Carnet de voyage

Cœurs de goélands

68 étapes
278 commentaires
Deux amoureux autour du Monde... en quête de liberté et de rencontres !
Octobre 2019
365 jours
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Bienvenue à vous, famille, ami-e-s, inconnu-e-s de tous bords ! Nous sommes Antoine et Maureen, et nous allons ici vous raconter l'histoire de notre Voyage, entre terres et mers, du chemin de Compostelle à l'Amérique du Sud !

Passons tout de suite aux présentations :

Maureen, 24 ans, récemment devenue psychologue clinicienne, a grandi au pied du massif du Mont Blanc, cultivant ainsi un amour pour la randonnée... et pour la tartiflette de sa Maman. Après sept années d'études, intenses, l'heure est à l'aventure et au ressourcement intérieur !

Ce qui va lui manquer : ses 3257 robes et ses trois p'tits chats (chats, chats...).

Ce qui ne va pas lui manquer : les réveils à l'aube (11h...) et le bruit de la vaisselle dans l'évier qu'Antoine entrechoque maladroitement... !

Antoine, 30 ans, grand amoureux du voyage à vitesse réduite, comédien, animateur et saisonnier agricole à ses heures perdues, a grandi au fin fond de la Sologne, entretenant ainsi sa passion pour les grands espaces silencieux... et pour la berrrrnache ! Après avoir mené une vie de bohème à mi-temps, il décide de réaliser enfin ses rêves d'enfant : partir sur les chemins du Monde en quête de Liberté !

Ce qui va lui manquer : le bon vieux fromage de France et les robes de Maureen.

Ce qui ne va pas lui manquer : l'odeur du métro et Pôle Emploi.


Nous nous réjouissons d'avance de partager avec vous notre folle aventure, et nous vous donnons rendez-vous aux quatre coins du globe !!


Ultreïa !!


Je dirais que ce projet de voyage est un merveilleux entrelacs de rêves. Mes rêves de petite fille, dont le Papa disait qu’elle avait de l’eau de mer qui coulait dans les veines ; d’ado dont les rêves de liberté ont pris racine dans les livres ou les voyages, en terres écossaises et scandinaves ; de jeune adulte voyant enfin l’aboutissement de 7 années d’études et sentant fourmiller l’envie d’ailleurs ; les rêves d’Antoine ; nos rêves d’amoureux. C’est aussi le rêve éveillé d’une nuit blanche, sur la fin de l’hiver, où l’on a divagué les yeux ouverts, des heures durant, sur toutes les mers et les continents du Monde. En sortant marcher vers 6h du matin, nous étions pris entre épuisement, folie, et au creux du cœur, l’esquisse d’une grande aventure, ensemble : tous les chemins s’ouvraient à nous, foisonnant de promesses, de défis, de partage, d’émerveillement, d’Amour… on allait partir, vraiment !


Les mois passant, ce Voyage se concrétise, doucement. On l’ancre en nous, dans notre lien, dans la matière, auprès de nos proches... Du temps du rêve, on passe avec délectation aux temps des annonces, des projets plus concrets, des préparatifs, des anticipations… toujours un pied sur terre, dans le réel des démarches à effectuer et du matériel à acquérir, et l’autre dans l’immensité qui s’offre à nous, avec son lot d’imaginaire, d’évasion, de peurs, d’espoirs.

Cette danse, qui fait déjà partie du Voyage, se fait seuls et à deux : si l’on partage, s’accorde et s’harmonise, on expérimente aussi individuellement, à nos rythmes respectifs, le trajet que fait ce grand projet dans nos têtes et dans nos cœurs : comment il résonne, ce qu’il vient animer, apaiser ou inquiéter.


Et c’est l’essence même de notre route : cheminer ensemble, mais aussi pour soi, concrètement et intérieurement. Se reconnecter à l’essence même de nos Êtres. Pour ma part, j’aspire aussi à décélérer, en douceur, après des années d’une grande agitation, physique et psychique, due aux études, au travail, à la ville, à un mode de vie toujours plus chargé et rapide. J’ai aussi envie de laisser place à l’imprévu, me laisser surprendre, cueillir par la Vie, par ce qu’elle voudra m’offrir, me donner à voir et à ressentir. D’une reconnexion à la Nature, qui m’a tant manquée ces dernières années, j’espère trouver une nouvelle voie d’épanouissement et de reconnexion, soignant aussi, peut-être, le corps des tracas qui le fatiguent depuis quelques années.


Les jours passent, je suis prête, il me tarde !



Maureen.

A chaque fois que j’ai pris l’avion, mon corps, mon cœur et mon esprit se sont fait déraciner violemment. Je l’acceptais, me faisait une raison. Et puis je prenais mon mal en patience. Je tergiversais des heures durant entre inconfort physique et malaise de l’âme. La téléportation, c’est le mot qui m’est venu en tête, dès les premiers vols. L’être humain a inventé avec l’avion une machine qui en quelques heures pouvait l’emmener aux quatre coins du globe. Quitte à perdre le sens du temps et de l’espace. Quitte à raccourcir - jusqu’à presque effacer - le voyage qui consiste à aller d’un point A à un point B. Quitte à se croire surpuissant et ainsi passer à côté de la grandeur du Monde, à côté de la beauté de l’instant et peut-être même à côté de soi…


En 2011, après un an de vagabondages latino-américains, dans l’avion qui me propulsait du Chili, mon pays d’adoption, à la France, mon pays natal, je me suis promis de refaire un jour ce trajet à l’envers mais sans trans-planer, sans téléportation bref : sans avion. Je croyais à la fuite, je ne voulais rien ou pas grand chose à part voyager, je rentrai donc déprimé, abattu, disposé à reprendre mes études, non sans grands dilemmes. Mes rêves de marin passant les îles Canaries pour bouter vers le Brésil m’emmenaient en 2013 – 2014, ou 2015 tout au plus. Je ne savais pas qu’il me faudrait encore cinq années de vie en France avant de mener à bien ce projet fou. Je ne savais pas que je devrais vivre ici, en France, entre joies et déprimes, à planter mes racines, seul souvent, portant les casquettes de comédien, animateur, saisonnier, chômeur, et pas de casquette du tout… Je ne savais pas qu’en 2013 l’amour repousserait d’un an ce voyage, que la méningite en Islande remettrait la partie jusqu’à nouvel ordre et que la peur de s’envoler me clouerait à terre en 2017… Et je ne savais pas non plus que je ne partirais pas seul... Ce que la vie nous réserve !!


Aujourd’hui, à quelques jours de notre départ sur les routes de Compostelle, je suis très heureux de partager avec vous cette grande aventure qui s’annonce : seuls et ensemble, à pieds et en bateau, solitaires solidaires, nous partons, Maureen et moi, pour un long voyage, fait de poésie, de partage et de liberté !!



Antoine.

Nous y voilà !

Après la Haute-Savoie, nous sommes partis ce matin en stop de Sologne et nous achevons cette nuit notre pèlerinage familial, à Montluçon avec Hélène et Pierre-Yves.

Demain soir, nous dormirons au Puy-en-Velay et commencerons notre marche Samedi matin, après la messe des pèlerins !

L'aventure... a déjà commencé !

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Après une nuit à la belle étoile sur les marches de la cathédrale Notre-Dame du Puy... après avoir été réveillés par le curé au petit matin... après avoir assisté à la messe et à la bénédiction des pèlerins... nous voilà partis!

Cette fois on y est ! Buen camino !

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Je l'ai regardée s'éloigner. Longtemps. Lorsque mes yeux ne la virent plus, mon coeur la distinguait encore. Ses longs cheveux gris, les pommes de pin qu'elle lançait dans les airs pour son chien, son allure un peu nonchalante...

J'aurais peut-être aimé qu'elle se retourne. On s'attache parfois à bien peu de choses pour retenir, quelques instants fuyants, ces gens que l'on ne reverra sans doute jamais plus... un signe de la main, qui semble dire à la fois "bon vent", lorsque les doigts s'agitent, et "je garde un peu de toi et de cette rencontre", lorsqu'ils se referment contre la paume... un dernier sourire; un mouvement des lèvres qui sussure des mots que l'on ne peut que tenter de deviner à présent...


Elle s'appelle Josiane. Elle a ouvert sa porte avant que l'on ne frappe, semblant attendre quelqu'un ou quelque chose. Dans sa grande maison vide, où le vent de l'Aubrac s'engouffre par chaque fissure, elle nous a offert un lit, le temps d'une nuit. Dans le village, on nous a parlé d'elle et du fait qu'elle accueillait les pèlerins. Quelques heures plus tard, le mot accueil a pris tout son sens. Josiane s'est livrée, drôle, touchante, sincère et douce. Son enfance à Paris, le premier appartement avec une salle de bain, la naissance de ses enfants, son petit fils, ses grands parents qui vivaient ici, dans cette maison aux portes de l'Aubrac, où elle est maintenant seule. Ou plus exactement, avec Happy, son chien, dont elle confie son amour, sans pudeur. Il semble le lui rendre, vif et câlin, avec des grandes pupilles noires, pétillantes.

Au café du village, on s'est raconté nos vies, on a réchauffé nos corps d'histoires et de bière. En trinquant, on aurait pu se dire "aux chemins": chemin de Compostelle, chemins de vie, nos chemins qui se croisent... on n'a rien dit du tout. Être là, ensemble, voulait déjà dire beaucoup.

Le lendemain matin, nous sommes partis tard, déjà un peu enracinés dans ce cocon éphémère. Elle nous a accompagnés sur le chemin, quelques dizaines de minutes, avec Happy.

Lorsqu'il a fallu se dire aurevoir, elle retournant dans sa maison et nous, transportant notre maison, planait une forme de gratitude qui n'avait nul besoin d'être énoncée.


Pèlerins, voyageurs, si vous croisez Josiane sur votre chemin, ses longs cheveux gris jouant avec le vent et son sourire illuminant son visage, partagez donc un peu de sa solitude, peuplée de rêves, de vécu, d'envie d'être ensemble, de rire et d'histoires à conter.

Et si vous croisez Happy, caressez donc la douceur de ses oreilles et jetez lui quelques pommes de pin... il adore ça!



Maureen.

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Repas en amoureux à l'auberge!
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Onze jours que nous marchons. Il me semble qu'aujourd'hui, 8 octobre à Espalion, nous avons passé un cap.

