

En courant entre les vitrines  
J8
J8
Publié le 19 août 2019

Nous partons aujourd'hui à la quête des palais dignes de Florence, des Eglises et surtout des Etrusques... En route pour Arezzo !

Nous nous baladons librement dans les rues pavées qui montent et descendent. Nous suivons notre instinct ou plutôt cette tour qu’on aperçoit là-bas ! Nous tombons sur Santa Maria della Pieve et sa majestueuse façade à colonnes. Le tympan et sa représentation anthropomorphisée des mois de l’année nous arrête quelques instants : pourquoi février est écrit à l’envers ? Et le mois de janvier est encore très inspiré du Janus romain (ie. bicéphale pour regarder l’année passée et l’année à venir). L’intérieur est tout aussi beau, tout en sobriété rehaussée de fleurs.

Santa Maria della pieve 

Derrière, se trouve la fameuse Grande Place, une place en pente, entourée de magnifiques bâtiments, un peu hétéroclites : l’abside de l’église, des maisons médiévales, les loges de Vasari et son grand portique. Une unité est donnée par les blasons colorés des quartiers de la ville. Ici a été tourné La vie est belle ! . Ici aussi se passe la Giostra, sorte de tournoi médiéval où s'affronte les quartiers de la ville, le tout en costume XIVème. Mais il faut venir en juin ou septembre pour voir ce spectacle.

La grande place d'Arezzo


Puis nous montons dans la ville entourée de palais à la pierre austère: une bibliothèque cachant quelques peintures, un jardin aux moutons de bronze, un peu d’archéologie du bâti sur quelques façades étonnantes, et en haut, sur une esplanade, se dresse la cathédrale d’Arezzo.




Dernièrement les cités que nous avons visitées ont livré que peu de vestiges des cités anciennes et pour cause, les villes médiévales et modernes se sont installées aux mêmes emplacements (stratégiques). Et même les musées peinent à nous montrer des vestiges exhumés à l’intérieur des murs des cités. Arezzo n’y échappe pas et la ville moderne a même engloutie les nécropoles. Les Etrusques d'Arezzo ressemblent de plus à une chimère... Après une première grande carte replaçant les vestiges connus dans l’espace d’Arezzo, les salles ne nous parlent guère plus de la cité, mais plus de quelques sites de son territoire.


Terres cuites provenant de sanctuaires extra-urbains 
mobilier de nécropoles des environs 
Chefs d’œuvres d'Arezzo : le laboureur, un cratère d'Euphronios, la chimère 


Arezzo est très connue dans l’antiquité pour sa céramique. A la fin de la période hellénistique (milieu IVème jusqu'au début du Ier siècle BCE), on observe une transition dans la céramique de table (à opposer à la céramique de cuisine qui va sur le feu, sert au stockage et à la préparation des aliments). A la période hellénistique, la vaisselle de table est assurée par le « vernis noir », la pâte est claire et recouverte d’un vernis noir brillant, parfois de petites estampilles font le décor. La couleur noire s’obtient par l’atmosphère réductrice du four, c’est-à-dire sans apport d’oxygène. Mais à partir du IIème siècle, le goût du noir passe et la céramique à vernis rouge s'impose. On l'appelle sigillée à cause des petits sceaux utilisées pour la signer.

vernis noir 
vernis rouge 

On quitte cependant les Etrusques, car il s'agit surtout d'un signe de romanisation... Arezzo, ou plutôt Aretium à cette époque (Ier siècle BCE), est un grand centre producteur. On identifie plusieurs ateliers à Santa Maria in Gradi. La céramique arétine est rouge et présente de nombreux reliefs soit moulés soit rapportés. La production de ce type céramique ne se limite cependant pas à Arezzo, on en produit bientôt dans tout l'empire romain : les Gaules, Afrique ...

Outils et moules pour produire la céramique sigillée

La structure la plus ancienne qu'on puisse encore admirer aujourd'hui dans la ville est l'amphithéâtre. Il est entouré d'un petit jardin où les moustiques se donnent aussi rendez-vous pour pique-niquer!

L'amphithéâtre d'Arezzo : herbe et opus reticulé 
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La visite au musée nous a donné quelques idées de visite, le temple-théâtre de Castelsecco (IIème s. BCE) sera notre petit détour sur la route du retour. Le sanctuaire était dédié au dieu étrusque Tina (équivalent de Zeus) ; on le sait grâce à une inscription. Il faut imaginer le théâtre et son autel, mais on voit encore l'immense mur de contrefort (10 mètres de haut!) qui le soutient.

A Castelsecco 
J7
J7
Publié le 17 août 2019

Nous changeons un peu de route aujourd'hui et longeons le lac Trasimène par l'est, petite route sinueuse au milieu des oliviers débouchant de temps à autres sur le lac ; nous arrivons à Pérouse sans presque nous en apercevoir, la vieille ville est encerclée dans la ville moderne. Nous baguenaudons dans les ruelles séculaires, admirons tours, églises, venelles voûtées avant de déboucher sur la belle place du IV novembre : fontaine, jolies façades sophistiquées du palazzo dei priori, puis surtout la cathédrale dont nous devons découvrir les entrailles ! En face, une salle de conseil (sala dei notari), couverte de peintures du XVIème siècle: épisode de la genèse et des fables d' Esope (fables qui ont été adaptées par Jean de La Fontaine au XVIIème siècle). Cette explosion de couleur nous ramène à la réalité de tous ces bâtiments anciens que nous voyons monochromes aujourd'hui et qui étaient en fait bariolés.

Place du IV novembre  

Sous la cathédrale se trouve un parc archéologique avec des vestiges emmêlés de la période étrusque au Moyen-Age. Le sol actuel est plusieurs mètres au-dessus de nos têtes, nous sommes au niveau des fondations, la colline du sole était parcourue de murs soutenant au-dessus l'acropole étrusque, des murs massifs en travertin avec encore les traces de provenance "CA" ( à l'envers bien sûr), podium de temple, puis saut temporel, une salle médiévale, ( pas n'importe laquelle, celle des conclaves), encore un saut temporel, un gigantesquement mur de terrassement étrusque , puis une voie romaine avec dessous les traces de la voie étrusque.

Sous le sol : les fondations étrusques 
millefeuille viaire : route romaine sur voie étrusque 
Le mur de terrassement et son léger décalage pour assurer la stabilité 
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Le musée d'archéologie est un vrai labyrinthe, dans un vaste cloître, on retrouve des dizaines et des dizaines d'urnes funéraires figuré ou non de la période hellénistique, en sous-sol, une découverte exceptionnelle est exposé : la tombe des Cai Cutu (c'est leur petit nom de famille) qui a été retrouvé intacte à loc. Monteluce. On y trouve une cinquantaine d'urnes ordonnées le long des parois avec au fond un sarcophage contenant le défunt (l'inhumation est une pratique de la période archaïque ici, alors que la tombe de la période suivante, hellénistique) le plus ancien encadré de deux urnes en stuc. On trouve également une panoplie de guerrier complète : épée, knémide*, grand bouclier rond, casque (il ne reste que les paragnatides*). On observe aussi les influences de la "romanisation", alors qu'en 89 la citoyenneté romaine est accordée à Pérouse, les inscriptions se latinisent et sont écrites en alphabet latin. Autre mobilier caractéristique de l'assemblage funéraire hellénistique à Pérouse est le kottabe. Le kottabos est un jeu d'adresse exécuté pendant le banquet, il fallait lancer les dernières gouttes de vin de sa coupe sur le haut du kottabe (grande tige de fer avec une petite statuette au sommet.

kottabe de la tombe des Cai Cutu et fugurine de kottabe 

Quelques perles du musée :

détails mobilier de la tombe des Pesenti (seconde moitié IVème s. BCE) 


Les bronzes de San Mariano 

Le cippe de Pérouse est,comme la table de Cortone, un des exemplaires les plus importants de la langue étrusque: il s'agit d'un document juridique à propos de la concession d'un monument (une tombe ?) entre Velthina et Afuna au III-IIème s. BCE.

le cippe de Pérouse 

La période hellénistique connait un grand développement des nécropoles avec l'apparition de nombreuses tombes familiale avec dromos et plusieurs chambres. On y trouve les traditionnelles urnes en travertin. Elles se développent le long des voies. Une des nécropoles encore visitables est celle du Palazonne, et aujourd'hui la voie passe...au-dessus! Une tombe rend ce lieu célèbre, l'hypogée des Volumni du IIIème s. BCE. Elle accueille la famille de Arnth Velimnas : son grand-père, son père, ses frères, sa fille.

L'architecture reproduit la forme d'une maison : cavaedium ("atrium") avec toit à double pente ouvrant sur des chambres et au fond le tablinum entouré de deux cellae (pièces).

Hypogées des Voltumna ou Volumni 


La porte étrusque ou l'arc d'Auguste. En 41 avant notre ère, dans la guerre opposant Marc Antoine et Octave, les Pérugins choisissent de faire appel au premier, qui ayant mieux à faire en Egypte envoie son frère, Lucius Antonius. C'est un échec complet, Octave rentre dans la ville, décapite la classe dirigeant e et prive la cité de son territoire. Un incendie survient, et Octave promet de reconstruire la ville, ce qu'il fait, mais la porte était encore debout... il a juste mis son nom dessus !

A la porte étrusque 
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  • knémide : jambières

** pargnatide : partie protégeant les joues sur un casque

J6
J6
Publié le 14 août 2019

On aura finalement passé beaucoup de temps dans le territoire de cette cité ! La dernière fois, on avait surtout fait du repérage, aujourd’hui de nouveau un programme archéologique chargé : souterrain, musée, nécropole !

On arrive dans un tout petit musée qui ouvrant à 10h, propose une visite à 10h10...mais le guide est aussi le gardien du musée, il prévoit donc qu'on fasse le musée en 10 min ! Même s'il est petit, je vous avoue avoir échoué ! Il est question des recherches sur les souterrains de Porsenna essentiellement. Quelques reconstitutions du XIXème font preuve de beaucoup d'imagination.

Puis le guide, qui nous fait l'honneur d'une visite en français, nous mène à travers et sous la ville : d'anciennes cave à vin, un gigantesque puits, des couloirs, des salles...

et la plus grande collection d'urnes et de tuiles inscrites ! De quoi réviser son alphabet étrusque, et ses variantes locales.

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Comme de coutume promenons nous dans le musée de Chiusi, à travers ces productions qui commencent à être familère : canopes, statuaires, bucchero, urnes funéraires...

couvercle en impasto (argile non dépuré non tourné) - Poggio Renzo (VIIIème s. BCE) 
Impasto (mi VII ème s. BCE ) et vases peints italo-géométrique (troisième quart VIIIème s. BCE) 
Cruche avec décor en cerux de Vetulonia (VIIème s. BCE)
Canope de  Doclciano (deuxième moitié VIIème s. BCE)
Encore des canopes !  Du bouchon de champagne à l'anthropomorphisation des canopes
les statues funéraires ornant les tombes archaïques : pleureuse et sphinge ! (mi VIème, fin Vème s. BCE)
bucchero, bucchero, bucchero partout ! Enfin bucchero chiusien  ie. pesante (lourd) avec motif en relief !
les urnes cinéraires hellénistiques  (IV-IIIème s. BCE) avec le défunt au banquet 
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Nous avons une petite heure à tuer avant notre rendez-vous pour visiter la tombe du singe, nous dirigeons vers le lac de Chiusi, mais en chemin ... oh ! un panneau poggio Gaiella, c'est là qu'il y a ce tumulus qui fut pris pour la tombe de Porsenna ! On parcours la strada bianca, pas de signe de tumulus... sur notre route nous traversons de petites localités dont le nom fait écho à ce que nous avons vu au musée : Dolciano, c'est de là que vient le canope sur sont trône de bronze, Montevenere il y avait un établissement et une nécropole de l'Age du Fer ici, sur cette colline en face de la ville... Mais chou blanc, à l'endroit indiqué, il n'y a rien... Nous posons les pieds dans l'eau boueuse du lac pour se rafraîchir.