D'abord parce que Maureen a enfin trouvé de nouvelles ailes à accrocher à ses racines... Et puis aussi parce que nous avons réussi à nous dépouiller de près de quatre kilogrammes, à deux ! Quatre kilogrammes de renoncement, de peurs libérées, quatre kilogrammes de transformation, tels des serpents changeant de peaux... Nous sommes alors partis plus légers aussi dans nos coeurs, plus souples, plus libres, plus autonomes aussi...


Onze jours que nous marchons. Nous en avons déjà vu défiler ! Des champs, des vaches, des forêts, des collines, des randonneurs pressés... Et le plateau de l'Aubrac, si froid, si humide... mais tellement magique !


Onze jours que nous marchons. Il me semble déjà que la somme de mes besoins s'amenuise. Mes joies s'amplifient, mes peines s'écoulent sans obstacles, mes peurs perdent de leur puissance, doucement, tout doucement...


Quelle épopée, quelles aventures encore à venir ! Mon corps, mon esprit et mon âme, à l'unisson chantent un grand MERCI plein de promesses et de don car demain...


... Je marcherai. Elle marchera. Nous marcherons.

Nouvelles chaussures, nouvelles peintures... L'aventure continue !
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Ce matin c'était lessive et séchage du linge!


Qui a dit qu'un pèlerin c'était sale? 😉

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Une bien belle étape, le 10 Octobre.

MERCI Thierry, Nadia et Zahia pour votre accueil !

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Pratique le... triple toit!
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Les photos de notre blog VS la réalité! 😂

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Il y a trois semaines nous sommes venus en stop (et par la voie rapide) au Puy en Velay, pour démarrer notre périple de marche. Hier pour la première fois, nous sommes passés au-dessus d'une autoroute.


Chacun notre tour, à quelques centaines de mètres l'un de l'autre, nous sommes restés bouches-bées devant ce spectacle abrutissant et démesuré. Sous nos pieds, lancés à 130km/h, dans des bolides ultra-sophistiqués, des vies défilaient, apparaissaient et disparaissaient, insaisissables.

Si fragiles... Un coup de volant et la mort est au bout du virage... Et nous, pauvres "piétons", que serions-nous au milieu de ce fleuve torrentiel de ferrailles et de chaires ?!?


Pourquoi ? ... Qui sommes-nous, êtres humains, pour avoir défié Mère Nature avec tant d'orgueil, tant d'insouciantes intelligences ??


Balluchon sur le dos, j'ai parfois eu comme l'étrange sensation de me prendre pour le tout premier voyageur de l'humanité, à l'aube des âges farouches. Et voilà que ce voyageur, naïf et indolent, se retrouve nez à nez avec le voyage des temps modernes !


C'est ce voyage-là qui a façonné beaucoup de paysages que nous traversons. C'est lui qui a dévié nos GR, goudronné bon nombre des chemins où nous avons usé nos semelles. C'est lui encore qui a modifié la géographie des villes, créé des cités dortoirs et les aires d'autoroute. C'est lui, aussi, qui tue des millions de personnes dans le monde. Et c'est lui, enfin, qui réchauffe dangereusement la planète... Bref ! C'est autour de lui que s'est construite notre société.


Mais qu'aurait pu penser ce tout premier voyageur de l'humanité en découvrant que chaque robot lancé à pleine vitesse abritait un voire plusieurs de ses semblables ? Aurait-il crié au miracle ? Aurait-il maudit cette invention titanesque et inimaginable ? Et s'il avait simplement demandé, sans juger et en crispant doucement les doigts autour de son bâton de pèlerin : pourquoi ?

Que lui aurions-nous répondu ?

"Pour aller plus vite.

- Pourquoi aller plus vite ?

- Parce qu'on n'a pas le temps. Pour gagner du temps.

-Mais c'est quoi ça, le temps ?"


Qu'est-ce que le temps ? ...

L'histoire ne le dit pas... En tous cas pas ici ^^ Mais pour ma part, je suis reparti sans réponse et sonné par cette rencontre du troisième type, fier d'être mon propre véhicule, content de pouvoir m'arrêter à ma guise, heureux de suivre des yeux un geai qui, semble-t-il, m'avait identifié comme un être vivant avant que de s'envoler plus loin, curieux de chaque couleur, de chaque vibration, joyeux et comblé à chaque fleur offerte au bord du chemin, mélancolique à chaque feuille tombant et virevoltant dans les airs...



Il n'y a qu'un seul voyage, celui qui nous connecte à l'ici et maintenant : l'instant présent.


Antoine

Le chemin est la destination... ULTREÏA !!
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Il y a quelques semaines...

Mettre mes boucles en place. Y accrocher une épingle ou un élastique. Me maquiller : la peau, puis les yeux. Finir par la bouche, selon l'envie. Choisir des bijoux. Nouer un foulard autour de mon cou, ou le laisser glisser sur mes épaules. Deux pulvérisations de parfum: un pour la peau, un pour les vêtements. Choisir des chaussures. Écouteurs aux oreilles, sac à l'épaule, collants en place. Dernier coup d'œil au miroir. Moue dubitative. La journée pouvait commencer.


Ce matin...

Sortir un bras du duvet, sentir le froid, s'armer de courage, s'extirper en entier. Habillage rapide, méthodique : deux tenues à disposition. Chaussettes sèches, un luxe. Gant d'eau froide sur le visage. Chignon serré, pas trop haut pour la capuche. Sourire embrumé, yeux semi-ouverts:

"T'es belle.

- Gnnnn, bonjour mon amour."

Voix enrouée.

Marchons!


J'ai grandi et me suis construite en temps que femme dans cette société où deux choix semblaient s'offrir à moi : acquérir ma propre force, aux particularités très masculines, bref : "avoir des couilles" ; ou me mettre sous la protection d'un homme.

Dans mon aveuglement, je me suis beaucoup bagarrée ; plus tard j'ai fait de la boxe ; bu autant que mes copains ; bombé le torse ; et gueulé -plus fort que les mecs- que j'avais peur de rien. En parallèle, j'ai espéré un homme qui m'édifierait une prison dorée, où ma vulnérabilité pourrait enfin s'exprimer, lui étant infaillible, supérieur, inateignable.


Mon travail s'amorce, bien sûr, longtemps avant ce Chemin. J'ai la chance d'avoir eu des garde-fous, petite fille, puis adolescente, dans cette société phallocrate et hyper-sexualisante dès le berceau. Et puis la vie s'est parfois chargée de m'enseigner, dans l'épreuve, l'importance de la subtile alliance des énergies masculines et féminines. Souvent en souffrance, déstabilisée ou peu confiante concernant la seconde, j'en fais aujourd'hui une expérience toute autre.


Chaque jour, durant des heures de marche, je porte 16 kilos sur mon dos. Autour de ma taille, je noue un foulard afin de ne pas blesser mes hanches, saillantes.

Je ne me sens pas plus faible, pas plus en insécurité que l'homme avec qui je chemine, et je ne quémande pas sa protection : nous nous l'offrons mutuellement. Je suis envers lui aussi soigneuse qu'il l'est à mon égard. Je ne souffre pas davantage du manque d'hygiène. J'avance, aussi, avec ce qui fait de moi une femme, acceptant des douleurs de règles sous la ceinture ventrale de mon sac à dos ; m'adaptant à la nature et à mon environnement.

Nous évoluons côte à côte, égaux, différents, complémentaires, amoureux.

En ce sens, j'apprends aussi à le séduire loin des apparats, du matériel, du superficiel. Doucement. À tâtons. Un jour après l'autre. D'incertitudes en essais, en leçons.


Mon masculin et mon féminin dansent ensemble, s'enseignent, se soutiennent, s'apportent puissance et reconnaissance. Le chemin est encore long.


Je suis une femme. Une marcheuse. Une pèlerine. Et je suis pleine de forces.

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L'arrêt de Montcuq. À voir !

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J'ai tout quitté de la vie, et je marche sur des chemins de traverse, et j'avance dans un Monde hors du Monde, entre la vie que j'ai quittée et la Vie que je n'ai pas encore, sans savoir si j'arriverai...


Mais je sais pourtant qu'appuyé sur mon bâton, je traverserai des montagnes...


Pour qu'enfin je puisse arriver là où la mort n'existe plus, près du Saint, là où l'Esprit me vivifie et me renouvelle, car ce qui était morcelé se rassemble et ce qui était désaccordé s'harmonise: dans l'unité je revis.


Et je retournerai dans le Monde avec en moi, la force du Vivant.



Auteur anonyme.



L'escalier des pèlerins - Rocamadour
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Nous nous sommes reposés deux nuits dans l'ancien carmel de Moissac!

Une bien jolie étape.

Nous repartirons demain matin, après les Laudes à l'abbaye.

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"Ya un bus à mon nom Maureen... C'est un siiiiiigne, non ??"

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Petite réflexion pseudo philo-psychologique, qui vaut ce qu'elle vaut:


Nous discutions, Antoine et moi, de notre tente. Nous avons remarqué qu'autour d'elle se cristallisaient des enjeux très forts, et je crois qu'elle est porteuse de plein de choses, cette tente!

De la façon dont on a vu nos parents gérer leur lieu de vie (et donc, longtemps, le nôtre), individuellement et en tant que couple; de comment nous avons habité plus tard nos logements respectifs; de nos expériences antérieures de camping; de notre cohabitation à Lyon...

Partant de là, tout prend du sens: la façon dont on la porte, au sens propre et au sens figuré; dont on en prend soin; dont on en assure la sécurité, la nuit; notre manière de choisir ensemble où l'installer; de l'habiter, chacun, ensemble, dans nos solitudes et notre lien...

Cela vient aussi mobiliser des réflexions autour de notre statut de nomades -choix que nous faisons aujourd'hui et certainement pour les mois à venir: cette tente, ce maigre toit que nous portons, tels des tortues leur carapace, que nous remontons inlassablement chaque soir, qui nous abrite vaillamment, est en fait notre Maison: l'immuable dans le mouvant, la sécurité du connu dans l'univers nouveau qui nous accueille chaque jour...

Alors, avec application, à la tombée du jour, nous érigeons notre petit abri vert et fixons ses tendeurs, tels des racines que nous relions à la Terre et qui nous connectent bien au-delà, grâce à la sécurité de ce petit nid d'Amour, aussi éphémère que constant, au sein duquel nous pouvons reposer nos corps et nos cœurs...


Maureen

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Le temps file... Un mois déjà !