Nous sommes dans la nécropole de Poggio Renzo en usage de l'Age du Fer au IIème siècle BCE. La nécropole doit être grande mais seulement 3 sont encore visibles.

La tombe du singe est une tombe a plusieurs chambres de la période archaïque (vers 480 BCE) . Elle doit son nom à la représentation d'un petit singe. Les peintures sont assez effacées... rien à voir avec les couleurs éclatantes de Sarteano. Il faut imaginer des rouges, des verts, des noirs éclatants ! Ici on peut admirer des scènes de jeux funéraires : luttes, courses de char, le tout sous le regard de la défunte sous son ombrelle. Les plafonds à caisson sont également peints.

Le fameux singe 

La tombe des lions...sans lion ! Car la parois avec les peintures s'est effrité à cause du manque d'humidité, le grès qui le compose s'effrite inexorablement... Pourtant les peintures devaient être somptueuses ! La tombe devait être sous un tumulus, elle date du Vème siècle, mais elle a continué d'être utilisée jusqu'au II ème s. BCE.

détails de la tombe aux lions 

Tombe della Pellegrina : un long dromos (couloir), creusée de niches avec les urnes funéraires encore en place, amène à une chambre funéraire rempli de sarcophages et d'urnes. Nous sommes dans la tombe de la famille Sentinate. Il y a en tout 5 sarcophages et 12 urnes datant de la fin du IVème à la fin du IIème siècle avant notre ère. Elles sont toutes (sauf une au musée) encore à la place exacte de leur découverte par les archéologues. Mais les pilleurs de tombes, les ont sans doute un peu bougé, par exemple, ils se sont servi d'un couvercle d'urne pour garder ouvert un sarcophage !

Sarcophages et urnes plus ou moins en place à l'intérieur de la Tombe della Pellegrina 

Il y a bien sûr d'autres nécropoles aux alentours de la cité de Chiusi, mais rien de visible, il faut se rendre au musée pour en voir les vestiges matériels. Une dernière anecdote à propos de la nécropole de Poggio Renzo, on y trouve la tombe dite de l'inscription*, tombe à trois chambres en croix sous un tumulus, avec cette inscription étonnante : Ein thui ara enan soit "ne rien faire/poser ici".

J5
J5
Publié le 13 août 2019

Aujourd'hui direction Cortone, beaucoup moins loin que nos précédentes étapes, nous pouvons quasiment voir la ville s'élever sur sa colline depuis notre logement.

Profitant de la fraîcheur du matin, nous partons à la découverte des nécropoles de Cortone. Nécropole est un bien grand mot car seul quelques tombes isolées sont visibles. Nous commençons par celles du Sodo où s'élève deux tumulus. (un tumulus est une petite colline artificiel faite de terre et de pierre recouvrant une sépulture, ce n'est pas typiquement étrusque, on en retrouve au néolithique ou à l'âge de Fer en France, en Orient, en Mongolie... partout!).Le premier (tumulus II en fait) le plus grand, nous plonge dans l'émerveillement un escalier monumental sculpté et modénaturé donne accès au sommet. De part et d'autre, à la base, une bête féroce (un lion ?) dévore un homme qui le poignarde en retour. Il mène à un petit édicule au sommet où devait être pratiqué des rites funéraires. Deux tombes à chambre sont construites à l'intérieur, la plus ancienne date d'environ 580 BCE, la deuxième du V ème siècle, les deux sont réutilisé à la période hellénistique.

A côté, des cercles de pierre orientalisants délimitent de nombreuses sépultures en fosse, mais on ne peut plus les voir aujourd'hui. On trouve aussi une autre édicule et un autel sans doute lié au culte funéraire. Mais on ne voit plus grand chose de tout cela, seul l'escalier et le tumulus restent même les tombes sont à moitié écroulées. Il y a un deuxième tumulus dans la zone, nous en faisons le tour et pouvons y pénéter une inscription encore en place donne les noms des défunts Arnt Mefanate et Velia Haspinei.

Il n'y a malheureusement personne dans le parc pour profiter de ces monuments impressionnants.

l'Escalier du tumulus de Sodo - Cortone 

Puis nous partons en quête de deux autres tombes appelées "tanella", perdues au milieu des oliveraies et des vignes, sur le flanc de la colline. Elles datent du IIème siècle BCE et présente une architecture particulière : une base ronde et une chambre funéraire construite quadrangulaire au-dessus. Grâce à des urnes inscrites retrouvées non loin on peut les attribuer à une puissante famille de Cortone : les Cusu.

Tanella Angori / Tanella di Piatagore (IIème s. BCE) 
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Il n'y a pas de cité étrusque sans musée archéologique, donc direction le musée de Cortone, ou plutôt il museo dell'accademia etruca e della città di Cortona. L'académie étrusque est une vieille société savante (XVIIIème siècle !) dont les membres s'appellent entre eux lucomon (rois). Pénétrons donc dans le palazzo Casali qui leur a été dédié, et dont les fondation mêmes s'appuient sur des substructures étrusques. Le musée commence dès les premiers vestiges préhistoriques, mais nous passerons les fossiles animaux pour arriver directement à l'âge du Fer. Via Vignatti, les archéologues ont trouvé les fondation d'une "cabane" ovale villanovienne donc du VIIIème- milieu VIIème siècle BCE attestant d'une occupation ancienne de Cortone. Caractéristique de cette époque l'incinération en urne biconique (à droite). Là, où nous avons vu la tanella ce matin, une nécropole de cette époque se terre. De ces indices et d'autres, il semblerait que l'urbanisation, (le passage d'un village à une ville avec bâtiment public, organisation de l'espace, densité de population) se fasse à partir d'un seul noyau d'habitation déjà localisé sur le lieu de la cité ; ce qui n'est pas toujours le cas : les questions de proto-urbanisation sont encore une grosse problématique chez les archéologues.

un aperçu de l'âge du Fer étrusque 

Et ce n'était que la première vitrine, le musée est très riche, et les explications nombreuses (il y a même des cartes!). Céleste me perd vite au milieu des artefacts étrusques !


Ici, des urnes, là des vases en bucchero, oh, une petite fibule en or à protomé de lion, les tombes de Sodo, ... le lit du défunt du tumulus de Camucia avec ses pleureuses, une reconstitution d'un lebes (chaudron) étrusque en bronze avec toutes ses têtes fantastiques...

le Lèbes et ses protomés 

Puis enfin la star : la Tabula Cortonensis, il s'agit d'un texte juridique écrit en étrusque sur une tablette de bronze, actant l’achat d'un terrain entre les familles Turmna, Velara et Cusu. Elle date du IIème siècle BCE. Elle fait parti des document les plus longs écrits en étrusque, et bien sûr on n'arrive pas encore à entièrement la traduire...

Table de Cortone 

La deuxième illumination au sens propre est le lampadaire étrusque, il s'agit d'un unicum! une grande vasque en bronze ornée de sirènes et de silènes autour d'une gorgone et de bien d'autres motifs. Il faut l'imaginer éclairant un sanctuaire du IVème siècle avant notre ère.


Le lampadaire étrusque de Cortone 
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Nous finissons avec l’impressionnante muraille étrusque du IVème siècle et sa porte biforata. L'enceinte que nous voyons aujourd'hui n'est bien sûr pas entièrement étrusque, mais si on regarde bien à la base, de gros blocs sans joint indique cette phase ancienne de la cité. Un dépôt votif avec deux statuettes en bronze des dieux Selvans (dieu des forêts et des lieux de confins) et Culsans (dieu similaire à Janus).

Porta Biforata  et murailles ;Selvans et Culsans 
J4
J4
Publié le 12 août 2019

Nous poursuivons notre découverte du territoire de Chiusi et de ses spécificités. Avant d'aller à la cité, nous faisons un petit détour par Chianciano Terme, qui se révèle au fil des années une potentielle ville étrusque d'importance. En effet durant les années 1990 et 2000, des fouilles archéologiques ont mis au jour une vaste nécropole de près de 800 tombes sur les collines de Tolle. Des découvertes qui nous font réévaluer les liens de la cité (Chiusi en l’occurrence) avec son territoire (cf. Paolucci). Mais laissons le musée de Chianciano Terme nous introduire cette histoire. Le musée est relativement moderne, en tous cas sa muséographie est dans l'esprit du temps : reconstitution et discours pédagogique pour plonger dans l'ambiance. On commence avec une pratique qu'on connait bien chez les Étrusques : le banquet, ou le symposium quand il s'agissait seulement de boire ! Nous trouvons là notamment la plus vieille représentation d'un banqueteur étrusque :

La star du musée qui sert d'affiche, de miniature sur les tickets, de logo, c'est elle, le génie féminin ailé qui s'envole tenant un kanthare à la main. Elle provient du fronton du sanctuaire "dei Fucoli" (IIème siècle BCE). D'autres terres cuites architecturales ont été retrouvé mais surtout une "sépulture" associée au temple avec une enfant et un boeuf sans corne ; possible sacrifice humain dont les textes parlent également.

Terre cuite architectural du temple dei Fucoli 

Mais je ne vais pas vous faire tout le musée, vitrine par vitrine, sinon on en a pour 3 heures (c'est réellement le temps dont j'ai besoin pour faire un musée !). Toutefois deux-trois sites ou artefacts méritent une attention particulière.

Tout d'abord la tombe princière de Morelli découverte en 2001 est un premier émerveillement. Sous un tumulus trois tombes à chambre ont préservé les vestiges de défunts de 630 avant notre ère (environ), l'un d'eux a été incinéré avec des animaux, les os ont été collecté dans un linge et déposé dans une urne en bronze avec une tête en bois recouverte d'or avec deux yeux en ambre (le bois a disparu). Le tout était drapé d'un tissu comme dans les descriptions homériques, ou comme un vêtement, personnifiant encore plus l'urne. Les analyses anthropologiques ont révélé qu'il s'agissait d'un homme avec de l'arthrose à l'épaule peut-être dûe au maniement des armes. L'ensemble du mobilier de cette tombe et des analyses qu'on peut en faire sont fascinants : une vaisselle en bronze nombreuse, une table plaquée de bronze, des offrandes alimentaires (des oiseaux et des œufs)...

Autre tombe à Morelli 

Nous en avons parlé au début la nécropole de Tolle révèle d'incroyables sépultures avec de nombreux canopes typiques de la région. L'installation du musée nous immerge dans ce monde souterrain au sens propre... recréant les structures, les canopes, le mobilier ,la forme de la chambre... On se balade ainsi le long d'un couloir dans le temps, du milieu du VIIème siècle à la fin du V ème siècle.