La saison que nous traversons nous offre toute la palette de son talent : le contraste !

Un jour il pleut des cordes, le lendemain le soleil nous réchauffe tellement que nous sommes en T-shirt jusqu'à 16 heures. Un jour la brume nous enrobe et fige le moindre paysage, le lendemain c'est le vent qui joue le premier rôle, il fait danser les branches dans les arbres et des pluies de feuilles nous bénissent. Et que dire de ces couleurs, si enivrantes ! L'automne semble se délecter en nous offrant son feu d'artifice de couleurs : du vert au marron en passant par les jaune-orange-rouge... C'est Elle, Mère Nature. Elle nous régale de son bouquet final avant la grande hivernale. Car quelle plus merveilleuse façon de mourir si ce n'est dans une dernière danse ?


Et l'acte V de Cyrano à ma mémoire nostalgique résonne... :


" Les feuilles... Comme elles tombent bien !

Dans ce trajet si court de la branche à la terre,

Comme elles savent mettre une beauté dernière.

Et malgré leur terreur de pourrir sur le sol

Veulent que cette chute ait la grâce d'un vol."


...Toine


https://youtu.be/4otD9PUSU2E

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Qu'en pensez-vous, ça se fête ou ça se pleure ?! 😅

Pour moi ce sera ni l'un ni l'autre tant je savoure chaque petit instant passé à cheminer vers mon coeur, dans cette Nature flamboyante... et près de toi Maureen.


❤👣🙏


Antoine

Aaaaah !!
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Imaginez une petite maison de pierre, aux volets bleus. Le village le plus proche est à quatre kilomètres et ici, pas de véhicule : tout se fait à vélo. Au milieu d'un champ, balayée par les vents et bien emmitouflée dans le brouillard, elle semble être arrivée là par hasard, dans le sac à dos d'un voyageur qui, s'étant prélassé sous l'un des grands chênes, aurait décidé de rester vivre là.

Elle ne paye pas de mine, cette maisonnée toute de bric et de broc, comme marquée par le passage d'une infinité de destins, d'histoires, de vies...

Un drapeau tibétain virevolte dans le jardin, délivrant son message de paix sous ses couleurs délavées par le soleil et la poussière. On a même fait une niche pour un chien errant, à qui l'on a offert non seulement le gîte mais un nom: Milou.

La porte est toujours ouverte. Les pèlerins viennent ici pour se réchauffer, partager un repas ou dormir. Les photos de leurs visages souriants jonchent les murs du petit couloir. S'ils le peuvent et le souhaitent, ils laissent quelque chose, afin de faire vivre l'endroit. Rien n'est demandé.

Imaginez maintenant une grande cheminée, qui occuperait une cuisine modeste, un peu désuette, avec des poutres au plafond et des piles de casseroles dans les placards. Au coin du feu, il y a deux chaises: vous pouvez venir vous réchauffer sur la première. Sur l'autre, derrière la fenêtre au carreau mince et légèrement embué, est installé un vieux Monsieur. Toute la journée, il guette quelqu'un ou quelque chose, sans rien attendre ni espérer, écoutant France Musique ou France Culture, et roulant des cigarettes qui lui jaunissent les ongles. C'est un mélange de mes deux grand-pères : il se prénomme comme l'un, aime le rouge comme l'autre. Naviguant d'un âge à l'autre lorsque, de voûté, famélique et toussotant il relève sa gueule d'ange, souriant comme un gosse devant le gâteau au chocolat encore un peu chaud que je pose devant lui.

Ici, les mots sont choisis soigneusement, ni pour meubler le silence, ni pour faire du zèle.

Les bûches de bois, les livres, la musique et les histoires que l'on se raconte au coin du feu doivent permettre de rechauffer l'interminable hiver, lorsque les pèlerins ont déserté le chemin et qu'au fond des champs et du brouillard, il ne reste plus qu'un chien errant ne voulant pas de la niche construite pour lui, et un vieux Monsieur, voûté sur sa chaise, derrière la fenêtre d'une petite maison de pierre aux volets bleus.



Maureen



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Comme prévu, il fait très froid au Canada...

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J'ai l'impression que la tempête Amélie nous est passée sur le corps...

Des jours durant, nous avons cheminé sous une pluie battante transformant les sentiers en ruisseaux, secoués par des vents faisant tomber des arbres en travers du chemin, glacés d'humidité et trempés des pieds au plus profond du sac à dos.

Nous sommes passés par toutes les étapes: l'auto-dérision, la détermination, le découragement, l'entêtement, l'entraide, la résignation et enfin le renoncement... Douloureux, nécessaire, raisonné, raisonnable...

Les nuits à abriter notre tente sous des préaux ou des chapelles n'ont pas suffit, les replis aux coins de cheminées non plus, les refuges de fortune ne nous ont été que de courts répits s'avérant très vite insuffisants, illusoires même, face au déferlement de la Nature.

Pourquoi marchons-nous ? Que cherchons-nous ? Jusqu'où sommes-nous prêts à aller ? Dans quelles conditions ?

En nous posant ces questions et en constatant qu'après environ 600 kilomètres de marche, les conditions climatiques nous faisaient atteindre nos limites matérielles et psychologiques, nous avons décidé de transformer momentanément notre périple, nous rapprochant en stop des Pyrénées, espérant rejoindre l'Espagne au plus vite, pour y trouver un temps non plus clément, mais qui nous permettrait de progresser dans des conditions supportables.

Là non plus, nous ne serons pas des puristes: nous ne franchirons pas à pieds le col de Roncevaux, déjà enneigé et fermé aux piétons, sous peine d'une lourde amende. Le traverser par une route, dans des conditions de sécurité approximatives ne nous intéresse pas non plus.

Notre marche reprendra donc de l'autre côté de la frontière. Reposés, déterminés, et fiers d'avoir su renoncer.



Maureen

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À nos errances !


À la vie qui danse,

À l'imprévu qui s'invite quand on l'attend pas,

Sans frapper, qui ouvre la porte et qui connaît déjà le petit fauteuil près de la cheminée où il s'installe

Comme si de rien n'était.


À nos errances...

À tous ces projets que l'on croyait

Bien ficelés, bien arrimés, bien accrochés,

À tous ces plans sur la comète, ces châteaux en Espagne, ces Camino francés...

"Je prendrai le bateau" ; "je ne fumerai pas" ; "je ne prendrai pas l'avion" ; "et je ferai ci" ; "et je ferai ça"...


À nos errances.

À nos pères, à nos mères, nos frères et soeurs

Qui nous ont entendu prononcer ces mots et qui,

Silencieusement ont pensé, sagement ont su, lucidement ont cru,

Mais toujours n'ont rien dit...

À leur amour, à leur bienveillance,

À leur tendresse et leur amitié !


À nos errances !

À l'instabilité de la marche, qui fait que l'on manque de tomber à chaque pas

Mais pourtant se rattrape,

Au prodige immense qui fait que l'homme se tient debout,

À cet enfant apprenant à marcher,

Qui tombe, qui tombe et tombe encore

Mais qui inlassablement se relève...


À nos errances.

À la branche de l'arbre qui entièrement se donne, se laisse par les vents ballotter et qui, dans son aveugle confiance, sait bien que l'arbre la tient,

De toute son âme...

...

Et l'Humain s'est levé et l'homme s'est fait Homme et il a marché.

Et à l'intérieur, aux tréfonds du coeur, l'adulte et l'enfant se prenant les mains se sont réalisés...


À l'Amour qui jamais n'a faiblit dans le cœur de la Terre.

À l'Amour des futurs pères et des bientôt mères, tous ces êtres humains qui continuent de vouloir faire des enfants dans ce monde qui s'écroule (!)

Parce qu'ils ont cette invincible douceur au fond du cœur,

Cette bougie qui souvent vacille mais jamais ne s'éteint,


À l'Amour...

À l'Amour qui nous pousse à faire plus de 2000 km sur un coup de cœur,

Venir voir son sang, la chaire de sa chaire,

Simplement lui dire qu'on l'aime

Et repartir, nu comme un verre de Sancerre,

Repartir, comme on est venu...


À l'Amour !

À l'Amour du ciel et de la terre,

À l'Amour des plaines et des collines,

À l'Amour de la montagne,

À l'Amour de l'océan, à cet amour immense et infini qui nous pousse sans raison logique à toujours avancer, à ne jamais baisser les bras.

À l'Amour qui sait que la voile a besoin du marin

Et que le marin a besoin de croire en son cœur.


À cet Amour, véritable, invincible et immortel qui fait que la vie est Vie et que la mort est Vie, elle aussi.


ULTREÏA !


https://youtu.be/ly2IHt74Xhg


Antoine


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Deux-mille cent kilomètres. Vingt heures de route. J'ai subitement si peu de mots...

Tu as traversé la France pour me voir. Pour être là, un Samedi matin, de l'autre côté de la rue, tout sourire et les yeux humides. Pour partager un week-end, simple, puissant. Pour que l'on regarde ensemble l'Océan déchaîné se fracasser sur les rochers. Pour voir nos yeux brillants te raconter nos aventures, notre Aventure. Pour y prendre part, dans la matière. Pour que l'on fasse un bout de chemin ensemble. Pour t'assurer que nous avions des pulls chauds. Pour partager du vin et du chocolat. Pour se raconter nos périples, comme des vieux marins.

Avec toi, tu as amené ce parfum familier, cette sensation rassurante, ce goût qui ravit instantanément les papilles: le connu, un chez-soi immatériel. Dans ce flot d'incertitude sur lequel nous avons choisi de naviguer quotidiennement, dans cette mouvance perpétuelle, tu es venu murmurer à mon cœur l'immuable. L'amour. Les racines. La Famille.

Juste avant la frontière, qui nous séparera symboliquement davantage, avant une nouvelle partie du voyage qui nous éloignera plus encore, tu m'as comme retenue un dernier instant dans le chaud de ton amour paternel, si précieux.

Je ne sais pas encore ce que je suis partie chercher, quelle est ma quête. Mais je sais ce que je retrouverai, ce que j'ai la chance d'emmener dans mes bagages, à travers le Monde, à travers mes recherches intérieures. Dans les jours les plus lumineux et dans les nuits les plus froides.

Et je sais pourquoi je reviendrai.

Merci, Papa.



Maureen

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860 kilomètres en stop et covoiturage, de la France au Portugal, en passant par l'Espagne! Une sacrée aventure 😊

D'ici deux jours, nous reprendrons notre marche vers Compostelle, depuis Porto!


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Bientôt sur myatlas... et après une courte page de... LAVERIE !!

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Je serai pèlerin.

Je marcherai.

Je marcherai sous le soleil trop lourd,

Sous la pluie à verse

Et dans la tourmente.

En marchant, le soleil réchauffera mon corps de pierre,

La pluie fera de mes déserts un jardin.

À force d'user mes chaussures

J'userai mes habitudes.

Je marcherai,

Et ma marche sera démarche.

J'irai moins au bout de la route

Qu'au bout de moi-même.

Je serai pèlerin.

Je ne partirai pas seulement en voyage,

Je deviendrai moi-même un voyage,

Un vrai pèlerinage.


Auteur anonyme

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Au bout du Portugal, alors que nous marchions sur d'interminables pontons de bois longeant l'Océan, impassible Atlantique, nous avons été les subtils témoins d'un spectacle aussi commun qu'extraordinaire.


Au bout du ponton de bois qui menait à la plage, un vieil homme se tenait là, immobile, et qui paraissait comme absorbé.

Mon pas, doucement a ralenti jusqu'à zéro. Et du haut de mon indolente naïveté, j'ai cru capter là, moi petit point lentement mouvant sur ce globe immense, une petite poussière de ce qui se jouait alors d'immensément profond pour ce vieil homme immobile. En voici la substance brute, telle qu'elle m'a été livrée :


" Hola mar, mi querida mar... Hola. Me alivia volver a verte, hoy que tanta tristeza y tanta amargura siento en mi corazón cansado.

Y el Océano le contestó :

" Hola. Me alegra tu visita abuelo. ¿ Pero qué te pasa hoy, amigo mío ? Hace tantos años que te conozco. Pero es la primera vez que te veo tan afligido. ¡ Cuéntame !

Y el viejo suspiró :

" No entiendo al ser humano. No entiendo a mis propios hermanos y hermanas... Ve toda esa basura... ¡ Mira este plástico ! ¿ Cómo es posible ? ¿ Qué pasó, endónde nuestros ancestros se equivocaron ? ¿ Y sobre todo : ¿ por qué no hacemos nada para CAMBIAR ?

- Se parece más a rabia ahora...

- Claro que se parece, ¡ si lo ES ! Claro que siento rabia, encontra deste viejo sistema que está destruyendo el planeta a la misma velocidad que lo poco que queda de humanidad en el Hombre... Claro. Pero...

- ¿ Pero ?

- Pero lo que más me conmueve ahora, sabes, es una infinita tristeza...

Siento tristeza porque Madre Naturaleza habla, entrega, regala su amor incondicional e infinito pero el Hombre no solo queda sordo, sino también la va destruyendo, matando poco a poco, asesinando cada día, más y más. Y con todo esto, me siento como si fuera yo inconsolable...

- Mmmh... Ya veo.

Et l'Océan lui souffla une douce brise venue du large pour le remercier de s'être confié à elle...

Il lui répéta une fois de plus qu'elle l'aimait, de ces amours si purs, sans limites, sans conditions.

Puis, après un silence, lui dit :

"Hermano mío. Quisiera que tu alma se acuerde que la conciencia de la Belleza está en todo el planeta, toda forma de vida y en todos los tiempos. Así que no desaparecerá aquella conciencia con el Ser Humano si este termina por elegir la autodestrucción. Y este plástico ¡ hombre, no te preocupes, que para mí es una broma que durará un décimo de segundo !

También quisiera que sepas que la tristeza y la rabia sí tienen fin, cuando la Fe definitivamente se muda a vivir en tu corazón.

Y al fin y al cabo, abuelo, sepa que Madre Naturaleza ama tanto y tanto a sus creaturas que siempre les dará, a ustedes - Almas que se creen mortales - otras y otras suertes... Así que no todo anda mal... ¿ Qué opinas abuelo ?"



... Je ne sais si le coeur du vieil homme s'est allégé de sa peine ce jour-là. Je ne sais pas non plus si sa colère le quitta : mes pieds m'arrachaient déjà au pays de son coeur pour rejoindre l'Espagne.

Mais au fond de moi, je senti grandir une jeune certitude, fragile et prometteuse... :

Madre Naturaleza habla, entrega, regala su amor incondicional e infinito... Y por fin, algunos seres humanos intentan escucharla.


Antoine

...

À toi


À ton courage, ta détermination,

À tes jeux d'enfant fous et innocents,

À tes chaussures qu'importe la saison,

À tes grandes joies, tes larmes, tes danses,

À ton ode au moment présent...


À la vie à l'amour,

À nos nuits à nos jours,

À l'éternel retour de l'enfance,

Au voyage qui fini,

À celui qui surgit,

Et qui unira nos deux vies...


À moi,

Aux continents que je m'ouvre avec toi,

À mes oublis et à mes pitreries,

À ce soleil que tu mets dans ma vie,

À mes ombres que je n'te cache pas, à mes peurs de vivre avec toi...


À la vie à l'amour,

À nos nuits à nos jours,

À l'éternel retour de l'enfance,

Au voyage qui fini,

À celui qui surgit,

Et qui uni déjà nos vies...


À nous,

À notre écoute et notre bienveillance,

À la beauté sans savoir que l'on donne,

À cet amour immense que l'on rayonne,

À nos silences de circonstance, à nos folies, nos rires, nos transes...


À la vie à l'amour,

À nos nuits à nos jours,

À l'éternel retour de l'enfance,

Au voyage qui fini,

À celui qui surgit,

Et qui a uni nos deux vies...


28 septembre - 28 novembre... Joyeux anniversaire !!


Toine

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Petit chaton... Negrita.

Un matin de marche, tes miaulements aigus nous ont sortis de nos pensées encore embrumées de sommeil. Minuscule boule de poils, tu t'es traînée hors du fossé où tu étais recroquevillée pour venir t'affaler sur les chaussures d'Antoine, et tout s'est bousculé dans ma tête et dans mon coeur... : ta maigreur; ton bassin visiblement décalé; ton poil si doux, si noir, comme mon Yoda; ta patte abîmée; tes grands yeux; ce miaulement implorant, cette route où tu avais du faire la mauvaise rencontre d'une voiture... Et puis nous, attendris et paniqués... Un appel au vétérinaire du village voisin, 2 kilomètres en courant pour t'acheter une boîte de thon, l'attente que l'on vienne te chercher pour te soigner...

Et entre les deux... la tendresse, les caresses... J'ai senti ton pouls ralentir lorsque je t'ai rassurée, serrée contre moi, tremblotante et ronronnante, si fragile...

Apprentie vétérinaire, je me suis félicitée de sentir tes côtes intactes, de voir ton regard vif et alerte, de constater ton bon appétit.

Évidemment, j'ai pensé à venir te rechercher, après tes soins... Évidemment, quand tu es partie dans ta petite cage de transport, j'ai eu un pincement au coeur...

L'après-midi, nous avons parlé de toi, confiants, t'imaginant bientôt adoptée par une famille aimante.


Deux jours plus tard, autour d'un café, avec douceur et chagrin, c'est Antoine qui m'a appris ta mort. Lui l'a appris face à l'Océan. Il n'y a pas de bon endroit pour ces choses là...

J'ai envie, ou peut-être besoin, d'apaiser un peu ma tristesse en me disant que tes miaulements d'appel à l'aide ont été entendus ce matin là; que délaissée des hommes, tu as finalement été accompagnée dans ton dernier voyage. Qu'un surnom, de l'Amour, et un peu de thon, ont réchauffé ton corps fébrile des heures passées au fond du fossé...

Et puis, bien sûr, en pensant à toi je pense à mes chats, qui ont eu plus de chance, à Nina qui a failli nous quitter cet été, à mon petit Eliott qui s'est finalement envolé, une nuit, dans mes bras, contre mon coeur.


Bon vent, Negrita. Tu seras dans chacun des chats libres et heureux que nous saluerons sur notre chemin.


Maureen

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Saint-Jacques, j'ai marché vers toi.

Durant 56 jours, 940 kilomètres, j'ai marché vers toi.

Sous la pluie battante, dans les nuits les plus froides, au cœur de la tempête, j'ai marché vers toi.

Avec mon sac si lourd, mes tendons enflés, avec le mal du pays, le doute et la fatigue, j'ai marché vers toi.

Et en marchant vers toi, c'est vers moi que j'ai marché. Pas à ma poursuite: à ma rencontre.

Pas après pas, j'ai laissé le déluge au dehors pour mettre le soleil au dedans.

Pas après pas, mon sac s'est allégé de peurs et empli de sérénité.

Pas après pas, j'ai soigné mon corps, avec douceur, j'en ai fait mon allié.

Pas après pas, j'ai marché vers toi.

Et demain, tu te tiendras devant moi. Je me présenterai ainsi, paisible, sachant que tout commence.

Je ne marcherai plus vers toi. Je marcherai avec toi, poursuivant chaque jour mon chemin, toujours davantage vers moi-même, riche de ces semaines de marche, de réflexion, de méditation, de ces paysages, de ces animaux, de ces dépassements physiques et psychiques. Grandie. Prête à rayonner d'Amour. Et bercée de confiance, par une foi nouvelle et assumée, par la certitude que tout ira bien.

Et je marcherai encore. Tous les itinéraires sont permis.



Mau.

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"Buen Camino !"

"Bon Chemin !"

"Have a good way !"

Je suis toujours surprise lorsqu'un visage inconnu, les yeux pétillants ou admiratifs, au détour d'un sentier, d'une rue, d'un rayon d'épicerie ou d'une plage nous sait ou nous devine pèlerins, nous souhaitant avec une grande bienveillance l'aboutissement de notre projet et la sérénité dans notre chemin.

À plus de mille kilomètres, au plus profond du massif central, des gens n'ayant jamais quitté leur petit village nous ont vu passer, prêts à parcourir tant de paysages, à franchir tant de collines et de vallées dont, comme nous avant, ils ne soupçonnaient même pas l'existence.

J'ai le sentiment, sans fierté démesurée ou héroïsme fantasmé, de marcher pour ces gens. Pour tous ces gens. Pour ceux qui ne peuvent pas, ceux qui pourraient, ceux qui l'ont fait. Pour ceux qui comprennent, ceux qui s'étonnent, ceux qui s'insurgent. Pour ceux qui en rêvent, pour ceux "même pas en rêve". Pour ceux qui ouvrent leur cœur, ceux qui ferment leur porte.