Nécropole de Tolle 


Puis nous arrivons à cette incroyable urne du Vème siècle, la défunte prend ici les caractéristiques d'une Mater Matuta, déesse du matin mais aussi de la maternité.





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En route pour Chiusi ! On monte dans la cité, suivant cette étrange muraille de pierre et de brique, puis à droite un petit jardin nous appelle on y découvre Gratien, le père du droit canon, une vue superbe, une citerne romaine, et surtout cet étrange exposition lapidaire : des cippes étrusques, des sarcophages, des bases de colonnes ornent le jardin comme autant de statuts. Puis on recroise la course cycliste qui nous a barré la route plus tôt, ils ont bien du courage sous cette chaleur ! En errant dans la ville, des chants nous attirent dans la cathédrale un mariage se prépare. Le guide bleu nous la décrit comme faite de débris, ce qui n'évoque guère des images agréables, elle est en ait magnifique richement ornée de mosaïques colorées, et de colonnes antiques remployées toutes différentes ou presque. Je crois que le guide voulait dire que de nombreux remplois antique étaient utilisés à sa construction.


A côté se trouve le "labyrinthe de Porsenna", nous plongeons pour un court instant dans une ambiance de catacombe: nous parcourons des souterrains étrusques (cunicules) servant au stockage de l'eau sillonnant les dessous de la cité. Pourquoi ce nom ? Porsenna est un roi étrusque de Chiusi connu par les texte, et on dit qu'il s'est fait construire un gigantesque tombeau protégé par un labyrinthe, donc en découvrant ces couloirs souterrains les savants ont pensé à cette explication. Malheureusement, on cherche toujours le tombeau !

Cunicules et citerne sous Chiusi 

Nous débouchons à l'air libre sous la tour, enfin le campanile de la cathédrale, là-haut une jolie vue sur les environs est à admirer.

Vue vers le lac de Chiusi 

Nous sommes attendues ce soir pour la dernière soirée de la sagra, et nous avons promis à notre hôte de goûter le pigeon, nous reprenons donc la route. Mais la beauté des paysages nous stoppent plusieurs fois en chemin : un lac, des vignes et des champs de tournesol ondulant sur les collines de Toscane... il y a pire comme voyage d'étude ! ^^

Sur les routes toscanes... 
J3
J3
Publié le 8 août 2019

Nous revenons aujourd'hui, une dernière fois à Orvieto ! Nous devons en effet voir les vestiges qui ont fait la renommée de ce site, et ce depuis l'antiquité : le fanum voltumna.

Comme on peut en juger par ces passages de Tite-Live, auteur romain du Ier s. BCE, le temple dédié à Voltumna est un lieu majeur de la civilisation étrusque, un centre religieux et politique.

Voltumna ou Vertumnus en latin ( Veltune en étrusque) est une des formes de Tinia, dieu majeur du panthéon étrusque correspondant à Jupiter/Zeus).

Tite-Live, Histoire romaine, IV, 23 :

IV, 25 :"On délibéra sur la guerre dans les assemblées des Èques et des Volsques, et en Étrurie, au temple de Voltumna. (8) Mais toute décision fut ajournée à un an, et l'on défendit, par un décret, toute réunion avant cette époque, malgré l'opposition des Véiens qui se plaignaient que leur ville était menacée du même sort que Fidènes."

IV, 61 :

"(2) Ils commencèrent à assiéger Véies. Dès les premiers temps de ce siège, un conseil des peuples d'Étrurie se tint plusieurs fois dans le temple de Voltumna, sans pouvoir décider si la confédération prendrait fait et cause pour les Véiens, et enverrait à leur secours toutes ses forces."

Mais un petit panonceau marron fléchant "tombe etrusche" nous détourne de notre route, nous voilà courant après les tombes des Hescanas (IVème siècle BCE). Malheureusement (et heureusement pour la conservation), la tombe peinte est fermée. En s’engouffrant dans les fourrés à côtés, nous découvrons deux autres tombes à camera (chambres) avec dromos (couloir d'accès). On peut imaginer que la nécropole se poursuit au-delà, dans l'ombre des arbres.

Dans les bois, à la recherche des Hescanas 

En passant par une petite strada bianca chaotique, nous arrivons au site de Campo della fiera. Ici, sur une terrasse en face de la cité, depuis 10 ans une équipe italienne fouille les vestiges de ce qu'on s'accorde maintenant à considérer comme le Fanum Voltumna.

Déception, nous arrivons : toutes les grilles sont fermées et pas un seul petit trou dans la clôture pour s'approcher des vestiges. Accrochées aux grillages, nous tentons de distinguer les vestiges : ce bâtiment massif au premier plan avec des autels doit être le temple A, là ce sont les deux voies sacrées, donc entre, c'est bien le A ! A gauche en opus reticulatum, c'est forcément romain, tient il y a même les mosaïques en place. Mais le temple C, le fameux qu'on attribue à Voltumna, il est où ??

Campo della Fiera, au-delà des barbelés... 

Nous ne le verrons pas, il nous faudra nous contenter de nos souvenirs du musée...

L'histoire du site s'étale sur de nombreux siècles : sanctuaires du VIème siècle BCE, voies sacrées, temples, autels, domus romaine, église médiévale et un magasin au XVème siècle. Mais avec un plan ça sera plus parlant !

Planimétrie des vestiges de Campo della Fiera 
Mobilier retrouvé au Campo della Fiera : terres cuites: déesse,Gorgones, bronze étrusque, cippe fulmine

Les pierres noirs en serpentinite sont des symboles de la divinité, les trous sont des traces de réutilisation romaine, un éclair était incisé dessus. On suppose qu'ils se réfère à Alpe (Apollon Suri, noir).

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La suite de notre voyage nous fait changer de territoire, nous passons dans celui de la cité de Chiusi. Nous nous arrêtons à Sarteano, petite ville au charme suranné.

Un petit musée bien doté d'artefacts et d'explications claires nous introduit dans ce nouvel espace.


Si les rites funéraires de l'Age du fer ressemblent à ce que nous pouvons connaitre ailleurs, au cours du VIIème siècle, l'urne biconique cinéraire villanovienne se transforme en urne anthropomorphe. Cette nouvelle forme ressemblant plus ou moins au défunt est appelée canope par référence au vases égyptiens à tête humaine contenant les viscères. Ici, ce sont les cendres du défunt qui y sont déposées. Le canope est ensuite déposé dans un dolium (très grand vase de stockage) et enfoui sous terre ; on appelle ces tombes, tombe à ziro. Ils peuvent aussi être déposés dans une chambre funéraire. Ce type de sépultures est caractéristique du territoire de Chiusi.

Tombe a camera avec canopes de Macchiapiana 

A travers le musée, nous explorons les différentes nécropoles entourant Sarteano du VIIIème au IIème s. BCE qui livrent d'intéressants artefacts pour la compréhension de l'histoire du site.

Museo Sarteano en vrac 

L'acmè de la journée est la visite de la tombe hellénistique dite du "quadrige infernal". On peut même dire que c'est la raison qui nous a détournées de notre but initial : Chiusi.

En 2003, dans la nécropole de Pianacce, à 5 mètres de profondeur, un dromos de 20 mètres creusé à travers le travertin conduit les archéologues dans une tombe à chambre. Le dégagement de celle-ci révèle sous la terre des peintures. Et comble de la chance, cette tombe peinte, aux conditions de conservation drastiques est visitable ! On peut vraiment rentrer dedans et (presque) coller son nez aux peintures, ce qui est une chance inouïe comme le savent tous ceux qui se sont tordus le cou derrière les vitres sales des tombes peintes de Tarquinia !

Nous pénétrons à notre tour dans cette tombe vieille de plus de 2300 ans, les couleurs semblent dater d'hier ! Encore plus, le sujet est étonnant, un démon infernal roux lance à toute vitesse son quadrige tiré par deux lions et deux griffons dans un nuage de ténèbres, un personnage ailé le précède. Plus loin, on trouve deux hommes au banquet s'embrassant, peut-être les deux défunts de la tombe, servis par un personnage blond. Au fond, le monde des Enfers nous attend avec un serpent à trois têtes et un hippocampe monstrueux. Mais nous ne pouvons rester trop longtemps dans la tombe, il nous faut déjà sortir, les fresques imprimées dans les yeux !

Tombe du quadrige infernal (vers 320 BCE) 

Nous jetons un œil rapide au reste de la nécropole, un espace dédié aux cérémonies funéraires nous attire, mais nous devons déjà partir car des considérations plus matérielles nous appellent : nous avons rendez-vous pour prendre notre airbnb près de Cortone.

Ce logement champêtre est d'ailleurs une bonne surprise, le propriétaire se trouve être directeur du musée archéologique de Cortone ! Lui et sa famille sont en outre très sympathiques et ils nous invitent à la Sagra del piccione ("fête du pigeon"), sorte de grande fête de village où nous nous glissons dans le mode de vie local.

J2
J2
Publié le 7 août 2019

Nous arrivons par un autre côté de la cité aujourd'hui et quelle vue ! Le Duomo et les diverses tours et clochers de la ville se détachent clairement sur le ciel gris matutinal*. Une belle journée en perspective !

Orvieto 

Nous rentrons enfin dans le vif du sujet avec cette journée : les Etrusques ! Au programme museo civico et Claudio Faina, Museo archeologico nazionale, nécropole de Crocifisso del Tuffo et peut-être celle de la Cannicella.

Difficile de tirer une histoire de la cité d'Orvieto, l'antique Velzna, grâce à ces deux musées, cependant ils donnent un bon aperçu des différents sites de la ville, à nous de les remettre dans l'ordre !

Le premier musée s'intéresse surtout à l'établissement des collections par les Faina et à la distinction des divers groupes céramiques. Il est donc très bien pour vous faire l’œil et réviser votre typo-chronologie des bucchero, des vases à figure rouge attiques, etc. Je vous épargne la liste entière et leurs dates mais un élément à retenir, le bucchero est une céramique typiquement étrusque de couleur noir profonde qu'on retrouve du VIIème au Vème siècle BCE. (N'oublions pas que la céramique est l'élément majeur pour donner les datations des structures!)

Muséo  et bucchero 


Il faut ensuite aller à l'autre musée archéologique pour compléter le puzzle : si le cippe du guerrier est d'un côté, le reste du mobiliers (et les explications) sont de l'autre, idem pour les terres cuites architecturales du temple du Belvedere (vu hier). Le Musée archéologique s'intéresse surtout aux nécropoles et aux espaces sacrés ; ici ni carte ni habitat pour comprendre l'organisation du territoire et le quotidien des Etrusques !

Nous verrons les temples demain, promenons-nous d'abord à travers ces artefacts !

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Petites galeries des merveilles étrusques

Cippe en forme de tête de guerrier - necropole Crociffisso del Tufo - 530-520 siècle BCE (Museo civico) 
La "Vénus" de la Cannicella 
Matricide d'Oreste (terre cuite architecturale du sanctuaire de la Cannicella, début Vème siècle BCE, Museo archeo)
Le vieux du Belvedère (terre cuite -fin Vème s. BCE, fondazione Faina) 
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Que pouvons-nous trouver dans les tombes étrusques ? (plein de choses du moins ce qu'ont laissé les pilleurs de tombes ! )

Bien sûr la liste n'est ni exhaustive, ni exacte, le mobilier varie dans le temps et suivant le statut du défunt ou la cité. Exposé ici, à Orvieto, nous trouvons, de la vaisselle de banquet donc des instruments en bronze pour préparer et cuire la viande, et des vases pour mélanger le vin (cratères), le filtrer, le servir (oinochoé) et le boire (kylix, calice). Une panoplie militaire est à noter également. On remarque de nombreux jeux : toupe, dés, jetons. Continuons la liste : des bijoux, miroirs et instruments pour le soin du corps (comme les strigiles), les outils pour filer (bobines, fuseau, fusaioles) ...