En amenant jusqu'à eux un peu de mon voyage, de ma liberté, de ma détermination et de mon envie de partage, je m'imagine semeuse de graines, comme tant d'autres avant moi passés par là.

Et les graines feront des arbres, si on les arrose, non?

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1er décembre 2019. Deux ans après mon passage à Santiago, impasse d'un voyage avorté, nous sommes arrivés au bout de ce chapitre pèlerin. Sur le parvis de son enchanteresse cathédrâle, au milieu des badaux, les derniers pèlerins de la saison se mêlent aux touristes. Une humble fierté envahit mon coeur qui bat la chamade... On y est !

Seuls et ensemble, nous passons de longues minutes assis là, sur les pavés de la grande place, à contempler ce trésor d'architecture que des dizaines de millions de pèlerins avant nous ont rêvé, puis atteint. Pourquoi avons-nous entrepris ce périple ? Moi qui abhorre tant la religion, moi, dont les pas solitaires m'ont si souvent guidé vers le chemin le moins fréquenté... Pourquoi ?

...On dit qu'une part de la magie du Camino réside dans le fait qu'à mesure qu'on arpente ses sentiers, on oublie les raisons qui nous ont poussées à s'y engager.

Et c'est peut-être cela le véritable Chemin que je recherche et que j'ai décidé d'emprunter :

Vivre simplement mes rêves sans les rationaliser ;

Assumer pleinement mes peurs et ma lumière même devant ceux qui crient aux autres la peur de leur lumière ;

Contempler avec émoi la splendeur de la Vie qui bat en moi et tout autour de moi, avec lucidité, sans fards et sans subir la tyrannie du mental ;

Faire l'expérience de Qui Je Suis, et construire Ici et Maintenant Qui Je Veux Être, la confiance en étendard, l'Ego au service de l'Âme.


...En sortant de cet Instant d'éternité, nous rions, quelques larmes de grâce s'échappent de nos yeux, nous nous embrassons, comme des enfants heureux. Puis nous décidons d'interpeller une passante afin de nous aider à immortaliser ce moment dans la matière à travers cette photo, pâle reconstitution empreinte de nos plus belles énergies de partage. Puisse-t-elle vous communiquer un peu de cette simple gratitude, de cette joie paisible et incrédule qui nous a traversés en ce premier jour de décembre 2019, autour des 16 heures, à Saint Jacques de Compostelle.


Et à l'heure où j'écris ces quelques lignes, dans le bus qui nous téléporte déjà vers la capitale portugaise, une phrase entendue maintes fois à la fin du Sentier du Paradis (au Mont Saint Michel) me revient en mémoire. Une simple phrase. Elle me souffle la sagesse du marcheur au long cours qui revient à la jungle urbaine de ce qu'on appelle "la civilisation".

Une toute petite phrase, pourtant si profonde et si juste... :

Ici commence le véritable Sentier.


¡ Ultreïa !


Antoine

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... Ça ne vous rappelle rien ? 😉

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Pour le plaisir des yeux, bref aperçu de quelques heures passées au port de Cascais, à la recherche d'un voilier...

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...Quand les corps ont été fatigués de tant et tant de quête quotidienne, sens aux aguets, verbe prêt, jambe légère et regard vif...


Quand d'autres, voyant ce rêve immense et trop vulnérable ont voulu l'enfermer et le monayer au prix fort, et quand il nous a fallut le protéger, le sauver de l'exploitation marchande...


Quand, après avoir marché des centaines de kilomètres, défiant le vent, acceptant l'humidité, composant avec la tempête, l'important était d'Être Ensemble, tout simplement...


Quand de vieux loups de mer aguerris sont venus nous voir avec tendresse pour nous dire qu'aller aux Canaries depuis le Portugal, c'était sûrement trop tard...


Quand chaque jour qui passait nous rapprochait peu à peu des fêtes de Noël et que l'approche des festivités familiales nous rappelait à quel point nous les aimions...


Quand nous eûment épuisé nos affiches, quand toutes, elles trônaient aux ports dans le bruit solitaire des pontons qui craquent et des goélands amusés...


Quand nous réalisâmes que venir à Cascais, entre paix et excitation, pour attendre, ne rien faire d'autre qu'attendre, était dans les plans de l'Univers... Mais peut-être pas plus...

Laisser retomber l'explosion de Compostelle en regardant l'Océan... Mais peut-être pas plus...

Vibrer de partir sur un voilier, leur faire de grands signes, les admirer de loin... Mais peut-être pas plus...


Quand tous ces événements se sont passés et quand nous avons compris que celui tant attendu n'arriverai pas...

Nous avons souri.


... Et alors seulement nous avons pu rentrer.

Et profiter de Noël dans nos familles...


...

Et le 30 décembre...

REPARTIR !!


Antoine


The dream came "through"
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Et, face à l'Océan, nous avons attendu. Attendu un bateau qui n'est pas venu. Lorsque nous l'avons compris, nous avons attendu encore. Ce bateau qui ne viendrai pas, face à cet océan que nous ne traverserions pas...

Cette attente, au bout de la jetée, à l'orée d'un autre monde, fut pour moi la plus douce de toutes.

Ô combien j'ai savouré ces instants d'éternité, faits de chants, de jeux, de lectures et de danses, bercés par le déhanchement des vagues, gorgés d'un soleil hivernal inespéré.

De ce temps suspendu, entre le moelleux du rêve et le goût iodé de la réalité, je garderai cet émerveillement enfantin qui illumina nos visages ; l'émotion dans tes yeux, mon Amour, lorsqu'à travers la vitre du train tu semblais livrer tes secrets et tes espoirs à l'Océan ; et puis ta main dans la mienne dans les marinas ; et puis le sentiment de liberté ; et puis les sandwichs à l'avocat...

J'ai aimé regarder disparaître à l'horizon ces aventuriers des mers, grimpés sur leurs vaisseaux, qui nous saluaient de la main en s'éloignant des terres.

J'ai aimé entendre les récits de leurs parcours passés et à venir, la Méditerranée, Gibraltar, la Norvège, le Maroc ou encore la France et la Finlande...

J'ai aimé le chaud du café dans ma gorge, après plusieurs heures passées sur le ponton.

J'ai aimé nos plans sur la commète, nos doutes, nos rêves démesurés. Et puis notre résignation. Douce. Progressive. Sage. En accord.


Le vent dans le dos, nous l'avons toujours. Hissant la grand voile de l'Amour et de la providence, nous sommes poussés vers nos ports d'attache, où soufflent des vents plus doux, où s'ancrent nos racines, dans le profond de nos terres respectives. Noël à la maison, auprès des nôtres.

Et le voyage continue, continuera. Nous nous envolerons bientôt pour 7 semaines au Pérou. L'adaptation, toujours !

Une année se termine, une autre s'annonce, plus belle encore. Et nous nous délecterons de ses premières lumières... au bord du Pacifique, cette fois-ci!



Maureen

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Partir est avant tout sortir de soi.

Briser la croûte d'égoïsme qui essaie de nous emprisonner dans notre propre "moi".

Partir, c'est cesser de tourner autour de soi-même, comme si on était le centre du monde et de la vie.

Partir, c'est ne pas se laisser enfermer dans le cercle des problèmes du petit monde auquel nous appartenons : quelle que soit son importance.

L'humanité est plus grande et c'est elle que nous devons servir.

PARTIR, ce n'est pas dévorer les kilomètres, traverser les mers ou atteindre les vitesses supersoniques.

C'est avant tout s'ouvrir aux autres, les découvrir, aller à leur rencontre.

S'ouvrir aux idées, y compris celles qui sont contraires aux nôtres.

C'est avoir le souffle d'un marcheur.


Dom Helde Camara

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Nous vous souhaitons une superbe année 2020!

Pour notre part, nous avons savouré les premiers instants de cette nouvelle décennie en admirant les 1001 feux d'artifice illuminer le ciel de Lima. Les favelas se sont parées d'étoiles scintillantes, sous nos yeux émerveillés.

Puisse cette magie parvenir jusqu'à vous ❤

Ouh les petits yeux du décalage horaire!
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Hier, nous sommes partis en combi de Huancayo pour aller visiter le typique petit village de Hualhuas. Nous avons eu droit à une démonstration de tissage de laine d'alpaga, et avons déambulé dans les petites rues calmes.


Puis nous sommes allés à la Concepcion, et avons grimpé jusqu'à la vierge (dur dur avec l'altitude !). Elle est la deuxième plus grande statue religieuse d'Amérique latine, après le Corcovado de Rio.

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Notre découverte d'hier était la laguna de Ñahuinpuquio!

Nous y avons flâné, sous un soleil très chaud, et y avons admiré le paysage durant un long moment.

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Entourés de collines gigantesques, nous faisons face à cette magnifique et improbable lagune. Des touristes limeños arpentent bruyamment tes eaux impassives ou même se promènent en quad, "sin vergüenzas"...


Mais malgré le vrombissement occasionnel de leurs moteurs, malgré les ricanements graves et éclatés des "machos" flottants, malgré la musique incessante du petit complexe touristique à l'autre extrémité de la laguna, l'authenticité de ces lieux féeriques saute à mon coeur affamé. "On est bien, là", me murmure avec douceur ma compagne, plongée dans sa lecture.


Alors, aidé par de bienheureux grillons et par ma respiration que cadence cet horizon, j'entends et je goûte avec passion le silence derrière le miroir du bruit...


Le Silence...  derrière le bruit.

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Après une heure d'attente dans le froid d'un terminal un peu excentré de La Plaza De Armas, nous montons dans un nouveau bus de nuit, qui nous conduidra de Huancavelica à Ayacucho. La pleine lune nous accompagne.

La buée recouvre les vitres de ce car au confort sommaire, dont toutes les lumières intérieures sont rapidement éteintes, afin de permettre aux passagers de s'endormir, recouverts de petits plaids en polaire rouge, mis à disposition.

Dès les premières minutes de ce voyage qui s'annonce long et plutôt inconfortable, je plonge dans une somnolence douce, sans rêves, réchauffée par la présence calme d'Antoine, à ma gauche.

Je suis rapidement tirée de cet état par ma poitrine qui se sert et mon estomac qui se soulève: nous montons, encore, en altitude.

À travers la vitre dégoulinante que nous essuyons régulièrement, un paysage lunaire s'offre à nos yeux ébahis : nous ne cessons effectivement de grimper, et sommes maintenant si haut que la neige recouvre le sol. Dire que mes pieds avaient déjà si froids, sous la pluie, à 3600 mètres d'altitude ! Par les phares au dessous de nous et les virages qui chahutent mon coeur, je devine une route en lacets, qui serpente parmis ces hauts plateaux, se frayant un passage timide au milieu des géants de "Nevados". Je chasse d'ailleurs bien vite cette pensée quelque peu angoissante (Papa, Maman, je vous aime.. !) pour une contemplation silencieuse. Des nuages semblent s'accrocher à des rochers, au niveau de la route, de telle sorte que nous ne différencions plus ce qui est des neiges, des brumes et brouillards, ou du rêve...

Mon état intérieur se prête tout à fait à ce paysage onirique, en lévitation, encore dans le coton de quatre jours de maladie et d'un antibiotique dont je constate les effets sur mon corps et mon esprit.

Nous sommes suffisamment à l'avant du bus pour que des bribes de lumière des phares nous parviennent. La glissière de sécurité, bien que rare et maigrement éclairée, constitue mon seul repère. Il me semble régulièrement que nous quittons la chaussée... notre bus magique s'envole alors et nous planons, quelques instants suspendus où mon souffle se coupe, avant qu'un nouveau virage ne me ramène à la réalité. "Il est prudent, ce chauffeur. J'ai regardé, il n'y a pas de neige sur la route", murmure Antoine avec un sourire rassurant, sans que je n'ai de mots à mettre sur mes ressentis ou mes visions de décollage hasardeux.

Plus tard, installée contre la vitre, à une place libérée par un voyageur péruvien - qui, comme tant d'autres, demanda à être déposé au milieu de la neige et de la nuit - je tentai de prendre une photographie de cet impressionnant spectacle, des sommets enneigés semblant venir poser leurs têtes dans des oreillers de nuages, sous une lune fière et imposante. Tentative de retenir ces instants d'éternité, au chaud dans un bus péruvien qui trottine vaillamment dans le noir et le froid ? Assurance que je n'ai pas déliré tout ceci, dans une transe d'altitude et de médicaments ? Volonté de partage ?

Qu'importe, mon opération "reportage photo" étant bien sûr avortée immédiatement, je vous livre cet aperçu d'un bus dans une nuit pas si noire que ça, où deux "gringos" ont voyagé, de Huancavelica à Ayacucho.


Maureen

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Entre deux bus de nuit, de Huancavelica à Ayacucho, puis d'Ayacucho à Cusco, nous avons passé un Dimanche ensoleillé et chaud à Ayacucho !

Sympathique découverte.

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Petite pierre posée au milieu des Andes,

Si petite mais si grande...

Petite brindille accrochée délicatement,

Sur la branche d'un arbre accueillant,

Premier poteau de bois,

Plancher du nid : jours, semaines et mois...

Premier objet qui Nous appartient,

Nous réchauffe, acte notre lien.


Parfois l'Amour se manifeste dans de si petites choses,

Que si l'on n'y prend garde,

On oublie que dans chaque souffle la Vie nous parle,

Et tendrement nous berce de son Osmose...


À notre nid,

Notre foyer,

Aux orangers,

À la Vie...


Antoine

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"C'est le Pérou !" ...Cette expression, certes peu employée aujourd'hui, me semble contenir, telle une boîte de Pandore, des vérités qui dérangent, et de la plus haute importance.

Découverte inespérée, inimaginée, à peine rêvée, recelant mille et une richesses qui ne demandent qu'à être ramassées, ponctionnées, comme on cueuille une fleur au pied de la montagne.


Mais la Fleur, a-t-elle demandée à être cueuillie ? Mais la Montagne, doit-elle remercier le pilleur qui l'a décharnée de sa Fleur ?


Depuis bien longtemps la Fleur originelle a fâné, certes on l'a remplacée par une pâle copie en plastique mais en vérité, la Montagne est restée orpheline de sa Fleur.

Très vite elle a voulu se redresser, bomber le torse, faire comme si de rien n'était, qu'après tout "la vie continue et puis une fleur quelle importance, après tout une fleur au pied d'une montagne ça n'a aucune valeur marchande une fleur, si ce n'est pour une carte postale", mais on s'en arrange de la carte postale, puisqu'il y a photoshop et cette offense de plastique.


Aujourd'hui rien n'a changé. La Montagne continue de se persuader qu'elle n'a pas besoin de la Fleur qu'on lui a volée, elle veut montrer qu'elle aussi peut vivre sans ce tout petit supplément d'âme, sans sa Fleur. Mais elle le sent bien au fond d'elle même, sa vie, son existence, tout son Être est en manque de sens.


Alors, un jour avant qu'il ne soit trop tard, un jour où le souvenir de sa chère Fleur perdue la rongera tant qu'elle n'en pourra plus, un jour de fête et d'Amour, un jour aux couleurs de Révolution des consciences, un jour où la Terre jaillira sous le béton... Ce jour-là, elle ira voir les sages, ces derniers ermites bien cachés dans ses flancs. Et l'Espoir reprendra racine. Car ils attendent ce moment depuis toujours : ils ont gardé les graines... !


Toinou, petit prince voyageur

Au pays de la Montagne sans Fleur

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Dans un énième bus bringuebalant, à la poursuite de la légendaire MachuPicchu, cité perdue des incas, mon esprit vagabonde et de nouvelles questions viennent s'entrechoquer aux précédentes qui attendaient là, bien sagement, ticket à la main, leur réponses respectives.

Pour interrompre ma plume chancelante, les virages en lacets n'ont d'égal que les géants de roche qui nous surblombent. Une vigoureuse cumbia accompagne le tanguage et le bastinguage de notre embarcation de fortune. De frêles huttes hornent le versant opposé de la montagne, défiant Newton et Galilée : des gens vivent ici ? Et moi je passe... Et nous entrons désormais dans les nuages.


Le Monde est si vaste... Alors pourquoi ici ? Pourquoi le Pérou ?  Pourquoi l'Amérique Latine ?

D'abord mes grands-parents il y a près d'un demi siècle.

Puis mes parents il y a presque deux fois vingt printemps.

Il y a bientôt dix ans je passais onze mois au Chili.

Et maintenant je suis au Pérou !

Quelle farce facétieuse est-ce donc ? Que viennent nous dire ces destins croisés, nos voyages entremêlés, mystérieuse toile d'araignée ? Y a-t-il un petit bouffon de théâtre à l'humour de répétition qui tient les ficelles de nos désirs d'évasion ? Est-ce un jeu sans fin de poupées russes ? Y a-t-il autant de sens que de voyages ? Ou bien est-il possible, par une vue d'ensemble, à distance et en conscience, de voir ce qui nous unit ? Y a-t-il un dénominateur commun ? Comment le retrouver ?


  Certain-e-s diront que c'est comme ça, que je me pose trop de questions, que naturellement, on trasmet ses goûts à ses enfants, ou même que c'est un peu un pèlerinage familial, voilà tout. Et ils auront raison tout autant.

Seulement voilà... Ces réponses me laissent perplexe, à demi satisfait. Et voilà pourquoi je me fait l'archéologue de mon passé, je me proclame le chirurgien de mon présent et je m'érige en écrivain de mon futur.


Mais pour l'heure, j'assiste, bouche-bée, à un spectacle surréaliste : nous vogons dans cette brume des hauteurs avec aisance. Le chauffeur redouble d'exploits ordinaires jouant du klaxon à chaque lacet, jonglant entre frein et levier de vitesse. La trape au-dessus de moi est ouverte, des gouttes de pluie nous parviennent à l'intérieur, des amoureux s'embrassent impassibles, un jeune péruvien vomit tranquillement son choclo con queso (maïs au fromage) pendant que son voisin dort profondément.

Nous passons le col et notre chauffeur amorce la descente, vigilant et serein.


Même lorsque l'on n'y distingue plus rien, même là où l'oxygène se fait rare, même quand on a la tête dans le guidon, ce qui importe n'est pas le voyage en lui-même mais la façon dont on se laisse traverser par ce qui nous arrive.


Antonio "Burro",

Troisième génération à s'entêter du continent latino,

À s'ennamourer du pays des guanacos


PS : Tous nos rêves les plus fous existent déjà, en substance, au fond de nous.

PPS : Pour y accéder, grattez la couche de peurs !

La pierre à 12 angles du mur inca à Cuzco et un troupeau semi-sauvage de Guanacos et Llamas
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Imaginez...


...Une piste éreintante pleine de nids de poules et qui ne mène nulle part,

Un chauffeur qui vous demande de descendre pour que son véhicule puisse monter la côte,

Mille mètres de dénivelé en une heure et demie de "route",

Des chiens qui aboient et courrent après la voiture,

Des maisons de paille au milieu de la colline désertique d'en face,

Des guanacos qui brouttent sereinement sur d'immenses steppes, et d'autres qui escaladent les plus hauts pics rocheux,

Des llamas au milieu du chemin qui refusent de vous laisser passer,

Un conducteur qui de près ou de loin salue d'un coup de klaxon chaque être humain qu'il croise, paysan ou bergère,

Un torrent indomptable aussi rouge que la terre qui l'accueille,

De la mousse vert fluo et des cactus miniatures,

Une arrivée haletante à quatre mille huit cent mètres d'altitude,

Un froid de canard et même, pendant quelques instants, des micro-grêlons qui tombent du ciel,

À peine une petite dizaine de touristes sur un site immense et silencieux...

...Et enfin, un paysage grandiose, indescriptible, à couper le souffle d'émerveillement...


... Ce que vous venez de voir en songe existe bel et bien ! Et cela s'appelle PALCCOYO.

On y découvre une extraordinaire montagne aux sept couleurs,

Une forêt de pierres,

Un homme en habits traditionnels et aux yeux pétillants qui vous fait respirer les vapeurs d'alcool d'une plante ancestrale afin de combattre le mal d'altitude,

Une montagne rouge,

Une vue imprenable sur la vallée et au loin la cordillère blanche,

Un silence extatique...


C'est assurément l'un des plus beaux lieux qu'il m'ait été donnés de rencontrer dans ma vie.

Voici la matière que nos yeux de photographes amateurs ont voulu en garder.


M E R C I


Antoine

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Le Machu Picchu... Afin de partager avec vous cette aventure magique qui nous laisse encore sans mots... voici un petit diaporama !