Mobilier funéraire en vrac ! 

A Orvieto, nous connaissons deux nécropoles.

  1. Nécropole crucifisso del tufo

Elle est située au nord de la ville et on y trouve des tombes datant du VIII ème à 264 av. J.-C. Elle atteint son apogée au milieu du VI ème et V ème s. BCE, période où elle est notamment réorganisée suivant un plan urbanistique orthogonal ; la nécropole devient au sens propre la ville des morts faite de rues et de quartiers. On note des rationalisations de l'espace similaires dans d'autres cités (à Cerveteri par exemple), mais l'uniformisation ne se fait que sur une ou deux rues, ici une nécropole entière s'organise sur le même modèle : des rues bordées de tombes à chambre construites. C'est un exemple incroyable d'organisation de l'espace funéraire ! On peut interpréter cette uniformisation comme une tentative d'isonomie dans la cité. En plus, la vue en contre plongée sur la cité est très belle ! On envie les fouilleurs de cette jolie nécropole !

Crocifisso del tufo, nécropole d'Orvieto 

Au sommet des tombes, des cippes, pierres taillées en forme de boule, de bulbe ou de colonnette , signalent la présence des défunts. Sur l'architrave, au-dessus des portes, on peut lire les noms inscrits de ceux-ci.

Petit rappel, l’étrusque est une langue non indo-européenne qu'on peut lire (de droite à gauche) car on connait leur alphabet, mais pour le sens, il nous manque toujours la pierre de rosette qui nous permettra d'en percer définitivement les secrets !

"qu'y a-t-il d'écrit ?" 
Crocifisso del tufo 

2. Enthousiasmées par notre visite, nous tentons de trouver la nécropole sud d'Orvieto, appellée Cannicella, nous pataugeons dans les herbes hautes, nous faisons griffer par les arbustes sans succès... pas de traces archéologiques à l'horizon !

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Une fois n'est pas coutume nous faisons le bilan de cette journée sur les rives du lac de Bolsena !

Bello Bolsena ! 

*matutinal = matinal mais pour une fois qu'un mot dérive d'une déesse étrusco-italique : Mater matuta, la déesse du matin... 😉

J1
J1
Publié le 6 août 2019

Jeudi 1er août 2019, premier jour de l'Etruscotour, après quelques tergiversations sur l'objectif de la journée (Terni et ses cascades, le lac de Bolsena, Fonti di Clitunno...), nous tranchons pour Orvieto dont les merveilles nous semblent trop grandes pour être visitées sur le jour et demi prévus initialement. Et nous avons bien fait : quelle ville incroyable !

Mais avant il faut s'adapter à la conduite italienne sur les autoroutes où les camions doublent et les voitures déboîtent au dernier moment sans clignotant...

Imaginez, après un long trajet (temps relatif à cause de la conduite sportive italienne!), une route escarpée nous mène au pied de la porte de la ville (Porte della Rocca). De là on peut contempler un panorama de jolis monts cultivés. Bienvenue à Orvieto, cité ombrienne perchée sur un plateau volcanique (tuf) abrupt dominant les monts et vallées alentours.

Benvenuti a Orvieto ! 

Nous oublions notre faim, et errons dans les rues d'Orvieto à la recherche d'un coin pour pique-niquer et trouver quelques informations à propos des nécropoles étrusques. Nos objectifs très terre à terre sont balayés par la rencontre avec le Duomo d'Orvieto. Les photos ne rendent pas la majesté du lieu, il faut voir de ses propres yeux l'élégance de sa façade, le chatoiement des mosaïques, la finesse des sculptures...

Les Étrusques attendront bien, nous devons visiter ce bijou ! L'intérieur nous émerveille tout autant, nous tombons dans la contemplation et l'élucidation des fresques XVème qui l'ornent.

Petite visite du duomo d'Orvieto 

Après avoir admiré le Duomo sous toutes ses arêtes, nous choisissons de faire un peu d'exercice et de descendre les 248 marches duPozzo San Patrizio, puits construit par le Pape pour alimenter la ville. Sa structure en double hélice est impressionnante. Nous apprécions la fraîcheur qui se dégage de ses profondeurs avant de retourner cuire à la surface.

Mais où sont les Étrusques dans cette étruscotour ?

Les voilà, à la sortie de la ville, les fondations d'un petit temple tétrastyle (avec 4 colonnes en façade), sur podium avec escalier axial de plan typique étrusque (cf. Vitruve, De architectura) (avec 3 cellae) nous attend. Un mur appelé temenos délimite son espace sacré. On le date de la fin du V ème s. BCE*.

Temple du Belvedere - Orvieto (fin Vème s. BCE) 
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Pour compléter Orvieto, il faut aller à Bolsena : la Bolsena antique, Volsini, est le résultat du déplacement des populations étrusques de Velsna (Orvieto) par les Romains en 268 av. J.-C. En outre, la précieuse relique du Duomo d'Orvierto, commémore le miracle de Bolsena et l'institution de la Fête-Dieu en 1264 par Urbain IV. Nous partons donc sur les traces des Étrusques et de l'Eglise.

L'aperçu du lac est comme toujours un enchantement.