Maureen


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Au bout de la péninsule de Capachica, à moins de 100 kilomètres de Puno, existe un lieu où le temps s'est arrêté. Aucune voiture. Les maisons semblent vides et il n'y a qu'un seul magasin, tout petit. À quelques enjambées de la plaza de armas déserte - où l'on peine à imaginer des armes ; un petit chemin pavé descend entre les parcelles de maïs et de pommes de terre.

Sur cette plage, un chien baigne ses dread-locks paresseusement, tandis que quelques mouettes bronzent sur les bancs de sable. De minuscules grenouilles en plein pèlerinage contournent de tristes déchets de plastiques, seuls marqueurs visibles de la bêtise humaine. Le clapotis de l'eau rappelle les vagues de l'océan, mais en plus doux.

C'est ici que pour nous, et pour nous seuls, Titicaca a livré quelques miettes de ses plus grands mystères...

.......Mais si vous voulez les connaître, ami-e-s, il n'y a d'autre moyen que celui de vous y rendre aussi ! Une fois sur place, demandez à la brise qui vient du bout de l'horizon, là-bas en Bolivie, demandez aux nuages-éléphants et aux montagnes flottantes, demandez à l'eau qui vit et qui chuchote sa douce mélodie à vos oreilles ébahies, demandez au Soleil qui vous inonde de mercis...


 ...Et là, à coeur ouvert au bout de la jetée, l'esprit muet, le corps transi, je vous en fait serment : vous serez servis.


Antoine

61

Machu Picchu...

Comment raconter ? Comment décrire ce moment si puissant, cette aventure si enivrante ? Comment rendre compte de la magie de ce lieu et du chemin qui y mène ? Comment mettre en phase les mots d'aujourd'hui et les émotions d'hier ?


Mains vibrantes, coeur battant, yeux d'enfant...


Tous les grands aventuriers, à l'heure du retour se sont posé ces questions. Tantôt interdits et mutiques devant l'ampleur de la tâche, tantôt généreux et spontanés, livrant de longues descriptions, ivres de partage et de lien : ils ont toujours su au fond d'eux - tout comme nous, humbles touristes à l'autre bout du monde - que l'entreprise dans son authenticité était vaine, pâle, partielle.

Mais qu'importe, quand le moment est venu, rien ne peut détourner le conteur de son récit. Ce dernier l'habite en sa chaire et c'est justice qu'il lui rend en faisant don au monde de ce que son oeil et son coeur ont gardé de l'expérience vécue.


C'est ainsi que Maureen et moi nous mîmes en route pour Machu Picchu.

Depuis Cusco, nous avions opté pour le moyen le plus économique et le plus courageux : nous nous rendrions à Santa Teresa en bus puis nous marcherions 12 kilomètres d'Hidroelectrica jusqu'à Aguas Calientes, ce village au milieu de la forêt aussi appelé Machu Picchu Pueblo (ou Disney Picchu pour son caractère mercantiliste). De là, il nous faudrait alors monter un grand escalier de plus de 2000 marches au milieu de la jungle pour accéder à la cité inca.

Au-delà de l'effort physique à plus de 2400 mètres d'altitude - doux plaisir de retrouver la marche ! - au-delà même de la magnificence de la Nature nous entourant, c'est peut-être pour moi la force de l'Imaginaire qui a rendu cette aventure si spéciale, si unique, si inoubliable.

Depuis que j'ai découvert en photo ce lieu de secrets et de magie - d'ailleurs je ne saurais dater cette découverte tant elle me semble avoir toujours eu sa place dans mes rêves ! - je n'ai eu de cesse, chaque fois qu'elle est venue me faire signe, de la contempler, de la visiter. Sans en être conscient, je pouvais m'y arrêter plusieurs minutes. Aucune pensée ne traversait mon esprit et je voguais sur les limbes d'une méditation aux allures de voyage dans l'espace-temps.

Lorsque ce géant de pierre et moi-même nous sommes enfin retrouvés, j'ai eu bien du mal à réaliser. Et quand je cadrais mes photos je n'en croyais tout simplement pas mes yeux !

Je me suis pourtant rendu à l'évidence : j'étais là !


Une après-midi entière devant nous, nous avons longtemps contemplé sa splendeur, nous avons lentement flâné dans ses rues, nous avons doucement caressé ses murs ; pourtant Machu Picchu est restée, pour nous comme pour le reste du monde, un profond mystère... :

Pourquoi le peuple inca construisait-il des cités aussi haut-perchées, et a fortiori au milieu de la jungle ?

Comment faisaient-ils pour acheminer ces lourdes pierres ?

Comment vivaient les quelques 500 âmes de cette ville solitaire ?

Pourquoi cette citée, pourtant inconnue des conquistadores espagnoles, a-t-elle été désertée ?


Sur la place principale des ruines, quelques guides prolixes au discours bien rôdé spéculaient d'hasardeuses réponses au milieu d'un parterre de touristes eux-mêmes bien plus occupés à rivaliser de prouesses dans l'art du selfie devant la merveille, afin de témoigner, ô Dieux numériques, du passage de leur petite personne en ce lieu immensément mystique. J'écoutais d'une oreille distraite ces hypothèses déguisées en faits historiques, mais très vite me rattrapait la vibration hypnotique de l'énergie qui flottait autour de nous.

Les mots occultent l'indicible et l'impalpable ne se montre qu'en présence du Silence...


Mains vibrantes, coeur battant, yeux d'enfant...


Quand nous avons repris la route en sens inverse, descendant le grand escalier, arpentant les rues d'Aguas Calientes, marchant le long des rails pour rentrer à Hidroelectrica, nous laissant balloter par le bus imprudent qui nous ramenait à Cusco, j'eus régulièrement le sentiment que nous n'étions plus tout à fait les mêmes. Un peu comme si Machu Picchu nous avait initiés, comme si désormais nous resterions marqués, investis d'une puissante énergie cosmique que notre raison ne pourrait jamais expliquer.


À l'heure où j'écris ces lignes, alors qu'un nouveau bus nous conduit jusqu'en Bolivie, une petite étoile s'est allumée au-dessus de mon crâne et je goûte avec délectation une délicieuse pluie de frissons, secret d'une fée malicieuse... C'est peut-être cela la poudre d'escampette.


...Mains vibrantes, coeurs battants, yeux d'enfant...


Toine

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Jamais un voyage ne m'avait tant poussée dans mes retranchements, tant incitée à travailler et à puiser dans mes ressources internes.


Je suis fatiguée...


À peine remise du décalage horaire et du mal d'altitude, il y a eu le trio "turista - intoxication alimentaire - allergie à l'antibiotique". À l'hôpital de Huancavelica, arrivée dans la salle de consultation des urgences, au milieu d'une quinzaine de personnes examinées dans des conditions matérielles et d'hygiène déplorables, j'ai eu une des paniques les plus violentes de ma vie. J'ai eu peur de mourir, là, comme ça. Mon corps me faisait si mal, ma raison s'enfuyait sans que je ne puisse rien y faire, on me laissait vomir dans un bidon en plastique découpé au cutter, au milieu de tout ce monde, assise sur une chaise, ne me tendant un mouchoir qu'au bout de longues minutes. L'hostilité était palpable. Lorsque j'ai été piquée, après plusieurs tentatives, sur une veine trop fine où visiblement le liquide de réhydratation peinait à passer, j'ai revécu l'angoisse de la ponction lombaire lors de la méningite que j'ai eue, petite. Ce sentiment que tout échappe, que tout peut basculer d'une seconde à l'autre, que l'on perd pied avec la réalité. Antoine, plein de force et d'inquiétude, unique possibilité pour moi de communiquer avec les médecins et de comprendre le peu d'informations délivrées. Cette étincelle de peur quand il a vu mes lèvres devenir blanches, lorsque j'étais si secouée de frissons que je perdais pieds, dans un vide noir et glacial qui m'aspirait.

Oui, dans cet hôpital aux allures de clinique désaffectée des années 70, j'ai eu peur de mourir. Pour quelque chose d'aussi banal, lorsque l'on est touriste, et plus encore lorsque chez soi on a un régime alimentaire déjà si strict et des douleurs intestinales quasi quotidiennes.


Puis il y a, chaque jour, cette violence inavouée des regards, des gens qui se retournent sur nous dans la rue, des choses que l'on nous fait payer plus cher, de l'amabilité ou même de la politesse dont on ne nous gratifie pas...


Les cadavres d'animaux qui emplissent les rues, sur d'immenses marchés sans fin, attachés au soleil, parcourus par des mouches et dont l'odeur se répand à des dizaines de mètres.


L'impossibilité de s'alimenter de façon que l'on pourrait juger de "convenable": simplement négocier pour avoir un plat sans viande (la soupe dans laquelle on a fait faire trempette à une carcasse ne compte pas), des oeufs pas pourris ou autre chose que du riz.


Dans les rues, des dizaines de chiens errants, affamés, en quête d'attention, que personne ne leur donne. Recroquevillés sous des porches, dans les caniveaux, en boule sur des cartons, fouillant les poubelles... On voit parfois des gamins en faire leurs martyrs, les poussant à bout, leur jetant des cailloux, ou même des adultes leur mettant des coups de pieds, par la porte ouverte des combis.


Les enfants... qu'en dire ? Livrés à eux-mêmes dans les rues, collés devant des écrans sous les comptoirs de magasins ou dans des taxis, travaillant parfois, si petits, vendant des souvenirs touristiques dans la rue, prenant des commandes dans les restaurants...


Le plastique envahit tout, partout, est jeté dans la nature, qui s'en retrouve défigurée et sans qu'aucun retour en arrière ou prise de conscience ne semble possible.


La surconsommation bat son plein, dévorante, toujours affamée de nouvelles victimes.


Alors oui, je suis fatiguée. Trop exigeante peut-être, trop sensible ou trop jugeante, mais je crois que ce que j'ai découvert au Pérou, j'aurais préféré ne jamais rien en savoir...



Maureen

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Dans le bus qui nous emmène jusqu'à La Paz, Titicaca nous fait ses adieux.

Perchés sur une ligne de crête d'où dévalent d'anciennes cultures incas en terrasses, le lac nous entoure, de part et d'autre de la route. Bien-sûr il se cache d'un côté, réapparaît de l'autre, pudique et malicieux. Mais en réalité, il nous embrasse une dernière fois, et pour l'occasion, la pluie a cessé de tomber.


Titicaca...