Vue du lac depuis le forum de Volsini novi 

Le site, un peu en amont de la ville, est malheureusement délaissé par les touristes. Il est vrai qu'il faut un peu d'imagination pour restituer le forum sous ses herbes et colonnes tombées. Mais une fois passé l'arc à proximité du decumanus, la réalité étrusco-romaine dans tous ses aspects se fait plus tangible : boutiques, habitats (domus) avec peinture, nymphée (fontaine) et pièces de service, et même des latrines!

Opus reticulatum, boutiques et mosaïques 

Mais descendons dans le temps et la ville à la découverte des petites rues médiévales. Et comme nous n'en avions pas assez, nous avons descendu tous les escaliers de la ville à la recherche de Santa Cristina.

Bolsena 

Nous retrouvons le soir l'équipe de fouille de Grotte Scalina à Viterbe qui nous accueille pour les deux prochaines nuits.

Grotte Scalina est un joli site perdu dans les bois de chênes au bord de la Tuscanese (route menant à Tuscania), il s'agit d'une tombe monumentale taillée dans la roche d'une falaise datant du IIIème siècle av. J.-C. La tombe et ses environs sont fouillés par une équipe française dirigée par Vincent Jolivet (CNRS, AOROC) et Edwige Lovergne (AOROC) depuis 2014. Sous le chant des cigales de cette fin de soirée, ils nous donnent de précieux conseils pour la suite de notre périple.

Grotte Scalina 
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*BCE: before common era = avant Jésus-Christ, il s'agit d'une des possibilités d'écritures utilisée dans les milieux universitaires.

J-1
J-1
Publié le 5 août 2019

Le titre de ce voyage n'est pas choisi au hasard, c'est un clin d’œil à une pratique du XVIII et XIX ème siècle. Au XVIIIème les jeunes gens fortunés sont envoyés en voyage pour parfaire leur éducation, la destination phare est... l'Italie et ses antiquités. Puis au XIXème, cette pratique devient l'apanage des érudits, antiquaires et hommes de lettres. On peut noter quelques noms de voyageurs : Madame de Staël, Chateaubriand, Millin... Tout le monde est allé y faire un tour, ou plutôt un Grand Tour !

Bien sûr, pour les historiens, le phénomène est bien plus complexe que cela : les voyages varient dans le temps et l'espace en fonction des contextes socio-politiques (contexte de cours, Empire, etc.) et des voyageurs (aristocrates, négociants ou érudits) ; je vous laisse quelques pistes pour approfondir en dessous ! 😉

Le Voyage en Italie D'Aubin-Louis Millin (1811-1813) 

Mais la pérégrination seule ne suffit pas, un élément nécessaire et essentiel est le carnet ! Ces voyages donnent lieu à une abondante littérature (dite apodémique, (j'ai aussi appris le mot ce soir!) ) et à quelques croquis. Le parfait Grand Tour doit donc être raconté... ici dans un carnet 2.0 !

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Demain, c'est le grand départ ! Direction Rome pour récupérer une voiture (encore merci à la Fondation PAris 1 !!) et Céleste, qui m'accompagnera dans les premiers jours de mon voyage, et me permettra d'étudier pendant qu'elle conduira !

Et après, toute l'Etrurie nous attend !! :D

Préparatifs au lac de Bolsena 
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Jean BOUTIER,Le grand tour : une pratique d’éducation des noblesses européennes (XVIe-XVIIIe siècles). Le voyage à l’époque moderne, n°27, Paris, Presses de l’Université de Paris Sorbonne, 2004.

Gilles BERTRAND et al., Le Grand Tour revisité : Pour une archéologie du tourisme : le voyage des Français en Italie, milieu XVIIIe – début XIXe siècle [en ligne]. Rome, Publications de l’École française de Rome, 2008 Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/efr/1995>.

J-5
J-5
Publié le 4 août 2019
Tous les chemins mènent à ?? 

L'Archéotour continue et change d'horizon : direction le pays des Étrusques, l'Étrurie !

La recette reste similaire : de l'archéologie, des récits, des explications, (beaucoup) de photos, quelques dessins pour en apprendre plus sur cette "mystérieuse" civilisation qui a occupé une bonne partie de l'Italie de la plaine du Pô aux frontières de la Grande Grèce durant le Ier millénaire avant notre ère.

Malheureusement pour cette nouvelle aventure, l'archéoteam doit se séparer, Marie poursuivra ses propres péripéties au sein du monde de l'archéologie préventive (peut-être aurons-nous droit à son récit un jour aussi !) Autre changement, nous visiterons des sites déjà fouillés (et beaucoup de musées), nous aurons donc moins l'occasion de parler techniques et méthodes de travail sur le terrain.

Mais pourquoi l’Étrurie ?

Quitte à voyager en Italie, on pourrait parler des Grecs, du Moyen-Âge, de la Renaissance, des Romains bien sûr et de la multitude de cultures qui peuplent l'Italie avant l'expansion romaine : les Sabins, (vous savez comme dans l'enlèvement des Sabines), les Picéniens, les Lucaniens, les Samnites, les Ligures, les Vénètes ... (j'espère que cette liste piquera votre curiosité !) Sauf que mon domaine, ce sont les Étrusques ! Grâce à la bourse de mobilité de la Fondation Panthéon-Sorbonne, je peux réaliser ce voyage d'étude dans le cadre de ma thèse et vous partager un peu quelques connaissances et jolies images sur ce peuple fascinant !

L'Étrurie traditionnelle (donc le territoire des Étrusques) s'étend entre le fleuve Arno au Nord et le Tibre au Sud et à l'Est, ce qui correspond au nord du Latium et à la Toscane ( et à un petit bout d'Ombrie). Mais les Etrusques se sont étendues au delà de ces frontières naturelles, au nord avec l’Étrurie padane et au sud jusqu'à rencontrer les Grecs.

Etrurie