En saluant pour la dernière fois tes eaux millénaires, je repense à tes gloires, à tes tares, tes mystères... Les hommes ont fait de toi une rente, complexe touristique, marché d'affaires. Mais ton histoire et ton âme resteront libres et entières, à l'image de ce lieu immaculé où le temps d'une nuit nous avons eu la chance de séjourner.


...Je vous raconte cette histoire ?


Elle s'appelle Isla de la Luna.

Les touristes viennent tous les matins y faire une courte halte. Cinquante minutes plus tard, photos devant les ruines, café americano et sandwich con huevo, ils repartent vers la Isla del Sol, île voisine, plus vaste et plus attractive.

Une fois les bateaux envolés, amarres larguées et moteurs démarrés, la Isla de la Luna retrouve une vie lente, faite de calme et de silence. Une petite communauté de chaque côté, trente sept familles, pas d'hôpital, très peu de grilles, et l'impression qu'ici, le Temps s'est fait la malle... Emporté par le vent, pris dans les mailles de ses filets, trop gros ou trop grand.

Sans eau courante et sans internet, nous avons surfé vingt-quatre heures durant ce rythme lent, si simple mais si puissant.


...Et soudain l'Âme-agit !

Devant tant de merveilles, le verbe s'arrête, comme endormi.

Seul le coeur sur le corps veille.

Le lac prend vie, happe, soigne même, et jouit !

Quelques brasses dans l'eau de glace, de fières enjambées, sérénités esseulés, diaphragmes essoufflés, et ces Soleils brûlants qui nous embrassent en chuchotant...


Il y a des jours comme celui-là, des instants que l'on n'oublie pas.

Il y a encore des îles qui ouvrent leurs bras, où Mère-Nature doucement vous choie.

Et il y a ce choix que jamais on ne regrettera...


Isla de la Luna.


Antoine

64

Il y a quelques jours de cela, alors que je te confiais être cruellement en manque de verdure, avoir besoin de nature, vouloir un lieu de paix et de calme où poser mon âme, déposer nos armes...

Il y a quelques jours de cela, alors que La Paz nous faisait tourner la tête de ses millions de fourmis ; en quête du moindre signe gentil, avides d'intime...

Il y a quelques jours de cela, sans autre but que de nous donner une occasion unique de célébrer notre amour, tu nous a offert un cadeau. Un cadeau rempli d'audace... :

Une nuit dans une cabane "colibri", éco-gîte au milieu de la splendide Valle de la Luna.


Dans notre petit refuge aux allures de maison de poupée,

Au coin de la cuisine où nous avons mangé,

Autour du feu, ensemble allumé,

Et même jusqu'au balcon du petit déjeuner, festin inespéré...

...Chaque instant partagé dans ce petit paradis m'a enchanté, ému, et fait vibrer.


Et aujourd'hui, en ce 07 Février, pour humblement mais fièrement marquer cette page, je profite de cet espace qui m'est donné pour te rendre hommage, heureux d'être si près de toi depuis plus de quatre mois... :


Que ce jour te soit joyeux, simple et léger,

Que cette journée, aux portes de l'Amazonie, baigne dans les sourires de l'Amour,

Que cette année soit pour toi une vague de millions de petits bonheurs simples : être en vie, vivre ses rêves (peu importe le prix), avoir foi en Soi, en Nous, en la Vie...

Que ce marqueur temporel de ta jeunesse ne soit ni un début ni une fin, mais simplement la continuité de ce que tu es tellement déjà... :


Une petite fée libre et généreuse,

Une grande femme, de puissance et de sagesse mêlées,

Une personne débordant d'amour et de joie,

Une courageuse aventurière à la recherche de la Vérité,

Une grande marcheuse aussi ambitieuse que raisonnable, fière et endurante,

Une voyageuse sensible, curieuse et qui vibre pour ses valeurs humaines,

Une amie patiente, présente et fidèle,

Une amante douce, attentive et passionnée,

Une Âme guérisseuse sur le chemin de la guérison,

Et bien plus encore...


Alors pour tout ça Maureen, MERCI

et surtout...


JOYEUX ANNIVERSAIRE !!!


JE T'AIME,


Antoine

65

Drôle de vie dans drôle de ville !

Aux portes de la forêt Amazonienne, perdue sur une colline, Coroico fait office de dernier bastion avant la jungle. Et pourtant, pourtant quand on arpente ses rues, tout semble des-plus-normal : les commerçants commercent, les taxis crient, les restaurateurs alpaguent et les chiens errent... Mais c'est depuis la petite terrasse de notre modeste et humide hôtel, aux premières heures du matin, après avoir été vigoureusement réveillé à 6h32 par un coq très ponctuel qui logeait sous nos fenêtres... Là, devant l'immensité d'un horizon pudique et facétieux, j'ai ressenti le rythme de la jungle...

Petit Mowgli, où es-tu ?

Je t'imagines bien au chaud sur une solide branche d'arbre, ton petit corps recouvert de feuilles de bananiers, l'esprit encore bercé par la tendre mélodie du pays des rêves, le coeur voguant sur un de ces nuages voraces qui entrent en trombe dans la vallée encore endormie...


...Y amanece, y nos come la nube !


Antoine

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Quelques dizaines d'heures avant le retour, nous nous sommes offert le luxe et l'immense plaisir de jouer dans les vagues de la plage rouge de Paracas.

Enfance retrouvée, bonheur d'être en vie, corps qui exhultent et coeurs à la maison.

Si peu d'images de ces instants éternels teintés de ciel bleu, de désert rouge et d'écume blanche... Mais nous n'en aurons pas besoin : le souvenir a posé son empreinte et les enfants, eux, seront toujours là pour nous le rappeler.


La vie est belle !


Antoine

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Partir...

Boucler le sac, tirer la porte, fermer les yeux sur nos angoisses...

Partir...

Ne prendre que l'essentiel, l'indispensable, ou ce que nous croyions l'être...

Laisser le superflu, le lourd à porter pour le dos, pour les épaules et pour le cœur...

Partir...

Dire aurevoir aux proches, aux lieux, aux choses, à une part de nous-mêmes...

Partir.


Le saut dans le vide, le premier pas, nous l'avons fait.

Sous les voûtes de la cathédrale du Puy en Velay, presque sous les étoiles, cette première nuit-là, j'ai compris que de ce voyage, je ne reviendrai jamais tout à fait. Chaque jour, comme le petit Poucet, j'ai minutieusement semé des petits bouts de moi, tels des elfes, des fées ou des lutins qui ne sauraient vivre ailleurs que dans le creux des forêts, sous la toile de tente ou autour de feux de joie. Ensommeillés, ils attendent mon retour.

Car je reviendrai. Lorsqu'en proie à un quotidien moins libre, à d'autres ivresses plus sombres ou moins nobles, j'oublierai ce qui fut, ce que je fis, et parfois même ce que je suis, je viendrai les réveiller, les faire vivre dans mon coeur. J'approcherai à pas de loup, pour ne pas les effrayer, et je leur murmurerai: "rappellez-moi à vous, racontez-moi les forêts, la toile de tente et les feux de joie. Réchauffez-moi encore, enveloppez-moi de la douceur du souvenir..."


Oui, je suis partie. Et le vent a tant soufflé, balayant de mes poussières, dévoilant de mes trésors et de mes mines. Il est venu me murmurer les réponses, s'est parfois fait tornade, ramenant des profondeurs et du lointain de nouveaux questionnements, tout ce que je n'avais voulu voir, croire, recevoir...


Partir...

Et... revenir?

Quand le voyage a été long, quand les habitudes ont été rompues, quand le temps semble s'être arrêté après notre départ, comment revient-t-on? Que remporte-t-on dans nos maigres bagages? Quel est ce chez-nous qui, pour nos coeurs nomades, ne l'est plus vraiment?


Chaque jour est un retour. La peau encore chaude du soleil du Pacifique, le bâton planté pour la dernière fois il y a déjà bien longtemps, les larmes aux yeux d'un Pérou rencontré avec tant de violence, nous rentrons...


Et, déjà, ce voyage s'enfuit.

Et, déjà, nous sommes prêts à un nouveau voyage. Celui d'une nouvelle vie, ensemble.


Car de toutes les aventures, de toutes les destinations, de tous les voyages... c'est bien celui de notre Amour qui est le plus beau.

Et je prends un aller simple.



Maureen.




Merci pour ce blog, merci de nous avoir lus et suivis, de près ou de loin.

Je vous souhaite de ne jamais cesser de voyager.

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Tout le monde sait commencer un voyage. Peu de gens savent réellement le terminer. Et encore moins, je crois, parviennent à en extraire, plus tard, la substantifique moelle. Y parviendrai-je ?


Si pour moi ce voyage au Pérou fut extrêmement dense et riche en enseignement et en conscience, il n'en reste pas moins que, par souci d'honnêteté, je me dois aussi de faire état d'un certain constat : la désillusion.

Bien-sûr, mon coeur s'est ouvert et mon âme a vibré... Hualhuas, Palccoyo, Pisac, Macchu Picchu, Isla de la Luna, Colibri, Playa Roja... Bien-sûr, nombre de paysages et de rencontres ont capté le noyau Amour de ma présence au Monde. Bien-sûr.

Pour autant, le jeu en vaudra-t-il la chandelle la prochaine fois ? Quand on va chercher si loin quelque chose qui se trouve au fond de soi mais dont on ignore tout, il faut s'attendre à tout rencontrer, y compris la souffrance. Compostelle m'a ouvert les yeux et le coeur pour accueillir le Pérou et ses puissants enseignements... Et le plus grand voyage est celui que l'on fait en Soi. C'est là que je vais aujourd'hui.

Sur ma route il y a toi, Maureen. Toi qui chemines aussi. Toi avec qui je peux tellement être moi-même. Merci pour cet incroyable voyage à deux. Posons nos sacs-à-dos ensemble dans la même maison... Nous ne leur laisserons pas le temps de prendre la poussière !


Ce blog semble vouloir se terminer, afin de laisser émerger quelque chose d'autre. L'ancien laisse place au nouveau...

Merci à toutes les lectrices et tous les lecteurs qui ont permis de le faire vivre. Votre présence derrière ces lignes a réveillé et aiguisé mes envies d'écrire endormies depuis trop longtemps.


Et qui sait, peut-être à bientôt sous un autre format ?


D'ici là n'oubliez pas : la Vie est mouvement, tout change, toujours, sauf une chose : l'impermanence.


Antoine


Tu es plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur